(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 793) M. Ansiau fait l'appel nominal à deux heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. de Perceval donne lecture du procès-verbal de la séance présente ; la rédaction en est approuvée.
M. Ansiau présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Wéry, employé au chemin de fer de l'Etat, prie la chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par dépêche du 26 février, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre trois exemplaires d'un rapport sur l'emploi du noir animal pour le défrichement des landes et des bruyères publié dans la bibliothèque rurale.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. H. de Baillet. - La chambre a demandé de prompts rapports sur deux pétitions. J'ai l'honneur de lui présenter ces rapports.
« Le sieur Fafchamp, ancien capitaine, décoré de l'Ordre de Léopold et de la croix de Fer, et depuis ingénieur civil, inventeur de la machine à vapeur à traction directe, prie la chambre de lui faire obtenir un secours sur le fonds des brevets. »
Dans sa séance du 17 février 1849, la chambre, statuant sur une première pétition du même individu, a, sur le rapport favorable de la commission des pétitions, recommandé M. Fafchamp à la sollicitude du gouvernement, avec prière à celui-ci de voir s'il ne serait pas possible de lui accorder un secours sur le fonds des brevets, attendu qu'il était reconnu, par la commission consultative pour les affaires industrielles, que le sieur Fafchamp a en effet rendu par ses inventions, à l'industrie, des services qui n'ont pas profité à lui-même, à défaut des fonds nécessaires pour lever son brevet.
Le pétitionnaire qui, dans le temps, a renoncé à obtenir des secours sur le fonds indiqué, confiant dans l'espoir que sa position se serait améliorée, voyant son espoir déçu, les demande aujourd'hui.
Votre commission propose le renvoi de cette nouvelle pétition à M. le ministre de l'intérieur, en la recommandant spécialement à sa bienveillante sollicitude.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. H. de Baillet, rapporteur. - « Quelques distillateurs à Liège prient la chambre de vouloir intervenir, afin qu'il leur soit accordé remise des droits d'accise perçus sur une quantité d'environ 294 hectolitres de genièvre qu'ils avaient en citerne et qui ont été perdus par l'inondation en février 1850. »
Les droits perçus dont il s'agit s'élèvent à 5,341 fr. 83 c. La perte de genièvre a été reconnue réelle par l'administration communale, qui a accordé aux réclamants remise des droits de ville. Ceux-ci ont également réclamé du gouvernement remise des drotls d'accise. Mais il leur a été répondu par M. le ministre des finances que l'article 112 de la Constitution s'opposait à ce qu'il fût satisfait par lui à leur demande ; c'est pourquoi ils s'adressent à la chambre.
La commission, à qui la réclamation en question paraît fondée, propose son renvoi à M. le ministre des finances, avec demande d'explications.
M. Delfosse. - J'appuie les conclusions de la commission, et je prie M. le ministre des finances de vouloir bien donner le plus tôt possible les explications que la commission demande.
M. Moncheur. - Une perte considérable a été faite par quelques distillateurs de Liège, par suite d'un événement de force majeure, c'est-à-dire par suite de l'inondation tout à fait extraordinaire qui a eu lieu l'année dernière à Liège. Les pétitionnaires, qui ont perdu alors tout le spiritueux qu'ils avaient en magasin, pensent que l'équité exigerait que les droits qu'ils avaient payés à l'Etat, pour ce genièvre, leur fussent au moins restitués.
Je crois qu'il faut envisager leur pétition à un point de vue tout spécial à cause des circonstances, toutes spéciales aussi, dans lesquelles ces distillateurs se sont trouvés.
J'appuie donc le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications.
M. Mercier. - Messieurs, je ne m'oppose pis au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, avec demande d'explications ; mais je prie M. le ministre des finances d'examiner également les pétitions qui ont été adressées au gouvernement d'autres localités du pays, et qui ont un objet analogue.
Par suite des inondations, des brasseurs à Bruxelles et dans d'autres localités ont perdu une grande partie de leurs produits. Je demande que leurs réclamations, quoique n'ayant pas été adressées à la chambre, fassent l'objet d'un même examen.
M. Dumortier. - Je crois que la chambre doit renvoyer la pétition à M. le minisire des finances purement et simplement et sans demande d'explication. En effet, s'il y a des distillateurs qui ont perdu leurs spiritueux par suite des inondations désastreuses de l'an dernier, il y a aussi des brasseurs qui ont perdu leurs bières, des marchands d'huile qui ont perdu leurs huiles, des fermiers qui ont perdu leurs foins. Vous allez ainsi vous exposer à entrer dans un système d'indemnité qui n'aura pas de fin.
Ce sont des cas fortuits, des cas de force majeure devant lesquels il n'y a qu'à regretter les événements. Mais il n'est pas possible d'entrer dans un système d'indemnité.
D'ailleurs, comment constater en pareil cas les désastres ? Cela est impossible.
J'ai vu dans les journaux, à cette époque, qu'il y avait un grand marchand d'huile de Bruxelles, habitant le bord du canal, dont l'établissement avait été envahi par les eaux. Il est certain qu'il a trouvé dans ses caves de l'eau au lieu d'huile. Si vous donnez une indemnité à l'un, vous devez en donner une à l'autre.
M. Lesoinne. - Il ne s'agit pas de cela !
M. Dumortier. - C'est la même chose. Vous dites qu'on a payé le droit d'accise sur les eaux-de-vie. Mais les huiles qui ont été perdues étaient peut-être des huiles d'olive, qui avaient payé des droits d'entrée.
Si vous remboursez les droits d'accise, il faut aussi rembourser les droits d'entrée ; et il faudra arriver ainsi à indemniser tout le monde.
Je crois que ce sont de ces cas de force majeure pour lesquels il est impossible que nous entrions dans un système qui pourrait nous conduire beaucoup plus loin que nous ne voulons.
M. Lesoinne. - Il ne s'agit pas, comme le prétend l'honorable M. Dumortier, d'indemniser les pétitionnaires pour les genièvres qu'ils ont perdus. Il s'agit seulement des droits qu'ils ont payés pour du genièvre qui n'a pu être livré à la consommation et qu'ils ont été obligés de remplacer en payant de nouveau les droits.
L'administration communale a fait droit à leurs réclamations. Elle a restitué les droits qu'ils avaient payés pour les genièvres perdus par suite de l'inondation.
Les pétitionnaires réclament la même restitution de la part du gouvernement. C'est une question d'équité, et nous pouvons, à ce point de vue, appuyer le renvoi avec demande d'explications proposée par la commission des pétitions.
M. Delfosse. - Je comprendrais l'opposition de M. Dumortier si nous proposions à la chambre de prendre immédiatement une résolution ; mais nous nous bornons à appuyer les conclusions de la commission, qui tendent à ce que des explications soient demandées à M. le ministre. Ce serait se conduire bien durement envers les pétitionnaires que de leur refuser même des explications.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la réclamation qui vous est actuellement soumise a déjà été adressée au département des finances. Quoique les circonstances fussent extrêmement favorables, il m'a paru évident, en présence du texte de la loi et de l'article 112 de la Constitution, qu'il ne m'était pas permis d'accorder une restitution de droits. Cette requête a donc été rejetée.
Maintenant la commission conclut au renvoi au ministre des finances, avec demande d'explications.
Je suis prêt à les donner sur un point. Je dirai les motifs pour lesquels j'ai résisté : on pourra apprécier si j'ai bien ou mal appliqué la loi. Mais des explications devront être données sur une demande que contient la pétition, c'est celle de la présentation d'un projet de loi spécial pour accorder la restitution des droits qui ont été payés. Sous ce rapport le renvoi peut être nécessaire, il s'agira de voir quelles sont les demandes de même nature qui ont déjà été adressées à la chambre ou au département des finances, et de calculer ainsi les conséquences du principe dont on réclame l'application. Lorsque la commission aura reçu les explications du département des finances, elle pourra soumettre des conclusions à la chambre.
M. Dumortier. - Je m'oppose au renvoi à M. le ministre des finances par les motifs qu'on vient de donner et parce qu'en définitive le renvoi avec demande d'explications serait en quelque sorte un encouragement donné à M. le ministre pour présenter le projet de loi auquel il a fait allusion.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais non ; on examinera et l'on donnera les explications demandées.
M. Dumortier. - Si quelque membre de la chambre veut absolument faire droit à la pétition, il n'a qu'à déposer un projet de loi. Mais je ne puis pas croire qu'il faille accueillir une pétition semblable, attendu que ce serait consacrer un véritable privilège ; toutes les personnes qui ont perdu quelque chose par les inondations avaient payé des droits pour les objets détruits.
Ainsi le fermier qui a perdu ses récoltes n'avait-il pas payé l'impôt foncier ? Si donc vous accordez la restitution aux uns, il faut l'accorder aux autres, il faut l'accorder à tous. Mais alors où vous arréterez-vous ? Je conçois fort bien le sentiment qui porte certains membres à défendre ici l'intérêt de leurs commettants, mais je ne comprendrais pas que la chambre prît la résolution fort grave qu'on lui demande.
