(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1293) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et demi.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est adoptée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Rotheux-Rimière et le sieur Calf de Nordans aîné prient la chambre d'adopter le projet de loi sur l'enseignement moyen. »
« Même demande du conseil communal de Waremme, qui fait observer que les deux pétitions signées par des habitants de cette commune ne peuvent représenter que l'opinion d'une bien mince fraction des Waremmiens. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Plusieurs habitants de Liège prient la chambre de rejeter le projet de loi sur l'enseignement moyen ou de le modifier profondément. »
« Même demande de plusieurs habitants de Chaussée-Louvignies, Marche-lez-Ecaussines, Louvain. »
- Même disposition.
« Plusieurs habitants d'Assenede prient la chambre de rejeter le projet de loi sur l'enseignement moyen. »
« Même demande de plusieurs habitants de Somergem, Wavre. »
- Même disposition.
« Le sieur Van Damme demande que le gouvernement fasse une enquête sur l'origine des pétitions relatives au projet de loi sur l'enseignement moyen, et sur la moralité et la position sociale des signataires. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Perceval. - Messieurs, eu égard à l'intérêt d'actualité que présente cette pétition, je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
- Adopté.
« Le sieur J.-B. Ledresseur, cultivateur à Havre, né à Soliers (France), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. Dolez informe la chambre qu'une indisposition l'empêche de prendre part aux travaux de l'assemblée.
- Pris pour notification.
Le gouverneur de la province de Liège fait hommage à la chambre d'un exemplaire en vermeil de la médaille commémorative de la pose de la première pierre de l'hôtel provincial de Liège.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. Dequesne, rapporteur de la section centrale du projet de loi sur l'enseignement moyen, fait le rapport suivant (M. Dequesne étant indisposé, la lecture du rapport est faite par M. Deliége, membre de la section centrale) :
« Messieurs, la section centrale, continuant ses travaux, a procédé à l'examen des divers amendements qui ont été présentés sur les articles 6 et 7, et dont le renvoi a été ordonné.
« L'article 5 n'a été l'objet d'aucune proposition.
« L'article 6 a donné lieu à trois amendements présentés par les honorables MM. de Brouckere, Orts et Van Hoorebeke.
« L'amendement de M. de Brouckere, qui s'éloigne le moins du projet, ne porte que sur le paragraphe premier, et les fondations futures d'établissements d'instruction moyenne. Il a pour but de laisser ces fondations dans le droit commun, tel qu'il est fixé par les lois provinciale et communale. D'après cet amendement, les deux autres paragraphes sont maintenus.
« L'amendement de M. Orts a rapport à une catégorie d'établissements seulement, les établissements fondés par la commune et la province, sans le concours du gouvernement. En ne soumettant ces établissements qu'aux seules obligations de la surveillance et du concours, il les soustrait non seulement à l'effet des deux premiers paragraphes de l'article 6, mais encore aux dispositions des articles 5, 8 et 9.
« A cet égard cependant et sous ce point de vue aucune objection n'a été faite dans le cours de la discussion contre ces dispositions.
« Enfin, l'amendement de M. Van Hoorebeke concerne les dispositions prises par le paragraphe 2, pour amener les établissements existants au régime de la loi et régulariser leur position. Aux conditions exigées par le paragraphe 2 de l'article 6, il substitue, de la part des communes, une simple déclaration, dans les six mois, qu'elles entendent maintenir ce qui est ou y renoncer; tant sous le rapport des établissements eux-mêmes, que sous le rapport des contrats dont ils ont pu être l'objet. L'amendement aurait donc pour conséquence de conserver vis-à-vis ces établissements un état de choses que précisément la loi a pour mission de régler et de modifier.
« La section centrale n'a pu accueillir ce dernier amendement qui soustrairait, pour ainsi dire, la plupart des établissements existants à l'effet de la loi et irait contre le but que l'on se propose, en achevant et complétant notre établissement d'instruction publique donnée aux trais de l'Etat.
« L'article 6, dans son ensemble, dans son esprit comme dans son texte, doit être conservé, comme la sanction finale de toute la loi. Il a pour objet d'obliger les communes à mettre leurs établissements, tant actuels que futurs, en harmonie avec les dispositions qui seront adoptées et à coordonner les conventions faites, s'il en existe, avec les mesures que, dans des principes d'intérêt et d'ordre public, le législateur croira devoir prendre.
« Pour arriver à ce résultat et veiller à l'exécution de la loi, la section centrale avait, comme le projet primitif, jugé nécessaire l'intervention de deux autorités, les députations permanentes et le gouvernement. Par suite du renvoi qui lui a été fait des amendements ci-dessus, et après un nouvel examen, la section centrale, prenant en considération les observations qui ont été faites pendant le cours de la discussion générale, a pensé que pour les établissements qui relèvent directement de la commune et sont ainsi dans une position régulière et normale, il suffisait de soumettre leurs décisions à l'approbation de la députation permanente, de rester ainsi à peu près dans les termes de la loi communale qui, en exigeant l'approbation des budgets, laisse à cette autorité le droit d'examiner l'utilité des établissements fondés par la commune, et par suite elle a fait droit aux amendements de MM. Orts et de Brouckere.
« Mais, quant aux établissements patronnés, relevant indirectement de la commune, et sujets par suite à des conventions qui renferment implicitement un abandon plus ou moins prononcé, et pendant un certain laps d'années, des droits et prérogatives de la commune, persistant dans son premier avis, elle pense que les décisions à intervenir à cet égard doivent être soumises à l'approbation du gouvernement, tuteur légal des communes et gardien de l'intérêt général. La discussion ayant porté à diverses reprises sur ce point, la section centrale croit inutile de revenir sur les raisons qui l'ont déterminée et qui ont été suffisamment développées. A ce sujet, au reste, aucun amendement ne lui a été renvoyé. En conséquence, voici la rédaction nouvelle que la section centrale propose, faisant deux articles de l'article 6 du projet :
« Art. 6. Les résolutions des conseils communaux, portant fondation « d'un établissement d'instruction moyenne, sont soumises à l’approbation de la députation permanente du conseil provincial, sauf recours « au Roi, en cas de refus.
« Les communes auront à décider, dans les six mois, si elles entendent maintenir les établissements d'instruction moyenne, dans lesquels elles interviennent, soit directement soit indirectement, et dans quelle catégorie elles veulent les faire rentrer. Ces résolutions sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi. Toutefois l'approbation de la députation permanente suffit pour les établissements exclusivement communaux, sauf recours au Roi, en cas de refus. »
« Art. 7. Les communes ne peuvent déléguer à un tiers, en tout ou en partie, l'autorité que les lois leur confèrent sur leurs établissements d'instruction moyenne.
« Les conventions contraires au présent article cesseront de sortir leurs effets. »
« La section centrale a cru devoir ajouter ce dernier paragraphe pour éviter toute équivoque, bien que la disposition y renfermée résulte implicitement du texte de la loi.
Ces conventions sont évidemment nulles comme sortant des attributions des conseils communaux et blessant l'intérêt général, et tombent sous l'application de l'article 87 de la loi communale.
La suppression de l’article 7 est demandée par l'honorable M. de Brouckere, comme inutile dans plusieurs de ses parties et comme pouvant apporter des entraves à l'érection de certains établissements, tels que les écoles ayant quelques classes de latin seulement. Bien que l'art. 27 lève en partie cette dernière objection, la section centrale, après un nouvel examen, a reconnu que l'on pouvait, sans inconvénient, supprimer cet article purement réglementaire.
M. Ansiau. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la convention conclue entre le gouvernement et la ville de Gand.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour.
La chambre est arrivée à l'article 4 qui est ainsi conçu :
« Art. 4. Les établissements dont il est parlé aux deux articles qui précèdent ne reçoivent que des externes.
« Dans les communes où ces établissements auront leur siège, le collège des bourgmestre et échevins pourra traiter avec des particuliers pour (page 1294) la tenue de pensionnats dont les élèves seront obligés de fréquenter les cours de l'athénée ou de l'école moyenne.
M. de Brouckere a proposé par amendement, de supprimer le paragraphe 2.
La section centrale, à laquelle l'amendement a été renvoyé, a maintenu le paragraphe.
M. de Haerne. - Messieurs, dans la discussion générale, j'avais aussi appelé l'attention de la chambre sur ce que je trouvais d'irrégulier dans cet article, par rapport au second paragraphe dont l'honorable M. de Brouckere propose la suppression. J'appuie donc l'amendement de l'honorable membre. Toutefois, je n'avais pas demandé la radiation complète du paragraphe; seulement j'aurais voulu en faire disparaître ce qui s’y trouve d'irrégulier.
Ainsi, l'on dit que les élèves des pensionnats qui seront fondés par les communes pour servir en quelque sorte d'établissements subsidiaires aux athénées et aux écoles moyennes, deviendront les élèves de ces derniers établissements. On dit, d'un autre côté, et la rédaction de la section centrale a le même sens; on dit que les élèves admis dans les .pensionnats seront obligés de fréquenter les cours des athénées ou des écoles moyennes. Ceci est impératif : on ne peut pas donner un autre sens à cette disposition. Je trouve que cela est irrégulier sous plus d'un rapport; vous semblez par là donner aux jeunes gens reçus dans les pensionnats le droit de fréquenter les athénées.
Je comprendrais cela si les pensionnats relevaient tout à fait de la même autorité que les athénées et les écoles moyennes. Il n'en est rien; les pensionnats, d'après l'esprit et la lettre du projet, dépendront entièrement de la commune ; il n'en est pas de même des athénées et des écoles moyennes, puisque pour les athénées et les écoles moyennes la commune n'intervient que pour une très minime part d'autorité, par la présentation de candidats pour la formation du bureau d'administration. Vous donnez, pour la fréquentation de l'école gouvernementale, une autorisation formelle aux élèves reçus dans les pensionnats communaux. Cela peut faire naître des conflits entre les pensionnats et l'athénée ou l'école moyenne.
Voici comment j'explique ma pensée. Il pourrait arriver que certains jeunes gens, ne pouvant plus être conservés dans l'établissement d'instruction à raison d'actes d'indiscipline, de mauvais esprit, ou de conduite plus ou moins irrégulière, en fussent éloignés; ils pourraient néanmoins rester élèves du pensionnat ; et la direction du pensionnat pourrait juger que les vices qui leur sont imputés ne sont pas de nature à les éloigner de l'établissement d'instruction. Il y aurait là un conflit.
Dans tous les cas, si la chambre juge à propos d'adopter le paragraphe 2 de l'article 4, il devrait être rédigé d'une autre manière.
On devrait dire que les communes pourront fonder des pensionnats destinés à recevoir les élèves des athénées ou des écoles moyennes.
En rédigeant l'article ainsi, on écarterait l'idée de la fréquentation obligatoire.
De cette manière vous n'imposez d'obligation à personne, c'est tout à fait régulier.
Je voudrais aussi qu'on pût admettre, si la commune, juge compétent à cet égard, le trouve convenable, dans ces pensionnats des élèves fréquentant d'autres écoles. Par exemple, dans une ville comme Bruxelles, je ne vois pas pourquoi les élèves du pensionnat ne pourraient pas fréquenter quelques cours de l'université. Le pensionnat devrait pouvoir servir, en vertu de la liberté communale, à recevoir les élèves qui veulent fréquenter des cours de l'université , des cours accessoires qui entrent dans les intentions des jeunes gens ou de leurs parents, tels que les cours du conservatoire de musique, de l'académie de dessin et d'autres.
Ce pensionnat ne doit pas être destiné exclusivement aux élèves qui fréquenteront l'athénée ou l'école moyenne ; je ne crois pas qu'il y aurait toujours inconvénient à y admettre les jeunes gens fréquentant d'autres établissements que l'athénée et l'école moyenne. La commune devrait pouvoir en décider; il y a la un certain intérêt pour la ville. Elle trouvera plus de moyens de peupler son établissement.
Un pensionnat ne pourra subsister qu'autant qu'il recrutera une population suffisante. Sa prospérité dépendra du nombre de jeunes gens qui l'on pourra y réunir
Le paragraphe 2 devrait être rédigé à peu près dans le sens que je viens d'indiquer à la chambre.
M. de Brouckere. - La disposition est une restriction des droits de la commune et pas autre chose. Il n'est pas besoin d'une loi pour autoriser les communes à ériger un pensionnat, alors que l'autorité supérieure ratifie la résolution qu'a prise le conseil communal. Mais au lieu de donner à la commune, par le projet de loi, un droit qu'elle a, et dont elle n'a pas besoin, on restreint son droit : la commune pourra ériger des pensionnats, à la condition que les élèves fréquenteront les cours de l'athénée ou de l'école moyenne.
D'où il résulte que, dans une commune où il y aura un athénée, la commune ne pourra, à côté de l'athénée, non par esprit de rivalité, non pour faire tomber l'athénée aux frais duquel elle concourt en accordant des subsides dans la proportion d'un tiers, et en lui fournissant des locaux, ne pourra, dis-je, établir un autre collège, ne pourra, dis-je, créer un autre établissement d'instruction moyenne.
Ici, je dois parler au nom de l'arrondissement qui m'a envoyé dans la chambre.
L'agglomération de Bruxelles (il ne s'agit pas de la commune) est une agglomération de plus de 200,000 âmes. Les circonstances aidant, d'ici à peu d'années, ce sera une agglomération de 300,000 âmes. Eh bien, un athénée est insuffisant pour répondre aux besoins d'une pareille population; il l'est déjà aujourd'hui. S'il n'y avait qu'un athénée, bien certainement une partie de nos jeunes gens devrait aller dans des écoles qui surgiraient par l'effet de la liberté ; ce qui me serait fort agréable; mais, à défaut de ces écoles, les communes devront intervenir comme elles l'ont déjà fait,
Que la population augmente, et il faudra à Bruxelles trois ou quatre grands établissements d'instruction moyenne.
A Paris, pour une population de 900,000 âmes, indépendamment de 4 lycées nationaux, il y a 5 ou 6 collèges communaux.
Si vous insérez le deuxième paragraphe de l'article 4, la commune ne pourra plus créer de pensionnats (c'est dit en toutes lettres) qu'à la condition expresse que les élèves fréquenteront les cours de l'athénée ou de l'école moyenne, c'est-à-dire une des 50 écoles moyennes que vous allez créer, et qui bien certainement ne peuvent convenir, sous aucun rapport, à une grande ville, à une population de 300,000 âmes.
Je demande qu'on retranche le deuxième paragraphe.
Il est certain qu'aucune commune n'abusera, comme aucune n'a abusé de la faculté de créer un pensionnat, de donner l'hospitalité (car le pensionnat n'est pas autre chose), la nourriture et le logement aux jeunes gens. Il n'y a pas là de direction d'études.
Je persiste à demander la suppression du deuxième paragraphe.
M. Tesch. - Comme le deuxième paragraphe de l'article 4 pourrait donner lieu à quelques doutes, je voudrais qu'ils fussent levés par des explications.
Je voudrais savoir si la commune pourra réunir dans le même local l'athénée et le pensionnat. |
M. Dequesne. - Sans doute; on le dit dans le rapport.
M. Tesch. - Fort bien, mais je désire que M. le ministre s'en explique.
Je pose une autre question. Je demande si la commune pourra traiter avec l'un ou l'autre professeur de l'athénée, avec le directeur des études par exemple, comme particulier.
M. Delfosse. - L'honorable M. de Brouckere croit que l'on touche à la loi communale, qu'on enlève par ce paragraphe le droit qui appartient aux conseils communaux de créer des pensionnais, de traiter avec des particuliers pour la création de pensionnats, sous l'approbation de l'autorité supérieure. Je ne le pense pas. Ce droit restera entier. Les conseils communaux pourront, après comme avant la loi, traiter avec des particuliers pour la création de pensionnats.
Mais le paragraphe que l'honorable M. de Brouckere combat, dit quelque chose de plus. On aurait pu élever la question de savoir si l'administration communale aura le droit d'annexer un pensionnat à un établissement de l'Etat.
