(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 865) M. A. Vandenpeereboom fait l'appel nominal à deux heures un quart. Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée ; il présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Plusieurs habitants de Taviers prient la chambre de décréter une école de filles dans toute localité où il y a 80 enfants ou plus parvenus à l'âge de fréquenter l'école. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres du bureau de bienfaisance de la commune de Thieusies réclament contre les frais d'entretien qu'elle a dû payer à la Maternité de Mons. »
- Même renvoi.
« La chambre de commerce et des fabriques d'Anvers présente des considérations en faveur du projet de loi d'un crédit de 2 millions pour continuer la fabrication des russias. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Fabry, professeur à l'athénée de Namur, présente des observations contre l'article 10 du projet de loi sur l'enseignement moyen, concernant le professorat des langues vivantes. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le conseil communal de Turnhout demande que le projet de loi sur l'enseignement moyen ne porte aucun préjudice aux conventions antérieures légalement contractées avec le clergé. »
M. Coomans. - Messieurs, le conseil communal de Turnhout réclame contre quelques-unes des dispositions essentielles du projet de loi dont nous nous occupons en sections depuis plusieurs jours. La pétition invoque des considérations, qui me paraissent très graves, contre l'atteinte qui, selon nous, est portée à la liberté communale et à l'esprit de nos institutions par certains articles du projet de loi. Je demande que la section centrale, que nous avons déjà nommée, fasse un rapport détaillé sur les réclamations des honorables pétitionnaires en même temps que sur le projet de loi.
M. de Perceval. - Messieurs, je ne m'oppose nullement au renvoi de la pétition à la section centrale; mais il m'est impossible de m'associer à la seconde proposition de l'honorable préopinant, qui consiste à forcer la section centrale à faire un rapport spécial sur l'objet dont la requête nous entretient. Voici pourquoi : si nous agissions ainsi à l'égard de cette pétition, demain nous en recevrions d'autres, il nous en arriverait ensuite les jours suivants, et chaque fois la section centrale serait dans l'obligation de venir vous faire un rapport spécial ; cela n'est pas admissible, car la besogne de la section centrale deviendrait évidemment interminable.
J'appuie donc le renvoi à la section centrale, chargée de l'examen du projet de loi sur l'enseignement moyen ; mais je m'oppose à la seconde proposition de l'honorable M. Coomans, tendante à demander à la section centrale un rapport spécial sur la pétition dont il s'agit.
M. Coomans. - L'honorable M. de Perceval ne m'a évidemment pas compris. Je n'ai pas demandé que la section centrale fît un rapport spécial et immédiat sur cette pétition. J'ai demandé qu'elle en fît un, en même temps qu'elle déposerait son rapport sur la loi elle-même. (Interruption.) Elle doit faire un rapport, j'espère qu'on ne le contestera pas. Elle le doit par respect pour le droit de pétition ; par respect pour un droit constitutionnel. (Interruption.) Eh! messieurs, n'est-il pas juste et rationnel que les membres de cette chambre connaissent les pétitions qui leur sont adressées? Mais si vous ne voulez pas que la section centrale fasse un rapport, de quelle manière les membres de cette chambre connaîtront-ils les vœux des pétitionnaires? Permettez alors que je lise la pétition, je vous dispenserai d'un rapport, car les arguments qu'elle renferme sont d'une évidence telle qu'ils feraient impression sur vos esprits.
M. Rodenbach. - Messieurs, lorsqu'on renvoie à une section centrale des pétitions se rattachant à un projet de loi que cette section examine, il est d'usage que la section centrale fasse l'analyse de ces pétitions dans son rapport; cet usage existe même pour des projets de loi qui ne sont pas d'une haute importance; il me semble, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu de déroger à cet usage pour une loi si importante que celle sur l'instruction moyenne.
J'appuie la proposition de l'honorable M. Coomans.
M. Coomans. - Messieurs, lorsque des pièces sont renvoyées à une commission ou à une section centrale, ce n'est pas pour qu'elles restent enfermées dans les cartons, mais c'est pour que la commission ou la section centrale émette sur ces pièces une opinion motivée. Trouverez-vous un autre moyen d'éclairer la chambre ? Indiquez-le. Nous l'examinerons. Jusque-là, il faut que la section centrale émette son opinion sur les pétitions que nous lui renvoyons ; sinon, le renvoi que nous ordonnons n'aurait pas de but. Je demanderai à l'honorable M. de Perceval de me dire ce qui adviendrait de la pétition de Turnhout, dans le cas où la section centrale ne ferait pas le rapport que je sollicite. En résumé j'appelle l'attention particulière de la chambre sur le document qui nous occupe.
M. de Perceval. - Je ferai observer à l'honorable M. Coomans que je ne m'oppose nullement à ce que la section centrale fasse une analyse de cette pétition; mais je demande, remarquez-le bien, le renvoi pur et simple de la pétition à la section centrale. Elle restera juge de la manière dont elle doit présenter l'analyse de la requête et des développements qu'il serait opportun de lui donner.
M. Lelièvre. - Il me semble qu'il est facile de tout concilier. La section centrale, en présentant son rapport sur le projet de loi, pourra en même temps proposer ses observations sur la pétition dont nous nous occupons. Je pense donc qu'il ne peut être question d'un rapport spécial, mais bien de renvoyer la pétition à la section centrale qui y statuera en même temps que sur le projet de loi lui-même.
- Le renvoi de la pétition à la section centrale est ordonné.
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la section centrale?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Non, M. le président; je m'expliquerai sur chacun des articles.