Je persiste à demander le renvoi pur et simple.
M. H. de Baillet, rapporteur. - Je crois devoir faire observer que si le gouvernement prenait une mesure en faveur des réclamants, il n'y aurait pas de perte pour le trésor ; car les genièvres qui ont été détruits (page 794) étaient destinés à la consommation et ils ont été remplacés par d'autres, qui ont payé les droits.
M. Delfosse. - Je prie de nouveau la chambre de remarquer qu'il ne s'agit pas de prendre une résolution sur le fond de la demande des pétitionnaires.
Les pétitionnaires ont perdu de fortes quantités de genièvre sujettes à la fois aux droits d'octroi et aux droits d'accises. L'administration communale de Liège a constaté la réalité des pertes, et elle a cru que l'équité exigeait la restitution des droits d'octroi. Maintenant la question se présente pour les droits d'accise. Faudra-t-il les restituer ? Faudra-t-il entrer dans la voie d'équité ouverte par l'administration communale de Liège ? C'est une question qui ne vous est pas soumise en ce moment.
La commission se borne à proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, avec demande d'explications ; en adoptant les conclusions, vous ne vous engagez à rien ; quand vous aurez reçu des explications, vous pourrez statuer en parfaite connaissance de cause.
Messieurs, vous devez au moins aux pétitionnaires, qui sont des hommes honorables et dignes d'intérêt, d'adopter les conclusions de la commission.
-La chambre, consultée, ordonne le renvoi de la pétition a M. le ministre des finances, avec demande d'explications.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau les projets de budget : 1° Des dotations ; 2° De l'intérieur ; 3° De la guerre ; 4° Des voies et moyens.
Tous les budgets sont à ce jour présentés. La chambre jugera peut-être convenable de suspendre l'impression du budget de la guerre. Ce budget est du reste déposé régulièrement, et il pourrait être imprimé, sauf les modifications à y introduire ultérieurement, s'il y a lieu ; c'est ce qui est indiqué dans la note préliminaire du budget.
- Il est donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces budgets ; ils seront imprimés, distribués, et renvoyés à l'examen des sections, sauf en ce qui concerne le budget de la guerre dont la chambre suspend l'impression.
M. Osy (pour une motion d’ordre). - Messieurs, pendant le cours de la semaine, toutes les sections ont été très occupées de divers projets de loi qui ont été présentés par le gouvernement. Je propose, après la séance de ce jour, de suspendre la discussion du tarif des voyageurs jusqu'à jeudi, de se réunir demain en sections, pour qu'à notre rentrée les sections centrales puissent travailler.
Ma proposition est donc de n'avoir pas séance demain, de travailler demain dans les sections et de nous réunir jeudi en séance publique.
M. Cools. - Messieurs, je crois qu'il convient qu'il y ait séance demain. Il est certain que nous sommes au milieu d'une discussion qui doit aboutir ; je propose que demain il y ait séance à deux heures ; nous pourrons de cette manière compléter la discussion du tarif des voyageurs.
M. Osy. - Je ne m'oppose pas à ce qu'il y ait séance demain, mais je vous avoue que je crains que nous ne soyons pas en nombre. J'aimerais beaucoup mieux que les sections qui n'ont pas achevé leurs travaux pussent les achever demain pour qu'à notre rentrée jeudi les sections pussent être convoquées.
M. Dumortier. - Il est inutile de se faire illusion. Vous voyez messieurs, avec quelle peine… (Interruplion.) J'assiste tous les jours aux séances, depuis le commencement de la session je n'ai été qu'un seul jour chez moi. Vous voyez, messieurs, avec quelle peine on se trouve en nombre ; aujourd'hui à peine se trouvait-on en nombre à 2 heures et demie. Si vous voulez absolument fixer une séance pour demain, la chambre ne se trouvera pas en nombre, ce qui serait fort regrettable. Il vaut beaucoup mieux adopter la motion de M. Osy et avoir séance jeudi. La chambre a, du reste, l'habitude de s'ajourner pendant les jours du carnaval, de manière que beaucoup de membres partiront demain pour passer quelques jours dans leur famille. Je le répète, il vaut beaucoup mieux d'adopter la motion de M. Osy que de s'exposer à ne pas se trouver en nombre.
- La chambre décide qu'il y aura séance demain ; et elle adopte la deuxième partie de la motion de M. Osy.
M. de Mérode. - Je demande que la séance soit fixée de bonne heure, de manière que si la chambre n'est pas en nombre ceux qui voudront aller chez eux puissent profiter de l'absence des autres.
- La séance est fixée à une heure.
M. Osy. - Messieurs, je n'ai pas pris part lors de la session dernière, non plus que dans la session actuelle, aux discussions qui ont eu lieu, à l'occasion des budgets, sur le tarif des voyageurs, parce que je pensais que ces discussions n'aboutiraient à rien pour le moment. Effectivement, les opinions sont très partagées sur le coût de nos chemins de fer. Je conviens que nous avons dépensé, pour cette grande œuvre nationale, des sommes considérables, et que si nous avions eu plus d'expérience, nous aurions pu faire beaucoup d'économies.
Nous perdons chaque année une somme assez forte, si nous calculons l'intérêt et l'amortissement de la somme dépensée. Je crois que le moment est venu de voir s'il faut remédier au mal qui existe. Pour ma part, je pense qu'un tarif trop élevé, en vue d'obtenir l'intérêt et l'amortissement du coût du chemin de fer, serait un très grand mal, qu'il aurait pour effet de diminuer considérablement les recettes. Cependant, je ne partage pas l'opinion de ceux qui veulent maintenir les tarifs actuels qui, selon moi, sont beaucoup trop bas pour les voyageurs.
Il est regrettable qu'en 1834 on ait commencé l'exploitation avec un tarif beaucoup trop bas, car il est toujours très difficile d'augmenter les prix ; si nous avions commencé avec un tarif élevé, il eût toujours été facile de le diminuer. Mais le mal étant fait, il faut voir quel remède on peut y apporter.
Pour moi, je suis persuadé que la circulation intérieure ne peut plus recevoir d'augmentation, mais nous pouvons encore attirer une plus grande circulation d'étrangers, si notre chemin de fer est administré avec régularité et célérité. Ne perdons pas de vue que nous allons avoir un concurrent redoutable dans le chemin de fer de Paris à Strasbourg, qui conduira les voyageurs du Havre au Rhin.
Il est plus que temps que nous administrions notre chemin de fer avec régularité et célérité. Les frais augmentent, il est juste aussi qu'on augmente les prix, surtout si nous adoptons un tarif qui ne fasse pas craindre le déclassement. Si, comme le propose la section centrale, nous adoptons un tarif double pour la circulation accélérée et pour la circulation ordinaire, je ne puis pas admettre l'opinion de M. le ministre des travaux publics, qui prétend que ce système est inexécutable.
Dans tous les pays, en Angleterre surtout, vous avez des convois mixtes et des convois de poste, où les tarifs ne sont pas les mêmes ; et le service s'y fait très bien.
De Londres à Liverpool, on paye plus quand on prend un convoi-poste que quand on prend un convoi ordinaire. Je comprends qu'on ne puisse pas faire de train-poste pour les petites distances, mais on pourrait en établir d'Ostende à la frontière prussienne, et de Bruxelles à la frontière française. Aujourd'hui nous n'avons pas de convois de grande vitesse, mais nous avons des trains qui vont un peu plus vite que les trains mixtes. Ce sont les trains-postes qui ne sont pas des trains de grande vitesse.
Je dis, messieurs, que c'est un impôt que nous pouvons facilement établir, car ce sont surtout les étrangers qui payeront cet impôt. Ce sont les étrangers qui voudront aller d'une manière accélérée d'Ostende en Allemagne, ou qui viendront de France à Anvers, qui payeront l'augmentation que propose la section centrale.
Ensuite, messieurs, c'est un impôt facultatif, et ce sont les impôts facultatifs que, pour ma part, je préfère. Je prendrai pour exemple les déarts de Bruxelles pour Anvers ; vous en avez un à 7 heures du matin, qui est un convoi mixte ; vous en avez un à 8 1/2 heures, qui est un convoi de poste ; vous en avez un à 10 3/4 heures, qui est un convoi mixte. Eh bien, ceux qui ne voudront pas payer l'augmentation prendront le convoi de 7 heures du matin ou celui de 10 3/4 heures. C'est donc un impôt tout à fait volontaire auquel on pourra ne pas se soumettre, et, je le répète, les impôts volontaires sont les meilleurs.
Maintenant reste la difficulté pour les bureaux d'avoir deux sortes de billets.
Mais, messieurs, cela est extrêmement facile ; ainsi à l'heure des départs des convois de poste, on ne délivrera des billets pour diligences et chars à bancs qu'au prix des tarifs les plus élevés.
