(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1850-1851)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 37) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et demie.
La séance est ouverte.
Il est donné lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces suivantes.
« Le sieur Jean Koenig, domicilié à Martelange, né à Remich (grand-duché de Luxembourg), demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice transmet à la chambre une demande de grande naturalisation et huit demandes de naturalisation ordinaire, accompagnées des pièces d'instruction relatives à chacune d'elles.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. de Haerne. - Messieurs, dans la séance d'hier, j'ai annoncé que j'adresserais une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères relativement au commerce de toile et à nos relations avec la France.
Il est un fait particulier qui s'est présenté à la douane française il y a environ deux mois. La chambre sait qu'à cette époque une saisie a été opérée sur des toiles envoyées de Belgique en France ; elles ont été saisies comme ne présentant pas l'état écru, comme ayant reçu un demi-blanchiment. Sur la contestation élevée à ce sujet, le commerce belge a réclamé ; d'après les renseignements que j'ai reçus, il paraît que les réclamations du commerce belge étaient fondées, en ce sens que les toiles saisies comme ayant subi un blanchiment partiel étaient écrues.
La question est restée jusqu'ici indécise, si nous devons en croire certains journaux, surtout celui qui passe pour recevoir les confidences du ministère ; il paraît que la question est restée dans le même état où elle était de prime abord, que rien n'a été décidé, si ce n'est, encore au dire de ces journaux, que le gouvernement français aurait résolu de nommer une commission qui serait chargée de venir sur les lieux pour examiner la question et en particulier l'état de la fabrication.
D'après tout ce qui s'est passé précédemment, je suis porté à croire que ce n'est là qu'un moyen dilatoire ; je me hâte de dire que je ne veux incriminer en aucune façon les intentions du gouvernement français envers la Belgique ; mais on sait qu'en France, comme partout, les intérêts particuliers, les intérêts industriels particulièrement, savent se faire jour dans les départements ministériels, savent y exercer une certaine pression, surtout à des époques où l'administration a été renouvelée et qu'elle est moins au courant de certaines questions pratiques.
J'ai démontré alors, à la dernière évidence, que ce procédé était vicieux ; qu'il ne servait qu'à induire en erreur ceux qui l'employaient. D'après les expériences que j'ai faites et que j'ai soumises à la chambre, cette immersion, dans certains cas, accusait une couleur plus ou moins verdâtre, quand la toile était tout à fait éerue ; j'ai même constaté ce changement de couleur sur le lin teillé ; cela dépend de la quantité plus ou moins forte de matière ferrugineuse contenue dans le lin et qui peut provenir du rouissage ou même de la nature du sol.
Des réclamations ont été adressées à cette époque, au gouvernement français ; on lui a fourni les preuves que j'avais présentées à la chambre, et le gouvernemcnl français est revenu de sa première décision. Depuis cette époque il n'y avait plusou de plainte de la part du commerce belge jusqu'il y a environ deux mois. Il n'y a donc pas lieu d'accuser les intentions du gouvernement français ; mais cela n'empêche pas que nous devions nous tenir sur nos gardes à l'égard des fabricants français dont les intérêts privés tendent à induire le gouvernement français en erreur. C'était au mois de mai 1846 que se passait le fait que je viens de rappeler.
A cette époque, j'ai demandé que le gouvernement s'occupât sérieusement de cette affaire afin qu'à l'avenir les mêmes difficultés ne se présentassent plus. Comme l'avaient fait observer plusieurs chambres de commerce, j'ai émis l'opinion qu'il serait à désirer qu'une commission fût établie près du bureau de douane à la frontière française pour examiner les questions litigieuses qui pourraient se présenter et trancher les difficultés immédiatement, car de la manière dont les choses se passent actuellement, le commerce doit être lésé, quelles que soient les solutions données aux différends qui surgissent.
On comprend que le commerce est toujours lésé, quand des toiles, donnant lieu à contestation, sont envoyées à une commission qui siège à Paris. Pendant le temps que met cette commission à se réunir, à examiner et à décider la question qui lui est soumise, le commerce est paralysé, car on n'ose plus introduire même des toiles écrues dans la crainte d'une préemption arbitraire ; c'est ce qui a eu lieu en 1846, c'est ce qui arrive encore aujourd'hui quant à l'exportation de l'espèce de toiles dont il s'agit. C'est un état précaire insupportable qui tend à diminuer constamment nos exportations vers la France.
Ce n'est pas une supposition que je fais, car de fait depuis quelque temps nos exportations diminuent considérablement. Je sais que ce n'est pas à cette cause seule qu'il faut attribuer cette décroissance ; d'autres raisons y contribuent ; mais celle-là y est pour quelque chose ; si elle continue à subsister, si ces entraves ne disparaissent pas, je crains que nos exportations n'aillent toujours en diminuant. Alors surgirait une grave question ; celle de savoir s'il serait avantageux pour la Belgique de renouveler le traité du 13 décembre 1845, comme M. le ministre des affaires étrangères semblait le faire entendre hier.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai dit : « et à étendre ».
M. de Haerne. - S'il s'agissait, je le répète, d'un renouvellement pur et simple, on pourrait se demander si ce renouvellement ne serait pas préjudiciable à la Belgique. Cette affaire est trop importante, trop grave, pour être tranchée par incident, mais elle mérite toute l'attention de la chambre et du ministère, à cause de sa gravité même.
Avant de renouveler notre traité avec la France, avant même qu'il soit question de ce renouvellement dans les relations diplomatiques, j'engage le gouvernement à consulter les chambres de commerce, à leur soumettre toutes les pièces et à leur demander si,dans l'état actuel des choses, il vaut mieux que le traité soit renouvelé ou retiré ; et si dans ce dernier cas, il ne conviendrait pas d'employer une partie de l'augmentation des revenus qui en résulterait, au développement de nos exportations lointaines soit par l'institution d'une société de commerce, soit par d'autres moyens.
A l'époque dont je parlais tout à l'heure, j'ai aussi, organe de quelques chambres de commerce, parlé des moyens qui me paraissaient efficaces pour s'opposer aux entraves que nous ne subissons que trop souvent de la part de certains voisins, et particulièrement de la part de la douane française, influencée par des intérêts privés qui se présentent en France. Ces moyens, messieurs, étaient tout naturels. Lorsque d'un côté on est lésé dans ses intérêts, il faut avoir un moyen d'arrêter les efforts tentés par l'intérêt contraire qui s'agite dans d'autres pays contre vous.
Ces moyens, c'était une réciprocité, c'était un traitement analogue ; il s'agissait de soumettre, par exemple, comme l'ont conseillé certaines chambres de commerce, les vins communs relevés au moyen d'eau-de-vie, à une vérification, pour savoir quelle est la quantité d'eau-de-vie qu’on a mêlée aux vins. De cette manière on pourrait aussi constater une fraude. On userait de ce contrôle dans la mesure des rigueurs employées contre nous.
Comme il y a une différence entre le droit qui pèse en Belgique sur
Ce serait le moyen le plus prompt et le plus simple de trancher les difficultés, surtout s'il était possible de faire admettre dans ces commissions des organes du commerce belge. Et, après tout, ce ne serait que justice ; car il y a ici un intérêt réciproque, un intérêt qui nous touche autant qu'il touche l'industrie linière de France ; ces commissions mixtes seraient la sanction de la loyale exécution du traité qui peut si facilement être éludé aujourd'hui.
Je ne sais quel est l'état actuel de la négociation entamée à ce sujet.
Mais d'après ce que j'ai entendu, il me peine de voir que cette question n'a pas reçu une solution plus prompte. Car, je le répète, le commerce a été lésé par cela seul qu'il s'est trouvé dans une complète incertitude.
