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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 25 janvier 1851

Séance du 25 janvier 1851

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)

(Présidence de M. Delehaye.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 519) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à 1 heure et demie.

-La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse de la pétition suivante.

« Le sieur Resdeche se plaint de ce que le fils d'un officier supérieur, figurant comme caporal dans le contrôle d'une compagnie, reçoit les allocations de pain et de solde attachées à ce grade, sans être sous les armes, ni habillé, et tout en fréquentant un athénée dans une autre localité que celle où réside sa compagnie. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi autorisant provisoirement le gouvernement à fixer le tarif des correspondances télégraphiques

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Van Hoorebeke) dépose un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à régler provisoirement les tarifs des correspondances télégraphiques.

- La chambre décide que ce projet de loi sera renvoyé en section.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l’exercice 1851

Discussion générale

M. Delehaye. - Il a été déposé sur le bureau deux motions d'ordre ; la première, qui émane de M. JulIien, est conçue en ces termes :

« Avant de passer à la discussion des articles du budget de la guerre, la chambre déclare qu'elle s'associe à la pensée du ministère de créer une commission chargée d'examiner toutes les questions relatives à notre établissement militaire. »

La seconde proposition, émanant de MM. Verhaegen, Delfosse et Delehaye, est conçue comme suit :

« La chambre s'associant avec confiance à la résolution prise par le gouvernement d'examiner mûrement, avant la discussion du budget de 1852, les diverses questions relatives à notre établissement militaire, de s'entourer, à cet effet, des lumières d'une commission qu'il nommera, passe à la discussion des articles. »

- Ces motions sont appuyées et feront partie de la discussion.

M. Delehaye. - La parole est à M. Jullien pour développer sa motion.

M. Jullien. - Un mot malheureux a été prononcé pendant le cours de cette discussion, c'est le mot de transaction. Ce mot a été fatal pour le ministère. Il lui a valu un reproche bien dur, bien amer de la part de ses propres amis. On lui a reproché de mettre en péril par une transaction inconsidérée notre nationalité, notre existence politique. Ce reproche, messieurs, disons-le, il est bien immérité. N'en déplaise aux appréhensions des honorables MM. Lebeau et Devaux, notre nationalité, notre existence politique restent sauves. Personne, dans cette enceinte, ne songe à y porter la moindre atteinte.

Le reproche est immérité, car il n'y a ni transaction, ni traité.

Pour qu'il y eût transaction, il faudrait qu'il y eût engagement, qu'il y eût un lien d'obligalion entre les parties contractantes. Ce lien d'obligation, je ne le découvre point.

Quel est, en effet, messieurs, le langage qui a été tenu par le ministère ?

Nous sommes affectés, vous a-t-il dit, de voir, chaque année, une partie de nos amis se séparer de nous à l'occasion de la discussion du budget de la guerre.

Ces amis veulent des économies, eh bien ! nous proposons d'instituer une commission qui recherchera s'il est possible d'en réaliser, tout en maintenant la force organique de l'armée. Le travail de cette commission ne liera ni le ministère, ni la chambre ; les convictions de chacun resteront pleines et entières. A ce langage, que répond la minorité dissidente vers laquelle le ministère fait un pas ?« Nous n'avons aucune raison de ne point accepter l'institution que vous proposez d'une commission, du moment que vous nous réservez le droit de libre discussion du travail de cette commission. Vous n'êtes pas liés ; nous ne le serons pas davantage. » Il n'y a donc pas transaction.

L'institution d'une commission aura, messieurs, un double but, un double avantage : son travail éclairera la nation et ses mandataires sur les véritables intérêts de l'armée, sur le véritable système de défense militaire qu'il convient d'adopter ; en second lieu, il nous guidera tous dans la recherche des économies possibles sur le budget de la guerre, et compatibles avec une bonne organisation de l'armée.

Serait-ce, messieurs, un sentiment antinational que de se demander si le budget de la guerre, à l'instar des autres budgets, n'est pas susceptible de réductions ?

On nous accuserait, nous, de nous écarter du sentiment national quand nous demandons des réductions sur le budget de l'armée ! Mais on oublie, messieurs, que nous avons été envoyés dans cette enceinte par des comices électoraux dans lesquels retentissaicnt les cris d'économies sans désorganisation des services publics.

L'esprit public manifesté par ces comices est-il resté le même ? Nous ont-ils désavoués en 1850 ? Loin d'un désaveu, ces mêmes comices ont ratifié la conduite parlementaire de ceux qui ont ici défendu les économies. Nous, messieurs, qui avons passé par les épreuves d'une réélection, nous sommes en droit de dire à l'honorable M. Lebeau : Vous vous trompez !

Au fond, vous qui vous posez les adversaires des réductions du budget de la guerre, que voulez-vous ? Ce que vous voulez, c'est un budget normal ; ce que vous voulez, c'est le contingent normal de l'armée. Eh bien, permettez-moi de vous le dire, ce langage n'est pas constitutionnel. Il n'est pas constitutionnel, car la Constitution a voulu que le budget de la guerre fût voté chaque année ; la Constitution a voulu que le vote du contingent de l'armée eût lieu chaque année.

Il est donc dans l'esprit de notre pacte fondamental que le chiffre du budget de la guerre puisse varier comme le chiffre du contingent de l'armée.

Vous voulez un contingent normal ; vous voulez que ce contingent reste irrévocablement fixé. Mais le chiffre du contingent ne dépend-il donc pas des événements politiques ? Et si les nations désarmaient, si les nations éprises des rêves du congrès de la paix diminuaient instantanément (page 520) leurs armées, prétendriez-vous que votre contingent dût rester le même ?

La loi organique de l'armée, que l'on pourrait plutôt appeler loi inorganique, parce qu'elle n'organise rien, cette loi prétenduement organique devrait, selon vous, rester invariable ; il ne faut pas y toucher. Serait-elle donc le dernier mot de la perfection humaine ? Si c'est une de ces lois qu'il faille à tout jamais respecter sans en retrancher, sans en modifier un seul article ; si, par la sagesse de ses dispositions, elle commande ce respect que vous demandez, pourquoi redoutez-vous donc l'institution d'une commission ?

Si cette loi avait un caractère aussi sacré que vous le dites, aussi inviolable que vous le prétendez, mais la commission serait elle-même la première à s'incliner devant elle, et reculerait devant tout changement à y apporter.

Les autres lois qui régissent notre établissement militaire sont elles aussi à l'abri de toute modification ? Est-ce que la loi sur les pensions militaires, son application surtout n'exige pas aussi un examen plus attentif ? Est-ce que cette loi, sous le ministère même que l'on a tant vanté hier, n'a pas donné lieu à de graves abus, à des abus dont nous sommes frappés tous les jours encore, alors que nous voyons des officiers de tous grades, valides et capables, écartés des rangs de l'armée quand ils pourraient encore rendre d'utiles services au pays ?

N'y a-t-il pas aussi, messieurs, des réformes à introduire dans l'organisation de notre école militaire ? Est-ce que, là aussi, les dépenses que cette école entraîne pour le trésor ne sont pas trop élevées ?

N'y a-t-il donc là aucune amélioration à créer ?

N'y a-t-il rien à faire non plus pour la réforme de l'école de Lierre, que l'honorable M. de Brouckere nous a dénoncée comme une école qui devait être supprimée ?

M. Coomans. - C'est une excellente école.

M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Pourquoi alors ne lui fournit-on pas un aumônier ?

