(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
M. A. Vandenpeereboom (page 1053) procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart et donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi ; la rédaction en est approuvée.
Il présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Kempe, ancien maréchal des logis, congédié pour infirmité contractée au service, prie la chambre de lui accorder une pension ou de lui faire obtenir une place. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Clermont soumet à la chambre un projet d'association destiné à assurer à l'Etat des avantages financiers combinés avec la réalisation d'urgentes réformes et d'utiles institutions, et prie la chambre de ne pas créer d'emprunt ni de nouvel impôt, mais d'autoriser le gouvernement à créer annuellement pour quelques millions de bons de l'Etat ayant cours forcé, pour faire face au déficit et pour couvrir la dépense de travaux publics à exécuter. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de Lommel présente des observations contre la proposition de loi qui a pour objet une redevance annuelle sur les prairies ou terres arables irriguées au moyen de certains canaux. »
« Mêmes observations du conseil communal de Neerpelt et du sieur Demulder Tacquenier. »
M. H. de Baillet. - Je demande le dépôt sur le bureau pendant la discussion sur la prise en considération de la proposition de loi, de ces diverses pétitions, et notamment de celle du sieur Demulder. Nous n'avons plus assez de temps pour en demander l'examen par la commission des pétitions. La dernière de ces pétitions fait remarquer que l'adoption de la proposition de l'honorable M. de Perceval serait contraire aux contrats faits entre le gouvernement et les propriétaires de terrains ; elle soutient en outre que la conséquence serait que l'on a abusé de la bonne foi de ceux qui ont acheté les terrains irrigués par le gouvernement sans pouvoir s'attendre à cet impôt exorbitant.
- La proposition de M. H. de Baillet est adoptée.
Par messages du 28 et du 29 mars, le sénal informe la chambre qu'il a adopté :
1° Le projet de loi relatif aux sociétés de secours mutuels ;
2° Le projet de loi fixant un délai pour les réclamations concernant la remise de la contribution foncière du chef d'inhabilalion ;
3° Le budget de la dette publique pour l'exercice 1852 ;
4° Le projet de loi qui proroge la loi concernant les concessions de péages ;
5° Le projet de loi qui annule une partie du crédit alloué à l'article 11 du budget du département des travaux publics pour l'exercice 1852.
- Pris pour information.
MM. Peers et de Royer, obligés de s'absenter, demandent un congé, le premier de quinze jours et le second de cinq jours.
- Ce congé est accordé.
M. Destriveaux. - J'ai l'honneur de déposer divers rapports sur des demandes en naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
M. Allard. - Messieurs, la chambre a renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport, plusieurs pétitions qui lui ont été adressées contre la proposition de loi présentée par l'honorable M. de Perceval.
La commission s'est réunie ce matin, et m'a chargé, messieurs, de vous faire ce rapport.
« Par pétition datée d'Anvers, le 20 mars, les sieurs de Gruytter, Van Putte et Lefever-Mols, administrateurs de la société d'irrigation de la Campine, prient la chambre de ne point prendre en considération la proposition de loi qui établit une redevance annuelle sur les terres irriguées par le canal de la Campine. »
Les pétitionnaires, messieurs, ne font valoir aucun argument contre la proposition de loi, présentée par l'honorable M. de Perceval ; ils annoncent un mémoire qui, disent-ils, contiendra des considérations développées contre cette proposition de loi ; en attendant, ils prient la chambre de ne pas la prendre en considération, et de décider cette question le plus tôt possible.
La chambre a fait droit à la dernière partie de cette pétition, en fixant cette séance pour la discussion sur la prise en considération.
La commission des pétitions conclut, messieurs, au dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion sur la prise en considération de la proposition de loi de l'honorable M. de Perceval.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Allard. - Quant aux pétitions adressées à la chambre par les comices agricoles des 3ème et 10ème districts du Limbourg, et par le sieur Clermont, propriétaire de prairies irrigables à Neerpelt, votre commission des pétitions a l'honneur de vous proposer, messieurs, l'ordre du jour, attendu qu'elles ne sont pas rédigées en termes convenables.
- L'ordre du jour est prononcé.
M. Coomans. - Messieurs, la cause que j'ai à défendre aujourd'hui est d'une si haute importance pour deux de nos provinces, et notamment pour le district que je représente, et j'ai de si nombreux arguments à opposer à la proposition de l'honorable M. de Perceval, que je serai probablement un peu long. Mais comme je vous fais grâce, messieurs, d'un ou de deux discours que j'aurais le droit de prononcer sur le crédit foncier, je vous demande en récompense de m'accorder voire bienveillante attention dans cette question-ci.
Ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire l'autre jour, il y a deux choses dans ce projet de loi : le principe d'un impôt exceptionnel et le chiffre de cet impôt.
Le principe, messieurs, serait juste s'il était appliqué à tous les intérêts privés qui profitent des dépenses faites dans un but d'utilité publique ; si l'Etat exigeait un impôt exceptionnel des riverains des chaussées, des villes dotées de voies ferrées, des terres que féconde le limon de nos rivières et de nos fleuves, des navigateurs qui exploitent le commerce de la pêche avec le concours financier de l'Etat.
Dans cette hypothèse, qui ne s'est jamais réalisée en Belgique ni ailleurs, il serait peut-être équitable, sinon utile, de faire contribuer les propriétés privées de la Campine à une dépense qui leur aurait donné une plus-value. Mais quand des centaines de millions ont été consacrés par le trésor public à de vastes constructions auxquelles les districts qui en ont principalement profité, n'ont contribué qu'au moyen de l'impôt ordinaire, de quel droit, je le demande, messieurs, exigerait-on d'une seule localité des sacrifices considérables, afin d'indemniser le trésor d'une dépense d'utilité publique, dont elle retirerait certains avantages ? Rien, ce me semble, ne légitimerait une pareille prétention, qui serait d'autant plus inique, veuillez-le remarquer, qu'on rélèverait contre des arrondissements déjà maltraités par la nature et par le budget.
La Campine supporte de grandes charges, du moins elle supporte largement sa part de toutes les charges dites nationales, et elle n'a obtenu jusqu'à présent que ce canal tronqué, inachevé, ébauché, qu'on lui envie et qui lui était bien dù au point de vue de la justice distributive.
Le principe du projet de loi de l'honorable M. de Perceval est donc insoutenable. Si ce principe était admis, nous serions appelés à en déduire de grosses conséquences : nous pourrions, nous devrions proposer un impôt spécial non seulement sur les prairies qui longent la Dyle, le Demer, la Lys, la Meuse, mais sur les villes que le chemin de fer favorise, et de ce chef nous aurions un compte assez compliqué à régler avec Malines, centre de notre réseau de voies ferrées.
Je sais bien que l'honorable M. de Perceval est de ceux qui se plaignent de l'extension donnée aux faveurs que le budget distribue ; il est de ceux qui voudraient voir se restreindre la participation financière du budget à des travaux d'utilité privée ou d'une utilité générale assez contestable.
Les honorables membres qui professent cette opinion sont très nombreux dans cette assemblée, il est reconnu au moins en principe que le mal financier dont nous souffrons a pour principale cause l'abus des primes. Messieurs, je pourrais invoquer ici la morale d'une fable que ; vous connaissez tous : les Animaux malades de la peste. Le lion (l'Etat, le budget) souffrait de la peste du déficit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est un mal ancien.
M. Coomans. - Soit, M. le ministre, mais auquel vous ne vous pressez pas de porter remède. Vous promettez depuis longtemps de nous en guérir, mais vous n'avez pas tenu parole jusqu'à ce jour.
Les grands seigneurs, les princes du règne animal, de la zoologie souffraient aussi de cette peste et la signalaient comme un fléau qu'il fallait écarler à tout prix.
Ils se rassemblent, ils discutent à peu près comme nous le faisons maintenant, et ils avouent qu'ils ont péché contre les sacrés principes du libre échange ; qu'ils ont méconnu les dogmes de l'économie politique, la religion du jour ; ils font un examen de conscience, et ils sont unanimement d'avis que certaines dépenses doivent être supprimées ; que plusieurs d'entre eux avaient croqué trop de primes, qu'il faut se résoudre à certains sacrifices. Ils font leur confession ; l'ours de Gand, le tigre de Liège, l'hippopotame d'Anvers, le loup du Luxembourg avaient leurs péchés ; ils ont largement participé au pillage du budget ; ils en ont pris des millions ; ils se proposent même d'en prendre encore. Le renard de Malines déclare que ce sont des peccadilles. L'âne agricole, (page 1054) l'âne campinois parle à son tour : « J'ai tondu de ce pré la largeur de ma langue, » Haro sur le baudet ! s'écrie de toutes parts l'assemblée ; l'âne boit trop d'eau, le malheureux ! il faut la lui faire pajer ! Quant aux animaux, qui ont ont ongles et griffes (et qui représentent les cités manufacturières), ils auront gratuitement ou à peu près le vin et les bons morceaux. Sur ce on dépèce l'âne taxandrien en l'honneur du dogme du laissez passer cl du laissez faire.
C'est là, messieurs, le but de la proposition de l'honorable M. de Perceval. Comme si le déficit que M. le ministre de l'intérieur vient de signaler comme un fléau ancien, non extirpé par la politique nouvelle, devait cesser immédiatement après qu'on aurait imposé à la Campine une charge accablante, qui ne vous procurera jamais 200,000 fr., même en supposant que l'état actuel des choses se prolonge sous le régime de la confiscation légale préconisé par l'honorable député de Malines.