Cette incertitude, cet état précaire paralyse le commerce ; il faut de toute nécessité y apporter un terme. Il faut qu'on tâche de rétablir promptement nos relations avec la France sur le meilleur pied possible ; il faut, s'il est nécessaire, recourir aux mesures de réciprocité, ou, si vous voulez, aux mesures de représailles que je viens de suggérer.
Je demande que M. le ministre des affaires étrangères ait la complaisance de répondre aux questions que je lui ai posées.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, c'est à la fin du mois de septembre que j'ai été informé de la saisie, par la douane française, d'une certaine quantité de toiles belges. Immédiatement j'ai envoyé sur les lieux le conseiller de légation attaché à la mission de Paris pour prendre tous les renseignements nécessaires. Une réclamation a été adressée au gouvernement français. Sur cette réclamation, le gouvernement français a bien voulu admettre à présenter ses observations l'intéressé lui-même, celui dont les toiles avaient été saisies ; ensuite les experts qui sont attachés à l'administration des finances, en vertu, je crois, d'une loi de 1822, ont examiné les toiles qui avaient été saisies ; car vous connaissez, messieurs, et l'honorable M. de Haerne surtout connaît parfaitement quelle est la règle adoptée en France. D'après la loi du 6 mai 1841 et une ordonnance de 1845, si je ne me trompe, les toiles qui sont introduites en France sont comparées à des types officiels, destinés à déterminer la vraie nuance des toiles écrues ou blanchies.
Il y avait d'abord 4 types ; sur une réclamation du gouvernement belge on en a ajouté un cinquième. C'est par la confrontation avec ces types que la douane juge si elle doit considérer comme écrues les toiles présentées. En 1845, lorsque la convention linière a été conclue, le ministre des affaires étrangères, M. Guizot, déclara que dans le cas de réclamations contre les décisions de la douane, la question serait soumise à des experts attachés à l'administration des finances en France qui prononceraient, sans avoir égard aux types officiels. Ce sont donc ces experts qui ont d'abord examiné la question. Le gouvernement a consenti à ce que plusieurs négociants en toiles, de Paris, fussent adjoints à la commission. Cet examen ne paraissant pas devoir être, faute de renseignements suffisants, favorable à la solution que nous réclamons, nous avons demandé au gouvernement français, avant qu'une décision ne fût prise, de vouloir bien envoyer sur les lieux en Belgique, un expert avec deux négociants en toiles, l'un de Paris, l'autre de Lille.
Cette commission, messieurs, doit arriver sous peu de jours à Courtray ; elle se rendra à Roulers. Je dois reconnaître que le gouvernement français a mis beaucoup d'empressement à chercher tous les moyens d'éclaircir la question. C'est une question de fait. Nous sommes convaincus que ce sont des toiles écrues. Comme les commissaires se seront entourés de toutes les données nécessaires, j'espère que nous obtiendrons une solution favorable.
L'envoi de la commission que nous avons obtenue du gouvernement français a été bien accueilli par les organes du commerce de Courtray et de Roulers. Pour en fournir la preuve, la chambre voudra bien me permettre de lire une lettre que je viens de recevoir de la chambre de commerce de Courtray ; elle s'exprime ainsi.
« Roulers, le 14 novembre 1850.
« Monsieur le ministre,
« Nous avons reçu et communiqué à la chambre de commerce de cette ville, dans sa réunion d'aujourd'hui, 14 novembre, votre dépêche du 9 courant, n°2268.
« Par la lecture de cette dépêche, la chambre s'est persuadée une fois de plus, M. le ministre, que l'industrie des Flandres continue de faire l'objet de tous vos soins ; aussi ce collége nous a chargés d'être son organe pour vous remercier de ce que vous avez bien voulu le mettre, autant que possible, au fait de la question des saisies et de ce que vous l'avez prévenu de l'arrivée plus que probable de la commission française en cette ville. »
Je crois, messieurs, que nous avons fait dans cette circonstance tout ce que nous devions faire, et j'ai lieu d'espérer que l'examen consciencieux fait sur les lieux démontrera au gouvernement français de la (page 39) manière la plus évidente la qualté de nos toiles, et que, dorénavant, cette qualité ne sera plus contestée.
L’honorable M. de Haerne a dit, avec raison, qu’il serait préférable que l’examen de cette question pût être fait par une commission mixte, composée de négociants des deux nations. Cela est vrai, mais c’est au moment où la convention a été conclue qu’il aurait fallu obtenir cette garantie, si la chose était possible.
Je terminerai ma réponse à l'honorable préopinant, en lui disant que je n'ai entendu nullement décider la question de savoir si nous devons maintenir le traité avec la France tel qu'il est ; loin de la : je crois, avec l'honorable préopinant, qu'avant d'arriver au maintien du traité, tel qu'il est conçu, il faut examiner attentivement le point de savoir si le traité ne nous est pas plus désavantageux qu'utile. Ce que j'ai dit hier, c'est que dans les négociations qui seront nécessairement ouvertes, j'espérais que nous obtiendrions des bases plus étendues que celles qui ont été adoptées en 1845.
M. Osy. - Messieurs, je dois d'abord une réponse à M. le minisire de la justice qui, hier, a eu l'air de m'accuser d'écouter aux portes et de savoir par là ce qui se passe dans les ministères. Un autre honorable collègue s'est servi de la même expression. Messieurs, il y a vingt ans que je suis entré dans la carrière politique ; j'ai toujours été assez bien informé des affaires du monde politique ; pour avoir ces informations, je ne vais pas écouter aux portes, je vais aux sources mêmes. Eh bien, aussitôt que j'eus lu dans les journaux français l'article de l'Univers, je me suis adressé à l'un de mes amis de Paris, qui a des relations très étroites avec ce journal.
C'est par cet ami que j'ai su d'une manière positive qu'une demande avait été faite par M. le ministre de la justice à M. le ministre des affaires étrangères, et que celui-ci avait envoyé cette dépêche à Rome. Voilà un renseignement positif que j'ai puisé, non pas en écoutant aux portes d'un ministère, mais à la source même.
- Un membre. - A quelle source ?
M. Osy. - Comme cette question avait ému tous les catholiques, j'ai cru devoir en parler à la tribune, pour arrêter le gouvernement dans la marche qu'il voulait suivre. (Interruption.)
Qu'on rie tant qu'on voudra, je n'en continuerai pas moins à parler ; je remarque que quand on déplaît à la majorité, elle rit ; cela ne m'empêchera pas de dire tout ce que je pense.
J'avais donc porté hier cette question à la tribune, uniquement dans l'intérêt du pays. J'ai appris avec le plus grand plaisir que cette affaire n'avait pas été soumise au conseil des ministres, de manière que la faute retombe uniquement sur M. le ministre de la justice, qui a adressé une dépêche à M. le ministre des affaires étrangères, et sur M. le ministre des affaires étrangères qui a envoyé cette dépêche à Rome, car en envoyant cette dépêche, les ministres devaient approuver les demandes faites.
J'arrive au traité avec le Zollverein.
Ici, j'ai à remercier M. le ministre des affaires étrangères de n'avoir pas accepté les conditions assez dures auxquelles le Zollverein subordonnait le renouvellement du traité. Dans l'état où se trouve aujourd'hui l'Allemagne, il n'est pas possible d'entamer des négociations pour obtenir un arrangement définitif ; il s'agit d'obtenir le renouvellement du traité pour un an, ou du moins pour six mois ; d'ici là, l'Allemagne se sera pacifiée sans doute, et l'on pourra alors ouvrir des négociations sur des bases également avantageuses pour le Zollverein et la Belgique.