M. Jullien. - Et vous voulez vous opposer à ce que toutes ces questions si sérieuses, jointes à tant d'autres non moins importantes, soient examinées par une commission impartiale, consciencieuse !

Souffrez que je vous le dise, je ne comprends pas votre opposition. Je la comprends d'autant moins qu'il ne dépend pas de vous, qu'il ne dépend pas de cette chambre d'empêcher l'institution d'une commission nommée par le gouvernement. Le gouvernement eût pu, dès avant l'ouverture de ces débats, nommer cette commission ; il eût bien agi, selon moi, en l'instituant avant la discussion du budget de la guerre ; mais enfin, messieurs, il ne l'a point fait ; ce qu'il n'a point fait, il peut le faire ; ce qu'il vous demande aujourd'hui, c'est que vous veniez, par l'autorité de votre vote, sanctionner en quelque sorte le principe de l'institution d'une commission. C'est en effet, messieurs, à ce point que se résume toute la discussion qui s'agite devant vous depuis plusieurs jours. Le gouvernement vous annonce son projet d'instituer une commission. Il vient vous demander si vous partagez l'idée de cette mesure. C'est un appel qu'il fait à la chambre. La chambre doit y répondre ; elle doit y répondre par une solution négative ou par une solution affirmative ; il faut une décision qui avertisse le ministère s'il est dans une voie vraie, dangereuse ou fausse ; il faut, en un mot, une décision qui l'avertisse s'il marche avec le pays.

Quant à moi, qui appartiens à la minorité, qui ai voté jusqu'ici contre le budget de la guerre ; quant à moi, qui n'ai pactisé avec personne, j'estime que la chambre, conviée à se prononcer, doit s'associer à la pensée du ministère.

L'institution d'une commission ne peut, selon moi, compromettre l'avenir de l'armée. Loin de là ; la création d'une commission doit avoir pour résultat d'affermir l'armée ; elle doit avoir aussi pour résultat de conduire le pays à des économies réalisables avec une bonne armée. Elle sera, dans une opinion, favorable à la consolidation de l'armée et à l'avenir financier du pays. C'esl en me plaçant à ce point de vue que j'ai formulé la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer.

M. Deliége et M. Manilius renoncent à la parole.

(page 524) M. de La Coste. - Messieurs, un honorable député de Liège disait il y a deux jours à l'opposition : « Laissez derrière vous votre vieux bagage » ; m'emparant de cette idée, je dirai d'un autre orateur qui a parlé hier, qu'il suit très honorablement ce conseil quand il monte au fauteuil de la présidence, d'où il dirige nos débats avec ordre et dignité. Mais qu'en en descendant à son ancienne place, il semble quelquefois y retrouver son vieux bagage. En y fouillant il a découvert mon nom dans une liste de 50 à 60 votants, comme s'il voulait m'opposer à moi-même ; mais ces votants que voulaient-ils ? Ils voulaient la loi d'organisation de l'armée. Qu'ils eussent en cela tort ou raison, voilà ce qu'ils voulaient et ce qu'ils veuillent encore, et ils l'ont obtenu en s'y prenant comme il fallait pour l'obtenir ; en votant une réduction qui avait cette signification. Chacun de ces votants pourra, du reste, expliquer son vote comme il voudra. Quant à moi, je conviens que, quoique maintenant je sois dans des conditions d'âge, de forces et de goûts qui font que mon expérience ne peut plus servir qu'à moi et à ceux qui attacheraient quelque importance à mes paroles, je m'applique néanmoins cet adage, qu'on n'est jamais trop vieux pour apprendre.

J'avoue donc, que ce qui s'est passé dans ces dernières années n'a, non pas changé mon opinion relativement à l'armée, mais lui a donné beaucoup plus de force quant à la nécessité de la maintenir sur ce pied respectable.

Notre armée a été placée d'abord dans des conditions très fâcheuses ; elle a été opposée à une armée beaucoup mieux exercée à une époque où elle était à peine organisée.

Depuis elle a été condamnée à l'inaction. Mais récemment elle a fait ses preuves, elle a montré, quand la Belgique semblait abandonnée à elle-même, ce qu’on pouvait attendre d'elle.

Elle l'a montré non dans un fait isolé seulement, mais par son attitude et si les circonstances l'avaient demandé ce qu'elle a fait dans un cas isolé, elle l'aurait fait sur une plus grande échelle ; elle a rendu un immense service au commerce, à l'industrie, à la classe ouvrière en arrêtant à la frontière le triste contrecoup, la triste contagion de ce qui se passait au-delà.

Voilà un service que ne peut égaler aucun abaissement de tarif, ni aucune de ces faveurs dont je ne suis pas l'ennemi, mais auxquelles je ne voudrais voir sacrifier ni notre situation financière, ni notre armée.

C'est encore dans certains vieux bagages que se trouve ce que je me permettrai d'appeler le vieux roman de montrer la défense de l'armée comme ayant appartenu exclusivement à l'ancienne opposition. Si le fait était vrai, il faudrait dire : Quantum mutatus ab illo Hectore !

Hector est bien changé ! Mais, messieurs, ce n'est pas cela : sur nos bancs on a été partagé relativement aux dépenses de l'armée, jusqu'à ce que nous eussions obtenu la loi d'organisation de l'armée qu'on considéra à la fois comme un moyen de savoir enfin à quoi s'en tenir sur la dépense de l'armée et comme un gage de sécurité pour celle-ci.

De son côté, l'opposition d'alors, devenue aujourd'hui majorité, était également divisée comme elle l'est encore et comme elle le sera probablement toujours, même quand la commission dont on demande la création aura fait son travail.

Il y avait seulement dans la position cette très grande différence, c'est que si l'opposition prenait part à la défense de l'armée, ce n'était pas du côté du gouvernement qu'avait lieu l'attaque.

Messieurs, le ministère s'est plaint que nos débats répandaient ou pouvaient répandre des germes de mécontentement, de découragement, dans l'armée ; c'est à quoi je ne travaillerai pas ; car c'est un résultat très funeste ; mais à qui la faute, qui a ouvert ce débat ? Pourquoi cette note communiquée à la section centrale ? C'était pour ouvrir la discussion sans doute et l'on ne peut rapporter qu'à l'acte même ses conséquences inévitables.

Je reviens à M. Delfosse : « Abandonnez, nous dit-il, votre vieux bagage. » S'il entend par là un certain alliage de préoccupations secondaires et plus ou moins personnelles qui entre dans la composition des partis, le conseil a du bon ; mais l'honorable député de Liège a l'esprit trop droit pour ne pas comprendre qu'il doit garder au moins la moitié du conseil pour son propre parti. S'il entend au contraire, par vieux bagage, nos convictions, nos principes, c'est un conseil qu'il n'accepterait pas pour lui-même et il aurait raison.

Nos convictions, nos principes, c'est ce qu'il y a de noble, d'élevé dans les partis ; c'est notre dignité, c'est notre force, c'est le sang de nos veines.

Messieurs, dans notre vieux bagage, nous trouvons une idée qui a fait le tour du monde ; elle est vieille, mais elle a retrempé la société antique ; elle peut sauver la nôtrev, étonnant mélange de grandeur, de progrès et de germer de dissolution.

Conservons chacun nos convictiond, à moind qu’elles ne se modifient, librement, sincèrement ; c’est là le privilège de notre temps, de nos institutions, que la conviction ne cède qu’à la conviction même.

Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous unir pour sauvegarder les grands intérêts de l'Etat. Cela ne doit pas nous empêcher de nous rapprocher par la justice, par la tolérance, par ces sages tempéraments que la pratique des affaires enseigne aux hommes d'Etat, ces tempéraments sans lesquels, quand on croit construire, on n'est que des fabricateurs de ruines.

J'unirai donc, messieurs, sans aucun scrupule, mon vote avec celui de l'honorable M. Lebeau, de l'honorable M. Devaux, quoiqu'il y ait entre nos opinions d'assez grandes nuances ; mais, pour moi, dans la politique, rien n'est isolé, tout s'enchaîne.

Si une armée est nécessaire à un pays, si sans une bonne armée, elle ne peut conserver sa nationalité, une armée, à mon sens, ne suffit pas ; il faut une frontière morale. J'appelle une frontière morale, le résultat de cet ensemble d'institutions, d'habitudes, de sentiments qui différencient une nation des autres peuples, qui la caractérisent et lui font aimer son existence politique.

Ainsi, messieurs, si une nation se distingue des autres par quelque heureux privilège en matière d'impôts, nele lui enlevez pas, gardez-vous d'y toucher ! Si dans cette nation le sentiment religieux est profondément répandu, gardez-vous de le froisser. Vous affaibliriez sa frontière morale ; il faudrait une plus forte armée, ou plutôt elle deviendrait une charge inutile.

L'honorable M. d'Elhoungne a rappelé un grand souvenir : celui de l'acte le plus glorieux de l'homme d'Etat dont l'Angleterre déplore la fin prématurée. Si jamais un acte semblable devenait nécessaire dans notre pays, je ne doute pas qu'un tel exemple ne tentât (erratum, p. 536) son ambition et qu'entrant dans les mêmes voies avec son talent incontesté, il n'obtînt le même succès et ne recueillit la même gloire. Cette supposition semble bizarre ? Eh ! mon Dieu ! elle n'est pas aussi étrange qu'on pourrait le croire, bien que j'espère qu'on s'arrêtera en chemin. Si, les souhaits d'étrennes que nous a faits hier l'honorable M. Pierre se réalisant, on parvenait à exclure sans retour des affaires une grande opinion, si au moyen d'une cohésion fortement organisée de la majorité, on parvenait à réduire celle-ci à un mécanisme, la minorité à une décoration de notre salle ; mais, messieurs, ce ne serait pas seulement la minorité qui serait annihilée, ce seraient les populations nombreuses aux intérêts, aux sentiments desquels la minorité répond qui, en exerçant leurs droits politiques, n’en exerceraient réellement que le simulacre.

M. Pierre. - J'ai parlé des pouvoirs.

M. de La Coste. - Allons au fond des choses. En Angleterre, avant l'acte d'émancipation, un catholique ne pouvait-il pas vaquer paisiblement à ses affaires ? Ne pouvait-il pas aller aux champs, au théâtre et même à la messe ? Il avait même les droits politiques ; seulement un serment qui répugnait à sa conscience l'empêchait de les exercer : ici on les exercerait sans aucun résultat, sans aucune action sur la marche des affaires : je ne vois point la différence.

L'honorable M. d'Elhoungne a peur pour l'armée du contact de notre impopularité ; je ne sais, messieurs, s'il y aura pour l'armée compensation d'être remise en question, d'être réduite au chiffre de 25 millions, à se trouver affranchie du contact de notre impopularité ; mais il me semble que notre popularité c'est d'être ici et d'y faire notre devoir. Voilà notre popularité, à moins que, suivant l'honorable M. d'Elhoungne, la popularité ne tienne pas du peuple, ou que le peuple ne fasse pas les élections.

Si telle est l'opinion de l'honorable M. d'Elhoungne, s'il trouve que le pays légal n'est pas assez étendu, s'il entend ouvrir largement au peuple, j'entends par là la nation tout entière, les comices électoraux, oh ! alors, je comprends ses reproches. En France on sait où de tels raisonnements ont conduit. On avait tant parlé du peuple, tant parlé au nom du peuple, qu'on s'est dit à la fin : Si nous consultions le peuple ? On l'a interrogé et il a répondu : Je suis conservateur, plus conservateur que les conservateurs, plus conservateur que les gouvernements.

Messieurs, en attendant que l'honorable M. d'Elhoungne remplisse la grande mission à laquelle j'ai fait allusion et qui, j'espère, n'aura pas besoin de lui être dévolue, je le prie de descendre de ce piédestal du haut duquel il foudroie notre impopularité et de vouloir considérer le véritable terrain, le terrain infiniment plus modeste où il a daigné se placer : c'est celui, messieurs, vous le savez tous, d'un arrangement de famille. L'honorable M. Jullien ne veut pas que ce soit une transaction ; nous l'appellerons un contrat de famille qui, après avoir été suffisamment débattu, marchandé, a été liquidé, arrêté à la somme de 25 millions, et auquel il ne manque que la signature de quelques parents.

Mais, messieurs, si je me souviens encore de ce que j'ai appris sur les bancs de l'école de droit de Bruxelles, l'acte privé, l'acte restreint cède à l'acte plus authentique, plus solennel et d'une substance plus étendue. Or, messieurs, s'il y a un contrat de famille auquel nous n'avons rien à voir, il y a, d'un autre côté, un acte solennel passé par les trois pouvoirs de l'Etat, au nom de la nation, en faveur de l'armée. C'est le titre de l'armée.

Veut-on le mettre, je ne dirai pas à néant, mais veut-on le mettre de côté, oui ou non ? Voilà toute la question. Je l'ai dit, nous avons voulu la loi d'organisation ; nous la voulons (page 525) encore. La veut-on encore, oui ou non ? L'honorable M. Verhaegen répond ; Je veux une commission. Mais ce n'est ni oui ni non ; ou bien c'est oui et non tout à la fois.

Messieurs, quant à moi, je préfère infiniment, toute idée d'opposition à part, la loi d'organisation à ce qu'on peut mettre à sa place. Celle loi offre une certaine latitude dont on peut utilement profiter.

Je pense, messieurs, que quelque chose que l'on fasse, si l'on veut une petite armée, si l'on veut une armée qui coûte peu et qui soit par conséquent faible, qui répondrait aux besoins des temps tranquilles, il faut derrière cette armée une seconde organisation ; il faut derrière cette armée, non pas une garde civique telle que nous avons ici, mais une land-wehr, mais une réserve déjà prête à entrer en campagne.

Or, messieurs, appeler sous les armes, au moment du péril ou au moment où l'on craint le péril, réunir une landwehr, réunir un second ban, c'est un acte très grave, c'est un acte qui éveille l'attention de toute l'Europe. C'est un acte qui, lorsqu'il n'a pas de résultats, met souvent un gouvernement dans une position peu honorable, l'histoire moderne pourrait nous en fournir des exemples ; au lieu, messieurs qu'avec notre loi d'organisation qui donne au gouvernement une certaine latitude, un maximum dans les cadres dont il n'est pas rigoureusement obligé de faire constamment usage, dont l'application est examinée tous les ans, le gouvernement peut tantôt faire quelques sages économies, tantôt sans éclat, sans aucun effort, rappeler en un moment tous les permissionnaires, tous les officiers en congé.

Voilà, messieurs, un avantage de notre loi d'organisation, et il n'appartient pas à ce qu'on veut mettre à sa place.