On a parlé également du chemin de fer de la Flandre. Il y a eu sur ce chemin de fer une augmentation de prix, et cette augmentation de prix a cependant été suivie d'une augmentation de voyageurs. Mais ne nous faisons pas illusion, ce n'est pas l'augmentation de prix qui a augmenté le chiffre des voyageurs. Je vous dirai ce qui a amené cette dernière augmentation ; je cite ce fait, parce que le gouvernement pourra y trouver un exemple à suivre pour son propre railway.
L'augmentation du nombre des voyageurs sur le chemin de fer de la Tête-de-Flandre à Gand est due à sa bonne administration, à la régularité avec laquelle partent les convois, et aux facilités avec lesquelles s'effectue le passage de l'Escaut. Car auparavant il y avait un long trajet à faire pour arriver à la station. Aujourd'hui le bateau à vapeur vous y conduit directement. Ce sont ces avantages qui ont attiré les voyageurs, et je suis persuadé que si votre chemin de fer est bien administré, que si vos convois de grande vitesse marchent avec régularité, non seulement vous attirerez beaucoup de voyageurs étrangers, mais beaucoup de personnes du pays préféreront prendre ces convois de grande vitesse, parce que, comme on le dit, le temps vaut de l'argent. Je crois donc que nous pouvons adopter le système de la section centrale, en ce qu'il établit deux sortes de convois.
Mais je ne puis adopter ce système en ce qui concerne son tarif pour les convois mixtes. L'augmentation qu'elle nous propose est pour ainsi dire insignifiante. Ainsi la section centrale propose pour la petite vitesse 18, 29 et 38 centimes.
Or, la moyenne aujourd'hui est de 18, 29 et 38 1/2. Vous voyez qu'il n'y a qu'une augmentation insignifiante. Le gouvernement, par contre, nous propose de porter la troisième classe à 18 3/4 au lieu de 18 ; mais il réduit assez considérablement le prix des diligences, car il le porte de 38 1/2 à 37 1/2.
(page 795) Je vous avoue que l'augmentation proposée par la section centrale pour les convois mixtes ne me satisfait pas. Je préférerais un intermédiaire entre les propositions de l'honorable M. Vermeire et celles de la section centrale, si toutefois nous adoptons le système des deux espèces de convois, c'est-à-dire des convois à petite vitesse et des convois à grande vitesse, parce qu'alors vous auriez une proportion dans vos tarifs.
La section centrale vous propose pour la grande vitesse 25, 35 et 45. L'honorable M. Vermeire vous propose 2 1/2 cent. de moins. J'adopterai les propositions de l'honorable M. Vermeire, si nous ne décidons pas qu'il y aura un double tarif. Mais si l'on adopte le double tarif, je proposerai les chiffres de 20, 30 et 40. Vous auriez ainsi une différence de 5 centimes entre les deux espèces de convois.
Je le répète, la différence entre les propositions de la section centrale pour la petite vitesse et ce qui existe aujourd'hui, est si peu importante qu'elle ne vaudrait pas la peine de faire un tarif nouveau. Aussi si elle ne proposait pas un tarif différentiel pour les convois à grande vitesse, je suis persuadé que son tarif n'amènerait pas d'augmentation de recette, et nous n'attirerons pas les voyageurs étrangers, qui passeront par la Belgique si nous avons des convois de grande vitesse.
J'ai encore à faire une observation sur les propositions de la section centrale.
La section centrale fixe pour la petite vitesse un maximum de cinq lieues à l'heure. Je trouve que c'est beaucoup trop peu ; car, vous conviendrez qu'autrefois on allait presque aussi vite en diligence. Je crois, messieurs, qu'il ne faut pas lier le gouvernement ; que vous devez lui laisser le soin de fixer la vitesse pour les convois mixtes ; que vous devez aussi lui laisser fixer la grande vitesse, de manière à éviter tout malheur.
Je crois qu'on peut augmenter la vitesse sans avoir plus de malheurs à déplorer qu'aujourd'hui. Jusqu'à présent l'administration nous a donné la preuve des précautions qu'elle prend à cet égard.
Messieurs, je crois aussi qu'il est temps d'établir un tarif définitif. Voilà quinze ans que le gouvernement fait des expériences, et ces expériences n'ont pas été heureuses. D'abord, il n'y avait pas d'uniformité pour les différentes lignes ; ainsi nous voyons par le tableau que l'honorable M. Vermeire a déposé hier, que même avec son tarif élevé, il y aura des parcours pour lesquels on payera moins qu'aujourd'hui. J'approuve fortement le système qui tend à établir des tarifs uniformes en rapport avec les distances parcourues ; de cette manière il y aura justice distributive pour tout le pays. Aussi je crois que la première chose que nous aurons à décider, c'est qu'il y aura un tarif uniforme, et, à cet égard, je pense que le gouvernement sera d'accord avec moi.
Je dis, messieurs, que les expériences qui ont été faites jusqu'ici n'ont pas été heureuses, en ce qu'il en est résulté des injustices envers différentes localités du pays. J'ai examiné ce matin quels seraient les résultats du tarif proposé par l'honorable M. Vermeire ; j'ai trouvé qu'il en résulterait entre Ostende et Bruxelles une augmentation de 21 p. c, en prenant la moyenne des trois sortes de voitures. Par contre, d'ici à Liège, il n'y aurait qu'une augmentation de 5 p. c. ; d'ici à Anvers, l'augmentation serait de 18 p. c. ; d'ici à Namur, elle serait de 12 p. c ; d'ici à Tournay, elle serait nulle.
M. Dumortier. - C'est une erreur : il y a augmentation pour Tournay.
M. Osy. - S'il y a augmentation, c'est de bien peu de chose.
Eh bien, messieurs, en établissant des tarifs uniformes, on sera juste envers tout le monde.
Quant aux deux espèces de convois, messieurs, les raisons données par M. le ministre des travaux publics ne m'ont nullement convaincu de l'impossibilité d'organiser ce système ; je crois, au contraire, que ce serait très facile. Or, comme je l'ai dit, ce serait là un impôt volontaire. Deux heures plus tôt et deux heures plus tard, il y aurait des convois mixtes dont pourraient se servir ceux qui ne voudraient pas faire la dépense d'un convoi de vitesse.
Mais vous permettriez aux voyageurs qui ont besoin de leur temps d'aller à une grande distance et de revenir le même jour. Il m'est arrivé d'aller de Londres à Liverpool et de revenir le même jour : j'ai fait le trajet en 5 heures et demie et c'est la même distance que de Bruxelles à Paris. Or, je crois qu'il n'arrive pas plus de malheurs en Angleterre qu'en Belgique.
Eh bien, messieurs, je dis que nous attirerons les voyageurs étrangers quand ils sauront qu'ils peuvent vojager chez nous avec sécurité et promptitude, et c'est ce que nous devons avoir en vue ; car, je le répète, nous aurons une très forte concurrence dans le chemin de fer de Strasbourg.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La chambre se trouve déjà en présence de plusieurs systèmes : le système du gouvernement, qui consacre la régularisation des prix existants, et en même temps, aux yeux de tous, un acte de justice ; le système de la section centrale, le système de l'honorable M. Vermeire, et, enfin, le système qui vient d'être développé par l'honorable M. Osy.
Je vais reprendre successivement chacun de ces systèmes ; mais je puis déclarer dès à présent à la chambre, que toute tarification nouvelle, quelle qu'elle soit, qu'elle consacre un relèvement ou un abaissement des prix, constituera, dans ma pensée, une chose utile, puisqu'elle sera une expérience nouvelle et que personne ici n'a la prétention, que je sache, d'avoir trouvé le chiffre heureux.
Mais je ne crains pas de dire qu'on espère en vain trouver dans une majoration des prix une notable amélioration dans nos ressources financières ; car tout relèvement de prix aura ce double effet : un déclassement immédiat des voyageurs et une circulation beaucoup moins abondante.
Si le relèvement des prix était de 33 p. c, le tarif des chemins de fer belges serait encore au-dessous du tarif des chemins étrangers qui touchent au nôtre. Eh bien, dans la supposition toute gratuite qu'une élévation d'un tiers dans les prix ne déterminât qu'une diminution de 20 p. c. dans le mouvement, il n'y aurait, dans la recette, qu'une augmentation de 6 p. c, ce qui ne produirait qu'un supplément de recettes d'environ 400,000 fr. Et ceci, en admettant qu'il ne s'opérât aucun déclassement dans la répartition des voyageurs.
Je vais, messieurs, parler d'abord du système de la section centrale. J'ai démontré, dans une autre séance, que ce système était inexécutable, si l'on veut que le parcours d'une ligne vers toute autre s'effectue exclusivement par des convois de grande vitesse, parce qu'il est impossible, avec le matériel dont nous pouvons disposer, d'organiser ce service, comme l'a fort bien démontré hier l'honorable M. de Brouwer.