M. Pierre. - Messieurs, le moment ne pouvait être mieux choisi pour la présentation du projet qui nous est soumis. A une époque où l'attention générale est fixée vers l'agriculture et où l'on s'occupe activement des nombreuses améliorations que réclamait sa situation languissante et peu progressive, on ne devait point tarder plus longtemps à organiser le service de la médecine vétérinaire. D'un autre côté, la conservation des animaux employés aux exploitations et aux travaux agricoles, qui représentent des valeurs considérables, était trop importante pour demeurer négligée ; d'un autre côté, la carrière qu'ouvrait aux jeunes gens cette branche de l'art de guérir, était trop ingrate et n'offrait point assez d'avenir pour en appeler vers elle un nombre suffisant. De nos jours la médecine vétérinaire est devenue toute une science. A ce titre, il était indispensable d'entourer d'une juste considération celui qui s'y livre, après avoir obtenu, par de longues et pénibles études, un diplôme, qui l'honore et donne des garanties de son savoir, de son habileté.
Il était également nécessaire d'établir d'une manière précise ses droits et ses obligations. Aussi longtemps que les médecins vétérinaires avaient contre eux la concurrence de l'empirisme, dont le public est presque toujours plus enclin à s'engouer que du vrai mérite de l'homme spécial et instruit, leur sort n'était réellement pas tenable. Cet état de choses devait donc disparaître. Il est même étonnant que l'examen de cette matière, intéressant à un aussi haut point l'agriculture, soumise aux chambres dès 1846, ait attendu jusqu'aujourd'hui les honneurs de la discussion. Un tel retard était regrettable. Si je le constate ici, messieurs, c'est avec l'intention de vous dire un mot d'un autre objet beaucoup plus digne encore de votre attention, puisque je veux parler du traitement médical de nos semblables, de la médecine humaine dans les campagnes.
Quelles que soient mes vives sympathies pour les intérêts agricoles, je ne comprends pas que l'on fasse primer le service curatif des animaux sur celui de nos compatriotes. Un projet existe, il a été envoyé aux conseils provinciaux, aux commissions médicales et à l'académie de médecine. Il devrait, aujourd'hui, avoir passé par tous les degrés d'instruction et être suffisamment élaboré pour pouvoir nous être présenté. L'exécution de ce projet exigera un certain sacrifice pécuniaire; il est question, je crois, de 80,000 à 100,000 fr. annuellement.
Mais, messieurs, quand nous voyons dépenser tant d'autres sommes, infiniment supérieures à celle-là et parfois d'une utilité très contestable, comme nos récentes discussions en ont fourni une démonstration nouvelle à qui aurait pu en douter, devons-nous reculer devant une pareille dépense, lorsque la santé, la vie de milliers de nos frères sont en jeu? Pendant les dernières années difficiles que nous venons de traverser, ne nous ont-ils pas donné des preuves de la courageuse résignation avec laquelle ils savent se courber sous la misère et endurer les plus tristes privations ? Gardons-nous de laisser, faute de secours, les maladies se joindre à tant de maux et aggraver une position déjà trop malheureuse par elle-même. Non, certes, il n'y a point à hésiter; vous serez tous de mon avis, j'en suis persuadé.
Quant au gouvernement, dont les sentiments d'humanité ne peuvent non plus être révoqués en doute par personne, j'ose espérer qu'il suffira de lui rappeler cet important objet, pour qu'il fasse cesser tout retard, et nous saisisse prochainement du projet.
Je sais fort bien que les longueurs d'une instruction de cette espèce sont en quelque sorte inévitables et qu'elles proviennent plutôt de certaines administrations provinciales, qui ne se sont point encore prononcées, que de l'administration supérieure. Je n'adresse à celle-ci aucun reproche à ce sujet, d'autant qu'il est à ma connaissance que des instances récentes de sa part tendent à aboutir à la solution attendue par le pays. Je n'ai d'autre but qu'une constatation de fait, afin qu'il soit mis (page 866) au plus vite un terme aux lenteurs dont je parlais à l'instant. Quoi qu'il en soit, je vois à regret la médecine vétérinaire obtenir la priorité sur l'organisation du service médical rural.
Ne pourrait-on pas avec certaine raison nous comparer à ce maître qui, par une originalité aussi bizarre qu'inhumaine, prendrait pour son bétail force soins hygiéniques et, à l'apparence du moindre danger, recourrait à des médecins pour le soigner, tandis qu'il prendrait moins de soins de l'état sanitaire des gens de sa maison, pousserait cette indifférence jusqu'à les laisser manquer de médecins, quand ils en auraient besoin et ne s'occuperait dans tous les cas de leur santé qu'après avoir assuré celle de ses bestiaux ?
Ne croyez pas, messieurs, que cette comparaison soit faite à plaisir. Ce que j'ai fait dire à sa première partie n'est que trop vrai. Il y a diverses contrées du pays qui sont littéralement privées de médecins. Je pourrais vous citer pour exemple deux cantons du Luxembourg, ceux d'Erezée et de Sibret, comprenant ensemble vingt communes, sans compter une foule de sections, jetées çà et là, sur une étendue territoriale de 50,293 hectares, ayant ensemble une population de 14,582 âmes, éparse en de nombreux villages, comme je viens de le dire, qui n'ont pas un seul médecin ni chirurgien, et seulement cinq sages-femmes. D'autres cantons n'ont qu'un seul médecin ou chirurgien et très peu de sages-femmes. Il est par conséquent extrêmement difficile, même à des personnes qui sont dans une modeste aisance, d'avoir recours aux gens de l'art, tant, à cause des distances et de l'éloignement, que pour le surcroît de dépenses que nécessitent d'aussi longs voyages.