Messieurs, un débat aussi solennel, qui a été ouvert par le gouvernement, qui a ses inconvénients, ses inconvénients très graves, je le reconnais, ne peut pas se terminer sans une solution. Une commission n'est pas une solution. Il faut une réponse positive à cette question : Conserve-t-on ou ne conserve-t-on pas la loi d'organisation ? Maintient-on ou ne maintient-on pas la résolution de l'année dernière ?

(page 520) M. Delehaye. - La parole est à M. Lesoinne.

M. Lesoinne. - Cette discussion a déjà été assez longue. Je m'étais fait inscrire pour répondre quelques mots à l'honorable M. de Brouckere sur ce qu'il a dit relativement au règlement militaire en vigueur depuis le 1er janvier. Mais comme on doit faire prochainement un rapport sur deux pétitions qui ont été adressées à la chambre et qui sont relatives à cet objet, j'attendrai qu'on en ait présenté l'analyse pour présenter les observations que j'ai à faire en réponse à l'honorable M. de Brouckcre.

- La clôture est demandée.

M. Dumortier. - J'ai un amendement à présenter, et je me réserve de le présenter dans tous les cas.

M. Rodenbach. - Je m'oppose à la clôture. On vient de nous présenter des amendements d'une grande importance qui n'ont pas été discutés, on doit permettre de les discuter.

D'ailleurs l'honorable rapporteur, M. le prince de Cbimay, est inscrit. J'espère qu'on l'entendra. Il a toujours été d'usage d'entendre le rappor-

M. Delfosse. - L'honorable membre vient de dire qu'on a déposé des amendements. C'est une erreur, on a déposé un ordre du jour motivé, dont le but est de faire résoudre par la chambre une question qui a été longuement débattue.

M. Dechamps. - Messieurs, je crois qu'il est impossible de prononcer la clôture. Je sais que la discussion génèrale a été longue, et qu'on peut désirer d'aboutir à une conclusion. Nous le voulons bien, mais des membres de la chambre viennent de vous soumettre une proposition dont nous n'avons entendu qu'une première lecture. Nous aurions le droit de demander l'impression d'une proposition aussi importante, d'autant plus que cette proposition est loin de renfermer les déclarations ministérielles précédentes sur lesquelles tout le débat a roulé.

Je comprends, messieurs, que la discussion générale ne continue pas ; mais il faudrait au moins que la proposition qui est faite et à laquelle on opposera une autre proposition ou un amendement, fût examinée. Il faut que la chambre discute une bonne fois la portée de tout ce que je considère comme une nouvelle équivoque. Messieurs, clore la discussion générale, cela veut-il dire qu'on ira immédiatement aux voix sur la proposition (Oui, ! oui !), alors que beaucoup de membres de cette chambre, sachant qu'il y avait dix ou douze orateurs inscrits, ne sont pas encore présents ? Vous le pouvez certainement ; vous êtes majorité. Mais vous voyez que beaucoup de nos collègues sont absents ? (Interruption)... ne s'attendant pas à ce que le vote eût lieu aujourd'hui.

Comment ! messieurs, il y avait douze orateurs inscrits ; tous les membres de la majorité renoncent de concert à la parole pour arriver à un vote, à un vote surpris. (Nouvelle interruption.)

Oui, messieurs, il serait évidemment surpris. Maintenant, si vous le voulez, vous le pourrez ; mais vous donnerez la mesure de la tolérance d'une majorité libérale.

M. Dumortier. - Messieurs, je m'oppose à la clôture.

Je ne pense pas qu'il soit ni dans les convenances, ni dans la dignité de l'assemblée, ni dans les nécessités de la discussion, de clôturer en ce moment.

Vous avez entendu plusieurs fois M. le ministre de l'intérieur prendre la parole dans cette discussion, vous avez entendu également M. le ministre des finances prendre la parole. Or, les paroles prononcées par M. le minisire des finances avant la crise ministérielle sont diamétralement opposées à celles qu'a prononcées M. le ministre de l'intérieur. Il est impossible que l'on vote sans connaître quelle est aujourd'hui la pensée de l'honorable M. Frère.

On vous propose quoi ? Un vote de confiance dans le cabinet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Votez contre !

M. Dumortier. - Permettez, je ne vous dis pas ce que je ferai. Je suis libre de faire ce que je veux. Je suis libre de voter contre, si cela m'arrange ; mais je veux que tout le monde comprenne ce qu'on vote.

On vous propose un vote de confiance, un blanc-seing. Or, dans le cabinet auquel on propose d'accorder une confiance absolue, un blanc-seing, deux opinions diamétralement opposées se sont fait jour. Je demande que l'honorable M. Frère s'explique, qu'il déclare s'il adhère aux paroles prononcées en dernier lieu par l'honorable M. Rogier. Je demande s'il retire ses déclarations et son programme. Il ne faut pas d'équivoque dans une question aussi importance, dans une question qui agite tout le pays, et avec tant de raison.

Messieurs, nous marchons d'équivoques en équivoques. Toute cette discussion n'a été qu'une équivoque, et la présentation que l'on vient vous faire tardivement de deux ordres du jour motivés pour emporter, comme vous l'a très bien dit l'honorable M. Dechamps, un vote immédiat, est encore une autre équivoque.

Pour mon compte, je présenterai un amendement aux propositions qui vous sont sont faites. Je veux, messieurs, que le vote de l'an dernier soit consacré, comme nous l'a dit avant hier l'honorable M. Lebeau, je veux que la chambre consacre le vote qu'elle a émis dans la séance du 19 janvier 1850 ; ce n'est qu'à ce prix que je puis donner mon assentiment à une proposition quelconque.

Je demande d'ailleurs à la chambre de me continuer mon tour de parole. Mon nom a été cité plusieurs fois ; on a parlé de mes votes précédents. Je dois répondre.

Il m'importe qu'on ne puisse se tromper sur la portée de mes votes et qu'on ne puisse supposer que dans aucune occasion j'aurais voté contre le budget de la guerre. Je dois à cet égard donner une explication à la chambre et au pays.

Je demande donc que la discussion continue. Il n'y a aucune espèce d'urgence pour la clôturer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'interpellation que m'adresse l'honorable M. Dumortier est la seconde phase de l'opposition qui s'est manifestée, dans cette discussion, contre le cabinet. Dans la première phase, on a opposé l'un des membres du cabinet, M. le général Brialmont, à ses autres collègues. Personne, je le pense, n'a été assez naïf pour ne pas reconnaître à quelles influences on a dû l'incident que l'on a réussi à faire éclater devant la chambre. (Interruption.) Personne ne s'y est trompé, il y avait, au fond de tout cela, l'espérance de renverser le cabinet ; il y avait, au fond de tout cela, la pensée qu'un de nos adversaires a laissé échapper : c'était de donner le pouvoir, non pas à des hommes d'une même opinion, mais à des hommes qui s'éloignaient également, disait-on, des deux extrêmes. On sait ce que signifie cette (page 521) prétendue modération. C'était là le but qu'on espérait atteindre. L'attente a été trompée.

Aujourd'hui, c'est le ministre des finances qui n'est pas d'accord avec i ses collègues ; c'est le ministre des finances qui a énoncé des idées entièrement différentes de celles qui ont été exprimées par son collègue M. le ministre de l'intérieur. Eh bien, messieurs, je pourrais assurément, interpellé personnellement, me dispenser de répondre. On a le droit d'adresser des interpellations au cabinet, de lui demander s'il est d'accord, de l'interroger sur son programme ; mais je conteste formellement le droit de m'interpeller isolément sur mes opinions. Toutefois, comme je veux rassurer entièrement l'honorable M. Dumortier, et, au besoin, obtenir de lui une adhésion au vote que nous sollicitons, je dirai qu'il y a un accord parfait dans le cabinet, qu'il n'y a pas de divergence d'opinion, et, pour ne lui laisser aucun espoir, que si, à défaut de divergence, il voulait saisir une nuance, il n'y réussirait pas.