C'est à cette question que le paragraphe 2 de l'article 4 répond. C'est dans ce sens qu'il doit être entendu.
Toutefois, pour donner satisfaction entière à l'honorable M. de Brouckere, je proposerai un léger changement de rédaction. Je proposerai de dire : « Pour la tenue de pensionnais annexés à l'athénée ou à l'école moyenne. »
M. de Brouckere. - Cela n'exclura pas le droit des communes, d'établir d'autres pensionnats?
M. Delfosse. - Le droit des communes, sous ce rapport, reste entier; la loi ne change rien aux attributions des conseils communaux en ce qui ne concerne pas les établissements dont elle s'occupe.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'article 4, qui n'a pas donné lieu à une longue discussion, renferme un principe d'une très haute importance, d'une très grande portée; il déclare en quelque sorte que l'éducation est séparée de l'instruction. Le gouvernement n'intervient pas dans l'éducation proprement dite; il laisse l'éducation aux familles et à la commune qui est la représentation plus directe des familles.
C'est là, messieurs, une innovation qui amoindrit de beaucoup les observations qui ont été produites dans cette enceinte en ce qui concerne l’enseignement religieux. Pour les pensionnats il y a liberté complète d'arrangements avec le clergé quant à la manière dont l'enseignement religieux pourra être donné. C'est là une affaire purement communale. La commune pourra traiter avec le clergé, comme la famille pourrait traiter avec le clergé. C'est là un point très important, sur lequel je me propose d'appeler l'attention de la chambre lors de la discussion de l'article 8.
Voilà, messieurs, une première différence entre notre système et le système français. En France, les pensionnats sont réunis aux écoles; l'éducation est réunie à l'instruction. Il y a une autre différence, c'est que dans nos écoles il n'y a pas d'enseignement de la philosophie, enseignement contre lequel les adversaires du régime universitaire ont si vivement protesté, en France, et qu'ils ont considéré comme capable de détruire tout l'effet de l'instruction religieuse. Je reviendrai aussi sur ce point, à l'occasion de l'article 8, si tant est qu'il donne encore lieu à une discussion plus ou moins longue; mais j'appelle dès à présent l'attention de la chambre sur l'importante innovation que consacre l'article 4 en ce qui concerne la séparation entre l'instruction et l'éducation.
Maintenant, messieurs, beaucoup de communes ont aujourd'hui des pensionnats annexés aux établissements d'instruction ; nous ne voulons pas priver les communes de cet avantage. Des constructions ont été faites (page 1295) à grands frais par diverses communes, pour ces pensionnats; eh bien, ces locaux pourront conserver leur destination, et la commune s'entendra pour la direction du pensionnat, soit avec un particulier, soit avec un membre du clergé, soit même avec un professeur ou avec le directeur de l'école, dans certains cas. La commune est entièrement libre à cet égard.
Mais il est bien entendu que dans ces pensionnats il n'entrera que des élèves de l'athénée ou de l'école moyenne. On ne peut pas admettre qu'un pareil pensionnat reçoive les élèves de tous les établissements. Il ne convient pas que la commune établisse une espèce d'auberge ouverte au premier venu. Rien n'empêchera, du reste, les grandes communes, si elles le jugent convenable, d'établir des pensionnats pour les élèves d'établissements quelconques; mais le pensionnat destiné aux élèves de l'école moyenne ou de l'athénée ne pourra pas en recevoir d'autres.
Quant au collège purement communal, la commune pourra y annexer un pensionnat comme elle l'entendra; sous ce rapport, elle sera entièrement libre.
L'honorable M. Tesch m'a adressé une question à laquelle j'ai déjà, je pense, répondu. Il est bien entendu que les communes pourront établir leur pensionnat dans les locaux affectés à l'école moyenne et à l'athénée et que, d'un autre côté, elles pourront traiter pour la direction du pensionnat, soit avec un professeur de l'école, soit avec le directeur, bien qu'il puisse y avoir certains inconvénients à ce que le directeur de l'école soit chargé de la direction du pensionnat; mais il faudra, en cela, comme en beaucoup d'autres points, se régler d'après les besoins et les convenances des localités.
Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Delfosse.
- L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopté.
L'article 4 ainsi amendé, est ensuite adopté.
« Art. 5. Les établissements communaux d'instruction moyenne reçoivent une organisation analogue à celle des établissements du gouvernement; ils portent la dénomination de collèges ou d'écoles moyennes communales.
« Ils sont soumis à un régime différent, quant à l'intervention de l'autorité supérieure, selon qu'ils sont rangés dans l'une des trois catégories suivantes :
« 1° Etablissements communaux subventionnés par le trésor public;
« 2° Etablissements communaux entretenus exclusivement par le budget communal ou provincial;
« 3° Etablissements privés auxquels la commune accorde son patronage, soit purement et simplement, soit en leur fournissant des subsides ou des immeubles. »
M. Delfosse a proposé de supprimer dans le dernier paragraphe les mots :« soit purement et simplement, soit... »
M. Delfosse. - Messieurs, le motif de mon amendement est bien simple. Je pense que la résolution par laquelle une commune prendrait sous son patronage un établissement privé, sans lui accorder ni subside, ni bâtiments, je pense que cette résolution n'a pas assez d'importance pour entraîner la soumission de cet établissement aux dispositions de la loi.
Si vous adoptiez mon amendement, il faudrait aussi rayer de l'article 32 les mots que je propose de supprimer à l'article 5.
Je ne concevrais pas que l'on soumît à l'approbation royale la délibération d'un conseil communal qui se bornerait à recommander un établissement aux pères de famille. Une telle résolution ne peut produire qu'un effet purement moral et l'effet produit resterait nonobstant le refus d'approbation du Roi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne m'opposerai pas à la proposition de M. Delfosse. Cependant je dois déclarer que c'est une concession que nous croyons devoir faire.
Il s'agit de bien s'entendre ici. Par exemple, si une commune, sans donner ni bâtiment ni subside à un collège privé, consentait cependant à ce que ce collège prît le nom de la commune. Eh bien, je ne pense pas qu'une concession pareille, faite à un collège privé, dût soustraire ce collège aux prescriptions de la loi. Mais s'il ne s'agissait que d'un patronage purement moral, je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on adopte l'amendement de l'honorable M. Delfosse.
M. de Haerne. - Messieurs, si j'ai bien compris l'amendement de l'honorable M. Delfosse, je pense qu'il va un peu plus loin que ne le voudrait M. le ministre de l'intérieur; car l'honorable M. Delfosse veut supprimer les mots « purement et simplement », et dès lors, il reste dans l'article les mots : « Soit en leur fournissant des subsides ou des immeubles. » Il semble qu'après l'adoption de l'amendement, le collège pourrait conserver le nom de collège de la ville.
Pour ma part, je n'attache que fort peu d'importance à cet objet. Je dirai cependant que le collège auquel j'appartiens est dans cette position; c'est un établissement patronné, qui, en vertu d'une convention faite avec la ville, porte le titre de collège de Courtray. J'attache du reste, je le répète, peu d'importance à cette dénomination ; c'est à peu près la même chose de dire « collège de Courtray » ou « collège établi à Courtray. »
J'appuie l'amendement de l'honorable M. Delfosse. L'amendement fait droit aux observations que j'avais faites dans la discussion générale ; de même que l'amendement présenté par l'honorable membre à l'article précèdent rentrait également, à peu de chose près, dans ma pensée.
Voilà ce que je crois devoir dire sur le troisième paragraphe de l'article; il paraît y avoir équivoque.
M. Delfosse. - Messieurs, un collège particulier ne peut pas s'appeler collège communal. Si c'était un collège communal, il tomberait sous le régime de la loi, puisque nous soumettons à certaines dispositions de la loi les collèges exclusivement communaux ; si un collège n'était communal que de nom; si l'administration communale en abandonnait la direction à un tiers, il y aurait là une délégation défendue par la loi.
Mon amendement a pour but unique de ne pas soumettre aux prescriptions de la loi les établissements qu'une administration communale trouverait bon de recommander aux pères de famille, ceux auxquels elle donnerait un témoignage public de sympathie.
Je ne veux pas que pour ce seul fait, on soumette ces établissements aux dispositions de la loi.
M. de Brouckere. - Messieurs, je me rallie à ce que vient de dire l'honorable M. Delfosse. Le collège dirigé par l'honorable M. de Haerne continuera à s'appeler le collège de Courtray, mais il ne pourra prendre le nom de collège communal de Courtray.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, nous sommes d'accord. J'ai dit que la commune ne pouvait pas donner le titre de collège communal à un collège patronné, sans le soumettre aux prescriptions de la loi. Le collège dont on parle pourra continuer à s'appeler collège de Courtray, de même que tout autre collège particulier qui viendrait s'établir à côté de celui-ci, pourrait s'appeler collège de Courtray.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il est indispensable de modifier la rédaction de l'article 5. Les deux premiers paragraphes portent :
« Les établissements communaux d'instruction moyenne reçoivent une organisation analogue à celle des établissements du gouvernement; ils portent la dénomination de collèges ou d'écoles moyennes communales.
« Ils sont soumis à un régime différent, quant à l'intervention de l'autorité supérieure, selon qu'ils sont rangés dans l'une des trois catégories suivantes :
« 1° Etablissements communaux subventionnés par le trésor public;
« 2° Etablissements communaux entretenus exclusivement par le budget communal ou provincial. »
Au 3° paragraphe on trouve :
« Etablissements privés auxquels la commune accorde son patronage, soit purement ou simplement, soit en leur fournissant des subsides ou des immeubles. »
Les établissements privés ne sont pas des établissements communaux; il faudrait donc supprimer le pronom « ils » dans le second paragraphe, et puis dire :
« 1° Les établissements, etc.
« 2° Les établissements, etc.
« 3° Les établissements, etc.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Delfosse est mis aux voix et adopte.
L'amendement de M. le ministre des finances est ensuite mis aux voix et adopté.
L'article 5 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Les résolutions des conseils communaux, portant fondation d'un établissement d'instruction moyenne, sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et ne peuvent recevoir leur exécution qu'après avoir été approuvées par le Roi.
« Par suite de la présente loi, les communes auront à décider, endéans les trois mois, si elles entendent maintenir les établissements d'instruction moyenne dans lesquels elles interviennent soit directement soit indirectement, et dans quelle catégorie elles veulent les faire rentrer. Ces résolutions sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi. »
Cinq amendements ont été présentés à cet amendement.
(Amendement présenté par M. de Brouckere.)
« Les résolutions des conseils communaux portant fondation d'un établissement d'instruction moyenne sont soumises à l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, conformément à l'article 77 de la loi communale.
« Les communes, etc. »
(Amendement présenté par M. Orts.)
« Les établissements d'enseignement moyen, fondés ou entretenus par les communes ou les provinces sans le concours du gouvernement, ne sont soumis au régime de la présente loi qu'en ce qui concerne l'inspection et le concours.
« Toutefois, les communes et les provinces ne peuvent déléguer à des tiers, en tout ou en partie, les droits que la loi leur confère sur leurs établissements d'instruction publique. »
Vient ensuite l'amendement proposé par M. Van Hoorebeke, qui se rattache au paragraphe 2.
« § 2. Les communes auront à décider, endéans les six mois, si elles entendent maintenir leurs établissements d'instruction moyenne érigés à leurs frais.
(page 1296) « Les communes auront aussi à décider, dans le même délai, si elles entendent maintenir les contrats signés antérieurement à la publication de la présente loi et qui ont eu pour but d'allouer soit un subside, soit la jouissance d'un immeuble à des établissements d'instruction libre. »
Puis l’amendement de M. Osy, portant :
« Les écoles moyennes ou communales, même quand elles reçoivent des subsides, sont librement administrées par les communes. »
Enfin l'amendement propose par la section centrale, qui fait de l'article 6 deux articles séparés sous les n°6 et 7, et ainsi conçus :
(Voir plus haut.)
M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il se rallie à l'amendement de la section centrale; s'il s'y ralliait, il n'y aurait pas, en cas d'adoption, lieu à un second vote.
M. de Theux. - Je crois que, lors même que le gouvernement se rallierait à un amendement ainsi présenté, il devrait être soumis à un second vote ; la matière est assez importante pour ne pas s'en tenir à un seul examen. Je pense qu'il convient que cette proposition soit considérée comme amendement.
M. Delfosse. - Je ne veux pas soulever actuellement de discussion sur ce point. Je me bornerai à faire remarquer qu'il est d'usage que les amendements proposés par la section centrale, auxquels le gouvernement s'est rallié, ne soient pas soumis à un second vote.
M. le ministre se rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Par esprit de conciliation, je me rallierai à l'amendement présenté par la section centrale au paragraphe premier de l'article; il autorise la commune à fonder un établissement d'instruction de sa pleine autorité, sauf seulement l'approbation de la députation et avec cette nouvelle garantie pour la commune que, en cas de refus de cette approbation, la commune aura recours au Roi.
Quant au deuxième paragraphe de l'article 6, nous faisons d'autant moins de difficulté de nous y rallier qu'il ne fait qu'expliquer, autant que ce pouvait être nécessaire, l'article 7, qui ne pouvait avoir d'autre portée que de déclarer nulle toute convention par laquelle une commune aurait fait abdication de ses droits entre les mains d'un tiers.
Voilà toute la portée de la disposition; sous ce rapport, l'explication peut être utile; je me rallie donc au paragraphe qui explique la pensée de la loi.
M. Orts. - Pour simplifier la discussion, je crois devoir déclarer que je me rallie à l'amendement de la section au paragraphe premier de l'article 6, de sorte que mon amendement à cet article vient à tomber. Mais comme ma proposition contenait quelque chose de plus je me réserve de le reproduire aux articles 30 et 31 du projet.
M. le président. - Il reste quatre amendements.
M. Dechamps. - Pour simplifier la discussion de la loi, je propose de comprendre dans la discussion actuelle l'article 32 de la loi. Nous allons discuter la question des collèges à conventions; par l'article 32 la loi règle les conditions auxquelles ces conventions seront autorisées. Si on ne réunit la discussion de l'article 32 à celle de l'article 6, nous aurons deux fois la même discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne vois pas d'inconvénient à la réunion proposée.
M. de Haerne. - Je demanderai à M. le ministre s'il se rallie à la rédaction de l'article 32, proposée par la section centrale.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faudra d'abord supprimer de l'article 32 les mots : « purement et simplement ». Nous nous rallions de plus à la rédaction proposée par la section centrale.
M. Delfosse. - Il faut, dans l'article 52, après les mots « pour un terme de 10 ans, » ajouter : « au plus ». Dans la pensée de la section centrale les conventions ne doivent pas avoir une durée de plus de 10 ans.
M. le président. - L'article 32 auquel s'est rallié M. le ministre se trouve ainsi conçu :
« La commune dans laquelle il n'aura été établi ni un athénée royal, ni un collège communal, pourra, avec l'autorisation du Roi, de l'avis conforme de la députation permanente du conseil provincial, accorder, pour un terme de de dix ans au plus, son patronage, en lui concédant des immeubles ou des subsides. L'établissement est soumis au régime d'inspection.
« En cas d'abus grave ou de refus de se soumettre aux prescriptions de la loi, les subsides et la jouissance des immeubles sont retirés par arrêté royal, le conseil communal entendu, et sur l'avis conforme de la députation permanente. »
M. de Brouckere. - Je retire mon amendement au premier paragraphe de l'article 6. Je maintiens la proposition que j'ai faite de supprimer le deuxième paragraphe.
M. de Luesemans. - J'avais quelques observations à présenter sur l’article 6. J avoue que les changements qui viennent d'être apportés par la section centrale sont assez importants.
Mes observations portaient notamment sur le premier paragraphe de l’article 6. Il me semblait que l'approbation de la députation permanente devait dans tous les cas suffire.
Maintenant que cette première question est décidée, je dois abandonner la discussion sur ce premier point.
