(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
M. Ansiau (page 897) procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Thomas Bage, négociant à Bruxelles, né à Yarm (Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« L'administration communale d'Everbeck demande que les administrations communales aient la faculté de faire mettre en liberté leurs indigents détenus aux dépôts de mendicité, sous la condition de leur fournir du travail et des secours suffisants, et réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la mise en liberté des indigents de cette commune qui sont détenus au dépôt de mendicité de Mons. »
M. Rodenbach. - Il paraît que les pétitions contre les ruineux dépôts de mendicité nous arrivent journellement ; je propose que cette pétition soit envoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, comme on a fait pour toutes les autres pétitions du même genre.
- Cette proposition est adoptée.
M. Deliége, rapporteur. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre le rapport de la section centrale sur le projet de loi concernant le crédit foncier.
M. le président. - Le rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M. Malou. - Je propose lundi ou mardi en quinze.
M. Delfosse. - Je propose mercredi en huit ; le rapport sera probablement imprimé et distribué mercredi prochain. On aura le temps de l'examiner.
M. Mercier. - Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. Delfosse ; mais il est entendu que l'on fixera un autre jour, pour le cas où le rapport ne serait pas distribué mercredi prochain.
M. Delfosse. - Certainement.
- La proposition de M. Delfosse est adoptée sous cette réserve.
M. Van Grootven. - Je désire savoir quelles sont les causes qui retardent la présentation du projet de loi sur la charité publique, projet que M. le ministre de la justice nous a promis et qu'il s'est engagé, au nom du gouvernement, à soumettre sans retard à la législature. Je désire savoir si ce projet de loi, que je crois très urgent, sera présenté par le gouvernement dans le cours de la session actuelle.
Je pense, messieurs, qu'il est inutile d'insister sur les considérations nombreuses et diverses qui motivent et militent en faveur de mon interpellation.
Il ne peut y avoir, pour nous, un intérêt plus élevé et plus sacré que celui de l'infortune ; cet intérêt qui a les sympathies les plus vives et les plus unanimes de la chambre, est engagé tout entier dans le projet de loi que le gouvernement nous fait espérer depuis plusieurs années, mais dont la présentation subit des retards aussi inexplicables que fâcheux.
Je ne suis pas de ceux qui condamnent en cette matière les principes du gouvernement ; ces principes je les crois nécessaires, quoique susceptibles de se plier aux besoins, aux exigences de nos moeurs, et à l'encouragement actif de la bienfaisance.
Mais ce que je ne crains pas de qualifier de déplorable, de nuisible au développement de la bienfaisance, c'est la prolongation indéfinie de la situation actuelle. La législation existante n'a cessé d'être depuis bien des années l'objet des controverses et des récriminations les plus violentes. Le gouvernement a senti le besoin d'y apporter des modifications et il a pris lui-même l'initiative à cet égard. Il a promis une loi qui fut plus en rapport avec les besoins nombreux et croissants des classes nécessiteuses. Eh bien, messieurs, que résulte-t-il des retards que le gouvernement met dans l'exécution de cette promesse ? Des dommages, des pertes importantes pour cette classe si nombreuse de la société, qui mérite à tous égards nos sympathies les plus vives.
Personne d'entre nous ne peut nier que le provisoire dans lequel nous restons, n'empêche un grand nombre de légataires de disposer de sommes très considérables, parce qu'à tort ou à raison, ils ne trouvent pas dans la législation actuelle leurs apaisements, parce qu'ils espèrent et attendent avec plus de confiance la loi qui a été promise.
Chacun de nous, messieurs, et ici je fais surtout appel aux députés des Flandres, pourrait citer plus d'un fait qui confirme mes observations. Pour ma part, je connais dans l'arrondissement de Gand, des libéralités nombreuses et importantes que l'incertitude de la législation tient en suspens et condamne à l'état de projet. Mon honorable ami, M. Delehaye, sait à quels dons je fais allusion.
Je convie avec instance le gouvernement de ne pas prolonger une pareille situation, il ne peut ignorer que les conséquences du statu quo sont très préjudiciables aux classes souffrantes de la société.
J'attends avec confiance la réponse de M. le ministre de la justice, j'ose espérer qu'elle sera de nature à rassurer tous ceux qui attachent un vif intérêt au progrès, au développement de la bienfaisance publique.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, lorsqu'une première fois une discussion s'est engagée dans cette enceinte, à propos des questions de la charité, j'ai déclaré que, dans le courant de cette session, je déposerais un projet de loi sur cette matière ; c'est là l'engagement que j'ai pris et que je tiendrai. Mais je n'ai pas dit à quel jour je remplirais ma promesse ; je n'ai pas dit que je déposerais ce projet de loi pendant le mois de janvier, de février ou de mars ; je crois donc, qu'à cet égard, l'honorable M. Van Grootven n'est en droit de m'adresser aucun reproche.
Il est très facile d'interpeller un ministre, mais il est beaucoup plus difficile de faire des projets de loi.
Si j'avais à ma disposition un conseil de législation, si je n'avais en quelque sorte qu'à lire les travaux que ce corps aurait préparés, il me serait très facile de venir déposer et défendre des projets de loi.
Mais alors que le ministre, outre l'administration journalière de son département, est obligé de s'occuper non seulement des principes à consacrer, mais de tous les détails de la loi, de la rédaction de l'exposé des motifs, quand il doit préparer tous les éléments de la discussion, il faut bien reconnaître que ce n'est pas du jour au lendemain qu'il peut présenter un projet de loi aussi important que celui qu'on réclame.
M. Van Grootven a parlé des pertes incalculables que faisaient les pauvres ; M. Van Grootven est tombé dans une singulière exagération. A aucune époque les dons et legs faits au profit d'établissements de bienfaisance ne se sont élevés à une somme aussi forte que sous l'empire de ce qu'on est convenu d'appeler le système de M. de Haussy ; c'est là un fait constaté péremptoirement par la statistique.
M. Delfosse. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je propose à la chambre de passer à l'ordre du jour. L'honorable M. Van Grootven a demandé à M. le ministre de la justice quand un projet de loi serait présenté. M. le ministre a répondu. Il a dit qu'il tiendrait sa promesse, qu'il présenterait ce projet dans le cours de la session. Dès lors l'incident est terminé. Nous ne pouvons en ce moment engager une discussion sur la charité.
M. Van Grootven. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Delfosse. La déclaration faite par M. le ministre que le projet sera présenté dans cette session me satisfait. C'était tout ce que je demandais.
- Plusieurs membres. - L'ordre du jour !
M. de Decker. - L'honorable M. Van Grootven a adressé une interpellation au gouvernement ; M. le ministre y a répondu. Je crois que nous avons le droit d'examiner la réponse de M. le ministre.
Je suis, à certains égards, satisfait de la réponse de M. le ministre ; mais il s'agit de s'entendre sur la portée de cette réponse. Le projet de loi dont il s'agit sera-t-il présenté de manière à être discuté et voté dans cette session ? Là est la question. Il ne suffirait pas de déposer ce projet lorsque nous sommes sur le point de nous séparer.
J'avoue, du reste, que M. le ministre de la justice a eu sa part de besogne dans cette session, et que les questions à résoudre ont une grande importance. Il est à remarquer cependant que M. le ministre sera puissamment aidé par le travail de la commission spéciale qui a déjà examiné ces graves questions. En tout cas, je demande que le projet de loi que nous réclamons soit présenté de manière que nous puissions encore l'examiner dans cette session.
(page 898) M. le président. - M. le ministre a répondu qu’il présenterait ce projet aussitôt qu’il le pourrait.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne puis prendre d’autre engagement.
M. Boulez. - Messieurs, je demande à la chambre la permission de faire une simple et courte observation. Deux conditions me paraissent absolument nécessaires pour que l'expérience qui va être faite au moyen d'une augmentation modérée des tarifs du chemin de fer, produise un résultat concluant.