Messieurs, chaque année nous entendons d'honorables membres, et je crois que M. de Perceval esl du nombre, réclamer, à l'occasion du budget des travaux publics, des dépenses assez considérables pour améliorer le lit de certaines rivières. La Dyle a joué un grand rôle dans ce pétitionnement parlementaire. Tantôt il s'agit d'obtenir que l'Etat construise une digue, afin que le débordement des eaux fertilisantes de la Dyle ne passe pas la zone des prairies.
Tantôt il faut une digue pour empêcher que ces mêmes eaux n'aillent gêner les laboureurs qui exploitent les terres arables. C'est toujours l'Etat qui doit faire ces dépenses. Je ne sache pas que l'honorable M.de Perceval, ni aucun autre honorable membre de cette chambre, ait dit qu'il fallait que les propriétés riveraines de la Dyle contribuassent aux frais de ces travaux. J'ignore si les riverains du canal de Schipdonck seront appelés à contribuer à un travail d'utilité nationale qui donnera une plus-value à leurs propriélés. Voilà pour le principe.
Quant au chiffre que l'honorable M. de Perceval propose et auquel, je pense, il ne tient pas considérablement, et pour cause, quant au chiffre, il est d'une exagération telle qu'il équivaut à la confiscation du sol. (Interruption.)
Le chiffre de 50 fr. n'existe plus, me dit l'honorable M. de Perceval ; je ne sais si le chiffre a été formellement retiré ; mais en supposant qu'il fût réduit à 20 fr., savez-vous quelle est la différence entre le chiffre primitif et le chiffre réduit ? C'esl la différence qu'il y a entre la mort par strangulation et la mort par inanition ? Si M. de Perceval nous fait cette concession, s'il formule ce prétendu amendement, je dirai : Quelle étrange concession ! quel déplorable amendement !
Mais le principe contre lequel je m'élève principalement est inique et dangereux. Inique, je crois l'avoir démontré ; dangereux, spécialement pour la Campine ; et si M. de Perceval réduisait son chiffre, fût-ce à un centime, et il ne descendra pas si bas, j'y ferais la même opposition qu'au chiffre de 50 francs ; car le centime établissant le principe de l'impôt exceptionnel, peut devenir demain un franc et après-demain une pièce d'or de vingt-cinq ; et devant ce principe de l'impôt exceptionnel et probablement progressif, le défrichement s'arrêtera et avortera.
L'honorable M. de Perceval veut faire du gouvernement un vendeur d'eau de pluie, un Auvergnat en grand ; mais l'honorable membre est fort cher ; je vais le démontrer.
Le canal de la Campine a coûté la somme de 4,720,000 fr. à 5 p. c. ; c'est une charge annuelle de 236.000 fr. Or, l'honorable membre vendrait l'eau du gouvernement 50 fr. par hectare, et 25,000 hectares pouvant être irrigués, il obtiendrait un revenu annuel de 1,250,000 fr. (Interruption.) Je le prie de vérifier si ce calcul est exact. 1,250,000 fr., dis-je, soit la bagatelle de 26 p. c. des capitaux consacrés au canal, ou de 33 à 36 p. c, en comprenant les produits probables de la navigation ; je dis probables, je pourrais dire certains, car le jour n'est pas loin, si la législature y met de la bonne volonté, où les revenus commerciaux du canal couvriront l'intérêt de toutes les dépenses de construction, d'exploitation et d'entretien.
Ainsi vous le voyez, messieurs, un revenu usuraire de 26 p. c. à charge de l'agriculture seule ! L'eau claire que le ciel nous donne si libéralement (surtout depuis quelques jours), l'eau claire que les despotes les plus fiscaux n'ont jamais songé à imposer, qui oncques n'a été mise à prix que par le bédouin ou l'Arabe du désert, devient une fameuse ressource financière entre les mains de l'honorable M. de Perceval ; il la signale à l'honorable M. Frère comme une source féconde, comme un élément solide de recettes !
Je ne sais pas encore quelle esl l'opinion de l'honorable ministre des finances sur la proposition de M. de Perceval ; j'espère qu'il la combattra, quoique sortie des rangs de ses amis, mais j'espère surtout que nous trouverons autre chose que de l'eau claire dans les projets financiers de l'honorable ministre.
Voici qui est plus fort, messieurs ; cette eau du canal de la Campine qu'on veut vendre plus cher que si c'étaient les flots du Pactole ; cette eau, avec laquelle l'honorable membre veut régénérer le budget, et laver la politique nouvelle du reproche de n'avoir pas le génie de l'impôt ; cette eau ne nous appartient plus, elle a été vendue le jour où les bruyères irrigables ont été aliénées. C'est le cas de dire : non bis in idem.
Permettez-moi de vous fournir la preuve de cette assertion. L'article 19 des contrats d'aliénation porte :
« Les adjudicataires jouiront, aussi complètement que possible, de l'eau nécessaire à l'irrigation des lots qu'ils auront acquis ; seulement, et ainsi qu'il est dit à l'aricle. 17, ils se conformeront au roulement général pour tous les riverains du canal, qui interviendra ultérieurement, afin d'éviter tout abus, tout gaspillage des eaux. »
Cet article donne aux acquéreurs un droit positif que les tribunaux consacreraient selon toute probabilité, s'ils étaient appelés à se prononcer entre le gouvernement et l'industrie privée, Il y a cent procès cachés derrière la proposition de M. de Perceval, qui profiteraient anx avocats plus qu'au trésor.
Cet article a figuré dans tous les contrats de vente : il est très formel ; selon moi, c'est l'aliénation positive de l'eau du canal de la Campine. S'il pouvait y avoir le moindre doute à cet égard, il serait levé par les déclarations unanimes faites par le gouvernement et par tous ses fonctionnaires que l'eau était acquise gratuitement aux acquéreurs des bruyères ; c'est ce que l'honorable ministre de l'intérieur, qui me fait un signe alïinnalif, et tous ses agents ont dit et redit à l'industrie privée, c'est l'opinion générale dans toute la Campine, où l'application rétroactive du projet de loi serait considérée comme une sorte de guet-apens.
La gratuité de l'eau a donc été promise, le droit à l'eau est positif, le droit à l'eau et la gratuité de l'eau sont des droits autrement clairs et limpides que le droit au travail et la gratuité du crédit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le pain doit être aussi à bon compte.
M. Coomans. - Oh ! M. le ministre, si vous le voulez j'allongerai mon discours, et nous entamerons la question des céréales, nous en sommes bien près.
- - Un membre. - C'est inutile.
M. Coomans. - Je réponds à une insinuation, peut-être à une provocation de M. le ministre. Je suis prêt à traiter l'incident. (Interruption.) Je me bornerai à affirmer de nouveau à l'honorable ministre de l'intérieur, que je désire autant que lui que le pain soit à bon marché, à vil prix ; je voudrais même que tous les Belges pussent manger le pain gratuitement ; mais je ne veux pas que les travailleurs qui produisent le pain meurent de faim, qu'on les exproprie de fait pour cause d'utilité publique, sans les indemniser. Voilà toute la différence entre l'honorable ministre de l'intérieur et moi.
L'honorable M. de Perceval est sous l'empire d'une erreur, d'une illusion, s'il le veut, que je dois dissiper ; il croit à des bénéfices fabulenx réalisés par les défricheurs de la Campine, au moins par ceux qu'on pourrait appeler les chefs du défrichement, par les directeurs des grandes entreprises. Cette erreur est aisée à réfuter.
D'abord, messieurs, 25 mille hectares sontirriguables ;2 mille environ sont irrigués jusqu'à présent, un millier d'hectares seulement est en train de l'être ; 22 mille hectares sont donc encore à la disposition du public, de lotit le monde, y compris l'honorable M. de Perceval, qui rendrait à la patrie, à l'agriculture spécialement, un grand service, en faisant l'acquisition de quelques milliers d'hectares et en y enfouissant ses capitaux pour leur faire rapporter des fourrages.
D'autre part, le gouvernement est fort embarrassé aujourd'hui de se défaire de quelques centaines d'hectares qui lui appartiennent et qu'il a préparés à l'irrigation ; il ne trouve pas d'acquéreurs ; il les appelle en vain ; il y a eu adjudication et réadjudication ; les amateurs ont souvent fait défaut, même avant la proposition de l'honorable M. de Perceval ; aujourd'hui, il n'est plus question d'acquisitions de ce genre, aussi longtemps que la chambre ne se sera pas prononcée nettement.
Si le défrichemement par irrigation donne de si gros bénéfices, comment se fait-il que cette industrie soit si incomplètement exploitée, alors que 22,000 hectares irrigables sont à vendre, alors qu'ils sont accessibles à tout le monde, alors que chacun peut en prendre sa part, et que l'eau du canal coule pour tous les défricheurs, grands et petits, sans exception, sans privilège, sans favoritisme d'aucun genre pour qui que ce soit ?
On sait calculer, dans notre pays ; et certes des propriétés rurales qui donneraient 17 p. c. ne resteraient pas délaissées, en présence des autres immeubles qui ne donnent que 2 à 3 p. c.
Mais M. de Perceval confond le bénéfice du cultivateur avec le revenu du propriétaire. Ce dernier peut se contenter de 2 à 3 p. c ; tandis que le cultivateur exploitant doit avoir 15 à 20 p. c, sous peine de se ruiner. Or, tous les défricheurs sont jusqu'à présent propriétaires.