J'avais aussi quelques mots à dire sur le deuxième paragraphe concernant les établissements patronnés. Avant d'entamer la discussion, et même avant de décider si j'y prendrai part, je désirerais savoir ce qu'on entend par les établissements exclusivement communaux, dont parle l'amendement de la section centrale.
Il s’agit, je pense, dans ce paragraphe, d’établissements patronnés. Il ne peut donc y être question d’établissements communaux. Ces établissements patronnés sont entièrement libres ; aux termes de l’article 32 de la loi, la commune est autorisée à leur accorder soit des subsides, soit un local. Mais qu'est-ce que la section centrale a entendu par établissements exclusivement communaux ? Quelles sont les conditions requises pour qu'un établissement soit communal? On ne le dit pas.
M. Dequesne. - L'honorable membre n'a qu'à lire l'article 30. On y définit les établissements exclusivement communaux.
M. de Luesemans. - L'article 6 du projet du gouvernement était ainsi conçu :
« Art. 6. Les résolutions des conseils communaux, portant fondation d'un établissement d'instruction moyenne, sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et ne peuvent recevoir leur exécution qu'après avoir été approuvées par le Roi. »
(Ce paragraphe est relatif aux établissements à créer pour l'avenir, soit avec, soit sans le concours du gouvernement. Il ne s'agit pas d'établissements patronnés.)
« Par suite de la présente loi, les communes auront à décider, endéans les trois mois, si elles entendent maintenir les établissements d'instruction moyenne dans lesquels elles interviennent soit directement soit indirectement, et dans quelle catégorie elles veulent les faire rentrer. Ces résolutions sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi. »
Voilà quel était le deuxième paragraphe. La section centrale en modifie le commencement comme suit. « Par suite de la présente loi, les communes auront à décider endéans les six mois (le reste comme au projet). » Ce paragraphe s'applique-t-il aux établissements fondés par la commune, actuellement existants, créés par elle, ou aux établissements patronnés?
M. Dequesne, rapporteur. - A tous.
M. de Luesemans. - Le troisième paragraphe est ainsi conçu :
« Les communes ne peuvent déléguer à un tiers, en tout ou en en partie, l'autorité que les lois leur confèrent sur leurs établissements d'instruction moyenne. »
Cependant la section centrale vient de faire une exception, qu'elle propose dans les termes suivants :
« Toutefois l'approbation de la députation permanente suffit pour les établissements exclusivement communaux, sauf recours au Roi, en cas de refus. »
De manière que, si j'ai bien compris, ce passage ne s'applique pas aux collèges patronnés, qui restent cependant soumis à l'autorisation de la députation permanente et à l'autorisation royale.
M. Dequesne, rapporteur. - C'est cela.
M. de Luesemans. - D'après l'article 6, troisième paragraphe, qui devient l'article 7 nouveau, la commune ne peut déléguer à un tiers, en tout ou en partie, l'autorité que les lois leur confèrent sur leurs établissements d'instruction moyenne. Quant à moi, j'admets complètement cette disposition. Mais je désirerais également savoir si, en admettant la nouvelle disposition de la section centrale, le gouvernement entend faire cesser immédiatement l'effet des conventions qui ont été faites avec des tiers.
Il faut remarquer que, quoi qu'on en ait dit, la disposition introduite par la section centrale est, quant à la loi, une disposition entièrement nouvelle. M. le ministre de l'intérieur me fait un signe négatif. Je crois cependant qu'il ne me sera pas difficile de le lui prouver.
Ainsi que l'a dit l'honorable M. Van Hoorebeke, les conventions qui ont été passées légalement et au sujet desquelles il n'y a pas eu d'arrêté d'annulation dans le délai voulu par l'article 87 de la loi communale, sont devenues inattaquables, si ce n'est dans les cas prévus par la loi. (Interruption.)
Je n'entre pas dans le fond de la question. Je désire seulement établir que la disposition est nouvelle et que, d'après la disposition primitivement proposée par le gouvernement et par la section centrale, le gouvernement ne pouvait frapper ces conventions de nullité. Elle donnait au gouvernement la faculté de ne pas les approuver parce que les communes étaient obligées de faire une nouvelle déclaration; ce qui est bien différent. Aujourd'hui d'après le projet de la section centrale, toutes ces conventions sont nulles; elles ne sortent pas leur effet. Je dis que c'est une disposition entièrement nouvelle. Je désirerais en connaître les effets.
Il ne faut pas se dissimuler que c'est là un des points très graves du débat. C'est un point extrêmement important. Ces conventions ont été faites sous l’empire d'une législation autre que la loi actuelle. Parmi ces conventions, il en est plusieurs dont la légalité a été discutée entre le gouvernement et les communes, plusieurs dont la légalité a été reconnue après de longs débats.
Je citerai la commune de Lierre, qui avait commencé par prendre une résolution par laquelle elle abandonnait à l'archevêque de Malines la nomination de tous les professeurs. Le gouverneur de la province d'Anvers et la députation permanente ne voulurent pas sanctionner cette convention. C’était une contravention formelle à l'article 87 de la loi communale; cette convention ne pouvait donc être exécutée dans les termes dans lesquels elle était conçue, et le gouverneur agit légalement en ne l'approuvant pas.
La commune de Lierre prit une nouvelle détermination, par laquelle elle abandonnait son collège communal. Elle fit une nouvelle (page 1297) convention avec l'archevêque de Malines, et elle se borna à accorder un subside et un local. La nomination des professeurs appartenait à l'archevêque.
M. de Perceval. - Cette convention a été annulée par l'administration communale, il y a six mois. Elle n'existe donc plus.
M. de Luesemans. - Je ne le conteste pas. C'est un principe que je discute. Je ne cite ici la convention de Lierre que comme un exemple.
Pour abréger ce débat préliminaire, je demanderai s'il est possible au gouvernement de donner des explications catégoriques, non sur ses intentions, non sur la portée légale que nous apprécions tous, mais sur les effets de la disposition. Quelle sera la position des communes tombant sous l'application de la loi, dont les collèges patronnés continueront à exister?
Le gouvernement a tous les documents sous les yeux; il peut nous donner des renseignements complets et la législature, qui est aujourd'hui appelée à exercer ses prérogatives et ses droits, conformément à l'article 87 de la loi communale, pourra dès lors se prononcer en pleine connaissance de cause et appliquer sa résolution aux communes elles-mêmes, à la suite des explications du gouvernement.
Ainsi, messieurs, je désirerais connaître quelles sont les communes qui tomberont sous l'application de la loi, quelles sont celles dont le patronage sera autorisé; quelles sont celles dont les conventions doivent être annulées. Je prie la chambre de remarquer que je ne préjuge rien, que je ne viens pas défendre les droits des communes qui ont abandonné leurs prérogatives, leurs droits et leur autorité; il s'en faut de beaucoup. Je demande que, par forme d'instruction préalable, le gouvernement veuille nous dire sur quelles conventions nous avons à nous prononcer : Je ne suis arrêté que par un scrupule légal. Je crois que la chambre a besoin de connaître quels seront les effets de l'article 7 que la section centrale nous propose. S'il n'en était ainsi, le dernier paragraphe du nouvel article 7 me semblerait inutile, puisque le gouvernement aurait le droit, en vertu de l'article 6, de ne sanctionner aucune des résolutions des conseils communaux, et par suite d'annuler toutes les conventions, même celles dont la légalité n'est pas contestable, même celles qui auraient été faites dans les termes de l'article 32 qui est en discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la loi consacre l'existence de trois catégories d'établissements en ce qui concerne les communes. Il y aura le collège communal subsidié par le gouvernement; c'est la première et la grande catégorie probablement. Il y aura le collège communal libre, ne recevant pas de subside de l'Etat. En troisième lieu, il y aura le collège libre, subsidié par la commune, c'est ce que nous appelons le collège patronné. Quant aux collèges auxquels la commune aurait fait abandon de ses droits, ceux-là sont abolis en vertu de la loi actuelle. A partir de 1848, personne n'a plus admis comme légale l'existence de ces établissements.
Une fois la loi mise à exécution, que va-t-il se passer? Les conseils communaux vont délibérer sur le point de savoir dans quelle catégorie ils placeront ou maintiendront les collèges dont il s'agit; veulent-ils en faire un collège communal subsidié, ils en délibéreront; veulent-ils se passer de tout subside de l'Etat, ils le décideront, et leur délibération ne devra même pas être soumise à l'approbation royale.
Maintenant veulent-ils changer le mode de patronage ou transformer la convention par laquelle ils ont aliéné leurs droits en tout ou en partie, veulent-ils transformer ce patronage en un patronage légal, c'est-à-dire accorder des subsides ou des bâtiments à des collèges libres, alors aussi, ils en délibéreront; mais dans ce cas leur délibération devra être soumise à l'approbation du Roi.
Pourquoi, dites-vous, cette exception? Vous permettez aux communes d'établir des collèges purement communaux et vous ne leur permettez pas de subsidier un collège privé, sans l'approbation royale? Il y a des raisons, messieurs, pour faire cette distinction : lorsque la commune établit un collège communal, elle s'adresse à tous les intérêts, c'est un collège destiné à tous les habitants sans distinction d'opinion; lorsque la commune patronne un établissement privé, elle fait acte de préférence; elle fait, dans certains cas, acte de parti; elle favorise un collège qui peut ne pas convenir à tout le monde....
M. Dedecker. - Il est censé convenir à tout le monde, puisque la commune l'adopte.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - M. Dedecker verra qu'il peut se présenter des cas où il serait parfaitement de mon avis.
Quand nous faisons une loi destinée à durer, nous ne pouvons pas raisonner d'après les faits actuels; il faut bien voir devant soi. Je suppose que certains conseils communaux, et cela n'est pas tout à fait impossible, que certains conseils communaux se composent en majorité.... voyons, tranchons le mot, de socialistes, d'une majorité dont l'opinion répugnât soit à l'esprit conservateur, soit à l'esprit religieux des habitants de la commune.
M. Dedecker. - Ce n'est pas de cela que vous vous effrayez.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quand nous faisons une loi, nous devons prévoir ses conséquences. Aujourd'hui vous voulez faire la loi dans tel sens parce que vous ne voyez qu'un seul ordre de faits; mais permettez-nous de faire observer que la liberté peut amener autre chose que des établissements dirigés par le clergé.
Ne venons-nous pas de voir, en France, sous l'empire de la nouvelle loi, surgir des écoles que l'on a cru devoir fermer immédiatement? Croyez-nous que, dans un cas pareil, l'intervention du pouvoir central offrît de bien grands inconvénients
M. Dedecker. - Mais si cette majorité socialiste fonde un établissement purement communal?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Fonder un collège est chose : plus difficile que de subsidier un établissement privé et nous avons encore l'approbation de la députation.
M. Dedecker. - Ici également.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Sans doute il eût mieux valu conserver aussi l'approbation royale pour ce genre d'établissements. Aussi, j'ai dit que je faisais une concession à la liberté communale qu'on a tant de fois invoquée dans cette discussion.
En fait, messieurs, comment les choses vont-elles se passer? Une administration communale, composée de pères de famille, décidera qu'il convient de maintenir dans la commune un établissement privé et de lui donner un subside ou un local, parce qu'il répond aux besoins de la localité et aux vœux des pères de famille. La députation permanente émet un avis favorable. Croyez-vous, messieurs, que le gouvernement va se mettre en opposition ouverte avec le conseil communal et avec la députation? Pourquoi? Dans quel intérêt détruire un collège privé soutenu par la commune et la province? Cela n'est pas vraisemblable. Une pareille supposition n'est pas raisonnable.
En réalité, messieurs, les délibérations des conseils communaux, qui seront régulières, qui n'abandonneront pas à un établissement privé l'autorité appartenant à la commune, qui se borneront à accorder des subsides ou des bâtiments à des conditions raisonnables et favorables à la prospérité de l'établissement dont il s'agit, de pareilles délibérations obtiendront l'approbation de la province et du gouvernement, et même, s'il arrivait qu'une députation provinciale, animée d'autres vues politiques que le conseil communal, refusait son approbation, il y aurait le recours à l'intervention impartiale du gouvernement. Et quel est ici, messieurs, l'intérêt du gouvernement? C'est de répandre l'instruction par tous les moyens possibles, par la liberté comme par l'intervention de l'Etat. Je l'ai déjà dit, messieurs, si la liberté suffisait, l'intervention de l'Etat serait beaucoup moins nécessaire ; mais aussi longtemps que la liberté n'aura pas produit tous ses fruits, l'intervention de l'Etat sera indispensable. Ce qui est certain, c'est que le gouvernement n'est animé d'aucune espèce d'esprit d'hostilité contre les établissements libres ; il désire beaucoup, au contraire, leur prospérité complète.
Quel intérêt le gouvernement aurait-il à détruire dans une localité un collège qui convient aux familles? (Interruption.) Je sais bien que l'honorable M. Coomans envisage la question sous un point de vue beaucoup plus passionné; mais quant à moi je ne suis animé d'aucun esprit d'hostilité contre ces collèges. J'aime mieux ceux du gouvernement sans doute; je suis homme public et j'ai plus de confiance dans les établissements qui se trouvent sous le régime de la loi; mais les établissements libres sont nécessaires dans l'intérêt même des établissements de l'Etat; les uns et les autres doivent se stimuler et non pas s'entre-détruire.
Voilà donc, messieurs, en fait comment les choses se passeront. Et ici encore j'ai le droit de dire que l'on a jeté de vaines frayeurs dans quelques communes.
Il existe un certain nombre de communes qui ont depuis longtemps de ces collèges que je ne veux pas juger au point de vue de l'importance de l'enseignement, mais enfin, qui conviennent à la population; ces communes continueront à leur accorder des bâtiments, des subsides ; les députations probablement donneront leur assentiment; le gouvernement se ralliera à l'avis de la députation, et si même les députations allaient trop loin, il est certain que le gouvernement viendrait en aide aux communes.
Sous ce rapport encore, la loi actuelle ne fera que régulariser un état de choses précaire et incertain; elle apportera des garanties nouvelles de consolidation à tous ces collèges. Loin donc de craindre les résultats de la loi, vous devriez y applaudir. Il était temps pour la liberté, comme pour l'action de l'Etat, que la loi vînt poser des limites et apporter des garanties.
Une seule forme de convention, messieurs, viendra à tomber, c'est celle dont aucun de nous ne peut vouloir, c'est la convention connue sous le nom de convention de Tournay et où le conseil communal délègue ses droits au clergé.
Les collèges qui se trouvent sous le régime de semblables conventions devront être transformés, et je pense que les conseils communaux ne seront pas embarrassés de faire ce qui a déjà été fait dans certaines localités; ils trouveront très facilement le moyen de rentrer dans le régime de la loi. Quant à moi, je ne demande pas mieux que de voir subsister et se multiplier les écoles libres dans le pays.
M. de Haerne. - Avant d'entrer dans la discussion de cet article important et des amendements qui s'y rapportent, je désire adresser encore quelques questions à l'honorable ministre de l'intérieur. Il y a encore un peu de vague ; je désire fixer mes propres idées à cet égard.
On a parlé des collèges à conventions, et il semble que, d'après la rédaction de la section centrale, si la loi passe, toutes ces conventions sont annulées, sauf à les faire régulariser par le gouvernement, sauf a demander pour l'avenir l'approbation du gouvernement; alors, si le gouvernement accepte les conventions ou s'il les modifie dans un certain sens, les collèges admis à titre de convention subiront le régime de la loi, (page 1298) c'est-à-dire qu'ils subiront l'inspection, qu'ils seront soumis au concours, et qu'ils encourront aussi la formalité prescrite par l'article 32, et qui tend à les supprimer, en cas d'abus grave...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les collèges privés subventionnés par la commune tombent sous le régime de la loi.
M. de Haerne. - Les établissements patronnés...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Patronnés par des subsides.
M. de Haerne. - Ainsi les collèges patronnés à titre d'acceptation de subsides ou de locaux tombent sous le régime de la loi; ils peuvent faire ratifier les conventions, mais le gouvernement peut y apporter des modifications, et lorsqu'on tombe d'accord, ces collèges subissent le régime de la loi.
