Séance du 8 mars 1850
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 885) M. Dubus fait l'appel nominal à 2 heures et quart.
M. de Luesemans lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Louvain demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les établissements d'instruction publique à Bruxelles et dans les provinces flamandes ; qu'on y soit tenu de s'en servir pour enseigner les langues anglaise et allemande; que les administrations provinciales et communales et, autant que possible, les tribunaux fassent exclusivement usage de cette langue; qu'il y ait une académie flamande annexée à l'Académie de Bruxelles, et que la langue flamande jouisse, à l'université de Gand, des mêmes prérogatives que la langue française.»
« Même demande de plusieurs habitants d'Anvers, Puers, Zoerleparwys, des membres d'une société de rhétorique établie à Louvain et des habitants de Waerloos, Poederlé, Schriek, Houtvenne el des conseils communaux d'Arendonck, Puers et Herenthals. »
M. de Luesemans. - Je demande le renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement moyen.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs industriels à Thielt prient la chambre de rejeter le projet de loi de crédits supplémentaires au département de la justice, destinés à continuer la fabrication des russias.’
« Même demande de plusieurs industriels de Waereghem, Moorslede, Bierghes, Landelede et Anseghem. »
M. Rodenbach. - Plusieurs notables habitants de communes des districts de Roulers, de Thielt et de Courtray demandent que la chambre rejette le crédit de deux millions pétitionnes par M. le ministre de la justice pour la fabrication des toiles dites russias. Je demande que ces diverses pétitions soient renvoyées à la section centrale qui a examiné le projet.
M. de Haerne. - Le rapport sur le projet a été déposé hier. En conséquence, je demande que ces pétitions soient déposées sur le bureau pendant la discussion.
M. Rodenbach. - Puisque le rapport est fait, je demande que ces diverses pétitions des districts de Roulers, de Thielt et de Courtray, soient déposées sur le bureau pendant la discussion du projet.
M. Toussaint. - Sans rien préjuger, j'appuie le dépôt proposé.
- Le dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi est ordonné.
« Plusieurs vétérinaires diplômés dans la Flandre orientale, demandent l'assimilation des vétérinaires diplômés aux vétérinaires du gouvernement. »
M. Delehaye. - Messieurs, la pétition émane en effet de quelques vétérinaires; mais je prie la chambre d'être convaincue que c'est moins dans l'intérêt des vétérinaires que dans l'intérêt de l'agriculture que j'ai demandé la parole.
La pétition se rattache à l'article 22 qui a été amendé hier. Comme cet article sera soumis à un second vote, j'appelle l'attention spéciale de la chambre sur cette pétition, et je désire que M. le ministre de l'intérieur, dont les sympathies n'ont pas fait défaut à l'agriculture, en prenne communication. Peut-être sera-t-elle de nature à modifier les intentions de la chambre et à l'engager à prendre une mesure plus favorable à la principale source de la fortune publique.
Je demande le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant le vote définitif du projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire.
- Ce dépôt est ordonné.
« Plusieurs pharmaciens à Gosselies présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire qui autorise les médecins et les maréchaux vétérinaires à délivrer les médicaments nécessaires aux animaux auxquels ils donnent des soins. »
- Même décision.
« Le sieur Phalempin réclame l'intervention de la chambre pour que son fils Jean-Baptiste soit exempté du service militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
«Les huissiers audienciers près le tribunal de première instance d'Arlon demandent une loi qui leur accorde un traitement pour le service intérieur du tribunal et qui les charge de faire les notifications et citations en matière forestière. »
- Même renvoi.
« Plusieurs armateurs, constructeurs, forgerons, poulieurs et voiliers à Anvers, présentent des observations contre la proposition de loi qui a pour objet d'abroger la loi instituant des primes pour la construction des navires. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner la proposition de loi.
Par dépêche du 8 mars, M. le ministre de la justice adresse à la chambre la demande de grande naturalisation de M. de Beauffort avec renseignements y relatifs.
