(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à deux heures et un quart.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la précédente séance, dont la rédaction est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Antoine Charles Hennequin, comte de Villermont, membre du conseil provincial de Namur, prie la chambre de lui accorder la grande naturalisation.«
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Beeckman propose des modifications au projet de loi sur les hypothèques. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Plusieurs littérateurs, artistes et industriels, demandent une loi qui assimile la propriété intellectuelle à la propriété ordinaire. »
- Sur la proposition de M. de Perceval, renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
« Le conseil communal de Rumbeke demande la révision de la loi du 3 avril 1848, concernant les dépôts de mendicité. »
M. Rodenbach. - Messieurs, dans la requête dont on vient de vous faire l'analyse, les membres du conseil d'administration de la commune de Rumbeke, district de Roulers, signalent un grand nombre de vices existant dans la loi sur les dépôts de mendicité.
Ils sollicitent la révision de cette loi.
Plusieurs autres localités ont fait les mêmes réclamations dans la précédente session et dans la session actuelle.
On prétend que l'entrée dans ces établissements est trop facile aux indigents, qui, le plus souvent par antipathie du travail, y cherchent un asile, que l'inactivité à laquelle les ouvriers valides et bien dispos s'y abandonnent, loin d'améliorer leur caractère, ne les rend que plus indolents ; que le régime auquel ils y sont asservis n'est pas assez sévère, et que la confusion des classes du vieillard avec l'enfant, du malade avec le bien portant et de l'homme actif infirme avec le paresseux ne tend qu'à propager la nonchalance et la mendicité.
Je crois à la réalité de ces vices, et j'aimerais à les voir disparaître au plus tôt.
Les grands motifs qui ont décidé depuis longtemps les conseils communaux de l'arrondissement de Roulers, Thielt et autres, à demander la révision des lois sur la matière, ce sont les frais immenses que coûte, aux communes, l'entretien des mendiants dans ces sortes d'établissements. C'est la ruine de nos pauvres communes flamandes.
Aujourd'hui, la commune de Rumbeke réitère ses doléances, et je l'appuie de tout mon pouvoir.
Je demande donc que la commission des pétitions veuille examiner mûrement cette requête et en faire un prompt rapport.
M. Dumortier. - Messieurs, je viens appuyer les observations de mon honorable ami, M. Rodenbach. Il est évident que la loi sur les dépôts de mendicité est devenue une charge insupportable pour beaucoup de communes et qu'il est nécessaire que des modifications y soient introduites.
Je demande donc également qu'il soit fait un prompt rapport sur cette pétition, et j'invite le gouvernement à s'occuper très particulièrement de l'examen de cette question. Car, je le répète, la situation de beaucoup de communes n'est plus tenable.
- La proposition de M. Rodenbach est adoptée.
Par dépêche du 6 février, M. le minisire de l'intérieur, chargé par intérim du département de la guerre, adresse à la chambre deux exemplaires de l'Annuaire militaire officiel pour 1831. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Van Grootven demande un congé.
- Ce congé est accordé.
M. Lelièvre. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission sur l'amendement de M. Moncheur, à l'article 77 du projet de loi sur les hypothèques.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Rousselle dépose le rapport de la commission qui a examiné le projet de loi ayant pour objet l'érection d'une nouvelle commune dans la province de Hainaut sous le nom de Rièzes.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Chimay. - L'honorable M. Rousselle vient de faire rapport sur un projet de loi, qui ne présente aucune espèce d'intérêt général, mais qui a un caractère d'urgence spéciale comme question locale. Je prierai la chambre de consentir à ce que l'examen de ce projet puisse avoir lieu le plus tôt possible, par exemple entre les deux votes du projet de loi sur les hypothèques. Il s'agit d'un vote pour ordre ; il n'y aura pas de discussion.
- La proposition de M. de Chimay est adoptée.
M. Veydt. dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à l'exploitation des télégraphes de l'Etat.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Osy. - Je demande que la chambre s'occupe de ce projet entre les deux votes de la loi sur les hypothèques.
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - La chambre ayant statué hier sur les questions de principes qui avaient été posées, nous reprenons l'examen des articles.
Nous en étions arrivés à l'article 46, qui est ainsi conçu :
« Art. 46. Nul ne pourra faire acte de tutelle avant d'avoir fourni, s’il y a lieu, aux termes des dispositions ci-après, les garanties déterminées par le conseil de famille.
« A l'ouverture de toute tutelle, ce conseil sera convoqué, soit à la réquisition et à la diligence du tuteur ou des parents du mineur, soit d'office et à la poursuite du juge de paix, soit même à la requête du procureur du roi près le tribunal de l'arrondissement du domicile du mineur. »
L'amendement que M. Thibaut avait proposé à cet article, vient à tomber par suite de la décision que la chambre a prise hier.
M. le ministre de la justice a proposé une nouvelle rédaction, qui a été adoptée par la commission. Voici cette rédaction :
« Lors de la nomination des tuteurs ou avant l'entrée en exercice de toute tutelle légale ou testamentaire, le conseil de famille fixera la somme pour laquelle il sera pris inscription hypothécaire ; il désignera les immeubles sur lesquels cette inscription devra être requise, eu égard à la fortune des mineurs, à la nature des valeurs dont elle se compose et aux éventualités de la responsabilité du tuteur.
« Le conseil de famille pourra, d'après les circonstances, déclarer qu'il ne sera pris aucune inscription sur les biens du tuteur. Cette déclaration n'aura d'effet que jusqu'à révocation. »
- L'article est adopté avec cette nouvelle rédaction.
« Art. 47. Si la personne appelée à exercer la tutelle possède des propriétés foncières, le conseil de famille désignera les immeubles qui seront frappés d'hypothèque, pour sûreté de la gestion, et fixera la somme à concurrence de laquelle l'inscription sera prise. »
La commission, d'accord avec M. le ministre, a proposé la suppression de cet article.
- Cette suppression est adoptée.
« Art. 48. Cette délibération sera motivée ; elle ne pourra avoir lieu qu'après que le tuteur aura été entendu ou appelé. »
M. Lelièvre, rapporteur. - Messieurs, d'après le dernier paragraphe qui a été ajouté à l'article 46, il n'est pas possible de maintenir l'article 48 tel qu'il est rédigé. Je proposerai la rédaction suivante :
« La délibération du conseil de famille sera motivée dans le cas énoncé au paragraphe de l'arliclc précédent, elle ne pourra être prise qu'après que le tuteur aura été entendu ou appelé. »
Je pense que M. le ministre sera aussi d'avis qu'il est inutile d'appeler le tuteur lorsqu'il ne s'agit pas de grever les immeubles. Certes, sa présence est inutile lorsqu'il s'agit de prononcer la dispense de l'inscription. Ce motif justifie mon amendement tel qu'il est rédigé.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, c'est ainsi que je l'entends ; mais je désire que l'amendement soit renvoyé à la commission ; je n'aimerais pas à voir introduire dans la loi un amendement sans l'avoir examiné de très près.
M. Lelièvre. - Je me joins à M. le ministre de la justice pour demander le renvoi de mon amendement à la commission.
- Ce renvoi est ordonné. L'article 48 est tenu en réserve.
M. le président. - Nous passons à l'article 49 ; voici la nouvelle rédaction que M. le ministre de la justice a proposée et à laquelle la commission s'est ralliée :
« Le tuteur, ainsi que tout membre du conseil de famille, pourra, dans la huitaine, former opposition à la délibération.
« Cette opposition, qui ne pourra, en aucun cas, suspendre l'exécution de la délibération du conseil de famille, sera formée contre le subrogé tuteur, si elle tend à faire réduire les garanties déterminés par le conseil de famille au profit des mineurs et interdits, et contre le tuteur,si elle a pour but de les faire augmenter.
« Le tribunal statuera comme en matière urgente, après avoir entendu le procureur du roi et contradictoirement avec lui. »
M. Roussel. - Messieurs, je demande quelle nécessité il y a d'accorder un recours quelconque à la délibération du conseil de famille. (page 624) A mon avis, le conseil de famille doit seul décider la question dont il s'agit, et on peut sans crainte dire qu'il décidera en dernier ressort, sans que les tribunaux doivent intervenir.
Les tribunaux, placés ordinairement, au moins souvent, loin du lieu où s'agite le débat, auront moins d'aptitude à connaître les nécessités de garantie pour la tutelle. Le conseil de famille n'est-il pas la surveillance légale de la tutelle organisée ?
Messieurs, nous allons singulièrement compliquer cette matière, en laissant, en définitive, en suspens, quoi qu'on en dise, la question même de l'inscription.
Maintenant, l'opposition qui aura été portée devant le tribunal de première instance pourra-t-elle donner lieu à un appel, et ultérieurement à un pourvoi en cassation ? Vous allez jusqu'à une procédure qui peut être extrêmement longue. Ne vaudrait-il pas mieux dire que la décision du conseil de famille, sous ce rapport, sera en dernier ressort ?
