(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
M. de Luesemans procède à l'ppel nominal à 2 heures un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance précédente; la rédaction en est adoptée.
M. de Luesemans présente l'nalyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Ryckevorsel demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes; qu'on y soit tenu de se servir de cette langue pour enseigner l'nglais et l'llemand; que les administrations provinciales et communales, et, autant que possible, les tribunaux en fassent exclusivement usage ; qu'il y ait une académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse, à l'université de Gand, des mêmes prérogatives que la langue française. »
« Même demande des membres du conseil communal de Neerpelt, Ranst, Steenhuysen, Grand-Brogel, Gierle, Leeuwergen, Oombergen, Godveerdegem, Lierde-Ste-Marie, Voorde, Vorsselaer, Hillegom, de plusieurs habitants d'Anvers, Boisschot, Breendonck, Vreemde, Duffel, Bouwel, Weelde, Rethy, Herenthout, Thildonck, Zarren, Berchem et des membres d'une société de rhétorique établie à Eecloo et à Iseghem. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement.
« Plusieurs habitants de Fayt-lez-Seneffe demandent la révision de la Constitution, l'établissement de l'impôt progressif sur le revenu, l'bolition de toute répartition personnelle communale sur le revenu, des modifications à la loi sur la contribution personnelle, la suppression des droits sur les boissons, sur les denrées alimentaires et sur certaines patentes, un impôt sur les objets de luxe, la réduction de quelques traitements, la révision des lois sur l'enseignement primaire, sur la milice nationale, sur la garde civique, sur les expropriations forcées et sur la détention préventive. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les curés du canton de Vielsalm protestent contre une accusation dont ils sont l'objet dans le rapport triennal sur l'enseignement moyen. »
- Même renvoi.
« Le sieur Gerste demande que le projet de loi concernant certains examens universitaires contienne une disposition qui proroge jusqu'à la première session de 1852 le terme passé lequel on ne peut se présentera l'examen pour la candidature en philosophie, sans avoir subi celui d'élève universitaire. »
M. Rodenbach. - Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi dont la chambre s'occupera probablement aujourd'hui.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs habitants de Cachtem présentent des observations contre le projet de loi sur l'enseignement moyen. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
M. Vanden Branden de Reeth demande un congé pour motifs de santé,
- Accordé.
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, j'i l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale qui a examiné le traité de commerce et de navigation, conclu entre la Belgique et la Russie, le 14 février dernier.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je demande que la chambre veuille bien mettre ce rapport à l'ordre du jour; il est essentiel que la chambre puisse délibérer sur ce projet avant de prendre des vacances.
- Adopté.
M. Van Grootven. - Messieurs, j'i l'honneur de déposer sur le bureau, au nom de la commission, le rapport sur quelques demandes de naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Messieurs, j'i l'honneur de déposer sur le bureau deux projets de loi ; l'un a pour objet de déclarer admissibles à la liquidation de la pension de retraite certains employés qui ont été au service des provinces. L'utre a pour objet de proroger l'rticle premier de la loi du 12 avril 1835 sur les péages du chemin de fer, jusqu'u 1er mars 1851.
- Ces deux projets de loi seront imprimés et distribués. La chambre les renvoie à l'examen des sections.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée du 17 janvier 1850, plusieurs administrations communales dans la Flandre orientale prient la chambre de modifier les dispositions qui règlent les frais d'entretien des indigents. »
« Même demande des administrations communales d'Erwelegem, Appellerre-Eychem, Lierde-Saint-Marrin, Santbergen, Grotenberghe, Roosebeke, Oombergen, Leeuwergem et Schendelbeke. »
Déjà souvent la chambre a été saisie de semblables réclamations de la part des localités les plus populeuses du pays, et par cela même le plus affectées du paupérisme. Ces réclamations sont au moins fondées sous ce rapport, que l'entrée des dépôts de mendicité étant libre à tout indigent, les ressources de la bienfaisance publique sont en quelque sorte à la discrétion des moins recommandables parmi les pauvres. D'utre part, il n'y a pas d'équité à laisser les charges du paupérisme exclusivement à charge des localités; car il résulte entre ces localités une énorme inégalité de charges de ce chef; et les localités une fois atteintes par le fléau, deviennent presque à jamais incapables de s'en affranchir.
Mais cette matière étant une des plus ardues de l'dministration moderne, votre commission a dû proposer le renvoi de ces pétitions à M. le ministre de la justice, en recommandant leur objet à ses méditations.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée du faubourg de Laeken, le 31 décembre 1849, les habitants du faubourg de Laeken demandent que ce faubourg soit séparé de la commune de Molenbeek et érigée en commune spéciale sous la dénomination de Saint-Jean. »
Cette pétition paraît être une vieille pièce dont la date a été rafraîchie pour ne pas dire davantage. Elle ne semble donc plus en rapport avec les faits actuels en ce qui regarde les causes de division et de difficulté entre diverses parties de la commune de Molenbeek-Saint-Jean.
Ces considérations engagent votre commission à proposer simplement le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée d'Ostende, le 25 janvier 1850, plusieurs négociants, armateurs et industriels d'Ostende demandent une protection plus efficace en faveur des importations et des exportations par navire belge, le rétablissement des lois sur la nationalisation des navires qui étaient en vigueur avant 1845, une augmentation de prime pour le doublage en cuivre, et prient la chambre de généraliser la doctrine du libre-échange si le travail national doit être réservé aux étrangers. »
« Par pétition datée de Bruges, le 29 janvier 1850, plusieurs négociants, armateurs, constructeurs et industriels de Bruges prient la chambre de leur accorder une part dans l'importation des 7,394,186 kilogrammes de café, une augmentation de primes pour navires doublés en cuivre, le rétablissement des lois en vigueur avant 1845, sur la nationalisation des navires, et une protection plus efficace à l'importation et à l'exportation en faveur des navires nationaux, ou bien de généraliser la doctrine du libre-échange, en supprimant les droits sur les charbons, les fers, les armes, les articles de laine et autres qui sont à meilleur compte à l'étranger. »
La demande du commerce de Bruges tendante à obtenir une part dans l'importation des 7 millions de kil. de café reçus à droit réduit paraît à votre commission mériter un sérieux examen.
En effet, le nord de l'rrondissement de Bruges est tellement côtoyé par les frontières de la Hollande, que cette partie de la Flandre est naturellement appelée à consommer du café d'importation hollandaise; et dès lors il est désirable (autant que cela est compatible avec les difficultés des précautions douanières) que cette partie du pays participe proportionnellement au bénéfice du traité néerlandais, quant au café.
Pour les réclamations qui ont pour objet l'ggravation du régime protecteur en ce qui concerne la navigation, votre commission des pétitions a pensé qu'elles sont contraires aux tendances actuelles des gouvernements éclairés de l'Occident. Cependant elles signalent à bon droit les contradictions et les inégalités qui se rencontrent dans nos tarifs au sujet de l'introduction du navire nationalisé et au sujet de l'introduction des matériaux dont on peut construire un navire en ce pays.
Les pétitions renferment aussi quelques remarques utiles sur l'effet des droits protecteurs accordés à d'utres industries ; votre commission a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi des deux pétitions à M. le ministre des affaires étrangères.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition dater de Bruxelles, le 13 décembre 1849, plusieurs fabricants et commerçants à Bruxelles demandent qu'il soit pris des mesures sévères pour empêcher les ventes publiques en détail de marchandises neuves et pour que les étrangers qui viennent en Belgique offrir et vendre des marchandises payent le droit de patente. »
(page 960) La loi du 20 mai 1846 est venue satisfaire aux réclamations qui s'étaient élevées dans le temps contre l'bus des ventes publiques et en détail de marchandises neuves.
La pétition du commerce de Bruxelles signale des fraudes qui ont pour objet d'éluder les dispositions de la loi de 1846.
La pétition demande en second lieu que les commerçants et industriels étrangers qui viennent dans le pays offrir en vente des marchandises de toute espèce soient assujettis au droit de patente de ce chef comme les régnicoles.
Sous les deux rapports la pétition signale des contraventions dont il appartient au département des finances de poursuivre la répression.
Votre commission des pétitions a donc l'honneur de vous proposer le renvoi à M. le ministre des finances en recommandant le double objet de la pétition à sa sollicitude.
M. Orts. - Messieurs, la commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances. Il est nécessaire de la renvoyer également à M. le ministre de l'intérieur. En effet, le renvoi à M. le ministre des finances ne peut concerner qu'un des objets de la réclamation, savoir les fraudes commises dans l'pplication de la loi sur les patentes; mais quant aux contraventions qui se rapportent à la loi sur les ventes à l'encan, c'est là une affaire communale qui rentre dans les attributions du ministre de l'intérieur. Je demanderai donc que la pétition soit renvoyée à M. le ministre de l'intérieur, en même temps qu'à M. le ministre des finances ; je propose aussi à la chambre d'jouter à ce renvoi une demande d'explication. Il existe, sous ce rapport, un conflit pendant entre plusieurs administrations communales et provinciales, conflit sur lequel le département de l'intérieur n' pas encore pris la décision nécessaire, pour trancher ce qui entrave l'exécution d'une loi rendue sur les plaintes à peu près générales du commerce de Belgique.
M. Toussaint, rapporteur. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Orts.
- Le double renvoi à MM. les ministres des finances et de l'intérieur est ordonné.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Liège, le 16 janvier 1850, plusieurs propriétaires et chefs d'établissements industriels de la rive gauche de la Meuse, en amont de Liège, demandant que le gouvernement prenne sans retard les dispositions nécessaires pour que la société concessionnaire du chemin de fer de Namur à Liège fasse construire l'embranchement de la rive gauche de la Meuse, se rendant des Guillemins au pont du Val-Saint-Lambert. »
A la rigueur, cette demande eût dû être dirigée vers le gouvernement, chargé de veiller à l'exécution des engagements pris par les concessionnaires du chemin de fer de Liège à Namur. Cependant l'objet intéressant le travail d'une des vallées les plus industrieuses du pays, votre commission croit devoir vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
« Par pétition datée de Pervyse, le 15 décembre 1849, plusieurs bourgmestres de communes, dans la Flandre occidentale, demandent des modifications à la loi du 3 avril 1848, concernant les dépôts de mendicité et les écoles de réforme. »
Les pétitions comprises sous ce numéro sont relatives au même objet que les pétitions indiquées sous le numéro 19.
Votre commission des pétitions ne peut que renouveler les observations déjà faites, et vous soumettre les mêmes conclusions.