Pour ceux dénués de fortune, pour les malheureux qui forment la grande majorité. Cela devient complètement impossible. S'ils sont atteints d'une maladie grave, ils doivent ordinairement se résigner à souffrir et souvent enfin à mourir sans avoir reçu les secours d'aucun médecin, dont l'assistance, surtout en temps opportun, eût pu leur procurer un prompt et facile rétablissement. Loin de moi la pensée d'accuser les médecins de manquer de philanthropie! Je me hâte, au contraire, de reconnaître qu'ils en donnent des preuves fréquentes; il n'est pas rare qu'ils y ajoutent le désintéressement; mais leur bon vouloir est impuissant en présence des impossibilités que leur opposent les distances. La fâcheuse vérité que je viens de mettre sous vos yeux vous frappera sans nul doute. Je puis me dispenser de commentaire ou de toute autre réflexion. Toutefois il ne me paraît pas superflu de vous faire observer, en finissant, que le nouveau fléau, qui deux fois déjà a sévi parmi nos populations et que nous avons lieu de craindre d'y voir reparaître, peut-être même s'y acclimater, est un puissant motif de plus pour faire cesser toute temporisation ultérieure.
M. Rodenbach. - A propos de la discussion du projet de loi concernant l'exercice de la médecine vétérinaire, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si l'école de Cureghem remplit parfaitement bien son but.
Je lui dirai d'abord que je remarque dans le budget que cette école coûte aux contribuables environ 110 mille francs par an, déduction faite du revenu qu'elle donne, c'est-à-dire qu'elle coûte net 110 mille francs. Il y a environ 10 élèves qui sortent chaque année de cette école avec un diplôme; il en résulte que chaque médecin vétérinaire coûte de dix à 11 mille francs.
Je soumettrai une question à M. le ministre : Ne vaudrait-il pas mieux joindre aux écoles d'agriculture les premières notions de la médecine vétérinaire et établir dans les universités des cours pour enseigner l'art vétérinaire? Je crois qu'il y aurait plus d'économie et qu'on obtiendrait plus facilement un nombre de médecins vétérinaires suffisant pour les besoins du pays; car maintenant je crois que l'école de Cureghem n'en fournit pas assez; ceux qui en sortent coûtent de 10 à 11 mille fr. chacun, et il n'en sort que 10 par an; j'ai vu dans le Moniteur de ce matin qu'il y a actuellement dans le royaume 317 médecins vétérinaires.
J'ai remarqué que dans la province de la Flandre orientale il n'y en a que 16. Il est vrai que le Hainaut en compte 70 et le Brabant 53. Comment se fait-il que dans une province éminemment agricole comme la Flandre orientale il n'y en ait que 16? Pourquoi cette province n'envoie-t-elle pas des élèves à l'école de Cureghem ?
Parce que la profession de médecin vétérinaire n'est pas lucrative et qu'il faut payer 500 ou 600 fr. de pension. Voilà pourquoi on manque de médecins vétérinaires dans le royaume.
Il y a 1,400 maréchaux vétérinaires qu'on appelle des empiriques, qui ne sont pas diplômés ; cela prouve que le pays manque de médecins diplômés; il n'en compte, les militaires et les professeurs compris, que 317. Il y a donc une lacune, et pour la remplir, le moyen est cher et lent, puisque chacun coûte de 10 à 11 mille francs et qu'on n'en obtient que 10 par an.
Je demande à M. le ministre s'il n'y aurait pas un moyen plus économique et plus prompt de donner au pays le nombre de médecins vétérinaires dont il a besoin. Je serais bien aise de connaître l'opinion de M. le ministre, car je trouve exorbitante une dépense de 110 mille francs par an pour une école qui ne remplit pas son but.
M. Peers. - Je n'ai pas besoin d'entrer dans de longs détails sur l'apologie du projet de loi qui vous est soumis. Je puis, sans crainte d'être démenti, vous affirmer que le projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire est regardé, par tous ceux qui s'intéressent aux progrès de l'art du cultivateur, comme le complément le plus indispensable, non seulement pour activer, mais pour imprimer un nouvel élan à une science qui a si besoin de recruter ses principaux mandataires parmi ceux qui dorénavant seront capables de mettre par leurs conseils l'homme des champs dans la véritable voie, et détruire en peu de temps ce funeste fléau qui n'a pesé que pendant de trop nombreuses années sur le sort des campagnes, je veux parler de l'empirisme; cette jonglerie, qu'il n'est pas possible de qualifier, ne s'est pas seulement contentée d'enrayer toute espèce de progrès, mais elle a contribué plus d'une fois à la ruine complète du petit cultivateur.
Dans cette occurrence, messieurs, ne devons-nous pas appeler de tous nos vœux l'adoption du projet, en l'entourant de toutes les garanties dont il est susceptible? A cet effet, je me permettrai de vous faire quelques observations qui ont été soulevées lors de son examen en sections et dans la section centrale.
Des membres de cette assemblée ont attiré l'attention du gouvernement sur le prix assez élevé que coûte chaque élève sortant de l'école vétérinaire de Cureghem, et des moyens qu'il y aurait de restreindre ces dépenses en envoyant à l'étranger, au moyen de bourses d'études, les jeunes gens qui se destinent à l'exercice de la médecine vétérinaire. Je n'ai pas besoin, messieurs, de passer en revue et d'énumérer les nombreux inconvénients que présenterait l'exécution d'un pareil projet; je n'en finirais pas s'il fallait seulement effleurer ce sujet ; autant vaudrait, à mes yeux, envoyer toute la jeunesse belge faire ses études à l'étranger au moyen de bourses.