En ce qui concerne la France, vous avez entendu, messieurs, un honorable collègue qui a constamment plaidé les intérêts des Flandres, qui a toujours soutenu les traités faits avec la France et qui maintenant avoue même que nos exportations vers ce pays diminuent considérablement et même que cette diminution fait tous les ans des progrès.
Nous n'avons pas à nous enquérir aujourd'hui de ce que M. le ministre des affaires étrangères compte faire des traités.
Quant à moi, je vous avoue qu'ayant voté contre les traités de 1841 et de 1845, je crois que ces traités sont très désavantageux à la Belgique. Nous avons trouvé d'autres débouchés que la France pour nos toiles.
Vous savez quels sacrifices nous avons dù faire pour les vins et d'autres objets, c'est pour la Belgique une perte de quinze cent mille francs. J'engage le gouvernement à bien examiner s'il est nécessaire de continuer à faire ces sacrifices.
L'honorable M. de Haerne nous a parlé des difficultés que nous avons avec la douane française. Je regrette comme lui ces difficultés, je les regrette d'autant plus que les chambres de commerce de Courtray, de Tournay, d'Ypres, de Bruges, d'Ostende se sont opposées à la demande des villes de Gand, d'Alost et de Roulers pour avoir un consul belge non-rétribué à Lille. Si vous aviez un consul non-rétribué à Lille, peut-être ces difficultés seraient déjà aplanies. J'insiste donc pour que le gouvernement n'abandonne pas aussi légèrement qu'il le fait la demande faite par les chambres de commerce de Gand, d'Alost et de Roulers.
Dans notre dernière session nous avons ratifié un traité avec la Russie. Depuis, cette grande puissance a fait un pas vers nous. Elle nous a envoyé un consul. Je crois que dans la discussion que nous allons avoir, il serait convenable que M. le ministre des affaires étrangères nous dît s’il compte envoyer quelqu'un en Russie, et dans ce cas, je lui demanderai s il n'est pas de son intention de nous proposer un credit pour cette légation, afin de ne pas avoir de crédit supplémentaire à voter plus tard.
J’ai vu avec plaisir dans le rapport que le gouvernement supprime le consul que nous avions $manque, à Naples, avec qui je crois, nous avons $anque, plus importantes qu’avec Alger. Je crois également que M. le ministre des affaires étrangères ferait très bien d’examiner s’il ne convient pas d’avoir un consul à Manille. C’est un $manque produits se consomment et qui importe également beaucoup en Belgique, nous avons tous reconnu qu’il est nécessaire d’avoir un agent en cette ville.
M. le ministre compte-t-il $manque la mission au Mexique ? S’il y a quelques difficultés avec les différents membres du corps diplomatique, il est certain que c’est aux agents qui sont en disponibilité qu’on doit donner la préférence pour cette mission.
Messieurs, j'ai à entretenir également M. le ministre des affaires étrangères d’une affaire qui peut être assez peu importante pour la chambre, mais qui est cependant assez importante pour que je l'en entretienne.
Dans le courant de l’année actuelle, trois puissances ont fait des emprunts : le Piémont, la Russie et le Danemark ; on fait considérablement d’affaires de fonds russes, de fonds danois, fonds qui sont très goùtés dans le monde commercial parce qu'on les croit très solides. Depuis nombre d'années tous les fonds russes, tous les fonds danois, sont cotés à la bourse d'Anvers ; eh bien, je demande pourquoi les établissemenls de commerce refusent depuis dix mois la cote de ces fonds, en disant qu'il faut qu'en Piémont on ait coté les fonds belges. Mais s'il est permis de coter du 3 p. c. et du 3 et demi, je ne vois pas pourquoi on ne coterait pas du 4 et demi. Cette observation me paraît d'autant plus fondée que dans le courant de la même année le Piémont a eu l'autorisation de coter ses fonds à la bourse de Bruxelles, et cependant on n'avait pas de fonds piémontais à cette époque. Je demande au gouvernement si le Piémont se trouve dans une position plus solide que d'autres pays.
Si nos rentiers désirent avoir des fonds étrangers, nous ne devons pas les empêcher d'en acheter. Mais le plus souvent ce sont des étrangers qui donnent à nos commissionnaires l'ordre d'en acheter. Pour justifier comment ils ont exécuté leurs ordres, ils n'ont pas de cote officielle, il peut en résulter de graves inconvénients. Je prie le ministère d'examiner notre réclamation pour voir ce qu'il y aurait à faire.
M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuie ce que vient de dire l'honorable préopinant relativement à la nomination d'un consul à Lille, mais je désirerais que ce fût un consul non rétribué ; il y a à Lille des Belges qui ont de grandes maisons de commerce et qui accepteraient avec plaisir l'honneur de représenter leur pays en qualité de consul. La création de ce consulat est de la première nécessité, d'autant plus que de temps en temps des différends s'élèvent à propos ; des toiles écrues qu'on prétend avoir été en partie blanchies.
M. le ministre des affaires étrangères vient de dire que la difficulté qui a surgi il y a deux mois environ, serait bientôt résolue ; je ferai observer qu'une durée de deux mois est considérable pour une incertitude qui arrête les exportations, et qu'elle doit nécessairement influer sur la décroissance qu'on signale.
Notre traité avec la France n'est pas aussi favorable à nos exportations qu'on l'avait pensé, puisqu'elles ont diminué d'année en année ; cependant, je crois qu'on doit ouvrir des négociations avec le gouvernement français et faire tous ses efforts pour obtenir, sinon un traité d'union douanière, du moins un traité très large.
Lorsqu'on a conclu le traité du 17 novembre dernier, on l'a qualifié de traité de commerce et de navigation, et cependant dans ce traité, on ne voit ancune trace de commerce ; il n'y est même pas question de tarif de douants.
En jetant un coup d'œil sur les tarifs respectifs des deux pays, j'y trouve des différences considérables, exorbitantes... (Je crois entendre une rumeur sur les bancs, sans doute parce que j'ai parlé de jeter un coup d'oeil, je crois pouvoir très bien me servir de cette expression, qui s'emploie au figuré, je me permettrai d'ajouter que s'il y a des personnes aveugles physiquement, il y en a qui sont aveugles moralement.)
Je dis donc que quand on jette un coup d'œil sur les tarifs on trouve des disproportions immenses.
Notre poisson, par exemple, quand il entre en France, paye 44 francs les 100 kilog. Le poisson de France entrant en Belgique, ne paye que 12 francs. Le houblon, à l'entrée en France paye 72 francs les 100 kilog. (c'est à peu près la valeur même de la marchandise) ; quand il entre en Belgique, il ne paye que 1 fr. 30 c, c'est à peu près la liberté d'échange. On devrait provoquer quelques modifications en faveur de ces industries qui souffrent beaucoup dans les Flandres.
Je demande qu'on provoque avec les divers pays des traites de commerce.
On ne parle plus de la société d'exportation, il paraît qu'on a abandonné cette idée. Cependant nous avons besoin de beaucoup d'exportation ; notre pays produit des toiles, de la houille et de la métallurgie beaucoup au-delà de notre consommation ; nous exportons pour 40 millions en Hollande, et ce sont surtout les provinces de Liège, de Namur et les Flandres qui y envoient leurs fabricats.
Je le répète, le temps es venu de provoquer de nouveaux traités. Il y a beaucop de choses à dire sur ce point. Ainsi l’Angleterre, pourquoi ne pourrait-on pas lui faire des propositions ? Quand nos navires vont dans les ports des Britanniques, ils paient le double de ce que paient les navires anglais venant dans les ports de la Belgique.