M. Rodenbach. - Depuis quelque temps on nous adresse un nombre considérable de pétitions, particulièrement de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale, contre la loi sur les dépôts de mendicité. Cette loi est ruineuse pour les pauvres communes des Flandres; elles demandent qu'on y apporte des modifications qui sont indispensables, car déjà ces communes sont dans l'impossibilité de payer leur dette, et cette dette s'ugmente d'nnée en année.
Il est urgent de modifier la loi sur l'entretien des vagabonds dans les dépôts de mendicité.
J'ppuie le renvoi proposé. J'jouterai qu'il y a une vingtaine d'utres pétitions ayant le même objet dont vous entretiendront d'utres rapporteurs ; je demanderai qu'elles soient également renvoyées à M. le ministre de la justice.
- Le renvoi est ordonné.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 12 janvier 1850, plusieurs anciens fonctionnaires prient la chambre d'ccorder au gouvernement le crédit nécessaire pour solder le montant des condamnations judiciaires qu'ils ont obtenues contre l'Etat, en payement des gratifications annuelles dites toelagen, qui leur ont été accordées par arrêté royal de 1827. »
Ai-je besoin de rappeler à la chambre que la question qui fait l'objet de ces requêtes s'est déjà présentée devant la législature dans la session de 1845-1846?
Après une discussion assez longue, la chambre, dans sa séance du 20 novembre, rejeta une proposition de loi déposée par M. Mercier, comme ministre des finances, en mars 1844, et défendue par M. Malou, successeur de M. Mercier.
Cette proposition était ainsi conçue:
« Vu l'rticle 21 du traité du 19 avril 1839,
« Vu le dernier paragraphe de l'rticle 18 du traité du 5 novembre 1842,
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique, exercice 1843, un crédit supplémentaire de 646,138 fr. 89 c., pour pourvoir au payement des créances restant à liquider sur les exercices clôturés, du chef de traitements d'ttente, de traitements ou de pensions supplémentaires et de secours annuels. »
Cette proposition mal accueillie par la section centrale ayant pour organe M. Savart, son rapporteur, fut remplacée par une proposition avant pour but de déclarer que l'Etat n'est pas chargé du payement des traitements de l’espèce mentionnes au traité de 1839.
La chambre au premier vote admit la proposition de la section centrale; mais au second vote, craignant de s'être trop engagée, elle se borna à rejeter purement et simplement le projet de loi présenté par le gouvernement et repris par M. de Man comme amendement à la proposition de la section centrale admise au premier vote.
A cette époque, messieurs, il existait un seul arrêt de la cour de cassation, celui provoqué par les héritiers Coupez, depuis la cour de cassation a rendu un grand nombre d'rrêts identiques consacrant les droits d'utres créanciers de l'Etat.
La demande de 1845 se présente aujourd'hui avec le cortège imposant d'un grand nombre d'rrêts conformes; et elle se produit en même temps dans des termes d'une grande modération à l'égard du mode et des époques de payement des condamnations judiciaires dont l'Etat a été l'objet.
La vraie question à décider par la chambre est celle de savoir si l'on respectera un grand nombre de décisions judiciaires passées en force de chose jugée.
Votre commission des pétitions a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.
M. Lebeau. - Messieurs, j'vais demandé la parole parce que, dans l'nalyse de la pétition inscrite au feuilleton que j'i sous les yeux, la commission n'nnonçait pas le dessein de demander des explications à M. le ministre des finances.
Je crois que ces explications doivent être nécessairement demandées. La question, messieurs, est assez grave; selon moi, il importe et à l'honneur de la législature et à l'honneur de la magistrature que le gouvernement saisisse la chambre d'une demande de crédit tendante tout au moins à exécuter les décisions de l'utorité judiciaire passées en force de chose jugée.
Si je ne craignais d'buser des moments de la chambre, je réclamerais un instant son attention pour rappeler brièvement les faits, surtout à quelques honorables collègues qui, faisant partie de la législature depuis peu de temps, n'ont pas assisté aux précédentes discussions sur ce sujet. (Parlez ! parlez!)
On sait que quelques années après l'établissement du royaume des Pays-Bas, une banque sous le titre de Société Générale, etc., fut instituée; on sait que quelque temps après l'institution de cette banque, le gouvernement la constitua caissier de l'Etat, et supprima, par un arrêté pris dans l'ordre de ses attributions, les receveurs généraux et les receveurs d'rrondissement qui, jusque-là étaient des fonctionnaires de l'Etat relevant immédiatement de lui.
Ces fonctionnaires subiront dans leur position une modification importante. Les uns, les receveurs généraux, ne cessèrent pas d'être fonctionnaires de l'Etat; ils devinrent directeurs du trésor dans les provinces; les autres, les receveurs d'rrondissement, passèrent au service du caissier de l'Etat comme agents de la banque; quelque temps après, le roi Guillaume, prenant en considération l'ltération profonde qu'vait subie la position de ces fonctionnaires, prit, en vertu du droit qu'il croyait inscrit par lui, dans l'rrêté-loi de 1814, la mesure que voici :il accorde aux receveurs généraux, devenus directeurs, du trésor, un supplément de traitement qu'on a appelé, en Hollande, toelagen ou wachtgeld, noms qui ont été quelque peu francisés aujourd'hui, grâce aux procès dont nos tribunaux ont retenti depuis plus de dix ans,
Les receveurs particuliers, devenus agents du caissier de l'Etat, ont reçu aussi des dédommagements, sous forme de supplément de traitement. Dans les arrêtés, il était dit que ces dédommagements dureraient aussi longtemps que ces agents conserveraient la position qui leur était faite. Ces suppléments furent régulièrement payés jusqu'en 1830.
Après 1830, lors de la première présentation de crédits qui suivit la révolution, et dès l'nnée 1831, le gouvernement n'hésita pas un seul instant à reconnaître les droits de ces anciens fonctionnaires, et présenta des crédits à la chambre pour leur payer ces suppléments de traitement. Le gouvernement fondait aussi la demande de ces crédits sur le traité de novembre 1831.
La chambre, peut-être sous l'impression de l'bus avec lequel le roi Guillaume avait, disait-on, exercé son droit, et sous cette impression que le traité de 1831 qu'on invoquait n'vait pas été accepté par la Hollande, refusa les crédits demandés, se bornant à accorder des secours à ceux de ces fonctionnaires, qui étaient dans un véritable état de besoin.
D'nnée en année, les choses se passèrent ainsi. Mais la chambre entendait bien réserver tous les droits des parties réclamantes. Après le traité de 1839, la chambre crut que le droit des pétitionnaires était incontestable, et accorda les subsides, qui ont été payés sans interruption, jusqu'à la révocation des arrêtes du roi des Pays-Bas par le gouvernement actuel.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Les pétitionnaires réclamèrent donc leur argent (page 961) depuis 1831 jusqu'en 1839. Ayant échoué dans cette chambre a plusieurs reprises, ils se sont pourvus naturellement devant les tribunaux. Le gouvernement les y a suivis, à tous les degrés de juridiction, reconnaissant ainsi implicitement au moins la compétence des tribunaux, qui, selon moi, n'est pas niable ; et c'est après des décisions souveraines, des décisions de cours d'ppel confirmées par des décisions de rejet de la cour de cassation, que ces anciens fonctionnaires sont venus frapper de nouveau à la porte de cette chambre.
Plusieurs ministres, notamment l'honorable M. Malou, ont fait des demandes de crédit à la chambre, dont quelques-unes se fondent sur des décisions judiciaires.
La chambre a commencé, si mes souvenirs sont exacts, dans un premier vote par appel nominal, à accueillir par exception une de ces propositions, et quand on est arrivé au vote sur l'ensemble du projet, elle a rejeté le tout.
Depuis, comme vient de le dire l'honorable rapporteur, les tribunaux ont été appelés à statuer de nouveau sur cette question, et ils ont confirmé leur jurisprudence.
Devant ces décisions répétées, toujours les mêmes, le gouvernement a fini par se désister. Il s'était pourvu en cassation; il a fait signifier son désistement.
Je demande si l'honneur de la législature, l'honneur de la magistrature, l'inviolabilité de ses décisions, les droits les plus incontestables des citoyens ne sont pas ici en question, et s'il ne s'git pas, messieurs, de faire disparaître de nos précédents parlementaires ce que je me crois en droit d'ppeler un véritable scandale.
Il est évident qu'un des premiers principes, je ne dirai pas de notre société constitutionnelle, mais de toute société, c'est le respect, le respect profond, inviolable pour les décisions de l'utorité judiciaire. Je ne veux pas agiter devant vous la question de savoir si dans ces matières on peut professer des principes absolus; je sais qu'à un point de vue absolu, à un point de vue purement théorique, la question peut offrir certaines difficultés. Mais je crois que je serai de l'vis de tout le monde en disant qu'il faudrait, pour méconnaître dans un parlement des décisions de l'utorité judiciaire, d'une autorité aussi fortement constituée, aussi respectable que la magistrature belge, il faudrait des raisons d'une telle évidence que l'opinion publique les eût proclamées avant même que la question eût été portée dans cette enceinte. Or, je crois que personne de dira que c'est le cas aujourd'hui, et quant à moi, la question me paraît aussi claire, aussi évidente que s'il s'gissait d'un particulier, non pas vis-à-vis du gouvernement, mais vis-à-vis d'un autre particulier.
Je demande donc que la pétition soit renvoyée, comme vous le dit M. le rapporteur et comme ne le disait pas l'nalyse insérée au feuilleton, à M. le ministre des finances, avec demande d'explications.
M. Delfosse. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je ferai remarquer que la question qui vient d'être soulevée par l'honorable M. Lebeau, a fait l'objet, il y a quelques années, d'une discussion très approfondie. La chambre, après cette discussion, n' pas tenu compte de l'opinion de l'honorable M. Lebeau qui lui a paru trop absolue; mais il est résulté de l'ensemble de cette discussion qu'il y avait une distinction à faire entre les pétitionnaires.
Si nous voulions reprendre aujourd'hui cette discussion, elle pourrait nous conduire très loin et elle ne porterait aucun fruit. Je pense que nous sommes d'ccord pour renvoyer la pétition à M. le ministre des finances avec demande d'explications ; attendons ces explications; nous pourrons alors discuter.
M. le président. - La question est de savoir si l'on renverra cette pétition à M. le ministre des finances avec demande d'explications. C'est probablement sur cette question que M. Dumortier a demandé la parole.
M. Delfosse. - Je crois que nous sommes tous d'ccord pour le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances avec demande d'explications.
M. Dumortier. - Qu'en savez-vous?
M. Delfosse. - Toute discussion sur le fond serait aujourd'hui prématurée.
M. Dumortier. - Je désire avant tout que, si la pétition est renvoyée à M. le ministre des finances avec ou sans demande d'explications, peu m'importe, ce soit sans rien préjuger quant à une question que la chambre a tranchée elle-même à une immense majorité, malgré l'opposition de l'honorable M. Lebeau.