- Renvoi à la commission des naturalisations.
M. Ducpétiaux adresse à la chambre, de la part de M. le comte Frédéric Skarbek, conseiller d'Etat à Varsovie, 112 exemplaires de la brochure qu'il a publiée «sur la législation pénale dans ses rapports avec le système pénitentiaire. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Il est fait hommage à la chambre, par le comité d'administration de la société des gens de lettres belges, de 2 exemplaires du compte rendu de la dernière séance solennelle de cette société.
-Dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - Par dépêche du 8 mars, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre les explications demandées sur la requête des élèves en droit de l'université de Liège.
M. le ministre conclut en promettant de présenter incessamment un projet de loi dans le sens des conclusions de la commission qui a été instituée et qui fera droit à la réclamation des élèves de l'université de Liège.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y aura aussi une disposition relative aux élèves en médecine.
- Les explications de M. le ministre seront déposées au bureau des renseignements.
«Article unique. La limite séparative entre les communes de Mohiville et de Scy, province de Namur, indiquée sur le plan annexé à la présente loi, au moyen d'un liséré rose, est modifiée conformément à la ligne verte tracée sur ce plan. Cette ligne part d'une borne qui existe au chemin de Jannée pour aboutir à l'embranchement du chemin dit du Moulin, et, de là, se dirige sur le point de jonction du chemin dit le Herdal, avec le chemin dit de Huy.»
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet, qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents.
Ce sont : MM. Dubus, Dumon (Auguste), Frère-Orban, Jacques, Jullien, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Mercier. Moncheur, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, Dequesne, de Renesse, Desoer, de Theux, de T'Serclaes et Verhaegen.
M. le président. - Il y a eu trois amendements, l'un à l'article 5, l'autre à l'article 6, et le troisième à l'article 7.
« Art. 5. Les rentes s'acquièrent d'après des tarifs qui seront réglés par arrêté royal.
« L'arrêté royal indiquera le taux de l'intérêt et la table de mortalité d'après lesquels les tarifs auront été calculés. »
Les mots : «et la table de mortalité» forment l'amendement. Ils sont mis aux voix et adoptés.
« Art. 6. Le minimum de la première rente est fixé à 24 francs; le maximum de rentes accumulées ne peut dépasser six cents francs.
« Ceux qui seraient parvenus à faire inscrire des rentes au-delà du maximum ne toucheront pas l'excédant et n'auront droit qu'au remboursement, sans intérêts, des capitaux irrégulièrement versés.
« Ils seront déchus de ce droit s'ils ont déjà touché un ou plusieurs termes de l'excédant de la rente. »
Le chiffre de six cents francs forme l'amendement.
La section centrale propose le chiffre de 720 francs.
M. Moxhon. - Messieurs, je regarde comme regrettable l'amendement du sénat qui réduit à 600 fr. le maximum de rentes accumulées, car je crois, avec un grand nombre de membres de cette assemblée, que la plupart des déposants à la caisse de retraite, n'appartiendront pas à la classe ouvrière proprement dite, mais bien à la bourgeoisie des grandes villes. C'est pour cette raison-là même que j'ai voté pour un maximum de 900 fr. afin d'assurer aux petits négociants, aux artistes, aux industriels eux-mêmes une position honorable dans leur vieillesse après une vie laborieusement parcourue, mais que la fortune n'avait pas favorisée de ses dons.
(page 886) Si j'ai demandé la parole dans cette discussion, c'est pour rappeler à la chambre que, dans le cours de la session dernière, j'avais prié M. le ministre des finances de vouloir, concurremment avec la Banque de Belgique, prendre des mesures pour que les déposants à la caisse d'épargne cessassent d'être remboursés en rentes sur l'Etat.
M. le ministre voulut bien me répondre alors, qu'il n'y pouvait rien, qu'un article des statuts de la caisse d'épargne lui donnait le droit, en certains cas, de rembourser en rentes 2 1/2 p. c. les sommes qui lui avaient été confiées.