Eh bien, si la question est ainsi bien posée, je dis que cela s'appelle annuler ces conventions, renverser les collèges qui sont établis sur ces bases. On peut différer d'opinion quant à l'opportunité et à l'efficacité ou l'utilité de la mesure, mais on ne peut pas nier que c'est là renverser les collèges de cette catégorie.
Ce n'est pas une question de théorie. J'entre ici dans la réalité des choses. Dans la plupart des cas qui se présentent, l'on n'entend pas se soumettre aux conditions que le projet de loi propose.
On trouve une gêne dans l'inspection; on juge que le concours n'est pas entouré d'assez de garanties, quant aux établissements libres ; on trouve aussi qu'il y a de l'arbitraire dans l'article 32, quant à la possibilité de la suppression de ces collèges lorsqu'il existera ce qu'on appelle des abus graves.
Plusieurs de ces collèges sont établis d'après des conventions conclues en due forme, approuvées par les députations permanentes. Le collège de Courtray se trouve dans cette catégorie. Ces contrats ont été conclus à titre onéreux de la part de ceux qui gèrent cette entreprise, et qui y ont mis un capital de 20,000, de 30,000 ou de 40,000 fr. pour le mobilier, pour l'établissement du gaz, pour d'autres objets, nécessaires ou très utiles à l'établissement.
Or, je demande si l'on peut aller jusqu'à rayer d'un trait de plume une telle convention. Dans ma conviction, les établissements qui se trouvent dans cette position auront une action civile contre la ville, et la ville, à son tour, pourra peut-être exercer une action contre le gouvernement, (interruption.) et l'on dirait que ce n'est pas froisser la liberté communale que d'en venir à ces extrémités !
On dit qu'on vendra les meubles et tout ce qui appartient à l'établissement; mais vous comprenez bien que tout cela a une valeur relative ; je dis que c'est une criante injustice que l'on commet envers ces établissements et les villes où ils se trouvent, et je ne pense pas qu'on peut en droit procéder de cette manière.
Je crois que les collèges à conventions doivent être soumis au droit commun établi par la loi communale; nous voulons que la commune exerce sa liberté dans toute l'étendue de ce droit, et qu'à propos d'instruction, on n'aille pas leur imposer des entraves particulières, et créer un régime exceptionnel.
Il en est des collèges comme d'autres entreprises auxquelles peuvent se livrer les conseils communaux; par exemple, un conseil communal contracte avec une société, avec un particulier, pour l'établissement du gaz, pour un terme de 5, de 6 ou de 20 ans. Eh bien, nous voulons qu'à l'égard de l'instruction, on ne prescrive pas des formalités particulières ; nous voulons que la commune reste soumise à l'autorisation ordinaire exigée en pareille matière. On viole la liberté communale dès qu'on s'écarte du droit commun.
En fait d'instruction, il y a aussi une question d'intérêt matériel; et j'entends que les particuliers qui contractent avec la commune pour l'organisation de l'instruction publique subissent toutes les formalités requises en pareille matière; moi je ne veux pas qu'on établisse un régime particulier, parce, que cela me paraît odieux.
On est allé jusqu'à contester la liberté de la commune, l'on a dit que la commune ne jouit pas de cette liberté que nous voulons lui octroyer. L'on a établi, à cette occasion, une comparaison entre l'article de la Constitution, relatif à l'instruction, et l'article concernant le droit d'association. On nous a dit : Vous prétendez que les communes ont les mêmes droits que les particuliers, quant à l'instruction publique; donc, selon vous, les communes ont aussi le droit de s'associer.
Messieurs, permettez-moi de le dire: C'est là un sophisme.
Les communes sont libres dans les limites tracées par la Constitution, c'est-à-dire dans les limites de leurs intérêts. Je vais jusqu'à dire que lorsqu'un intérêt communal exigerait une association entre diverses communes, on ne pourrait pas refuser aux communes le droit de s'associer. Et cela a lieu de fait. Les communes s'associent quelquefois pour la voirie vicinale, pour l'écoulement des eaux, pour l'établissement du gaz, etc. Ce sont là de véritables associations. Les communes peuvent s'associer comme les particuliers; elles jouissent, comme les particuliers, de la liberté d'instruction sous les restrictions imposées par le droit commun. C'est ainsi que les particuliers jouissent des libertés publiques, en subissant le droit commun, quant aux délits commis dans l'exercice de ces libertés.
Messieurs, nous sommes en présence, non seulement de l'article, mais de plusieurs amendements, et ces amendements améliorent plus ou moins le système du projet de loi, Je l'avoue cependant, parmi ces amendements je n'en vois pas encore qui répondent tout à fait à ma manière de voir. Je crois qu'ils imposent toujours trop de formalités, trop d'entraves à la liberté communale. Sous ce rapport, je suis conséquent avec les opinions que j'ai émises depuis longtemps dans cette enceinte. Au Congrès national, quand il s'est agi de l'article 17 relatif à l'instruction, j'ai présenté un amendement conçu en ces termes. La surveillance en matière d'instruction ne pourra s'exercer que sur les établissements du gouvernement. J'entendais bien par là conserver dans toute son intégrité la liberté communale, quant à la direction des établissements communaux. Il est vrai que j'ai retiré cet amendement. Mais quand on lit la discussion, quand on s'en pénètre, quand on examine de bonne foi ce qui s'est passé, on est convaincu que telle est la pensée qui dominait le Congrès.
Pourquoi ai-je retiré mon amendement? Sur l'observation de M. de Brouckere, qui m'a fait remarquer que l'amendement était inutile, que la pensée en était acceptée virtuellement par l'article, qu'il était d'accord avec moi, que l'article 17 consacrait la liberté de la commune en fait d'instruction, comme la liberté des particuliers. Telle était mon opinion, telle était l'opinion de la grande majorité du Congrès. C'est ma conviction.
Appliquant ces idées à la question qui nous occupe, pour rester conséquent avec ces principes, il faut admettre la liberté communale, sans restriction, sauf à la renfermer dans le droit commun, comme je le disais tout à l'heure. Si on n'agissait pas ainsi, le système du projet irait plus loin. Je ne vois pas comment, d'après ce système, les universités libres de Bruxelles et de Louvain peuvent échapper à l'approbation du gouvernement, à la suppression en cas d'abus graves, à la surveillance, à l'inspection. Les universités sont des établissements patronnés comme les collèges de ce nom; il n'y a pas la moindre différence.
J'ajouterai que le régime exceptionnel une fois admis pour un cas, on peut l'appliquer à bien d'autres et confisquer ainsi toutes les libertés. Voilà où mène le système du projet quant aux collèges libres patronnés par les communes.
Je dois le dire, on est injuste à l'égard des collèges patronnés, et cela résulte de ce qu'on ne les connaît pas; on ne sait pas sur quel pied ils sont organisés et par quelle voie on a été amené à les établir. On a dit entre autres choses que les professeurs attachés à ces établissements sont formés dans les écoles normales des séminaires, entretenues aux frais de l'Etat.
Je ne m'étendrai pas à faire voir que l'enseignement des séminaires est un besoin du culte que l'Etat subsidié à titre d'indemnité et compensation des spoliations exercées par les socialistes d'une autre époque; je me bornerai à demander si le séminaire est une école normale? (La chose me regarde un peu, je suis élève du séminaire). Y enseigne-t-on les branches nécessaires au professorat de l'enseignement moyen...
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous n'en savons rien.
M. de Haerne. - Je m'adresse à un honorable député de Gand, qui a fait entendre que les séminaires étaient des écoles normales établies aux frais de l'Etat, où l'on pouvait aller puiser l'instruction nécessaire pour remplir les fonctions de professeur. C'est contre cette idée que je m'élève; idée que je qualifie d'erronée, d'injuste; dans l'enseignement du séminaire, il ne s'agit pas de cours normaux pour les écoles moyennes. On n'y forme pas de professeurs, on y enseigne la philosophie et la théologie.
Quant à l'enseignement normal, savez-vous où il se donne pour les ecclésiastiques destines aux chaires des collèges? C'est à l'école normale attachée à l'université de Louvain.
Cette école normale a devancé celles du gouvernement. Avant son existence, les professeurs des écoles ecclésiastiques, pas plus que ceux des autres écoles, ne subissaient d'épreuve normale. Aujourd'hui encore ces nominations ne se font pas toutes dans l'école normale de Louvain ; mais si on prend des sujets des séminaires, on ne peut pas dire qu'ils y ont reçu une instruction normale, puisqu'il n'y en a pas. Quant aux cours normaux de Louvain qui sont une dépendance de l'université, on sait qu'ils se soutiennent par des cotisations.
Voilà ce que j'avais à dire pour répondre à une injuste accusation lancée contre les professeurs des collèges patronnés et d'où l'on voulait induire que ces établissements n'étaient pas libres, puisque le personnel enseignant appartenant à ces maisons d'éducation recevait une instruction normale aux frais de l'Etat.
Je disais tout à l'heure qu'on avait méconnu l'intérêt qui a dirigé les communes dans l'établissement des collèges patronnés ; les communes ont entendu faire acte de bonne administration, elles ont voulu faire des économies. Voilà l'esprit général qui a dominé les conventions. Ne croyez pas que, dans la plupart des cas, ce sont les établissements libres patronnés qui retirent le plus grand avantage de leur position; la plupart de ces collèges sont dans la nécessité de faire des sacrifices pécuniaires notables dans l'intérêt de l'enseignement. C'est un fait incontestable. Dans d'autres cas, un établissement communal proprement dit aurait de la peine à lutter avec une école purement ecclésiastique, telle qu'un petit séminaire. C'est pourquoi les villes trouvent alors qu'il est de leur intérêt, pour avoir un enseignement conforme aux besoins de la localité, d'adopter le système mixte qui est celui des collèges patronnés.
Les établissements adoptés ou patronnés demandent à rester tout à fait libres en ce qui concerne l’enseignement; ils se distinguent par là des établissements communaux.
Les professeurs ne sont pas nommés par la commune, celle-ci ne surveille pas l’enseignement ; s'ensuit-il que la commune n'exerce aucune influence sur ces établissements ou qu'ele n'en retire aucun avantage? Il y a de la part de la commune une influence indirecte très grande qui (page 1299) s'étend au programme d'enseignement, à l'admission d'élèves à titre gratuit, à l'importance de l'établissement sous plusieurs rapports.
Je dis d'abord, quant aux programmes, ils différent essentiellement les uns des autres ; dans telle localité, la commune exige un enseignement plus ou moins professionnel; dans d'autres, un enseignement dirigé principalement vers les études classiques ; dans d'autres localités, d'autres besoins se font sentir et l'on en tient compte. La commune, en accordant un local ou un subside, ou les deux choses à la fois, entend que la direction de l'établissement ait lieu dans un certain sens; il est vrai qu'elle n'exerce pas une surveillance directe, mais elle se réserve de rentrer dans ses droits après un certain laps de temps. C'est ainsi qu'elle tient l'établissement en respect pour le faire marcher dans la voie tracée. Il est un autre point, l'admission gratuite d'élèves ; dans la plupart de ces conventions, il est stipulé qu'un certain nombre d'élèves présentés par la commune seront admis gratuitement dans l'établissement; c'est un avantage pour la commune.
Mais il y a un troisième avantage, qui est plus grand encore, c'est celui de l'importance des établissements. Ainsi, j'ai établi tout à l'heure que dans la plupart des localités, dans les petites villes surtout, on recule devant les frais d'un établissement communal de plein exercice ; d'un autre côté, la population ne suffit pas pour qu'un collège privé puisse exister par lui-même. Alors la ville adopte un collège libre auquel elle accorde un subside. L'établissement se maintient par les sacrifices faits de part et d'autre.
Je pourrais entrer dans des détails qui ne seraient peut-être pas dignes de l'attention de la chambre.
Mais c'est un fait incontestable, auquel on ne répondra pas, que c'est généralement par des sacrifices mutuels que ces maisons se maintiennent.
Il en résultera que pour avoir un établissement de plein exercice, où l'on donne toutes les classes latines, il faudra nécessairement que le patronage continue.
Ce que je dis n'est pas une simple supposition; car dans la Flandre occidentale il a été sérieusement question de mutiler plusieurs établissements, d'en retrancher les classes latines supérieures, par mesure d'économie, parce que ces collèges avaient peine à subir les sacrifices qu'ils devaient faire. Mais par l'influence des villes le plein exercice de l'enseignement a été maintenu, malgré les sacrifices que les collèges devaient supporter. Sans cela ils se seraient exposés à perdre plus tard les subsides dont ils jouissaient.
Si l'on abandonne ces collèges à eux-mêmes, qu'arrivera-t-il? Ils se trouveront réduits à un état précaire, et on en retranchera les classes supérieures.
Je sais qu'on dira qu'on pourra établir un collège communal. Encore faut-il, pour cela, que la ville intervienne. C'est une grave question. Je crois que très souvent les villes ne seront pas disposées à faire les sacrifices nécessaires. Il y en a beaucoup qui seront dans l'impossibilité absolue de les faire. D'autres ne voudront pas y souscrire.
Quant à la position future des collèges patronnés, qu'arrivera-t-il? De trois choses l'une : ou le collège deviendra exclusivement communal ; ou il sera collège patronné, en subissant les formalités voulues; ou il se trouvera à l'état de collège libre.
Dans le premier cas, comme je viens tout à l'heure de le dire, la ville devra faire beaucoup plus de dépenses que celles qu'elle fait aujourd'hui pour son collège patronné. C'est un sacrifice, une gêne que vous imposez à la ville. C'est contraire à la liberté communale.
Il y a, du reste, des précédents. On se rappelle les arrêtés de 1825. Alors il y avait une foule de collèges patronnés qui ont été supprimés par arrête du roi Guillaume. On a établi à la place des collèges communaux. Mais la plupart sont tombés, malgré tous les efforts faits par le gouvernement, parce qu'ils n'avaient pas la sympathie des villes. Alors le gouvernement forçait les villes à établir des collèges. Malgré cette contrainte, la plupart des collèges n'ont pu se soutenir. Si l'on maintient le collège patronné, il devra subir le régime de la loi. Le principe de la liberté sera froissé, et il en résultera un mécontentement dans la population.
Les collèges qui cesseront d'être patronnés deviendront simplement des collèges libres ou privés. Alors, ces collèges seront nécessairement amoindris, parce qu'ils ne jouiront plus des avantages qu'on leur accordait, et qui consistaient en un local et en un subside ; c'est donc un tort que l'on aura fait à l'instruction, à l'éducation publique.
On a parlé beaucoup du niveau des études; on a dit que le niveau des études avait baissé. J'ai contesté cette assertion. Je ne veux pas rentrer dans une discussion qui serait en dehors de l'article. Mais je vous demande si ce n'est pas abaisser le niveau des études qu'amoindrir l'établissement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Est-ce abaisser le niveau des études qu'inspecter l'instruction?
M. de Haerne. - Non. Mais c'est abaisser le niveau des études que de forcer les villes à renoncera leurs établissements, et d'en faire surgir d'autres qui seront moins importants, moins complets, moins populaires.
Voilà ce que j'appelle diminuer l'importance des études, en faire baisser le niveau.
Je sais qu'on aura recours à un autre moyen : celui de tenter les villes par des subsides. On leur jettera des subsides aux dépens du budget de l'Etat, qui grossira ainsi d'année en année. Mais c'est une question de savoir si les villes se laisseront prendre à cet appât; car le régime des subsides est incertain; or il faut qu'un collège soit établi d'une manière régulière et stable.
Je crois qu'il s'établira un antagonisme fâcheux, je ne dis pas sous le rapport des opinions et de l'esprit public (je ne veux pas pour le moment examiner ce côté de la question), mais sous le rapport des études; car si dans une localité bien importante, il y a deux établissements, ces deux établissements rivaux végéteront. C'est bon dans de grandes villes. Là il peut y avoir deux ou trois collèges sans inconvénient, parce que la population suffit pour les peupler.