Je ne veux pas que la chambre, dans laquelle il se trouve un nombre considérable de membres qui n'ont pas assisté à cette discussion, entendent l'honorable M. Lebeau seul sans connaître ce qui s'est passé parmi ceux qui formaient la majorité contre la proposition de l'honorable député de Huy.
Voici, messieurs, toute la question relative aux toelagen et aux wacht-gelden.
Le roi Guillaume, en vertu des arrêtés organiques de 1814, car c'était avant la promulgation de la loi fondamentale, s'était réservé certains droits en matière de pensions. Vous devez vous rappeler, messieurs, que sous le règne du roi Guillaume, les actes résultant de ce droit avaient donné lieu à d'immenses abus et qu'il y avait dans le pays des réclamations considérables sur ce point ; les abus des pensions étaient un des griefs dont on se plaignait et dans le pays et aux états généraux; et, en effet, messieurs, il y avait dans ces toelagen, dans ces traitements d'ttente, des choses que vous croiriez à peine.
Ainsi on avait accordé une pension à un abbé parce qu'il avait prononcé un sermon contre son évêque. On avait accordé un traitement d'ttente à un ancien gentilhomme, en attendant le rétablissement des droits féodaux. Il y avait plusieurs choses de cette force.
Aussi lorsqu'il fut question, en 1831, d'examiner, pour la première fois les sommes portées au budget, pour faire face à ces toelagen, wacht-gelden, etc. (il y avait 5 catégories, notamment des secours annuels, espèces d'umônes que le roi Guillaume faisait, non sur sa cassette particulière, mais sur le trésor public), lorsqu'il fut question d'examiner ces sommes, en 1831, la chambre se demanda jusqu'à quel point le roi Guillaume était fondé, dans la concession de ces pensions, et je me souviens parfaitement, que l'un des hommes les plus éminents de la cour de cassation et qui siégeait alors dans cette enceinte, démontra de la manière la plus évidente, qu'il y avait eu abus dans la collation d'une notable partie de ces traitements d'ttente, pensions, etc., et que la Belgique, même aux termes des 24 articles, n'était point redevable de toutes ces sommes, qui s'élevaient , je crois, à un demi-million par an.
C'est sur les observations de cet honorable membre que la chambre fil une réduction des plus fortes sur le chiffre alors proposé par le ministre.
Maintenant en 1839 le traité fut accepté par le roi Guillaume.
M. Lebeau. - Quel est le magistrat dont vous venez de parler?
M. Dumortier. - Je n'i pas l'habitude de citer des noms propres. C'est d'illeurs inutile.
Lorsque, en 1839, le traité des 24 articles fut voté, lorsque ce malheureux traité qui nous séparait de nos frères du Limbourg et du Luxembourg fut voté, la question n'était plus posée dans les mêmes termes qu'utrefois : un assez bon nombre de ces titulaires étaient morts et la somme était beaucoup moins élevée ; on n'était point, d'illeurs, dans une situation d'esprit, vous le concevez fort bien, à entrer dans tous ces petits détails; une somme fut donc portée au budget pour payer ceux qui restaient. Dans cette somme figuraient non seulement des pensions, mais même des traitements.
Ainsi, des directeurs du trésor, indépendamment du traitement qu'ils touchaient sur le budget pour remplir leurs fonctions, recevaient encore une somme complémentaire à tltre de pension, somme complémentaire qui, plus tard, devenait un titre à vie, indépendamment des droits acquis à la pension, du chef des fonctions qu'ils exerçaient.
Ainsi, messieurs, sur quoi repose la réclamation? Elle repose sur la question de savoir si la Belgique doit ou ne doit pas à ces personnes des sommes que la chambre a refusé itérativement de leur payer avant la signature définitive du traité des 24 articles. Or, vouloir comme l'honorable M. Lebeau que l'on paye ces sommes, c'est évidemment donner un effet rétroactif au traité, car le traité n' stipulé que pour l'venir. Le traité qui est un contrat synallagmatique entre la Belgique et les Pays-Bas, n' point stipulé, n' point pu stipuler pour le passé. La chambre refusa donc de payer ces prétendus arriérés et renvoya les demandeurs au roi Guillaume, qui, aux termes du traité, est chargé de faire face à toutes les dettes antérieures, moyennant la rente de 5 millions payée par la Belgique.
Dans cet état des choses que s'est-il passé? Les ministres, auxquels s'étaient adressés les pétitionnaires, ont refusé de leur accorder des arriérés; c'est alors qu'ils se sont adressés aux tribunaux; une décision est intervenue. Comment la cause a-t-elle été défendue devant les tribunaux? Je l'ignore, mais il y avait un moyen excessivement simple de trancher la question : c'est que toutes les dettes, antérieures au traité, étaient imputables à la Hollande, en vertu du traité, et que par conséquent les pétitionnaires n'vaient qu'à s'dresser au roi Guillaume pour les arriérés, si tant était qu'il leur en fût dû.
La question revint donc de nouveau à la chambre. Comment les choses se sont-elles passées alors ? Nous avions dans la chambre des magistrats nombreux, des jurisconsultes éminents que nous ne possédons plus. Je citerai; entre autres, mon honorable collègue et ami, M. Dubus.
- Une voix. - Pas de nom propre!
M. Dumortier. - Il me plait d'en citer un cette fois-ci... M. Dubus qui était certainement un des plus éminents jurisconsultes, une autorité, un des hommes de la plus grande valeur en matière de questions de droit. Eh bien, l'honorable M. Dubus a soutenu cette thèse, c'est que si les tribunaux étaient juges de leur compétence, la chambre est aussi juge de la sienne.
Voilà le véritable système. Si vous sortiez de ce système, il n'y aurait plus de chambre des représentants; vous seriez purement et simplement une chambre d'entérinement de tout ce qu'il plairait aux tribunaux de vous condamner à payer; vous substitueriez alors en toute chose le pouvoir judiciaire au pouvoir parlementaire.
Certes, je reconnais avec l'honorable M. Lebeau qu'il faut des circonstances très graves pour que la chambre n'entérine pas les arrêts des tribunaux: mais toujours est-il, et l'honorable membre le reconnaît aussi, qu'il y a des circonstances graves où elle ne doit pas les entériner. Que la chambre n'it pas à s'enquérir du jugement des tribunaux dans les questions purement civiles, je le conçois; mais dans les questions politiques, examiner est son droit et son devoir, car le juge n'est pas appréciateur des circonstances politiques, ni des conséquences de son jugement sur la situation du pays. Or, si jamais une circonstance grave s'est présentée, évidemment c'est bien lorsque la condamnation de payer s'dressait à un objet sur lequel il y avait eu votes sur votes de rejet de la part de la législature.
(page 962) Comment! la législature sachant bien ce qu'elle faisait, a écarté du budget des demandes qui ne lui paraissaient pas fondées; d'près le système de l’honorable M. Lebeau, les tribunaux pourront venir vous forcer de porter au budget ce que vous en avez retranché! Mais que devient alors la prérogative parlementaire? Que deviennent les droits que vous a conférés la Constitution? Déclarez alors que vous n'vez plus le droit d'examiner les budgets. Avec un pareil système, vous arrivez à l'bsurde.
Je dis donc qu'il faut renvoyer la pétition à M. le ministre des finances sans rien préjuger; la chambre doit garder toute sa liberté, la chambre doit rester juge de ses attributions, elle ne peut abdiquer ce droit sans cesser d'être chambre des représentants. Nous ne pouvons pas, messieurs, prononcer notre propre abdication, nous violerions notre mandat; ce serait faire que nos successeurs ne pourraient pas porter la tête haute dans cette assemblée.
Notre devoir, messieurs, est de maintenir notre prérogative dans son entier, dans son intégrité, de le remettre, en cet état, à nos successeurs.
Je demande donc qu'on ne préjuge absolument rien sur la question ; qu'on demande des explications à M. le ministre des finances, je ne 'm'y oppose pas; que M. le ministre des finances nous donne des explications, nous les examinerons : mais je ne veux pas que le renvoi avec demande d'explications préjuge une résolution contraire à celle qu' prise la chambre, non pas une fois, mais dix fois peut-être sur cette matière.
Remarquez d'illeurs, messieurs, qu'il ne s'girait de rien moins que de porter 600,000 fr. au budget.
M. Mercier. - Messieurs, je crois devoir présenter quelques observations à la chambre tout en appuyant les conclusions de la commission.
L'honorable M. Dumortier a parlé d'bus; il peut y avoir eu quelques abus isolés que je ne veux pas défendre. Mais, en thèse générale, les mesures que le roi des Pays-Bas a prises envers d'nciens fonctionnaires sont analogues à celles que le gouvernement belge a prises lui-même dans certaines circonstances. Sous le gouvernement des Pays-Bas, il y a eu plusieurs réorganisations d'dministrations financières; beaucoup d'emplois furent supprimés par mesure d'économie. Qu' fait le roi des Pays-Bas? Il a accordé à quelques-uns des anciens titulaires des traitements d'ttente, à d'utres des suppléments de traitement, alors que le traitement attaché à leur nouvelle position était inférieur à ceux dont ils avaient joui précédemment; à d'utres enfin, mis prématurément à la retraite, un supplément de pension.
Nous avons agi de même dans des circonstances semblables; lorsque nous avons fait la cession de deux parties de provinces, plusieurs fonctionnaires antérieurement placés sur le territoire cédé sont rentrés en Belgique; le gouvernement belge leur a alloué un traitement d'ttente. Plus tard, lors de l'chèvement des travaux du cadastre, des fonctionnaires, mis également en disponibilité, reçurent aussi un traitement d'ttente. Plus récemment, divers départements ministériels ont été réorganisés ; beaucoup de fonctionnaires se sont trouvés sans emploi, et on leur a alloué un traitement d'ttente qui leur est exactement payé.
Le roi Guillaume a agi dans les limites de ses pouvoirs, en accordant ces traitements d'ttente, suppléments de traitements et de pensions; ils ont été payés pendant toute la durée du royaume des Pays-Bas; ils l'ont été dès les premières années du gouvernement belge, du moins en partie; des discussions se sont élevées à ce sujet dans la chambre à l'occasion du budget de 1833; des opinions divergentes ont été émises; il en est résulté une réduction partielle du crédit demandé, mais avec toutes réserves. Si l'honorable préopinant s'est appuyé sur un jurisconsulte distingué dont il a cité je citerai à mon tour un jurisconsulte non moins éminent, M. Ernst.