La première qui est tout éventuelle, c'est que l'industrie et le commerce se maintiennent dans un état moyen de prospérité ; car en vain augmenterait-on, même jusqu'à les doubler, les tarifs actuels, le chemin de fer ne rapporterait pas plus, et il pourrait même rapporter moins, malgré cette augmentation, parce que la stagnation des affaires en ralentissant le mouvement des voyageurs et celui des marchandises, abaisserait inévitablement le chiffre de la recette. L'expérience serait donc manquée ou du moins elle n'offrirait plus aucune base certaine d'appréciation, aucun élément de solution générale.
Sans doute, même dans l'hypothèse à laquelle je m'arrête en ce moment, l'augmentation aurait encore son prix, puisqu'elle atténuerait le mal jusqu'à un certain point ; mais elle ne constituerait plus une expérience décisive que pourraient invoquer les partisans ou les adversaires de l'un ou de l'autre système.
J'ai cru qu'il était convenable de soumettre ce point de vue à la chambre, afin d'éclairer parfaitement la situation et de prévenir toute équivoque au terme de l'expérience.
En seconde condition, et celle-ci est toujours réalisable, c'est que le gouvernement ne néglige rien de ce que permet la prudence ou la dignité morale du pays, pour faire rendre au chemin de fer tout ce qu'il peut donner, et qu'il n'adopte ou ne propose aucune mesure propre à diminuer le produit.
Je n'ai point approuvé les trains de plaisir, mon vote négatif le proclame.
Il y a, messieurs, un moyen plus sur, plus efficace, plus durable, et en même temps plus honorable, à tous égards, d'accroitre les recettes de notre voie ferrée, c'est de faire en sorte que la circulation sur cette voie soit ouverte, activée et rendue facile pour les communes voisines des stations : c'est d'appeler le plus grand nombre possible de ces communes à l'usage et aux avantages du chemin de fer. C'est, par conséquent, de faire arrêter les convois, au moins quelques minutes et plus souvent qu'on ne le fait maintenant, aux stations environnées de nombreuses et populeuses localités ; par là on augmenterait considérablement le chiffre des voyageurs, et par suite la recette elle-même. En même temps on épargnerait aux populations les peines et les dépenses occasionnées par les autres modes de communication.
J'appelle de nouveau sur ce point l'attention de M. le ministre des travaux publics, et particulièrement en ce qui concerne la station de Waereghem, dont je puis parler mieux que je ne parlerais de toute autre, parce que je la connais mieux. Je demande que les convois de grande vitesse puissent, comme les autres, prendre les voyageurs à ladite stalion ; l'affluence serait assez considérable pour donner à la fin de l'année un produit important, et la perte de temps serait à peine sensible, car il ne s'agit ici que des voyageurs, non des marchandises, et ces trois ou quatre minutes d'arrêt nécessaires pour cette amélioration seraient toujours regagnées facilement sur le parcours d'une station à l'autre, de plus les voyageurs qui partent de Bruxelles par le convoi de 7 heures du matin, ne peuvent arriver à Waereghem qu'à 3 heures de relevée.
Qu'arrive-t-il aujourd'hui ? c'est que presque tous les voyageurs de l'Escaut et de la Lys, au moins vingt communes qui fréquentent la station de Waereghem, ne pouvant que très difficilement, en voyageant la nuit et dans les ténèbres, arriver à ladite station pour prendre les premiers convois, adoptent une autre direction et finissent par être entièrement détournés de l'usage du railway national. De là une perte notable pour le chemin de fer et pour le trésor public. Il est facile d'y remédier, et je prie M. le minisire de vouloir bien rendre justice aux intérêts engagés dans la question.
A cette occasion même, je demanderai que la station de Waereghem soit, comme beaucoup d'autres, rendue plus abordable pour le transport des marchandises expédiées ou reçues par chemin de fer. Aujourd'hui, les abords sont tellement difficiles, que les négociants et les industriels sont presque toujours obligés d'employer deux ou trois chevaux pour des transports peu considérables auxquels un seul cheval suffirait.
C'est pourtant par le mouvement facile des hommes et des choses que le chemin de fer peut et doit prospérer. Nul principe n'est plus élémentaire dans la matière qui nous occupe ; et de quoi s'agit-il à Waereghem ? D'une minime dépense de quatre mille francs, si je ne me trompe ; on m'a assuré que les fonds sont faits, je désirerais qu'on m'annonçât les travaux qui sont faits.
J'espère que M. le ministre des travaux publics voudra bien prendre en sérieuse considération l'utilité et l'urgence de cette amélioration qui tournera en faveur de l'administration du chemin de fer par l'affluence des marchandises qui se dirigeront vers ladite station et qui maintenant se transportent par d’autres voies.
Je suis prêt d’ailleurs à approuver tous les actes de bonne gestion qui seront posés par le gouvernement dans le sens de mes observations.
M. le président. - L'article premier a été adopté dans les termes suivants :
« Art. 1er. A partir du premier jour du deuxième mois qui suivra la date de la publication de la présente loi, et jusqu'à disposition législative ultérieure, les prix de transport des voyageurs et des bagages sur les chemins de fer de l'Etat, seront établis d'après les bases ci-après :
« Après l'expiration d'une année entière de l'application de ces tarifs, le gouvernement présentera aux chambres un rapport sur les résultats obtenus. »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, je proposerai de faire du paragraphe 2 un article final, qui serait ainsi conçu :
« Après l'expiraliun d'une année entière de l'application des tarifs qui précédent, le gouvernement, etc. »
- Cette proposition est adoptée.
L'article premier réduit à son premier paragraphe est définitivement adopté.
« Art. 3. Toute fraction de kilomètre sera forcée au profit du trésor.»
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je crois, messieurs, qu'il serait plus convenable de rattacher l'article 3 à l'article 2 et d'en faire un second paragraphe qui serait rédigé de la manière suivante :
« Dans la formation de ce tableau toute fraction de kilomètre sera comptée pour un kilomètre. »
- Cette proposition est adoptée.
« Art. 5. Les prix de ces trois classes seront établis dans la proportion des nombres 4, 3 et 2 repectivernent.
« Le prix du transport par waggon est fixé, pour les voyageurs ordinaires, à 4 centimes par kilomètre, prix qui sera appliqué aux distances, conformément à ce qui est stipulé aux articles 2 et 3, sous les réserves mentionnées aux articles 6 et 7. »
M. Rousselle. - Messieurs, le premier paragraphe de l'article 5 devra être changé : il faudra changer les chiffres de renvoi, par suite de l'amendement qui vient d'être adopté.
M. le président. - M. Loos propose l'amendement suivant :
« Les prix de ces trois classes seront respectivement établis de la manière suivante :
« Diligences, 8 centimes par kilomètres
« Chars-à-bancs. 6 centimes par kilomètre
« Waggons, 3 6/10 centimes par kilomètre. »
M. Loos. - Messieurs, je n'établirai pas de nouveau l'influence que les prix exercent sur le nombre des voyageurs. Si tout ce qui a été dit, à ce sujet, dans la discussion, est vrai, cela est vrai surtout pour les voyageurs de waggons. Si vous faites subir une augmentation de prix à ces voyageurs, vous pouvez avoir la certitude que le nombre en sera diminué.
Au surplus, messieurs, ce qui m'a fait proposer un amendement, c'est qu'indépendamment de la considération de voir diminuer les voyageurs de la trosième classe, la dispropotion qui existe entre les avantages qu'on procure aux voyageurs de la première et de la seconde classe, et ceux qu'on accorde aux voyageurs de la troisième classe.
Il est encore une autre disproportion, c'est celle qui existe dans la dépense qui résulte pour l'Etat, du transport des voyageurs de la troisième classe, comparativement à ceux de la première et de la seconde classe.
Je demande la permission à la chambre de lui fournir quelques données à cet égard.
Le coût de la voiture de la première classe est de 7,000 à 8,000 francs, le waggon ne coûte que 3,000 à 4,000 francs ; il existe donc une différence du double dans le coût des voitures.