M. Lelièvre, rapporteur. - Il m'est impossible de me rallier aux observations de l'honorable M. Roussel. En règle générale, les délibérations des conseils de famille peuvent être attaquées devant le tribunal de première instance. Or, il s'agit dans l'espèce d'une délibération touchant à de graves intérêts du mineur. Je ne puis admettre qu'on puisse établir une exception aux principes du droit commun. La fortune du mineur est en jeu, et il s'agit précisément d'une question où ses intérêts sont opposés à ceux du tuteur.
Nous devons donc maintenir la règle générale d'après laquelle les conseils de famille ne décident jamais en dernier ressort. L'amendement de M. le ministre de la justice en admettant l'opposition ne propose donc rien d'insolite, rien qui puisse sérieusement être critiqué ; il n'est, au contraire, que l'application du Code de procédure en vigueur.
M. Roussel. - Messieurs, je n'ai fait aucune proposition ; j'ai exprimé un doute, mais un doute très sérieux, c'est que le projet de loi que nous discutons en ce moment réalisera dans la pratique les craintes que plusieurs personnes ont exprimées, c'est-à-dire de voir en résulter de nombreux procès. Nous cherchons à réformer, à simplifier les formes. Il existe une hypothèque légale, générale sur les biens du tuteur. Nous voulons spécialiser cette hypothèque ; nous voulons lui imprimer la publicité. En vain l'honorable M. Lelièvre invoque-t-il les principes généraux. Dans la législation, il ne s'est point encore agi de cette espèce d'hypothèque dont nous nous occupons maintenant. Il ne peut pas être question de principes généraux à ce sujet, nous allons du plus au moins, de l'hypothèque générale à l'hypothèque spéciale. Qui est plus apte à donner à l'hypothèque son caractère spécial que le conseil de famille ? Qui connaît mieux que lui la fortune du pupille et la fortune du tuteur ? Qui peut mieux spécifier que le conseil de famille ?
Remarquez, messieurs, qu'il ne s'agit point d'un droit, mais d'une simple garantie.
L'honorable M. Lelièvre objecte qu'il s'agit ici de principes généraux, tandis que nous ne nous occupons que de l'établissement d'une garantie hypothécaire. Celle question ne rentre pas nécessairement dans la catégorie des contestations ordinairement soumises aux tribunaux. Qu'est-ce que le conseil de famille ? C'est une espèce de chambre de tutelle comme nous en connaissons dans notre ancienne législation. Ne vaut-il pas mieux recourir à cette chambre de tutelle qu'a une procédure fort longue, fort dispendieuse et qui peut tourner au préjudice du mineur ? Supposons que le tuteur réussisse après une longue procédure. Je demande qui payera les frais. Evidemment le mineur, car le conseil ele famille n'a aucune espèce d'obligation sous ce rapport ; vous ne pouvez donc pas croire que le conseil de famille puisse jamais être condamné aux dépens.
Il y a donc un grand nombre de motifs qui viennent appuyer mon opinion. Je pense qu'il serait utile de borner au conseil de famille tout ce qui concerne la fixation de l'hypothèque légale du tuteur.
Maintenant c'est une simple idée que je soumets à la commission. Qu'elle veuille bien y réfléchir, que la chambre consente à tenir cette disposition en suspens, nous y reviendrons.
Je suis convaincu qu'après mûr examen de la matière la commission trouvera qu'il est impossible de soumettre à une procédure très longue, très dispendieuse un acte qui n'est pas définitif, qui u'est qu'une garantie provisoire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis très convaincu que si l'observation de M. Roussel était soumise à l'examen de la commission, la commission maintiendrait le système qu'elle a admis. C'est pour cela que je demande qu'on passe outre à la discussion et au vote de l'article 49.
L'honorable M. Lelièvre a invoqué avec beaucoup de raison les principes généraux. L'honorable M. Roussel prétend qu'il s'agit d'une question spéciale toute neuve, qu'on ne peut pas résoudre par ces mêmes principes. C'est une erreur.
Quel est le principe qui domine dans la tutelle ? C'est que les grands intérêts, les intérêts importants du mineur ne sont gérés par le conseil de famille que sous l'approbation du tribunal. Ainsi aucune aliénation de biens du mineur, aucune transaction relative à ses droits ne peut être consentie sans l'assentiment du tribunal.
M. Roussel. - Ce n'est qu'une homologation.
M. Dolez. - Oui ; mais c'est une homologation sui generis.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Voilà ce qui existe en droit, voilà ce qu'exige le Code civil, et c'est ce qu'exige la sécurité des droits du mineur.
On ne peut pas laisser l'intérêt le plus grave du mineur à la disposition du conseil de famille. Nous allons jusqu'à autoriser celui-ci à dispenser le tuteur de fournir hypothèque, et vous voulez qu'il décide en dernier ressort, sans que les tribunaux puissent intervenir.
Pour peu qu'il y ait une certaine intelligence entre le tuteur et des membres du conseil de famille, vous verriez, dans les trois quarts des cas, les mineurs privés de toute espèce de garantie. Contre les dangers d'une trop grande complaisance des membres du conseil de famille vis-à-vis des tuteurs, il faut chercher un remède ; ce remède, nous le trouvons dans les tribunaux qui décideront si l'importance de la tutelle, la nature de la fortune des mineurs exigent qu'une garantie soit prise et si la garantie fixée par le conseil de famille est suffisante.
Il est incontestable que la question de garanties à fournir par le tuteur est une des plus importantes qui puisse se présenter, au point de vue de la conservation de la fortune des mineurs, et, je le répète, elle ne peut être laissée à la décision arbitraire des conseils de famille.
Il peut arriver que, par raison de bienveillance pour le tuteur, le conseil de famille décide qu'il n'est pas nécessaire d'exiger qu'il fournisse une garantie, ou fixe un chiffre trop bas qui ne serait pas en rapport avec l'importance de la tutelle, mais il est possible aussi qu'un sentiment d'hostilité ou une trop grande méfiance porte le conseil de famille à exagérer la garantie ; il faut que le tuteur puisse porter devant les tribunaux la question de savoir si les sûretés exigées sont en rapport avec les éventualités de la tutelle.
Après cela, faut-il supposer que les conseils de famille seront déraisonnables et que leurs décisions donneront lieu à beaucoup de procès qui seront portés jusqu'en cassation ? C'est ce que je ne puis admettre, et les procédures en cassation dont on nous a parlé sont d'autant moins à craindre qu'il s'agira de décisions rendues en fait dont la cour de cassation n'a pas à s'occuper.
M. de La Coste. - Je prierai M. le ministre de s'expliquer sur une question posée par l'honorable M. Roussel, celle de savoir qui supportera les frais de l'instance.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Les frais seront supportés par celui qui aura tort. Si le conseil de famille décrétait des garanties trop élevées, que le tuteur se pourvût contre cette décision, qu'il obtînt raison, c'est évidemment le mineur qui devrait supporter les frais. Que si au contraire le tuteur succombait, ce serait lui qui devrait les supporter.
Je ne pense pas qu'il y ait à cela la moindre difficulté.
M. de Theux. - Il y a un cas que M. le ministre n'a pas prévu dans sa réponse : c'est celui d'un procès intenté par le subrogé tuteur pour obtenir une hypothèque que le conseil de famille a négligée, ou un supplément d'hypothèque. Il importe qu'il y ait à cet égard une règle claire et précise. Je demande donc une réponse sur ce point.
M. Lelièvre, rapporteur. - C'est absolument le même cas.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Il y a des principes généraux : il est évident que si le subrogé tuteur fait un procès pour le plaisir de le faire, le tribunal peut le condamner personnellement aux frais, que si au contraire le tribunal est convaincu qu'il n'a agi que dans l'intérêt du mineur, ce sera celui-ci qui supportera les frais.
M. Roussel. - Il y a certainemeut des principes généraux relativement aux frais. Mais c'est parce que nous savons tous que les mineurs peuvent être condamné aux frais sans en pouvoir mais que nous devons chercher à simplifier la loi. Je le crains bien, cette disposition aura l'inconvénient de compliquer les choses au lieu de les simplifier.
Par la publicité et la spécification des hypothèques, vous voulez simplifier ; vous désirez que les droits soient moins contestés, qu'il ait moins de contestations devant les tribunaux. J'abonde dans votre sens sous ce rapport, je désire de tout mon comr que les tribunaux soient peu occupés. C'est dans cet ordre d'idées que l'on devrait éviter au mineur la possibilité des frais d'un procès au sujet de la décision du conseil de famille à laquelle il est complètement étranger. Il y a un moyen fort simple de l'éviter. C'est de placer, par une disposition de la loi, l'hypothèque légale du tuteur en quelque sorte dans le domaine exclusif du conseil de famille, et pour cela il faut qu'il soit chargé de décider en dernier ressort sur ce point.