Si on attend d’année en année $manque traités, $manque. J’appelle l’attention de M. le ministre des affaires étrangères, notamment (page 40) sur les traités à conclure avec la Hollande, l'Allemagne, l'Angleterre et la France.
M. Coomans. - Messieurs, je me propose d'émettre un vote favorable à l'ensemble du budget. Mais j'ai à présenter à la chambre et à M. le ministre quelques observations que je place dans la discussion générale parce qu'elles ne se rapportent pas directement aux chiffres que nous aurons bientôt à examiner.
La première de ces observations porte sur le refus d'autoriser le mariage des matelots congédiés, lorsqu'ils ont une dette à leur masse. J'ai appris avec regret, avec surprise, que l'honorable ministre des affaires étrangères, se fondant sur des textes de loi que je ne considérais pas comme formels, croit devoir s'opposer au mariage des matelots congédiés, qui, financièrement, ne sont pas quittes envers l'Etat. Je suis convaincu que l'honorable ministre n'aurait pas hésité à signer l'autorisation nécessaire à l'accomplissement d'un droit civil qui, dans certains cas, devient un devoir commandé par la morale et l'honneur, et qu'il n'aurait pas prolongé un concubinage scandaleux, s'il ne se jugeait lié par des scrupules de légalité que je respecte.
Mais le vif intérêt que m'inspire le sort de nos miliciens, deja si sévèrement traités par les lois, et l'opinion où je suis que l'institution de la milice est déjà assez injuste et vexatoire par elle-même pour qu'il ne faille pas l'aggraver par des dispositions iniques et superflues, me portent à engager l'honorable ministre à revenir sur sa décision ou à nous présenter un projet de loi qui modifie l'état actuel des choses. C'est une criante anomalie, même dans notre système de législation militaire, que de dépouiller de leurs droits civils des citoyens parce qu'ils ont une dette qu'il n'a pas toujours dépendu d'eux de ne pas contracter,
Si M. le ministre ne me donnait pas, dans un court délai, la satisfaction que je demande au nom de l'humanité et de la morale publique, je serais obligé d'user de mon droit d'initiative, et.de saisir la chambre d'un projet de loi, en attendant la réforme radicale de notre système de recrutement, réforme radicale que je suis bien décidé à provoquer chaque année, jusqu'à ce qu'elle fasse disparaître de nos institutions, l'impôt du sang, tache qui les souille.
Messieurs, j'ai été d'autant plus étonné de la jurisprudence suivie par le déparlement des affaires étrangères, qu'une décision contraires été prise, l'an dernier, sur ma demande, par l'honorable général que nous regrettons tous, ou presque tous, de ne pas avoir retrouvé cette année sur le banc des ministres, bien qu'il y soit très convenablement remplacé.
Pendant 19 ans l'autorisation de contracter mariage avait été refusée aux miliciens de terre ferme qui n'avaient pas acquitté leur masse. L'honorable M. Chazal, se rendant aux raisons que j'eus l'honneur de lui exposer, m'accorda non seulement l'autorisation que je demandais pour quelques militaires, mais il prit une mesure générale qui fil cesser dans l'armée l'abus despotique dont je me plains.
La seconde remarque que je désirais présenter à l'honorable minisire des affaires étrangères est relative à la création d'un consulat à Lille, chef-lieu d'un département où sont établis plus de 30,000 Belges, la plupart ouvriers, à qui une protection officielle et immédiate est souvent plus nécessaire qu'aux autres classes de la société. L'an dernier, je me suis joint à l'honorable baron Osy, pour réclamer derechef cette mesure, qui paraissait devoir souffrir d'autant moins de difficultés que les fonctions de consul à Lille auraient été acceptées gratuitement par des compatriotes très expérimentés et très recommandables.
L'honorable ministre me répondit alors qu'il approuvait fort ce projet. J'ignore les causes de l'ajournement que l'exécution en a éprouvé. Je remercie d'ailleurs les honorables MM. Osy et Rodenbaeh de m'avoir devancé aujourd'hui sur ce point.
En troisième lieu, messieurs, je désirerais savoir si l'honorable ministre des affaires étrangères a fait des démarches auprès du gouvernement des Pays-Bas pour obtenir la suppression simultanée, dans ce pays et dans le nôtre, de la prime des sucres. L'an dernier, comme membre de la section centrale pour les sucres et de la section centrale pour le budget des affaires étrangères, j'ai fortement insisté, avec l'approbation de plusieurs des mes honorables collègues, et avec celle de M. le ministre lui-même, sur l'utilité évidente qu'il y aurait pour la Belgique et la Hollande, de supprimer la prime de sortie accordée aux sucres raffinés.
Je disais à cette époque, je répète aujourd'hui avec la même conviction, que les intérêts du trésor commandent de part et d'autre cette réforme, dont les intérêts commerciaux n'auraient pas le moins du monde à souffrir si elle s'exécutait le même jour dans les deux pays qui se font concurrence au profit des consommateurs étrangers. Dès que la prime n'existerait plus en Hollande, aucun de nos raffineurs n'en demanderait le maintien chez nous. Or, comme il y va d'une dépense considérable, ou si l'on veut (ce qui revient au même), d'une augmentation de recette d'un à deux millions de francs, je crois que le moment actuel, où nous sommes menacés de nouveaux impôts, est très opportun pour nous occuper d'une pareille amélioration financière.
Si mes souvenirs sont fidèles, l'honorable chef de notre diplomatie avait promis à la seclion centrale de réfléchir sérieusement sur ce point et de se mettre en relation avec le cabinet de la Haye, afin d'atteindre, par un commun accord, le but que je viens d'indiquer. Il me serait agréable d'apprendre que ce grave objet, où je vois pour ma part l'un des nœuds de notre situalion financière, n'a pas été perdu de vue.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je vais répondre successivement aux diverses observations qui ont été présentées par l'honorable préopinant,
Les honorables MM. Osy et Coomans insistent pour qu’un consulat soit établi à Lille. Si, messieurs, cette institution n’a pas été créée plus tôt, c'est parce qu'il y avait des objections de la part d'un certain nombre de chambres de commerce du pay.
J'ai examiné ces objections, et consulté aussi notre légation à Paris, et à la suite de ces informations, un consul belge va être nommé à Lille. La nomination du consul est même déjà soumise en ce moment-ci à l'approbalion royale.
Je crois, messieurs, qui cela répond complètement aux observations qui ont été faites sur cet objet.
L'honorable M. Osy a demandé si le gouvernement était d'intention d'instituer un consulat général à Saint-Pétersbourg. L'empereur de Russie, messieurs, vient de nommer un consul général à Bruxelles. Il est probable qu'il arrivera en Belgique d'ici à peu de temps.
Le gouvernement n'a pas encore pris de décision sur la question de savoir si nous instituerions un consul général à Saint-Pétersbourg.
Je crois devoir avertir la chambre que si cette institution avait lieu, un traitement assez élevé devrait y être attribué ; ce traitement ne pourrait guère être moindre de 18,000 à 20,000 francs.
Un consul général à Manille serait aussi très utile ; mais ici encore, c'est une dépense assez notable ; un consul à Manille doit avoir nécessairement 18,000 francs de traitement. Dans la situation actuelle du budget, il serait donc impossible de créer ces consulats.
Nous ne croyons pas encore que ce soit indispensable. Du moment où le gouvernement le jugerait nécessaire, il ferait des propositions à la chambre pour les traitements qui devraient être accordés à ces consuls.
Quant au Mexique, si nous n'avons pas envoyé jusqu'à présent de chargé d'affaires belge, c'est que la situation de ce pays n'a pas été pendant un certain temps très favorable pour donner suite à une semblable nomination ; qu'ensuite il était bon de savoir, avant d'y procéder, quels étaient les sentiments du gouvernement mexicain, s'il y aurait de sa part réciprocité, si les relations qu'il s'agissait d'établir avec ce gouvernement seraient bien accueillies.