Je viens néanmoins renouveler mes instances près de M. le ministre, pour qu'il emploie son intervention afin de faire cesser un état de choses qui enlève à la caisse d'épargne la confiance publique. Il est avéré, messieurs, que les 19/20 des déposants aux caisses d'épargne croyaient qu'en déposant cent francs écus, ils pourraient à l'avenir retirer la même valeur. Les déceptions ont été trop nombreuses pour qu'il soit besoin d'insister sur ce point.
Aujourd'hui que les fonds publics se sont relevés, que dans les opérations en achats de fonds publics, la banque a considérablement bénéficié dans les moments de crise , il est temps que la Caisse d'épargne soit un dépôt réel et non une surprise.
L'honorable M. Anspach me répondra sans doute, comme l'année dernière, en énumérant les actes de désintéressement de la Banque de Belgique ; je l'engagerai à pousser encore un peu plus loin ce désintéressement, et bien de pauvres déposants le béniront.
Du reste l'Etat, en autorisant la Banque de Belgique à bénéficier sur le cours forcé des billets, avait bien le droit de lui imposer des conditions équitables dans l'intérêt des déposants à la caisse d'épargne.
Je prierai, en outre, M. le ministre de vouloir nous dire s'il compte bientôt déposer un projet de loi sur la caisse d'épargne, loi dont le besoin se fait vivement sentir.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne sais jusqu'à quel point la chambre ne considérera pas comme un hors-d'œuvre l'espèce d'accusation que l'honorable préopinant vient de reproduire contre un établissement qui n'a pas de représentant dans cette enceinte. Mais je crois que tout le monde a mission, dans cette chambre, de défendre les absents, quand ils sont, même hors de propos, appelés à la barre du parlement.
On a parlé de surprise, de déception. Si ces expressions n'étaient pas relevées, elles auraient un retentissement qui pourrait porter atteinte, injustement, et probablement contre l'intention de l'honorable préopinant, à un établissement qui, à beaucoup d'égards, est digne de la considération publique.
Comment! il y a eu surprise, déception ! Mais l'honorable préopinant s'est-il fait représenter les livrets des dépôts à la caisse d'épargne? S'il avait jeté un coup d'œil sur ces livrets, il y aurait vu que la banque n'est qu'un agent des déposants; il y aurait vu, à la première page, imprimée en grands caractères, la condition que, dans les moments de crise, les déposants à la caisse d'épargne sont exposés à subir certaines conséquences, peut-être quelques pertes. Mais quelles pertes les déposants ont-ils pu subir? Probablement aucune, s'ils n'ont pas cédé à une terreur panique; si ce n'est pas cela qui les a poussés vers la caisse d'épargne, après les événements de février. On n'a peut-être pas, à la vérité, remboursé à tous leurs capitaux ; on ne le pouvait pas, on ne le devait pas ; mais on leur en a payé exactement les intérêts et depuis ils ont pu retirer leurs dépôts.
Voilà des circonstances que j'ai cru devoir rappeler, dans l'intérêt de la défense d'un établissement qui a été très indûment et très injustement appelé à la barre de cette chambre.
M. Moxhon. - Messieurs, j'ai cité un fait incontestable, c'est que les 19/20 des déposants ne lisent pas ou ne savent pas lire les articles des statuts : ils ont pensé, en déposant 100 fr., recevoir la même valeur en remboursement; ce fait reste debout, et rien ne pourra en atténuer l'importance.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant ne connaît pas, je pense, l'organisation de la caisse d'épargne dont il vient de parler, car il vous a dit que la Banque de Belgique, avec les fonds de la caisse d'épargne, avait fait des spéculations qui lui avaient été profitables, qu'elle aurait pu, la crise venue, faire des sacrifices pour éviter des pertes aux déposants.
La Banque de Belgique a créé une caisse d'épargne (interruption), je l'ai déjà dit l'an passé, mais je suis obligé de le répéter, l'erreur était constamment renouvelée ; la Banque de Belgique a donc créé une caisse d'épargne, non pour profiter des fonds, mais pour en faire emploi dans l'intérêt des déposants.