On nous renvoie aux principes généraux. Mais vous faites une loi nouvelle pour laquelle il y a des principes nouveaux ; il n'est donc pas possible que vous conserviez les conséquences des principes existant sous le régime de la loi actuelle.
Quel inconvénient y a-t-il à ce que le conseil de famille fixe en dernier ressort ce que la loi actuelle a fixé d'une manière générale ?
Aujourd'hui la loi dit : « Il y a hypothèque générale sur les biens du tuteur. » Au lieu de cela, vous diriez : « Le conseil de famille fixe l'hypothèque du tuteur. » C'est une espèce de jury, parfaitement apte à déterminer la quotité de l'hypothèque du tuteur. Nous croyons qu'il ne peut y avoir lieu à recours eu justice à ce sujet, ni de la part du conseil de famille, ni de la part du tuteur.
Comme il pourrait arriver que la décision du conseil de famille fût infirmée, nous nous enquérons des résultats ; d'après les principes généraux sur les frais, nous trouvons que ce résultat peut être défavorable au mineur. Eh bien, nous demandons qu'on revienne au principe si simple du jugement par jurés ; que le conseil de famille soit un jury qui décide sur quels biens du tuteur doit porter l'hypothèque.
(page 625) M. de Perceval. - Proposez un amendement.
M. Roussel. - Je n'ai pas fait de proposition ; je ne veux pas en faire. Si quelqu'un veut en déposer une, il le fera à ses risques et périls. Mais, quant à moi, je ne le ferai pas, parce que je m'aperçois qu'il y a un parti pris de refuser toute espèce d'amendement. (Interruption.) Messieurs, dernièrement, j'ai voulu substituer aux mots « devrait être affecté », ceux-ci : « sera affecté ». Sans donner aucune raison, on a dit qu'on trouvait la rédaction primitive convenable et on a repoussé ma proposition. Il en serait encore cette fois de même, parce que l'on paraît vouloir le projet tel qu'il a été élaboré par la commission sans aucun changement.
J'ai eu l'honneur de présenter des observations que je crois fondées. Elles seront imprimées ; tout le monde les verra.
Il est évident, d'après moi, que l'intérêt public, que l'intérêt commun commande ici de faire du conseil de famille, non un corps judiciaire sujet à recours, mais un jury qui décide ce point de fait de l'hypothèque légale du tuteur d'une manière décisive sans aucune intervention des tribunaux.
M. le président. - Tout membre a le droit de présenter des amendements ; et si ces amendements sont appuyés, ils sont examinés par la chambre.
M. Roussel. - Oui, mais comme l'accueil que leur fait la chambre n'est pas favorable, il est inutile de les présenter.
M. le président. - On ne peut supposer que la chambre ait un parti pris de repousser les amendements. Elle examine toutes les propositions qui lui sont faites.
M. Roussel. - Je vois que tous les amendements sont mal reçus, et je ne suis pas disposé à me procurer un refus à moi-même.
M. le président. - Cette accusation n'est pas parlementaire.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je proteste contre les dernières paroles que vient de prononcer l'honorable M. Roussel. Si les amendements proposés ne sont pas adoptés, ce n'est la faute ni de la chambre, ni de la commission, c'est la faute des amendements eux-mêmes. Et ici je ferai un appel à tous les membres de la commission et à tous les membres qui ont proposé des amendements et qui sont venus les discuter avec nous ; je demande s'ils ont remarqué qu'il y eût, dans la commission, le moindre parti pris de repousser les amendements ; si la commission n'a pas toujours examiné les amendements sous toutes leurs faces, et ne s'est pas montrée disposée à accepter tous ceux qui pouvaient améliorer la loi.
Je déclare que si l'honorable M. Roussel déposait un amendement dans l'esprit de son observation, je le combattrais ; et je suis convaincu que la commission, à l'unanimité, le repousserait, parce qu'encore une fois cet amendement n'est pas bon ; que non seulement il n'est pas conforme aux pricipes du Code, mais encore parce qu'il compromet au suprême degré les intérêts du mineur.
Nous faisons une loi pour simplifier les formes, dites-vous. Nous ne faisons pas seulement, quant aux mineurs, une loi pour simplifier les formes, nous faisons une loi pour rendre l'hypothèque spéciale et publique. Voilà le but, et s'il ne s'était agi que de simplifier les formes, il est probable que nous n'aurions pas touché à une matière aussi difficile à régler que les hypothèques.
Vous dites que vous voulez simplifier les formes, que vous voulez éviter des frais aux mineurs, et pour ne pas les exposer à des frais, que faites-vous ? Vous exposez tout leur patrimoine.
Mais comment donc les conseils de famille sont-ils formés ? Ils sont composés de membres des deux familles, de trois membres de la branche paternelle et des trois membres de la branche maternelle. Le plus souvent, les membres de la branche dans laquelle on choisit le tuteur sont des parents du tuteur.
Ils seront portés à lui faire une position commode, à le dispenser de fournir hypothèque ; et il suffira qu'un membre de l'autre branche se joigne à eux pour que le mineur n'ait plus aucune sûreté.
Vous voulez que le mineur soit à la disposition exclusive du conseil de famille ; ce système, le Code l'a repoussé dans toutes ses dispositions, en soumettant tous les actes importants qui concernent la fortune des mineurs à l'homologation du tribunal. Je le repousse avec le Code, parce qu'il est contraire aux intérêts des mineurs.
M. Lelièvre, rapporteur. - L'honorable M. Roussel n'a, jusqu'à présent, proposé aucun amendement ; par conséquent, il ne peut se plaindre que ses propositions aient été accueillies avec peu de bienveillance. Du reste, la commission se fera toujours un devoir d'examiner avec impartialité les amendements qui lui seront soumis ; elle l'a prouvé en faisant droit à plusieurs changements proposés par plusieurs de nos honorables collègues ; mais elle n'admet les amendements qu'à une condition, c'est qu'ils apportent des améliorations réelles au projet du gouvernement et aux propositions de la commission. Si nous adoptions une marche contraire, on ne manquerait pas de chercher à faire admettre des additions inutiles et qui, sans éclairer la loi, ne seraient de nature qu'à la rendre plus obscure et surtout à déranger l'économie de l'ensemble des dispositions ; et loin de faire une loi, nous arriverions à un résultat opposé. Oui, messieurs, nous accueillerons toujours avec faveur les observations de nos honorables collègues et nous les inscrirons avec bonheur dans le projet, pourvu qu'elles contribuent à l'améliorer, à le faire interpréter convenablement ou à régler des intérêts qui auraient échappé à la commission.
Maintenant, il me sera facile de justifier notre résistance au système proposé par M. Roussel.
Dans l'état actuel de la législation, les conseils de famille ne peuvent régler les intérêts des mineurs même les moins importants sans que leurs résolutions puissent être déférées aux tribunaux. Eh bien, je le demande, s'il en est ainsi, même dans des questions d'une importance secondaire, pouvons-nous consacrer un principe contraire, lorsqu'il s'agit d'intérêts sérieux, sans introduire une véritable anomalie dans nos lois, sans établir une opposition directe entre l'article que nous discutons et les principes généraux du droit ? Admettre comme irrévocables les décisions du conseil de famille dans l'espèce, ce ne serait plus être conséquent avec les dispositions générales du Code civil et du Code de procédure.
Que l'honorable M. Roussel veuille bien réfléchir à la portée de l'article en discussion. Il s'agit d'une opposition que le subrogé tuteur peut former contre la délibération du conseil de famille qui déciderait, par exemple, qu'il n'y a pas lieu à prendre inscription contre le tuteur. Comment est-il possible qu'une décision si grave soit prise par le conseil de famille sans qu'on puisse en appeler aux tribunaux ?
Le conseil de famille pourrait donc, par sa volonté et de son autorité, annihiler toutes les garanties que la loi donne au mineur ; il pourrait détruire toutes les mesures tutélaires qui doivent remplacer l'hypothèque légale. Il suffirait d'une collusion entre les membres composant la majorite du conseil de famille pour paralyser la volonté du législateur. Ainsi un conseil de famille aurait une autorité que l'on dénie à des corps judiciaires. Une assemblée privée jouirait de prérogatives plus étendues que la magistrature.
Ce n'est pas tout ; pourquoi voudrait-on que le tuteur lésé par une décision du conseil de famille et dont l'on prétendrait frapper les biens d'une inscription exorbitante pût être lié par une délibération de ce genre ?
Le conseil de famille n'est pas une autorité publique, il n'a pas le droit dès lors d'imposer au tuteur des conditions qui portent atteinte à ses droits et à ses intérêts. Le tuteur a donc le droit d'en appeler aux tribunaux ; dès lors, par le même motif et par une juste réciprocité, semblable recours est ouvert au mineur.