L'honorable membre a cru qu'une société d'irrigation, qui s'est formée à Anvers, a réalisé des bénéfices fabuleux ; il voudrait bien en faire verser une partie au trésor, comme si l'Etat avait le droit de prélever un impôt exceptionnel sur les bénéfices d'une entreprise ! Pareil principe appliqué au commerce et à l'industrie aurait d'étranges conséquences, à part le côté odieux et impraticable de l'application.
M. de Perceval sera peut-être fort surpris d'apprendre que les bénéfices faits par cette société n'ont pas dépassé les bénéfices que peuvent faire tous les agriculteurs ; que pas une seule action de cette société, reconnue depuis dix-huit mois par la voie du Moniteur, n'a été placée ; que toutes ces actions qui doivent, selon l'honorable membre, donner de si beaux dividendes, se trouvent encore dans le portefeuille de la société, probablement à la disposition de tous les amateurs. Je prie mon honorable adversaire de me dire nettement ce qu'il pense de cette révélation.
N'est-il pas clair, messieurs, que si le défrichement par irrigation était une opération si lucrative, on ne laisserait pas, surtout sous le régime de la gratuité de l'eau, tant d'hectares inoccupés, inféconds, qui sont là non pas à la disposition de quelques élus, mais à la disposition de tout le monde. Et ici je rencontre une erreur grave de l'exposé des motifs écrit par l'honorable membre. Si la société anversoise faisait ou devait (page 1055) faire d'énormes bénéfices, comment se fait-il qu’elle n’ait pas placé d’actions, pas une seule action.
Je ne suis pas dans les secrets de cette société, mais je crois qu’elle placerait ses actions sans prime aucune. Avis à ceux qui désirent s’enrichir !
Messieurs, je crois pouvoir affirmer au nom des cultivateurs expérimentés, au nom des organes de la science, au nom de tous ceux qui se sont occupés en dernier lieu de défrichements, que le produit net d'un hectare de bruyère irrigué ne dépasse pas le produit net d'un hectare de prairie situé n'importe où dans la Belgique.
Par conséquent, où serait le motif d'imposer une charge exceptionnelle à ces prairies irriguées ? Au lieu de les favoriser, vous les mettriez dans une position pire que les meilleurs prés de la Dyle.
Je disais tout à l'heure que l'honorable membre avait eu tort de parler des privilèges dont jouiraient certains défricheurs ; qu'il n’y en a pas ; que les bruyères préparées par le gouvernement et mises en vente, sont à la portée de tout le monde et qu'il y en aura encore dans un quart de siècle peut-être. J'ajoute que je verrais volontiers l'honorable M. de Perceval participer à son tour au défrichement de la Campine ; il rendrait un service tout particulier non seulement à l'agriculture, mais aux ouvriers dont il aime à prendre la défense dans cette enceinte.
A ce propos je lui dirai que le défrichement par irrigation orcupe, au moment où je parle, treize cents hommes, chiffre officiel qui représente plusieurs milliers de bouches ; et qu’en 1850, on leur a distribué 160,500 fr. de salaire, ce qui revient à 123 francs par individu. Quel bienfait pour la classe ouvrière dans un pays pauvre, où la population laborieuse répugne à mendier et où le plus modique salaire suffit à ses besoins !
Messieurs, si le défrichement continue dans les proportions qu'il a prises depuis quelques années, nous pourrions espérer de voir le nombre des ouvriers doubler bientôt. Prenez-y garde, ce résultat heureux vous le manquerez, non seulement ; mais, si vous adoptiez la proposition de l’honorable membre (elle n'a, selon moi, pas la moindre chance de l’être, l’attitude de mon bienveillant auditoire m’en donne l'assurance) ; mais si vous la prenez seulement en considération. Le maintien de la menace qu’elle contient, ce serait le renvoi immédiat de ces treize cents ouvriers, la plupart pères de famille.
Il est vrai, messieurs, que le canal de la Campine a coûté 4,720,000fr. et que le revenu est aujourd'hui insignifiant. Mais à qui la faute ? A la législature qui a laissé le canal incomplet et qui ne l'achève pas. Il a été reconnu plusieurs fois dans cette enceinte, par le gouvernement lui-même, que si le canal de la Campine était achevé, il produirait largement le revenu nécessaire pour couvrir les intérêts du capital, et peut-être, pour l'amortir à la longue. Je vois avec plaisir l'honorable ministre des travaux publics me faire un signe d'assentiment.
Et puis, messieurs, ne dirait-on pas, à entendre M. de Perceval, que le canal de la Campine ait été construit pour l’agriculture seulement ? mais il n’en est rien. Je doute même qu’on ait beaucoup songé, dans le principe, à l’approprier aux besoins de l’agriculture. Le canal de la Campine a surtout été construit en vue de favoriser le commerce et l'industrie, de relier la Meuse à l'Escaut. Ici j'en appelle au souvenir de tout le monde ; c'est une entreprise commerciale, une entreprise industrielle qui ne devait pas profiter à Moll, à Rethy, à Arendonck, autant qu'à Namur, à Liège et à Anvers.
Le transport des houilles, de la chaux, des pierres, profite aux localités qui les produisent et au commerce autant qu'aux villages de la Campine qui les consomment.
Ensuite, messieurs, j'appelle toute votre attention sur ce point, le canal de la Campine, quoiqu'il soit aujourd'hui plus spécialement utile à l'agriculture qu'au commerce, n'a pas coûté un centime de plus de ce chef. Quand même le canal de la Campine n'aurait pas servi à l'agriculture, il devait se faire et il aurait coûté exactement la même somme, car le nombre des écluses, des ponts, des siphons, des aqueducs est invariable.
Une autre erreur de mon honorable adversaire est de croire que l'emprunt des eaux du canal de la Campine au profil de l'agriculture entrave la navigation ou peut l'entraver plus tard, et nuit aux ouvrages d'art. Il n'en est rien, absolument rien. L'écoulement des eaux est très faible et la détérioration des ouvrages d'art est non seulement insensible, mais imaginaire.
Là-dessus, M. de Perceval acceptera, je pense, le témoignage des hommes compétents. Ce témoignage, je l'ai déjà, en ce qui me concerne ; c'est une question de fait complètement résolue dans mon sens.
Quant aux prises d'eau, aux rigoles, le gouvernement n'a pas dépensé un centime de ce chef. Tout lui a été remboursé par les acquéreurs de bruyères irrigables, tout, plus un certain bénéfice. Non seulement l'Etat n'a rien perdu, mais il a réalisé des bénéfices qui se montent, je pense, à 25,000 francs environ. Voilà encore une erreur détruite.
Me demandera-t-on pourquoi l'Etat favorise la création de prairies artificielles ? Pourquoi il la favorise de préférence à la transformation des bruyères en terres arables ? Il le fait pour un motif bien simple, bien rationnel, c'est qu'il faut commencer par le commencement. Quel est le commencement pour l'agriculture campinoise ? C'est la création de l'engrais local, car aussi longtemps que les défricheurs seront obligés, comme ils le sont aujourd'hui, de faire venir de fort loin des engrais artificiels ou autres, le défrichement restera une opération très chanceuse et forcément limitée.
Mais la transformation des bruyères en terres arables prendra un grand développement quand les cultivateurs de céréales pourront se pourvoir de foin sur les lieux mêmes. C’est pour cela que la proposition de l’honorable membre ne porte pas seulement sur les prairies ; ce n’est pas seulement la création des prairies artificielles qu’elle entravera ; c’est la transformation en terres arables qu’elle empêchera. En c sens, j’ai pu dire qu’elle atteint toutes les bruyères, car lorsque vous ne ferez plus de prairies, comment aurez-vous du bétail ? comment aurez-vous de l’engrais ? comment enfin labourerez-vous ?
Messieurs, l'honorable membre est moins libéral, qu'il me permette de le lui dire, moins libéral, plus fiscal et plus lésineur envers l’agricultue que des gouvernements qu’on aqualifiés de rétrogrades. Il y a deux siècles environ, un savant ingénieur, un habile architexte, et, ce qui vaut mieux, un bon citoyen, Wenceslas Coeberger, le Kummer de ce temps-là, affligé de voir la Flandre occidentale couverte de marais, de terres infécondes, fit de grands efforts auprès des archiducs Albert et Isabelle pour obtenir des sommes qui lui eussent permis de procéder à la transformatîon de ces terres en champs productifs. On l'écouta d'abord avec bienveillance ; mais il y eut quelques savants à cette époque qui dirent que la Belgique avait assez de terres arables, assez de prairies ; qu'il n'était pas nécessaire d'en créer de nouvelles ; d'autres, les ultra-financiers d'alors, dirent aux archiducs :
« Comment ! vous iriez prêter, avancer ou donner (il s'agissait d'abord de prêter], vous iriez prêter 60,000 florins (somme énorme pour le temps) à un rêveur qui vous promet de convertir en bonnes terres quelques milliers d'hectares de marécages et de bruyères ! Gardez votre argent. »
Wenceslas Coeberger ne parvint pas, pendant de longues années, à convertir le gouvernement ; mais cet excellent Belge ne se découragea pas, et il obtint enfin la somme qu'il demandait ; elle lui fut donnée sur la cassette des archiducs ; elle ne fut jamais remboursée, parce que les premiers essais furent coûteux, parfois malheureux, et parce que les propriétaires privés qui avaient gagné beaucoup à ces travaux d'assèchement et de défrichement refusèrent pourtant de contribuer à la dépense. Les archiducs ne réclamèrent rien ; ils laissèrent faire, et, afin que cette œuvre eût un plein succès, afin qu'elle se généralisât, ils décrétèrent en même temps que toutes les terres mises en rapport seraient affranchies de tout impôt pendant un demi-siècle.