Les bénéfices faits par la caisse d'épargne sont pour ceux qui ont fait les dépôts à la caisse. La banque fait acte de gestion, elle administre dans l'intérêt des déposants; et l'honorable membre voudrait que la banque, qui fait des sacrifices en se chargeant de l'administration des dépôts, fût encore tenue de supporter les pertes auxquelles seraient exposés ceux qui voudraient retirer leurs fonds dans un moment d'une crise! La banque n'est qu'un intermédiaire.
L'honorable membre a demandé ensuite si le gouvernement était disposé à présenter un projet de loi sur les caisses d'épargne. Le gouvernement a fait connaître ses intentions dans le discours du trône, il a annoncé qu'il présenterait le projet de loi; j'ai indiqué dans l'exposé des motifs du projet de banque, les idées d'après lesquelles serait rédigé ce projet. Il n'y a pas urgence, car les caisses d'épargne existent, et par des considérations que chacun de vous appréciera, on ne peut pas actuellement les réorganiser.
M. Toussaint. - Ainsi que l'ont très bien fait remarquer l'honorable M. Lebeau et M. le ministre des finances, la caisse d'épargne de la Banque de Belgique est une institution particulière administrée par cette banque au profit des déposants eux-mêmes.
Depuis la crise de 1848, on a remboursé aux déposants les plus pressés; on l'a fait en vendant des fonds publics 4 1/2 ; on a remboursé du 4 1/2 pris sur le pied du pair.
Aujourd'hui les conditions sont changées, il n'y a plus lieu de donner du 4 1/2 qui vaut 90 1/2 sur le pied du pair.
Le gouvernement a près de cet établissement un fonctionnaire qui le représente. Il appartiendrait au gouvernement, par l'intermédiaire de ce commissaire, de faire examiner s'il n'y a pas lieu, à raison du cours des fonds publics, de modifier les conditions des remboursements. Ce n'est pas la même question que celle soulevée par l'honorable M. Moxhon, dont je ne me rends pas solidaire ; je crois qu'il y a lieu de faire examiner de très près celle que je soulève; si on donnait du 5 ou du 4 1/2 au taux auquel il est, personne ne ferait de réclamation.
M. Vilain XIIII. - C'est impossible; le dernier dixième n'aurait plus rien.
- L'article 6 avec le chiffre de 720 fr. proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.
« Art. 7 (adopté par le sénat). Toute somme de deux francs et au-dessus est admise à la caisse. La partie des versements qui ne peut être convertie en rente est improductive d'intérêts jusqu'au moment où des versements ultérieurs permettent l'acquisition d'une rente. »
La section centrale propose de substituer à la première phrase ce qui suit : « Le gouvernement déterminera le minimum des versements. Ce minimum ne dépassera pas cinq francs. »
M. Vermeire. - Je viens demander qu'on maintienne dans la loi le minimum de 2 fr. fixé par le sénat. Le projet de loi a pour but principal de venir en aide à la classe ouvrière. Or, pour atteindre ce but, il faut encore donner les moyens pour qu'on puisse plus facilement y parvenir. Si vous n'admettez pas le minimum de 2 fr., vous écarterez beaucoup de déposants de la caisse de retraite.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Dans l'opinion de la section centrale le gouvernement, lorsqu'il réglera les tarifs, sera mieux à même de déterminer le minimum des versements que la caisse pourra admettre sans inconvénients. C'est une question administrative. Il ne faut pas, en cherchant à faciliter l'accès de la caisse, que l'on arrive à un résultat diamétralement opposé en rendant nécessaire une aggravation du tarif.
En France, d'après le rapport sur les caisses de retraite qui vient d'être déposé, la limite inférieure des versements ne doit pas être inscrite dans la loi.
Lorsque les caisses d'épargne seront réorganisées, elles seront partout à côté de la caisse de retraite, elles en deviendront l'auxiliaire. Il vaut mieux que les dépôts insuffisants pour l'achat d'une rente ne cessent pas de fructifier.