Il est impossible d'avoir sur tous les points de croisement des convois de grande vitesse. Il est impossible d'ailleurs, avec les retards qui sont inévitables, d'organiser des convois dont la vitesse serait de 45 à 50 kilomètres à l'heure. Cette vitesse, nous ne l'obtenons pas aujourd'hui, et cependant nous avons des convois de vitesse, c'est-à-dire des convois qui ne s'arrêtent qu'aux stations principales. La section centrale l'a si bien compris qu'elle a déclaré elle-même que l'organisation des convois de vitesse telle qu'elle les entend, ne pourra pas toujours avoir lieu, et qu'elle consent bien à donner des convois de vitesse, mais seulement pour certaines directions.
Lorsqu'il s'agira de passer d'une ligne à une autre, aux convois de vitesse succéderont des convois mixtes, des convois de marchandises, des convois dans le genre de ceux qui ont été rappelés par l'honorable M. Dumortier et qui mettent cinq heures pour aller de Bruxelles à Tournay.
Ainsi entendu, ainsi restreint, le système de la section centrale consacre plusieurs iniquités : il est inique d'abord parce qu'il prive des localité très importantes, quoique de second ordre, de la faculté de se servir de ces convois de vitesse ; et ici je dois répondre à une observation que vient de présenter l'honorable M. Osy : à entendre l'honorable M. Osy, le système de la section centrale serait le système que l’on suit en Angleterre : mais, comme l'a dit l'honorable M. de Brouwer en interrompant l'honorable M. Dumortier, nulle part ce système n'est entendu en ce sens que ceux qui n'ont pas la faculté de se servir des convois de vitesse seront condamnés à prendre des convois de lenteur, des convois qui feront 3 ou 4 lieues à l'heure, au plus, car c'est là un maximum pour qu'ils ne marchent qu'à la moitié de la vitesse des autres. La section centrale n'a pas dit quel serait le minimum, mais son système de vitesse de moitié revient à dire que ces convois ne pourront pas faire plus de 4 lieues à l'heure, et lorsqu'ils n'en feront que deux, personne n'aura à se plaindre.
M. Mercier. - Voyez le deuxième rapport. Vous y trouverez que la section centrale vous abandonne le soin de régler cet objet.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - La section centrale établit des convois de petite vitesse qui feront au maximum la moitié de vitesse des autres. Nous avons aujourd'hui des convois de vitesse qui ne font pas plus de 8 lieues à l'heure, et sur les routes exploitées il n'est guère possible de dépasser cette vitesse ; mais il y a cette différence que nous ne faisons pas payer pour ces convois un tiers de plus, comme le voudrait la section centrale. Ce qui constitue l'iniquité de ce système, c'est qu'au moyen des convois de vitesse, la section centrale veut forcer à payer le grand prix ceux qui ne pourront pas se servir des autres convois.
Eh bien, quelle condition la section centrale fait-elle à ces voyageurs ? Je suppose qu'on veuille aller de Malines à Courtray ; au lieu de mettre une heure et demie à faire la route de Malines à Gand, on y mettra, par exemple, cinq quarts d'heure ; on marchera à grande vitesse jusqu'à Gand ; arrivé à Gand, vous aurez à attendre un convoi de petite vitesse, qui reviendra, par exemple, d'Ostende et qui vous ramènera très lentement à Courlray.
Où est donc l'avantage que la section centrale veut faire aux voyageurs qui prennent le convoi à grande vitesse ?
Evidemment, si une compagnie venait à soumettre de semblables conditions au gouvernement, et si le gouvernement et la chambre avaient à sanctionner ces conditions, je suis convaincu que personne dans le gouvernement ou dans cette enceinte ne voudrait y donner son adhésion.
Mais, messieurs, le système de la section centrale a un autre tort, et celui-là est encore beaucoup plus grave ; il favorisa les trajets à longs parcours aux dépens des trajets à plus courte distance qui sont si nombreux, et fournissent au chemin de fer, en mouvement et en recette, des résultats si considérables.
Quelle sera la conséquence de cette expérimentation ? Une perte réelle, inévitable pour le trésor. Aujourd'hui la ville de Verviers, par exemple, fournit sur Bruges, par an, 7 voyageurs de première classe, 18 de deuxième classe, et 19 de troisième classe ; total, 44 voyageurs, et une recette de 452 fr.
Cette même ville de Verviers sur Pepinster fournit 502 voyageurs de première classe, 1,450 de deuxième classe, 17,064 voyageurs de troisième classe ; total, 18,906 voyageurs et une recette de 5,285 francs.
(page 796) La ville d'Anvers sur Liège fournit 5,725 voyageurs, et la même ville sur Malines fournit 39,264 voyageurs ; sur la petite station de Vieux-Dieu, la ville d'Anvers fournit plus de voyageurs que sur la station de Liège.
Il est évident que par l'application du système de la section centrale, ces petites relations seraient sacrifiées, en ce qu'on leur ferait payer un prix beaucoup plus élevé, en compensation d'une vitesse qui n'existerait pas pour elles, ou du moins qui serait très insensible.
La ville de Gand sur Bruxelles fournit 38,000 voyageurs et sur la petite ville de Termonde 21,109 voyageurs. Le bureau du bourg de Waremme délivre par an 20,000 coupons ; la petite station de Landen 19,000 ; ce sont ces relations de voisinage que le gouvernement et les chambres doivent favoriser.
Notre exploitation n'est en définitive qu'une succession de petites sections qui s'ajoutent les unes aux autres, et qui ont, chacune prise à part, une importance considérable, et d'autant plus considérable qu'on favorise ces relations par des prix modérés, tandis que pour les grandes lignes l'influence du prix se fait moins sentir, parce que la circulation y est en quelque sorte obligée.
Ainsi, sous l'application du tarif le plus modéré, celui de M. de Theux, la ville d'Anvers, en 1838, recevait des cinq villes voisines 200,000 voyageurs ; le tarif de M. Nothomb succède à celui de M. de Theux, et la ville d'Anvers ne reçoit plus des mêmes cinq villes que 152,000 voyageurs, et du réseau tout entier elle ne reçoit pas plus de 200,000 voyageurs.
Il est évident que si l'on veut augmenter le prix, la circulation va subir une dépression inévitable.
Bien plus, le système de la section centrale ne serait pas seulement dommageable pour le public, il serait aussi dommageable pour le trésor.
L'organisation, telle que la propose un membre de la section centrale, comprendrait pour les convois de grande vitesse deux classes de voitures, les diligences et les chars à bancs.
Aujourd'hui, l'on paye en waggon trois centimes et demi par kilomètre ; les voyageurs qui prennent le waggon et qui payent 3 centimes et demi, s'ils veulent aller un peu plus vite qu'aujourd'hui, seront forcés de prendre le char à bancs de la section centrale, et de payer 7 centimes par kilomètre ; ce qui ne fait que la bagatelle de 100 p. c. de plus. Il est évident qu'à la suite de cette aggravation de 100 p. c, il y aurait abandon des convois de grande vitesse pour les convois de petite vitesse, et là encore des conditions de transport deviendront pour eux bien plus onéreuses puisque, payant le prix d'aujourd'hui, ils ne pourront marcher que beaucoup plus lentement qu'ils ne le font maintenant ; de là, perte inévitable dans la circulation et par suite dans les recettes.
Pour certaines relations, l'augmentation serait beaucoup plus considérable.
Ainsi un voyageur de Gand à Termonde qui paye à présent un franc en waggon, devra payer pour la deuxième classe du convoi de vitesse 2 francs 20 centimes. Ce sera donc une augmentation de 120 p. c ; un voyageur de Termonde à Louvain, qui paye aujourd'hui, par waggon, 1 fr. 50 devra, pour la seconde classe de ce convoi de vitesse, payer 3 fr. 60, c'est-à-dire 140 p. c. de plus qu'aujourd'hui.
Lorsqu'il s'agira des longs parcours, l'aggravation sera beaucoup plus sensible, car là le voyageur n'aura qu'à choisir entre deux situations qui lui seront l'une comme l'autre extrêmement préjudiciables.]
Ainsi, un voyageur qui Ya de Courtray à Bruxelles en waggon paye aujourd'hui 5 fr. 75 c ; s'il prend la deuxième classe du convoi de grande vitesse, il devra payer 7 fr. 63 c, autant pour le retour ; c'est-à-dire plus de 18 francs pour son voyage entier. S'il veut se soustraire à cette surtaxe, il payera le prix actuel par des convois de petite vitesse, mettra peut-être plus de 6 heures à faire le trajet dans chaque sens, d'où résultera pour lui, en certains cas, l'obligation de découcher, de telle sorte que ce voyageur se servira du chemin de fer le moins souvent possible.
Pour les petits parcours, les convois de vitesse, tels que les entend la section centrale, vont avoir pour effet de faire revenir les beaux jours des anciennes diligences.