L'honorable M. de Perceval ne sera-t-il pas surpris, confus, de se voir distancer en fait de libéralisme par un archiduc clérical et une archiduchesse non moins cléricale ?
Messieurs, je suis convaincu que l'honorable membre n'a pas agi par intérêt personnel, mais je dois dire que quelques personnes ont applaudi à sa proposition parce qu'elles craignaient pour leurs foins la concurrence des foins de la Campine. Or, ces personnes peuvent se tranquilliser parfaitement sous ce rapport : quelque notables que soient les récoltes de foin de la Campine, d'ici à un demi-siècle elles ne nuiront à personnes, car elles seront annuellement absorbées et au-delà par les besoins locaux.
A mesure que le défrichement avance, à mesure que les bruyères qui ne sont pas susceptibles d'être irriguées sont mises en rapport, il faut des fourrages, et je ferai remarquer, en outre, qu'en supposant que les 25,000 hectares de bruyères irriguables soient irriguées, la quantité de foin qu'elles produiront ne sera pas encore suffisante pour répondre aux besoins de toutes les terres non susceptibles d'irrigation.
L'honorable député de Malines a recommandé plus d'une fois à la chambre l'établissement du crédit agricole. Ce but, je veux l'atteindre avec lui ; mais, à son insu, il s'oppose à un véritable crédit agricole, car le petit paysan qui ne peut pas faire de prairies artificielles qui coûtent très cher en Campine, aura la faculté de se pourvoir de foin dans les grandes prairies ; on lui fera crédit, comme on le fait déjà, pour 6 mois, 8 mois. En lui avançant des fourrages on lui donne de l'argent : l'herbe et le foin lui sont indispensables, c'est donc lui ouvrir un crédit réel que de former des prairies et d'en mettre le produit à sa disposition.
Et puis, messieurs, on dirait vraiment que le canal de la Campine ne produit aujourd'hui que les quelques milliers de francs qui figurent au budget des voies et moyens du chef des recettes de la navigation.
Mais le canal a exercé une immense influence sur la fortune publique, et ceux-là qui nous objectent toujours, à nous, qui voudrions voir s'élever les produits du chemin de fer, qui nous objectent toujours, dis-je les produits indirects du chemin de fer, ceux-là devraient surtout apprécier mon argumentation.
Veuillez remarquer, messieurs, que, il y a (erratum, page 1083) 25 ans, les bruyères se vendaient 20 ou 25 fr. au maximum ; qu'en 1842, lorsqu'il s'agissait de construire le canal, elles montèrent à 50 fr., et qu'elles se vendent aujourd'hui 150 fr. En 1853 on aura irrigué 5,000 hectares, qui représenteront une valeur de 2,000 fr. par hectare, soit 6 millions. Ainsi le canal a déjà produit un supplément de fortune nationale de 3,850,000 fr., rien que du chef de la possibilité de l'irrigation. Plus tard l'accroissement de la valeur foncière et l'action incessante du Code civil, dont on vous parlait l'autre jour, feront entrer des recettes notables dans la caisse de l'Etat.
L'honorable M. de Perceval ne veut pas accorder de primes aux bruyères belges, il ne veut pas leur accorder une légère prime, une prime d'eau, qui ne coûte rien au trésor. Cependant il y a quelques jours, l’honorable membre aurait bien voulu prendre pour hypothéque des bruyères de l'autre monde ; dans l'affaire de M. le comte de Hompesch, l’honorable membre était de ceux qui par un sentiment très généreux, que je (page 1056) partageais moi-même, auraient voulu courir des chances financières assez hasardeuses en faveur du développement de la colonie de Santo-Tomas.
Eh, messieurs, ne serait-il pas plus raisonnable de commencer par la Belgique et d'encourager d'abord le défrichement des landes belges ?
Ici je parle contre mon intérêt, car je ne possède pas un pouce de terre dans la Campine, et je suis propriétaire à Santo-Tomas. (Interruption), ce dont je ne me vante pas. (Interruption.)
La canalisation de la Campine est une œuvre bien plus nationale, bien plus urgente et bien plus rationnelle que la colonisation du désert que nous possédons à titre précaire dans l'Amérique centrale. Si l'on avait appliqué à la Campine, à notre propre sol les efforts qu'on a déployés, avec un succès très problématique, en faveur de Santo-Tomas, la tache que les bruyères de la Campine laissent encore sur la carte de la Belgique aurait déjà disparu.
Messieurs, je vais finir, nos irrigations sont un travail modèle ; des ingénieurs étrangers sont venus les étudier avec des missions officielles. Ils en ont fait un éloge mérité. En Prusse, on va appliquer le même système de l'intervention de l'Etat sur une étendue de 2,000 hectares, et le conseil général du département du Loiret entre dans la même voie pour défricher les bruyères de la Sologne.
Messieurs, plein de respect pour la prérogative dont nous jouissons tous, de déposer des projets de loi, je voterais volontiers la prise en considération de celui de l'honorable membre, même avec l'intention préconçue de repousser la proposition, lors du vote définitif, si la menace de ce projet de loi n'était pas de nature à nuire considérablement aux intérêts agricoles de deux de nos provinces. Aussi, je supplie la chambre de ne pas prendre la proposition en considération et de consacrer ainsi le principe de justice dislribulive que j'ai invoqué et justifié au commencement de mon discours.
M. de Perceval. - Messieurs, la chambre comprendra qu'après le discours assez incisif de l'honorable M. Coomans, j'éprouve le besoin de lui répondre ; je dois à l'obligeance de mon honorable collègue et ami, M. David, qui vient de me céder son tour d'inscription, l'avantage de pouvoir parler immédiatement après l'honorable député de Turnhout.
Messieurs, la proposition de loi que j'ai déposée sur le bureau, dans la séance du 22 mars, et dont vous avez autorisé la lecture, renferme une question de principe et une question d'impôt. Je ne m'occupe pas, pour le moment, du chiffre que j'avais fixé pour la redevance ; j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que, pour moi, le taux de cette redevance devenait accessoire.
Je tiens d'abord à faire appliquer dans la Campine les mêmes principes que le gouvernement a adoptés dans toutes nos provinces, en matière de péages, sur les canaux, les rivières, les chemins de fer de l'Etat, enfin sur toutes nos voies de communications.
Dans cette discussion, je ne suivrai pas l'honorable membre jusqu'à Santo-Tomas ; c'est un peu loin, et le débat pourrait bien s'y égarer, je resterai en Belgique et sur le terrain de ma proposition.
Messieurs, il est, en matière de gouvernement et de politique financière, un principe que le simple bon sens comprend et approuve et que la législature ne saurait méconnaître. C'est que l'Etat est en droit de demander l'impôt, là où il crée la richesse. Ma proposition de loi est une conséquence logique de ce principe.
Je prie l'assemblée de vouloir bien prendre en considération mon projet de loi. Pour le justifier il me suffira d'en faire l'analyse.
Voyons si elle est basée sur la justice, sur l'équité, si, enfin, elle est conforme aux idées saines et pratiques d'une bonne administration. C'esl à ce triple point de vue que je vais défendre ma proposition.
Je le répète, je ne m'occupe pas, pour le moment, du chiffre de la redevance ; c'est une question très accessoire ; quand mon projet de loi aura été examiné dans les sections et par la section centrale, lorsqu'il s'agira d'en discuter les détails en séance publique, ce sera alors le moment de fixer le taux de la redevance, et je vous prouverai que ce chiffre qu’on dit si exagéré, si exorbitant, si ruineux pour les propriétaires des prairies irriguées par les eaux du canal de la Campine, que ce chiffre existe en France, et particulièrement dans les départements du Midi, en Italie et en Lombardie.
Ma proposition blesse-t-elle les notions de justice ?
Messieurs, l'Etat fournit aux propriétaires riverains dzs canaux en Campine un puissant élément de fécondité. Le principe des redevances est établi dans notre législation ; et pour me servir d'une expression plus ou moins heureuse de l'honorable M. Coomans, je dirai que depuis bien longtemps l'Etat est Auvergnat en grand sur la Meuse, le Rupel, la Dyle, le Demer, etc., etc., sur le canal de Charleioy, sur nos fleuves et nos rivières.
L'Etat prélève l'impôt ou la redevance sur nos routes, sur nos chaussées, sur toutes nos voies pavées et ferrées. Vous avez même la redevance des mines.
Quand le gouvernement fournit, par suite d'une dépense de 10 millions qu'il a faite, un élément de fécondité à une fraction du pays et à une certaine catégorie de propriétaires qui en profitent exclusivement, il peut, je pense, demander à ces derniers l'impôt, la redevance.
Ce qui est étrange, ce n'est pas ma proposition de loi, mais plutôt la position prise par les parties intéressées s'efforçant de nier un droit et un principe qui reposent sur la justice.
Comment ! l'Etal devrait continuer à distribuer gratuitement un élément de fertilité qu'il n’a pu amener au milieu de leurs propriétés qu’à l'aide de dépenses énormes supportées par le trésor public, et on viendrait aujourd'hui lui contester la faculté de réclamer le payement d'une sorte de marchandise qui donne à ceux qui en font usage un bénéfice considérable ?
Ce que je ne puis comprendre, en vérité, ce sont les idées émises par l'honorable M. Coomans au sujet du principe qui est déposé dans ma proposition de loi.
Chose étrange ! depuis que j'ai déposé mon projet de loi, la situation de la Campine a changé du tout au tout. Hier, on y faisait encore des affaires magnifiques ; des sociétés particulières annonçaient, dans de pompeux programmes, qu'elles avaient jusqu'à 17 p. c. de bénéfice.