Il serait donc à désirer que les classes ouvrières pussent s'adressera la caisse de retraite par l'intermédiaire des patrons, des chefs d'usine ou des sociétés de secours mutuels.
Les sociétés de secours mutuels, qui doivent garantir le travailleur contre des accidents temporaires, pourront facilement séparer de sa cotisation ce qui est nécessaire pour le payement des primes de la caisse de retraite.
Il ne peut résulter aucun inconvénient de la latitude que vous laissez au gouvernement, il ne néglige rien pour que l'acquisition des rentes de la caisse de retraite soit mise à la portée de tout le monde. Sans cela le but de l'institution ne serait pas atteint.
M. Vermeire. - Je demande à M. le rapporteur ce qu'il comprend par les mots : «Ce minimum ne dépassera pas 5 fr.; si cela ne signifie pas que le minimum ne pourra aller au-dessous de 5 fr. ?
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - L'explication est bien simple.
Nous avons voulu dire que le gouvernement pourrait recevoir des versements inférieurs à 5 fr., mais qu'il ne pourrait, dans aucun cas, exiger que les versements fussent supérieurs à 5 fr.
S'il y a doute, je ne m'oppose pas à ce que la rédaction soit modifiée, mais elle me paraît claire. Je le répète donc, la caisse recevra des versements de deux francs, d'un franc même, si le gouvernement n'y voit pas d'inconvénients, s'il ne doit pas en résulter une aggravation de charges trop considérable.
Le minimum (erratum, page 900) le plus élevé sera cinq francs, c'est l'extrême limite.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Lorsque l'honorable M. Dedecker a proposé, lors de la discussion du projet de loi qui est maintenant soumis de nouveau à la chambre, de fixer le minimum des versements à 2 fr., nous avons combattu cette proposition, parce que nous y voyions des inconvénients au point de vue de la gestion de la caisse et des dépenses qui devaient en résulter. Nous avons dit à cette occasion que plus tard, lorsque la caisse aurait déjà fonctionné, on pourrait apprécier les dépenses qu'elle allait exiger, et que l'on abaisserait alors autant que possible le minimum des versements.
Si, à cette époque, on y avait pensé, bien certainement on aurait formulé la proposition que j'ai indiquée, et qui se trouve aujourd'hui écrite dans l'amendement de la section centrale. En effet, il s'agit d'une disposition purement réglementaire. Il n'y a aucun motif pour déterminer (page 887) dans la loi que les versements seront de 5 fr., pas plus qu'il n'y a de motifs de déterminer qu'ils seront de 2 fr. Il se peut même que, dans la suite, le gouvernement aille jusqu'à admettre des versements inférieurs à 2 fr. On verra ultérieurement. Mais encore faut-il qu'on ait expérimenté la chose ; qu'on sache à quelles dépenses on sera entraîné, quelles sont les écritures que vont nécessiter de pareils versements. Or, on ne peut pas venir chaque fois proposer une loi pour des objets de ce genre.
Comme vous l'a dit l'honorable rapporteur, il est vraisemblable que ce sera par des institutions intermédiaires que les versements pourront arriver d'une manière utile à la caisse de retraite, ainsi, par exemple, par les caisses de secours mutuels. Un projet est préparé; le gouvernement pourra le déposer dans peu de temps. Ces institutions seront ainsi organisées ; elles seront mises en rapport avec la caisse de retraite et ultérieurement avec la caisse d'épargne, de telle sorte qu'il sera pourvu aux divers besoins qu'on a en vue de secourir.
M. Delfosse. - Messieurs, la rédaction de la section centrale est très claire. On laisse au gouvernement le soin de fixer le minimum des versements. Seulement on lui dit qu'il ne pourra le fixer à un chiffre supérieur à 5 fr.