L'article 32 du projet devait, comme on était en droit de s'y attendre, soulever des questions très sérieuses, et grand est mon embarras, je l'avoue, messieurs, en présence des intérêts divers qui viennent s'entrechoquer, pour qu'il soit possible de résoudre à l'avantage de tous ce problème hérissé de plus d'une difficulté.
Le gouvernement vous propose d'autoriser indistinctement les médecins et les maréchaux vétérinaires à fournir les médicaments demandés par les propriétaires sans pouvoir tenir officine ouverte.
La section centrale vous propose de restreindre ce droit en l'accordant uniquement aux médecins et maréchaux vétérinaires qui habitent des localités où il n'y a pas de pharmacie.
On viendra, je n'en doute nullement, avec d'autres propositions encore, qui tendront à empêcher le vétérinaire de fournir quelque médicament que ce soit.
Examinons, messieurs, ces trois propositions sous leurs différentes faces, afin de pouvoir concilier toutes les exigences. Certes, que si j'avais à choisir entre les différentes propositions, je n'hésiterais pas à me prononcer en faveur de celle du gouvernement qui est la plus sage et la plus large dans toute l'acception du mot.
Elle porte quelque atteinte à l'extension et au développement de la vente des médicaments faite par les pharmaciens, mais elle laisse au moins exister l'ordre de choses établi, elle ne vient pas porter une atteinte grave, et par l'effet d'une rétroactivité condamnable, à l'existence de trois à quatre cents familles; et puis, messieurs, ne vous abusez pas sur la portée qu'aurait pour résultat le rejet de la proposition du gouvernement. Il est reconnu qu'un pharmacien vend en détail beaucoup plus cher que ne débite ses drogues le marchand en gros, dit droguiste. Eh bien, que ferait le propriétaire d'animaux malades ? Il irait puiser précisément à la même source à laquelle puise actuellement le vétérinaire qui tient officine ; il n'aurait recours au pharmacien que dans des cas tout à fait exceptionnels.
J'arrive à la proposition de la section centrale qui a pour but de restreindre dans certaines proportions la vente des médicaments par les vétérinaires ; à l'exception des villes, dans tout le plat pays des deux Flandres, il n'y a pas de pharmacies établies. Quel serait le résultat de ces mesures exceptionnelles? C'est que les vétérinaires, pour se soustraire aux rigueurs de la loi, iraient s'établir dans les localités où ils pourraient, tenir officine sans être inquiétés.
Une troisième proposition, tendante à enlever aux médecins vétérinaires la vente des médicaments, aurait pour effet, plus désastreux encore, une perturbation inévitable dans le service de cette branche essentielle de l'économie agricole; des médecines administrées en temps opportun sauvent ordinairement l'animal; du moment qu'il y a de fortes distances à parcourir pour aller à l'officine la plus voisine chercher les médicaments prescrits, il est souvent trop tard, de là résulteraient donc des pertes continuelles pour le cultivateur qui n'est déjà que trop exposé aux mille et une éventualités auxquelles il est déjà bien assez sujet pour que vous lui rendiez, messieurs, la route ardue qu'il a à parcourir aussi douce que possible.
Sanctionnez par votre vote le projet tel qu'il vous a été soumis par le gouvernement.
M. de Mérode. - Il me semble que la loi qu'on nous propose est encore une loi d'entrave et une gêne pour ceux qui ont besoin de faire traiter les animaux de leur exploitation agricole.
Pour pouvoir exercer cette médecine, il faudrait désormais posséder une foule de connaissances scientifiques que ne possèdent pas des individus qui cependant traitent souvent fort bien les cas usuels.
Je ne conçois pas pourquoi le propriétaire, qui peut faire tuer un animal, serait obligé de prendre, pour le soigner, un personnage pourvu d'une foule de connaissances médicales ; car c'est à lui d'apprécier les motifs de sa confiance envers celui qu'il appelle. Vous pouvez tuer un chien, mais vous ne pouvez lui faire donner un lavement par quelqu'un qui n'est pas diplômé d'une certaine manière.
Vous pouvez vous passer la fantaisie de surmener votre cheval de manière à le faire mourir à son retour, tant vous l'aurez conduit d'une manière exagérée, forcée. Mais s'il se trouve atteint d'une fluxion de (page 867) poitrine, vous n'aurez pas le droit de lui faire donner une potion ordonnée par un voisin qui connaît la manière de traiter les chevaux dans ces cas-là. Il vous faudra appeler un diplômé.
Je ne comprends pas toutes ces précautions limitatives.
On dit que, dans les épizooties, les empiriques ne suffisent pas pour les combattre. Mais le gouvernement peut avoir des vétérinaires, qu'il enverra dans les lieux où il y aura des épizooties. Elles n'existent point partout à la fois, elles se présentent tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre.
Le gouvernement pourrait donc alors exercer sa sollicitude. Mais pour les circonstances ordinaires, chacun doit être libre de faire médicamenter ses animaux comme il l'entend.
Quant à moi (s'il est permis de parler de soi sur ce sujet), j'ai chaque année une quarantaine de bœufs à l'engrais; un empirique leur donne des soins depuis 15 ans. Dans ces 15 ans, je n'en ai perdu qu'un par suite d'un coup de corne. L'empirique a très bien soigné mes bœufs, quoiqu'il ne soit pas diplômé, et je serais fâché de devoir en prendre un plus savant.