Eh bien, j'ai reçu depuis peu du ministre du Mexique accrédité à Paris l'avis qu'un ministre du Mexique serait accrédité à Bruxelles. J'aurai l'honneur même de déposer très incessamment sur le bureau le traité qui a été conclu avec le Mexique en 1839, et qui, pour diverses circonstances, n'avait pas été discuté dans cette chambre.
Le gouvernement mexicain désire vivement que ce traité soit mis à exécution et que les relations entre le Mexique et la Belgique qui ne peuvent qu'être avantageuses aux deux pays, se développent de plus en plus.
Ainsi, d'après ce que je viens de dire, le gouvernement ne tardera pas à procéder à la nomination d'un envoyé au Mexique.
L'honorable M. Osy nous a parlé d'une demande qui a été formulée par le commerce d'Anvers, tendante à ce que les fonds russes et les fonds du Danemark fussent cotés à la bourse d'Anvers. Je n'ai pas présente à la mémoire l'instruction qui a été faite entre deux départements, le département des finances et celui des affaires étrangères. Des objections ont, je crois, été faites par le département des finances. Aucune suite n'a été donnée jusqu'à présent à la demande qui a été formulée par le commerce d'Anvers. Il n'a pas été fait de nouvelles observations à cet égard au gouvernement.
Je ne dis pas qu'après un nouvel examen, il n'y aura pas lieu d'autoriser la cote. Nous avons, en effet, ordinairement admis pour base dans ces sortes de questions la réciprocité. Lorsqu'on nous demande de faire coter un fonds à la bourse, nous demandons à notre tour si les fonds belges sont cotés aux bourses du pays étranger.
Je passe aux observations qui ont été présentées par l'honorable M. Coomans.
L'honorable membre s'est plaint du système qui est suivi au département des affaires étrangères, ou plutôt au département de la marine, en ce qui concerne les autorisations à donner pour le mariage des matelots.
Il est clair que je n'aime pas plus le concubinage que l'honorable préopinant et que si je pouvais donner cette autorisation qu'il sollicite, je m'empresserais de le faire. Mais il y a un texte formel de loi qui porte qu'aussi longtemps qu'un matelot n'aura pas rempli sa masse, cette autorisation ne pourra lui êlre accordée. Est-il permis alors au ministre d'accorder l'autorisation si la condition qu'y met la loi n'a été remplie ?
Cette question s'est présentée, il y a quelques jours, par suite d'une d'une demande qui m'a été adressée directement par l'honorable M. Coomans, à l'égard d'un matelot qui se trouve dans cette situation à Anvers et qui désire se marier. J'ai dù répondre conformément à la loi ; c'est le premier devoir du ministre ; personne, je le crois, ne le contestera dans cette enceinle. Y a-t-il lieu de faire une nouvelle législation ? C'est un point à examiner.
Ces sortes des demandes se présentent très rarement, du reste, au département des affaires étrangères. C'est la première fois que j'en entends parler. Je ne sais s'il y a une autre jurisprudence au département de la guerre ; mais ce qui est positif, c'est qu'il y a un texte de loi formeL
L'honorable M. Coomans a parlé aussi de l'intérêt qu'il y aurait à faire des démarches auprès du gouvernement des Pays-Bas relativement à la question des sucres. Eh bien, messieurs, cette question n'a pas été oubliée par le département des affaires étrangères ni par celui des finances. J'ai eu l'honneur d'en parler à M. Coomans dans la section centrale. Un fonctionnaire du département des finances, très capable, a été (page 41) envoyé à la Haye, et si cette affaire n'a pas eu d'autre suite jusqu'à présent c'est qu'on a dû reconnaître qu'une négociation de ce genre ne pouvait pas réussir, en ce moment du moins, près du gouvernement des Pays-Bas.
L'honorable M. Rodenbach, messieurs, a présenté, de son côté, différentes observations à propos de nos relations avec les pays qui nous avoisinent. L'honorable M. Rodenbach aime bien les traités de commerce, il veut des traités de commerce.
Je crois d'abord que les traités de commerce doivent être avantageux, car tel traité de commerce pourrait être très défavorable : on ne peut obtenir des concessions sans rien accorder ; eh bien, c'est par la balance entre ce qu'on accorde et ce qu'on reçoit que l'on peut apprécier si un traité est favorable ou non.
On n'a négocié pendant 15 ans avec la France pour arriver au traité du 13 décembre 1845. Eh bien, son importance a été contestée tout à l'heure par deux honorables préopinants appartenant au.x Flandres. Je désire vivement que nos rapports avec la France soient le plus étendus, le plus réciproquement favorables que possible ; je désire que nous puissions conclure un traité beaucoup plus large que celui qui existe. Nous n'avons cessé de nous exprimer dans ce sens, tant en ce qui concerne la France qu'envers tous les Etats qui nous avoisinent, et ce n'est pas au cabinet actuel qu'on pourrait reprocher de vouloir restreindre les échanges commerciaux.
L'honorable M. Rodenbach aura lieu, du reste, puisqu'il aime les traités, d'être satisfait. D'ici à quelques jours, je me propose de déposer sur le bureau quatre traités de commerce, conclus avec le Pérou, la Bolivie, le Mexique et la République de Nicaragua. Nos relations avec l'Amérique deviennent de plus en plus suivies. Nous devons porter plus que jamais nos regards de ce côté, et lorsque l'honorable M. Rodenbach invoque des traités pour étendre nos exportations qui, selon lui, en ont un pressant besoin, il devrait examiner la situation de notre commerce.
Il verrait, par le dernier tableau que M. le ministre des finances a fait distribuer, qu'en effet il y a une augmentation des plus considérables, une augmentation des plus satisfaisantes dans nos exportations ; et ce qu'il y a aussi de satisfaisant, c'est que nos exportations ne se renferment plus maintenant en Europe ; elles s'étendent à tous les pays. Si je voulais insister sur ce point, je pourrais dérouler aux yeux de la chambre une masse de chiffres qui devraient vraiment donner une grande satisfaction à l'honorable M. Rodenbach et à tout le pays, qui, du reste, en est bien informé.
Le chiffre de nos exportations ne s'est jamais accru d'une manière aussi notable que depuis quelques années ; un moment arrêtées par la crise de 1848, elles se sont relevées de la manière la plus remarquable en 1849, et elles seront plus considérables encore en 1850. Le mouvement général de notre commerce à l'extérieur ne sera guère inférieur à une valeur d'un milliard de francs cette année, c'est-à-dire à la moitié du chiffre des exportations du commerce général de la France, et au quart peut-être de celles de l'Angleterre.
Je le répète, messieurs, je ne veux pas ici fatiguer la chambre par un grand nombre de chiffres, mais de tous côtés, et dans les pays transatlantiques surtout, nos exportations se sont accrues, et je puis le dire, le gouvernement n'a pas été tout à fait étranger à cette augmentation ; le gouvernement, tout en restant dans la limite de ce qu'il doit faire en matière d'intervention, a aidé à cet essor si remarquable qui se manifeste dans l'esprit commercial du pays. Ainsi nos exportations, par exemple au Chili, qui étaient de très peu d'importance il y a quelques années, sont déjà à peu près de 2 millions. Elles n'étaient que de deux ou trois cent mille francs il y a trois ou quatre ans.
Nos exportations sur la côte d'Afrique étaient nulles il y a quelques années, elles sont aujourd'hui de 500,000 à 600,000 francs.