Quant aux frais d'entretien des waggons, ils sont insignifiants ; ces frais sont considérables pour les diligences.
Quant à la traction, le poids d'une voiture de première classe est de 5,000 à 6,000 kilogrammes ; le poids de la voiture de troisième classe n'est que 2,800 kilogrammes.
Une voiture de troisième classe contient 42 voyageurs ; la voiture de première classe n'en contient que 24.
Ce n'est pas le seul désavantage que donnent à l'exploitation les voitures de première classe : ces voitures sont loin d'être constamment occupées.
Sur un nombre de 65 voyageurs, par exemple, il n'en est que 6 de la première classe, 15 de la deuxième et 46 de la troisième.
Les voyageurs de troisième classe contribuent, dans les recettes générales, dans la proportion de 44.46 p. c ; ceux de première classe y contribuent pour 24.73 p. c, et ceux de la seconde classe, pour 30.79 p. c.
Maintenant, quant au nombre des voyageurs, que voyons-nous ? Sur un chiffre de 100 voyageurs, la première classe figure pour 8.98, la deuxième, 20.32 et la troisième, 70.70.
Ces considérations me semblent militer en faveur de l'abaissement du prix de transport des voyageurs de troisième classe. Pour ceux de première et de deuxième classe, si vous avez à craindre un déclassement, au moins ces voyageurs ne seront pas perdus pour le chemin de fer ; mais quant aux voyageurs de troisième classe, une augmentation de prix (page 899) empêchera un grand nombre d’entre eux, faut de ressources, de faire usage de cette voie de communication.
Si le chemin de fer était une entreprise particulière, l'administration n'aurait à calculer que ces seuls avantages. Mais l’exploitation du chemin de fer se faisant pour le compte du pays, je crois qu'il doit être administré dans l'intérêt du plus grand nombre. Or, c’est encore à ce titre que je réclame en faveur des voyageurs de troisième classe l’établissement de prix moins élevés que ceux admis au premier vote.
Si je n'avais pa vu beaucoup de membres préoccupés de l’idée de voir s'opérer un trop grand déclassement, mon opinion personnelle aurait été de proposer des chiffres beaucoup plus réduits pour les voyageurs de troisième classe ; j'aurais proposé la proportion 3, 6, 9. Alors peut-être y aurait-il eu déclassement ; mais ce déclassement se serait opéré en faveur du chemin de fer : vous auriez vu sortir des waggons des personnes qui s'y trouvent aujourd'hui et qui peuvent très bien payer le prix du char à bancs et même celui de la diligence.
Par ma proposition, je me borne à maintenir la prix des waggons au taux où il se trouve actuellement. Aujourd'hui, le prix des waggons revient à 18 centimes par 5 kilomètres. L'augmentation que vous feriez subir au prix des waggons aurait pour effet de faire déserter le chemin de fer par un grand nombre de voyageurs. On se décide aujourd'hui très facilement à se rendre d'un lieu à un autre ; on ne calcule pas toujours la nécessité de ce voyage ; eh bien, alors l'idée que le prix des waggons est considérablement augmenté se propagerait sans doute parmi cette classe de voyageurs ; je puis affirmer que vous éprouverez une réduction fort notable, non seulement dans le nombre des voyageurs, mais dans le chiffre de la recette.
- L'amendement est appuyé.
M. Osy. - Avant de discuter l'amendement à fond, je désirerais connaître l'opinion du gouvernement sur cette disposition qui change entièrement le premier paragraphe de l'article, paragraphe qui, d'après l'article 45 du règlement, ne peut plus être amendé, parce qu'il n'a pas été modifié au premier vote.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, le gouvernement avait soumis à la chambre un projet de loi qui consacrait, en même temps qu'un acte de justice, une expérience multiple, une expérience qui ne devait rien coûter. En effet, l'on conservait les prix moyens ; l'on avait des différences aussi fortes vers le haut que vers le bas.
On pouvait donc avoir le même mouvement, puisque les diminutions qui auraient lieu d'une part étaient compensées par les augmentations qui pouvaient se déclarer d'autre part ; on conservait les prix moyens ; donc on devait avoir les mêmes recettes. On n'augmentait pas les dépenses d'exploitation. J'avais donc raison de dire que le système consacrait un acte de justice en régularisant les prix et permettait une expérience qui ne coûtait rien à l'Etat.
Ce système, je continue à le croire préférable au système adopté au premier vote et à celui que vient de développer l'honorable M. Loos ; je pense que si la chambre se ralliait au système du gouvernement, à la fin de l'exercice nous aurions une expérience faite et sur les prix relevés et sur les prix abaissés et sur les prix actuels. J'avais proposé une légère augmentation du prix des waggons, j'ai hâte de dire dans quelle pensée j'avais proposé cette augmentation, c'était encore une fois afin que l'expérience fut décisive. Aujourd'hui le prix moyen représente la proportion 4, 3 et 2.
Je tenais à obtenir trois relations d'espèces différentes : des relations entre lesquelles les prix n'auraient pas sensiblement varié seraient les mêmes ; des relations entre lesquelles il y aurait eu une augmentation de prix ; d'autres enfin pour lesquelles il y aurait diminution, en conservant la proportion 4, 3 et 2. En fixant le prix du waggon à 18 3/4, j'ai voulu qu'il fût exactement la moitié du prix de la diligence et les deux tiers du prix du char à bancs. Je conservais donc en moyenne, pour certaines relations, des prix identiques. C'était là un avantage sur les autres systèmes.
J'ai combattu le système de M. Osy ; je ne rentrerai pas dans les développements que j'ai présentés au premier vote. Ce système constitue une expérience ; à ce titre il sera utile, mais l'expérience sera incomplète, parce qu'elle ne portera pas sur les abaissements de prix, elle ne portera que sur les élévations de prix. Ce n'est pas une chose secondaire ; c'est une chose essentielle ; il est utile, au plus haut degré, qu'on puisse constater à la fois l'influence exercée sur le mouvement et la recette par l'élévation et par l'abaissement des prix.
Ainsi, je suppose que pour un certain parcours on paye maintenant deux francs, qu'il y ait une augmentation de 25 p. c et que l'expérience démontre que les mouvements sont restes les mêmes, qu'il n'y ait pas une diminution sensible, que les recettes sont à peu de choses près les mêmes, qu'au lieu de 20 mille francs on a reçu 19,500 fr. ; on ne saura rien, on dira : Cela tient à des circonstances exceptionnelles, celà ne réalisera pas les espérances des partisans d'une augmentation modérée, mais si, à côté de cette expérience, on en avait une autre, si on avait l'expérience d'une diminution de 25 p. c., qu'un mouvement plus considérable fût constaté et qu'au lieu d'une recette de 20 mille francs j'eusse une recette de 20.500 francs, il est clair que cette expérience comparative démontrerait quelque chose, démontrerait même beaucoup. Avec le système de M. Osy, je ne suis pas à même d'obtenir cette expérience comparative.
Je l'ai combattu encore par un autre motif, parce qu'on en avait fait l'essai dans un autre temps ; c'est en effet le tarif de 1839, et le seul par lequel le tarif de M. Osy différait du tarif de 1839, est celui qui avait donné des résultats favorables en recette et en mouvement, le prix des chars à bancs que l’honorable membre augmente, tandis que le tarif de 1839 l’avait diminué.
Un troisième motif pour combattre la proposition de M. Osy est celui-ci : c'est que la commission de 1851 comparant le tarif qui nous régit à celui que propose M. Osy n'avait pas hésité à déclarer que le premier était préférable au second. Mais je ne veux pas faire de revue rétrospective. Ce que je reproche surtout à la propositon de M. Osy, c'est qu'elle ne constitue qu'une expérience incomplète.
Pour le prix du waggon, le gouvernement avait proposé 18 centimes par lieue ; j'ai dit que c'était afin de conserver la proportion 4, 3 et 2, qui forme le prix moyen que j'ai en second lieu proposé, 18 3/4. La proposition de M. Loos pour les waggons est donc conforme à la proposition primitive du gouvernement ; sous ce rapport il n'y aurait pas grande difficulté à l'adopter ; mais la proposilion d'augmenter les chars à bancs et les diligences.