M. Kummer, l'ingénieur chargé du service des irrigations, constate, à chaque page des nombreux et savants rapports que j'ai sous les yeux, que les propriétaires des prairies irriguées font 15 p. c. de bénéfice. J'ai le malheur de prendre au sérieux les 17 p. c. de bénéfice accusés par des sociétés particulières, et les rapports qui émanent des agents du gouvernement et qui, par conséquent, sont revêtus d'un caractère officiel ; je dépose une proposition tentant à réclamer pour l'Etat une petite part de ces gros bénéfices, et tout à coup on change de scène et de langage. Les 17 p. c. descendent jusqu'à 2 ou 3 p. c. ; les 15 p. c. indiqués par M. Kummer s'évanouissent et l'on se ruine dans l'exploitation des bruyères, des terres et des prairies de la Campine.
Je fais un appel au simple bon sens de l'honorable M. Coomans lui-même, et je lui demande si c'est là une conduite honorable, digne, marquée au coin de la loyauté et de la franchise ? Que devons-nous croire, nous, membres de la législature ? Les bénéfices de toutes ces compagnies privés n'existaient donc pas, et leurs réclames vis-à-vis du public n'étaient donc que du charlatanisme ? Devons-nous mettre en doute la véracité des rapports que le gouvernement nous distribue chaque année sur les travaux de la Campine ?
La compagnie était-elle dans le vrai quand elle annonçait un produit annuel de 17 pour cent ? M. Kummer disait-il la vérité quand il constatait un revenu annuel de 15 p. c ? Qui dois-je croire aujourd'hui ? Est-ce l'honorable M. Coomans, qui vient déclarer maintenant que la Campine est aride et très pauvre ; que les propriétaires des terres ou prés ne font aucun bénéfice ; qu'ils perçoivent à peine annuellement 1 à 2 p. c ? Est-ce le gouvernement, qui nous communique les rapports des ingénieurs chargés d'exécuter les travaux ? J'appelle toute l'attention de la chambre sur les rapports de M. Kummer. J'y ai trouvé que les propriétaires des prairies irriguées font 15 p. c. de bénéfice pour la première année.
Il résulte des calculs de cet ingénieur distingué et compétent, que dans certains endroits on récolle jusqu'à 150 fr. de foin par hectare. Je ne saurais, quant à moi, trouver la moindre exagération dans ces rapports, puisqu'ils sont confirmés par les actes de vente des notaires qui habitent la Campine. Je suis donc en droit de dire à M. Coomans que c'est lui qui est dans l'erreur. Car les allégations de M. Kummer trouvent leur appui dans les actes de vente des notaires. Il doit m'être permis, en conséquence, d'y ajouter foi et de les prendre pour guides.
Mais je ne m'arrête point là. Je vais opposer M. Coomans parlant le 31 mars 1851 à M. Coomans parlant le 1er mai 1849. Je ne sais si l'honorable membre a souvenance des discours et des rapports qu'il a faits sur la Campine. Quant à moi, lorsqu'il s'agit de cette partie de notre pays, je prends note de toutes les paroles prononcées par M. Coomans, car je reconnais sa compétence. Etant député de l'arrondissement de Turnhout, il doit connaître et apprécier bien des choses, me suis-je dit souvent, que moi, député de l'arrondissement de Malines, je dois ignorer ou méconnaître à mon insu.
Voici ce que je trouve dans un rapport que M. Coomans présenta à la chambre le 1er mai 1849, à l'occasion d'une requête qui nous fut adressée et par laquelle les pétitionnaires nous demandaient la concession de certains avantages dans la Campine.
M. Coomans disait :
« Le sol de la Campine ne diffère pas essentiellement des meilleures terres de la Flandre, de celles du pays de Waes, par exemple, considéré aujourd'hui comme le jardin de l'Europe. »
Jardin de l'Europe ! Première contradiction. Les tristes et arides bruyères dont l'honorable préopinant nous parle aujourd'hui, pouvaient en 1849, être comparées pour le sol au pays de Waes !
Continuons. Je trouve dans le même rapport :
« Mais l'ingénieur Kummer a le mérite d'avoir bien démontré l'excellence de ce système, en joignant la pratique au précepte. Le canal de la Campine, à la construction duquel il a largement participé, permet d'arroser plus de 20,000 hectares. Toules les bruyères situées au-dessous du niveau des eaux peuvent être transformées en prairies. »
Ainsi, en 1849, l'ingénieur Kummer était une autorité pour toutes les questions qui se rattachent au défrichement et à l'irrigation ; à cette époque, sa compétence ne pouvait être révoquée en doute ; notre confiance dans ses lumières et dans sa science devait être pleine et entière. Aujourd'hui, les rapports de cet ingénieur sont marqués au coin de l'exagération, les faits ne correspondaient pas à tout ce qu'il a écrit au sujet des produits des terres irriguées de la Campine !
Continuons encore (c'est toujours M. Coomans qui parle) :
« Les communes d'Overpelt et de Neerpelt offrent des échantillons très remarquables de ces entreprises. Plusieurs d'entre nous ont pu s’assurer que l’herbe obtenue dans ces prés artificiels est aussi touffue que (page 1057) dans la plupart des prés naturels. Ajoutons que la qualité du foin est bonne. Dans les années de sécheresse la récolte est particulièrement belle (…)
« L'engrais n'est pas indispensable. Les expériences de M. le bourgmestre d'Overpelt sont décisives à cet égard. Toutefois si l'on veut obtenir des produits dès la première année, il faut répandre sur le sol pour 150 à 200 francs d'engrais par hectare. Les composts sont préférés. Si l'on joint à cette somme 650 à 700 fr. de main-d'œuvre, et le prix d'achat de la bruyère, on trouve que l'hectare bien défriché revient à 950 ou 1,000 fr. Le produit moyen des dernières années a été de 150 francs, soit 15 p. c.
« Ces résultats sont si avantageux et si assurés qu'on est surpris, au premier abord, du peu de concurrence que les défricheurs rencontrent. Quelques centaines d'hectares seulement ont été mis en rapport depuis trois années. Mais l'étonnement cesse quand on réfléchit que les capitaux sont rares et que l'irrigation ne peut être généralement pratiquée avec bénéfice que sur des terrains d'une assez grande étendue, à cause des travaux d'art que nécessite la construction des prises d'eau et des rigoles d'alimentation. Il n'y a guère que des hommes riches ou des sociétés qui puissent faire une avance de fonds aussi considérable. »
Voilà donc M. Coomans qui déclare lui-même que le produit moyen des dernières années s’est élevé à 150 fr., soit 15 p. c. !
Nous sommes déjà bien loin des deux ou trois pour cent dont parlait tout à l'heure l'honorable membre.
Je pourrais continuer la lecture de ce rapport. Je me bornerai à l'indiquer à mes collègues et je les engage fortement à le lire, car il contient des données précieuses sur la situation de la Campine. Il a été présenté dans la séance du 1er mai 1849. M. Coomans, en 1849, n'avait donc pas les idées qu'il vient d'émettre sur le principe et les conséquences de ma proposition de loi.
Voulez-vous une preuve plus remarquable, plus évidente encore de la fertilité des prairies de la Campine ? Je la trouve dans un passage du rapport de M. Kummer inséré au Moniteur du 3 août 1848. Elle vous étonnera ; elle m a également surpris. Je cite textuellement :
« Les fortes sécheresses sont très nuisibles aux prairies de cette vallée (la Meuse) : les irrigations garantissent nos prairies contre ce danger.
« Après la première coupe des foins, dans la vallée de la Meuse, les prairies servent le plus ordinairement de pâturage aux bestiaux.
« Les prairies irrigables de la Campine produiront en général une deuxième coupe de foin, puis elles serviront encore à pâturer les moutons. »
Ainsi les prairies de la Campine donnent deux coupes de foin et peuvent encore servir à faire paître les moutons.
Il est incontestable que la plus-value des terres irriguées en Campine existe ; j'en trouve la preuve dans les rapports officiels des agents du gouvernement.
Ne perdez pas de vue, messieurs, que les prairies qui longent la Senne et le Ruppel ne donnent pas à beaucoup près un produit aussi élevé que celui accusé par M. Kummer pour la Campine.
Je pense vous avoir démontré que, sous le point de vue de la justice, ma proposition ne saurait être loyalement combattue. Voyons maintenant si elle est inique, comme le prétend bien gratuitement M. Coomans ; voyons si elle blesse l'équité.
Les propriétaires qui se sont rendus acquéreurs de prairies irriguées ont dû prendre connaissance de certaines clauses des cahiers des charges ; ils ont su à quelles conditions ils achetaient les biens qu'ils allaient exploiter.
Plusieurs de mes honorables collègues de la chambre, des membres du sénat ont fait dans la Campine des acquisitions assez considérables ; ils doivent connaître aussi ces clauses et ces conditions. J'y vois un article 17 qu'il m'importe de vous lire, parce qu'il justifie en tout point ma proposition.