Aujourd'hui encore il y a des diligences de Bruxelles à Louvain ; mais quand on sera condamné à voyager par des convois mixtes, qui doivent s’arrêter à toutes les traverses, comme le veut l’honorable M. Bruneau, il est fort à craindre que l’on ne fréquente presque excluseivement ces diligences. La même chose pourrait se dire d’ailleurs pour la direction de Bruxelles à Gand.
Au point de vue de l'intérêt du trésor, comme au point de vue de l'intérêt des voyageurs, la section centrale propose donc un système inadmissible.
Voyons pour les chars à bancs. Au lieu de 5 centimes 8/10 qu'ils payent aujourd'hui, vous les imposez à 7 centimes, à peu près autant que la diligence aujourd'hui. Vous les frappez donc ceux-là d'une augmentation de 21 p. c, en échange d'un accroissement de vitesse de 13 à 16 p. c.
Or, l'action des prix est bien plus intense, plus énergique, que l'action de la vitesse. C'est-à-dire que si, entre deux relations, il y a une diminution de prix de 20 p. c, on obtiendrait un accroissement de circulation beaucoup plus remarquable, que si l'on augmentait la vitesse de 20 p. c, pour la même relation.
C'est là une vérité que les faits attestent et que d'ailleurs chacun comprend.
Aujourd'hui, de Gand à Termonde, l'on paye, en diligence, 2 francs ; en char à banc 1 fr. 50 c. en waggons, 1 franc. Si l'on adopte le système de la section centrale, on payera, en diligence, 2 fr. 70, en char à bancs, 2 fr. 10, c'est-à-dire qu'on payera encore plus en char à bancs qu'on ne paye aujourd'hui en diligence. Que peut-il résulter de ce système ? Une émigration immédiate des diligences vers les chars à bancs.
Messieurs, l'honorable M. de Brouvver, dans un discours remarquable à plus d'un titre, a rappelé hier une série de faits d'où il résulte qu'à l'étranger on a fait plus d'une fois l'essai de tarif différents sur les mêmes lignes et qu'à chaque essai de ce genre l'influence favorable des péages réduits a constaté une amélioration dans les mouvements et les recettes.
On répondra peut-être que les comparaisons ne sont pas tout à fait concluantes dans leur application au réseau belge. Cette objection me semble d'autant moins fondée que, comme je le disais tout à l'heure, nos lignes se composent d'une suite de sections dans lesquels les relations de ville à ville, dont le nombre est si variable avec le prix, occupent la place la plus importante.
Et puis quand on nous parle des chemins étrangers, nos adversaires prouvent-ils que nous produirons plus qu'en France et qu'en Allemagne ? En aucune façon. L'honorable M. de Brouwer a présenté dans la séance d'hier des faits qui ne peuvent pas laisser le moindre doute dans l'esprit d'un homme impartial. Je vais en ajouter d'autres. Il y a aujourd'hui en France sur 10 chemins en exploitation complète, sur 19 chemins concédés, il y en a dix qui produisent moins que notre réseau et neuf qui donnent des revenus plus considérables ; et ces revenus diffèrent tellement entre eux, qu'on ne peut pas un seul instant rendre les tarifs responsables du produit moindre que donnent ces chemins. Ainsi le chemin du Nord fait en moyenne 40 mille francs par kilomètre ; le chemin d'Orléans en fait 80 mille.
Cependant les tarifs pour ces deux chemins sont également élevés. Le chemin de fer de Marseille donne 28,000 fr. par kilom. Certains chemins de fer français, qui donnent moins que le nôtre, ont des tarifs plus élevés que ceux qui donnent plus. Par conséquent l'influence des tarifs sur le mouvement et les recettes ne peut se constater qu'au moyen de plusieurs tarifs appliqués au même réseau, dans les mêmes conditions et dans des périodes semblables.
C'est la seule comparaison qu'on puisse accepter en cette matière.
Le chemin de fer du Nord en 1847, avait en moyenne 338 kilomètres. En 1530, le nombre moyen de kilomètres exploités était de 580 kilomètres. Eu égard à l'accroissement de 242 kilomètres, ce chemin, si on ne fait pas de distinction entre les sections, aurait dû fournir une recette de 27 millions de francs, tandis qu'il n'a fourni qu'une recette de 23,687,000 francs soit un peu moins de 40,000 francs par kilomètre.
En 1847, la recette totale par kilomètre s'élevait à 46,278 francs, en 1848 à 37,649, en 1849 à 36,392 fr. Si l'on déduit les recettes fournies par la station de Paris, on trouve qu'en 1849, le chemin du Nord a fourni une recette de 2,771,808 francs, soit 5,219 fr. par kilomètre du chef des voyageurs. En Belgique, déduction faite des recettes fournies par la station de Bruxelles, l'on arrive à un produit de 3,300,241 fr. soit 5,314 fr. par kilomètre.
M. de Mérode m'interrompt pour me dire que le chemin du Nord ne prend pas nos tarifs. Mais si le chemin du Nord avait fait l'essai de tarifs différents, on serait au moins en position de savoir l'influence qu'aurait déterminée sur cette ligne l'adoption d'une autre tarification.
Nous avons mieux que l'expérience que l'on peut aller chercher à l'étranger, nous avons l'expérience des tarifs différents qui ont été appliqués en Belgique. Cette expérience vaut bien celle qu'on peut tirer de l'étranger. (Interruption.)
Je rappellerai à l'honorable M. de Mérode qu'il y avait une différence entre le tarif de M. de Theux et celui de M. Nothomb ; et je lui prouverai tout à l'heure que l'augmentation a eu pour conséquence d'opérer non seulement sur le mouvement, mais sur les recettes une décroissance marquée.
Les chemins de fer anglais, en 1850, avaient eu en moyenne dans l'année 9,252 kilom. exploités, dont la dépense totale s'était élevée à 5,763,168,272 fr., le produit brut a été de 328,535,875 fr., c'est-à dire qu'en Angleterre, pays exceptionnel où l'on compte de grands centres populeux manufacturiers et industriels, tels que Liverpool, Manchester, Londres, Leeds, Birmingham, les chemins de fer donnent en moyenne, voyageurs et marchandises, 32,934 fr. par kilomètre, tandis qu'en Belgique, en ne tenant pas compte des transports gratuits nous avons 25 mille francs par kilomètre exploité. Cette moyenne des chemins de fer anglais descend constamment. En 1842 elle était de 77,950 fr. par mile et par semaine ; en 1848 de 63,960 ; en 1850 elle n'est plus que de 55,675 fr.
Quelle conclusion tirer de ces faits ? C'est qu'à mesure que les lignes s'étendent, comme on a commencé par les meilleures et que les nouvelles sont des lignes pauvres, moins productives, l'ensemble doit s'en ressentir. Le même fait se constate pour le chemin de fer du Nord.
J'ai parlé déjà du chemin de fer de Prusse, du chemin de fer de Bonn et du chemin de fer rhénan. Je trouve que sur les 9 principales lignes de Prusse qui, presque toutes partent de Berlin, la ligne de Berlin à Magdeburg, la ligne de Berlin à Breslau, celle de Berlin à Hambourg, celle de Düsseldorf à Elberfeld, etc., etc., qui ont un développement de 330 lieues, je trouve qu'on a fait en 1847 du chef des voyageurs. 12.288,442 francs ; il y a eu 4,775,101 voyageurs, représentant 48,009,221 voyageurs-lieues ; chaque voyageur a donc donné un produir moyen de 0.25,60. Dans la même année, le chemin de fer belge, pour 110 lieues a rapporté du chef des voyageurs, 6,849,160 fr. Le nombre des (page 797) voyageurs-lieues s'est élevé à 26,463,370, soit 0.25,88, produit moyen par voyageur-lieue.
Comme je viens de le dire, le développement de ces neuf chemins prussiens est de 330 lieues.
La recette a été de 12,288,442 fr., c'est-à-dire que par lieue exploitée ces chemins ont rapporté 37,198 fr. ; moins que notre ligne la moins productive, que la ligne de l'Ouest. Elles ont surtout beaucoup moins fait encore que la ligne d'Anvers à Bruxelles, sur laquelle la recette s'élève à 100,000 fr. par kilomètre, ou 500,000 par lieue. Si une compagnie exploitait avec nos bas tarifs le chemin de fer de Bruxelles à Anvers, et qu'une autre compagnie, exploitant avec les mêmes tarifs le chemin de fer de Malines à Ostende, vînt demander à la première les raisons de la recette énorme qu'elle effectue, que pourrait-on répondre ? Ce seraient les mêmes tarifs, les mêmes règlements, la même administration, et cependant sur la ligne de Bruxelles à Anvers, la recette, comme je viens de le dire, s'élève par kilomètre à environ 100,000 fr., tandis que sur la ligne du chemin de fer de l'Ouest, elle n'est que de 43,449 fr.