L'observation que je faisais à propos de la proposition de M. Osy trouve encore ici sa place. L'expérience qu'on fera portera encore uniquement sur les prix relevés.
La proposilion qu'avait annoncée M. Loos aurait présenté des conséquences décisives. Elle aurait permis de voir l'influence d'un prix abaissé. Il y aurait eu déclassement ; mais comme il y aurait eu diminution de prix notable, il en serait résulté une augmentation de mouvement et une recette plus élevée ; d'autre part on aurait permis à certaine couche de la société d'arriver jusqu'au waggon. Mais dans les termes de la proposition telle qu'elle est formulée par M. Loos, je ne vois pas grande différence avec celle du gouvernement ; seulement en ce qui concerne les diligences et les chars à bancs, c'est une proposition inadmissible.
M. le président. - On propose la question préalable sur les deux premières parties de l'amendement de M. Loos.
M. de Theux. - Les deux questions peuvent être traitées simultanément.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Le gouvernement reproduit son système.
M. Osy. - Je comprends que le gouvernement reproduise son système. Mais le premier paragraphe de l'article qui a été adopté sans amendement ne peut plus être modifié. Si la chambre est d'accord avec moi sur ce point, la proposition de M. Loos vient à tomber. Je demande donc qu'avant tout on mette la question préalable aux voix.
M. Vermeire. - Les observations que je voulais faire ayant été présentées par M. Osy, je ne crois pas devoir les reproduire,
M. Loos. - Je ne me serais pas douté qu'on eût opposé à ma proposition la question préalable. Le gouvernement a présenté un système complexe. Le premier paragraphe et le second formaient un tout ; la proposition du gouvernement a été rejetée, l'amendement proposé par M. Osy a été admis. L'article a donc subi des modifications essentielles. Le système était tellement complet dans les deux paragraphes que quand j'ai demandé la division, on m'a répondu : On vote sur tout le système ; j'aurais dû insister parce que c'était mon droit.
J'ai annoncé alors qu'au second vote je proposerais un amendement à la proposition de M. Osy ; c'est ce que je fais. Au surplus, l'article du règlement est en ma faveur. L'article 45 porte :
« Lorsque des amendements auront été adoptés, ou des articles d'une proposition rejetés, le vote sur l'ensemble aura lieu dans une autre séance que celle où les derniers articles de la proposition auront été votés.
« Il s'écoulera au moins un jour entre ces deux séances.
« Dans la seconde, seront soumis à une discussion, et à un vote définitif, les amendements adoptés et les articles rejetés.
« Il en sera de même des nouveaux amendements qui seraient motivés sur cette adoption ou ce rejet. Tous amendements étrangers à ces deux points sont interdits. »
Ainsi, messieurs, je crois que mon amendement est motivé par le rejet de l'article du gouvernement ou par l'adoption de l'amendement do M. Osy.
M. de Theux. - Je ne ferai qu'une seule observation. C'est que l'amendement n'est pas une conséquence de l'amendement de M. Osy, mais tend à le remplacer.
Voilà, messieurs, ce qu'il y a de décisif. Assurément, le règlement permet de faire un nouvel amendement qui est la conséquence d'un amendement adopté au premier vote. Mais on ne peut pas substituer une proposition nouvelle à une proposilion adoptée.
M. Mercier, rapporteur. - Messieurs, il y a, dans l'article 5, deux dispositions bien distinctes. Ces deux dispositions auraient tout aussi bien pu faire l'objet de deux articles différents que d'un seul article.
La première disposition détermine quelles sont les proportions du tarif pour (erratum, p. 911) chaque classe et c'est là une disposition essentielle. Maintes fois, dans la discussion, on a parlé de l'influence d'un trop grand écart entre le prix d'une classe et celui de la classe immédiatement inférieure.
On peut donc et on doit considérer le paragraphe 4 de l'article 5 comme s il faisait réellement un article séparé.
Or, ce paragraphe a été présenté par le gouvernemmt et adopté par la chambre. L'honorable M. Osy n'a apporté de changement qu’au (page 900) second paragraphe qui fixe le point de départ du tarif, en respectant les proportions établies par le paragraphe premier.
Je crois donc que la question préalable doit être adoptée. On ne peut revenir sur une disposition présentée par le gouvernement et qui n’a pas été amendée au premier vote.
M. Delfosse. - D'après l'article 45 du règlement, on peut, au second vote, présenter des amendements nouveaux, motivés, non seulement sur l'adoption d'un amendement, mais aussi sur le rejet d'un article.
L'amendement de l'honorable M. Loos est fondé sur le rejet du chiffre 3 3/4 proposé par le gouvernement ; l'honorable M. Loos et d'autres membres de la chambre ont pu laisser passer sans opposition la proportion établie par le premier paragraphe de l'article 5, parce qu'ils espéraient que le chiffre du gouvernement serait adopté.
Je comprends que l'on combatte au fond l'amendement de l'honorable M. Loos, mais on ne doit pas le repousser par la question préalable.
M. Dumortier. - La question me paraît excessivement simple ; il suffit, pour la résoudre, de lire le règlement. Le règlement ordonne de soumettre à un second vote les amendements adoptés et les articles rejetés ; il statue qu'il doit en être de même des nouveaux amendements motivés sur cette adoption ou ce rejet. Or, qu'avons-nous à soumettre à un second vote ? Il n'y a pas ici d'article rejeté, mais il y a un amendement adopté. Ce n'est donc que cet amendement qui peut être soumis à un second vote. L'amendement de l'honorable M. Loos n'est pas une modification à l'amendement de l'honorable M. Osy, car celui-ci concerne la proportion admise par la chambre, proportion qui, comme l'a dit M. le président, est définitivement adoptée par la chambre au premier vote. M. le président a commencé par dire : Le paragraphe premier est adopté ; un amendement est proposé au second, nous avons à l'examiner. Le paragraphe premier est donc bien positivement adopté d'une manière définitive. Maintenant, supposez qu'on admette l'amendement de l'honorable M. Loos ; quelle en serait la conséquence ? C'est que l'article proposé par cet honorable membre ne serait plus en harmonie avec le paragraphe premier : vous auriez dans le paragraphe premier la proportion 2, 3 et 4 et dans le second une proportion différente. Il faudrait donc que M. Loos présentât une modification à une partie de l'article adoptée par la chambre.
Pour mon compte, je pense qu'un tel amendement n'aurait aucune chance de succès, car il aurait pour résultat de réduire les recettes du trésor, en opérant un déplacement, ce que nous devons éviter.
M. Cools. - Je désire dire deux mois sur la question préalable. Il y a, dans l'article 5, deux principes entièrement distincts : le premier est déposé dans le paragraphe premier concernant la proportion qui existera entre les trois classes ; le second principe, qui fait l'objet du paragraphe 2, c'est le quantum du prix du waggon, du prix régulateur.
La première proposition du gouvernement portait sur la proportion ; sans qu'il y ait eu d'amendement, il a été décidé que cette proportion sera de 4, 3 et 2. Cela est acquis ; il n'est plus possible d'y revenir.
Reste maintenant le quantum du prix du waggon. Le gouvernement avait proposé 3 3/4, la chambre a adopté 4 ; maintenant l'honorable M. Loos est parfaitement dans son droit en proposant un autre chiffre, soit 3 1/2, soit 3 6/10 ou tout autre qui lui conviendrait ; mais ce qu'il ne peut pas modifier, c'est la proportion de ce prix régulateur avec le prix des autres classes.
- La discussion sur l'incident est close.
La question préalable sur les deux premières parties de l'amendement de l'honorable M. Loos (prix des diligences et des chars à bancs) est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Il reste maintenant la troisième partie de l'amendement de l'honorable M. Loos, plus le système de l'honorable M. Osy et celui du gouvernement.