Eh bien, l'honorable M. Ernst a, déclaré que, dans son opinion, les traitements d'ttente et suppléments de traitements accordés par arrêtés royaux, devaient être respectés aussi longtemps que ces arrêtés n'vaient pas été rapportés par une disposition expresse de l'utorité compétente et qu'on ne pouvait se dispenser de continuer à les liquider.
Maintenant des arrêts sont intervenus, on ne peut s'écarter du respect dû à la chose jugée ; sous ce rapport l'honorable M. Lebeau a exprimé une opinion que je partage entièrement.
M. Toussaint, rapporteur. - Messieurs, je n'i à faire qu'une seule remarque pour établir la vérité des faits.
L'honorable M. Dumortier a parlé d'bbés qui recevaient une pension pour avoir parlé contre leur évêque. Les pétitions dont il s'git n'émanent pas de pensionnaires de cette catégorie; toutes les réclamations émanent d'nciens agents de l'ncienne banque dont les fonctions ont été supprimées ou modifiées.
Une autre observation de fait, c'est que lors de la mémorable discussion de 1845 et 1846, un seul arrêt avait été prononcé, celui en faveur des héritiers Coupez. Un très grand nombre de procès de cette nature étaient pendants devant les tribunaux; et l'on conçoit qu'en présence de ces procès la chambre n'it pas voulu engager légèrement le trésor public.
Je pense que la chambre l' si bien entendu ainsi que lorsqu'elle a eu rejeté le projet du gouvernement, elle a refusé de déclarer d'une manière formelle avec la section centrale que le gouvernement n'était pas chargé de la somme réclamée; elle s'est bornée à repousser la demande de crédit spécial on faveur des héritiers Coupez qui lui était soumise.
La section centrale n' pas entendu engager l'opinion de la chambre. Je ne crois pas devoir en dire davantage. Je me borne à faire observer qu'il est bien entendu que c'est sans rien préjuger qu'elle propose le renvoi au ministre des finances avec demande d'explications.
M. Lebeau. - J'ttache au renvoi proposé le même sens que l'honorable rapporteur et l'honorable M. Dumortier; il ne peut jamais en avoir un autre, nous ne pouvons pas aller au-delà, nous ne pouvons rien préjuger. Je n'i demandé la parole que pour une rectification; l'honorable M. Dumortier a dit que la législature avait constamment condamné la prétention des pétitionnaires. Cela n'est pas exact. Dans le débat auquel a pris part l'honorable M. Dumortier, la chambre a voté, à une majorité assez considérable, une résolution entièrement contraire à celle qu'elle avait adoptée au premier, vote, et qui constituait, selon moi, un monstrueux abus de pouvoir. Je croyais, en outre, qu'u premier vote, elle avait alloué la somme demandée pour les héritiers Coupez, qui étaient porteurs d'un arrêt de la cour d'ppel et d'un arrêt de la cour de cassation ; c'est parce que cette proposition se trouvait dans un même projet avec d'utres demandes que, l'ensemble ayant été rejeté, ce vote disparut aussi.
M. de Man d'Attenrode. - C'est une erreur !
M. Lebeau. - Le fait m' été rappelé ce matin, et je crois que mes souvenir sont exacts. Le temps m' manqué pour vérifier ces détails dans le texte officiel.
On m' dit que la demande des héritiers Coupez a été admise au premier vote et qu'u second vote on l' rapporté en rejetant le tout.
Dans tous les cas je n'insiste point sur ce détail et je n'ttache pas d'importance à ce fait secondaire, cela n'intéresse que très peu la question.
Si j'insiste, c'est par des considérations qui me sont personnellement étrangères ainsi qu'à mon entourage, car c'est à peine si je connais les noms de quelques-uns des intéressés. Je suis frappé de cette circonstance si grave que des arrêts d'une cour souveraine et de la cour de cassation viennent expirer au seuil de cette chambre, qui devrait être la première à donner à la nation, aux citoyens, l'exemple du respect pour les décisions de l'utorité judiciaire, respect qui doit être l'un des éléments, l'une des bases de la religion politique d'un peuple libre.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, les souvenirs de l'honorable préopinant l'ont mal servi; je tiens à rectifier une erreur dans laquelle il vient de tomber. Car la question soulevée par le rapport des pétitions est d'une grande importance et pour le trésor public, et pour les prérogatives de la législature.
J'i contribué à faire rejeter le crédit demandé à la fin de l’année 1845. La chambre voudra donc bien me permettre de lui donner quelques explications, concernai les résultats de la discussion, qui est intervenue dans cette enceinte.
L'honorable M. Lebeau vient de déclarer, que la chambre a voté un crédit de quelques mille francs, pour satisfaire à l'rrêt en faveurs de héritiers Coupez.
Cette assertion est inexacte, et c'est pour la rectifier que j'i demandé la parole.
Voici ce qui s'est passé en 1845 :
Le gouvernement déposa à cette époque une proposition de crédit s'élevant à 646,538 fr. 89 c, afin d'être mis à même de payer l'rriéré des traitements supplémentaires (toelagen) qui avaient été accordés par le gouvernement hollandais à des fonctionnaires de l'dministration des finances, mais pour lesquels la législature s'était refusée à voter des crédits depuis 1830. Le gouvernement basait sa proposition sur ce que l'Etat avait été condamné par des arrêts judiciaires à payer cette somme aux intéressés.
Une discussion animée s'engagea sur cette question. Le ministre des finances de cette époque, mon honorable ami M. Malou, s'étant aperçu que son projet de loi semblait avoir peu de chances de succès, abandonna la proposition primitive du gouvernement, et proposa un amendement conçu en ces termes :
« Il est ouvert, au budget de la dette publique de l'exercice 1844, un crédit supplémentaire de 6,500 francs pour satisfaire en capital, intérêts, et frais, à l'rrêt rendu en faveur des héritiers Coupez. »
La chambre ayant compris que, si ce petit crédit était admis, la question eut été résolue pour tous les intéressés qui se trouvaient dans une position identique, qu'une fois la brèche ouverte, tous y auraient passé, rejeta l'mendement de l'honorable ministre par 39 voix contre 20.
Nous eûmes ensuite à nous prononcer sur le projet de la section centrale, dont l'honorable M. Savart-Martel était le rapporteur. L'rticle premier de ce projet avait été vivement critiqué, on trouvait qu'il avait plutôt la forme d'un arrêt que le caractère d'une loi.
La chambre était décidée à rejeter les prétentions des intéressés, qui voulaient lui forcer la main, et l'obliger à voter des crédits considérables en se fondant sur des arrêts judiciaires sans autre preuve de la légitimité de leurs créances. Elle vota par suite et malgré sa répugnance l'rticle proposé par la section centrale, mais il y eut de nombreuses abstentions, car la forme paraissait vicieuse, et cela à juste titre.
Au second vote je réclamai mon tour de parole ; je parvins à établir au moyen de renseignements puisés à la cour des comptes, qu'il était des réclamants, auxquels il n'était rien dû aux termes mêmes des arrêtés qui leur avaient conféré des toelagen.
(page 963) En effet, ces arrêtés exprimaient que ces faveurs ne seraient maintenues aux intéressés, que pour le temps qu'ils resteraient dans cette position.
Or, cette position s'était considérablement modifiée depuis par des actes du gouvernement belge pour plusieurs d'entre eux.
C'est ainsi qu'un fonctionnaire qui, en 1830, louchait un traitement de 4,500 florins et un toelage de 3,500 florins, soit ensemble 16,931-22 avait vu son traitement s'élever jusqu'à 19,007-41. Il ne lui était évidemment rien dû du chef même des arrêtés du roi Guillaume.
Ce fait et bien d'utres que j'urais pu citer confirmèrent la majorité dans le parti qu'elle avait pris au premier vote. Mais elle n'vait devers elle que la rédaction de la section centrale, qui semblait absurde.
Je repris alors pour mon compte, comme amendement, le projet primitif du gouvernement, qui n'vait pas subi le vote de la chambre. Je le repris afin de mieux assurer sa défaite.
La majorité rejeta mon amendement, et je votai moi-même contre.
Le projet de la section tombait par l'effet de ce vote; il n'en fut plus question.
Maintenant, messieurs, encore quelques mots, si vous voulez bien me le permettre.
Ces réclamations des intéressés m'étonnent; comment! il y a à peine 5 ans que le législateur les a éconduits et ils renouvellent leurs réclamations. Ils se figurent donc que la chambre de 1850 démolira l'œuvre de la chambre de 1845.
Ils ont donc bien peu de foi dans les décisions qui se prennent ici dans la stabilité des décisions législatives !
La chambre en prenant cette décision, en repoussant un crédit basé sur un arrêt passé en forme de chose jugée, a posé, j'en conviens, un acte d'une haute gravité ; elle a été amenée à le poser à la suite d'un discours qui a exercé une grande influence sur sa détermination, qui a produit un grand effet dans cette enceinte. Je veux parler du discours de l'honorable M. Fallon, qui siégeait sur ces bancs. Voici un passage de ce discours.
« Les chambres ne sont pas seulement investies du pouvoir législatif concurremment avec le Roi, elles ont en outre dans leurs attributions la haute administration des finances, le vote des budgets.
« Le vote des dépenses de l'Etat comporte naturellement celui d'examiner et d'pprécier le titre qui est produit à l'ppui d'une demande d'llocation ; et si à cet égard son contrôle s'exerce sur les actes du pouvoir exécutif tout aussi indépendant que le pouvoir judiciaire, nous ne voyons pas par quel privilège en dehors de la constitution, le contrôle ne s'exercerait pas également sur les actes du pouvoir judiciaire.
« Lors donc qu'une demande de crédit à la charge du trésor public est appuyée sur un acte judiciaire, on ne peut pas ravaler le pouvoir de haute administration, dont le pouvoir législatif est investi, au simple rôle de l'examen matériel de la condamnation. »
Eh bien, messieurs, la chambre se rangea de l'vis de l'honorable M. Fallon, elle crut qu'elle était juge de sa compétence tout comme l'utorité judiciaire, elle rejeta le crédit, parce l'rrêt invoqué n'vait pas été rendu dans le cercle des attributions des corps judiciaires.
En effet, cet arrêt était basé sur des actes particuliers de la bienveillance royale, comme l'exprimait l'rrêté-loi du 14 septembre 1814.
Dès lors il ne s'gissait pas de faits ressortissant au droit civil, (erratum, page 980) mais au droit politique; et la Belgique ayant passé en 1830 sous un autre régime politique, ces faveurs devaient être soumises à une nouvelle sanction.
Cet incident, regrettable sans doute, fait sentir l'bsence d'une loi concernant les conflits, qui a été prévue par la Constitution.
Un projet a été présenté en 1843, l'honorable M. d'Elhoungne en a été nommé rapporteur. Mais le rapport n' pas été publié.