« Art. 17. Les adjudicataires s'obligent dès à présent à se conforme aux règlements et aux prescriptions qui pourront intervenir afin de déterminer l'usage des eaux nécessaires à l'irrigation de leurs fonds, ainsi que la construction et l'entretien des ouvrages qu'il pourrait être utile d'établir ultérieurement dans leur intérêt commun. »
Puis il y a encore un petit article premier des clauses supplémentaires, conçu en ces termes :
« Les adjudicataires jouiront, aussi complètement que possible, de l'eau nécessaire à l'irrigation des lots qu'ils auront acquis ; seulement, et ainsi qu'il est dit à l'article 17, ils se conformeront au règlement général pour tous les riverains du canal, qui interviendra ultérieurement, afin d'éviter tout abus ou gaspillage des eaux. »
Ainsi, vous voyez que le cahier des charges reconnaissait et prévoyait que tôt ou tard une redevance serait établie, sinon pour le prix des eaux, au moins pour réglementer l'usage des eaux.
Et, messieurs, voulez-vous une preuve que la distribution et l'usage des eaux doivent être réglées dans un bref delai ? La voici : M. Kummer émet, à la page 166 de son rapport de 1849, les considérations suivantes :
« Avant que de nouvelles zones de bruyères soient préparées à l'irrigation, à l'intervention de l'Etat, on aura résolu le problème du volume d'eau indispensable à l'arrosage ; ce volume d'eau sera déterminé par l'un des articles du cahier des charges et comme maximum mis à la disposition de l'acquéreur ; le mode de construction du module distributeur sera également indiqué, et toute difficulté sur cet objet important se trouvera alors complètement résolue. »
Ainsi, vous voyez que l'Etat, que l'administration, ceux en un mot qui ont rédigé les cahiers des charges (cahiers des charges dont les conditions ont élé acceptées évidemment par les propriétaires qui ont'acquis des terres préparées à l'irrigation), ont inséré une réserve pour le chiffre éventuel d'une dépense à payer par les propriétaires.
La loi du 10 février 1843, concernant la canalisation de la Campine, a déjà frappé d'une redevance ou d'un impôt toutes les propriétés riveraines du canal. Elle les a divisées en cinq zones, chacune de 1,000 mètres de profondeur, et elle a exigé, pour les propriélés de la première zone, par hectare, 2 fr., de la deuxième zone 1 fr. 40, de la troisième zone 1 fr., de la quatrième zone 60 c. et de la cinquième zone 40 c.
Et à cette occasion, je demanderai au gouvernement pourquoi il n'applique point cette loi ? Le texte en est cependant clair et formel. Le gouvernement est là armé d'une force dont il a tort de ne pas faire usage. Je n'aime point un cabinet qui n'exécute pas les lois.
Les propriétés riveraines de chaque section du canal doivent déjà payer une annuité, et cependant, il faut le dire, elles ne tirent pas, comme les propriétaires des prairies irriguées, un bénéfice direct, un élément de fertilité immédiat du canal de la Campine. Pourquoi cette redevance a-t-elle été insérée dans la loi du 10 février 1843 ? Parce que cette grande voie de communication que l'Etat allait construire, donnait une valeur importante aux terres de cette partie du pays qu'elle traversait. Et néanmoins toutes ces terres ne profitent pas au même degré et comme les prairies irriguées, des eaux du canal de la Campine.
N'est-il donc pas juste et logique de demander la redevance à celles de ces propriétés qui puisent, pour ainsi dire, leur richesse, leur fécondité dans le canal qui a été creusé à grands frais par les deniers de la nation ?
Je dis que ces prés tirent leur fertilité des eaux du canal. Il est prouvé, en effet, par le rapport de l'ingénieur Kummer, que ces eaux constituent un bon engrais et en tous points suflisant ; en les employant, il n'est plus du tout nécessaire de fumer les prairies.
Je vous ai dit que ma proposition élait équitable. Il y a plus ; l'idée de la redevance n'est pas nouvelle, car depuis deux ans elle a été agitée par la presse.
Un organe considérable de l'opinion publique (le journal « L’Indépendance belge ») qui a jugé convenable, dans son numéro de ce jour, de se déclarer l'adversaire de ma proposition qu'il considère maintenant comme injuste, inopportune et préjudiciable aux intérêts du trésor, avait en 1848 (numéro du 9 septembre) sur la question de la redevance les opinions que je professe aujourd'hui. Il en fixait le chiffre à 20 fr.
L'attention du pays avait donc déjà été appelée sur ce point.
Mais, à l'appui de mon système, j'ai une autre autorité bien plus importante pour la législature ; je l'invoque, parce qu'elle est de nature à faire impression sur vos esprits.
Le conseil supérieur d'agriculture, créé par l'honorable comte de Theux, s'est également occupé de la question de la redevance. Voici ce que je trouve dans un rapport signé par MM. le comte Dubus de Ghisignies, président, Bellefroid, secrétaire.
Vous savez, messieurs, que le conseil supérieur d'agriculture est composé de toutes les notabilités agricoles et horticoles du pays.
« Pourquoi l'Etat, dit le conseil supérieur d'agriculture, qui, en creusant des canaux, en prêtant ses ingénieurs et son crédit, ouvre aux communes cette source de profits, n'en prendrait-il pas sa part pour se payer de ses peines et couvrir l'intérêt de ses avances ? Tout travail mérite salaire : celui de l'Etat, quand il se résout en bénéfices immédiats pour des citoyens ou pour une communauté, doit être rétribué comme celui de tout autre entrepreneur. Rien n'est plus légitime ; il y aurait même de l'injustice à enrichir les uns avec le bien des autres et aux dépens de la majorité. Quand une commune, en Campine, gagne par l'intervention de l'Etat dix mille francs, là, où abandonnée à elle-même, elle n'en gagnait que mille, il est juste, il est équitable qu'elle verse une partie de ses bénéfices au trésor commun qui en a été la source. Cet argent, d'ailleurs, ne serait pas perdu pour elle : il lui reviendrait, car, dans la pensée du conseil, il devrait être employé exclusivement à favoriser, sur nos landes, la formation de nouveaux centres de population. Le système qui est esquissé ici n'est d'ailleurs pas sans précédents dans notre pays ; il a élé appliqué en Campine et dans d'autres contrées. L'Etat a fait contribuer les riverains aux frais de construction des canaux, et quoique cet impôt nouveau ait excité de vives répugnances dans les provinces où on l'a établi, le conseil pense que, loin d'y renoncer, le gouvernement devrait le généraliser, en l'étendant à toutes les voies de communication qui ont pour effet d'augmenter la valeur des propriétés riveraines. »
Ainsi, messieurs, la presse d'un côté, le conseil supérieur d'agriculture de l'autre, ont déjà fixé, l'une l'attention du pays, l'autre l'attention du gouvernement sur la question de la redevance.
Messieurs, j'ai dit que ma proposition de loi, si la chambre l'adoptait, serait aussi un acte de bonne administration. Je pense même que dans l'intérêt des travaux qui s'exécutent dans la Campine, cette adoption (page 1058) devient nécessaire, car lorsque l'eau devra se payer, on en réglera la distribution. Or. il y a actuellement un tel abus, un tel gaspillage de cet élément, que la Hollande profite de l'excès d'eau employée par les propriétaires de la Campine.
Je trouve la confirmation de mon assertion dans le rapport de M. Kummer. Il déclare que nos voisins du Nord utilisent aux irrigations les eaux que nous leur envoyons par le Dommel.
Et remarquez, messieurs, que le même ingénieur constate que la perméabilité du sol de la Campine est considérable, il faut donc qu'il y ait là réellement un gaspillage d'eau par les propriétaires. On emploie trop d'eau pour irriguer les prairies. Un litre d’eau par seconde et par hectare suffit. C'est l'opinion de Chevaulier, Nadault de Buffon, Puvis, de Gaspavin et d'autres autorités qui ont écrit sur cette question. Si je suis bien instruit, on prend en Campine trois litres d'eau par seconde et par hectare. Il y a excès par seconde et par hectare de deux litres d’eau.
Lorsque viendra le moment de discuter les détails de ma proposition de loi, je prouverai par des chiffres et par les règlements adoptés dans les autres pays, qu'en employant un tiers de l'eau dont on fait actuellement usage, les propriétaires chez nous se serviront d'une quantité suffisante.
La redevance seule mettra un terme à cet abus, à ce gaspillage de l'eau qui a lieu aujourd'hui, parce qu\n n'est pas obligé de la payer et qu'il y a une absence complète de surveillance.
Ce qui vous prouve encore qu'il y a réellement des abus en ce qui concerne la distribution des eaux dans la Campine, c'est que déjà on doit adjoindre des moyens supplémentaires d'écoulement, déjà l'on doit faire des prises nouvelles que l'on disait suffisantes autrefois.
De plus, messieurs, ouvrez l'exposé des motifs qui nous a été distribué par l'honorable ministre de l'intérieur à l'appui d'un crédit de 500 mille francs à ouvrir à ce département pour mesures relatives au défrichement, aux irrigations et au drainage.
Lisez la page 15. Qu'y trouvez-vous ? Une demande de crédit de 10,000 francs par une augmentation immédiate du débouché de la prise d'eau le Hocht, en vue de satisfaire aux besoins des irrigations concédées. Ce débouché de la prise d'eau de Hocht devait cependant suffire dans le principe à l'alimentation d'une étendue de 25,000 hectares de prairies. Nous n'en avons encore environ que 2,000, et déjà le débouché dé la prise d'eau de Hocht doit être augmenté !
Que sera-ce donc lorsque, d'après les calculs du M. Kummer, les eaux devront desservir 25,000 hectares ?