M. Loos. - La proportion de 2, 3 et 4 qui avait été proposée ne me convenait pas, je l'ai déclaré au premier vote : j'ai dit que cette proportion me paraissait injuste à l'égard des waggons ; puisqu'elle doit être appliquée, je retire mon amendement.
M. le président. - Nous n'avons donc plus que l'amendement de l'honorable M. Osy auquel s'oppose le système du gouvernement.
M. Osy. - Maintenant qu'il ne reste plus que la première proposition du gouvernement, j'ai quelques mots à dire à M. le ministre des travaux publics, qui, dans le discours qu'il vient de prononcer, a prétendu que mon système est incomplet.
Je ne comprends pas, messieurs, comment on peut reprocher ce défaut à mon amendement, alors qu'il conserve les mêmes proportions que celles du gouvernement. La seule chose que nous ayons voulu, c'est d'augmenter légèrement les tarifs, sans nuire à la circulation.
On a dit souvent dans la discussion que j'avais augmenté considérablement les tarifs. Or, je n'ai augmenté que de 6 1/4 p. c. le chiffre de 3 3/4 que le gouvernement a proposé en dernier lieu.
Il est évident que cette augmentation est insignifiante ; elle ne causera aucun préjudice au chemin de fer, attendu qu'elle n'occasionnera pas de déplacement.
Je crois que la proposition du gouvernement rapportera au moins 250,000 francs au trésor ; l'augmentation de 6 1/4 p. c. que je propose produira bien environ la même somme.
Voilà donc 500,000 fr. d'augmentation dans les recettes du chemin deferv
l\nus sommes tous d'accord que ce que nous faisons aujourd'hui n'est qu'une expérience dont la durée ne sera guère que de deux années tout ou plus.
Eh bien, je le demande, ne vaut-il pas mieux faire une telle expérience que de rester dans l'ornière où nous sommes, et au sujet de laquelle tant de plaintes, fort justes selon moi, ont été produites.
Depuis notre dernière discussion, j'ai reçu de beaucoup de personnes connaissant parfaitement l'exploitation du chemin de fer, tant de notre pays que de l'étranger, de nombreuses félicitations. (Interruption.)
Oui, messieurs, ces personnes m'ont dit que la proportion adoptée par la chambre relèverait nos recettes sans nuire à la circulation, problème que nous cherchons tous à résoudre.
Quant à moi, je suis grand partisan du chemin de fer ; mais je le suis également des recettes du trésor. Eh bien, je suis convaincu que mon amendement aura pour conséquence d'augmenter nos recettes sans ralentir le mouvement de la circulation. J'espère donc que la chambre maintiendra son premier vote. (Aux voix ! aux voix !)
- La clôture, demandée par plusieurs membres, est mise aux voix et prononcée.
L'amendement de M. Osy est mis aux voix par appel nominal.
78 membres prennent part à ce vote.
46 adoptent l'amendement.
32 le rejettent.
En conséquence, l'amendement est définitivement adopté.
Ont répondu oui : MM. Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Boulez, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Decker, de Denterghem, de Haerne, de la Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Renesse, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Dumortier, Faignart, Jacques, Julliot, Landeloos, le Bailly deTilleghem, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rodenbach, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Anspach, Bruneau, Cans, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Delehaye, Delescluse. Delfosse, Deliége, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Lange, Lebeau, Lesoinne, Loos, Moreau, Orts, Peers, Rogier, Rolin, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Hoorebeke et Van Iseghem.
L'article 6 est définitivement adopté.
« Art. 7. Le minimum de la taxe des voyageurs sera : pour la première classe, de 75 centimes ; pour la deuxième, de 30 centimes et pour la troisième, de 20 centimes. »
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, cet article avait été proposé dans la supposition du prix de 35 ou de 57 c. par place de diligence. Maintenant que la chambre a adopté la proportion de 40, 30 et 20, il convient de mettre ces chiffres en rapport avec la proposition adoptée. Le minimum de la taxe des voyageurs doit donc êlre pour la première classe de 80 c.
Aujourd'hui on fait payer au minimum deux lieues. Il est préférable de conserver 80 c, parce que les petits parcours se font rarement dans des voitures de première classe.
Il est donc assez juste que l'on fasse payer lorsque dans les stations intermédiaires on exige des diligences, alors que l'on serait peut-être exposé à les voir circuler à vide.
Je propose donc 80 centimes pour la première classe, et je maintiens 30 centimes pour la deuxièle classe.
Il y a presque toujours dans les convois de station à station des waggons et des chars à bancs, et presque toujours il y a des places dans les waggons et dans les chars à bancs ; tandis qu'il n'y a pas toujours de diligences.
M. Dumortier. - Messieurs, on me paraît aller trop loin. Vous avez souvent des halles qui sont à de très petites distances des villes. Ainsi, au sortir de la ville d'Ath, vous avez la station de Maffles, qui n'est qu'à une demi-lieue. Vous allez faire payer en diligence comme si l'on avait parcouru deux lieues. Cela n'est pas possible.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Cela existe aujourd'hui.
M. Dumortier. - Cela existe aujourd'hui ; mais ce n'est pas ce qu'il y a de mieux. C'est précisément à cause de cela que pour les petits parcours personne ne prend les diligences. Vous forcez ceux qui voudraient aller en diligence, à entrer dans les chars à bancs, à cause de l'énorme différence que vous établissez entre les prix de l'une et de l'autre classe de voiture. Il me semble que dès que vous demandez pour les plus petits parcours le prix qui se paye pour une lieue, vous avez fait tout ce qu'on doit faire.
M. Vermeire. - Je n'ai demandé la parole que pour soutenir ce que vient de dire l'honorable ministre des travaux publics. Dans le projet primitif on avait proposé de décider que le prix minimum pour les diligences aurait été perçu sur une distance de 11 kilomètres, et pour les autres clauses de voiture sur une distance de 6 kilomètres. Aujourd'hui, par suite de la suppression du kilomètre additionnel, nous devons rétablir, je crois, les mêmes proportions et prendre 80 centimes pour (page 901) la première classe, 30 centimes pour la seconde et 20 centimes pour la troisième.
- L'article modifié comme le propose M. le ministre, est définitivement adopté.
« Art. 8. Nul ne peut circuler gratuitement sur les chemins de fer de l'Etat.
« Seront exempts de toute rétribution : les fonctionnaires ou agents de l'Etat, voyageant pour le service du chemin de fer, et les employés de la douane qui accompagnent les marchandises en transit.
« Le mode et les conditions de ce transport gratuit seront déterminés par arrêté royal. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il faudrait retrancher les mots : « en transit » au deuxième paragraphe. Il s'agit d'accompagner non seulement les marchandises en transit, mais aussi les marchandises expédiées directement sur les entrepôts ou sur les bureaux intérieurs de déclaration et de payement.
- Ce retranchement est adopté et l'article est définitivement adopté.
M. le président. - L'article 10 du projet primitif modifié par le gouvernement, qui précédait l'article 9 actuel, a été supprimé ; il était ainsi conçu :
« Pourront également être admis à jouir de ladite exemption les fonctionnaires et agents des administrations des chemins de fer belges ou étrangers, en relations de service avec le chemin de fer de l'Etat, à charge de réciprocité.
« La liste de ces fonctionnaires sera arrêtée par le gouvernement. »
M. Rolin. - Messieurs, je demande la reproduction de la proposition primitive du gouvernement. Je comprends, messieurs, qu'on désire rendre le chemin de fer belge plus productif, bien que je ne sois nullement d'accord sur les moyens qui ont été proposés et que la chambre vient malheureusement d'adopter en partie pour atteindre ce but ; mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'on se flatte de rendre le chemin de fer plus productif par le retranchement de la disposition qui faisait l'objet de l'article 10 du projet du gouvernement. Non, messieurs, vous n'arriverez point à ce résultat par cette disposition inhospitalière. C'est voir une grande chose par le plus petit côté.