Au reste, voici dans quels termes l'honorable M. Fallon a fait des réserves, auxquelles a adhéré, je pense, l'honorable M. Delfosse.
« Ce qui nous reste à faire, c'est d'journer la discussion jusqu'à ce que le gouvernement nous ait produit les titres à l'ppui de son projet de loi, titres que nous apprécierons et auxquels nous ferons droit, tout en ménageant les intérêts du trésor, non pas d'près les principes rigoureux du droit civil, mais bien d'près les règles de l'équité, dont nous ferons l'pplication suivant les circonstances particulières à chaque réclamation. »
Ce n'est que dans le sens de cette réserve que j'dhère aux conclusions de la commission des pétitions.
M. Lelièvre. - Je viens appuyer le renvoi à M. le ministre des finances dans le sens propose par l'honorable M. Lebeau. A mon avis, il faut faire une distinction entre les créances dont le fondement a été reconnu en justice et celles à l’égard desquelles rien n' été statué. Relativement aux créances reconnues légitimes par l'utorité judiciaire, je pense que la question ne peut présenter aucune difficulté sérieuse. En effet, la Constitution établit une division complète entre les différents pouvoirs de l'Etat; l'utorité judiciaire juge souverainement les questions relatives aux droits civils, et ses décisions ne sauraient être infirmées par le pouvoir législatif.
Lorsque le pouvoir judiciaire a déclaré l'Etat débiteur de sommes envers un particulier, celui-ci a un droit irrévocablement acquis, et le bénéfice du jugement ne saurait lui être enlevé. Ce droit est devenu pour lui une véritable propriété qui doit être respectée.
Il y a plus, les tribunaux statuent eux-mêmes sur leur compétence dont, en définitive, est juge la cour suprême. Autoriser le législateur à connaître du mérite des décisions de l'utorité judiciaire, c'est absorber celle-ci au profit du pouvoir législatif, c'est vouloir que celui-ci puisse trancher des questions concernant des intérêts privés et à l'égard desquelles l'utorité judiciaire a épuisé ses pouvoirs. La séparation des pouvoirs, clairement tracée par la Constitution, repousse un système qui pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses et pourrait donner lieu aux plus graves abus. Un corps politique se verrait en définitive investi du droit de juger du mérite de toute créance à charge de l'Etat, alors que celui-ci (erratum, p. 973) est soumis, comme les particuliers, à la juridiction des tribunaux, lorsqu'il s'git de sommes dont on le prétend débiteur.
Du reste, messieurs, il s'git dans l'espèce d'une question pécuniaire, d'une question du mien et du tien, et, à cet égard, l'utorité judiciaire est évidemment souveraine. J'ppuie donc les observations de l'honorable M. Lebeau, et je prie M. le ministre des finances d'y faire droit.
M. de Mérode. - Je n'i qu'un mot à dire, c'est qu'il y a quelques années on a discuté très sérieusement sur cette question, et qu'il est impossible de la trancher légèrement aujourd'hui.
M. le président. - Personne n' fait cette proposition. Il y a seulement proposition de renvoi au ministre des finances, avec demande d'explications, et sans rien préjuger.
M. de Mérode. - Alors on pourra recommencer très souvent. Après cet échec, on pourra en recevoir d'utres. La question a été traitée à fond ; la demande des pétitionnaires a déjà été écartée par la chambre après un long débat ; l'ffaire sera interminable; tous les 4 ou 5 ans, les pétitionnaires recommenceront.
Quant à moi, j'i voté contre la réclamation, parce que nous avons distingué entre les questions politiques et les questions civiles.
Les toelagen sont pour moi une question politique. L'honorable M. d'Elhoungne a parlé dans le même sens. C'est pour cela que les prétentions des pétitionnaires n'ont pas été admises.
M. Dumortier. - Je demande le renvoi pur et simple.
M. Mercier. - Jusqu'ici il ne s'est agi que du renvoi avec demande d'explications. Ceci est une autre proposition. Si elle a quelque chance d'être adoptée, je demande la parole ; car il y a une réponse à faire à l'honorable M. de Man d'Attenrode.
M. de Man d'Attenrode. - J'ppuie la proposition de M. Dumortier.
M. Dumortier. - Si M. le ministre des finances veut s'expliquer, il a une manière bien simple de le faire, c'est de présenter un projet de loi. Mais j'espère bien qu'il n'en fera rien.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cependant, si c'est dû !
M. Lebeau. - Je ne conçois pas le procédé de l'honorable préopinant. Il fait appel à votre esprit d'économie; je fais appel à votre esprit d'équité. Qui respecte le mieux la dignité, l'honneur de la législature? Le dernier argument de l'honorable préopinant serait-il que si la somme était modique, on pourrait se départir de la rigueur des principes qu'il préconise; mais que la somme étant assez considérable, il ne faut tenir aucun compte des réclamations ni des décisions qui les ont sanctionnées! Je laisse à la chambre le soin de faire justice d'une pareille argumentation. Si la théorie de l'honorable préopinant et de l'honorable M. Fallon était vraie dans tous les cas, savez-vous quel est le droit qui en résulterait logiquement ? Le droit de faire banqueroute.
M. de Mérode. - On a déjà dit cela dans la discussion.
M. Lebeau. - Sans doute. Mais on ne saurait trop le dire, et comme on a répété les arguments auxquels nous avons répondu depuis quatre ou cinq ans, nous avons le droit de répéter les nôtres.
11 n'y a rien de jugé par la législature. La législature se compose de deux chambres et du Roi. Il n'y a eu qu'une opinion émise par une chambre; et nous pouvons d'illeurs en appeler de la chambre d'lors à la chambre d'ujourd'hui, qui est aussi souverainement libre que les précédentes et qui n'est nullement liée par vos antécédents.
J'i reconnu, j'i dit qu'il n'est guère possible, dans une pareille question, de poser des principes absolus.
J'i eu la franchise de reconnaître qu'à un point de vue purement abstrait, purement théorique, la question pouvait offrir des difficultés; mais j'i dit et je répète qu'il y a une chose sur laquelle tous les hommes sensés doivent être d'ccord, c'est que, pour que le pouvoir législatif résistât à une décision du pouvoir judiciaire, il faudrait des considérations telles que tous les bons esprits en fussent frappés dans cette chambre et en dehors de cette chambre.
J'i dit que les théories de l'honorable préopinant peuvent conduire à la banqueroute, et il n'y a en cela nulle exagération ; car s'il est vrai qu'on peut examiner des demandes qui reposent sur des titres judiciaires, parce que le pouvoir de voter les crédits constitue l'omnipotence parlementaire, on arrive par analogie à cette conséquence qu'on pourra examiner les titres des créanciers de la dette publique, les droits de ceux qui l'ont contractée, l'emploi qu'elle a reçu. Voilà à quelle conséquence on arrive; c'est, je le maintiens, le chemin qui mène à la banqueroute.
Cela suffit, je pense, pour faire comprendre la nécessité d'un nouvel et sérieux examen de la question traitée en ce moment.
C'est ce que je me borne à demander.
M. Dumortier. - L’honorable préopinant me fait dire l’opposé de ce que j’ai dit. Suivant lui, la réclamation pourrait être accueillie, s’il s'gissait d'une somme modique; elle doit être repoussée, parce qu'il s’agit (page 964) de 600,000 fr. Je vous laisse à juger si c'est ainsi que je me suis exprimé. La réponse sera dans toutes vos bouches.
J'i examiné la question, au point de vue sérieux de savoir si dans les questions de droits politiques, lorsqu'il ne s'git pas d'entreprises faites par le gouvernement ou de créances pour lesquelles le gouvernement peut être considéré comme un citoyen, comme un particulier, la chambre avait, oui ou non, à entériner les arrêts des cours. J'i fait connaître les motifs pour lesquels la chambre n'vait pas à entériner simplement les arrêts des cours, quand il s'git d'ffaires politiques. Il s'git ici d'une pétition de droits politiques ; la chambre a jugé, et c'est là le motif qui a déterminé son vote.
Sans doute, l'honorable M. Lebeau peut venir, chaque année, reproduire son système devant une chambre nouvelle. Mais je suis convaincu que l'honorable M. Lebeau se trompe fort, lorsqu'il suppose que la chambre n'est pas désireuse de maintenir les prérogatives de la législature. Je suis convaincu que l'ssemblée actuelle tient aux prérogatives parlementaires tout autant que les chambres qui l'ont précédée. Le vote de la chambre le démontrera: elle prouvera qu'elle est bien décidée à conserver son indépendance parlementaire, et à ne pas se soumettre sans examen à toutes les décisions qui interviendraient de manière à transformer la chambre en chambre d'enregistrement de décisions qui grèveraient le trésor public.
Le système de l'honorable M. Lebeau pourrait avoir des conséquences ruineuses. Je suppose en effet que les tribunaux condamnent l'Etat à rembourser le capital dépensé par les provinces et les communes pour la construction des routes, ou pour celle des forteresses, serez-vous capables de le payer ? Dites donc que les tribunaux vous obligeront à décréter la banqueroute du trésor public.
Que demain les tribunaux, dans telle ou telle matière qui se rapporte à la politique, viennent condamner l'Etat, vous serez exposé à voir le trésor public ruiné par un arrêt de tribunal. Et vous viendriez soutenir que nous n'vons pas besoin d'examiner des arrêts dans lesquels la question politique a joué le plus grand rôle? Cela n'est pas réellement soutenable pour un homme d'Etat ; je ne conçois pas comment un homme d'Etat comme l'honorable M. Lebeau peut soutenir une pareille opinion.
L'honorable M. Lebeau a dit, qu'il ne fallait pas qu'on traitât la question en principe et il a commencé par traiter la question en principe; il a soutenu le principe que nous devions courber la tête devant les arrêts des tribunaux.
C'est ce qui ne se peut pas. Je dis que quand les tribunaux ont à prononcer sur une question de droits civils, par exemple, de fournitures du chemin de fer, de fournitures pour la guerre, l'Etat ayant, dans ces questions, un intérêt purement civil, la politique n'étant pas en jeu, nous devons nous soumettre aux décisions des tribunaux; mais que quand il s'git d'rrêts rendus pour des droits politiques, la chambre doit toujours avoir son libre arbitre et que son droit comme son devoir l'obligent à examiner.
M. Delfosse. - Messieurs, il est certain que la chambre n'était pas en mesure de se prononcer aujourd'hui sur le fond de la question ; elle n'vait pas les pièces sous les yeux; elle n'vait pas eu le temps d'examiner. Je persiste à dire que toutes les observations qui ont été présentées sur le fond de la question étaient prématurées ; car elles devront être répétées plus tard.