L'établissement de Santo-Tomas était naguère bien peu de chose encore. Eh bien, un grand nombre de navires se dirigent maintenant vers cette contrée, et cette colonie naissante peut devenir fort importante pour nos relations commerciales, à cause de son admirable position, et de l'heureux développement qui s'y manifeste. Je pourrais citer encore beaucoup d'autres contrées ; l'Australie, par exemple, dont commercialement on ne parlait pas en Belgique il y a un an ou deux ; eh bien, maintenant il y a un navire affrété pour s'y rendre avec plus de 500,000 fr. de produits belges, il en est de même, messieurs, de toutes nos relations ; il en est de même, par exemple, du Levant et de l'Italie ; partout il y a le progrès le plus remarquable.
Ainsi, que l'on ne vienne pas dire qu'il est indispensable d'avoir des traités de commerce pour favoriser nos exportations, qui seraient en souffrance. Du reste, messieurs, vous le savez parfaitement, le premier élément pour arriver à des échanges commerciaux, c'est le perfectionnement des produits. De grands perfectionnements ont été introduits dans l'industrie belge. (Interruption.) Il est évident qu'il y aura toujours certaines branches d'industrie moins prospères que les autres, mais que l'honorable M. Rodenbach veuille bien examiner l'ensemble, qu'il veuille bien examiner le dernier tableau du commerce qui a été distribué, il ne révoquera pas en doute mes paroles, et je puis lui donner l'assurance que l'année 1850 sera plus avantageuse encore ; l'honorable membre verra, par cet examen, que l'ensemble de nos relations commerciales est des plus satisfaisant.
Messieurs, je ne terminerai pas sans dire un mot en réponse à l'honorable M. Osy, qui est revenu sur un incident soulevé hier. Je ne crois pas devoir entrer ici dans de nouvelles explications ni renouveler le débat qui a été clos hier et qui portait sur des questions auxquelles j'ai répondu de la manière la plus péremtloire. Je n'admets pas non plus le moins du monde qu'une faute ait été commise par qui que ce soit, dans cette affaire. Du reste, mon honorable collègue de la justice se propose, je crois, de répondre également à l'honorable M. Osy ; quant à moi, je ne compte plus revenir sur un sujet qui n'aurait pas même dû occuper cette assemblée.
M. Coomans. - Messieurs, je n'ai pas engagé M. le ministre des affaires étrangères à violer la loi.
Il a vraiment tort de se défendre contre l'incitation qu'il m'a attribuée. Dieu me garde d'engager les ministres à se mettre au-dessus des lois.
Tous, et dans tous les pays du monde n'y sont naturellement que tr.-p portés.
Loin de suspecter la bonne volonté que M. le ministre a mise dans cette affaire, j'y ai rendu hommage. J'ai supposé très volontiers qu'il regrettait autant que moi la situation très fâcheuse, faite par je ne sais quelles méchantes lois, à de malheureux miliciens qui, après avoir navigué, ramé et souffert au service de l'Etat, pendant un certain nombre d'années, n'ont pas même la faculté de venir se reposer tranquillement dans leurs foyers et y goûter les joies que dispense à tous les Belges le chapitre six du premier livre du Code civil.
Messieurs, ce que j'ai voulu faire ressortir, c'est la contradiction où se met le département des affaires étrangères vis-à-vis de celui de la guerre ; c'est la grande sévérité qu'on déploie contre nos marins d'eau douce tandis que l'armée de terre est moins durement traitée. Cette aggravation de discipline ne me semble pas justifiée.
Certes, malgré la pleine confiance que j'ai dans notre armée, dans sa savante organisation et dans sa puissance morale, je souhaite qu'elle ne tire l'épée que le plus tard possible ; mais enfin l'heure peut sonner où la patrie fera appel à sa valeur et où elle peut recevoir d'elle de signalés services. Mais quant à la marine belge, sans être injuste envers les honorables officiers et les braves matelots qui la composent, je crois pouvoir dire que je ne fonde pas sur elle mes plus fortes espérances pour la défense et la consolidation de la nationalité belge.
Messieurs, l'honorable ministre des affaires étrangères semble traiter assez légèrement ce que j'ai dit de tentatives à faire auprès du cabinet de la Haye pour arriver de commun accord à'Ia suppression de la prime des sucres, prime que j'ai maintenue provisoirement et uniquement pour ne pas occasionner une sorte de révolution industrielle en Belgique, révolution qui serait prévenue par la suppression simultanée de la prime dans les deux seuls pays du monde où elle existe encore.
M. le ministre des affaires étrangères dit qu'il n'a pas négocié sur ce terrain avec le cabinel do la Haye, parce qu'il avait la conviction qu'il n'aurait pas réussi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Nous avons envoyé un agent à la Haye, et nous avons acquis, par cet agent, la certitude qu'il était inutile d'ouvrir des négociations sur cette base avec le gouvernement néerlandais.
M. Coomans. - Il résulte toujours de cetie explication qu'il n'y a pas eu de régulière et véritable négociation. Je demanderai à l'honorable ministre : D'où savez-vous que le gouvernement néerlandais n'eût pas été disposé à traiter sur cette base ? Votre opinion personnelle est combattue par d'autres opinions personnelles.
Quand je vois des députés néerlandais, d'anciens ministres néerlandais, les sommités du commerce néerlandais, les plus gros fabricants de sucre en Hollande désirer la suppression de la prime, et proclamer la possibilité de parvenir diplomatiquement à cette suppression, je puis persister, avec raison, à croire qu'on n'a pas fait tout ce qu'on aurait pu faire dans ce but, ce qu'on aurait dû faire, surtout aujourd'hui que nous sommes à la recherche de nouveaux impôts, dont l'établissement est reconnu si odieux et si difficile.
Tout ce que la Hollande aurait pu dire de désagréable à l'agent de M. le ministre des affaires étrangères se serait réduit à ceci : « Vous avez besoin d'argent, vous êtes dans la détresse. » On aurait pu répondre à la Hollande : « Vous en avez autant besoin que nous, et vous êtes financièrement encore plus embarrassés que nous ne le sommes. » Il n'y avait pas de honte dans un semblable échec. A la place de l'honorable M. d'Hoffschmidt, j'aurais mis le gouvernement hollandais en demeure de se prononcer ; la prime n'est pas plus populaire en Hollande que chez nous, elle y est plus ruineuse encore, et peut-être les chambres et l'opinion publique auraient-elles forcé le gouvernement à supprimer ce que je considère comme une mauvaise mesure économique, que je n'ai jamais approuvée en principe, quoique je sois un de ceux qui en ont voté l'an dernier le maintien provisoire.
M. de Perceval. - Les attributions consulaires dans le Levant ne sont pas encore réglées. Je demanderai à l'honorable ministre des affaires étrangères s'il sera bientôt en mesure de nous soumettre un projet de loi concernant cette matière, qui intéresse au plus haut point nos relations commerciales.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, le projet de loi dont parle l'honorable M. de Perceval est au ministère de la justice ; on en achève la rédaction ; il pourra probablement bientôt être présenté.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Messieurs, l'honorable M. Osy a renouvelé aujourd’hui la discussion sur une question que je croyais (page 42) avoir été épuisée dans la séance d’hier. L’honorable membre m’a reproché de l’avoir accuser d’écouter aux portes des ministères.
Messieurs, je ne permets jamais de semblables accusations, jamais je ne reprocherai un semblable fait à un membre de la chambre. Mais j'ai dit une chose que je maintiens : c’est que des faits quui ne reposeraient que sur des indiscrétions de bureau, les instructions transmises à des agents du gouvernement, et qui n’ont donné lieu à aucune négociation, ne peuvent être discutés dans cette chambre par le gouvernement. C'est là ce que j'ai dit, sans incriminer qui que ce soit, et certainement je n'avais aucune raison pour accuser l'honorable M. Osy d'aller tendre l'oreille aux portes des hotels ministériels.