Ainsi le gouvernement ne pourrait pas refuser les versements de 6 fr. il ne pourrait même pas refuser les versements de 5 fr. Mais il pourra, s'il le juge convenable, refuser ou admettre des versements de 4, de 3, de 2 fr. et même de moins.
Il n’y a pas au fond de désaccord entre la pensée du sénat et la nôtre. Le sénat veut qu'on admette les versements de 2 fr. Nous n'excluons pas ces versements. Nous ne le disons pas dans la loi, mais nous donnons au gouvernement la faculté de le dire dans l'arrêté qui sera pris en exécution de la loi.
Comme M. le ministre des finances vient de le faire observer, le gouvernement pourra admettre les versements de 2 fr. et même les versements d'un franc, s'il n'y voit pas trop de complications d'écritures et de frais.
M. de Luesemans. - Je pense que la rédaction serait beaucoup plus simple si l'on disait : Ce minimum ne sera pas supérieur à 5 fr. Il est évident que la disposition proposée par la section centrale n'a pas été comprise par tout le monde. Sur tous ces bancs, on a cru que le minimum ne pourrait pas descendre au-dessous de 5 fr.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - C'est le maximum du minimum.
M. de Luesemans. - Je le comprends parfaitement bien. Mais la rédaction serait plus claire en disant : Ce minimum ne sera pas supérieur à 5 fr.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est extrêmement synonyme.
- L'amendement proposée par la section centrale est mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
65 membres répondent à l'appel nominal.
55 votent l'adoption.
9 votent le rejet.
1 (M. le Bailly de Tilleghem) s'abstient.
En conséquence, le projet de loi est adopté; il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption : MM. Dubus, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Frère-Orban, Jacques, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Peers, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Schumacher, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, Dequesne, de Renesse, Desoer, Destriveaux et Verhaegen.
Ont voté le rejet : MM. Jullien, Osy, Pirmez, Thibaut, Vermeire, de Man d'Attenrode, de Meester, de Theux et de T'Serclaes.
M. le président. - M. le Bailly de Tilleghem, qui s'est abstenu, est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. le Bailly de Tilleghem. - Je me suis abstenu parce que la rédaction de l'article 7 m'a paru défectueuse.
M. Jullien dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi d'interprétation de l'article 360 du Code d'instruction criminelle.
- La chambre ordonne l'impression de ce rapport et met le projet à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
Demande en grande naturalisation du sieur Alfred-Sébastien Ryss
Nombre de votants, 58.
Majorité absolue, 30.
Boules blanches, 56.
Boules noires, 2.
En conséquence la demande est prise en considération.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur le service du caissier de l'Etat.
M. Cools. - Messieurs, si la majorité est mieux préparée que je ne suis à aborder la discussion de ce projet, je ne m'opposerai pas à ce que cette discussion soit ouverte aujourd'hui; mais je demande qu'il soit bien entendu qu'elle ne sera pas close dans cette séance. Ce projet est très important.
Le rapport n'a été distribué qu'hier soir, et d'autres travaux m'ont empêché de l'examiner. Je crois que bien des membres se trouvent dans le même cas que moi.
Je crois que ce qu'il y aurait de mieux à faire, ce serait de renvoyer cet objet à demain.
M. Lelièvre. - Je propose de renvoyer la discussion à demain.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le projet a été examiné dans les sections, et il n'a donné lieu à aucune observation sérieuse. Il a été ensuite examiné très attentivement dans la section centrale, qui ne propose non plus aucune espèce de modification. Une fois le principe admis que le service sera confié à la Banque Nationale, les autres dispositions ne paraissent pas de nature à soulever de débats. Je ne m'oppose pas, au surplus, à la remise à demain.
- La chambre, consultée, ajourne à demain la discussion du projet de loi concernant le service du caissier de l'Etat.
M. Vilain XIIII (pour une motion d’ordre). - Je demande que les sections s'occupent de l'examen du budget de la dette publique, de celui des dotations et de celui des affaires étrangères pour l'exercice de 1831.