Je pense, comme l'honorable M. Lebeau, qu'on peut en appeler de la chambre d'utrefois à la chambre d'ujourd'hui. C'est pourquoi j'ppuie le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances avec demande d'explication. On ne peut raisonnablement s'opposer à celle demande d'explication. Mais il est entendu que la chambre conserve toute sa liberté d'ction et que rien n'est préjugé.
M. le président. - On est d'ccord pour le renvoi à M. le ministre ; il n'y a divergence que sur le point de savoir si le renvoi aura lieu avec demande d'explications. Dans tous les cas, il est entendu que c'est sans rien préjuger,
- Le renvoi avec demande d'explications est mis aux voix et adopté.
M. Delfosse remplace M. Verhaegen au fauteuil.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée d'Everghem, le 5 janvier 1850, plusieurs habitants d'Everghem demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes ; qu'on y soit tenu de s'en servir pour enseigner les langues allemande et anglaise ; que les administrations communales et provinciales et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de cette langue; qu'il y ait une académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles; et que la langue flamande jouisse, à l'université de Gand, des mêmes prérogatives que la langue française. »
« Même demande de plusieurs membres de sociétés littéraires de Louvain. »
Conclusions : Renvoi au département de l'intérieur et dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi sur l'enseignement moyen.
« Par pétition datée de Saint-Nicolas, le 24 décembre 1849, les membres d'une société de rhétorique, établie à Saint-Nicolas, demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les athénées et collèges des provinces flamandes, et qu'on soit tenu de faire usage de cette langue pour l'enseignement de l'llemand et de l'nglais. »
« Même demande de l'dministration communale d'Hamont et de plusieurs habitants de Nevele, Roulers, Auweghem, Elseghem et des membres d'une société de rhétorique à Grammont. »
Ces diverses pétitions concernent les droits de la langue flamande l'égard de l’enseignement public à tous les degrés, et à l'égard de notre organisation académique.
Je ne pense pas, messieurs, que la chambre voudra, à l'occasion de ces pétition, aborder le fond de la question qu'elles soulèvent; car sous peu de jours la chambre aussi à l'examiner à propos de la loi de l'enseignement moyen.
La commission vous propose le renvoi des pétitions à M. le ministre de l'intérieur et le dépôt sur le bureau durant la discussion du projet de loi sur l'enseignement moyen.
M. Rodenbach. - Je crois, messieurs, qu'il faudra examiner attentivement ces requêtes lorsqu'on s'occupera du projet de loi sur l'enseignement moyen. Ce sont des vœux généralement exprimés; les réclamations nous arrivent de toutes parts.
M. de Perceval. - Il me semble, messieurs, qu'il serait bien plus rationnel de renvoyer ces pétitions à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi organique de l'enseignement moyen.
L'honorable rapporteur demande le renvoi à M. le ministre de l'intérieur et ensuite le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi. Mais la section centrale est actuellement réunie, et dans l'intérêt même des pétitionnaires il serait bien plus utile de lui renvoyer la requête. Je propose de modifier les conclusions dans ce sens.
M. le président. - M. le rapporteur se rallie-t-il à la proposition de M. de Perceval?
M. Toussaint, rapporteur. - Non, M. le président, je n'y suis pas autorisé.
M. Rodenbach. - Les conclusions de la commission peuvent être adoptées et la proposition de l'honorable député de Malines peut l'être également. On peut fort bien renvoyer les pétitions à M. le ministre de l'intérieur et à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement moyen.
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.
Le renvoi à M. le ministre de l'intérieur est ensuite mis aux voix, il n'est pas adopté.
M. le président. - La commission a proposé quelques changements de rédaction; le gouvernement se rallie-t-il à ces modifications ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.
M. le président. - En conséquence, la discussion s'ouvre sur le projet tel qu'il est modifié par la commission.
M. de Perceval. - Messieurs, la loi du 15 juillet 1849 divise en deux parties l'examen de docteur en droit.
L'rticle 77 autorise cependant les récipiendaires qui en feraient la demande, à être interrogés, conformément à la loi de 1835, pendant la seconde session de 1849 et la première de 1850, et par conséquent à subir en une seule épreuve leur examen de docteur en droit.
Le projet de loi présenté ) la chambre dans la séance du 9 mars, par M. le ministre de l'intérieur, porte :
« Art. 1er. Les effets de la disposition transitoire contenue dans l'rticle 77 de la loi du 15 juillet 1849 sont étendus à la seconde session de 1850, en faveur des récipiendaires reçus candidats en droit avant ou pendant la seconde session de 1848. »
Je prie la chambre de rendre cette disposition applicable à tous les candidats en droit admis à l'époque de la mise en vigueur de la loi du 15 juillet 1849: en d'utres termes, de l'étendre aux candidats reçus pendant la première session de 1849.
Les candidats admis dans la première session de 1849 ont, tout aussi bien que les candidats reçus avant ou pendant la deuxième session de 1848, commencé les cours du doctorat sous l'empire d'une législation qui ne les soumettait qu'à un seul examen, et il est juste dès lors de ne pas leur enlever le bénéfice de la loi de 1835.
D'un autre côté, sous l'empire de l'ncienne législation, on subissait assez souvent, après dix-huit mois de travail, l'examen de docteur en droit. Pourquoi ce qui était permis alors serait-il défendu aujourd'hui aux récipiendaires qui ont commencé leurs études sous l'empire de cette législation?
Bien plus, l'rticle 77 qu'il s'git de proroger faisant abstraction de la date du diplôme, les candidats en droit reçus dans la première session de 1849 ont pu se préparer à subir au bout d'un an (ce qui n'est pas sans exemple), leur doctorat en une seule épreuve dans la première session de 1850. Ajournés alors, ils perdraient le fruit de leurs études, s'il ne leur était pas permis de se représenter conformément à la législation en vigueur à l'époque où ils s'y sont livrés.
Il s'en trouve d'illeurs parmi eux qui, apprenant, dans cette disposition, la présentation prochaine d'un projet de loi sur la matière, mais ignorant que ce projet n'urait trait qu'ux candidats admis avant 1849, se sont décidés à attendre, pour accroître par des efforts nouveaux leurs chances de succès, la deuxième session de 1850, et ont laissé ainsi expirer le terme fatal fixé pour les inscriptions de la première session.
Ceux-là se verraient ainsi singulièrement lésés par l'doption pure et simple du projet. Non seulement ils verraient reculer, d'une manière sensible, le terme de leurs études; non seulement ils les verraient entravées par une sorte de perturbation bien propre à en compromettre le succès, mais encore une partie du travail qu'ils ont dû s'imposer, leur deviendrait parfaitement inutile. Les titres du Code civil sur lesquels ils (page 965) auraient à répondre pour subir plus tard un second examen de docteur ne seraient plus les mêmes que ceux qu'ils auraient à ajouter aux matières du premier examen, pour obtenir, en une seule épreuve, le grade de docteur en droit.
M. le président. - Voici l'mendement que M. de Perceval propose à l'rticle premier du projet.
« Je prie la chambre de rendre cette disposition applicable à tous les candidats en droit admis à l'époque de la mise en vigueur de la loi du 15 juillet 1849, en d'utres termes de l'étendre aux candidats reçus pendant la première session de 1849. »
M. Van Hoorebeke, rapporteur. - Messieurs, un certain nombre d'élèves, se trouvant dans la position exceptionnelle que vient de rappeler M. de Perceval, ont adressé à la commission spéciale une pétition qui avait pour objet de demander la prorogation de la disposition transitoire de la loi de 1849, en faveur des élèves qui ont subi l'examen de candidat en droit pendant la première session de 1849; cette proposition a été renvoyée à une commission spéciale composée de délégués des quatre universités et elle n' pas été accueillie par cette commission. La commission s'est déterminée par cette considération principale et décisive que les élèves qui étaient candidats en droit avant la deuxième session de 1848, et ceux qui ont reçu leur diplôme dans cette session, que ces élèves dans l'ignorance de la loi de 1849 devaient nécessairement compter sur la loi de 1835 qui faisait durer les cours du doctorat pendant deux ans, c'est-à-dire que ces élèves ont commencé leurs études pour le doctorat sous une législation que rien n'nnonçait devoir être modifiée.
C'est en faveur de ces élèves que le gouvernement a proposé l'rticle premier de la loi nouvelle, et c'est aussi en faveur de ces élèves que la commission a proposé à la chambre d'étendre le bienfait de la prorogation. L'honorable M. de Perceval vient de dire que les élèves qui ont subi l'examen en 1849, c'est à-dire peu de temps avant la promulgation de la loi nouvelle, devraient obtenir la même faveur. La position de ces élèves mérite sans doute quelque égard. Il est regrettable que le concours des deux législations qui existent encore rende leur position désavantageuse, mais les considérations qui ont fait prendre la mesure en faveur des élèves que concerne le projet ne peuvent pas s'ppliquer à ceux dont l'honorable M. de Perceval vient de parler.
C'est pour ces motifs que la commission n' pas cru pouvoir accueillir leur réclamation.
« Art. 1er. Les effets de la disposition transitoire contenue dans l'rticle 77 de la loi du 15 juillet 1849, sont étendus à la deuxième session de 1850 en faveur des récipiendaires reçus candidats en droit avant ou pendant la deuxième session de 1848.
« Les récipiendaires qui, ayant profité du bénéfice de la présente loi, seraient ajournés pendant la deuxième session de 1850, pourront subir leur examen de docteur en droit, conformément à la loi du 27 septembre 1835, pendant la (erratum, page 973) première session de 1851. »
M. de Perceval a proposé l'mendement suivant :
« Je prie la chambre de rendre cette disposition applicable à tous les candidats en droit admis à l'époque de la mise en vigueur de la loi du 15 juillet 1849, en d'utres termes de l'étendre aux candidats reçus pendant la première session de 1849. »
- Cet amendement est mis aux voix; il n'est pas adopté.
L'rticle premier est adopté.
« Art. 2. Le certificat de premier examen de docteur en médecine délivré conformément à la loi du 27 septembre 1835, soit antérieurement à la loi du 15 juillet 1849, soit en exécution des dispositions transitoires de la même loi, est assimilé au certificat de premier examen de docteur en médecine, en chirurgie et en accouchements, délivré conformément à la loi de 1849.
« Les docteurs en médecine reçus conformément à la loi du 27 septembre 1835, sous l'empire des mêmes dispositions transitoires, pourront profiter du bénéfice de l'rticle 72 de la loi de 1849. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 66 membres présents.
Ce sont : MM. Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste), Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Sinave, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delehaye.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée du 24 janvier 1850, plusieurs administrations communales dans la Flandre orientale prient la chambre de modifier les dispositions qui règlent les frais d'entretien des indigents.