L'honorable M. Osy, pour démontrer qu'il n'était pas capable de l'indiscrétion que prétendument je lui avais reprochée, nous a déclaré qu'après avoir lu l'article de l'Univers il s'était adressé à un de ses amis de Paris, et que cet ami lui avait appris que des dépêches étaient parties de Bruxelles et que ces dépêches étaient arrivées à Rome, alors que déjà, messieurs, notre ministre plénipotentiaire avait quitté cette ville, et que ces mêmes dépêches étaient revenues à Bruxelles. Cette justification de l'honorable M. Osy, qui, comme je l'ai déjà dit, était parfaitement inutile, est, à mon avis, une très grave accusation dirigée contre ses amis.
Nos dépêches avaient été expédiées de Bruxelles ; elles étaient arrivées à Rome ; notre envoyé ayant déjà alors quitte cette ville, les dépêches sont revenues à Bruxelles, dites-vous. Mais dans ce cas, je prierai l'honorable M. Osy de m'expliquer où et comment ses amis ont lu ces dépêches. (Interruption.)
J'attendrai qu'on me dise comment on a pu avoir une connaissance qu'on prétend aussi exacte de dépêches, parties de Bruxelles, arrivées à Rome, et renvoyées à Bruxelles, sans avoir été ouvertes. On n'a pu avoir connaissances de ces dépêches que d'une manière très peu honorable ; cette source, on n'osera pas l'avouer. (Interruption.)
Maintenant, je suppose un instant que l'Univers, quant aux négociations, ail dit aussi vrai qu'il a dit peu vrai ; nous n'aurions pas à nous en défendre, et nous n'aurions surtout pas à nous en défendre vis-à-vis de la droite. Mais plutôt vis-à-vis de la gauche de cette assemblée. Je n'ai pas présenté à la mémoire les différents points sur lesquels l'Univers prétend que le ministère a entamé des négociations ; mais je crois qu'il s'agissait d'abord de la circonscription des diocèses. Eh bien, sans que le gouvernement consente jamais à faire sur cet objet un concordat, je demande s'il ne serait pas utile qu'il y eut entente entre la cour de Rome et le gouvernement belge.
Quelle est, par excmple, notre position aujourd'hui ? D'un côté, le pape a le droit de nommer en Belgique autant d'évêques qu'il lui convient d'en nommer, de créer autant de diocèses qu'il lui plaît. Qeul est le droit du gouvernement ? C'est celui de n'en payer qu'autant qu'il en juge nécessaires aux besoins du culte. Ainsi remarquez-le bien, s'il n'y a pas eu entente, d'un côté le pape nommera des évêques et de l'autre côte le gouvernement se refusera de les payer, et de là un conflit entre le pouvoir civil et l'autorité spirituelle.
Ainsi encore des chanoines, l'autorité ecclésiastique peut en créer dix, quinze, vingt, par diocèse si elle le veut ; mais d'un autre côté l'Etat conserve son droit de n'en salarier qu'autant qu'il en croit nécessaire à la bonne administration des diocèses.
Le gouvernement fournit des subsides aux séminaires, et alors il a évidemment bien le droit de connaître quelle en est l'administration ; car je ne sache pas que le gouvernement ait l'obligation de donner autant de subsides que les évêques en demandent pour cet objet, sans avoir le droit d'en contrôler l'emploi.
Il y a donc là des points sur lesquels il serait utile qu'il y ait entente, mais sur lesquels le gouvernement ne songe pas à se lier.
Quant aux négociations qui doivent avoir existé, je m'en réfère à ce qui a été dit dans la séance d'hier. Aujourd'hui, pas plus qu'hier, il ne nous convient de discuter de prétendues révélations d'un journal.
M. Osy. - Je n'ai pas dit tout à l'heure que la dépêche était revenue de Rome ; je me suis borné à dire que, d'après ce que m'avait écrit un amis de Paris, la dépêche avait dû arriver à Rome après le départ de notre ambassadeur de cette ville. Maintenant, M. le ministre, sans faire un aveu, ne dément cependant pas le fait que j'ai allégué.
M. le ministre de la justice vient de dire que le Saint-Père pourrait créer autant d'évêques qu'il le jugerait convenable, mais là n'est pas la question ; toute la question git dans la suppression d'un évêché.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Votre ami de Paris a été fort mal informé sur ce point.
M. Osy. - Eh bien ! messieurs, il me semble que cinq évêchés pour la Belgique, ce n'est pas trop ; je demande seulement le maintien de ce qui existe.
M. Dumortier. - Il m'est impossible de laisser sans réponse ce que vient de dire M. lu ministre de la justice ; car il defend, me semble-t-il, un système éminemment inconstitutionnel. Veuillez, messieurs, vous rappeler ce qu'a dit M. le ministre de la justice : « Le gouvernement paye ; le gouvernement a le droit de faire. » Je réponds, moi : Ce n'est pas le gouvernement qui paye ; c'est le pays (interruption) ; qui êtes-vous, vous autres, ministres. Vous n'êtes point les représentants du pays ; c’est la chambre. (Nouvelle interruption.)
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je suis aussi bien représentant du pays que vous.
M. Dumortier. - Sans doute ; mais vous n'êtes pas la chambre plus que moi. Ce n’est pas vous qui êtes le dispensateur des deniers publics, mais la chambre.
Vous avez dit, en parlant des évêques, que c’est le droit du gouvernement de n’en payer qu’autant qu’il lui conviendra.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous jouez sur les mots.
M. Dumortier. - Je ne joue point sur les mos ; je cite littéralement les paroles de M. le ministre de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Voulez-vous une restification ?
M. Dumortier. - Je n’en ai pas besoin, je ne sors pas des paroles que vous avez prononcées.
Le droit du gouvernement ! Mais qu'est-ce que le gouvernement, suivant vous, M. le ministre ? C'est le pouvoir exécutif. (Interruption.) Dans votre bouche, ce n'est pas autre chose. Chaque jour vous dites : Le gouvernement a fait telle chose ;le gouvernement fera telle chose ; vous dites encore maintenant : Le gouvernement négocie ; le gouvernement ne négocie pas. Eh bien, je dis que votre système est inconstitutionnel. Les chambres ont voté le budget article par article, paragraphe par paragraphe ; elles ont, par la loi budgétaire, fixé le nombre de diocèses ; il ne vous appartient donc pas de dire : II n'y aura qu'autant de diocèses ; le gouvernement ne payera qu'autant qu'il lui conviendra. Pour les séminaires, le gouvernement veut encore connaître parce que c'est lui qui paye. Mais depuis quand donc est-ce le gouvernement qui fournit les fonds partout ? Ce sont les chambres, c'est le pays qui paye ; mais ce n'est pas le gouvernement qui doil être considéré comme payant toutes les dépenses du budget. (Interruption.)
M. le président. - Mais pourquoi parler sur des hypothèses ? On vient d'expliquer nettement la chose : quand on parle de payer, on sait bien que c'est le pays qui paye.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je me borne à en appeler au bon sens de la chambre.
M. Dumortier. - N'équivoquez pas, je vous prie. J'ai tenu note des paroles de M. le ministre de la justice ; et je prétends qu'il est impossible de leur donner une autre signification que celle que je leur donne.
Quand nous avons dit que la chambre faisait partie du gouvernement, on nous a combattu ; jamais on n'a voulu admettre ce principe pour le cabinet, Le gouvernement, c'est lui, lui seul.
Maintenant, messieurs, quelles étaient donc les propositions dont il s'agissait à cette époque ?