Ne l'oubliez pas du reste, messieurs : quant au tuteur, il s'agit de grever ses biens pendant un temps très long d'une hypothèque onéreuse. Et quant aux mineurs, il s'agit de prendre les mesures les plus importantes pour sauvegarder tout son avoir. Il n'est pas possible, dans une occurrence où souvent toute la fortune du mineur est en question, de livrer son sort à la merci d'une assemblée de famille dont la composition est loin d'être toujours rassurante.
On se retranche sur la question des frais. Cette question est tout à fait accessoire dans l'espèce, et jamais des intérêts aussi secondaires ne peuvent influer sur la conduite du législateur. Le sort des dépens est réglé par le droit commun. Ainsi, si un subrogé tuteur forme une demande évidemment mal fondée et compromettante pour les intérêts du mineur, il sera condamné personnellement aux dépens comme ayant mal géré les intérêts qui lui étaient confiés.
Les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la conduite du subrogé tuteur et de ceux qui représentent le mineur. Si le mineur succombe vis-à-vis du tuteur, il sera condamné aux dépens de l'instance, à moins qu'il n'y ait faute lourde de la part du subrogé tuteur. Si le tuteur est déclaré mal fondé dans la contestation qu'il a élevée et s'est ainsi établi mal à propos l'adversaire du mineur, ce dernier obtiendra gain de cause contre le tuteur, qui supportera personnellement les dépens. Ces points ne peuvent faire l'objet d'un doute sérieux ; les règles du droit commun suffisent pour protéger à la fois les intérêts du tuteur et ceux des mineurs ; elles sont maintenues par l'article en discussion qui me paraît devoir recevoir la sanction de la chambre.
M. de Theux. - Messieurs, la question des frais que le subrogé tuteur pourrait avoir à supporter n'est pas du tout une question accessoire ; c'est véritablement ici une question capitale. Lorsque le conseil de famille aura dispensé le tuteur de toute inscription, si le subrogé tuteur s'aperçoit que cette délibération est contraire aux intérêts du mineur, il faut qu'il puisse en toute sécurité veiller à ces intérêts et exercer son recours auprès des tribunaux sans être exposé à supporter personnellement des frais. Je pense donc qu'il doit être bien entendu qu'à moins qu'il n'y ait eu faute véritablement grave de la part du subrogé tuteur dans le fait d'intenter une action pour obtenir hypothèque, le tribunal ne pourra le condamner personnellement aux frais. S'il n'en était pas ainsi, vous auriez décidé d'avance qu'aucun subrogé tuteur n'intenterait jamais une action semblable, car jamais un subrogé tuteur, qui reste couvert par la délibération du conseil de famille, n'ira intenter, à ses risques et périls, une action pour obtenir hypothèque dans l'intérêt du mineur.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Nous ne touchons pas aux principes relatifs aux frais. Ce que demande M. de Theux est de droit. Le subrogé tuteur ne sera condamné aux frais que dans le cas où il aurait évidemment agi par des motifs autres que ceux qui doivent le guider. Lorsqu'il aura agi de bonne foi, pour la conservation des droits du mineur en supposant même qu'il succombe, ce sera le mineur qui devra supporter les frais.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 50. L'inscription sera prise par le tuteur ou le subrogé tuteur, soit en vertu de la délibération du conseil de famille, soit en vertu d'un acte authentique passé à l'intervention du subrogé tuteur.
(page 626) « Le tuteur sera personnellementl responsable, vis-à-vis des tiers, de tout acte qu'il aurait illégalement passé avant l’inscription.
« Le subrogé tuteur est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de veiller à ce que l'inscription soit prise, sans délai, sur les biens du tuteur, ou bien de la faire faire lui-même. »
Le gouvernement a proposé la rédaction nouvelle suivante, qui a ete adoptée par la commission :
« Art. 50. L'inscription sera prise par le tuteur ou le subroge tuteur, soit en vertu de la délibération du conseil de famille, soit en vertu d'un acte authentique passé à l'intervention du subrogé tuteur.
« Le subrogé tuteur est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de veiller à ce que l'inscription soit prise, sans délai, sur les biens du tuteur ou même de la faire faire lui-même. »
M. Jullien. Il me paraît, messieurs, que cette rédaction est vicieuse : « ou même de la faire faire lui-même. » Il vaudrait mieux dire : « ou de la faire faire lui même. »
M. Delfosse. - « Ou de la prendre lui-même. »
M. Jullien. - C'est indifférent.
M. de Muelenaere. - Messieurs, d'après le paragraphe premier de l'article 50, l'inscription sera prise par le tuteur ou par le subrogé tuteur, en vertu de la délibération du conseil de famille. La délibération dont il s'agit ici est celle dont il est parlé dans l'article 47 et par laquelle « le conseil de famille désigne les immeubles qui seront frappés d'hypothèque pour sûreté de la gestion, et fixe la somme à concurrence de laquelle l'inscription sera prise. »
Messieurs, cette délibération a une certaine importance. A la vérité, elle pourra se trouver dans l'acte même par lequel le conseil de famille aura nommé le tuteur ou le subrogé tuteur : mais en général, elle sera consignée dans un acte subséquent. La raison en est fort simple ; c'est que, d'abord le tuteur sera invité par le conseil de famille à désigner lui-même les immeubles qu'il désire soumettre à l'inscription ; le tuteur sera nécessairement obligé de produire certaines pièces, constatant la valeur de ces immeubles, des certificats établissant que ces immeubles ne sont grevés d'aucune hypothèque, ou bien des certificats constatant jusqu'à concurrence de quelle somme les immeubles sont chargés.
Toutes ces formalités ne soient souvent remplies qu'après la nomination du tuteur et du subrogé tuteur, et alors il faudra une nouvelle délibération. Cependant l'inscription peut être prise par le tuteur en vertu de la délibération du conseil de famille, et c'est ce qui aura lieu généralement, pour éviter des frais. D'après cela, et j'appelle sur ce point l'attention de M. le rapporteur, je pense qu'il sera important d'apporter une modification à l'article 52. Aux termes de cet article « les greffiers des justices de paix ne pourront, sous peine de responsabilité personnelle et de destitution, s'il y a lieu, délivrer aucune expédition des délibérations des conseils de famille, à l'exception de celles relatives aux nominations de tuteurs et de subrogé-tuteurs. »
Ainsi, messieurs, d'après cet article, si la désignation des immeubles qui doivent être soumis à hypothèque, a eu lieu, comme cela arrivera presque toujours, par un acte subséquent à celui qui contient la nomination, alors le greffier de la justice de paix ne pourrait pas délivrer une expédition de la délibération relative à la désignation des immeubles, sous peine de responsabilité personnelle et de destitution, s'il y a lieu. Je sais fort bien que, dans cette hypothèse, la destitution ne serait pas appliquée, parce que l'autorité supérieure comprendra parfaitement que le greffier a eu des motifs légitimes pour délivrer l'expédition ; mais pour ne s'exposer à aucune espèce de risque, les greffiers se renfermeront généralement dans le texte de la loi, et n'oseront pas délivrer l'expédition dont le tuteur aura besoin pour prendre inscription.
Il me semble, messieurs, qu'il y aurait lieu d'apporter, sous ce rapport, une modification à l'article.
M. de Theux. - Je désire appeler l'attention de la chambre sur le paragraphe 3 que la commission a ajouté à l'article en discussion.
Ce paragraphe est ainsi conçu :
« Le subrogé tuteur est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de veiller à ce que l'inscription soit prise, sans délai, sur les biens du tuteur ou même de la faire faire lui-même. »
Il y a quelque chose de rigoureux dans la rédaction de ce paragraphe, D’après les dispositions de ce paragraphe, le subrogé tuteur sera porté à se faire délivrer immédiatement expédition, soit de la délibération du conseil de famille, soit de l'acte authentique passé à son intervention, pour envoyer à l'instant même une inscription au bureau du conservateur des hypothèques ; il pourra même se trouver en concurrence avec le tuteur, sans qu'il y ait aucune espèce de négligence de la part du tuteur ; le subrogé tuteur sera obligé, pour se mettre parfaitement à couvert, de prendre l'initiative de l'inscription.
Je pense que ce paragraphe pourrait être soumis à un nouvel examen de la commission ; j'en fais la proposition, puisque la commission doit encore se réunir.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Theux qui a déjà présenté ses observations dans le sein de la commission ; la commission pourra probablement formuler une rédaction qui fasse droit à la demande de l'honorable membre.
- La discussion est close.
Les deux premiers paragraphes de l'article 50 sont mis aux voix et adoptés.
Le paragraphe 3 est renvoyé à un nouvel examen de la commission.
« Art. 50bis. Le conseil de famille pourra spécialement commettre l'un de ses membres ou toute autre personne pour requérir l'inscription. »
- Adopté.