« Même demande des administrations communales de Steenhuyse-Wynhuyse, Essche-St-Liévin, Aertrycke, Thourout, Moere, Eerneghem et du conseil communal d'Ichleghem. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs administrations communales dans la province de Liège prient la chambre de changer l'organisation des dépôts de mendicité. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre de la justice.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Verrebroek, le 6 février 1850, un grand nombre d'habitants et de cultivateurs des poldres de Verrebroeck, Meerdonck, Vracene, Kieldrecht, Beveren et Calloo, arrondissement de Saint-Nicolas, se plaignent des inondations qui ravagent ces localités et sollicitent l'intervention de la chambre pour que le gouvernement ordonne une inspection des lieux dans la quinzaine. »
Conclusions : Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition sans date, plusieurs membres du conseil communal de Grammont, réclamant contre la nomination d'un membre de la commission de l'hospice civil de cette ville, prient la chambre de décider si cette nomination est valide. »
Le conseil communal de la ville de Grammont, et non quelques conseillers, comme l'indique par erreur l'nalyse de cette pétition présentée à la chambre le 14 février, a pris, dans sa séance du 19 janvier dernier, la résolution suivante :
« Attendu que la nomination d'un membre de l'dministration des hospices soulève aujourd'hui les mêmes difficultés que l'nnée dernière ;
« Attendu que M. le ministre de l'intérieur n' pas répondu à la requête qui lui a été adressée par plusieurs conseillers communaux, afin d'obtenir par son intervention l'planissement du différend qui existe à ce sujet ;
« Attendu que la solution de ce différend dépend de l'interprétation des articles 64, 65, 66 et 68 de la loi communale ;
« Attendu que ces difficultés n'ont pas été soulevées par l'utorité compétente;
« Attendu que, d'près l'rticle 28 de la Constitution belge, le droit d'interpréter les lois par voie d'utorité n'ppartient qu'u pouvoir législatif;
« Attendu que, avant de procéder à la nomination dont s'git, il importe de connaître l'opinion de nos législateurs sur l'interprétation des articles invoqués ;
« Décide de soumettre cette affaire aux chambres législatives. »
Voici, messieurs, les faits qui ont motivé cette résolution.
La majorité du conseil communal prétendit, dans la séance du 23 février 1849, que le bourgmestre, médecin salarié de l'dministration des hospices, ayant un intérêt direct dans l'objet en délibération, ne pouvait pas, aux termes de l'rticle 68 de la loi communale, prendre part à la nomination des membres de cette administration. Le bourgmestre soutint son droit et fit procéder à la nomination, malgré l'opposition des conseillers.
Dix membres étaient présents. Un membre se retira comme parent ou allié d'un des candidats; cinq membres s'bstinrent de voter; quatre autres donnèrent leurs voix au même candidat.
Les conseillers qui s'étaient abstenus prétendirent que ce candidat n'était pas élu. Le collège échevinal, de son côté, ne lui fit pas délivrer d'expédition du procès-verbal de la séance, et voulut même provoquer une nouvelle élection, en envoyant, le 25 juin, à la députation permanente les pièces relatives à cette affaire, pour les soumettre à sa délibération.
Il semble résulter de la lettre de M. le gouverneur, en date du 29 juin, que la députation ne fut pas saisie de cette affaire. Car ce haut fonctionnaire écrit, en accusant réception des pièces, que la personne qui avait obtenu les quatre suffrages avait obtenu la majorité des voix des membres du conseil qui ont pris part au scrutin; que sa nomination était valide.
Quelques jours après avoir reçu cette dépêche, le bourgmestre, à l'insu, paraît-il, du collège échevinal, installa le nouvel élu; deux membres de l'dministration des hospices protestèrent contre cette installation, et jusqu'à ce jour n'ont pris part à aucun acte auquel il a participé.
Votre commission des pétitions a l'honneur de vous proposer, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, avec demande d'explications. La bonne administration des hospices exige que le différend regrettable qui existe au sein du conseil communal de la ville de Grammont disparaisse au plus tôt.
M. Dedecker. - Messieurs, je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions. Je prierai en même temps M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien soumettre la réclamation du conseil communal de Grammont à un examen approfondi et de nous fournir les explications demandées dans le plus bref délai possible.
Depuis longtemps déjà l'dministration communale de Grammont réclame en vain, par voie administrative, l'exécution de quelques articles de la loi communale qu'elle croit avoir été violés dans l'ffaire dont la pétition vous entretient. Jusqu'à présent l'dministration communale n' pas obtenu de réponse du gouvernement. Ce déni de justice ne peut se prolonger. Des motifs spéciaux exigent qu'on prenne promptement une décision quelconque. L'dministration communale de la ville de Grammont, d'une part, et l'dministration des hospices, de l'utre, sont aujourd'hui dans le plus complet désarroi. Voici comment :
(page 966) A l'occasion de la nomination d'un membre de la commission des hospices, de graves difficultés se sont élevées.
La majorité du conseil communal proteste contre cette nomination; une partie de la commission des hospices ne peut pas s'occuper des affaires de l'dministration, en compagnie de ce membre dont elle regarde la nomination comme illégale. Il y donc ici un double motif pour qu'on prenne une décision sur les réclamations réitérées dont cette nomination est l'objet.
Je ne veux rien préjuger aujourd'hui ; mais je supplie M. le ministre de l'intérieur d'examiner cette importante affaire, non pas au point de vue politique, mais au point de vue de la légalité ; c'est aussi à ce point de vue que je me placerai, quand nous serons saisis des explications du gouvernement.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Malines, le 14 février 1850, le sieur Loret-Vermeersch prie la chambre d'ordonner une enquête sur les avantages du métier mécanique propre à tisser le lin, dont il est l'inventeur, et d'engager le gouvernement à s'en rendre propriétaire, si elle le reconnaît utile à l'industrie linière. »
M. de Perceval. - Messieurs, j'ppelle toute l'ttention de la chambre et du gouvernement sur la pétition dont l'honorable rapporteur vient de présenter l'nalyse.
M. Loret-Vermeersch est inventeur d'un métier mécanique propre à tisser le lin. Ce métier produit à volonté soit une toile fortement tramée, soit une toile faiblement tramée; il exécute de lui-même toutes les opérations du tissage et supprime l'pprentissage; il n'exige pas la force d'un homme dans la force de l'âge; il est propre à tisser, non seulement la toile, mais encore toutes les étoffes de soie, de laine, de coton, et même la toile à voile.
La construction et le mécanisme de ce métier sont aussi simples que solides. J'i l'intime conviction que s'il tombait dans le domaine public, il rendrait un immense service à l'industrie linière. Aussi j'engage fortement le gouvernement à s'en rendre l'cquéreur.
Le métier mécanique dont cet industriel distingué est l'inventeur, a déjà été examiné ; il a fonctionné devant une commission spéciale désignée à cet effet par le gouvernement.
Il y a plus. Des expériences comparatives ont été faites; elles ont constaté à l'évidence que cet appareil l'emporte sur tous les autres métiers de ce genre employés jusqu'à ce jour pour la confection des toiles.
Et c'est peut-être, qu'il me soit permis de le dire en passant, parce qu'il réunit des mérites aussi nombreux et aussi incontestables que l'on s'est efforcé au département de l'intérieur, j'i quelques motifs pour le croire, de ne pas l'pprécier comme il aurait dû l'être.
Il me suffira, j'ime à en être persuadé, d'ppeler la sérieuse attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'importance et la bonté du nouveau système à tisser de M. Loret-Vermeersch, pour qu'il veuille bien ordonner une enquête impartiale et dégagée de tout esprit de spéculation ou de parti, sur les avantages de ce métier mécanique.
L'honorable ministre de l'intérieur nous a prouvé, à différentes reprises, combien est incessante et active la sollicitude qu'il porte aux Flandres et à l'industrie linière.
Je l'engage avec de vives instances à se rendre, au nom de l'Etat, propriétaire du nouveau métier de M. Loret-Vermeesch. Il aura rendu un service éminent aux districts liniers et à la prospérité des Flandres en popularisant dans nos provinces, en leur distribuant le métier mécanique dont cet ingénieux industriel est l'inventeur.
Par suite de toutes ces considérations que le gouvernement appréciera, je n'en doute point, j'ppuie les conclusions de la commission qui tendent à renvoyer cette requête à M. le ministre de l'intérieur.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont adoptées
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition sans date, un grand nombre d'industriels, littérateurs et artistes demandent une loi pour garantir la propriété intellectuelle. »
Diverses pétitions adressées à la chambre et couvertes d'un grand nombre de noms honorables, nous demandent des lois sur la propriété des œuvres de l'intelligence en général, et sur celle' des inventions en particulier.
Les pétitionnaires réclament, non la révision, mais le remplacement de la loi du 25 janvier 1817 sur les brevets, par des dispositions nouvelles basées sur des principes entièrement contraires à ceux qui régissent la matière sur le continent.
En Amérique, en Prusse, en France, en Angleterre même, les lois relatives aux inventions sont trouvées si défectueuses qu'on se prépare à les réviser ; et cependant, ces lois ont déjà été révisées trois à quatre fois.
Notre loi des brevets s'est conservée vierge de toutes améliorations, rien d'étonnant qu'elle soit la plus riche en erreurs et en lacunes; il est temps de faire disparaître les unes et de combler les autres.
Sous le rapport financier, la loi est des plus vicieuses, elle rapporte à peine de quoi subvenir aux frais du bureau des brevets; vous pouvez vous en convaincre, messieurs, en consultant le compte rendu des recettes et dépenses pendant l'nnée 1847, qui vient de nous être distribué. Vous y verrez qu'elle n' rapporté cette année que fr. 17,489-98, tandis qu'en Angleterre elle rapporte plusieurs millions, en France, plusieurs centaines de mille francs et dans l'Amérique du Nord soixante à quatre-vingt mille dollars.
Or, il est, non pas probable, mais certain, que les inventeurs de tous les pays viendraient placer leurs inventions sous la sauvegarde de la loi belge, si elle les protégeait mieux, plus longtemps et à moins de frais qu'on la protège ailleurs.
Le trésor et l'industrie y gagneraient.
Des tentatives ont été faites par presque tous les ministres qui se sont succédé au département de l'intérieur pour améliorer la position des brevetés.
Mais que peut-on faire contre un texte erroné et contre le silence de la loi, si ce n'est de l'interpréter à sa façon! Il en est résulté, messieurs, une grande instabilité, qui fait, qu'ujourd'hui même, il n'y a ni marche-route pour la prise d'un brevet, ni fixité pour la taxe, ni sûreté pour le demandeur; et si je ne voulais pas dépasser les bornes ordinaires d'un rapport de pétitions, je vous citerais des faits qui viendraient corroborer ce que j'vance.