Ces propositions, les voici telles qu'elles sont reprises dans l'Univers :
« 1° Intervention du gouvernement dans la circonscription des diocèses. »
Mais, depuis quand donc le gouvernement avait-il le droit d'intervenir dans une pareille matière ? A-t-il le droit d'intervenir en quoi que ce soit dans la nomination des minisires du culte ? La Constitution dit formellement le contraire ; donc votre prétention est inconstitutionelle.
« 2° Abolition de l'évêché de Bruges, érigé irrégulièrement, selon le cabinet belge. » (Interruption.)
On le nie ; soit. Il n'en est pas question. Il a donc été question du reste. (Interruption.)
« 3° Prétention du gouvernement d'exercer une influence nouvelle et étendue sur la formation des chapitres de la cathédrale et sur l'administration du temporel de séminaire. »
Ici encore, vous avez un article dans la Constitution qui dit que le gouvernement n'a pas à intervenir dans les actes du culte.
« 4° Inamovibilité des desservants. »
Mais il y a un concordat qui a réglé ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'y a plus de concordat.
M. Dumortier. - Il n'y a plus de concordat ? Mais vous l'exécutez vous-même ; à chaque inslant vous prenez des arrêtés dont les dispositions sont fondées sur les articles organiques du concordat. Mais soit ; je prends acte de la déclaration de M. le ministre de l'intérieur qu'il n'y a plus de concordat. (Interruption.) Mais il est une vérité incontestable, c'est que la Constitution belge a donné au clergé belge des libertés, qu'il n'avait pas sous l'Empire, et vous ne pouvez pas appliquer certains principes qui se trouvaient dans le concordat dès l'instant qu'ils sont en opposition avec la Constitution belge. Voilà la vérité.
Ainsi, la prétention du gouvernement de pouvoir intervenir dans la nomination des évêques est diamétralement contraire à la Constitution.
Maintenant je demande si cette infraction évidente à la Constitution n'était pas une preuve manifeste de la direction que le gouvernement aurait donnée à cette affaire ?
Et l'on dira que nous ne devons pas nous en préoccuper quand une pareille lettre a été envoyée....
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - A qui ?
M. Dumortier. - Peu m'importe ! elle a été reconnue par le cabinet, cela me suffit. Elle révèle la pensée du cabinet, et cette pensée, j'ai le droit de la combattre dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt de l'opinion que je représente.
L’affaire n’est donc pas aussi insignifiante qu’on voudrait bien le faire croire : il s’agit de toutes les libertés religieuses conquises en 1830 et qu’on aurait voulu nous ravir. (Interruption).
Eh bien ! il importe peu de savoir par où et comment la dépêche a été transmise à l’Univers. Elle est datée de Rome, 2 juin ; et le gouvernement d’aujourdhui ne reconnaît pas que cette pièce a été (page 43) écrite par l’ancien ministre de la justice. Eh bien ! l’intérêt du pays, de la paix pubique en Belgique exige que l’on sache si le gouvernement veut persister dans cette voie.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne ferai pas à la chambre l’injure de croire que qui que ce soit dans cette enceine, sauf M. Dumortier, ait pu se méprendre sur le sens de mes paroles. Il n’est pas un seul député dans cette chambre qui ait pu croire que quand je parlais du gouvernement, j’entendais parler seulement des ministres. Tous les jours on se sert des mots : « Gouvernement constitutionnel. » Quel est donc la signification de ces mots.
M. Dumortier. - Avec l'adjectif !
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je ne comprends pas la distinction. Aussi M. Dumortier lui-même, j'en suis convaincu, n'a pas pris mes paroles dans un autre sens. Mais il s'est fourni un moyen de prendre la parole afin d'avoir l'occasion de dire au gouvernement des choses désagréables, ou du moins, qu'il a cru nous être désagréables.
M. Dumortier. - Je ne suis pas envoyé ici pous vous plaire, mais pour vous contrôler.
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - Je n'en doute point. Mais il est peu d'hommes que le gouvernement voie aussi volontiers prendre part à une discussion que l'honorable membre ; car il ne fait jamais que prêter des armes à ceux qu'il combat.
M. Dumortier. - Ces paroles sont peu polies pour un ministre ; s'il en est ainsi, pourquoi vous fâchez-vous ?
M. le ministre de la justice (M. Tesch). - C'est possible ; mais, quand en discutant, on donne une interprétation erronée à certaines paroles, et quand, au lieu d'accepter l'explication qui est offerte, on continue, comme l'a fait M. Dumortier, à dénaturer la pensée d'un orateur, on ne doit pas s'attendre à des choses agréables de sa part.
J'ai oublié tantôt de m'expliquer sur l'inamovibilité des membres du clergé. Déjà, dans la session dernière, l'un des membres du cabinet a donné des explications à cet égard. Il a déclaré qu'il avait appelé l'attention de la cour de Rome sur cet objet, afin d'éviter des difficultés qui surgissent à chaque instant, et d'assurer aux membres du clergé les garanties dont ils jouissent dans d'autres pays. Mais ce que le gouvernement a fait sous ce rapport n'a jamais été une atteinte aux prérogatives de la cour de Rome ; jamais le gouvernement n'a entendu empiéter sur les droits de Sa Sainteté. Le gouvernement, je le répète, a appelé sur ce point l'attention de la cour de Rome ; il lui a exprimé le désir que des garanties égales à celles qui existent dans d'autres pays fussent accordées au clergé belge, sans entendre, le moins du monde, imposer sa volonté à cet égard.
L'honorable M. Dumortier a terminé en demandant si le gouvernement entendait ou non persister dans la voie où il est entré. Cette interpellation, messieurs, était parfaitemet inutile, après la déclaration si explicite qu’a faite hier mon collège, M. le ministre des finances. Et d’abord, pour persévérer dans une voie, il faut y être entré ; or, jusqu’à présent, l’honorable M. Dumorier n’est pas encore parvenu à démontrer que le gouvernement soit entré dans celle dont il a parlé. C’est là un point sur lequel, jusqu’à présent, vous navez pas encore pu fournir de preuves. Nous nous bornons à déclarer que jamais, à notre point de vue, les matières dont a traité l’Univers n’ont pu faire l’objet d’un concordat entre la Belgique et la cour de Rome ; parce que la Belgique, dans un pareil concordat, devrait abandonner une partie de ses drits et que le gouvernement n’y consentira jamais.
- La discussion générale est close.
M. le président. - M. le rapporteur étant absent, je propose de renvoyer à lundi la discussion des articles.
- Adopté.
M. le président. - La discussion des articles du budget des affaires étrangères est renvoyée à lundi.
Une proposition de loi vient d'être déposée ; elle sera envoyée aux sections pour savoir si elles en ordonnent la lecture.
Nous aurons à l'ordre du jour les articles du budget des affaires étrangères et le budget de la justice.
M. Delfosse. - Je demande que l'on mette à l'ordre du jour de lundi la discussion du rapport sur les élections de Dixmude. M. le président vient de me dire que les pièces seront distribuées ce soir. On aura eu le temps de les examiner. Notre premier devoir est de compléter la représentation nationale.
M. de Haerne. - Je demande que ce soit le premier objet à l'ordre du jour.
M. Dumortier. - Je demande que cet objet soit renvoyé à mardi, pour que nous puissions nous procurer les renseignements nécessaires sur l'enquête. Il importe peu que la question soit décidée un jour plus tôt ou plus tard.
M. le président. - La chambre n'est plus en nombre ; cet objet continuera à figurer à l'ordre du jour, et lundi la chambre décidera s'il viendra en première ligne.
- La séance est levée à 3 heures trois quarts.