M. Osy. - Messieurs, il y a deux autres projets de loi qui ont été présentés par M. le ministre des finances, et qui doivent, selon moi, avoir la priorité sur les budgets dans les sections: c'est celui concernant la monnaie, et celui ayant pour objet d'allouer un crédit au département des finances. Celui de la monnaie est assez important.
Je demande que les sections s'occupent de ces deux projets, aussitôt qu'elles auront terminé l'examen du traité avec la Russie.
Ensuite, quant aux budgets de dépenses, nous ne pouvons en aborder l'examen dans les sections, avant qu'on ne nous ait distribué le budget des voies et moyens qui nous renseignera sur la situation générale de nos finances.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, on imprime les budgets qui ont été tous déposés; la distribution s'en fera successivement. Avant qu'on soit arrivé à l'examen des principaux budgets de dépenses, le budget des voies et moyens sera également distribué. Je n'admets pas qu'on ne puisse pas aborder l'examen du budget des dépenses, sans qu'on ait examiné préalablement le budget des voies et moyens.
M. Vilain XIIII. - J'ajouterai à ce que vient de dire M. le ministre des finances que, relativement au budget des dotations et à celui de la dette publique, le budget des voies et moyens ne peut avoir aucune influence.
Le budget des voies et moyens pourrait être imprimé le premier; et les membres pourraient le consulter.
M. Mercier. - En déposant les budgets, on a l'habitude d'y joindre un discours ou une note explicative, qui donne des renseignements sur l'ensemble de la balance des budgets. Je prierai M. le ministre des finances de faire imprimer, le plus tôt possible, ce document pour les budgets de 1851 ; privés de ce document, nous irions tout à fait à l'aventure dans l'examen de ces budgets.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je répète que tous les budgets sont à l'impression. Je fais remarquer de nouveau que l'on peut examiner la plupart des budgets des dépenses, sans avoir, sous les yeux, la balance éventuelle des budgets.
M. Osy. - On a distribué le budget des dotations et celui de la dette publique. Dans le budget de la dette publique, on propose la création de 15 millions de bons du trésor. Eh bien, pouvez-vous vous prononcer sur cette demande, sans connaître la situation financière de 1851 ?
Je persiste à demander que l'on s'occupe d'abord dans les sections des deux projets de loi dont j'ai donné l'indication tout à l'heure; et que nous n'abordions l'examen des budgets que quand nous aurons des renseignements sur l'ensemble de notre situation financière.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, lorsque j'ai présenté les budgets de 1849, la chambre les a fait imprimer en un seul volume. Cela a exigé assez de temps. On a demandé que les budgets fussent imprimés séparément, pour qu'on put les examiner, à mesure qu'ils seraient imprimés : c'est ce qui a été fait pour 1850. On voulait encore faire imprimer les budgets réunis en un seul volume pour 1851 ; le bureau de la chambre a reproduit la même observation en rappelant «que la chambre, en 1849, a témoigné le désir que les budgets soient imprimés séparément. » Aujourd'hui, on propose de revenir à un autre système, c'est d'attendre que tous les budgets soient imprimés, pour qu'on puisse en connaître la situation.
A quoi bon ? En effet, c'est à la chambre à décider ce qu'elle veut insérer dans les budgets des dépenses et dans celui des voies et moyens. Le gouvernement fait des propositions, il établit sa balance d'après ses propositions, mais elle ne peut être déterminée que par suite des votes de la chambre sur les budgets des dépenses.
J'ajoute, au surplus, que vous aurez tous les documents avant que vous arriviez aux budgets de dépenses qui peuvent donner lieu à une (page 888) discussion sérieuse. L'honorable M. Osy a parlé du budget de la dette publique; on y propose la somme nécessaire pour faire face aux bons du trésor, jusqu'à concurrence de 15 millions. Eh bien, lorsque les résolutions de la chambre seront connues, on verra si cette somme est suffisante ou trop considérable. C'est seulement alors, et non par suite de la proposition du gouvernement, qu'on pourra déterminer quel doit être le chiffre des bons du trésor.