« Art. 50ter. Les greffiers des justices de paix ne pourront, sous peine de responsabilité personnelle et de destitution s'il y a lieu, délivrer aucune expédition des délibérations des conseils de famille, à l'exception de celles relatives aux nominations de tuteurs et de subrogés tuteurs, avant qu'il leur ait été justifié, par la représentation des bordereaux certifiés par les conservateurs, que l'inscription a été prise contre le tuteur pour les sommes et sur les immeubles déterminés par les délibérations des conseils de famille. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, on pourrait faire droit à l'observation qui a été faite tout à l'heure par l'honorable M. de Muelenaere, en ajoutant à l'article les mots : « ou qui déterminent l'hypothèque », après ceux-ci : « à l'exception de celles relatives aux nominations de tuteurs et de subroges tuteurs ».
M. de Theux. - Je n'ai pas à faire d'objection contre cette addition ; mais il doit être bien entendu que si l'on présente au greffier une délibération du conseil de famille qui dispense de fournir hypothèque, il pourra sans crainte délivrer expédition de la délibération. (Oui ! oui !)
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, au second vote, on pourra ajouter à l'article une phrase additionnelle qui fera droit à l'observation de l'honorable M. de Theux et qui sera, par exemple, conçue en ces termes :
« Lorsque le conseil de famille n'aura pas dispensé de fournir hypothèque. »
M. Delfosse. - Je propose de substituer aux mots : « à l'exception de celles relatives aux nominations, etc. », ceux-ci : « à l'exception de celles qui contiennent des nominations ».
- L'article 50, avec l'addition proposée par M. le ministre de la justice et avec le changement de rédaction proposé par M. Delfosse, est mis aux voix et adopté.
« Art. 51. A l'entrée de chaque tutelle, le conseil de famille fixera, s'il le juge utile, les époques auxquelles le tuteur lui rendra compte des capitaux mobiliers qu'il aura pu recevoir, ainsi que de l'excédant des revenus sur les dépenses du pupille.
« § 2. Il aura le même droit pendant la durée de la tutelle.
« Le subrogé tuteur pourra réclamer, une fois l'an, du tuteur, un état de situation de ses recettes et dépenses.
« Cet état sera rédigé et remis sans frais, sur papier non timbré, et sans aucune formalité de justice. »
M. Delfosse. - Un second paragraphe a été ajouté par la commission au projet du gouvernement. On peut arriver au même but, sans ajouter ce paragraphe, en rédigeant le premier paragraphe ainsi qu'il suit :
« Le conseil de famille, s'il le juge utile, fixera, lors de l'ouverture de la tutelle ou pendant sa durée, les époques, etc. »
On supprimerait le second paragraphe.
- L'article 51, tel qu'il est amendé par M. Delfosse, est mis aux voix et adopté.
« Art. 52. Si, lors de la délibération du conseil de famille, dont il est parlé, en l'article 46, il est reconnu que le tuteur ne possède pas d'immeubles, le conseil de famille, après avoir, en exécution de l'article 455 du présent Code, déterminé la somme à laquelle commence pour le tuteur l'obligation d'employer l'excédant des revenus sur la dépense, pourra ordonner qu'en attendant cet emploi, les capitaux des mineurs et des interdits seront versés par le tuteur à la caisse des dépôts et consignations, à la diligence du subrogé tuteur ou de l'un de ses membres. »
- Adopté.
Le gouvernement, d'accord avec la commission, a proposé la rédaction suivante :
« Art. 53. Si le tuteur possède des immeubles, mais qu'ils soient jugés insuffisants pour répondre de la totalité de sa gestion, le conseil de famille pourra déterminer la somme au-delà de laquelle le versement devra être fait ainsi qu'il vient d'être dit. »
- Adopté.
Le gouvernement a proposé, de concert avec la commission, l'article suivant :
« Art. 54. Le tuteur ne pourra retirer ces capitaux de la caisse des dépôts et consignations que pour en faire l'emploi qui aura été fixé par le conseil de famille, soit à l'acquittement des dettes des mineurs ou interdits, soit en acquisitions d'immeubles ou de rentes sur l'Etat, soit en prêts sur privilège immobilier, soit sur première hypothèque. »
- Adopté.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ferai remarquer à la chambre qu'il y a une transposition, que l'ancien article 54 du projet est devenu l'article 53 qui vient d'être voté.
« Art. 55. Dans le cas où, par suite d'événements ultérieurs, les garanties données aux mineurs ou aux interdits seraient devenues insuffisantes, le conseil de famille pourra exiger ou une augmentation de la somme que devait garantir l'hypothèque, ou l'extension de cette (page 627) hypothèque à d'autres immeubles. Si le tuteur ne possédait pas d'autres immeubles ou n'en possédait que d'une valeur jugée insuffisante, le dépôt à la caisse des consignations pourrait être exigé, comme il est dit aux articles précédents. »
- Adopté.
« Art. 56. Dans le cas des articles 52 et 53, s'il survient postérieurement des immeubles au tuteur, il sera procédé comme il est dit aux articles 40 et suivants. »
M. de Theux. - Il est entendu que si le tuteur acquiert des immeubles pendant le cours de la tutelle, quand il n'en possédait pas à l'ouverture, il sera obligé de convoquer le conseil de famille pour voir s'il y a lieu de prendre inscription. Le subrogé tuteur sera-t-il tenu de convoquer le conseil de famille dans le cas où le tuteur ne le ferait pas ? Est-ce une obligation de droit étroit ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est dans ce sens que l'article doit être entendu. Si le tuteur, à l'ouverture de la tutelle, ne possédait pas d'immeubles, le conseil de famille peut avoir pris des mesures pour sauvegarder la fortune des mineurs, par exemple en ordonnant la consignation des fonds appartenant aux mineurs. Quand des immeubles échoient au tuteur, il est utile que le conseil de famille s'assemble pour délibérer sur la question de savoir s'il y a lieu de prendre une inscription, jusqu'à concurrence de quelle somme et sur quel bien il faut la prendre.
- L'article 56bis est mis aux voix et adopté.
« Art. 57. Si les garanties fournies par le tuteur deviennent évidemment excessives pendant le cours de la tutelle, le conseil de famille pourra, après avoir entendu le subroge tuteur, restreindre, par une délibération motivée, les sûretés primitivement exigées ; cette délibération devra être soumise à l'homologation du tribunal qui statuera sur l'avis du ministère public, et conlradictoirement avec lui. »
- Adopté.
« Art. 58. Le tuteur ne peut, sans l'assistance du subrogé tuteur, recevoir le remboursement de capitaux non exigibles, ni de créances à terme qui ne devaient échoir qu'après la majorité du pupille.
« Le subrogé tuteur veille à ce que les sommes remboursées soient immédiatement versées dans une caisse publique, à moins que le conseil de famille n'autorise le tuteur, soit à en faire emploi, ainsi qu'il est dit en l'article 52, soit à les conserver et faire valoir ; dans ce dernier cas, l'autorisation pourra être subordonnée à une hypothèque à donner ou à un cautionnement à fournir par le tuteur. »
M. Delfosse. - Le dernier paragraphe de l'article 58 n'est guère que la reproduction de l'article 52 : ne suffirait-il pas de dire : « Le subrogé tuteur veille à l'exécution de l'article 52. »
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Ce sont deux cas différents ; à l'article 52, il s'agit des revenus ordinaires, tandis qu'ici il s'agit de capitaux. Je crois qu'il faut maintenir les deux articles pour les deux cas différents.
M. Delfosse. - Je prie M. le ministre de remarquer qu'il s'agit aussi à l'article 52 de capitaux : « Celui-ci verse immédiatement, dans une caisse publique, tous les capitaux mobiliers de son pupille. » Ces capitaux peuvent être très considérables.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - L'article 52 prévoit le cas de remboursement de capitaux qui, d'après les prévisions du conseil de famille, doit avoir lieu pendant la tutelle, tandis qu'ici il s'agit de capitaux non exigibles ; par conséquent, qui ne devaient pas être touchés pendant la minorité. Quand le conseil de famille a réglé les garanties à donner par le tuteur, il n'a pas tenu compte de capitaux qui ne devaient pas être touchés pendant la tutelle. C'est pourquoi l'article 58 a exigé l'intervention du subrogé tuteur et l'a chargé plus spécialement de veiller à l'emploi de ces capitaux.
M. Lelièvre, rapporteur. - Ce sont des créances d'une nature particulière,.
M. Cools. - Je proposerai à cet article un simple changement de rédaction.
Au lieu de : « le tuteur ne peut, sans l'assistance du subrogé tuteur, recevoir, etc. », je propose de dire :
« Le tuteur devra se faire assister du subrogé tuteur pour recevoir, etc. »
C'est pour éviter une répétition.
M. de Muelenaere. - La rédaction du gouvernement est très nette, très claire et conçue en termes législatifs. La rédaction que propose M. Cools serait moins bonne.