Le nombre des voyageurs par lieue est chez nous de 24,907, tandis qu'il est chez eux de 14,455. Et la proportion devrait être plus forte chez eux pour les voyageurs de première classe, car les trajets y sont plus longs. Ainsi, sur ces neuf lignes prussiennes, le parcours est en moyenne de 9 lieues, tandis qu'il n'est que de 6 à 7 lieues sur le réseau belge, et l'on sait que plus les parcours sont longs, plus l'on se sert des voitures des classes supérieures. Cependant sur ces neuf lignes, le classement des voyageurs est comme suit :
Première classe, 1,34 p. c., deuxième classe 19,73 p. c. et troisième classe 78,91 p. c.
Les prix sont en moyenne de 31 p. c. plus élevés que les nôtres.
En Belgique le classement proportionnel, en 1847, était :
Première classe, 11,22 p. c., deuxième classe 24,64 p. c. et troisième classe 64,14 p. c.
Le seul motif auquel on puisse rationnellement attribuer le peu d'importance du mouvement proportionnel des voyageurs des deux premières classes, en Allemagne, est l'élévation des prix du tarif.
Le chemin de fer rhénan a une étendue de 17 lieues. Le mouvement international sur cette ligne est tellement considérable, que la recette de ce mouvemenf dépasse celle du mouvement de l'intérieur. Chez nous, au contraire, la recette du mouvement international n'est que le cinquième de celle du mouvement intérieur. Sur la ligne rhénane on peut donc élever impunément les prix. On obtient les voyageurs internationaux et on ne nuit pas aux voyageurs de l'intérieur. Si, pour l'exercice 1847, l'on déduit sur cette ligne les recettes fournies par les voyageurs internationaux, voici les résultats auxquels on arrive : 357,016 voyageurs et 706,421 fr. de recettes, c'est-à-dire qu'en moyenne on fait 41,155 fr. de recettes par lieue de longueur, moins encore que sur la ligne la moins favorisée de notre réseau, sur la ligne de l'Ouest.
Si l'on ajoute à ce chiffre le mouvement international, on arrive à une recette de 1,208,151 fr., à un nombre de 514,330 voyageurs et à une recelte par lieue de 68,000 fr., recette qui dépasse de 5 à 6 mille francs celle que l'on fait sur tout notre réseau, sur un réseau qui a une étendue considérable, qui comprend près de 125 lieues, et qui a des lignes pauvres et des lignes productives.
En 1850, le chemin de fer rhénan augmente ses prix. Quel est le résultat de cette augmentation ? Pourquoi ne parle-t-on pas de ce fait ? Pourquoi ne l'invoque-t-on pas contre le projet du gouvernement ? On a bien soin de n'en rien dire. Quel a été le résultat, messieurs ? Ce résultat a été une diminution de 50 p. c. dans la circulation, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir eu en 1850, comme en 1847, 514,000 voyageurs, il n'y en a plus eu que 255 mille.
- Un membre : Et la recette ?
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Pour la recette, une augmentalion a eu lieu, mais elle est surtout considérable en ce qui concerne le mouvement international, et ici je ferai volontiers une concession. Si le mouvement international en Belgique était plus considérable que le mouvement à l'intérieur, nous aurions les mêmes raisons que le chemin de fer rhénan pour relever nos prix, parce qu'il s'agit alors d'une circulation à peu près obligée. On tient les voyageurs internationaux, mais on ne tient pas les voyageurs à l'intérieur. Aussi qu'arriverait-il si nous révisions ce système ? C'est que nous frapperions les étrangers sur le dos des nationaux ; nous atteindrions le mouvement de l'intérieur si considérable, et les bénéfices que nous ferions d'une part, nous les perdrions de l'autre, et bien au-delà.
Je vais le prouver à l'aide de quelques chiffres.
La section centrale, pour le mouvement fourni par les voyageurs internationaux, s'est basée sur une évaluation donnée. Elle estime que si on relevait les prix de 33 p. c, il y aurait de ce chef une augmentation de 300 mille à 400 mille fr.
Mais il est d'abord à remarquer, comme je le disais tout à l'heure, qu'à cette augmentation de 33 p. c, correspondrait dans le mouvement de l'intérieur, une diminution notable de la circulation.
Il est à remarquer en second lieu, que les voyageurs internationaux, que les voyageurs passant par Herbesthal, Quiévrain et Mouscron, ne sont pas tous des voyageurs étrangers, des voyageurs qui transitent par le pays et se rendent à l'étranger, La preuve en est dans les faits suivants.
La station d'Herbesthal a fourni en 1817, à titre de mouvement international, 23,100 voyageurs de troisième classe. Où sont allés, que sont devenus ces 23,100 voyageurs ?
Ils se sont répartis comme suit :
Sur Dolhain 1,100 voyageurs, Verviers 5,700, Pepinster 400, Chaudfontaine 200, Chênée, 100, Liège 7,600. Total 15,100 voyageurs. Pour toutes les autres destinations, il reste donc environ 8,000 voyageurs.
Quels sont ces 15,100 voyageurs ? Ce sont des voyageurs de l'intérieur, des habitants de Dolhain, de Verviers, de Pepinster, de Chaudfontaine, de Chênée et de Liège, qui ont des relations d'affaires avec la ville d'Aix, qui parcourent une partie de la ligne rhénane, mais qu'on ne peut pas considérer comme des voyageurs internationaux pour lesquels le plus ou moins de prix est sans influence.
Il en est de même pour Mouscron et Quiévrain. Ainsi, les voyageurs de troisième classe partant de Mouscron sont au nombre de 16,100. Ils se répartissent de la manière suivante : sur Courtray 8,100 voyageurs, Gand 4,800 et Tournay 3,200. C'est-à-dire que tous les voyageurs de troisième classe indistinctement, passant par Mouscron, se sont arrêtés à Gand, à Tournay et à Courtray, et n'ont pas été au-delà.
Le chemin de fer de Bonn à Cologne a des tarifs d'un tiers moins élevés que les nôtres. Eh bien, quel est le résultat de cette exploitation ? C'est qu'en 1847 le chemin de fer de Bonn à Cologne a transporté (il a une étendue d'à peu près 6 lieues) 634,893 voyageurs, soit 107,000 voyageurs par lieue. Le réseau belge n'en transporte que 33,000 et les lignes prussiennes n'en transportent que 16,000.
Les recettes se ressentent-elles de cette circulation si active ? Oui, messieurs, mais en plus. Le chemin de fer de Bonn à Cologne a fait, du chef des voyageurs seulement, près de 84,000 fr. par lieue exploitée, et il distribue 6 à 7 p. c. à ses actionnaires.
Il est évident que si les administrateurs de ce chemin de fer jugeaient qu'il est d'une excellente politique de relever leurs prix, ils ne seraient pas assez imbéciles, pour me servir de l'expression de l'honorable M. Dumortier, pour ne pas le faire.
M. Dumortier. - Expliquez pourquoi le chemin de fer rhénan vient encore de relever ses prix.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - Je vous en ai dit le résultat, c'est une diminution de 50 p. c. dans la circulation.
M. Dumortier. - Il vient encore de l'augmenter récemment.
M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke). - C'est de la dernière augmentation que j'ai parlé.
Mais je vous disais tantôt, messieurs, qu'il n'est pas besoin d'aller chercher des exemples au-dehors. Nous avons fait, en Belgique, depuis que le chemin de fer existe, l'expérience de plusieurs tarifs, et voici quels ont été les résultats de cette expérience.
En moyenne générale, le tarif de M. de Theux (1838) était de 21 48/100 moins élevé que celui de M. Nothomb (1839).
Eh bien, je prends les relations les plus importantes, les relations entre les villes de Bruxelles, Vilvorde, Malines, Anvers, Termonde et Louvain.
En 1838, sous l'application du tarif de M. de Theux, il y a eu un mouvement de 1,035,838 voyageurs. En 1840, sous l'application du tarif de M. Nothomb, il n'y a plus eu que 754,690 voyageurs, c'est-à-dire une diminution de 284,148 voyageurs, ou une diminution de plus de 3 p. c.
Voyons les recettes :
En 1838, les recetles se sont élevées pour ces relations à 1,148,298 fr. et en 1840 à 1,094,686 fr., c'est-à-dire qu'il y a eu une diminution de recette de 33,612 fr.
Au tarif de M. Nothomb succède le tarif de M. Rogier, tarif qui a été appliqué, on peut le dire, pendant un mois. Car je ne compte pas pour une expérimentation sérieuse les essais qu'on a faits dans les mois de juin et juillet, c'est-à-dire dans deux mois pendant lesquels il n'a pas cessé de pleuvoir.
Il y a, messieurs, une autre raison pour laquelle je ne puis pas prendre très au sérieux l'expérimentation faite en 1841 : l'effet de toute réduction de tarif est de multiplier les déplacements ; chacun sait qu'on se déplace plus souvent quand on paye moins ; mais cela n'arrive pas précisément dans le premier mois de l'application d'un tarif réduit. Qu'on fasse à la suite d'un abaissement de tarif, quatre voyages de plus, soit deux voyages par semestre. Il est évident qu'on n'est pas censé faire ces voyages supplémentaires précisément pendant le premier mois de l'expérimentation.