On ne peut méconnaître que les pays qui protègent le mieux la propriété des inventions sont les plus florissants en industrie, et que ceux qui n'ccordent pas de brevets sont les plus arriérés. Voir, d'une part, l'Angleterre, les Etats-Unis et la France, et d'utre part, la Turquie, l'Egypte et la Valachie.
L'doption d'une bonne loi sur la propriété des inventions amènerait, dans les Flandres surtout, une foule d'industries qui n'osent venir s'y établir sans garanties, bien qu'il soit connu de tout le monde que l'on peut fabriquer à meilleur marché là où se rencontrent les éléments fondamentaux de l'industrie, tels que le fer, la houille, le transport et la main-d'œuvre à bon marché.
La Belgique est appelée à devenir le plus grand centre industriel du continent ; nous devons y attirer les inventeurs de tous les pays, en leur offrant, ainsi qu'ux capitaux qui peuvent et qui certainement les y suivraient, des garanties meilleures que celles qu'ils trouvent ailleurs.
Déjà, messieurs, la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur s'est portée sur cet objet. Il a donné mission à une commission spéciale d'étudier ces questions et de lui présenter des projets de loi sur la propriété des inventions; sur celle des dessins et modèles de fabriques, ainsi que sur les marques industrielles. Cette commission a, dit-on, terminé son travail depuis près d'un an et la chambre doit se rappeler que M. le ministre lui a annoncé, dans la session dernière, qu'il déposerait, soit dans cette session, soit dans celle actuelle, le projet de loi sur les brevets.
Votre commission des pétitions est bien convaincue que des empêchements indépendants de la volonté du ministre sont causes du retard apporté à l'exécution de cette promesse; aussi elle a l'honneur de vous proposer purement et simplement le renvoi de ces diverses pétitions au département de l'intérieur.
- Ces conclusions sont mises aux. voix et adoptées.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée de Kerkhoven, le 10 février 1850, plusieurs habitants du hameau de Kerkhoven demandent que le gouvernement leur fasse construire une chapelle et un presbytère. »
Les pétitionnaires exposent à la chambre qu'ils habitent au nombre de 500 le hameau de Kerkhoven, qui est éloigné de plusieurs lieues des églises, qu'il leur est très difficile de remplir leurs devoirs religieux et de recevoir les secours spirituels lorsqu'ils sont malades.
Votre commission des pétitions, messieurs, vous propose de renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice.
M. Coomans. - La pétition dont s'git est revêtue des signatures de tous les habitants majeurs du hameau de Kerkhoven, à l'exception des malades et des absents; ceux qui ne savent pas écrire y ont apposé une croix certifiée. Il a donc eu unanimité.
Messieurs, la demande des pétitionnaires est si juste et est d'une nature si urgente, leur situation est si extraordinairement déplorable que je vous demande la permission de vous en entretenir pendant quelques minutes.
Il y a environ 50 ans, une seule chaumière s'élevait dans la bruyère où se trouve aujourd'hui le hameau de Kerkhoven. Cette chaumière y avait été construite par un individu dont le hameau porte aujourd'hui le nom.
A force de peines, de labeurs, de sacrifices, d'économies, d'utres cultivateurs parvinrent à y former un petit centre de population qui peu à peu a pris des proportions telles qu'il compte aujourd'hui 85 habitations et 500 habitants. Or, ces 500 habitants sont assurément les plus maltraités de tous les contribuables belges; ils se trouvent éloignés de près de deux lieues de l'église et de l'école les plus voisines ; ils doivent faire près de deux lieues pour trouver l'instruction religieuse, morale et intellectuelle dont ils ont besoin. Je doute qu'il y ait en Belgique un seul hameau qui soit dans une position aussi déplorable; peut-être même n'en trouverait-on pas d'exemple dans les pays qui nous entourent. Je puis certifier qu'en Hollande, en Angleterre et même en France, il n'y a pas de localité de 500 âmes qui soit aussi dépourvue de moyens d'instruction et de civilisation.
On a construit avec les subsides de l'Etat des chapelles et des presbytères dans des hameaux beaucoup plus rapprochés de centres communaux. Ainsi, à Heppen, on a construit une chapelle pour 500 âmes, bien que ce hameau ne soit distant que de 2 1 /2 kilomètres de Beverloo.
A Genendyk, sous Quaedmechelen, on a construit une chapelle pour 250 âmes, bien que ce hameau ne soit qu'à 3 1/2 kilomètres de distance du clocher paroissial.
(page 967) Le hameau de Kerkhoven se trouve à une distance de 7 à 10 kilomètres des cinq clochers les plus voisins, entre lesquels il se trouve enclave et qui sont ceux de Baelen, Lommel, Exel, Hechtel et Beverloo. Figurez-vous, messieurs, les inconvénients graves qui en résultent pour les fidèles et pour l'enfance. L'église et l'école qui leur manquent sont des établissements indispensables pour toute population civilisée.
Certes, je ne prétends point dire, par ces exemples, qu'il ne convienne pas de construire des chapelles dans des hameaux qui ne se trouvent distants que de2 1/2 kil. du clocher le plus voisin ; mais je dis qu'à fortiori il faut en construire là où les centres de population sont plus nombreux, là où la distance est plus grande encore. Heppen et Genendyck n'ont obtenu que justice; Kerkhoven la demande à son tour .Vous ne la lui refuserez pas. Les faits que je vous fais connaître, messieurs, sont trop significatifs, je dirai trop déplorables, pour qu'ils n'excitent pas votre vive sympathie en faveur des pétitionnaires. (Interruption.) Messieurs, ce n'est pas la cause de mes électeurs que je défends ici ; j'en parle avec un complet désintéressement ; ce n'est pas l'esprit de clocher qui m'inspire, bien qu'il y ait un clocher dans cette affaire, car les pétitionnaires n'ppartiennent pas à l'rrondissement que je représente, c'est parce que je suis instruit de leurs souffrances que je prends l'initiative, et que je vous recommande chaudement, consciencieusement leurs intérêts.
Le gouvernement a entrepris de coloniser certaines parties de la Campine par voie d'immigration ; il engage les habitants des Flandres qui ont un petit capital, à se transporter, avec ustensiles et bagages, dans la Campine, où il construit pour eux des fermes, des chapelles et des écoles; il tâche de leur rendre aussi agréable que possible le séjour des lieux qu'ils vont peupler; c'est un bien pour la Campine, je n'en disconviens pas, les intentions du gouvernement sont excellentes, je n'en doute point; il restera seulement à voir si les fruits de ces entreprises répondront aux sacrifices qu'elles entraînent. Je traiterai cette question une autre fois, au point de vue de l'intérêt national, car je n'entends pas favoriser un district, pas même celui qui m'est le plus cher, au détriment du pays entier. Mais si l'on juge bon de construire des églises là où il n'y pas encore de population, des écoles là où il n'y a pas encore d'enfants, il faudrait, ce me semble, ne pas abandonner des colonies toutes faites; il conviendrait que celles-ci fussent les premières dotées des moyens d'instruction et de civilisation indispensables.
Un dernier mot. Le hameau de Kerkhoven est réellement malheureux ; délaissé pendant de longues années et fatigué de ne recevoir que de vaines promesses, l'n dernier il envoya à la chambre une pétition semblable à celle-ci et couverte des mêmes signatures. Cette pièce s'est égarée en route ou dans nos bureaux; la chambre n' donc pas pu s'en occuper, et ce fut une année de perdue. Les intéressés en ont donc rédigé une autre, qui est celle que je vous recommande aujourd'hui.
Je vous prie, messieurs, de l'ppuyer auprès de M. le ministre de la justice, qui, je l'espère, la prendra en sérieuse et prompte considération. Les fonds dont dispose l'honorable ministre ne sauraient recevoir une meilleure application, que dans la circonstance actuelle.
M. de Theux. - J'i demandé la parole pour confirmer entièrement les renseignements que vient de donner l'honorable M. Coomans. Il y a quelques années, j'i eu connaissance de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve le hameau de Kerkhoven ; je l'i recommandé au département de la justice qui doit avoir ouvert une enquête dont le résultat ne m'est pas connu.
Je ferai remarquer que ce hameau dépend de plusieurs provinces, ce qui est une difficulté de plus.
Je demande que cette affaire, qui a été si longtemps en instruction et qui est d'une nature urgente, soit renvoyée à M. le ministre de la justice et que la chambre veuille bien ajouter aux conclusions du rapport une demande d'explications sur l'état de l'instruction de cette affaire.
Je puis assurer la chambre qu'il n'est pas une seule commune en Belgique qui soit aussi dépourvue de moyens de pratiquer son culte que le hameau de Kerkhoven. A tous égards il mérite la sollicitude du gouvernement; il s'est établi au milieu des bruyères où il contribuera au défrichement.
- Le renvoi avec demande d'explications est mis aux voix et adopté.
M. Allard, rapporteur. - « Par pétition datée d'Antoing, le 22 février 1850, les bourgmestre et échevins d'Antoing demandent la création, dans cette ville, d'un bureau de perception postale. »
Cette demande est fondée, messieurs, sur la gêne qu'éprouvent le commerce et l'industrie d'Antoing de l'bsence d'un bureau de perception postale dans cette ville.
La ville d'Antoing est éloignée de Tournay d'une lieue; les habitants doivent s'y rendre pour retirer et déposer au bureau de perception les chargements et dépôts d'rgent.
Si ces désagréments sont déjà très grands pour le commerce et l'industrie de la ville d'Antoing, que dire, messieurs, des villages qui se trouvent à deux et trois lieues de Tournay?
Votre commission des pétitions, appréciant la justice de la demande qui vous est adressée, vous propose, messieurs, le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics.
M. Le Hon. - En adhérant aux conclusions de la commission, je viens les appuyer de cette considération qu'il est dans l'esprit de la réforme postale non seulement de diminuer les frais du transport des lettres, mais encore de rapprocher les bureaux de perception des centres de population urbaine qu'entourent de nombreuses communes rurales.
La ville d'Antoing, peu éloignée de la frontière de France, est un centre de communes qui ne peuvent arriver au chef-lieu de l'rrondissement de Tournay qu'en la traversant : les transports de fonds seraient moins dispendieux et plus faciles, dans ce rayon assez étendu, s'il possédait le bureau que réclame l'dministration communale d'Antoing.
La requête dont il s'git mérite l'ttention particulière et l'ccueil favorable de M. le ministre des travaux publics.
- Les conclusions sont adoptées.
La séance est levée à 4 1/2 h.