M. Jullien. - La rédaction du gouvernement est très claire ; elle a l'avantage d'invalider tout payement qui serait fait sans l'assistance du subrogé tuteur, tandis qu'avec la rédaction de M. Cools, on pourrait discuter le mérite de la validité du payement.
- L'article 58 est mis aux voix et adopté.
« Art. 59. Les articles 51 et 52 du présent chapitre ne parlent aucune atteinte aux droits assurés aux pères et mères par les articles 384, 385, 386, 387 et 433 du Code civil. »
- Adopté.
« Art. 59 bis. Les officiers de l'état civil sont tenus de donner immédiatement connaissance du décès des personnes mariées, laissant des enfants mineurs, au juge de paix du domicile des mineurs et au procureur du roi de l'arrondissement. Ces magistrats sont chargés de veiller spécialement à l'exécution des articles 47 et 50 de la présente loi.
« Les officiers de l'état civil qui contreviendraient au présent article seront punis d'une amende qui ne pourra excéder deux cents francs. L'amende sera double en cas de récidive. »
M. Deliége. - Je demande le renvoi de l'article 59bis à la commission ; ce matin, elle s'en est occupée, elle n'a pas pu prendre de détermination faute de temps. Il établit une disposition nouvelle qui est fort sévère.
Vous savez qu'en général les officiers de l'état civil des campagnes n'ont pas de traitement. On les expose ici à une peine de 200 francs d'amende pour une simple omission, qui ne sera pas toujours réelle ; car la poste qui aura reçu la lettre pourra ne pas la remettre au juge de paix ; comment l'officier de l'état civil prouvera-t-il alors la remise de la lettre à la poste ?
Je demande donc que l'article en discussion soit soumis à un nouvel examen.
M. de Muelenaere. - J'avais réclamé la parole pour faire à peu près la même observation. Il me semble que l'article est trop sévère pour les officiers de l'état civil. Vous savez que ces fonctions, surtout dans les campagnes, sont souvent gratuites. On a de la peine à trouver des officiers de l'état civil, et s'ils connaissaient les dangers auxquels ils s'exposent, on en trouverait encore plus difficilement. L'article doit donc être modifié. Si l'on veut combiner une peine contre l'officier de l'état civil, qu'elle soit au moins facultative ; que le tribunal puisse, suivant les circonstances, l'appliquer ou ne pas l'appliquer.
M. Orts. - J'attire l'attention de la commission sur des dispositions qu'on pourrait considérer comme abrogées par cet article. Je veux parler de l'arrêté du 31 juillet 1828, ainsi conçu :
« Art. 1er. Les officiers de l'étal civil dans toute l'étendue du royaume seront tenus de donner, de tous décès sans exception, un avis par écrit au juge de paix de chaque canton où le décédé était domicilié, et ce dans les 24 heures de la déclaration qui en aura été faite.
« Art. 2. S'il est à la connaissance desdits officiers de l'état civil que le décédé a laissé des héritiers mineurs ou absents, ils en donneront avis ; dans le même temps qu'il est dit à l'article 1err. » Je demande si la loi nouvelle restreint ou étend ces obligations.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'était principalement pour les scellés. Du reste, la commission examinera.
M. de Theux. - La pénalité est réellement excessive ; et les observations que l'honorable M. de Muelenaere a faites sur la difficulté qu'on a à trouver des officiers de l'état civil sont très justes. Je demande donc aussi le renvoi à la commission.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Appuyé.
- Ce renvoi est prononcé.
« Art.59ter. Il sera tenu au greffe de chaque justice de paix, sous la surveillance du juge et la responsabilité personnelle du greffier, un état de toutes les tutelles ouvertes dans l'étendue du canton. Cet état contiendra la date de l'ouverture des tutelles, les noms, prénoms et demeures des mineurs et interdits, tuteurs et subrogés tuteurs, la date et le résumé des délibérations des conseils de famille, relatives à l'hypothèque légale des mineurs, la date des inscriptions qui en auront été faites ou la mention des causes pour lesquelles il n'en aurait pas été requis.
« Chaque année, dans le courant de décembre et au plus tard le 31 de ce mois, les greffiers sont tenus, sous leur responsabilité, d'adresser au procureur du roi de leur arrondissement, copie entière de cet état pour la première année de la tutelle, et pour les autres la simple indication des changements survenus dans l'année courante, relativement à l'hypothèque légale, à son inscription ou aux dépôts que l'absence ou l'insuffisance des immeubles auront nécessités.
« Dans le mois de janvier suivant, le procureur du roi soumettra cet état au tribunal qui, sur le rapport d'un de ses membres, en chambre du conseil, statuera ce que de droit tant d'office que sur les réquisitions du ministère public.
« Expédition de sa décision sera, s'il y a lieu, en tout ou en partie, transmise au juge de paix qu'elle concerne.
« Les greffiers des justices de paix qui contreviendraient au présent article seront, indépendamment des peines disciplinaires, punis d'une amende qui n'excédera pas cent francs. Elle sera double en cas de récidive. »
M. Roussel. -Nous ne faisons pas une loi disciplinaire, mais une loi hypothécaire. Nous pourrions, en vérité, supprimer tout cela.
M. Delfosse. - Je propose deux changements de rédaction ; au premier paragraphe, on dirait : « dans le canton », au lieu de « dans l'étendue du canton » ; et dans le paragraphe suivant on substituerait le mot « prises » au mot « faites ».
M. Jullien. - Messieurs, l'honorable M. Roussel demandait tout à l'heure ce qui serait statué par le tribunal après avoir pris inspection des états dressés par les greffiers des justice de paix.
L'examen de ces états peut avoir un côté très utile. Le tribunal n'aura pas seulement, comme l'a dit l'honorable M. Lelièvre, à sévir conlrc les greffiers en cas de négligence. Si telle devait être la mission exclusive du tribunal, je ne verrais aucune utilité dans le devoir qu'on impose aux greffiers.
Le tribunal, saisi de l'état, examinera si les conseils de famille ont pris les mesures nécessaires dans l'intérêt des mineurs ; si les juges de paix ne devaient pas, pour sauvegarder cet intérêt, convoquer d'office les conseils de famille en vue de poser des actes conservatoires qui auraient été omis.
(page 628) Mais, messieurs, je trouve que l'article nouveau, proposé par la commission, impose aux greffiers des justices de paix l'obligation de consigner dans l'état qu'il prescrit, des mentions que parfois ils seront dans l’impossibilité de faire. Ainsi, messieurs, l'article porte que l'état qu'ils dresseront contiendra, entre autres choses, la date des inscriptions qui auront été faites ou la mention des causes pour lesquelles il n'en aura pas été requis. Or, les greffiers na seront pas toujours en position de savoir s'il a été pris des inscriptions et quelle est la date de ces inscriptions.
Il est vrai qu'une disposition porte qu'ils ne pourront délivrer aucune expédition d'une délibération du conseil de famille, si on ne leur justifie pas au préalable qu'il a été pris une inscription ou qu'il n'a pu en être pris ; mais il peut se faire qu'on ne demande aucune expédition. Quelle sera alors la position d'un greffier de justice de paix à qui vous imposez le devoir de mentionner des inscriptions qui auront été prises sans qu'il en ait été informé ?
Il me paraît que cet article exigerait un changement de rédaction, car il arrivera souvent que les greffiers de justice de paix se borneront à expédier, par exemple, la nomination de tuteurs, et pour cette expédition on n'a plus besoin de faire conster qu'il a été pris une inscription quelconque.
Je pense donc que, pour ce cas, il ne faudrait exiger du greffier que ce qu'il peut mentionner sans le forcer à se transporter au bureau de la conservation des hypothèques pour s'assurer s'il a été pris inscription.
Il conviendrait, ce me semble, de renvoyer l'article à l'examen de la commission qui pourrait en délibérer de nouveau.
M. Lelièvre. - La disposition dont nous nous occupons est très claire. Le tribunal examinera jusqu'à quel point le greffier de la justice de paix se sera conformé aux prescriptions de la loi ; s'il a fait preuve de négligence et commis des fautes graves, le tribunal prononcera contre lui, suivant les circonstances, des peines disciplinaires. Mais en ce cas il entendra naturellement l'inculpé. La défense est de droit naturel, et nul ne peut être condamné, même disciplinairement, avant d'avoir été appelé ou entendu ; il n'est pas même nécessaire d'insérer à cet égard une disposition formelle qui découle de la nature même des choses.
L'article imposant aussi une suveillance au juge de paix, des injonctions pourront au besoin lui être faites s'il ne remplissait pas d'une manière convenable les obligations que la loi lui impose et s'il avait apporté de la négligence à surveiller les actes de son greffier. Cela se conçoit ; la loi, par de graves motifs dans les intérêts des mineurs, a porté les prescriptions énoncées en l'article ; eh bien, il a fallu donner une sanction à cette disposition impérative. De là les mesures répressives auxquelles l'article fait allusion.