Les fermiers du pays partagent mon opinion, et désirent, j'en suis persuadé, ne pas être entravés dans leur économie administrative. Il ne faut établir des prohibitions que quand elles sont réellement nécessaires.
Ainsi je conçois que, pour une machine à vapeur, il faille un règlement, une autorisation, parce qu'une telle machine peut faire explosion et exposer la vie de beaucoup de personnes. Je n'admets pas le système américain qui permet de faire naviguer un bateau dangereux qui peut faire explosion par suite de la manière incomplète, imparfaite de sa construction. Je conçois donc toutes les précautions pour l'établissement de ce qui expose la vie humaine.
Mais ici il s'agit d'un détail vraiment minutieux, dans lequel le gouvernement prétend entrer par la loi qu'il nous présente; il me semble sortir tout à fait des limites des justes mesures que réclame la sécurité publique.
Je pense qu'en voulant faire du bien aux cultivateurs, on leur fera beaucoup de mal ; parce que tel diplômé guérit souvent très mal les individus pour lesquels on l'appelle, tandis que celui qui n'est pas diplômé, a une habitude, un coup d'œil, une espèce de faculté naturelle qui fait qu'il réussit bien; l'homme très savant, connaissant, comme on l'exige ici, la physique, la chimie, la physiologie, la botanique, l'anatomie, enfin une foule de sciences, laisse votre animal boiteux, ou ne le guérit qu'en trois ou quatre mois, lorsqu'un autre, avec sa seule expérience, le remet en deux ou trois jours.
J'ai été, il y a deux ans, quatre mois boiteux ; les médecins ne me guérissaient pas, tandis qu'un simple remède familier me rétablit sur pied en huit jours.
Je conviens cependant que pour les hommes on ne doit pas permettre à tout le monde de pratiquer, surtout pour les maladies graves. Mais quant aux animaux, on devrait laisser à chacun le droit de les diriger comme il le juge à propos.
M. Mascart, rapporteur. - Il est évident que la médecine vétérinaire, comme toutes les professions libérales, n'est pas instituée dans l'intérêt de ceux qui en font leur métier. Si l'on exige, pour l'exercice de ces professions, des études et des examens, c'est pour que les intérêts publics ne soient pas compromis.
On ne peut pas dire que, par là, on porte atteinte à la liberté de l'industrie, puisque chacun est toujours libre d'embrasser l'une ou l'autre de ces professions, en remplissant certaines obligations déterminées ; mais en ces matières, on ne permet et on ne peut permettre de faire que ce qu'on sait faire, car il n'est certainement pas dans les destinées d'une nation de servir les professions, mais de les accepter, si elles sont utiles, et de les repousser si elles sont nuisibles.
Le vrai ne s'étend pas facilement, malgré la bonté de sa nature, surtout quand il a à lutter, comme ici, contre des préjugés séculaires enracinés chez des gens simples et crédules. Il faut, pour les faire triompher, l'intervention du pouvoir social lui-même.
Cette intervention, messieurs, peut contrarier celui qui la subit; mais elle vient en aide à ses desseins, au but qu'il voulait atteindre.
L'honorable M. de Mérode a dit que celui qui peut disposer de sa bête de toute manière peut bien la faire traiter comme il l'entend.
Ce principe d'organisation sociale rappelle un état de civilisation bien antérieur à notre époque. Nous ne vivons plus sous un régime où l'autorité du gouvernement n'intervenait dans la société que pour régler les rapports d'individu à individu. Nous vivons sous un régime plus efficace et plus libéral.
Aujourd'hui le pouvoir protège l'homme contre lui-même. S'il rencontre dans son ignorance et ses passions des ennemis de son bien-être et de ses intérêts, il tâche de les combattre par des moyens et des mesures d'intérêt général.
Si, en principe absolu, il est vrai que chacun peut disposer de sa chose et que les animaux domestiques sont des choses, il est également vrai que la société, dans l'intérêt général, a le droit de réglementer l'usage et la disposition de certaines choses.
Sans doute, on ne niera pas que les animaux domestiques, tels que les chevaux et le bétail, soient d'une grande utilité, et que l'intérêt général bien entendu exige que l'on prenne des mesures pour la conservation de ce qui constitue une partie de la richesse nationale. Si la société ne pouvait veiller à cette conservation, il pourrait arriver que l'ignorance portât à cette partie de la richesse nationale des atteintes tellement funestes, qu'elles amèneraient un appauvrissement sous ce rapport.
Les denrées alimentaires sont des choses dont, en principe absolu, il est également libre à chacun de disposer comme il l'entend, et cependant la législation de tous les pays a cru devoir, dans l'intérêt général, porter certaines entraves à cette liberté illimitée.
S'il pouvait rester le moindre doute, ce que je n'admets pas, sur les droits de la société de réglementer, dans l'intérêt du public, l'usage et la disposition de certains animaux, j'invoquerais les règlements généraux pris par la plupart des conseils provinciaux sur l'amélioration de la race chevaline et bovine.
S'il était vrai que chacun eût le droit de faire traiter un cheval ou une vache par le premier individu venu, il devrait être tout aussi vrai que chacun a le droit de mener sa jument et sa vache pour être saillie par tel étalon ou taureau qu'il lui plairait de prendre, et cependant cela est loin d'être vrai.
Le propriétaire, maitre absolu de sa jument ou de sa vache, ne peut choisir, s'il veut la destiner à la reproduction, que des étalons et des taureaux qu'une commission ad hoc a jugés aptes à la reproduction.