Remarquez d'abord, messieurs, que la concession que le gouvernement vous a proposée et qui existe actuellement de fait, n'est pas gratuite : les fonctionnaires belges obtiennent en retour la même faveur en Allemagne, en France, en Angleterre. Suivez plutôt l'exemple des pays qui vous entourent. En Allemagne, tous les directeurs et les administrateurs des chemins de fer circulent librement et gratuitement d'un bout de l'Allemagne à l'autre, au moyen de la production d'une simple carte et aucune compagnie ne croit nuire, par cet échange de faveur, à ses intérêts financiers.
Pensez-vous que les hommes d'affaires, surtout les hommes haut placés, se déplacent uniquement pour le plaisir de se déplacer ? Lorsqu'ils voyagent, persuadez-vous bien que c'est dans un but sérieux et réciproquement utile. Les relations plus fréquentes que cette facilité de voyage établit, permettent d'aplanir bien des difficultés et conduisent à des idées nouvelles, à des améliorations d'exploitation.
On a parlé d'un prince de la banque qui, à en croire quelques membres, abuserait singulièrement, lui, de la faveur que notre pays accorde. N'en croyez rien, messieurs, je puis attester, au contraire, que ce personnage en use avec une discrétion extrême.
Si vous maintenez le retranchement de la proposition du gouvernement, messieurs, notre chemin de fer fera tache en Europe ; il sera dit que vous, qui ne devez pas considérer seulement le chemin de fer au point de vue commercial, mais qui devez le considérer aussi au point de vue gouvernemental, vous vous montrerez moins libéraux, plus mesquins, plus étroits que les compagnies, fondées uniquement dans un but de spéculation. Non, cela ne serait ni intelligent ni digne.
Quel produit espérez-vous retirer d'une telle mesure ? Elle n'aurait d'autre résultat que de rendre vos rapports avec les chemins de fer étrangers moins agréables, moins bienveillants, sans nul profit pour le trésor.
Permettez-moi, messieurs, de vous donner un nouveau motif qui déterminera, j'espère, vos convictions, et ramènera unanimement la chambre à la proposition qu'elle a supprimée par son premier vote.
L'année dernière, les directeurs de tous les chemins de fer d'Allemagne, des chemins de fer français, du chemin de fer de l'Etat belge, qui, jusqu'à présent, quoi qu'on en dise, a été placé dans l'opinion des étrangers au premier rang, se sont réunis en Allemagne pour délibérer sur les intérêts communs des voies ferrées, c'est-à-dire, sur un des intérêts les plus essentiels au développement de la prospérité publique et de la civilisation.
La réunion de ce congrès si éminemment pacifique est fixé, pous l'année 1851, à Bruxelles. Voulez-vous que les membres qui sont appelés à le composer s'aperçoivent de leur arrivée à nos frontières par un accueil si différent de celui que nos propres fonctionnaires ont reçu dans leur pays ? Pour ma part, je ne veux pas d'un si mince profit au prix d'une telle humiliation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois, messieurs, qu'il n'entre dans la pensée de personne dans cette chambre de supprimer, d'une manière absolue, la faculté dont le gouvernement a usé jusju'à présent, d'accorder, par réciprocité, la circulation sur le chemin de fer de l'Etat aux agents des compagnies étrangères qui sont en relation avec le gouvernement. Ce qu'on a voulu prévenir et ce qui a motivé le rejet, au premier vote, de la proposition du gouvernement, c'est, j'en suis convaincu, la supposition qu'il y avait là de graves abus et la volonté d'y mettre définitivement un terme.
Je suis persuadé que si la chambre avait la conviction qu'une proposition de ce genre n'est destinée qu'à atteindre véritablement le but en vue duquel elle a été faite, qu'elle sera appliquée d'une manière convenable, d'une manière raisonnable, la chambre sanctionnerait la proposition à l'unanimité. Eh bien, messieurs, en fait, dans l'état actuel des choses, combien y a-t-il de personnes qui jouissent de cette faveur, toujours, je le répèle, à titre de réciprocité ? Il y en a 60 ! (Interruption.) Il y a 60 cartes seulement, voilà ce qui résulte d'un tableau que vient de me communiquer mon collègue, M. le ministre des travaux publics.
M. Coomans. - Qui servent à des centaines de personnes.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Si vous voulez me permettre d'achever, nous tomberons, je pense, d'accord.
Il y a, dans ce que vient de dire M. Rolin, des choses justes et que chacun apprécie. Notre règle doit être celle-ci : Faire les choses convenablement, et éviter qu'il n'y ait des abus.
Dans l'état actuel des choses, nous avons donc 60 cartes de circulation gratuite ; peut-être est-ce encore trop ; peut-être pourra-t-on en réduire le nombre ; mais, à coup sur, si elles étaient limitées à 60, la chambre, sachant ce qu'elle fait, ne trouverait pas ce nombre exorbitant.
Le gouvernement a proposé une mesure à laquelle il faut faire attention : il a proposé d'ajouter à la disposition ce qui suit : « La liste de ces fonctionnaires sera arrêtée par le gouvernement. » Dès lors le gouvernement engage ici sa responsabilité en arrêtant la liste ; il devra prendre des mesures pour qu'on n'abuse pas des cartes ainsi données ; mais je ne pense pas, malgré l'opinion de l'honorable M. Coomans, que les abus soient ici fort à redouter. Les cartes sont délivrées à des personnes honorables qui ne voudraient pas les passer à des tiers pour léser le chemin de fer ; en tout cas, des mesures de précaution seront prises, et en agissant ainsi, le gouvernement remplira complètement le vœu de la chambre.
M. Delfosse. - L'honorable M. Rolin n'a pas compris la pensée de ceux qui ont voté contre l'article 10. Leur intention n'a pas été de rendre le chemin de fer inhospitalier ; la Belgique a toujours été, elle sera toujours, je l'espére, une terre d'hospitalité. Ils n'ont pas cru non plus que la suppression de l'article 10 donnerait de brillants produits au trésor, que l'on obtiendrait par là les millions que l'honorable M. Dumortier réclame pour couvrir le déficit. Notre pensée a été celle que M. le ministre des finances vient d'indiquer ; notre vote a été une protestation contre des abus trop fréquents.
M. le ministre des finances annonce que des mesures seront prises pour mettre un terme aux abus ; nous n'avons plus dès lors de motifs pour persisler dans notre opposition.
Nous savons qu'il convient, qu'il est utile que certains fonctionnaires étrangers puissent circuler gratuitement sur le chemin de fer belge comme il convient que quelques-uns des nôtres puissent circuler gratuitement sur les chemins de fer étrangers ; mais il ne faut pas qu'une mesure utile devienne une source d'abus.
M. Coomans. - Messieurs, mon rôle dans cette question n'est pas le plus agréable assurément, c'est le rôle de défenseur du trésor public, dont la cause est trop souvent désertée, même par ceux à qui l'établissement de nouveaux impôts répugne le plus. Je conçois qu'on préfère l'autre rôle, consistant dans la distribution de toutes sortes de faveurs. Messieurs, mon but principal a été de supprimer l'exemption publique du péage, d'y soumettre tous les voyageurs, pour donner ainsi au public un contrôle, une sorte de censure qui aurait efficacement réprimandé la complaisance coupable des employés qui s'abstiennent d'exiger les coupons des voyageurs favorisés par eux.
Quelque petit que ce soit le nombre des cartes de faveurs et des exceptions légales, ce contrôle, cette censure disparaissent et mon but dès lors n'est pas atteint.
Si le gouvernement pouvait me garantir que les cartes dont il s'agit ne profiteraient qu'aux employés étrangers voyageant chez nous pour relations de services ou pour inspection, je pourrais encore les admettre. Malheureusement, il lui est impossible de me fournir cette garantie ; parce qu'on lui cache soigneusement les abus de ce genre, dont il est le dernier instruit.
Je crains donc que la proposition de M. Rolin ne donne lieu à plus d'inconvénients qu'elle ne renferme d'avantages.