- La discussion est close.
Les deux changements de rédaction proposés par M. Delfosse sont adoptés.
L'article, ainsi modifié, est adopté.
« Art. 60. La femme aura une hypothèque spéciale sur les biens qui sont affectés, par le contrat de mariage, pour sûreté de sa dot et de ses conventions matrimoniales.
« Elle pourra également stipuler dans son contrat de mariage une hypothèque spéciale pour les sommes dotales provenant de successions qui lui écherront, ou de donations qui lui seront faites pendant le mariage.
« Ces hypothèques auront leur effet à dater de l'inscription, lors même qu'elles auront été prises à une époque antérieure au mariage. »
M. le ministre de la justice a proposé une nouvelle rédaction quia été adoptée par la commission ; elle est ainsi conçue :
« Art. 60, § 1er. Comme au projet.
« § 2. Elle pourra également stipuler dans son contrat de mariage une hypothèque spéciale pour garantie des reprises de toutes natures, même conditionnelles ou éventuelles, qu'elle pourra avoir à exercer contre son mari.
« § 3. Ces hypothèques seront inscrites par le mari avant la célébration du mariage, et auront leur effet à dater de l'inscription.
« L'inscription pourra aussi être requise par la femme. »
M. de La Coste. - Messieurs, comme les rapports de la commission ont été très multipliés et qu'il est souvent difficile de saisir à une première lecture le sens des nouvelles rédactions qu'elle a adoptées, je n'ai pas bien compris s'il est permis par le contrat de mariage de stipuler une hypothèque sur des biens que l'on ne possède pas encore.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Non.
M. de La Coste. - Eh bien c'est sur ce point que je me permettrai de faire quelques observations.
Messieurs, la chambre, en écartant l'amendement de l'honorable M. Thibaut, qui, sauf quelques modifications, était le maintien du Code actuel, a montré qu'elle voulait énergiquement la spécialité des hypothèques et leur publicité.
En rejetant l'amendemenl de l'honorable M. Orts, elle a montré, je peuse, qu'elle voulait maintenir les garanties de la femme mariée autant qu'il était possible de les concilier avec le système de la publicité et de la spécialité.
Messieurs, je vois entre la position du mineur et celle de la femme mariée une très grande différence. Pour le mineur, le conseil de famille est toujours là, il peut agir sans aucun scrupule de délicatesse ; il a un devoir à remplir, un devoir inflexible auquel il doit se conformer.
Dans le mariage, les parents, le père, la mère règlent d'ordinaire les conditions, mais en les réglant ils épuisent pour ainsi dire leur droit. Un sentiment de délicatesse, l'intérêt même du bonheur de leur enfant leur défendra le plus souvent d'intervenir après que le mariage aura été conclu.
On a fait remarquer, messieurs, que, dans notre pays, le mode le plus généralement adopté est celui de la communauté avec exception pour les immeubles, comme cela est réglé par le Code, et assez fréquemmen avec exception pour les capitaux qui tiennent lieu de propres.
Quel est, messieurs, le motif de cette préférence ? C'est peut-être un peu le souvenir de nos anciennes coutumes ; c'est encore parce que le régime dotal n'est pas dans nos mœurs et parce que la séparation est essentiellement contraire à la nature même de l'acte ; mais c'est surtout par un motif de délicatesse et de prudence.
Les pères de famille, qui sont souvent très soigneux de s'enquérir de la fortune, de la position de celui qu'ils choisissent pour époux à leur fille, sentent fort bien, une fois le mariage conclu, qu'il y a un intérêt beaucoup plus grand à sauvegarder que l'intérêt pécuniaire, que c'est l'intérêt du bonheur de la vie tout entière de leur enfant qui serait compromis par des marques de méfiance.
La prudence paternelle même les détermine pour le mode de communauté avec les exceptions que j'ai indiquées, et sous la législation actuelle ils l'adoptaient avec d'autant moins d'hésitation que le Code leur offrait une garantie : l'hypothèque légale. Il s'agit maintenant de remplacer cette garantie. Quel en était le grand avantage ? C'est qu'elle agissait d'elle-même, c'est qu'elle saisissait la fortune d'elle-même et sans l'intervention ultérieure des parents. Cette garantie avait un autre avantage, c'est qu'elle s'étendait aux biens futurs.
Or, messieurs, au moment où le mariage est conclu, le plus souvent la fortune n'existe encore qu'en espérance. Si l'on veut, autant que possible, reproduire les avantages du système auquel on renonce, il faut d'abord un mécanisme qui assure et facilite l'inscription. Il faut, en outre, que sans l'intervention ultérieure de la famille il y ait moyen d'atteindre les biens futurs. Eh bien, je ne vois, quant à moi, d'autre moyen d'atteindre ce but, qu'une promesse d'hypothèque pour l'éventualité où des immeubles seraient acquis ultérieurement, promesse qui aurait ses effets. Il paraît que l'opinion de la commission est qu'une promesse d'hypothèque n'a pas d’effet ; on a soulevé la question et on ne l'a pas résolue, mais il paraît que la commission pense qu'une promesse d'hypothèque ne vaut point.
Si telle est la jurisprudence, si tel est le principe du droit, il faudrait faire une exception pour les contrats de mariage, il faudrait établir que, par contrat de mariage, on peut stipuler une promesse d'hypothèque, quant aux biens futurs.
Messieurs, j'ai partagé, je l'avoue, l'opinion de l'honorable M. Thibaut, dans ce sens que j'aurais voulu maintenir l'hypothèque légale de la femme, sauf à admettre tous les changements, toutes les corrections que l'expérience et la sagesse des membres de la commission et les connaissances judiciaires de M. le ministre auraient suggérés ; mais je ne veux pas revenir sur le principe qui a été décidé par la chambre, et mon but n'est pas de montrer que le système adopté est vicieux ; je désire seulement rendre la loi aussi bonne que possible, et la fortifier dans ses côtés faibles, et le côté le plus faible de la loi est certainement le point dont nous nous occupons en ce moment.
Je soumets ces observations à la chambre, à la commission et à M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'ai qu'un mot à répondre à l'honorable M. de La Coste, c'est que si l'on admettait l'hypothèque sur les biens futurs, on admettrait de nouveau l'hypothèque générale et occulte.
M. de La Coste. - Je ne propose nullement l'hypothèqne générale et occulte ; je propose une promesse d'hypothèque. J'y vois cet avantage que les parents ne devront pas intervenir ultérieurement pour exiger la constitution d'une hypothèque à laquelle le mari ne s'est point soumis, et il faut bien reconnaître que l'intervenlion ultérieure des parents dans ce sens est presque une chimère. Je pense qu'elle n'aura jamais lieu que dans des cas extrêmes.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne comprends pas la réalisation de la promesse d'hypothèque sans l'intervention des parents.
M. de La Coste. - Je l'admettrais dans ce cas.
M. de Brouckere. - La promesse ne peut pas emporter hypothèque, à moins qu'elle ne soit réalisée, et dès lors elle ne sert à rien, car la réalisation ne peut avoir lieu que par la volonté du mari. Or si le mari a la volonté de donner hypothèque, la promesse est inutile. Si, au contraire, vous voulez que la promesse ait ses effets sans la volonté du mari, alors c'est l'hypothèque générale et occulte.
M. de La Coste. - Je vois une très grande différence pour les parents entre réclamer l'exécution d'une promesse et intervenir dans les affaires d'une famille détachée de la leur : les parents réclameraient l'exécution du contrat et là aucun sentiment de délicatesse ne peut les en empêcher. Le contrat imposerait au mari l'obligation de constituer hypothèque. L'hypothèque ne serait pas occulte ; elle serait inscrite par le mari en vertu de son contrat et, à son défaut, par les intéressés que vous (page 629) appelez vous-mêmes à demander hypothèque. Eh bien, je ne les appellerais pas à demander hypothèque, parce que là ils interviennent dans les affaires d'un ménage qui n'est pas le leur, mais je les appellerais à réclamer l'exécution du contrat où l'hypothèque serait promise, c'est-à-dire à réclamer un droit stipulé par eux-mêmes.
M. Lelièvre, rapporteur. - Je me bornerai à vous proposer quelques observations.
L'hypothèque est un droit réel qui affecte un immeuble, la promesse d'hypothèque ne confère aucun droit personnel. Les promesses d'hypothèque dont parle l'honorable M. de La Coste ne pourraient donc pas établir un droit hypothécaire. Nous avons même vu, et la commission a résolu en ce sens la difficulté soulevée par l'honorable M. Jullien, que les promesses ne pouvaient mène plus dégénérer en droit hypothécaire en vertu d'un jugement (l'hypothèque judiciaire étant supprimée). En conséquence, écrites dans un contrat de mariage, elles resteraient sans effet.