M. Dumortier. - Comment cela ?

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois répondre directement à votre interpellation, en vous disant que nous sommes entièrement d'accord sur les résolutions qui ont été annoncées à la chambre. Nous voulons tous la même chose ; nous voulons tous une bonne armée, une armée fortement organisée. Voilà le point de départ ; c'est là l'idée fondamentale, idée sur laquelle nous sommes entièrement d'accord. Nous poursuivons, en maintenant cette idée intégralement, sans restriction ni réserve, nous poursuivons un autre but, conforme, au surplus, celui que nous avons toujours cherché à atteindre depuis que nous sommes au pouvoir ; ce second but, c'est d'introduire toutes les économies possibles, toutes les économies praticables, toutes les économies qui peuvent se réaliser sans porter aucune désorganisation dans nos institutions ; nous poursuivons ce second but avec la même unanimité.

Nous voulons, sur tous les points de ce grave débat, nous voulous nous éclairer et éclairer ; nous voulons approfondir toutes les questions ; nous voulons les soumettre aux lumières d'une commission. Lorsque des hommes impartiaux et éclairés auront examiné toutes les questions difficiles que cette affaire comporte, nous aurons librement à apprécier les conclusions qu'ils pourront nous présenter.

Je pense que ces explications suffiront à l'honorable M. Dumortier, et, en tout cas, je suis convaincu qu'elles suffiront à ceux à qui je m'adresse principalement en cette circonstance, à la majorité de cette assemblée.

M. Delehaye. - La proposition de M. Dumortier, destinée à être jointe à l'une ou à l'autre de celles qui ont été présentées déjà, est ainsi conçue :

« Sans qu'il soit dérogé au vote du 19 janvier 1850. » (Interruption.) La chambre autorisc-t-elle M. Dumortier à développer sa proposition ?

- Plusieurs membres. - Oui, ouî.

M. Dumortier. - L'an dernier, le gouvernement a demandé qu'on ne touchât pas à l'organisation de l'armée. Un vote a eu lieu sur la proposition faite par mon honorable collègue et ami, M. Lelièvre, dans les termes suivants : Y a-t-il lieu de réviser la loi d'organisation de l'armée pour arriver à une économie sur le budget de la guerre ? Cent membres étaient présents ; 61 ont répondu non. 31 ont répondu oui, les autres se sont abstenus. Il a donc été admis à l'armée qu'il n'y avait pas lieu de réviser la loi d'organisation dans un but d'économie.

Maintenant que le gouvernement institue une commission qui serait chargée de rechercher s'il n'est pas possible d'apporter des réductions sur le budget de la guerre, en tant qu'elles ne touchent pas à l'organisation de l'armée ; une commission pour examiner l'article si important des forteresses, pour mon compte, je n'ai rien à y dire. Mais ce que je désire, c'est que le vote de l'an dernier, auquel j'ai pris quelque part, reste acquis à l'armée, et que des officiers formant les cadres ne puissent point voir, dans la position nouvelle que prend la chambre, une modification à ce qui a été décidé alors.

Messieurs, d'honorables membres de cette assemblée, notre président et M. Delfosse, entre autres, ont cru devoir rappeler les votes que j'ai émis en 1843.

M. Delfosse. - Je ne les ai pas blâmés.

M. Dumortier. -Je tiens à expliquer la position que j'avais prise. Lorsque la chambre vote une réduction sur le chiffre de l'infanterie, au budget de M. le général de Liem, on a représenté ce vote comme étant un vote sur le budget de la guerre tout entier ; il n'en est rien. De quoi s'agissait-il alors ? Il s'agissait de mettre à exécution l'article 139 de la Constitution qui exige qu'une loi règle l'organisation de l'armée. Depuis treize ans, la Constitution était promulguée, et il n'existait pas de loi d'organisation. Nous voulions obtenir cette loi d'organisation ; nous voulions remplir le vœu de la Constitution, et c'est pour arriver à ce but (j'en appelle à tous ceux qui siégeaient alors dans cette enceinte) que nous avons voté une réduction de quelques centaines de mille francs sur le crédit affecté à l'infanterie. Mais nous étions tellement opposés à toute idée de toucher au budget de la guerre, qu'à l'unanimité moins deux voix, celles des honorables MM. Delfosse et Osy, nous l'avons voté.

Nous ne voulions qu'une chose, c'était d'avoir une loi d'organisation, loi prescrite par la Constitution ; et c'est cette loi que nous avons votée en 1845, que je veux maintenir, et que nous voulons tous maintenir. (Interruption.)

Je suis le premier, dans cette chambre, qui ai soulevé la question des forteresses ; il y a plus de quinze ans que je l'ai soulevée, et je dis encore qu'il est nécessaire que cette question soit vidée.

Mais, messieurs, la loi d'organisation, telle qu'elle a été conçue, a été fait dans le système de la démolition d’une partie de nos forteresses, puisque la force qui doit tenir la campagne a prédominé sur celle qui doit tenir les forteresses.

Au reste, en supposant même que j'eusse été d'une opinion différente en 1843, quel argument pourrait-on en tirer contre moi ?

Je déclare que je n'entends nullement avoir la prétention de posséder l'infaillibilité de mon honorable collègue de Liège ; je n'ai aucune prétention à la stabilité dans mes opinions.

Si, en 1845, j'avais voté 25 millions, je ne me croirais nullement tenu de voter le même chiffre aujourd'hui en présence de la situation de l'Europe.

En agissant ainsi, je me considérerais, au contraire, comme un esprit étroit, comme un esprit peu éclairé et ne comprenant pas la situation du pays dans les circonstances actuelles.

Maintenant, quel est le but de mon amendement ? C'est que la chambre ne donne pas au pays et à l'armée le déplorable spectacle de détruire à un an de distance, et sans aucune espèce de motif, ce qu'elle a fait. C'est pourquoi je propose d'intercaler soit à l'amendement de l'honorable M. Jullien, soit à celui de M. Verhaegen, une phrase qui consacre le vote du 19 janvier 1850.

Ce vote consacré, eh ! mon Dieu ! que le gouvernement fasse toutes les économies qu'il pourra réaliser, j'y applaudirai de grand cœur ; mais il faut que ce vote reste acquis à l'armée, et je ne pourrai donner mon assentiment à aucune autre proposition qui mettrait de nouveau en question l'existence de tous nos officiers. (Aux voix ! aux voix !)

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il importe, non que la chambre, car elle est suffisamment éclairée sur ce point, mais que l'opinion publique ne s'égare pas sur la portée du vote qu'il s'agit d'émettre. On ne demande pas à la chambre de se déjuger ; l'année dernière, il s'agissait de faire nommer une commission par la chambre pour réviser la loi d'organisation de l'armée. La position n'est plus la même ; le gouvernement n'est forcé à rien ; il ne s'engage pas à réformer, mais à faire examiner cette loi comme toutes les autres questions qui se rattachent à notre établissement militaire.Voilà toute l'étendue de l'engagement que prend le cabinet. La chambre peut donc en toute confiance adopter la proposition de notre honorable ami M. Verhaegen, qui ne préjuge rien quant à la question de l'organisation militaire.

- Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Dechamps. - Je demande à pouvoir répondre quelques mots à M. le ministre de l'intérieur. La déclaration qu'il vient de faire est encore une nouvelle équivoque.

- Un grand nombre de voix. - Non ! non 1 La clôture !

M. Dechamps. - Je demande à pouvoir répondre au ministre de l'intérieur. On ne ferme pas une discussion après le discours d'un ministre. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. Delehaye. - La proposition de M. Dumortier s'appliquant à l'une et à l'autre proposition, je la mettrai aux voix après celle qui sera adoptée, car elle tomberait si toutes deux étaient rejetées.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! c'est un amendement.

M. Malou. - Je demande la parole sur la position de la question. On a interdit à mon honorable collègue et ami M. Dechamps la faculté de répondre à un ministre avant de prononcer la clôture, quoique ce soit violer les usages parlementaires et les droits de la minorité. Je demande maintenant l'exécution du règlement aux termes duquel la proposition de M. Dumortier, qui est un amendement, doit être mis aux voit avant la proposition principale ; après cela libre à vous, vous êtes majoriée, vous avez la force, libre à vous de violer le règlement, le pays jugera.

M. Delfosse. - La proposition de l'honorable M. Verhaegen et des quatre autres signataires est plus complète que celle de M. Jullien ; je demande qu'elle ait la priorité.

M. Jullien. - Ma proposition se confond avec celle de M. Verhaegen ; je déclare ne pas insister pour qu'elle soit mise aux voix.

M. Delehaye. - Voici l'amendement de M. Dumortier :

« sans qu'il soit dérogé au vote du 19 janvier 1850. »

- Plusieurs voix. - L'appel nominal ! l'appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal sur cette proposition. En voici le résultat :

86 membres ont répondu à l'appel ;

55 ont répondu non ;

31 ont répondu oui ;

En conséquence la proposition n'est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Van Renynghe, Vilain XIIII, Cools, Coomans, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de La Coste, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, F. de Mérode, de Mérode de Westerloo, De Pouhon, de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Dumortier, Jacques, Julliot, Lebeau, Malou, Mercier, Moncheur, Pirmez, Rodenbach, Thibaut et Vanden Branden de Reeth.

Ont répondu non : MM. Verhaegen, Vermeire, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, (page 522) Cumont, Dautrebande. de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delescluse, Delfosse, d’Elhoungne, Deliège, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Royer, de Soer, de Steenhault, Destriveaux, d'Hoffschmidt, d’Hont, Dolez, Frêre-Orban, Jouret, Jullicn, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Roussel (A.), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorekeke, Van Iseghem et Delehaye.

- La proposition de MM. Verhaegen, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne et Dolez, est mise aux voix par appel nominal.

87 membres répondent à l'appel nominal.

56 membres votent pour la proposition.

25 membres votent contre.

6 membres s'abstiennent.

En conséquence la proposition est adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Verhaegen, Vermeire, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cumont, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'EIhoungne, Deliége, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Royer, de Soer, de Steenhault, Destriveaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Frère-Orban, Jouret, Jullien, Lange, Le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Roussel (Adolphe), Rousselle (Charles), Tesch, Thiéfry, TKint de Naeyer, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke et Van Iseghem.

Ont voté le rejet : MM. Van Renynghe, Vilain XIIII, Cools, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Denterghcm, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode (Félix), de Mérode-Westerloo, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Dumortier, Julliot, Lebeau, Malou, Mercier, Moncheur, Pirmez, Thibaut et Vanden Branden de Reeth.

Se sont abstenus : MM. Coomans, de La Coste, De Pouhon, de Renesse, Jacques et Rodenbach.

M. Delehaye. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Coomans. - Je ne repousse pas, messieurs, la nomination d'une commission d'enquête, surtout dans l'espoir que la révision radicale des lois de milice y sera mûrement étudiée, selon les promesses qui nous ont été faites à cet égard.

Mais je n'ai pas émis un vote approbatif pour deux raisons, que je vais énoncer sommairement.

La première est que, selon moi, c'est rabaisser la prérogative du gouvernement que de demander pour lui à la chambre la permission de poser un acte pour lequel notre autorisation est superflue. La seconde raison, c'est que la proposition de l'honorable M. Verhaegen renferme une déclaration de confiance dans le cabinet, à laquelle je ne puis m'associer.

M. de La Coste. - Messieurs, j'ai dit mes motifs tout à l'heure. J'ai dit qu'il fallait une solution, et que la commission n'en est pas une.

J'aurais eu confiance, si l'on avait admis l'amendement de l'honorable M. Dumortier. Mais, comme on ne l'a pas admis, je suspends mon jugement.

M. De Pouhon. - Je ne m'oppose pas à une question d'examen, mais dans les circonstances qui entourent celle-ci, je ne puis lui donner mon vote.

M. de Renesse. - Ayant voté, l'année dernière, avec le ministère et la grande majorité de la chambre, contre la proposition de réviser la loi d'organisation de l'armée, je ne puis actuellement changer d'opinion, ayant toujours la même conviction, qu'il faut surtout, à la Belgique, depuis les événements de 1848, une armée fortement organisée au moyen de bons et suffisants cadres ; cependant, comme dans l'intérêt de l'armée, je désire que l'on ne mette plus chaque année sa position en question, à l'occasion de la discussion de son budget, ce qui doit porter atteinte à sa force morale, je ne crois pas devoir m'opposer à ce qu'une commission soit nommée, afin d'examiner s'il y a moyen d'introduire des économies dans les dépenses du budget de la guerre ; voulant, toutefois, conserver toute ma liberté d'action lorsque le rapport de cette commission nous sera présentée, j'ai cru devoir m'abstenir sur la motion qui a été présenté à la chambre.

M. Jacques. - J'ai dit dans la discussion que je désirais des économies. Mais je crains que l'institution de la commission dont on annonce la nomination n'amène à réduire l'effectif de l'armée, sur le pied de guerre, à moins de 80,000 hommes, réduction à laquelle je ne puis consentir.

M. Rodenbach. - Je me suis abstenu pour les motifs énoncés par l'honorable député de Louvain.

M. Delehaye. - Nous abordons l'examen des articles du budget.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

M. de Theux. - Messieurs, je désire adresser une interpellation à M. le ministre de l'intérieur. Je désire savoir pendant combien de temps il entre dans l'intention du gouvernement de prolonger l'intérim du ministère de la guerre... (Interruption.) C'est une question très importante et avant de voter le budget je suis parfaitement en droit d'être fixé à cet égard : il importe que la chambre sache s'il entre dans les intentions du gouvernement de pourvoir prochainement à la nomination du titulaire définitif du département de la guerre, ou s'il entend maintenir indéfiniment le provisoire.

Je fais cette interpellation, messieurs, parce que, dans mon opinion, l'état provisoire est une chose fâcheuse pour l'armée et contraire aux plus grands intérêts du pays.

M. de Mérode. - Je dois présenter sur cet article une observation.

C'est la première fois que l'on vote un budget de l'armée sans ministre qui la représente dans le cabinet. L'avenir de la force défensive du pays est ainsi livré aux expériences, sans qu'aucun chef militaire de quelque valeur consente à accepter leur direction avec des collègues dépourvus de toute fixité dans leur manière d'agir vis-à-vis de l'armée.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ce n'est pas la première fois que le département de la guerre est occupé par un ministre intérimaire. Lorsque l'opinion, qui combat le cabinet, eut renversé l'honorable général de Liem, que nous défendions, on nomma un ministre intérimaire. Dans d'autres circonstances encore, il y a eu des ministres de la guerre ad intérim. L'honorable M. de Mérode lui-même occupa le département de la guerre d'une manière fort distinguée ; il y laissa des traces connues de son passage ; et je ne me rappelle pas qu'à cette époque on ait demandé au gouvernement combien de temps durerait l'intérim.