Depuis longtemps la loi a réglé la médecine humaine et fait cesser l'empirisme que l'ignorance entretenait ; mais l'empirisme vétérinaire, qui se présente avec les mêmes vices et qui produit les mêmes maux, a disparu des contrées éclairés et populeuses pour se rabattre dans les campagnes, où, aidé par l'ignorance, la superstition et un esprit d'économie mal entendu, il lutte contre l'influence salutaire de la science.
Pourquoi refuserait-on d'appliquer le même remède ? Pourquoi la sollicitude du gouvernement ne comprendrait-elle pas et la conservation des hommes et celle des animaux?
La société n'a contracté aucune obligation avec l'empirisme, et le fait ne constitue pas le droit, car le droit ne résulte que de la loi ou des contrats qui en tiennent lieu dans les opérations et les transactions de la vie civile ou du commerce. Que peut-il donc faire valoir? Une expérience acquise? S'il a appris seulement un vingtième de la science, doit-on le lui laisser mettre en pratique, et pourquoi laisser appliquer un vingtième de la science lorsqu'on peut l'appliquer tout entière ? Si l'on comptait le peu de bien qu'il peut faire par ce qu'il sait, ne devrait-on pas compter le mal qu'il fait par ce qu'il ne sait pas?
Certes, les partisans de la liberté absolue de disposer des choses ne pousseront pas les conséquences de leurs principes jusqu'à venir blâmer et combattre des mesures si utiles à l'agriculture en général et à l'intérêt privé bien entendu. Ne doit-il pas en être de même lorsqu'il s'agit de l'exercice de l'art vétérinaire, qui, en dernière analyse, a pour objet la conservation des animaux?
Nous résumant sur cette objection, que les animaux sont des choses et qu'il est libre à chacun de disposer de sa chose, tenons et proclamons pour principe, que dans la société, telle qu'elle est organisée, et dans l'état de civilisation où nous sommes parvenus, il appartient aux pouvoirs constitués, représentants légaux de la société, de réglementer par des lois d'intérêt général l'amélioration et la conservation des animaux domestiques.
M. de Mérode. - En ce qui concerne la saillie, je comprends qu'on prenne des précautions et qu'on ne laisse pas employer des animaux défectueux. Mais l'empêchement de traiter le bétail est une inquisition perpétuelle; c'est réellement une mesure que je considère comme intolérable.
Ainsi vous pouvez avoir une vache qui ne vaut que 50 ou 60 fr. On vous oblige à aller chercher un vétérinaire qui vous demandera 1 fr., 2 fr. quelquefois 3 fr. par visite, suivant la distance où vous êtes de son domicile, et vous serez obligé de payer plus que la valeur de l'animal pour le faire traiter; aucune règle n'oblige le vétérinaire à venir chez vous pour tel prix. Il est libre de refuser sa visite, si vous ne lui payez pas le prix qu'il fixe, et vous ne pouvez aller chercher un autre individu qui traiterait à meilleur compte. Je le répète, il y a une foule de cas où le traitement d'un animal coûtera plus que sa valeur. Ces animaux de faible prix appartiennent souvent à des pauvres; vous ne pouvez vouloir que ceux-ci soient forcés de les laisser mourir par la crainte des dépenses à faire pour obtenir une cure ruineuse.
Cette loi est donc une véritable tyrannie. On veut protéger la science. Les droits de la science sont fort intéressants sans doute; mais le droit de vivre est plus intéressant encore. Vous exagérez d'ailleurs le droit en faveur d'une science de pratique que vous exagérez par un apprentissage préalable, et des études trop longues et trop compliquées qu'on réclame de celui qui veut exercer la médecine vétérinaire.
Il en coûte beaucoup à celui qui doit étudier, et il se fait payer en conséquence. Il en résultera, je le répète, qu'une foule de malheureux, qui n'ont que des animaux de faible valeur, ne pourront plus faire trailer ces animaux par personne.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le système de l'honorable comte de Mérode est le système du laisser faire, en matière de médecine vétérinaire. Il ne va pas jusqu'à demander l'application de ce système à la médecine humaine, mais il croit qu'il y aurait avantage à laisser subsister l'état actuel des choses et même à l'élargir encore quant à la médecine qui concerne les animaux. Je pense, messieurs, que la société doit entourer de certaines garanties le régime hygiénique (page 868) des animaux; il y a pour cela des raisons d'intérêt, comme il y a aussi certaines raisons d'humanité.
Messieurs, le projet que nous vous soumettons n'a rien de nouveau pour la chambre. Il a déjà été présenté à la législature dans l'année 1846. Avant de devenir projet de loi, le système avait été soumis à l'académie de médecine, aux conseils provinciaux, à tous les corps compétents, et partout on était tombé d'accord sur la nécessité de remplacer la liberté illimitée en matière de médecine vétérinaire, par une liberté limitée, par certaines garanties imposées à ceux qui s'occupent de cet art. Généralement, messieurs, dans les campagnes on considère les empiriques comme un très grand mal. Qu'il y ait, par exception, des empiriques qui méritent la confiance des habitants, je ne le nie pas; il y a aussi dans la médecine humaine des individus qui, sans avoir le brevet de docteur en médecine, peuvent opérer certaines cures.
L'honorable M. de Mérode a rencontré une de ces exceptions, je l'en félicite; mais, qu'il le reconnaisse aussi, un peu de science ne gâte rien; si les empiriques étaient plus instruits qu'ils ne le sont actuellement, je ne pense pas que cela détruirait leur instinct médical, leur vocation naturelle.