(page 798) Au reste, messieurs, voici les résultats du premier mois, du mois de mai : Pour kes diligences, le nombre des voyageurs avait été au mois de mai 1840 de 21,420 ; au mois de mai 1841, sous l'empire du tarif de l'honorable M. Rogier, ce nombre est descendu à 16,789. Evidemment cette diminution ne peut pas être attribuée au tarif de l'honorable M. Rogier puisque pour les diligences le prix était resté le même.
Pour les chars à bancs il y avait en mai 1840, 59,538 voyageurs ; ce nombre s'est élevé, en mai 1847, à 66,200. Pour les waggons le chiffre de mai 4810 est de 117,108 voyageurs et celui de mai 1841, de 196,956. La circulation totale a donc été, en mai 1840, de 198,666 et en mai 1641, sous le tarif de l'honorable M. Rogier, de 279,089 voyageurs.
Quant aux recettes, sur les diligences il y a eu diminution pour les chars à bancs, le chiffre a été en 1840, de 126,662 fr. et en 1841 de 127,531 fr. ; les voyageurs ont produit, en 1840, 149,654 fr., et en 1841, 157,477 fr.
Voilà des chiffres assez rassurants, bien que l’expérience, comme je viens de le dire, ne puisse être considérée comme décisive.
Au tarif de l'honorable M. Rogier succède le tarif de l'honorable M. Desmaisières, tarif qui nous régit encore aujourd'hui, et voici les résultats remarquables que l'on constate. Comparativement au tarif de M. Nothomb le tarif de M. Desmaisières diminuait le prix des diligences, augmentait les prix des chars à bancs et diminuait le prix des waggons.
Eh bien, messieurs, je compare 4 mois de 1841 à 4 mois de 1842. Pendant ces deux périodes, les réseaux du Nord, de l'Est ou de l'Ouest sont restés absolument les mêmes.
En second lieu, au mois de janvier 1841, on a apporté une amélioration assez notable aux chars à bancs, amélioration qui a pu amener un plus grand nombre de voyageurs dans ces voitures. En troisième lieu, à partir du mois de mai 1841, on a appliqué le tarif de l'honorable M. Rogier.
Je prends toutes les stations principales : Bruxelles, Malines, Gand, Vilvorde, Liège, Anvers, Ans, Tirlemont, Ostende, Bruges, Courtray, etc.
Le tarif de l'honorable M. Desmaisières, plus bas quant aux diligences, donna pour ces voitures un meilleur résultat en mouvement et en recettes ; au lieu de 42,327 voyageurs, il y en eut 52,944 ; au lieu d'une recette de 189,114 fr. on obtint 211,930 fr.
Le prix des waggons avait été également diminué ; il en résulta de même une amélioration dans le mouvement et dans les recettes. On obtint 310,045 voyageurs au lieu de 257,927, et une recelte de 377,408 fr. au lieu de 328,001. Les chars à bancs avaient été augmentés ; il y eut perte en mouvement et en recettes ; au lieu de 167,925 voyageurs, il n'y eut plus que 151,724, et la recette, qui avait été de 383,542 fr., tomba à 369,247.
Une seule exception pour une seule relation sur laquelle, par une anomalie qu'on ne s'explique pas, le prix des chars à bancs avait été diminué. Je veux parler de la section de Bruxelles à Vilvorde.
Eh bien, messieurs, consultez les comptes de l'administration du chemin de fer et vous verrez que le mouvement par chars à bancs, de Vilvorde sur Bruxelles, pendant les quatre mois, a été plus considérable sous le tarif de M. Desmaisières que sous le tarif précédent. Ce résultat, messieurs, qui vient si puissamment à l'appui du système du gouvernement, serait encore bien plus décisif si on pouvait étendre la comparaison aux mois qui ont suivi, parce que l'effet de l'abaissement d'un tarif se fait surtout sentir pendant la bonne saison ; or, la comparaison que j'ai établie porte sur les quatre premiers mois de l'année, pendant lesquels les déplacements sont beaucoup moins nombreux que pendant des mois suivants.
Dira-t-on, messieurs, qu'il y a des causes inexplicables auxquelles il faut rattacher ces résultats ? Mais ces causes existeraient pour les chars à bancs, comme pour les diligencs, comme pour les waggons. Or, pour les deux classes de voitures dont les prix ont été réduits, il y a eu augmentation de circulation et augmentation de recettes ; pour les chars à bancs dont les prix ont été augmentés, il y a eu diminution de circulation et diminution de recettes. Il faut en excepter une seule relation et nous en constatons la cause.
Mais, messieurs, l'influence des prix ne se constate pas seulement par les faits que je viens de signaler ; cette influence se constate, pour ainsi dire, tous les jours par ce qui se passe sous nos yeux et cela d'une manière si énergique que les honorables membres qui combattent avec le plus d'insistance le système du gouvernement, proposent des mesures qui sont en quelque sorte une adhésion implicite, de leur part, au principe des tarifs modérés. Ainsi l'honorable M. Dumorlier lui-même prétend que l'on prend aujourd'hui des places de waggon sous prétexte de fumer, alors qu'on a assez de fortune pour prendre des chars à bancs ou des diligences : mais il est évident que si les prix de ces dernières voitures étaient moins élevés, les personnes qui ont recours à cette ruse-là ne le feraient pas.
L'honorable M. Bruneau lui-même, en proposant une réduction de 50 p. c. en faveur des personnes qui prendraient des coupons d'aller et de retour, proclame aussi par cette proposition l'excellence du principe des tarifs réduits. Quant à moi, au lieu d'appliquer ce principe à quelques relations, je désire le faire prévaloir pour toutes les relations indistinctement.
J'ai déjà cité un fait qui atteste l'influence du prix, cet élément essentiel de la prospérité du chemin de fer. Vilvorde fournit aujourd'hui à Bruxelles plus de 60,000 voyageurs par an, Malines en fournit 80,000, et la ville si importante d’Anvers n’en fournit que 90,000 ; Gand fournit à Bruxelles 38,000 voyageurs. Louvain en fournit également 38,000. A quoi cela peut-il tenir ? A deux choses : au prix et au temps. L'action du prix n’est-elle pas beaucoup plus énergique que l’action du temps ? Pour aller de Bruxelles à Vilvorde en tenant compte du temps qu'il faut pour aller à la station, et pour aller à destination quand on est arrivé à Vilvorde, on emploie une heure ; pour aller de Bruxelles à Malines, en calculant de la même manière, on emploie cinq quarts d'heure, c'est-à-dire un cinquième du temps en plus. Evidemment cette différence ne peut pas être cause de ce que Malines ne fournit que 80,000 voyageurs quand Vilvorde en fournit plus de 60,000.
Si Malines, avec son importance et sa population, qui est cinq fois plus considérable que Vilvorde, était située là où se trouve Vilvorde, évidemment, pour moi, Malines fournirait cinq fois 60,000 voyageurs, au lieu de n'en fournir que 60,000. Il en résulte, ce me semble, qu'avec des prix réduits de 50 p. c, Malines fournirait encore une recette plus favorable que celle qu'elle fournit aujourd'hui.
Comment se fait-il qu'en 1838, sous l'application du tarif de l'honorable M. de Theux, Anvers recevait de cinq villes voisines 200,000 voyageurs, et qu'il n'en reçoive plus, sous le tarif actuel, que le même nombre de toutes les directions ? Comment se fait-il qu'à un intervalle d'une année, l'application du tarif de M. Nothomb ait fait perdre à Anvers 50,000 voyageurs ? Je demanderai à l'honorable M. Osy s'il croit sérieusement qu'il favorisera la ville si importante qui l'a envoyé dans cette enceinte, en venant soutenir un système qui tend à relever tes prix ? Je suis plus que jamais convaincu que si le système de l'honorable membre venait à prévaloir, il en résulterait immédiatement une diminution de circulation et une perte notable pour la ville d'Anvers.
Messieurs, je disais en commençant que la chambre se trouve en présence de plusieurs systèmes ; j'ai déjà indiqué quelques raisons qui doivent déterminer le rejet de plusieurs de ces systèmes et entre autres celui de la section centrale. Les propositions mises en avant par les honorables MM. Vermeire et Osy procèdent en quelque sorte d'une même idée : on veut relever les recettes du chemin de fer, et on espère y réussir en augmentant le prix.
L'honorable M. Vermeire avait proposé d'abord une augmentation de 9/10 de centime par kilomètre pour le waggon ; l'honorable membre a compris probablement lui-même que cette augmentation était trop considérable, car elle constituait une augmentation de 25 p. c. sur le prix du waggon. Cette augmentation aurait entraîné inévitablement une diminution d'au moins 30 ou 40 p. c. dans la circulation, en même temps au lieu d'obtenir un quart de plus de recette, on aurait eu un quart de moins.