Mais, dans une ville secondaire, il est impossible qu'il y ait des éléments de vie pour deux collèges. Les études baisseront donc dans l'un et dans l'autre.
Voilà le résultat inévitable du système qu'on préconise. Voilà en quoi se révèle l'esprit de parti.
Je dis qu'ainsi on nuira nécessairement aux études, qu'on forcera les communes d'un côté, les particuliers de l'autre, à faire, dans l'intérêt de l'instruction publique, des sacrifices beaucoup plus grands qu'auparavant. C'est cette espèce de centralisation, d'accaparement que j'appelle esprit de monopole. Le monopole ne consiste pas seulement à prohiber directement une entreprise quelconque, mais à constituer l'entrepreneur en perte.
Prenez-y garde, messieurs, la question des collèges patronnés est une des principales du projet; c'est peut-être celle qui produira le plus d'irritation, si l'article qui les concerne passe tel qu'il est proposé.
La liberté d'instruction, la liberté communale, l'intérêt moral, l'intérêt matériel sont ici en jeu. On froissera tous les principes à la fois.
Pour ma part, je repousse de toutes mes forces un pareil système
M. Osy. - Comme le rapport de l'honorable M. Dequesne n'est pas imprimé, comme d'ici à une demi-heure ou trois quarts d'heure, la chambre sera à peine en nombre, je propose de décider que, dans tous les cas, il n'y aura pas de vote sur l'article 6 aujourd'hui, pour qu'il n'y ait de surprise pour personne, d'autant plus que l'honorable M. Van Hoorebeke, qui a fait une proposition, n'est pas ici. Lundi, il pourra la développer.
Je crois, par toutes ces considérations, qu'il est convenable de décider que, dans tous les cas, il n'y aura pas de vote aujourd'hui.
M. Delfosse. - Il est possible qu'il n'y ait pas de vote aujourd’hui cela dépendra de la discussion; laissons-la suivre son cours. Quand la discussion sera close, ou la chambre sera en nombre, ou elle ne sera pas en nombre. Si l'on n'est pas en nombre, vous pouvez être tranquilles, il n'y aura pas de vote. Si l'on est en nombre, lorsque la liste des orateurs sera épuisée, la chambre verra s'il y a lieu de voter immédiatement ou de remettre le vote à lundi.
On fait valoir l'absence de l'honorable M. Van Hoorebeke. Nous n'avons pas à nous arrêter à l'absence de cet honorable collègue que je crois du reste très légitime. Il ne peut pas dépendre d'un membre de retarder, par son absence, les travaux de la chambre.
Il est impossible que la chambre accueille la proposition de l'honorable M. Osy.
M. de Theux. - Il me semble que la proposition de l'honorable M. Osy est tellement raisonnable qu'on ne peut rien y objecter. Le rapport de l'honorable M. Deliége a été lu à l'ouverture de la séance. Vous conviendrez lous que la question est assez importante pour que chacun aime à réfléchir sur les amendements qui ont été présentés et sur les explications qui ont été données par le gouvernement.
Il est d'ailleurs très probable que la discussion se prolongera. Il s'agit d'un article très important. Tout ce que demande l'honorable M. Osy, c'est que, tout en laissant la discussion suivre son cours jusqu'à la fin de la séance, cependant il soit entendu entre nous qu'il n'y aura pas de vote aujourd'hui. Il y a plusieurs d'entre nous qui, à la suite d'une longue discussion, désirent retourner pour un jour dans leurs foyers ; il ne me semble pas qu'il serait convenable que la chambre voulût, bon gré mal gré, passer au vote aujourd'hui.
M. le président. - Il y a encore six orateurs inscrits, et la discussion paraît ne pas devoir se terminer de sitôt. Je ne comprends pas une proposition qui a pour objet de déclarer dès à présent qu'il n'y aura pas de vote aujourd'hui.
Si nous allons discuter sur des propositions de cette nature, nous perdrons beaucoup de temps, et je ne puis pas consentir à entrer dans cette voie.
M. Dumortier. - Messieurs, la motion de l'honorable M. Osy me paraissait dictée par beaucoup de sagesse. Il est impossible que nous votions un article de cette importance sans en avoir le texte sous les yeux. Je demande donc que l'on ne vote pas avant que l'amendement ne soit imprimé. C'est ce qui ne s'est jamais refusé.
Nous ne pouvons, messieurs, à une simple lecture saisir un amendement de cette importance. Comment ! on a demandé avant-hier le renvoi à la section centrale de tous les amendements qui étaient imprimés, et l'on nous dénierait le droit de pouvoir examiner, de pouvoir lire celui qui vient d'être proposé ? Convenez que cela ne serait pas raisonnable.
Je demande donc que la discussion continue, mais que l'amendement soit imprimé et distribué, il faut que nous puissions bien apprécier, avant (page 1300) de voter, ce que nous propose la section centrale sur une des questions les plus importantes que soulève la loi.
M. le président. - M. Dumortier propose maintenant qu'il n'y ait de vote sur l'amendement de la section centrale, que lorsqu'il aura été imprimé et distribué. Cette, proposition est régulière et la chambre aura à se prononcer.
Quant à la motion de M. Osy, il est impossible d'y donner suite, au moins pour le moment.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, si les raisons que l'honorable 53. Dumortier vient de faire valoir avaient quelque fondement, je ne comprends pas comment la discussion pourrait continuer.
Vous soutenez que vous ne connaissez pas l'amendement, que vous ne l'avez pas examiné, que vous ne pouvez pas l'apprécier ; et vous demandez qu'on discute. Mais demandez alors que l'on ne discute pas, je le conçois.
Cela prouve, messieurs, que la motion doit être écartée parce que personne n'a prétendu qu'on ne connaissait pas l'amendement. Tout le monde le connaît. Ainsi l'honorable M. de Haerne vient d'en faire l'objet d'un long discours ; il l'a discuté sous tous ses rapports.
Il me semble que nous pouvons continuer cette discussion, et il sera démontré ultérieurement que nous pouvons voter, s'il y a lieu. Cet amendement est extrêmement simple.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Que M. le président dicte l'amendement.
M. le président. - Messieurs, continuons la discussion; plusieurs orateurs sont inscrits.
M. Dumortier insiste-t-il sur sa motion ?
M. Dumortier. - Je fais seulement une observation dans l'intérêt de la dignité de la chambre. (Interruption.)
Ni l'honorable M. Frère, ni l'honorable M. Delfosse, qui disent : Ah! Ah ! ne veulent entendre les observations si sages que j'ai eu l'honneur de présenter. Il ne faut pas faire ici une loi liégeoise, il faut faire une loi nationale, et par conséquent, il importe que nous puissions examiner mûrement un article aussi sérieux que celui-ci.
L'honorable M. Frère vient vous dire : La motion de M. Dumortier consiste à prétendre qu'il ne faut pas discuter. J'en demande pardon à l'honorable ministre ; il y a dans la discussion des principes que nous avons pu saisir ; mais les détails des amendements, on ne peut les saisir que le texte sous les yeux. Nous connaissons d'ailleurs la proposition du gouvernement, celle de la section centrale, l'amendement de l'honorable M. Van Hoorebeke; c'en est assez pour pouvoir continuer la discussion ; mais ce n'est pas assez pour pouvoir voter.
On dira : M. le président dictera l'amendement. Ce n'est pas parce que nous sommes à discuter une loi d'instruction moyenne qu'il faut transformer la chambre en un collège. (Interruption.)
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole. C'est de la tactique pour empêcher la discussion.
M. le président. - On pourra faire une motion lorsqu'il s'agira du vote.
Pour le moment, nous continuons la discussion.
La parole est à M. de Luesemans.
M. de Luesemans. - Messieurs, dans une séance précédente, l'honorable M. Van Hoorebeke faisait remarquer qu'il y avait dans cette chambre et dans le pays deux opinions bien distinctes : l'une qui ne voulait pas qu'il y eut un enseignement donné par l'Etat, l'autre qui voulait au contraire que l'Etat exécutât l'article 17 de la Constitution. Je déclare que j'appartiens à cette dernière opinion ; dans ma pensée, si l'article 17 de la Constitution pouvait n'avoir pas donné cette mission à l'Etat d'une manière impérative, au moins il présuppose l'enseignement donné par l'Etat; il ne laisse pas même soupçonner qu'il puisse en être autrement. C'est par ces motifs, messieurs, qu'après avoir voté hier pour l'amendement de l'honorable M. de Brouckere, parce que je désirais que les écoles moyennes fussent le couronnement, le complément de l’enseignement primaire, j'ai voté pour les articles 2 et 3 du projet.
Non seulement je veux que le gouvernement puisse ériger des établissements d'enseignement, mais je désire qu'il donne une instruction forte et complète.
Je crois et j'ai toujours cru que l'Etat doit se mettre à la tête de l'enseignement, et donner à l'enseignement public des communes et à l'enseignement libre des exemples à suivre.
La concurrence que se feront ces divers enseignements ne doit, ne peut tourner qu'à l'avantage des études, et, comme je le disais lors de la discussion de la loi sur l'enseignement supérieur, dans cette lutte de l'intelligence, l'infériorité seule sera condamnée à l'expiation. »
C'est donc une question d'équilibre, et je ne puis admettre que l'équilibre soit rompu par le nombre d'établissements que la chambre a accordés à l’enseignement de l’Etat ; mais là cesse aussi l'action directe du gouvernement. Je crois qu'au-delà, elle ne doit plus se faire sentir qu'avec la réserve que lui commande l’enseignement libre, et même l'enseignement communal.
L'article que nous discutons, messieurs, appartient à un autre ordre d'idées, il est relatif à l'enseignement donne par la commune, directement ou indirectement sous le patronage. Il contient trois dispositions distinctes. La première concerne la fondation d'établissements communaux d'enseignement. La seconde est relative à la déclaration à faire par les communes qui entendent maintenir des établissements dans lesquels elles interviennent directement ou indirectement. La troisième contient défense d'aliéner aucun des droits que la loi a donnés comme un dépôt à sauvegarder à la commune. Si je suis d'avis que l'Etat doit donner l'instruction publique à ses frais, je ne partage pas l'opinion de ceux qui pensent que le mot Etat signifie nécessairement la réunion de tous les pouvoirs publics et, par conséquent, je ne pense pas que la loi doive nécessairement régler l'organisation de l'enseignement donné aux frais des communes.
Si je voulais, messieurs, fournir la preuve que nulle part la Constitution n'a confondu les frais de l'Etat avec les frais des communes, je la trouverais dans les articles 110, 111 et 113 de la Constitution où il est toujours fait une distinction entre la caisse de l'Etat et la caisse communale. Cette distinction, je la trouverais également dans le projet de loi de l'honorable M. Van de Weyer, qui était cependant un grand promoteur de l'opinion que je combats et que je n'ai jamais partagée, je la trouverais même dans le projet de loi soumis à vos délibérations. En effet, l'article 36 de ce projet dit qu'il sera institué chaque année, aux frais de l'Etat, un concours général entre les établissements d'instruction moyenne, et il est bien évident que les rédacteurs du projet, qui se sont ingéniés à confondre l'Etat et la commune, ont été obligés de reconnaître qu'il y a une différence entre la caisse de l'Etat et la caisse de la communes puisqu'ils se servent des mêmes expressions dont s'est servie la Constitution, qu'ils disent: que les concours seront organisés aux frais de l'Etat, c'est-à-dire à l'exclusion de la caisse communale.
Or, il ne peut y avoir deux manières d'interpréter les mêmes paroles. Si, dans le projet de loi, les mots « frais de l'Etat » signifient le trésor public, il s'ensuit qu'ils doivent signifier la même chose dans la Constitution.
Je ne pense donc pas, messieurs, que la loi doive nécessairement s'occuper de l'enseignement donné aux frais des communes. Mais je ne pense pas non plus, comme vient de le dire l'honorable M. de Haerne, que les communes sont entièrement libres comme le sont les particuliers.
M. de Haerne. - J'ai dit que les communes sont dans le droit commun.
M. de Luesemans. - J'entends par droit commun, les droits que la Constitution donne aux particuliers; M. de Haerne semble les attribuer également aux communes.
M. de Haerne. - Le droit commun des communes.
M. de Luesemans ; - Eh bien, c'est la position qui leur est faite par la loi communale et par les autres lois du pays en vertu même de la Constitution.
Ce que je tiens à établir, c'est que les communes ne jouissent pas de la liberté d'enseignement comme en peuvent jouir les particuliers, pas plus qu'elles ne jouissent de la liberté de la presse, de la liberté d'association, de la liberté des cultes. C'est-à-dire que, pour poser des actes dérivant de ces trois libertés inscrites dans la Constitution comme la liberté d'enseignement, elles ne peuvent faire que ce que la loi leur permet.
Ainsi, messieurs, il s'agit ici d'une simple question d'appréciation: Quelle doit être la limite à poser à l'intervention de la loi dans l'enseignement donné aux frais des communes? Je dirai toute ma pensée. J'avais l'intention de combattre le premier paragraphe de l'article 6, en ce qu'il exigeait, pour l'érection d'un établissement d'instruction moyenne aux frais de la commune, l'autorisation royale; la section centrale vient de modifier cet article; la modification me semble essentielle, et je déclare m'y rallier.
il ne reste plus, messieurs, que deux dispositions du même article à mettre en rapport avec l'article 32 du projet. L'article 32 exige également l'autorisation royale pour pouvoir patronner un établissement. Eh bien, je demande qu'on introduise dans l'article 32 la même restriction qui a été introduite dans le paragraphe premier de l'article 6, et que, pour patronner un établissement les communes n'aient besoin que de l'approbation de la députation permanente, de la même manière que pour créer un établissement. Je ne vois, messieurs, aucun motif d'établir une différence. Je ne m'explique pas pourquoi l'on exigerait plutôt l'approbation royale pour patronner un collège que pour en créer un. L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit qu'il pourrait y avoir des établissements libres auxquels les communes accorderaient des subsides ou des locaux, c'est-à-dire qui seraient patronnés par les communes et dans lesquels on enseignerait des doctrines subversives, mais on a déjà répondu à cette observation. S'il pouvait y avoir des conseils communaux qui eussent à ce point des sympathies pour les doctrines subversives qu'ils sont disposes à leur accorder des subsides, et que, par ces motifs, il faudrait les contenir par l'obligation d'obtenir un arrêté royal, dès lors comme les conseils communaux peuvent ériger des établissements à leurs frais, dans lesquels on enseignera également des doctrines subversives, il fallait également maintenir pour ce cas l'obligation d'obtenir un arrêté royal qui leur permît l'érection.
Il n'y a donc aucun motif, messieurs, pour établir une différence; mais d'après moi, il y a plusieurs motifs pour ne pas en établir. Ainsi, le gouvernement est, en général, placé en dehors des conditions d'une saine appréciation. Le gouvernement, étant chargé d'une infinité de détails de toute espèce, ne peut que fort difficilement descendre jusque dans les détails de l'administration des établissements d'enseignement; le plus souvent il devra s'en rapporter à l'avis donné par les fonctionnaires irresponsables des bureaux, et je vous avoue, messieurs, que, pour ma part, je me défie considérablement de cette espèce d'autocratie administrative et bureaucratique. La députation permanente, au contraire, a été composée par la loi de membres qui doivent nécessairement appartenir aux divers arrondissements de la province, et qui sont constamment (page 1301) en contact avec les conseils communaux et à même de s'éclairer par les observations qui s'échangent tous les jours avec ces autorités. Tout cela peut aider à l'aplanissement de bien de difficultés que le gouvernement n'est pas à même d'apprécier aussi bien. Très souvent il sera entraîné à prendre, de très bonne foi, et avec le désir d'être utile à la commune, des décisions contraires aux intérêts qu'il a la mission et le désir de sauvegarder.