C'est là, messieurs, l'avantage que nous voulons assurer aux campagnes; nous voulons leur assurer certaines garanties scientifiques de la part de ceux qui sont appelés à traiter les animaux.
Le projet, d'ailleurs , n'est pas très rigoureux en ce qui concerne les empiriques actuellement en exercice. Par une disposition transitoire, on leur permet d'atteindre les conditions voulues dans une certaine limite, pour pouvoir continuer l'exercice, aujourd'hui très irrégulier, de l'art vétérinaire. Voici, en effet, ce que porte l'article 45:
« Sont exceptés de la disposition de l'article 26 ci-dessus, ceux qui, sans être munis d'un diplôme, exercent dans le royaume depuis cinq ans au moins, et qui, dans un délai de deux années à dater de la promulgation de la présente loi, feront preuve de connaissances suffisantes, en subissant devant un jury spécial un examen pratique dont la forme et les conditions seront réglées par le gouvernement. »
Ces derniers recevront le titre de maréchal vétérinaire.
Voilà, messieurs, pour les empiriques qui exercent aujourd'hui, une exception qui leur permettra de conserver leur position, à moins qu'ils ne soient tout à fait incapables.
L'on a cité (je ne sais si je dois relever l'exemple), certain mode de traitement qu'il ne serait plus permis de faire opérer sans le secours d'un vétérinaire diplômé. L'argument vaut beaucoup comme plaisanterie, mais, hors de là, je ne pense pas qu'on puisse le produire comme devant porter la moindre atteinte au principe de la loi.
Il y a des réserves et des exceptions pour certaines opérations.
Si l'honorable M. de Mérode veut lire toute la loi, il verra qu'il y a des exceptions pour des opérations pratiques beaucoup plus délicates que celle dont il a parlé; qu'il lise le dernier article de la loi.
Je ne puis pas admettre les attaques qui ont été dirigées contre les artistes vétérinaires. Je crois que, sous tous les rapports, il ne peut être que très utile aux campagnes de posséder un plus grand nombre d'hommes instruits.
Les artistes vétérinaires ne sont pas seulement utiles pour le traitement des animaux, mais ils sont aussi très utiles, si je puis ainsi parler, pour le traitement des terrains eux-mêmes. Dans l'école vétérinaire, les élèves reçoivent des notions qui peuvent être très utilement appliquées à toute l'agriculture en général, il ne peut certes pas être nuisible de répandre dans nos campagnes des hommes familiarisés avec les procédés scientifiques, et je ne puis croire que ce soit la crainte de voir la science se propager dans les campagnes qui anime l'honorable M. de Mérode, lorsqu'il combat l'institution des artistes vétérinaires.
Messieurs, on a fait à l'école vétérinaire le reproche de coûter beaucoup d'argent. D'après l'honorable M. Rodenbach, chaque artiste vétérinaire coûterait 10,000 fr. à l'Etat. Il y a là une grande exagération.
L'école vétérinaire figurait autrefois au budget pour une somme de 150,000 fr. J'ai opéré sur ce service une économie de 25,000 fr. L'école vétérinaire figure aujourd'hui au budget pour 124,500 fr.: il y a à déduire 34,000 fr. pour la pension des élèves, et 12,000 fr. résultant d'autres produits, en tout 46,000 fr. ; si donc nous retranchons cette dernière somme de celle de 124,500 fr., nous trouvons que les dépenses de l'école vétérinaire ne s'élèvent plus qu'à 78,500 fr.
On se trompe également, lorsqu'on ne fixe qu'à dix la moyenne des élèves qui sont annuellement diplômés; cette moyenne est de 20, et comme le cours d'études dure à peu près 4 ans, c'est une somme de 4,000 francs et non de 10,000 francs que coûte à l'Etat chaque vétérinaire.
D'après l'honorable M. Pierre, il serait utile d'étendre à la médecine humaine le système qu'on établit pour la médecine vétérinaire; l'honorable membre a demandé qu'on établît par certains ressorts des médecins pour la médecine humaine; il s'est plaint du petit nombre de docteurs en médecine établis dans diverses parties du royaume.
Messieurs, cela est vrai : nous croyons qu'il est utile et urgent de pourvoir à la médecine humaine dans certaines localités : le nombre des médecins est insuffisant dans diverses contrées.
Un projet de loi a été préparé pour arriver à l'organisation d'un corps de médecins destinés à faire le service dans certains ressorts. Ce projet a été soumis aux conseils provinciaux, lors de la dernière session; j'ai vu avec surprise que ce projet n'a pas reçu un accueil favorable de la part de tous les conseils provinciaux.
Je ne sais pas si des intérêts particuliers qui se sont crus menacés ont exercé de l’influence sur les délibérations ; j'ignore si les communes ont craint de voir figurer à leurs budgets un surcroît de charges; mais enfin les avis des conseils provinciaux n'ont pas été unanimes en faveur de l'organisation. Plusieurs rapports doivent encore m'être faits, el il me sera impossible de présenter le projet de loi dans le cours de cette session.
Le projet de loi en discussion a donné lieu, dans la section centrale, à peu de critiques. Nous sommes à peu près d'accord sur toutes les dispositions. Pour ne pas compliquer ni allonger inutilement la discussion, je me réserve de m'expliquer sur les articles et de faire connaître les points auxquels je pourrai me rallier et ceux auxquels je ne pourrai pas adhérer. J’aurai quelques dispositions, de peu d'importance au fond, à présenter. Je pense qu'il n'y a pas lieu de les renvoyer à la section centrale : on peut se borner à les imprimer.