L'honorable M. Rolin dit que les employés des chemins de fer étrangers et belges ne se déplacent pas pour le plaisir de rouler en voiture. Soit ; mais ne voyageraient-ils pas quelquefois pour se donner des vacances à bon marché ?
Je ne calomnierai personne, je pense, en émettant l'hypothèse que MM. les fonctionnaires en général aiment mieux se reposer ou se promener que de travailler. Or, la facilité qu'ils ont aujourd'hui de parcourir le continent et l'Angleterre, sans bourse délier, est un attrait dangereux qui peut nuire au service. (Interruption.)
Eh, messieurs, gagner le plus possible avec le moins de travail possible, est un penchant tout naturel auquel cède la majorité des hommes.
Du reste, puisque le gouvernement se fait fort d'empêcher le retour des abus, puisque les exemptions de péage ne seront accordées que par arrêté royal, et puisqu'il déclare qui les déplacements gratuits pour affaires de service seront seuls autorisés, je n'insisterai pas, pour le moment, sur la suppression de l'article.
M. Osy. - J'ai voté contre l'article 10, parce qu'il y avait beaucoup (page 902) d’abus sous ce rapport, et que j'ai craint qu'ils ne continuassent d'exister de plus belle ; je voterai aujourd'hui pour la disposition, si j’obtiens du gouvernement l'assurance que les cartes seront nominatives et que la liste en sera publiée dans les stations.
M. de Mérode. - Messieurs, autrefois, lorsqu'il n'y avait pas de chemin de fer, il y avait des postes qui étaient en quelque forte soutenues par le gouvernement. On n'imaginait pas alors de faire voyager aucun vovageur en poste gratis ; vous aviez alors 3 ou 4 inspecteurs des postes qui, dans leurs tournées, ne payaient que les guides, sans devoir payer les chevaux. Nous avons maintenant un chemin de fer au compye des contribuables, et nous ne devons pas accorder de faveirs aux étrangers qui veulent circuler chez nous sur une voie de communication.
On nous dit qu'il y a des réunions pour étudier les questions relatives au chemin de fer. Les personnes qui veulent assister à ces réunions, les trouvent sans doute suffisamment intéressantes, quand même elles devraient payer.
Ces faveurs donnent toujours lieu à une multitude d'abus, et puisque dans le siècle actuel, on repousse les privilèges, je ne vois pas la nécessité d'en créer qui n'ont pas de but sérieux.
Ceux qui voyagent pour l'administration du chemin de fer sont à même de payer ; ce ne sont pas des pauvres. Ce n'est pas une décoration de ne pas payer ; ce n'est pas un signe honorifique. Ces personnes sont aussi bien en état de payer que les voyageurs en waggon ; il n'y a pas dans les waggons des voyageurs qui aient des cartes de faveur ; il n'est pas nécessaire qu'il y en ait dans les diligences.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Messieurs, à entendre les deux honorables préopinants, il semble qu'ils aient perdu de vue ce qui s'est dit au premier vote ; il a été déclaré alors qu'il ne s'agissait que de fonctionnaires qui sont en relation de service avec le chemin de fer. Les voyages qui ont eu lieu en 1850, à quel nombre se sont-ils élevés en ce qui concerne le chemin de fer du Nord, le plus important de tous ? A six. Voilà à quoi aboutissent les critiques de l'honorable membre. Ce n'est pas seulement un acte de convenance, un acte de courtoisie ; c'est aussi une mesure d'économie, car si vous supprimez ces cartes des fonctionnaires qui peuvent venir pour affaires de service, vous devrez payer pour ceux de vos fonctionnaires qui devront aller à Paris ou à Cologne. Vous payerez d'un côté ce que vous auriez reçu de l'autre. La chambre ne doit donc pas s'arrêter à cette question. C'est dans la surveillance, dans les mesures administratives qu'on trouvera le remède aux abus qu'on semble craindre.
M. Malou. - Au lieu de dire : « en relations de services », je proposerai : « pour les relations ».
J'ai voté au premier vote la suppression de l'article par les mêmes motifs que l'honorable M. Delfosse. Si on dit : « Pour les relations de service », il n'y a plus d'équivoque, le but que nous nous sommes proposé est atteint, les abus sont supprimés, le gouvernement tient la main à la rigoureuse exécution de la loi, et il sera fait droit aux considérations que l'honorable M. Rolin a fait valoir et qui ont exercé une légitime influence sur la chambre.
M. Rolin. - Ce que propose l'honorable M. Malou est impossible, cela n'est pas pratique. Vous voudriez qu'un fonctionnaire reçût une carte de circulation pour relation de service ? Il faudrait chaque fois qu’il veut se mettre en voyage, qu'on constatât que le but de son voyage est d'établir des relations. Cela n'est pas possible.
M. Vilain XIIII. - C'est un lien moral.
M. Rolin. - Ce ne sont pas des liens moraux, mais des dispositions qui ont une sanction que nous mettons dans les lois. Comment voulez-vous que le chef de station contrôle si le fonctionnaire voyage pour relations de service ? Il faudrait que chaque jour il eût un certificat.
M. Malou. - C'est exactement l'interprétation que M. le ministre des travaux publics donnait à l'article, qu'il avail pour objet des voyages pour relations de service et non des voyages d'agrément.
M. Rolin. - C'est qu'effectivement ils voyagent pour relations de service ; mais comment le constater ?
M. Malou. - C'est au gouvernement à y veiller, cela n'est pas difficile.
- L'amendement, consistant dans la substitution du mot « pour relations de service », est mis aux voix et adopté.
- L'article ainsi amendé est rétabli et portera le n°10.
« Art. 10 (qui devient 10bis.) Le ministre des travaux publics aura la faculté de réduire le tarif des voyageurs jusqu'à concurrence de 50 p. c. :
« 1° Pour le transport des emigrants et leurs bagages ;
« 2" Pour les transports exceptionnels qui auraient lieu à l'occasion de solennités, concours, fêtes publiques, les trains dits de plaisirs, et qui paraîtraienl de nature à procurer au chemin de fer un accroissement de produits. »
M. Roussel propose de substituer aux mots « trains de plaisir », ceux-ci : « convois populaires ».
M. Delfosse. - Il y en a qui prétendent que ces trains sont impopulaires.
M. Roussel. - Je n'ai pas l'honneur de connaître personnellement les trains de plaisir ; car je n'ai pas eu occasion de les rencontrer. Je ne me suis pas prononcé au premier vote lorsqu'ils furent mis en question, parce que je ne les connaissais pas. Mais je pense qu'il faut laisser aux lois le langage sévère qui leur convient. Quand la discussion a été entamée, M. le minisire de l'intérieur a dit une chose qui peut être vraie, c'est que le nom de « train de plaisir » avait peut-être nui à la chose.
Je me suis dit que si le nom avait pu nuire à la chose, il pourrait bien nuire à la loi dans laquelle il serait inséré.
Une autre chose, l'honorable M. Durmortier, dans la discussion de la loi de secours mutuels, ayant proposé d'insérer dans cette loi une autorisation à donner aux ouvriers de s'amuser à l'aide des économies qu'ils avaient pu faire, M. le ministre de la justice répondit, et avec beaucoup de raison, que le gouvernement n'était pas entrepreneur de plaisirs publics.
Des convois populaires peuvent avoir pour but autre chose que le plaisir ; ils peuvent avoir pour but l'instruction : s'il plaisait au gouvernement d'établir des convois pour transporter un certain nombre de personnes pour assister à l'exposition extraordinaire qui va avoir lieu à Londres, ce ne seraient pas des convois de plaisir, ce seraient des convois populaires ; je propose à la chambre de leur donner cette dénomination dans la loi.