Le gouvernement n'est pas désarmé non plus devant de pareilles résolutions, et je ne voudrais pas qu'il le fût. Pour quel motif voudrait-on que ce fût le Roi qui autorisât le patronage? Il ne peut y en avoir qu'un seul : c'est d'empêcher les communes de prendre des résolutions qui blessent l'intérêt général ou qui violent la loi. Je dis que le gouvernement n'est pas désarmé devant de pareilles usurpations. En l'absence même de la loi que nous discutons, le gouverneur d'abord peut suspendre toute résolution qui porterait ce caractère, et si le gouverneur ne l'avait pas fait, ou si la suspension prononcée par le gouverneur (erratum, page 1331) venait à ne pas être maintenue par la députation permanente, le gouvernement pourrait encore, en vertu de la loi communale, annuler de pareilles conventions. Il n'est donc pas désarmé devant l'abus qui pourrait être fait de la faculté attribuée aux communes de patronner des établissements sous la simple approbation de la députation permanente.
D'autre part, au point de vue des études, car c'est principalement ce point de vue qu'il faut prendre en considération ; au point de vue des études, et afin d'en relever le niveau, le gouvernement n'est pas (erratum, page 1331) non plus désarmé.
Il y a d'abord l'inspection, qui est un moyen permanent pour le gouvernement de s'assurer de la bonté des études. Les rapports des inspecteurs qui tendront constamment à en faire relever le niveau, et à corriger les abus qui pourraient exister dans l'intérieur des établissements; ces rapports pourront être et seront nécessairement communiqués aux conseils communaux qui s'empresseront sans doute de réclamer le redressement des abus qu'on aurait signalés.
Ensuite, si la chambre adopte l'institution des concours, n'ya-t-il pas là un nouveau moyen de constater annuellement l'élévation et le progrès des études?
Un troisième moyen, c'est le grade d'élève universitaire que vous avez créé par la loi du 15 juillet 1849, et qui, à nos yeux, est la meilleure garantie que dans tous les établissements, quels qu'ils soient, les études seront maintenues au niveau qu'il dépendra du gouvernement d'élever ou d'abaisser à son gré, d'après les besoins constatés de l'enseignement et le perfectionnement des méthodes.
Ainsi donc, devant de semblables garanties, je crois qu'il y a une satisfaction à donner à toutes les opinions du pays, car ce n'est pas seulement parmi les adversaires de la loi, mais même parmi ceux qui en adoptent le principe, que l'on a conçu des craintes que je veux bien croire mal fondées, précisément à cause de l'article que nous discutons.
Je regrette que M. le ministre de l'intérieur n'ait pas répondu à la question que j'ai eu l'honneur de lui adresser tout à l'heure : Quels sont les établissements qui tomberont sous le coup de l'amendement de la section centrale, c'est à-dire dont les conventions seront annulées? Je vais préciser ma question, pour rendre la réponse plus facile : Les conventions de cette nature faites par des communes qui se sont bornées à allouer un subside à des tiers et à leur concéder un local; en d'autres termes, qui se trouvent avoir accompli exactement l'autorisation qui leur est accordée par l'article 32; les conventions de cette nature seront-elles valables ou seront-elles annulées?
Je sais que ces conventions sont susceptibles de diverses interprétations. Mais si je comprends l'esprit de la loi, le gouvernement n'entend annuler aucune des conventions existantes, dans lesquelles ou n'aurait rien fait de plus que ce que l'article 32 autorise à faire, c'est-à-dire allouer un subside et concéder un local; eh bien, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si de pareilles conventions, déjà existantes, déjà déclarées valables a l'heure qu'il est, et ne sont pas en conséquence soumises à l'annulation; je demanderai si de pareilles conventions feront l'objet d'une délibération du conseil communal...
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est clair; c'est ce que dit le projet.
M. de Luesemans. - Eh bien, c'est ce que je voudrais éviter, comme constituant une formalité inutile et qui peut donner lieu à de légitimes susceptibilités, je le répète, parmi ceux qui ne nourrissent aucune idée d'hostilité, soit contre le gouvernement, soit contre le projet de loi. Par ces motifs, j'ai l'honneur de déposer l'amendement suivant :
« Art. 32. La commune dans laquelle il n'aura été établi ni un athénée royal, ni un collège communal, pourra, avec l'autorisation de la députation permanente du conseil provincial, et sauf recours au Roi, en cas de refus, accorder son patronage à un établissement d'instruction moyenne, en lui concédant des immeubles ou des subsides. L'établissement est soumis au régime d'inspection.
« En cas d'abus grave, et sur la demande du conseil communal, ou du refus de se soumettre aux prescriptions de la loi, les subsides et la jouissance des immeubles seront retirés par arrêté royal et sur l’avis conforme de la députation permanente.
« Sont dispensées de l'approbation ci-dessus les conventions faites avec des tiers, antérieurement à la présente loi, et qui ne contiennent aucune stipulation qui lui soit contraire. »
J'ai une seule observation à ajouter quant aux mots « abus graves », dont il a été particulièrement parlé dans la discussion générale. Ces mots, qui ont soulevé de grandes et sérieuses objections contre la convention de Tournay, ont également fait naître des craintes, parce qu'ils n'ont pas été considérés comme suffisamment explicites. (Erratum, page 1331) Je crois qu'il peut y avoir des abus qu'il est impossible de définir, et d'expliquer dans la loi, pas même dans la discussion, et dont l'appréciation doit être laissée aux communes elles-mêmes. Je crois qu'il faut donner aux communes quelques garanties que, quelle que soit la force obligatoire d'un traité, si de semblables abus existent, le gouvernement pourrait annuler les conventions existantes, et retirer les subsides.
En disant qu'en cas d'abus grave, et sur la demande de la commune, le gouvernement pourra être autorisé à retirer les subsides et les locaux, loin d'y voir un sujet de crainte, j'y vois une double garantie; garantie pour la commune qui, comme partie intervenante dans l'acte conventionnel, pourrait ne pas en demander l'annulation de crainte de procès, garantie pour l'exécution de la loi, que les communes ont autant d'intérêt à voir exécuter que le gouvernement lui-même.
M. de Mérode. - L'honorable M. Dumortier vous disait hier : « Nos débats portent sur quatre questions principales: question du nombre des établissements d'instruction livrés au pouvoir civil; question communale ; question des conventions; question de l'enseignement religieux. »
Sur la première, malgré tous nos efforts, malgré toutes les promesses de prétendue conciliation rappelées par l'honorable M. Osy, malgré les instances de 80,000 pétitionnaires, parmi lesquels se trouvent une foule de personnes connues et d'administrateurs respectables, nous n'avons pas obtenu la plus faible concession, pas même celle du rétablissement des écoles primaires supérieures dans le cercle de loi qui concerne l'instruction primaire, à laquelle elles appartiennent évidemment, puisqu'on y apprend à lire et à écrire.
Certes, le mépris complet de toutes nos réclamations n'annonce rien de favorable pour l'amendement du reste de la loi. Néanmoins la conscience nous oblige à continuer notre résistance contre toutes les iniquités qu'elle renferme et leurs désastreuses conséquences pour la société.
Nous en venons donc aux articles qui tendent à restreindre autant que possible la liberté des familles sérieusement chrétiennes, formant la majorité dans un grand nombre de communes, d'organiser une éducation vraiment religieuse, efficacement religieuse, et non pas seulement pour l'apparence.
Cette discussion même a fourni des preuves évidentes que, dans l'éducation du pouvoir civil, le christianisme n'a aucune garantie à espérer.
En effet, messieurs, un de mes honorables amis, M. Vilain XIIII, vous a mis sous les yeux un court extrait du discours prononcé le 20 septembre 1849, dans l'édifice des Augustins, à l'occasion d'une réunion officielle, la distribution des prix, en présence de M. le ministre de l'intérieur, d'un grand nombre d'autorités, de parents et d'élèves de dix à vingt ans.
Là, messieurs, l'orateur a prononcé des paroles d'où résulte qu'en fait de principes religieux destinés à être exposés aux jeunes Belges, on peut établir dans l'enseignement officiel que le christianisme a dépassé les limites du possible par ses prescriptions, et que la sagesse divine, dans un avenir plus ou moins éloigné, nous réserve une civilisation où la matière et l'esprit se combineront d'une manière plus équitable.
Et à cette citation, que répondait M. le ministre de l'intérieur actuel, représentant du pouvoir civil ?
« Je ne viens pas opposer des paroles sévères au discours de l'honorable préopinant. Vous comprendrez, messieurs, qu'il serait très dangereux, très inopportun de nous livrer dans cette' enceinte à des discussions théologiques et philosophiques. Tout ce que je puis dire à cet égard, c'est que je puis répondre des excellentes intentions de l'honorable professeur dont a parlé l'honorable préopinant. Nous ne pouvons pas traiter un professeur d'université comme un instituteur primaire, il faut bien accorder une certaine indépendance d'esprit et d'expression à un professeur d'histoire. »
Ce peu de mots, messieurs, viennent prouver toutes les vérités frappantes, incontestables que j'ai présentées dans mon discours sur l'ensemble de la loi. D'abord, selon M. le ministre de l'intérieur, ii serait très dangereux, très inopportun de nous livrer dans cette enceinte à des discussions théologiques et philosophiques. Je suis d'accord avec lui, et c'est précisément ce qui démontre que les chambres ne peuvent exercer aucune surveillance digne de ce nom sur l'enseignement du pouvoir civil.
Nous ne représentons donc pas ici le moins du monde les pères de famille, en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants. Nous ne nous représentons pas non plus nous-mêmes, puisque nous ne pouvons rien dire sur les doctrines qu'enseigneront les professeurs du gouvernement sans doctrine, et qui doit bien accorder une certaine indépendance d'esprit et d'expression à un professeur d'histoire, comme aussi, nécessairement, à un professeur de rhétorique.
Jusqu'où peut aller cette indépendance? C'est ce qu'il est impossible de définir ; mais il est prouvé, du moins, qu'elle peut aller jusqu'à enseigner que le christianisme est exagéré dans ses prescriptions, et qu’on peut combiner plus équitablement qu’il ne le fait les relations de la matière et de l'esprit.
Que deviennent alors les accusations de mauvais vouloir, de bouderie, d'orgueil lancées contre les évêques et leurs assistants , lorsqu'ils reculent (page 1302) devant le mélange de l’enseignement de la religion avec des leçons contraires à la religion?
Et M. de Lamartine, que j'ai cité, n'a-t-il pas bien fait de dire, avec l'inspiration de bon sens et de la justice qu'il sait parfois défendre énergiquement: « Quand l'Eglise vous demande, avant de vous prêter son ministère dans vos collèges, de lui laisser connaître les doctrines de vos professeurs, consciencieuse et convaincue, elle a raison; car elle ne peut jouer une comédie sacrée. »
Et ici, messieurs, puisque le mot « comédie », c'est-à-dire duperie, se présente à moi, après les explications données par M. le ministre de l'intérieur sur le passage du discours prononcé aux Augustins, et que je n'attaque nullement dans les intentions qui l'ont dicté, car elles ne sont pas de mon domaine, je vous le demande, descendez au fond de vos cœurs avec cette droiture qui honore l'homme, même quand il est dans l'erreur, et dites s'il est possible d'élever un jeune homme dans l'esprit chrétien, par des professeurs qui sont libres d'apprécier le christianisme selon leurs vues; par les agents d'un pouvoir purement civil, exclusivement laïque, qui ne sont obligatoirement liés entre eux par aucune croyance.
Si j'étais à Constantinople, messieurs, et qu'on me demandât si l'on peut élever les jeunes gens turcs dans la doctrine de Mahomet, les y attacher sérieusement en les livrant à des professeurs chrétiens, israélites ou libres penseurs, sans mentir il me serait impossible de dire oui ! et si le sultan organisait son enseignement public de la sorte, y mettait la puissance financière de son trésor, je n'hésiterais pas à penser ou qu'il est bien aveugle, s'il croit ne pas nuire à la religion du Coran, ou que décidément il y a renoncé.
Et de plus, messieurs, si ce même sultan, soi-disant pour assurer l'indépendance des autorités locales choisies par le peuple mahométan, prenait toutes les précautions possibles, conformément à notre article 6 et autres subséquents, pour l'empêcher de placer des écoles scientifiques sous la direction des docteurs de l'islamisme, s'il circonvenait ce peuple mahométan de défenses et d'obstacles divers, afin de l'obliger à livrer ses écoles au corps professoral de l'empire, composé d'Arméniens, de Grecs séparés ou unis, de Juifs mêlés aux disciples du prophète de la Mecque, ne pourrait-on pas affirmer qu'il exerce contre ses sujets une persécution morale véritable, et finalement destructive de la religion de tous ?
A cette persécution odieuse, dont nous pensions être pour longtemps délivrés, nous vous prions de nous soustraire, parce que déjà vous faites immensément aux frais du trésor, pour la pensée indéfinie, pour l'éducation de l'indifférence religieuse, par vos collèges du pouvoir civil central. Laissez-nous, au besoin, quelque refuge dans la bonne volonté possible des conseils communaux, sans la soumettre encore aux chances de la mauvaise volonté d'une députation provinciale ou d'un ministre; faites de l'injustice en nous offrant exclusivement comme instruction publique destinés à une multitude de catholiques, une instruction exclusivement dominée et régie par un pouvoir civil central sans croyance; mais, au moins, n'entravez pas les communes, quand elles conçoivent, avec intelligence, conformément à la religion des familles qui les composent, leurs véritables besoins, en ce qui concerne l'éducation. Car ce serait une oppression des consciences, bien contraire à la véritable liberté.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, c'est toujours le même thème.
M. de Mérode. - Certainement, toujours le même.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est toujours le même thème, soutenu plus ou moins ouvertement par nos adversaires, à savoir l'incompétence, l'indignité du pouvoir laïque, de l'Etat, en matière d'enseignement public. C'est la thèse généralement soutenue, par nos adversaires, en termes plus ou moins outrageants. Un service que rend M. de Mérode à cette discussion, c'est l'extrême franchise qu'il y met. Sous ce rapport, je le remercie.
Mais ce que je ne puis admettre, c'est ce système de dénonciation contre certains professeurs de nos établissements. Une phrase a été recueillie dans un discours prononcé par l'un d'eux, ce n'est pas un exposé de principe, le développement d'une thèse que l'on attaque; mais on s'empare d'une phrase isolée, et là-dessus on base tout un système d'accusation contre l'enseignement public donné aux frais de l'Etat.
Si nous voulions à notre tour attaquer nos adversaires, et l'enseignement qu'ils préfèrent, non avec une phrase isolée, mais avec des bibliothèques entières, où se trouvent des propositions bien autrement compromettantes, voyez où nous serions conduits.
Vous devez reconnaître, à l'honneur de l'opinion libérale, que, dans cette discussion, elle s'est abstenue de répondre par des récriminations aux attaques violentes dont l’enseignement laïque a été l'objet ; et cependant que de citations, que de faits compromettants on pourrait invoquer, si, rendant guerre pour guerre, on cherchait à jeter de la défaveur sur l'enseignement du clergé. J'engage beaucoup nos adversaires à quitter ce terrain; il est très brûlant pour eux.
Il y a quelque chose de ridicule à voir l'opinion qui nous combat se poser ainsi comme opinion persécutée. Nous laissons pleine et entière liberté à tout le monde; nul ne songe à toucher à la liberté d'enseignement; les établissements libres fondés par le clergé sont en dehors de la loi ; les établissements fondés par le clergé de concert avec les communes vont recevoir la garantie de la loi ; le clergé sera appelé dans les établissements de l'Etat pour surveiller l'enseignement religieux. Est-ce que l'Etat sera appelé à exercer sa surveillance dans les établissements du clergé ? Le recevrait-on s'il se présentait pour exercer cette surveillance qui existe partout ailleurs qu'en Belgique? Ne va-t-on pas jusqu'à prétendre que le clergé recevra des subsides de la commune pour l'instruction mais non la surveillance de l'établissement ? Voilà l'opinion que l'honorable abbé de Haerne vient de soutenir.