D'un autre côté, quel est le but de la loi ? C'est d'assurer la spécialité. Or, ce but ne peut être atteint, si l'hypothèque ne frappe des immeubles certains et déterminés. Cet état de choses est dès lors incompatible avec une hypothèque sur des biens futurs. Ce système, du reste, renverserait toute l'économie de la loi en discussion, qui n'a vu d'autre moyen d'établir la spécialité, base essentielle d'un bon régime hypothécaire, que d'exiger que l'hypothèque soit assise sur des biens présents appartenant au débiteur, l'hypothèque sur des biens futurs présentant du reste de notables inconvénients.
Enfin, veuillez remarquer que, dans le cas où le futur époux n'a pas d'immeubles lors du contrat de mariage, la loi a pourvu aux intérêts de la femme mariée dans l'article 62, en l'autorisant à requérir pendant le mariage, des inscriptions même pour sûreté de sa dot et de ses conventions matrimoniales. Ainsi dès l'instant que le mari acquiert des biens pendant le mariage, la femme peut à l'instant même prendre des mesures dans ses intérêts ; et l'on pourvoit ainsi aux inconvéniens résultant de la position où se trouverait le futur époux lors de l'union, lorsqu'il ne possède pas d'immeubles qui aient pu être donnés en hypothèque à l'épouse.
La foi fournit ainsi un moyen d'atteindre le but que se propose l'honorable M. de La Coste, but auquel on arrrive en sauvegardant les grands principes qui sont la base de la loi que nous discutons.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 61. Le contrat désignera les immeubles grevés de l'hypothèque, l'objet de la garantie et la somme à concurrence de laquelle l'inscription pourra être prise. »
M. Coomans. - Messieurs, je vous demande la permission de vous présenter, non un amendement, mais une observation générale qui n'est peut-être pas indigne de votre attention. Ne pourrait-on pas, au point de vue de l'hypothèque, assimiler fictivement les bâtiments de mer aux immeubles, en d'autres termes décréter que les navires belges, pleinement assurés par des sociétés nationales, pourraient être l'objet d'une constitution d'hypothèque ? Je désire que la commission soit saisie de mon observation et qu'elle veuille bien l'apprécier mûrement. Je n'expliquerai pas ici les nombreuses raisons qui militeraient en faveur de la réforme (assez grave, je l'avoue) que je voudrais voir introduire au Code de commerce. Je dirai seulement que la faculté de prêter aux armateurs sur une hypothèque que j'appellerai maritime, développerait utilement l'industrie de nos chantiers. J'ajouterai que si un navire bien assuré (aussi efficacement assuré que nos maisons et nos fabriques) paraissait une trop mauvaise hypothèque pour les femmes et les mineurs, on devrait au moins le laisser hypothéquer aux bailleurs de fonds qui déclareraient s'en contenter. Du reste, je ne formule pas d'article supplémentaire ; la commission, si elle accueillait ma remarque, le rédigerait mieux que moi.
M. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai à faire qu'une observation.
L'honorable préopinant demande que la commission s'occupe de la question de savoir si les navires peuvent être considérés comme immeubles. Mais je l'engage à y réfléchir lui-même, et à nous présenter le moyen de les rendre immeubles. Ce n'est pas une question de droit, c'est une question de fait. Où l'immeuble sera-t-il assis ? Une fois à Ostende ! une fois à Nieuport ! Dans quel arrondissement l'inscription sera-t-elle prise ?
M. Coomans. - On sera garanti par les sociétés d'assurances.
M. de Brouckere. - Le Code de commerce donne des moyens d'emprunter sur les navires. (Interruption.) Je vous demande pardon ; vous avez différents moyens d'emprunter sur un navire.
M. Coomans. - On n'y recourt pas.
M. Orts. - Messieurs, j'ai demandé la parole, uniquement pour dire à l'honorable M. Coomans qu'il peut être complètement rassuré, s'il peut entrer dans ses intentions de favoriser par un prêt de fonds le développement de la marine nationale. On peut prêter sur un navire, avec bien plus de sûreté que sur un bien immeuble.
Le Code de commerce prévoit une foule de privilèges sur les navires, qui tous prennent leur source dans les avances de fonds faites pour l'armement ou pour l'expédition des marchandises dont le navire est chargé, et rien n'est plus certain que de recouvrer son argent, quand on l'a prêté dans ces circonstances sur un navire.
Jamais le commerce maritime ne s'est plaint, dans notre pays ni dans aucun autre pays, de l'insuffisance de nos lois ou des lois étrangères sous ce rapport. Les contrats qu'on peut faire en Belgique sont ceux que font toutes les nations commerçantes ; et toutes trouvent que les garanties qu'offrent ces contrats sont suffisantes.
- La discussion est close.
L'article 61 est mis aux voix et adopté.
« Art. 62. A défaut de stipulation d'hypothèque, on en cas d'insuffisance des garanties prévues par le contrat, la femme pourra, pendant le mariage, en vertu de l'autorisation du président du tribunal du domicile marital, et à concurrence de la somme qui sera déterminée, requérir des inscriptions hypothécaires spéciales sur les immeubles de son mari, pour sûreté des droits énumérés à l'article 60.
« Néanmoins le mari pourra toujours se pourvoir devant ledit tribunal, s'il s'y croit fondé, à l'effet d'obtenir la radiation ou la réduction desdites inscriptions. »
M. le ministre de la justice, d'accord avec la commission, a proposé de supprimer le second paragraphe, et de rédiger le paragraphe premier comme suit :
« A défaut de stipulation d'hypothèque ou en cas d'insuffisance des garanties déterminées par le contrat, la femme pourra, pendant le mariage, en vertu de l'autorisation du président du tribunal du domicile marital et à concurrence de la somme qui sera déterminée, requérir des inscriptions hypothécaires sur les immeubles de son mari, pour sûreté des droits énumêrés au paragraphe premier de l'article 60.»
M. Delfosse. - On pourrait substituer dans ce paragraphe, les mots : « du tribunal de son domicile », à ceux-ci : « du tribunal du domicile marital ».
- Le premier paragraphe est mis aux voix et adopté ; le second paragraphe est supprimé.
« Art. 63. La femme pourra toujours, nonobstant convention contraire, requérir, pendant le mariage, des inscriptions sur les immeubles de son époux, pour toutes causes de recours qu'elle peut avoir contre lui, telles que celles qui résultent d'obligations par elle souscrites, d'aliénation de ses propres, de donations ou de successions auxquelles elle aurait été appelée.
« Le mari pourra, s'il y a lieu, demander la radiation ou la réduction de ces inscriptions. Il en sera de même si les causes pour lesquelles elles ont été prises viennent à cesser en tout ou en partie. »
- Le gouvernement propose la suppression du second paragraphe, la commission s'est ralliée à cette proposition.
L'article ainsi amendé est mis aux voix et adopté.
« Art. 63bis (proposé par le gouvernement). Les inscriptions prises en vertu des articles 62 et 63 désigneront spécialement chaque immeuble et exprimeront les sommes pour lesquelles ces inscriptions sont requises. »
- Adopté.
« Art. 64. Dans les cas prévus par les articles précédents, et en se conformant aux règles qui y sont prescrites, les parents et alliés des époux jusqu'au troisième degré inclusivement, le juge de paix du canton du domicile marital et le procureur du roi près le tribunal dé première instance pourront requérir les inscriptions au nom de la femme.
« Le mari, dans les cas prévus par les articles 62 et 63, pourra toujours, de son chef, les prendre au nom de celle-ci. »
M. Delfosse. - On pourrait dire : « de son domicile », au lieu : « du domicile marital » comme à l'article 62.
M. Orts. - Je crois que M. Delfosse n'a pas réfléchi à l'importance du changement qu'il propose ; car, d'après sa rédaction, on pourrait croire qu'il s'agit du domicile des parents, et non pas du domicile de l'époux. Je crois que le mot « marital » doit rester dans l'article.
M. Delfosse. - Pardon ! J'ai réfléchi. La femme a le même domicile que le mari. On peut donc dire : « domicile de la femme ». C'est, du reste, peu important.
- L'article est adopté tel qu'il est proposé par le gouvernement.
« Art. 65. La femme ne pourra renoncer directement, au profit de son mari, aux inscriptions prises en vertu des dispositions précédentes. »
- Adopté.
« Art. 66 (proposé par le gouvernement et auquel la commission s'est ralliée). Dans le cas des articles 62 et 63, le mari pourra demander que l'hypothèque inscrite pour raison des reprises de la femme soit restreinte aux immeubles suffisants pour la conservation entière de ses droits.
« Le tribunal statuera comme en matière sommaire, après avoir pris l'avis des trois plus proches parents de la femme, le procureur du roi entendu et contradictoirement avec lui. »
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.