Les lois doivent être dignes, non seulement dans ce qu'elles contiennent, mais encore dans leur langage.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La chambre se souvient que l'article dont il s'agit se terminait par un « etc. » qui avait effrayé l'honorable M. Osy, car il avait découvert, non sans raison, caché sous ce sournois d' «etc. », cette chose que je ne sais plus comment désigner depuis qu'elle a révolté la pudeur de l'honorable M. Roussel au point de lui faite dire qu'on ne pouvait pas la nommer dans la loi. J'avais été forcé, pour que la chambre pût voter sur la chose, de la présenter sous son nom connu, sous son nom populaire, et qui, décidément, j'en demande pardon à l'honorable membre, est bien celui de train de plaisir. On a mal traduit le nom anglais de ces sortes de trains qui sont fort usités de l'autre côlé de la Manche ; mais il y a de plus mauvaises traductions que celle-là.
Nous pourrions calmer toutes les susceptibilités en remplaçant ce nom par un modeste et en rédigeant ainsi l'article :
« 2° Pour les transports exceptionnels et pour ceux qui pourraient avoir lieu à l'occasion de solennités, concours, fêtes publiques, et qui paraîtraient de nature à procurer au chemin de fer un accroissement de produits. »
Il serait parfaitement entendu, après le vote de la chambre, que les transports exceptionnels dont nous parlons comprennent les trains de plaisir.
M. Malou. - Ne comprennent que les trains de plaisir.
M. de Haerne. - J'avais demandé la parole pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Roussel. Maintenant que M. le ministre des finances présente un amendement qui rencontre la pensée de l'honorable M. Roussel, je crois aussi que cet amendement est préférable à la rédaction actuelle. Cependant, il n'est pas exact de dire qu'il ne peut y avoir que des trains de plaisir ; à cet égard, la pensée de l'honorable M. Roussel m'a paru extrêmement juste. Il a parlé de trains qui pourraient être organisés pour l'instruction. Eh bien, il me semble que des trains à bon marché, « cheap train », pourraient être également organisés dans un but religieux. Dans ce cas-la, il ne serait cependant pas exact d'appeler ces convois des trains de plaisir. Je dis donc que la pensée de l'honorable M. Roussel est juste, mais j'accepte l'amélioration relative proposée par M. le ministre des finances.
- La rédaction proposée par M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
« Art. 11. Le ministre des travaux publics aura également la faculté d'accorder des convois spéciaux à des prix à déterminer selon les circonstances. »
M. Dumortier. - L'article additionnel proposé par M. le ministre des travaux publics est excessivement grave. Vous remarquerez, en effet, messieurs, que le gouvernement serait autorisé à fixer le prix des convois spéciaux, sans qu'aucune limite fût posée à l'exercice de ce droit. Je conçois que, s'il ne s'agissait que de convois funèbres, on pourrait dès maintenant établir un prix fixe, mais il peut y avoir des convois dans un tout autre but. Je demande dans quelle limite le gouvernement entend faire payer en pareil cas. Je voudrais que l'article fût amendé de telle sorte qu'en aucun cas le gouvernement ne pût accorder des convois spéciaux à un prix inférieur à celui des convois ordinaires. (Interruption.)
M. le minisire me répond que le prix dépendra du nombre des voitures. Cependant je désirerais obtenir du gouvernement l'assurance que le prix de ces convois ne sera, dans aucune hypothèse, inférieur à celui des convois ordinaires.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - J'ai eu déjà l'occasion de dire à la chambre qu'il s'agissait ici de régler, non pas le prix des convois, mais un prix à débattre entre les particuliers et le gouvernement. Il est évident que, dans tous les cas, il doit en résulter un bénéfice pour le trésor, puisque le prix de ces convois sera calculé à raison ou nombre des voitures et selon les circonstances.
- L'article 11 est définitivement adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.
81 membres y prennent part.
71 adoptent.
9 rejetent.
1 (M. Bruneau) s'abstient.
Ont adopté : MM. Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Breyne, de Decker, de Denterghem, (page 903) de Haerne, de la Coste, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliège, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, Dequesne, de Renesse, de Steenhault, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dumont (Guillaume), Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Landeloos, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Loos, Malou, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Rodenbacb, Rogier, Rolin, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem et Verhaegen.
Ont rejeté : MM. Cans, de Brouwer de Hogendorp, Destriveaux, Julliot, Lesoinne et Orts.
M. le président. - M. Bruneau est prié de faire connaître les motifs de son abstention.
M. Bruneau. - Je me suis abstenu parce que je ne veux pas assumer une part de responsabilité dans une expérimentation qui, selon moi, et avec le mode actuel d'exploitation, tournera contre le principe qu'il tend à établir et qui, en tous cas, ne produira que des résultats insignifiants.
- Ces motifs sont admis ; le projet de loi sera transmis au sénat.
M. Moncheur. - Nous venons d'achever la loi sur la tarification des voyageurs sur le chemin de fer. Je demande à présent que M. le ministre des travaux publics veuille bien soumettre à la chambre une loi sur la tarification des marchandises.
Au point de vue de la légalité, messieurs, la nécessité est la même, et cet important objet ne peut rester dans un provisoire indéfini. Mais, messieurs, au point de vue des recettes des chemins de fer, la nécessité d'une loi est bien plus grande encore ; car, ce n'est pas 300,000 fr. ou 400,000 fr. de plus que nous pouvons espérer d'une nouvelle tarification du transport des marchandises, mais d'un million à un million et demi au moins.
Il résulte des documents qui viennent de nous être communiqués que le transport des petites marchandises va constamment en déclinant et qu'une diminution de plus de 500,000 fr. de recette a eu lieu en 1850, comparée au chiffre de 1847.
Selon moi, messieurs, ce n’est pas en relevant généralement le tarif des marchandises que l’on doit obtenir un surcroît de recette, mais c’est surtout par un mode meilleur d’administration, et en faisant disparaître les vices qui existent aujourd’hui.
Ce n'est pas le moment d'énumérer tous ces vices. Mais ils existent et ils sont constatés dans des documents produits par l'administration des travaux publics elle-même.
Mais, messieurs, il y a une autre question bien plus grave encore à examiner et sur laquelle j'ai déjà eu l'honneur d'attirer l'attention de la chambre, c'est celle de savoir si tous les centres d'industrie du pays ne doivent pas être traités sur le même pied, en ce qui concerne les relations qu'ils peuvent avoir avec le chemin de fer de l'Etat et avec les chemins de fer concédés.
Or, cette égalité n'existe pas aujourd'hui. Ainsi les localités qui sont voisines de certains chemins de fer concédés peuvent s'en servir pour le transit des marchandises de la manière qui convient le mieux aux intéressés ; d'autres localités, au contraire, ne le peuvent pas. Cette question est intimement liée à celle de la tarification des marchandises et mérite un sérieux examen.
- - Un membre. - Cette question n'est pas à l'ordre du jour.
M. Moncheur. - Non, mais j'ai voulu appeler l'attention de la chambre sur les questions principales et les plus graves qui devront être traitées à l'occasion du projet de loi relatif à la tarification des marchandises. La chambre doit désirer savoir si elle sera bientôt saisie de ce projet.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - A l'occasion de la discussion du budget des travaux publics, j'ai déjà eu l'occasion de dire à la chambre que le projet de loi sur la tarification des marchandises suivra immédiatement le projet de loi sur le tarif des voyageurs. Je puis renouveler cette déclaration.
Je puis annoncer que ce projet fait en ce moment l'objet de mon attention, qu'il pourra être présenté d'ici à fort peu de temps et que la chambre sera en mesure de le discuter encore dans le cours de cette session.
Quant à la seconde question qui fait l'objet de l'interpellation de l'honorable M. Moncheur, on pourra, à l'occasion du tarif des marchandises, la discuter d'une manière approfondie.
Cette question est extrêmement grave, extrêmement importante, non seulement au point de vue des centres industriels, mais encore des intérêts du trésor, et c'est de la combinaison de ces divers intérêts que doit jaillir l'appréciation qui interviendra dans cette question.
M. Moncheur. - Je me déclare satisfait de ces explications.
M. Delfosse. - Messieurs, il y a très peu de chose à l'ordre du jour pour la séance publique et nous avons beaucoup de travail en sections. Je propose à la chambre de travailler lundi en sections et de ne nous réunir que mardi en séance publique.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 3 heures 3/4.