Vous avez plus loin un autre crédit de 100,000 ftancs qui vous est demandé, parce que les eaux d'irrigation encombrent aujourd'hui le lit du Dommel, qu'il est utile de dériver cette rivière ainsi que deux de ses affluents et de faire entrer leurs eaux dans le canal de la Campine, où elles pourront être utilisées dans l'intérêt de la navigation et dans celui des irrigations. Voilà déjà une somme de 116,000 francs, dont une partie est spécialement destinée à conduire l'eau, à en augmenter le volume et à réparer les dommages causés en Campine par l'abus ou le gaspillage que l'on en fait actuellement.
Messieurs, depuis que j'ai eu l'honneur de déposer ma proposition de loi pour réprimer les abus et régler l'usage des eaux, on s'est méchamment efforcé d'induire en erreur l'opinion publique. L'intérêt privé a essayé de se confondre avec l'intérêt public, et pour y parvenir, il a voulu répandre des alarmes et semer des inquiétudes ; je pourrais à la rigueur deviner dans quel but. Ma proposition cependant a un caractère de justice que la chambre ne saurait méconnaître.
L'Etat fournissant un élément de fécondité, de fertilité à une catégorie de propriétaires, n'est-il pas en droit de réclamer une redevance ? Voilà, réduite à sa plus simple expression, la portée de ma proposition de loi.
J'ai pris au sérieux les bénéfices que l'on nous a annoncés continuellement être faits par les propriétaires. Lorsqu'on recueille un bénéfîce de 17 p. c, on peut très bien, me semble-t-il, payer un léger impôt à l'Etat, qui est la cause de ce bénéfice que vous réalisez et dont vous jouissez. Ainsi tombe cette fantasmagorie de l'honorable M. Coomans, qui nous fait apparaître de pauvres propriétaires qui se ruinent en Campine, et qui ne sauraient payer une redevance. L'honorable député de Turnhout a déclaré aussi que si ma proposition de loi était, non pas adoptée, mais seulement prise en considération par la chambre, les Campinois seraient ruinés !... Vous avez pu lire dans les développements de ma proposition l'usage que je propose de faire du produit de cette redevance, si elle est adoptée en principe. Qu'ai-je dit à la page 5 de mes développements :
« Le produit de cette redevance pourra être versé au trésor public ou appliqué intégralement au défrichement de la Campine.
« Dans ce dernier cas, le gouvernement n'aurait plus à demander à la législature des crédits pour mesures relatives au défrichement et aux irrigations.
« Il disposerait alors chaque année d'une somme considérable pour l'amélioration des communications, pour l'établissement de travaux d'utilité publique, pour la création d'abris végétaux, pour faire des boisements, pour assainir les localités. »
Comment peut-on insinuer que ma proposition aurait pour but de ruiner la Campine ? Mais M. Coomans n'a donc pas vu les considérations que j'ai émises a l'appui de ma proposition !
M. de Perceval. - Votre but n'est pas de ruiner la Campine, mais ce serait le résulat de votre proposition.
M. de Perceval. - Voici encore un des avantages de ma proposition. Le ministère, à des époques indéterminées doit actuellement saisir la législature de demandes de crédits supplémentaires pour continuer les travaux qui s'exécutent dans la Campine ; je veux mettre entre les mains du gouvernement une recette assurée et annuelle ; je veux que cette grande et belle question du défrichement de la Campine soit désormais à l'abri de tout esprit de parti et ne subisse pas les fluctuations de la majorité Je m'étonne, à plus d'un titre, que le reproche d'être hostile à la Campine me soit adressé des bancs de la droite.
Quelle est la position prise par cette opinion à l'occasion du crédit de 500,000 francs ? Si ce n'est pas l'honorable M. Coomans qui le combat, ce sont presque tous ses amis politiques ; eh bien, si cette opposition déplorable doit triompher, si l'on parvient à amener le rejet du crédit demandé par M. le ministre de l'intérieur, ce sera là évidemment une hostilité flagrante, peut-être même une ruine pour la Campine. Quant à moi, je voterai ce crédit, parce que je suis, autant que l'honorable M. Coomans, dévoué aux intérêts de la Campine ; j'engage beaucoup l'honorable membre à faire tous ses efforts pour convertir ses amis politiques et les rallier à la cause de la Campine.
Ainsi, messieurs, loules les exagérations dans lesquelles est tombé l'honorable député de Turnhout n'ont pas détruit le mérite de ma proposition.
De deux choses l'une : ou bien vous réalisez les bénéfices que vous accusez, ou bien vous trompez le pays à l'aide de pompeux programmes et de rapports mensongers. Dites-moi si, oui ou non, les bénéfices qui ont été annoncés existent réellement ? S'ils existent, ma proposition est juste et vous pouvez payer la redevance ; s'ils n'existent pas, vous induisez sciemment en erreur l'opinion publique, les chambres et le gouvernement.
Messieurs, je termine Ma proposition, si elle adoptée, hâtera le défrichement de la Campine. Aujourd'hui il y a appropriation, au profit d'un nombre restreint de propriétaires, d'un élément fertilisant qui devait permettre à de nombreux cultivateurs de jouir des avantages qu'ils espéraient obtenir par l'ouverture des canaux. Il est juste de demander à ceux qui profitent exclusivement de l'immense fécondité de l'eau des canaux de Campine, une compensation, au profit de tous, de la faveur que l'Etat leur accorde. Ma proposition de loi est basée sur ce principe si équitable, si rationnel ; je prie la chambre de vouloir la prendre en considération.
M. de Renesse. - Messieurs, l'intérêt que je porte à la situation tout exceptionnelle, et encore peu prospère de la Campine, m'engage à combattre la prise en considération de la proposition de notre honorable collègue, M. de Perceval.
Cette proposition me paraît porter une profonde atteinte à toute amélioration à apporter à l'agriculture de cette partie des provinces d'Anvers et de Limbourg, trop longtemps délaissées, avant notre régénération politique, par tous les gouvernements, qui se sont succédé en Belgique. A peine, depuis quelques années, le gouvernement s'est-il occupé, d'accord avec les chambres, de disposer de fonds pour la canalisation et le défrichement de la Campine, que déjà l'on voudrait imposer à la partie la moins riche de notre pays un impôt qui empêcherait toute impulsion donnée jusqu'ici au défrichement de nos bruyères, de nos landes incultes.
Je suis persuadé que, si notre honorable collègue, auteur de la proposition, avait une connaissance plus intime des besoins réels de cette contrée, il ne serait pas venu nous proposer un pareil projet de loi, qui a jeté l'alarme dans toute cette partie de notre pays.
Au lieu de chercher à retirer des capitaux de cette contrée pauvre, il faudrait, au contraire, tâcher de les y attirer, et il ne faudrait pas, par une proposition intempestive, qui, créerait de nouvelles charges, indisposer les capitalistes qui voudraient y appliquer leurs fonds à l'amélioration, au défrichement de ce sol si ingrat ; car ce n'est qu'en y favorisant l'emploi des capitaux étrangers que l'on peut espérer de voir, successivement, améliorer la condition agricole de la Campine.
Déjà, par la loi du 10 février 1843, un impôt-concours a été établi sur des propriétés de cette contrée, à partir du franc-bord du canal, en cinq zones, chacune de mille mètres de profondeur. Des réclamations ont surgi de toutes parts contre une contribution aussi extraordinaire qui, jusqu'alors, n'avait frappé aucune autre partie de la Belgique, quoique, depuis 1830, le gouvernement ait fait exécuter des travaux d'utilité publique dans toutes les provinces du royaume, sans demander un pareil impôt-concours ; aussi il a été généralement reconnu que l'on ne pouvait équitablement exiger cette contribution extraordinaire sans paralyser les travaux de défrichement, sans porter un grand préjudice à cette contrée si peu favorisée par la nature, où le sol, presque partout stérile, exige dis capitaux et des travaux assez considérables pour pouvoir le mettre en culture.
Si l'on veut établir une imposition pour faire rentrer le gouvernement dans une partie des fonds qu'il a employés à des travaux d'utilité publique, que l'on fasse revivre les dispositions de la loi du 16 septembre 1807, qui est relative au dessèchement des marais, aux travaux de navigation, aux routes, aux ponts, aux rues et quais dans les villes, aux digues, aux travaux de salubrité dans les communes ; que cette loi soit alors généralement appliquée à toutes les parties du pays, où des travaux ont été exécutés jusqu'ici par le gouvernement depuis 1830 ; mais que l'on ne vienne pas frapper, en premier lieu, la Campine, pays de peu de ressources, où il n'y a pas de capitaux et où il y a peu d'industries.
Par ces motifs, je crois devoir combattre la prise en considération d'une proposition qui, si elle était adoptée, empêcherait dorénavant toute amélioration, tout défrichement des bruyères de la Campine.
(page 1059) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je commence par rendre hommage aux intentions de l'auteur de la proposition, ainsi qu'aux études consciencieuses auxquelles il s'est livré. Son but est louable. Il veut améliorer la situation financière. Le moyen qu'il propose est-il juste, et le présente-t-il en temps opportun, surtout ? Je ne le crois pas.
Que le gouvernement ait le droit de faire payer à ceux qui en profitent les services, les prestations utiles qu'il leur fait, cela n'est pas douteux. Que le gouvernement, en principe, ait le droit de faire payer aux riverains d'un fleuve qui lui appartient, l'eau qu'ils viendraient y puiser, cela n'est pas douteux. Mais cela serait-il juste, serait-il utile, serait-il raisonnable ? Je ne le crois pas.
Si le gouvernement, voulant autant qu'il le peut et comme il le doit, établir dans le pays qui lui est confié une sorte d'égalité, dote les contrées qui manquant d'un cours d'eau naturel, les dote d'un cours d'eau d'eau artificiel, a-t-il plus le droit de faire payer cette eau artificielle qu'il n'a le droit de faire payer l'eau naturelle qui lui appartient, le fleuve étant dans le domaine public ? Je ne le crois pas davantage.