M. de Haerne. - C'est mon opinion du Congrès.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vos doctrines du Congrès, vous les avez complètement déchirées dans la loi d'enseignement primaire.
M. de Haerne. - Je n'ai pas voté la loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La répudiez-vous?
M. de Haerne. - Non, dans son ensemble.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je le répète, il y a quelque chose de ridicule à voir l'opinion que nous combattons dans cette circonstance se présenter comme martyre aux yeux du pays. Cela est complètement absurde. Il n'est pas moins faux de représenter la liberté communale comme immolée. Immolée à qui? Vous prenez grand souci de la liberté de la commune, dans quel but? Afin qu'elle puisse abdiquer, vendre sa liberté. Vous trouvez la liberté communale ainsi comprise, une fort bonne chose.
M. de Mérode. - Vous la prenez !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quand la commune ne demande rien à l'Etat, elle demeure entièrement libre; mais la loi exige que les établissements entretenus aux frais des contribuables soient soumis à l'inspection et au concours. Même quand un établissement communal est subsidié par l'Etat, la commune reste libre de faire les nominations de professeurs; la commune peut en outre subsidier des établissements privés. Où est-il porté atteinte aux libertés communales? Vous trouvez qu'on leur porte atteinte, parce que la loi défend à certaines communes d'abdiquer leur liberté?
M. de Mérode. - Elles en usent.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il n'est pas permis à la commune de vendre ses droits, d'abdiquer sa liberté.
Il est très fâcheux que nous ayons sans cesse à revenir sur la discussion générale, je pensais qu'il avait été accepté par tout le monde qu'on se renfermerait d'une manière précise dans les articles en discussion.
M. de Mérode. - Je n'ai pas la parole comme vous à tout instant.
M. le président. - Il avait été convenu aussi que l'on n'interromprait pas. Je prie de ne pas interrompre M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dirai maintenant quelques mots sur l'intervention de l'Etat dans les délibérations des communes relatives aux établissements patronnés.
La loi de l'instruction primaire offre sous ce rapport des antécédents, qu'il importe de ne pas perdre de vue. Elle consacre le principe de l'adoption. La commune est autorisée à adopter, en vertu de l'article 3, une ou plusieurs écoles.
La députation permanente, sauf recours au Roi, doit statuer sur cette adoption. La commune n'est donc pas maîtresse d'adopter une école, il lui faut l'autorisation de la députation ; et il y a recours au Roi contre cette autorisation. Ce n'est pas assez. Il est annuellement constaté par les soins du gouvernement (j'appelle votre attention sur ce paragraphe de l'article 4), s'il y a lieu ou non de maintenir l'autorisation. Dans le cas de la négative, l'autorisation sera retirée.
Ainsi en vertu de la loi sur l'instruction primaire, tous les ans le gouvernement juge et peut annuler la délibération de la commune ayant pour but l'adoption d'une école. Voilà les principes de la loi sur l'instruction primaire. Est-ce que la loi d'instruction secondaire va aussi loin? Est-ce que nous demandons rien de semblable.
On ne veut pas que l'Etat intervienne dans les établissements de la commune. S'ils sont inspectés au nom de l'Etat, cela révolte l'honorable abbé de Haerne. Il croit que la présence d'un inspecteur civil serait une chose désastreuse pour un établissement qui consent à recevoir un subside de la commune, c'est-à-dire une partie des sommes payées par les contribuables. Que porte la loi sur l'enseignement primaire? Que tous les établissements adoptés seront soumis à l'inspection.
Lorsque ce système fut proposé par les honorables MM. Dechamps, de Theux et autres, vous êtes-vous révoltés contre cette prétention gouvernementale? Avez-vous crié qu'on confisquait la liberté communale au profit du gouvernement? A cette époque a-t-on vu surgir ce pétitionnement contre la confiscation de la liberté communale? La loi sur l'instruction primaire va cependant sous ce rapport infiniment plus loin que la loi sur l'instruction secondaire.
M. de Haerne. - Il y a eu bien des réclamations.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous envisagiez à cette époque-là les choses à un point de vue entièrement contraire à votre point de vue actuel.
(page 1303) M. de Haerne. - Pas moi. J'ai soutenu, dans la discussion, l'opinion que j'avais professée au Congrès.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Soit, la professez-vous encore tout entière?
M. de Haerne. - Certainement; mais la loi sur l'instruction primaire était une loi de transaction à laquelle je me suis rallié après le vote.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Mais la loi sur l'instruction secondaire serait aussi une loi de transaction si nos adversaires ne cherchaient pas à la transformer en une loi de parti. C'est vous qui cherchez à lui donner cette couleur ; mais la loi est faite et elle sera exécutée dans les vues les plus conciliatrices. (Interruption.)
Je continue. Il y a obligation dans la loi sur l'instruction primaire, pour toute école qui reçoit un subside de la commune, de la province ou de l'Etat, de se soumettre au régime d'inspection de la loi. En cas d'abus constaté par le gouvernement, les subsides communaux, provinciaux et de l'Etat seront retirés par arrêté royal.
Maintenant je viens aux écoles primaires supérieures. Comment la liberté communale est-elle traitée, en ce qui concerne ces écoles? Le gouvernement vient les établir au milieu de la commune, il demande des subsides à la commune et repousse toute espèce d'intervention communale. Et il s'agit ici d'une instruction beaucoup plus essentiellement communale que l'instruction moyenne. Et c'est après avoir tant prôné une loi qui enchaîne à ce point la commune, qu'on vient aujourd'hui, par un revirement d'opinion, que je ne veux pas qualifier, qu'on vient crier au scandale et appeler à son aide la liberté des communes.
Quand on a de tels antécédents, on devrait se montrer beaucoup plus réservé, beaucoup plus modeste et surtout beaucoup plus juste.
Si quelqu'un a jamais voulu porter atteinte à la liberté des communes par les lois d'instruction, si quelqu'un a voulu confisquer les libertés communales dans les lois d'instruction, c'est votre parti.
M. de Liedekerke. - Vous avez voté la loi sur l'instruction primaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui. Je me suis montré conciliant. Ne venez pas nous reprocher ce que nous avons fait; suivez plutôt notre exemple; votez avec nous comme nous avons voté avec vous.
M. de Liedekerke. - Donnez l'exemple de la transaction et nous tous suivrons comme vous nous avez suivis.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vous remercie beaucoup; je serai charmé d'être accompagné par l'honorable M. de Liedekerke. Sous ce rapport, il lui sera d'autant plus facile de rester sur le terrain de la conciliation, que nous respectons mille fois plus les libertés de la commune que ne l'ont fait les honorables amis avec lesquels il marche.
M. de Liedekerke. - C'est ce que je ne trouve pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répondrai maintenant à l'honorable abbé de Haerne, que le collège de Courtray peut trouver parfaitement sa place sous le régime de la loi actuelle. La commune de Courtray accordera un local et des subsides au collège. Quel sera le changement de position? Le collège devra recevoir l'inspection et se soumettre au concours.
Si les personnes avec lesquelles la commune de Courtray a traité ne veulent pas se soumettre à la loi, alors la commune de Courtray devra aviser. Ou elle fondera un collège communal à ses frais, ou elle le fondera avec les subsides de l'Etat, ou elle ne fera rien du tout, et le collège dirigé, je pense, par l'honorable M. de Haerne...
M. de Haerne. - Quant aux études.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le collège dirigé à Courtray par le clergé continuera à subsister en son caractère privé. Voilà tout ce qui se passera.
Si le collège communal privé de Courtray veut recevoir des subsides de la commune, il devra recevoir en même temps l'inspection. Il ne lui sera pas permis de recevoir l'argent des contribuables, sans recevoir en même temps l'inspection de ceux qui ont à disposer de l'argent des contribuables. Rien ne sera plus simple. Et je pense que partout on acceptera avec les subsides les conséquences des subsides, c'est-à-dire l'inspection et le concours.
C'est d'ailleurs déjà, messieurs, ce que font un grand nombre d'établissements dirigés par le clergé. Les sept écoles normales des évêques, où se forment les instituteurs, sont inspectées par l'autorité civile, et je ne sache pas qu'elles s'en trouvent mal. Je ne pense pas que l'inspection civile apporte dans ces établissements aucun élément qui puisse leur être mortel. De ce qu'on est laïque, de ce qu'on ne porte pas l'habit d'un prêtre, il ne s'ensuit pas qu'on n'ait aucune espèce d'aptitude à venir s'informer de l'état de l'enseignement dans une institution.
M. de Haerne. - Personne ne dit cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Pourquoi donc la perspective d'une inspection civile vous effraye-t-elle? Si j'appartenais au collège communal de Courtray (je cite celui-là parce qu'on en a parlé), je me soumettrais à la loi, je serais le premier à donner l'exemple de la soumission à la loi.
M. de Haerne. - Je n'ai pas dit que nous ne le ferions pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - N'avez-vous pas dit que vous n'accepteriez pas l'inspection?
M. de Haerne. - Non, je ne l'ai pas dit.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je vous en félicite. Je vous engage à accepter les subsides de la commune et en même temps l'inspection civile. Cela ne vous fera pas de mal.
M. de Haerne. - Je n'ai pas dit que nous accepterions ni que nous refuserions. C'est une question à examiner.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Plus, messieurs, on examinera la loi, et plus on reconnaîtra qu'elle ne renferme au fond aucune disposition hostile ni à la liberté générale, ni à la liberté individuelle, ni à la liberté des communes. Elle fait une part à l'action de l'Etat; mais cette part est restreinte. Nous avons fait sous ce rapport certaines concessions qui l'ont encore restreinte, et je ne puis considérer que comme très injustes les attaques que l'on a répétées pendant trois semaines et qu'on renouvelle encore aujourd'hui contre le caractère exclusif que l'on attribue au projet de loi.
M. Moncheur. - Messieurs, les débats sembleraient devoir prendre de nouveau une tournure passionnée, si l'on voulait répondre à tout ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur. Quant à moi, je ne le suivrai pas sur ce terrain, et je m'en tiendrai strictement à l'examen des articles 6 et 32, qui sont en discussion.
Toutefois il m'est impossible de ne pas repousser en quelques mots le reproche que vient de nous faire M. le ministre, lorsqu'il nous a attribué l'opinion que l'Etat est absolument indigne, absolument incompétent pour donner un enseignement quelconque.
Si, messieurs, je considérais l'Etat comme absolument indigne, absolument incompétent à l'effet de donner l'enseignement, je ne voterais pas un centime pour le mettre à même de le faire, et je ne consentirais pas à l'érection d'un seul établissement d'instruction aux frais et sous l'administration de l'Etat; je me tiendrais à cet égard dans une réserve absolue; nous convenons au contraire que l'Etat peut et doit posséder quelques établissements modèles ; mais ce que je lui conteste, pour ma part, c'est le droit et le pouvoir d'imprimer une direction générale quelconque à l'enseignement de la nation, c'est le droit de s'emparer, pour ainsi dire, de l'enseignement tout entier, c'est sa compétence à vouloir former officiellement et le cœur et l'intelligence des citoyens à l'image de sa pensée ; car, quoi que l'on en dise, je soutiens que l'Etat n'a, comme Etat, ni doctrine, ni religion, ni morale.
Pour prouver le contraire, qu'a-t-on dit? On a dit : L'Etat, c'est vous, c'est la législature; or, la législature punit, par exemple, le vol, et c'est sans doute parce que le vol est immoral ? Donc, l'Etat a une morale. A cela je réponds que l'Etat punit le vol, non point parce qu'il est immoral, mais parce qu'il porte atteinte à l'ordre public. (Interruption.) La chose est positive.
L'Etat punit l'adultère de la femme. Punit-il également l'adultère du mari? Prétendra-t-on que l'adultère du mari n'est pas immoral?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il le punit.
M. Moncheur. - Il ne le punit pas d'une manière aussi sévère que celui de la femme ; il ne le punit pas de l'emprisonnement. N'y a-t-il pas une quantité de faits immoraux que la loi n'atteint pas? Est-ce que l'ivrognerie n'est pas immorale? La loi punit-elle l'ivrognerie? Non. Il est donc certain que le système pénal est fondé, non sur l'immoralité proprement dite des actions punies, mais sur la gravité de l'atteinte portée à la société, à l'ordre public. Personne ne peut nier cela.
Il en est de même, messieurs, pour la religion. L'Etat n'a pas de religion positive; il a toutes les religions dans un régime comme le nôtre, ou plutôt il les protège toutes également, sans pouvoir en adopter aucune.
A présent, messieurs, je passe à l'examen des articles en discussion.
L'honorable M. de Luesemans a proposé un amendement à l'article 32. Cet article est celui qui donne aux communes le droit de patronner des établissements d'enseignement moyen.
Je me rallie, messieurs, à l'amendement proposé à cet article par M. de Luesemans, amendement que j'aurais proposé moi-même, s'il ne l'avait pas fait; mais il est nécessaire qu'un amendement identique à celui-là soit proposé au paragraphe 2 de l'article 6 du projet. D'après ce paragraphe, toutes les communes auront à décider, dans le délai de six mois, si elles entendent maintenir leurs établissements d'enseignement moyen, et dans quelle catégorie elles veulent les faire rentrer. Ces résolutions, porte le projet, seront soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi. Je pense que l'approbation de la députation suffit, sauf recours au Roi. L'article 86 de la loi communale trace les règles à suivre pour faire annuler les décisions des conseils communaux qui seraient contraires à la loi. Or, les résolutions dont parle l'article 6 du projet seront contraires à la loi ou elles ne le seront pas; si elles sont contraires à la loi, on n'aura qu'à appliquer les dispositions de l'article 86 précité; ainsi, dans ce cas, le gouverneur en suspendra l'exécution, la députation permanente décidera si la suspension peut être maintenue ou non, et il y aura appel facultatif au Roi, soit de la part du gouverneur, soit de la part des conseils communaux, et un arrêté royal pourra annuler, s'il y a lieu et dans le délai de quarante jours, les résolutions des conseils communaux qui enfreindraient la loi.
Ainsi, messieurs, les règles tracées dans les articles 86 et 87 doivent suffire pour le cas dont nous nous occupons, comme pour tous les autres cas semblables.
Je proposerai donc, messieurs, de remplacer les mots ; « Ces résolutions (page 1304) sont soumises à l'avis de la députation permanente du conseil provincial et à l'approbation du Roi » par ceux-ci : « Ces résolutions sont soumises à l'approbation de la députation permanente du conseil provincial, sauf recours au Roi, en cas de refus. »
Quant au dernier paragraphe de l'article 7 proposé par la section centrale, il est tout à fait inutile ou bien il constituerait un abus de pouvoir de notre part s'il était adopté.
En effet, messieurs, j'admets le principe que les communes ne peuvent déléguer à des tiers, en tout ou en partie, les droits que la loi leur confère sur les établissements d'instruction moyenne; mais je dis que la législature ne peut pas déclarer d'une manière absolue et générale que toutes les conventions contraires à ce principe cesseront de sortir leurs effets, alors que les délais d'appel seraient expirés. Que voyons-nous, en effet, dons le dernier paragraphe de l'article 87 ? Cet article porte que les actes mentionnés dans les paragraphes précédents, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas été annulés dans les 40 jours à partir de la décision de la députation ne pourront plus l'être si ce n'est par le pouvoir législatif. Mais, messieurs, remarquez que le pouvoir législatif ne peut pas annuler en masse, si je puis m'exprimer ainsi, tous les actes qui seraient contraires à la loi. Chaque acte doit faire l'objet d'un examen particulier et spécial.
Remarquez en outre que lorsque vous aurez porté cette décision générale vous n'aurez, en définitive, rien fait de plus que ce qui est déjà statué par les articles 86 et 87 de la loi communale, puisqu'il faudra toujours que le gouvernement porte son investigation sur chaque cas particulier, sur chaque convention faite entre une commune et un tiers. Ainsi, je suppose qu'une commune soutienne, malgré la disposition que je combats, que telle ou telle convention faite par elle avec un tiers n'est pas illégale, évidemment, il faudra que le gouvernement examine les dispositions mêmes de l'acte, et qu'il déclare que l'illégalité existe ou n'existe pas. Et cela ne peut se faire que par arrêté royal. Car le ministère ne pourrait prendre une décision semblable de son autorité privée.