Je ne pensé pas, messieurs, que le gouvernement doive répondre à la question qui lui est posée ; le gouvernement consultera les nécessités de la situation. Quant au ministre de l'intérieur, il n'a aucun intérêt à prolonger l’intérim.

Nous avons vu, messieurs, l'honorable M. de Theux occuper pendant plus de deux ans le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères, sans qu'on ait demandé quand cet état de choses viendrait à cesser. L'honorable membre connaît les antécédents, il connaît les nécessités où se trouve placé le gouvernement. Je pense donc que, vu ces antécédents et le rôle qu'il a joué dans le gouvernement, il n'insistera pas pour que je déclare à quelle date fixe l'intérim cessera. Nous agirons suivant les intérêts du gouvernement, et quand le moment sera venu, nous trouverons, je l'espère, un ministre de la guerre qui se mette définitivement d'accord avec nous et qui ne change plus d'avis après ; je céderai alors bien volontiers et définitivement la place que j'occupe.

M. de Mérode (pour un fait personnel). - Messieurs, j'ai demandé la parole pour un fait personnel parce qu'on a dit que j'ai été ministre de la guerre et que j'ai été un ministre de la guerre très distingué. Je n'ai jamais eu la prétention d'avoir été ministre de la guerre d'une manière réelle, ni par conséquent ministre de la guerre très distingué. M. le général Evain était réellement ministre de la guerre lorsque j'avais la signature ; je travaillais d'accord avec lui, et c'est lui qui avait la direction des actes du département ; il me communiquait ces actes et je signais de confiance.

J'ai accepté cette position, messieurs, parce que les services du général Evain étaient nécessaires au pays, et que, n'étant pas naturalisé, il ne pouvait pas être ministre de la guerre en titre.

Voilà, messieurs, l'explication bien simple de la manière distinguée dont j'ai dirigé le département de la guerre. Mais ce qui est certain, c'est que je ne l'aurais pas dirigé comme on le dirige aujourd'hui.

M. Dechamps. - Messieurs, l'honorable comte de Theux a demandé au ministère s'il entre dans ses intentions de prolonger longtemps l'intérim du département de la guerre. M. le ministre de l'intérieur a évité de répondre directement à cette interpellation, trop sérieuse pour mériter un pareil accueil.

Ce n'est pas la première fois, dit M. le ministre de l'intérieur, qu'on discute le budget de la guerre avec un ministre intérimaire. En 1843, le général de Liem se retira aussi du ministère sur un vote de la chambre pendant la discussion du budget.

Il y a une première erreur dans cette assertion, c'est qu'en 1843, après la retraite du général de Liem, la chambre ne continua pas la discussion du budget, et des crédits provisoires furent votés.

C'est la première fois que l'on nomme un commissaire chargé d'examiner toutes les questions militaires, en l'absence d'un ministre de la guerre.

Le cabinet a rédigé son programme d'un budget de 25 millions, après le départ du général Chazal et avant l'entrée du général Brialmont ; ce programme, dont on évite aujourd'hui de parler, il l'a arrêté en l'absence d'une responsabilité militaire ; il paraît qu'il entend aujourd'hui l'exécuter seul, sans avoir à côté de lui un représentant direct de l'armée, sans que l'influence militaire exerce une action et un contrôle sur la nomination d'une commission à laquelle on va soumettre le sort et (page 523) l'avenir de l'armée, et dès lors, selon les paroles de M. Devaux, les destinées du pays.

L'honorable M. Rogier vient rappeler 1843 ; eh bien, je vais me permettre de lui rappeler aussi un souvenir de cette époque qu'il a peut-être oublié.

En 1843, le général de Liem se relira du cabinet sur un vote de la chambre, et il y avait eu dissentiment entre lui et ses collègues, sur la question de savoir si une loi d'organisation devait être présentée ; mais alors, permettez-moi de le dire, les collègues du général de Liem ne sont pas venus, comme on l'a fait deux fois aujourd'hui, adresser à leur collègue absent des paroles qui pourraient paraître blessantes, si les intentions de MM. les ministres ne s'opposaient pas à ce qu'on donnât ce caractère à leurs paroles.

Messieurs, voici ce qui s'est passé en 1843. En 1843, après la retraite du général de Liem, le ministère ne demanda pas la continuation de la discussion sur le budget de la guerre ; cette discussion cessa ; on présenta des crédits provisoires, et voici ce que l'honorable M. Rogier a dit à propos de ces crédits provisoires.

La section centrale, par l'organe de M. Brabant, présenta les crédits provisoires ; la section avait proposé un budget de paix de 27 millions, en émettant l'espérance, « vu que le calme de l'Europe rendait fort éloignées les éventualités de guerre », que le budget de la guerre pourrait être réduit, en quelques années, au chiffre de 25,600,000 fr.

L'honorable M. Rogier s'est levé alors, et dans un discours énergique, comme il en a prononcé souvent sur le budget de la guerre, il a déclaré qu'il se refusait à voter les crédits provisoires sous l'influence des déclarations de M. Brabant et de la section centrale, « Voter un crédit provisoire, s'écriait l'honorable M. Rogier, le voter sous l'influence des idées de la section centrale, ce serait laisser l'armée sous la menace d'une désorganisation. »

Vous l'entendez, messieurs, sous la menace d'une désorganisation ! Et de quoi s'agissait-il ? D'un budget de 27 millions, d'uue espérance manifestée par une section centrale, de voir le budget descendre, en présence des éventualités lointaines de guerre, au chiffre de 25,600,000, espérance sans responsabilité et sans résultat, puisque le ministère ne s'y était pas associé.

Et aujourd'hui, en présence du programme d'un ministère responsable, qui promet de réduire le budget à 25 millions en trois ans, on se récrie quand nous appelons la déclaration du cabinet une menace de désorganisation suspendue sur l'armée !

Vous vous étonnez que nous demandions s'il convient de nommer, en l'absence d'un ministre de la guerre, d'un représentant de l'armée, une commission destinée, comme l'a dit l'honorable M. Devaux, à examiner les questions du contingent, les questions d'organisation, la question des forteresses, l'une des questions diplomatiques les plus difficiles à résoudre, et toutes celles relatives à notre établissement militaire !

Croyez-vous, messieurs, que le travail d'une telle commission, commission avec programme, avec mandat, avec un chiffre assigné d'avance, commission nommée par un cabinet qui déclare que son but politique, qu'il veut atteindre avant tout, est de rallier des amis politiques qui ne transigeront pas sur le chiffre de 25 millions ; croyez-vous, dis-je, que le travail d'une telle commission inspirera une grande confiance à l'armée et au pays, et que ses conclusions seront de nature à établir la sécurité que l'on cherche pour l'armée ?

La majorité qui vient de voter en faveur de l'institution de cette commission, devrait insister pour qu'elle ne fût pas nommée, en l'absence d'un ministre de la guerre.