Dans ces contrées, sans doute, il faut que le gouvernement se montre plus libéral, plus généreux que dans d'autres, par cela même qu'il a affaire à une partie du pays plus malheureuse.
Je sais, messieurs, que, spécialement pour la Campine, on a introduit dans la loi de 1843 un principe qui a été négligé pour les autres contrées.
Lorsque le canal de la Campine a été décrété, il a été entendu et prescrit par la loi que les propriétaires riverains, dans certaines zones, auraient à rembourser une somme déterminée à l'Etat, constructeur du canal, à raison des améliorations que leurs terrains allaient recevoir.
Jusqu'ici, il faut le dire, messieurs, les efforts tentés par le gouvernement depuis 1843 et 1844, pour obtenir l'execution de cette disposition de la loi, ces efforts-là n'ont pas abouti ; des commissions ont été nommées, se sont rendues sur les lieux, mais jusqu'ici le gouvernement n'est point parvenu à exécuter cette partie de la loi de 1843 qui consistait a faire payer aux propriétaires dans certaines zones, une redevance déterminée en raison des améliorations éventuelles que leurs propriétés devaient recevoir. Je reconnais qu'ici le gouvernement n'a pas pu exécuter la loi jusqu'à présent, et sous ce rapport, l'honorable député de Malines a raison de se plaindre de l'inexécution de la loi.
M. Coomans. - Elle n'est pas exécutable.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le principe, qui consiste à exiger des propriétés qui reçoivent une amélioration de l'exécution d'un travail public ; ce principe, pour être juste, équitable, devrait s'appliquer à la généralité du pays ; il faudrait que toute propriété qui reçoit une amélioration, par suite de l'exécution d'un travail public, fût grevée d'une redevance proportionnée à l'avantage dont elle jouit. Or, c'est ce qui n'existe pas.
J'en demande pardon aux adversaires de l'intervention du gouvernement, mais je dirai que le gouvernement ne se mêle pas seulement de procurer gratuitement de l'eau à un certain nombre de propriétaires ; il va jusqu'à distribuer de la chaux à prix réduit.
Je ne commets pas un grand crime à tâcher de fertiliser ce qui, depuis des siècles, était resté à l'état complètement stérile, le gouvernement s'abstenant.
Et le gouvernement distribue de la chaux à prix réduit ; il fait des sacrifices ; et il n'exige pas une redevance quelconque de la terre fertilisée par cet amendement qui produit des résultats tout aussi avantageux que l'arrosage.
On a cité quelques exemples, empruntés au rapport de M. l'ingénieur Kummer, de la plus-value considérable attribuée à certaines parties des bruyères qui ont été arrosées ; cela est vrai ; le rapport parle d'une plus-value de 15 p. c. ; il va même jusqu'à citer une bruyère qui aurait gagné une plus-value de 63 p. c ; mais ce sont là des exemples isolés. Pour ma part, je serais enchanté que toutes nos bruyères reçussent une valeur quadruple, quintuple ; cela prouverait que le gouvernement fait une excellente opération, puisqu'il transforme en terres très productives des terrains qui, sans son intervention, auraient continué d'exister à l'état de désert. Cela réhabilite encore une fois, j'en demande de nouveau pardon, le principe qui d'ailleurs ne périra pas, le principe de la haute utilité, de la haute convenance de l'intervention de l'Etat.
Si le principe déposé dans la proposition de loi est équitable, il faut l'appliquer, non seulement aux améliorations procurées par l'arrosage, par la distribution de la chaux, mais à d'autres améliorations produites par d'autres travaux publics, par la voirie vicinale, par les routes pavées, par nos chemins de fer.
Une foule de propriétés ont doublé, triplé de valeur par la construction du chemin de fer. Tout le monde ne tient pas compte au chemin de fer de cet accroissement de richesse qu'il a répandu dans le pays ; je sais qu'on le traite parfois durement, injustement ; mais il n'en est pas moins vrai que le chemin de fer, partout où il passe, apporte une augmentation de valeur très considerable aux propriétés. On ne lui tient pas compte de ce bienfait ; c'est de l'injustice, de l’ingratitde si on veut ; ; mais si l'on applique à la Campine le principe de l'honorable M. de Perceval, à raison des bienfaits que lui procure le canal, il faudrait l'appliquer aussi à toutes les propriétés qui ont double, triplé de valeur par la construction du chemin de fer, de même qu'à celles qui ont acquis un accroissement de valeur par la construction des chemins vicinaux, et ainsi de suite.
Le principe en lui-même n'a rien d'injuste ; mais pour être équitable, il faudrait l'appliquer à la généralité des propriétés ; je reconnais aussi que si l'on commençait à l'appliquer, il serait plus juste de l'appliquer d'abord aux parties du pays qui sont depuis longtemps dans une voie de prospérité qu'aux parties qui commencent seulement à sortir de l'Etat désert et sauvage où elles se trouvaient depuis des siècles, en l'absence de l'intervention de l'Etat.
Messieuis, l'on dit que le cahier des charges suppose l'obligation éventuelle pour l'acheteur d'avoir à payer une redevance, du chef des eaux qu'il recevrait du canal ; le cahier des charges ne dit absolument rien de semblable.
M. de Perceval. - L'article 17.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cet article impose seulement à l'acheteur l'obligation de se soumettre aux règlements de police, en ce qui concerne les prises d'eau ; il ne le soumet nullement à une redevance financière éventuelle ; de même le passage qu'on a cité du rapport de M. Kummer ne suppose nullement que dans la pensée chez cet ingénieur, l'acquéreur des terrains aurait à payer éventuellement une redevance.
Si donc on venait aujourd'hui, pour le passé surtout, exiger des acquéreurs une redevance dont le cahier des charges n'a pas parlé, on peut dire que l'on commettrait un acte de peu de loyauté, qui pourrait donner ouverture à une multitude de procès ; on modifierait par la loi les contrats entre les parties ; ce qui serait souverainement injuste.
Maintenant, faut-il appliquer le principe pour l'avenir ? Je viens de dire que si on adoptait le principe pour la Campine, il faudrait l'appliquer à toutes les parties du pays qui reçoivent des améliorations par suite de l'exécution des travaux publics et dès lors la proposition prendrait des proportions qui ne peuvent être dans les intentions de l’auteur lui-même.
Au point de vue administratif, il serait utile, dit-on, d'astreindre à une certaine redevance ceux qui empruntent de l'eau au canal, parce qu'on éviterait par là le gaspillage qui s'en fait aujourd'hui.
Je conteste provisoirement l'exactitude de l'assertion ; je ne pense pas que l'eau soit gaspillée ; personne n'a intérêt à prendre plus d'eau qu'il n'en faut pour l'arrosage de ses terres.
Y a-t-il des mesures nouvelles à prendre pour s'assurer du bon emploi des eaux ? C'est ce qu'il nous restera à examiner. Nous sommes encore dans la période des essais ; successivement, beaucoup de choses qui ne sont pas encore réglées, pourront l'être ; et le gouvernement fera exercer la surveillance nécessaire, pour qu'il ne soit fait qu'un emploi utile et judicieux des eaux destinées à l'amélioration des terres.
J'engage l'honorable de M. de Perceval à ne pas insister pour la prise en considération de sa proposition puisqu'elle paraît effrayer les propriétaires qui s'intéressent aujourd'hui au défrichement de la Campine, et, pour ma part, j'aurais laissé suivre à cette proposition son cours naturel ; du moment qu'elle était présentée, la discussion pouvait s'ouvrir à propos de la demande de crédit de 500,000 francs. Là nous aurions pu débattre les idées de l'honorable auteur de la proposition ; il a fallu avoir une bien grande disposition à s'effrayer, pour ne pas pouvoir attendre jusque-là la résolution de la chambre sur la proposition de M. de Perceval. Il est évident que cette proposition, discutée d'une manière approfondie, ne pouvait pas être transformée en loi. Puisqu'on a voulu en faire l'objet d'une discussion d'urgence préalable à celle du crédit de 500,000 fr., il faut en finir.
Je repète qu'on doit lui tenir compte de ses intentions ; je pense qu'il n'a eu en vue que l'amélioration de nos finances, et qu'il n'a pas de raison pour en vouloir à la propriété campinoise ; mais dans l'intérêt de la Campine, comme nous avons encore affaire à des personnes timides qu'il faut plutôt encourager qu'effrayer, j'engage l'honorable membre à retirer sa proposition.
M. de Perceval. - Je suis prêt à retirer ma proposition.
M. Coomans. - Ah !
M. de Perceval. - Cela doit vous faire plaisir.
M. Coomans. - Plaisir, à moi ? Pas du tout. J'aime mieux un vote de la chambre.
M. de Perceval. - Mais je demanderai au gouvernement l'exécution de la loi du 10 février 1843, concernant la canalisation de la Campine.
M. le président. - La proposition est retirée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer le rapport que le ministre des finances est tenu de présenter sur les opérations de la caisse d'amortissement.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Cools. - Ce rapport est important, j'en demande le renvoi à la commission des finances.
M. Osy. - La chambre a un délégué à la commission de surveillance de la caisse d'amortissement ; le rapport a été soumis à la commission de surveillance qui a donne son avis, le renvoi proposé ferait double emploi.
- M. Cools n'insiste pas.
M. de Royer demande un congé de 5 jours.
- Accordé.
La séance est levée à 4 heures et demie.