Ainsi, messieurs, sous ce point de vue la disposition qu'on vous propose n'aurait aucune portée, et je maintiens que, sans violer le dernier paragraphe de l'article 87, le législateur ne peut annuler, en général, les conventions qui sont couvertes par la prescription, sans même les avoir vues.
Il faudrait, pour satisfaire à l'article 87, que les chambres portassent leur examen d'une manière spéciale et positive sur chaque convention particulière.
Je dépose, messieurs, mon amendement sur le deuxième paragraphe de l'article 6.
M. Van Cleemputte. - Messieurs, quand j'ai demandé la parole, mon intention était simplement de vous prier de ne pas décider aujourd'hui la question de la rétroactivité qui résulterait de l'article 6 tel qu'il a été proposé. Je conjure la chambre d'être excessivement prudente. Avant de prendre une pareille résolution, il faut examiner avec soin toutes les conventions qui ont été conclues et par suite desquelles des intérêts matériels très considérables ont été engagés.
Il y a des conventions, messieurs, qui sont très singulières. Ainsi, à Grammont, ville que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, les bâtiments qui servent aujourd'hui au collège appartiennent à la fabrique de l'église. Celle-ci a fait un traité avec l'administration communale et le clergé. Je ne connais pas exactement ce traité, mais je pense que je pourrai me le procurer au ministère de l'intérieur, et d'ici à lundi je l'examinerai. Seulement je sais que la fabrique a cédé ces bâtiments, par un bail emphytéotique de 99 ans, à l'administration communale, à la condition qu'on y établirait le collège et que le collège serait dirigé par le clergé.
En conséquence de la convention intervenue, et qui a été approuvée par la députation permanente, l'administration communale a fait une dépense très considérable; elle a dépensé 120 à 130 mille francs pour approprier les bâtiments à leur destination nouvelle. Eh bien, messieurs, avant d'annuler des contrats, des conventions dans lesquelles des intérêts aussi graves sont engagés, je crois que nous devons y regarder à deux fois; je crois que toutes ces conventions devraient être examinées mûrement.
En ce qui me concerne, j'aurai, avant lundi, fait une étude complète de la convention de Grammont; je pourrai, à la prochaine séance, rendre compte à la chambre des observations que la lecture de cet acte m'aura suggérées, et la chambre verra alors, pour la convention de Grammont comme pour toutes les autres, si l'annulation peut être prononcée sans méconnaître des droits légitimement acquis, et sans froisser de graves intérêts.
M. de Theux. - Messieurs, notre compétence pour annuler les conventions par la loi a son siège dans l'article 87 de la loi communale, qui est ainsi formulé :
(L'orateur donne lecture de cet article.)
Notre compétence est donc clairement établie par la loi ; je ne la conteste pas. Si, dans ces conventions, on rencontre l'une ou l'autre des conditions auxquelles la loi subordonne l'annulation d'un acte d'un conseil communal, ces conventions sont certainement, dans ce cas, susceptibles d'être annulées.
Mais, d'autre part, je crois que la loi devrait faire mention des actes qu'il s'agit d'annuler; qu'on devrait établir que tel ou tel acte, posé en dehors des attributions de l'autorité communale, est contraire à la loi et blesse l'intérêt général.
La même disposition se trouve dans la loi provinciale; je pense que s'il s'agissait d'une délibération d'un conseil provincial, passée en force de chose jugée, il faudrait soumettre aux chambres l'appréciation de cet acte.
Il y aurait encore sur l'article 87 une observation à faire ; c'est de savoir si ces actes doivent être annulés sans préjudice des droits des tiers. A mon avis, les droits des tiers ne peuvent pas être préjugés. Cette question doit rester dans le droit commun.
Je présenterai maintenant quelques considérations sur l'ensemble des dispositions des articles 6 et 32.
L'article 32 dispose que les établissements patronnés par la commune, dans les conditions qu'il indique, seront soumis à l'inspection.
Pour le futur, il ne peut y avoir aucune objection sérieuse contre cette disposition ; pour le passé, en fait, j'avoue que je n'y vois non plus aucun inconvénient; car tous les établissements dont il s'agit ici sont tellement bien organisés, qu'ils n'ont rien à craindre de l'inspection.
Il y a cependant le point de savoir si une convention ayant été régulièrement faite avant cette loi, on peut l'assujettir à l'inspection. C'est là une question de droit que je soumets encore à la chambre.
L'article 32 dit que la commune ne pourra contracter avec des tiers que pour le terme de dix ans. Je demanderai si ce terme devra être appliqué aux conventions qui existent actuellement et qui ont été faites pour un terme plus long; l'honorable M. Van Cleemputte vient de nous citer un exemple d'une de ces conventions d'une durée plus longue.
Relativement au terme de dix ans, je n'ai pas encore une opinion bien arrêtée ; cependant je dois dire que, dans certaines circonstances, ce terme me paraît bien court. Fera-t-on de grandes dépenses pour créer un établissement avec la perspective de le voir fermer au bout de dix ans? Je conçois que la loi fixe un terme, mais celui de dix ans me paraît court.
Du principe déposé dans l'amendement de la section centrale , il résulte clairement que les collèges communaux, établis dans les bâtiments de la commune, ne conservent plus le titre de collèges communaux, du moment qu'il est stipulé un patronage, c'est-à-dire quand l'établissement est tenu au compte d'un tiers.
J'admets ce principe, je conçois que dans ce cas la loi dispose que le collège cesse d'être communal.
Mais ici se présentent plusieurs questions.
Si une commune accorde un subside à un particulier qui établit un collège dans des bâtiments à lui appartenant en propre, la commune pourra-t-elle se réserver quelques droits, en retour du subside qu'elle accorde? Je ne vois, pour ma part, rien qui s'oppose à ce que, dans ce cas, la commune, par exemple, intervienne, dans la nomination du personnel enseignant de cet établissement ; je ne pense pas que la loi doive interdire cela à la commune.
La même question peut se présenter relativement au collège établi dans des bâtiments dont la commune a cédé l'usage à un tiers pour cette destination. Je crois que, dans ce cas, alors même que la commune n'accorderait pas de subside, elle peut se réserver une certaine intervention dans le choix du personnel; je ne pense pas qu'il faille s'opposer à ce que la commune stipule cette condition.
Je pose toutes ces hypothèses, parce qu'il est très important que sur cette question-ci, il y ait des explications nettes et complètes et qu'il n'y ait de surprise pour personne.
Je pense que l'amendement qui a été proposé par l'honorable M. de Luesemans doit être adopté, parce qu'il est conforme à la loi communale, et que, du moment où le gouvernement a reconnu qu'il peut être utile qu'une convention se fasse, il ne faut pas poser dans la loi même un principe de défiance, que le gouvernement lui-même entrave sa propre action, mais le gouvernement doit s'assurer que l'approbation accordée par la députation n'est pas contraire à la loi.
De ce chef, il y a un moyen simple; le ministre a donné pour instruction aux gouverneurs de lui donner connaissance de toutes les décisions de la députation. Comme il a un délai pour les annuler, s'il trouve que la députation a excédé ses pouvoirs et que la commune est sortie de ses attributions, il annule la décision. Le délai qu'il a pour se prononcer est de six semaines.
L'article 32 contient une disposition trop arbitraire. Le mot « en cas d'abus graves » est trop vague. Pour des faits contraires à la loi, je conçois que le gouvernement conserve la faculté d'annuler, ce serait pour lui un devoir. Je voudrais qu'on adoptât une disposition analogue à celle de l'article 26 de la loi de 1842, qui prévoit le retrait de l'approbation, que l'arrêté royal soit motivé et inséré au Moniteur. Quant au cas d'abus grave, à moins qu'on ne trouve une autre formule plus précise, je ne puis l'admettre. Ce mot laisse une trop grande place à l'arbitraire.
Comme il est à peu près convenu qu'on ne votera pas avant lundi, d'ici là nous aurons le temps de réfléchir et de voir si on ne peut pas trouver une autre rédaction.
M. le ministre de l'intérieur a dit avec vérité que, dans la loi de 1842, les communes n'ont pas la liberté d'adopter sans l'approbation de l’autorité supérieure les écoles primaires privées, cela est vrai, et même que le Roi a le droit de retirer tous les ans les approbations qui auraient été données par la députation. Je ferai remarquer que le cas n'est pas identique, parce que la loi d'instruction primaire impose aux communes l'obligation de créer une école primaire ; ce n'est que par dérogation à cette prescription de la loi que la députation peut autoriser une commune à adopter une école privée. Les cas ne sont donc pas identiques. Du reste, je ne fais aucune difficulté à ce que tout arrangement (page 1305) de la commune soit soumis à l'approbation de la députation, que si le gouvernement la trouve contraire à la loi, il ait la faculté d'annuler la convention, et que pour le cas où la convention étant faite, elle serait contrevenu aux dispositions de la loi, le mouvement ait toujours le droit de révoquer l'approbation en insérant au Moniteur un arrêté motivé.
J'ai circonscrit les griefs que j'avais à présenter contre l'article en discussion; si quelques autres réflexions me venaient d'ici au vote, je demanderais à la chambre la permission de les lui communiquer. Puisqu'on a voulu continuer la discussion aujourd'hui, je n'ai pas voulu m'abstenir d'y prendre part.
M. le président. - Il n'y a plus d'orateurs inscrits.
- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !
M. Dechamps. - Je crois que ce n'est pas sérieusement qu'on demande la clôture. L'article en discussion est peut-être le plus important; au point de vue religieux, il a une importance égale au moins à celle de l'article 8 dont on a beaucoup parlé ; il a été à peu près décidé qu'on remettrait le vote à lundi.
M. de Theux. - Je ferai une observation. Les amendements ne sont pas imprimés; ce n'est que quand on les aura sous les yeux qu'on pourra bien les apprécier.
M. Dechamps. - Il est une erreur dans laquelle beaucoup d'honorables membres sont tombés, et M. le ministre de l'intérieur vient d'y verser lui-même, quand il a dît que nous ne demandions la liberté pour la commune qu'afin qu'elle pût l'abdiquer ou la vendre. C'est là se tromper étrangement.
On confond le régime de la loi sur l'enseignement moyen avec le régime de la loi sur l'enseignement primaire. Le principe de la loi d'enseignement primaire en Belgique, comme partout ailleurs, est qu'il doit y avoir dans chaque commune une école primaire communale. C'est une obligation. Lorsqu'une commune demande à être dispensée de cette obligation et à être autorisée à adopter une école privée pour tenir lieu de l'école communale, je conçois que le législateur prenne des précautions, mette des conditions à cette dispense, à cette autorisation. Quand il s'agit d'enseignement moyen, je ne dis pas que c'est le principe contraire qui domine, mais c'est un principe tout différent : au lieu d'obliger chaque commune de posséder un établissement d'enseignement moyen, vous mettez des conditions à l'érection de cet établissement, il faut une autorisation pour l'établir. Vous voyez la différence.
Malgré cette règle absolue, insérée dans la loi d'enseignement primaire de 1842, comme dans la loi française de 1835, que toute commune doit avoir une école primaire communale, elle peut être autorisée à ne pas la fonder, mais à adopter une école privée pour en tenir lieu. Or, quelles sont les conditions exigées pour cette autorisation? L'article 4 porte que l'autorisation est donnée par la députation provinciale, sauf recours au Roi.
Vous voyez que cet article 4 va moins loin que l'article 32 du projet actuel.
Il y a garantie pour la commune ; quand la députation n'accorde pas l'autorisation, la commune a le droit de recourir au Roi.
Que dit l'article 32 que nous combattons ? Lorsque la commune, au lieu de fonder un collège communal qu'elle n'est pas dans l'obligation d'ériger, demande l'autorisation d'adopter un établissement privé, vous lui opposez deux entraves, l'avis con forme de la députation et, quand la députation aura décidé contre la commune, la commune n'aura pas de recours au Roi.
Au contraire, quand une députation provinciale aura autorisé, le gouvernement pourra refuser.
Je demande qu'on applique ici les mêmes principes;; c'est l'amendement de M. de Luesemans.
Evidemment, loin d'aller moins loin que la loi d'instruction primaire, cette disposition va plus loin.
Il est vrai que, pour retirer cette autorisation, le gouvernement peut le faire chaque année. Mais ce n'est pas là la question importante, et cette clause dérive du principe dont je parlais tout à l'heure. Ici il s'agit de la dispense à une règle absolue, qui est une école communale dans chaque commune.
Je conçois donc que le gouvernement soit appelé chaque année à décider si l'école adoptée continue à satisfaire aux conditions exigées pour une école communale.
Mais pour un collège communal, la règle est toute différente, puisqu'une commune n'est pas obligée de créer un collège communal. Ce n'est pas une dispense qu'elle demande.
Lorsqu'on a parlé à cette occasion de l'abdication des droits de la commune, on s'est servi d'un mot impropre. Elle renonce à une faculté et non à un droit; elle a la faculté de fonder ou de ne pas fonder un collège. Au lieu de fonder, elle adopte, elle encourage un collège privé, elle accorde un subside, un local à ce collège, qu'elle patronne. De quels droits parlez-vous, lorsque vous dites qu'il y a abdication? Lorsqu'elle fonde un collège communal, évidemment elle ne peut abdiquer le droit de nomination des professeurs; cela est clair.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cela est devenu clair.
M. Dechamps. - Pardon ! En 1846, nous avions posé le même principe. Cette question n'a pas même été soulevée.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ainsi la convention de Tournay est contraire à la loi.
M. Dechamps. - Je n'ai pas à examiner ce point, puisque cette convention n'existe plus. Lorsqu'on a parlé dans la discussion générale d'abdication indirecte des droits de la commune, on voulait parler des établissements patronnés par les communes et administrés par le clergé. Or, il n'y a là aucune abdication, aucune cession de droits quelconques.
Pour moi, je demande formellement que la chambre adopte l'amendement de l'honorable M. de Luesemans, qui n'est que la reproduction de l’article 4 de la loi sur l'instruction primaire relatif à l'adoption.
La même question a été agitée en France dernièrement. En France, on a été beaucoup plus libéral qu'on ne veut l'être ici. Quelles sont les conditions d'autorisation, en France, pour le patronage des collèges? L'autorisation est donnée par le conseil académique, composé de telle manière que l'élément gouvernemental n'y est presque pas représenté; et lorsque le conseil académique refuse l'autorisation demandée par la commune, celle-ci a le droit de recourir au conseil supérieur qui peut revenir sur cette décision. C'est le même principe qui est déposé dans l'amendement de l'honorable M. de Luesemans.
M. Le Hon. - Ce sont les formalités pour l'autorisation des collèges privés.
M. Dechamps. - C'est une erreur. Il s'agit précisément du patronage. Il y a un article qui dit que la commune peut accorder des locaux et des subsides aux collèges privés.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il s'agit de l'autorisation ; mais relativement aux subsides et aux immeubles, ne reste-t-on pas soumis au régime municipal français?
M. Le Hon. - Assurément.
M. Dechamps. - Je n'oserais pas affirmer ; je n'ai pas la loi française sous les yeux. Je le vérifierai d'ici à lundi. Mais je crois que M. le ministre des finances est dans l'erreur.
J'avoue que je suis très peu encouragé à continuer mon discours devant des bancs dégarnis et dans une salle déserte.
Un grand nombre de membres quittent leur place.
Rapport sur les opérations de la caisse d'amortissement et delà caisse des dépôts et consignations
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur les opérations de la caisse d'amortissement et de la caisse des dépôts et consignations.
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances du dépôt de ce rapport dont elle ordonne l'impression et la distribution.
La séance est levée à 4 heures et demie.