Si l'observation de M. Osy était fondée, on ne pourrait voter le budget de la dette publique qu'après tous les autres budgets. Je ne sache pas que ce système ait jamais été soutenu ou pratiqué.
M. Cools. - M. le ministre rappelle que tous les budgets sans distinction sont déposés. Cela fait 8 ou 10 budgets. Il est impossible qu'on les imprime tous à la fois, puisqu'il n'y a que deux imprimeurs. L'observation de l'honorable M. Osy est juste; il est impossible d'aborder l'examen des budgets des dépenses avant de connaître la situation financière, notamment le chiffre de la dette flottante.
J'appuie donc la proposition de M. Osy, d'ajourner l'examen en sections des budgets des dépenses, jusqu'à ce que nous ayons le budget des voies et moyens, et qu'une note explicative nous fasse connaître la situation financière. Je demande que la questure hâte l'impression du budget des voies et moyens, afin qu'il nous soit distribué en premier lieu.
M. Le Hon. - Il me paraît qu'indépendamment des pièces dont la communication est demandée et qui aura lieu incessamment, puisque toutes sont à l'impression, les observations présentées ont encore pour objet de régler les travaux des sections pour que la chambre puisse discuter successivement des divers projets qui lui sont soumis.
Il est d'usage que le président de l'assemblée réunisse les présidents des sections pour régler l'ordre dans lequel les différents projets de loi seront livrés à l'examen des sections; il en résulte plus d'accord dans leurs travaux et moins de confusion dans les questions de la priorité.
Sans écarter la proposition de l'honorable M. Osy, à laquelle vient de répondre M. le ministre des finances, M. le président pourrait réunir les présidents des sections pour déterminer l'ordre dans lequel elles examineront les différents projets dont la chambre est saisie.
M. Mercier. - Il me semble impossible de commencer l'examen des budgets des dépenses en sections, avant de savoir du moins, d'après le gouvernement, quelle est la balance de notre situation financière.
M. le ministre connaît le montant de ses budgets des dépenses et de son budget des voies et moyens. Qu'il nous donne à cet égard une note explicative. Pouvons-nous, sans ce document, procéder à l'examen des budgets des dépenses? Je ne le crois pas, car cette balance suivant qu'elle présentera un déficit ou un excédant, pourra exercer une certaine influence sur notre détermination quant à certaines dépenses.
Je demande donc qu'on nous distribue cette note explicative, afin que nous l'ayons entre les mains quand nous aborderons l'examen du budget des dépenses.
M. le président. - Comme l'a dit M. Le Hon, ce sont les présidents des sections, réunis par le président de l'assemblée, qui règlent l'ordre des travaux des sections; mais quand la chambre est saisie d'une proposition, il faut que la chambre prononce.
M. Delfosse. - Il y a peu de différence, au fond, dans les propositions faites, car les projets dont M. Osy demande l'examen en sections ne prendront pas plus d'une séance; les budgets pourront venir après. Du reste, nous ne pouvons pas prendre de résolution; la chambre n'est plus en nombre; on peut, comme cela se fait d'ordinaire, laisser aux présidents des sections le soin de régler cet objet avec le président.
M. le président. - Les sections qui n'ont pas terminé l'examen du traité avec la Russie le continueront; les autres s'occuperont des projets indiqués par M. Osy. Quant au reste, la chambre décidera ultérieurement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'appelle l'attention de la chambre sur la nécessité de s'occuper le plus tôt possible de l'examen des budgets en sections, car il ne nous reste plus que 8 ou 9 semaines de session sur lesquelles la chambre prendra probablement encore des vacances. Si l'on veut que les budgets soient votés, il n'y a pas de de temps à perdre.
M. le président. - La chambre n'est plus en nombre.
M. Vilain XIIII. - Je prie M. le président de donner des ordres pour qu'on s'occupe immédiatement de l'impression du budget des voies et moyens.
M. Mercier. - Et de la note explicative au discours de M. le ministre.
- La séance est levée à 4 heures.