Je crois que, dans l'intérêt de ce que vous voulez, dans l'intérêt du gouvernement, dans l'intérêt de la dignité du gouvernement et de la chambre, le ministère ne doit pas nommer cette commission avant la nomination d'un ministre titulaire, d'un homme de guerre qui puisse couvrir de sa responsabilité et de sa compétence militaire les décisions à nous soumettre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pensais que la discussion politique était close et que la chambre venait de manifester, par un vote éclatant, sa confiance dans le ministère, tel qu'il est constitué.

Le discours de l'honorable M. Dechamps aurait dù se résumer en un second amendement à la proposition de nos honorables amis. Dans l'état actuel des choses, évidemment ce discours vient trop tard.

Messieurs, qu'est-ce que je demande à la chambre ? De voter un budget, non pas proposé par moi, mais proposé par mon honorable et ancien collègue au département de la guerre. Je ne demande ni plus ni moins que ce budget, je n'y apporte aucune espèce de changement. Vous l'auriez probablement accepté si M. le général Brialmont l'eût maintenu sous sa responsabilité. Or, vous avez devant vous un ministère responsable ; ce ministère n'a pas à prendre d'engagement devant la chambre sur l'époque précise où il croira opportun de se compléter par l'adjonction définitive d'un collègue au département de la guerre.

La chambre aurait dû s'en expliquer avant d'émettre le vote qui vient de nous être acquis. Tous les discours, de la nature de celui que nous venons d'entendre, rentrent évidemment dans la discussion générale ; au point où nous sommes arrivés, ils sont parfaitement inutiles. J'ajoute que je ne sais pas dans quel but l'honorable M. Dechamps est venu relever des paroles prétenduement blessantes qu'il me prête à l'égard de mon ancien collègue. Cela ne le regarde aucunement ; il n'est nullement chargé ici de défendre mon ancien collègue.

J'ai constaté un fait ; il y avait eu de la part de notre collègue, un changement d'opinion ; je l'ai constaté, et je ne pense pas qu'il appartienne à l'honorable M. Dechamps de trouver quoi que ce soit de blessant dans la constatation d'un changement d'opinion de la part d'un membre de cette assemblée ou d'un ministre. L'honorable M. Dechamps doit savoir à quoi s'en tenir à cet égard. (Interruption.) Au surplus, j'en fais mon ancien collègue juge lui-même, car je ne considère pas du tout l'honorable M. Dechamps comme un juge compétent en ces sortes de matières.

M. de Theux. - Je m'attendais à une réponse plus catégorique de la part de M. le ministre de l'intérieur. Je suis persuadé que, s'il siégeait encore dans cette chambre comme simple représentant, il ne permettrait pas la prolongation d'une situation aussi équivoque ; il ne tolérerait pas qu'un ministère se renfermât dans des réponses évasives lorsqu'on lui adresse une question nette, précise.

Il ne s'agit point d'examiner ici le budget préparé par M. le général Chazal et amendé par M. le général Brialmont ; il s'agit de savoir si, lorsque pendant vingt années que le ministère de la guerre a été occupé par un militaire, il cessera de l'être précisément au moment où il est question d'examiner la réorganisation de l'armée, d'examiner si l'on peut apporter au budget de la guerre, dans l'avenir, une réduction qui compromettrait l'essence, la valeur de l'armée. Voilà à quoi il fallait répondre. Il fallait dire nettement : Oui, nous entendons garder l'intérim du département de la guerre jusqu'à ce que le travail annoncé à la chambre soit fait. C'est nous qui, en qualité de ministre de l'intérieur, viendrons présenter ce travail à la chambre. Voilà ce que j'aurais appelé une réponse nette et catégorique. Mais se renfermer dans des équivoques ; faire allusion à des faits qui ne permettent aucune espèce de comparaison possible avec ce qui se passe aujourd'hui, je dis que cela n'est pas tolérable de la part d'un homme qui aurait dû, dans cette circonstance et dans sa position, donner l'exemple de plus de franchise.

On a voulu établir une comparaison entre l'intérim actuel et la position où je me suis trouvé lorsque j'ai dirigé à la fois deux départements, celui de l'intérieur et celui des affaires étrangères. Oui, messieurs, ce fait est vrai, et il a subsisté, non pas pendant deux années, mais pendant trois ans et demi. Cette position, je l'ai occupée, non pas comme intérinaire, mais comme titulaire effectif ; mais c'était lorsque le département de l'intérieur avait été scindé et que le département des travaux publics a été créé pour satisfaire aux besoins d'une administration qui, de jour en jour, prenait un développement plus considérable et qui avait la manutention de sommes énormissimes.

Il n'y a donc aucune comparaison à établir entre les deux situations, à moins qu'on ne vienne nous prouver que ce département de la guerre n'est point une spécialité et qu'importe peu au pays et à l'armée que les intérêts de celle-ci soient défendus par un homme spécial et compétent ; jusque-là je considérerai comme juste et fondée l'interpellation que nous avons adressée.

M. Delfosse. - Je ne sais où l'on a vu que le ministre de la guerre doit être un militaire, un officier de l'armée, un représentant de l'armée. J'avais toujours cru qu'aux termes de la Constitution, le libre choix des ministres appartient au Roi. Le Roi peut les prendre dans toutes les classes de la société ; voudrait-on par hasard porter atteinte à la prérogative royale ?

M. Malou. - Il n'est entré dans l'intention d'aucun de mes honorables amis de porter atteinte à la prérogative du Roi de nommer ministre de la guerre définitif une personne n'appartenant pas à l'armée ; mais les considérations que l'on a fait valoir et qui subsistent, sont propres à démontrer à l'armée et au pays qu'il serait contraire à tous les intérêts engagés dans cette grave question, de nommer une commission lorsqu'il n'y aurait pas à la tête du département de la guerre un ministre définitivement responsable de la solution que l'on propose, à moins qu'on ne l'ait pas déjà donnée. Je dis à moins qu'on ne l'ait pas déjà donnée, et en effet, si vous nommez une commission avant de connaître le ministre, vous autorisez l'armée à croire que ces questions étaient résolues dans votre esprit avant même qu'elles ne fussent posées.

M. Lebeau. - Ce n'est point pour m'opposer à ce que la chambre passe à la discussion des articles que je prends la parole ; je ne m'opposerai pas même à ce que l'on vote les articles du chapitre premier qui, je crois, ne sont pas contestés. Mais il y a d'autres détails dans le budget qui donneront lieu, je pense, à controverse, et pour lesquels on est très peu préparé parce que personne ne croyait que la discussion politique se terminerait aujourd'hui.

Je demande que l'on veuille remettre à lundi la discussion des articles. Il est d'ailleurs dans les usages de la chambre de se séparer, le samedi, plus tôt que de coutume.

- Plusieurs membres. - Appuyé !

- L’article premier est adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement des employés civils :fr. 140,000.

« Charges extraordinaires : fr. 5,850.

« Total : fr. 145,850. »

- Adopté.

(page 524) M. Malou (pour une motion d’ordre). - Je demanderai que M. le ministre de la guerre ad intérim veuille bien déposer sur le bureau de la chambre, avant la séance de lundi, l'état du prix moyen du fourrage depuis dix ans, avec l'indication du rapport des prix des fourrages qui existe entre ce prix et le chiffre du budget de la guerre.

M. de Theux. - Je désirerais qu'en même temps un travail fût soumis pour les rations des vivres. Cela doit exister au département de la guerre, et cela nous permettra de préciser mieux la situation financière.

- La séance est levée à trois heures et demie.

Séance suivante