L'honorable membre a donc amendé sa proposition, et aujourd'hui il propose d'augmenter le prix du waggon par kilomètre de six-dixièmes et demi, représentant, par rapport au prix actuel, une augmentation de 18 p. c.
Si à cette aggravation correspondait, dans la circulation, une diminution de 20 p. c, la proposition de l'honorable M. Vermeire ferait du tort à 20 voyageurs sur 100, et exposerait le trésor à une perte de 6 p. c.
Supposez seulement 13 p. c. de perte dans le mouvement pour 18 p. c. d'aggravation dans le prix, il y aurait même recette et tort fait à 15 voyageurs sur 100.
La proposition de l'honorable membre ne constitue pas seulement une aggravation de 18 p. c. sur le prix du waggon, mais d'après le tableau même joint aux amendements, il y aurait une augmentation de 50 p. c. sur le prix du waggon d'ici à Vilvorde ; cette relation, l'honorable membre l'a oubliée : elle devait figurer en tête de son tableau. (Interruption.)
L'honorable M. Vermeire voudra bien admettre que je prends ses propositions dans leur ensemble et qu'ainsi je n'ajoute pas dans mes calculs le kilomètre additionnel que propose le gouvernement ; je compte sur une distance réelle, sur une distance de 10 kilomètres de Bruxelles à Vilvorde ; eh bien, je déclare, que, par suite des propositions de l'honorable M. Vermeire, on payerait, pour le trajet de Bruxelles à Vilvorde, en waggon, 50 p. c. de plus qu'on ne paye aujourd'hui ; et cette relation, je le répète, l'honorable membre l'a oubliée dans son tableau.
De Bruxelles à Malines, l'augmentation sera de 13 p c ; de Bruxelles à Anvers, de 25 ; de Bruxelles à Termonde, de 24 ; de Bruxelles à Gand, de 20 ; de Bruxelles à Bruges de 24, etc.
En ce qui concerne les chars à bancs, l'honorable membre propose une augmentation de 8 p. c, et sur les diligences une augmentation de 12 p. c. Voici quelle serait la position que l'application de ce tarif ferait à certaines villes.
J'applique le tarif proposé par l'honorable député de Termonde, à Termonde et à Gand. C'est une relation des plus importantes, puisque Termonde fournit à Gand environ 20 mille voyageurs de troisième classe par an. Aujourd'hui pour aller de Termonde à Gand, on paye un franc ; d'après la proposition de l'honorable M. Vermeire, on payerait 1 fr. 30. Ce serait donc une augmentation de 30 p. c.
Or, il y a aujourd'hui 20,000 voyageurs en waggons de Termonde à Gand ; ils produisent donc 20,000 francs ; je suppose que, par suite de l'augmenlation de 30 p. c, la circulation se trouve seulement réduite d'un quart, vous aurez 15,000 voyageurs, payant chacun 1 fr. 30 c ; ce qui donnera une recette de 19,500 fr., c'est-à-dire que par l'application de ce tarif vous aurez diminué la circulation, vous aurez diminué la recette et vous aurez fait tort à 5,000 voyageurs.
(page 799) Messieurs, l'on m'a interrompu plusieurs fois pour me dire que ce ne sont là que des suppositions. Ce ne sont pas des suppositions. Ce sont des faits, et je vais le démontrer.
Le prix du waggon, par le tarif de M. Nothomb, était en moyenne de 25 p. c. plus élevé que le prix du waggon sous l'application du tarif de M. Rogier. C'était précisément la différence résultant de la proposition première de l'honorable M. Vermeire.
L'application du tarif du 17 avril 1841 a donné pour résultat (premier mois d'application) sur la ligne du Nord, de l'Est et de l'Ouest, 160,453 voyageurs. Le même réseau au mois de mai 1840 avec le tarif de M. Nothomb avait donné 108,378 voyageurs, c'est-à-dire qu'il avait donné un nombre de voyageurs de près de 30 p. c. plus élevé en 1841 qu'en 1840. N'est-il donc pas évident que cette simple différence de neuf dixièmes de centime par kilomètre qui équivaut à une grande différence de 28 p. c. du prix des waggons peut entraîner une diminution de 30 à 40 p. c. dans la circulation ?
Le tarif de M. de Theux, en ce qui concerne les waggons, était de 26 3/4 p. c. moins élevé que le tarif de 1840 de M. Nothomb. La circulation des waggons a été de 40 p. c. plus élevé en 1838 qu'en 1840.
Voilà des faits... (Interruption.) Mais le chemin de fer rhénan augmentant son prix a produit une diminution d'environ 50 p. c. dans la circulation.
Le nombre des voyageurs, qui était en 1847 de plus de 500,000, est tombé à environ 250,000 en 1850.
Quant aux voyageurs internationaux, la ligne rhénane en 1847 avait fourni, pour les diligences, 33,844 voyageurs. Or, le chiffre total des voyageurs de première classe transportés sur cette ligne étant de 54,252, il n'en reste que 20,408 pour la circulation de l'intérieur dans les deux sens.
En Belgique, la seule ville de Malines, au départ, fournit plus de 18,000 voyageurs de première classe, soit 36,000 dans les deux sens.
La proposition de l'honorable M. Vermeire, pour ce qui est des diligences et des chars à bancs, entraînerait inévitablement des pertes. L'honorable membre a parfaitement compris combien sa proposition primitive était peu raisonnable, puisque, à deux jours d'intervalle, il formule une contre-proposition qui n'a pas grande analogie avec sa première proposition.
L'honorable membre avait proposéde fixer à 6 centimes par kilomètre le prix du char à bancs qui est fixé aujourd'hui à 5 c. 8 ; l'honorable membre estimait qu'en portant à 6 centimes par kilomètre le prix des chars à bancs il aurait amené des voyageurs aux waggons, c'est-à-dire que l'honorable membre croyait qu'en faisant payer 6 francs au lieu de 5,80 aux voyageurs des chars à bancs, il allait décider des voyageurs de waggons à prendre des chars à bancs. L'écartement du prix dans la proposition de l'honorable membre entre les chars à bancs et les diligences était tel que le déclassement était inévitable entre la diligence et le char à bancs. L'honorable membre proposait d'abord une différence de 2 c. 5 soit un écartement de 39 p. c. plus élevé. Or, plus on augmente l'écartement, en élevant le prix d'une classe supérieure par rapport à la suivante, plus on désertera cette classe supérieure pour l'autre.
L'inconvénient du déclassement que je signale ne disparaît pas même dans la nouvelle proposition de M. Vermeire, puisque dans celle-ci la différence est encore de 2 c. 25, au lieu de 1 c.8 qu'elle est aujourd'hui.
La proposition de l'honorable M. Osy ne pourrait en aucun cas être appliquée dès à présent. Que s'est proposé le gouvernement ? La régularisation des prix existants. Il a voulu faire disparaître les anomalies.
Cette régularisation amènera sur certaines relations une augmentation de 25 à 50 p. c. ; à cette première aggravation, l'honorable membre veut en ajouter une autre de 11 p. c. pour les waggons, de 3 p. c. sur les chars à bancs et de 5 p. c. sur les diligences. Il est évident que le gouvernement ne peut pas se rallier à une semblable proposition ; elle serait d'autant moins acceptable, qu'elle frapperait sur la classe la plus nombreuse et la moins aisée de la société. La troisième classe subirait une augmentation de 11 p. c, tandis que les voyageurs par diligence ou char à bancs ne payeraient que 3 ou 5 p. c. de plus. Sous ce rapport encore, la proposition de M. Osy est moins équitable que le système du gouvernement.
Ajoutez, messieurs, que je ne parle ici que des convois à petite vitesse puisque l'honorable M. Osy admet des prix encore supérieurs pour les autres convois.
Les propositions du gouvernement auront cet avantage de constater l'influence, sur les mouvements et les recettes, des relèvements et des abaissements du prix.
Pour certaines relations il n'y aura pas de modifications.
Pour d'autres il y aura des augmentations de prix.
Pour d'autres enfin, des diminutions.
Il y aura là les éléments d'une expérimentation multiple qui devra être suivie dans ses effets par des hommes capables et intelligents. Ceux-ci sauront tenir compte des circonstances particulières qui, en dehors des tarifs, viendront affecter les chiffres normaux de la circulation.
Ils élimineront les résultats exceptionnels de cette nature, des parallèles qu'ils établiront pour reconnaître l'influence propre des tarifs dans les circonstances ordinaires ; ils ne feront pas comme la commission de 1841, qui a vu les chiffres résultant de l'application du tarif de 1841 sans s'en rendre compte, sans les décomposer, sans rechercher dans quelles circonstances ils ont été obtenus, ce qui était assez important cependant, car ces circonstances n'ont pas permis à l'expérience qui a été faite de produire ses résultats.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.