M. Le Hon. - J'ai demandé la parole pour répondre quelques mots a l'honorable comte de Mérode et lui faire observer que l'article 45 du projet de loi donne satisfaction à l'intérêt qu'il a paru porter aux empiriques, en instituant le grade de maréchal vétérinaire pour ceux qui, dans le délai de deux années, feraient preuve de connaissances suffisantes dans un examen pratique, passé devant un jury spécial.
M. le ministre de l’intérieur vient de remplir cette partie de ma tâche. Je n’ajouterai que peu de chose. Je suis étonné que l'honorable préopinant, qui déploie souvent tant de zèle pour la cause de l'agriculture, vienne combattre le principe de la loi par de petites considérations de gêne individuelle ou de préjugé local, quand ce principe est fondé sur les plus sérieux motifs d'intérêt général.
En effet, le médecin vétérinaire se rattache à la conservation d'une très grande partie de la richesse du pays, à celle des animaux domestiques, considérés comme agents de l'économie rurale, et dont la statistique officielle porte chez nous la valeur à 250 millions de francs. Malgré l'importance de cette évaluation, le nombre de têtes de bétail par kilomètre carré et par 1,000 habitants, est inférieur en Belgique à ce qu'il est non seulement en Angleterre, mais encore en France, en Hollande, dans le Wurtemberg et dans la plupart des Etats de l'Allemagne. Et rappelez-vous avec quelle ardeur d'impulsion on encourage dans le pays la propagation et l'accroissement des bêtes bovines, comme puissant moyen de prospérité pour notre agriculture.
Quand on veut augmenter les quantités moyennes du bétail par la reproduction, il est nécessaire, avant tout, de sauvegarder, autant que possible, celui qu'on possède, et l'amélioration de l'exercice de la médecine vétérinaire dans les campagnes est essentiellement favorable à ce résultat, à moins que l'honorable comte de Mérode ne prétende que l'art du vétérinaire devient pratiquement plus inhabile à mesure qu'il est théoriquement plus éclairé.
Il s'agit donc ici d'un grand intérêt général, d'un intérêt de richesse et de prospérité agricole auquel l'honorable membre a souvent accordé son appui et sa sollicitude. Je pense qu'en réfléchissant bien aux conséquences utiles, salutaires, fécondes du principe de la loi que nous discutons, il reconnaîtra, avec la chambre, la nécessité de l'admettre et de le consacrer.
M. de Mérode. - Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que j'ai dit. Je ne vois pas pourquoi on ajoute toujours des prohibitions à d'autres prohibitions.
Les lois sur la médecine humaine sont très sévères, quelquefois trop, comme nous avons eu occasion de le voir; elles existent, il ne s'agit pas de les changer; quant à la médecine vétérinaire, on a dit que je ne désirais pas son progrès; mais il dépend de la manière dont les élèves agiront vis-à-vis des particuliers et des succès qu'ils obtiendront ; s'ils guérissent mieux les animaux que ceux qui n'ont pas étudié, il y a assez de bon sens chez les cultivateurs pour qu'ils choisissent ceux qui guérissent plutôt que ceux qui ne guérissent pas.
En Angleterre, où l'on possède les plus belles races chevaline, bovine et ovine, on n'a pas de ces interdictions. En France je ne pense pas que, malgré l'école vétérinaire, les médecins vétérinaire soient privilégiés comme dans la loi que nous faisons.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il y a un projet de loi.
M. de Mérode. - Ce projet de loi, vous ne savez pas s'il sera adopté.
Maintenez votre école, perfectionnez l'art vétérinaire, mais n'allez pas ajouter des prohibition qui n'existent pas chez nos voisins d'Angleterre où l'on s'entend en agriculture, qui n'existent pas en France jusqu'à présent. Que si on les adopte en France, on verra quels résultats on obtient ; s'il y a lieu de s'en féliciter, nous imiterons alors les mesures qui auront en de bons effets; en attendant, je repousse les interdictions, mais j'adopterai, si l'on veut, le reste de la loi.
M. Rodenbach. - Je persiste à dire que l'école de Cureghem ne remplit pas son but. D'abord elle coûte trop cher. M. le ministre a contesté les chiffres que j'ai avancés ; on me les avait donnés, il est possible qu'on ait calculé sur les années antérieures et que depuis deux ou trois ans on ait introduit des économies dans les dépenses de l'école vétérinaire. J'admettrai les chiffres que vient de poser M. le ministre.
Il vous a dit que l'école coûtait 78 à 80 mille francs par an. Eh bien! je vous le demande, quand on songe qu'il ne sort de cette école que 12 à 15 vétérinaires par an, c'est la moyenne de M. le ministre, ne doit-on (page 869) pas trouver que c'est beaucoup trop cher? Cela fait 6 à 7 mille francs par élève! Ajoutez à cela les frais généraux, les bâtiments et vous verrez que c'est exorbitant.
Je ne critiquerais pas l'école si elle répondait au but de son institution; mais, je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a dans tout le pays que 317 médecins vétérinaires diplômés; dans ce nombre sont compris les militaires et les professeurs ; et les trois quarts résident dans les grandes villes parce qu'il y a plus d'argent à gagner. L'école ne rend donc pas de services en proportion de l'argent qu'elle coûte.
Je crois que l'on doit examiner mûrement cette question. Nous avons beaucoup trop peu d'artistes vétérinaires dans nos campagnes. Ainsi j'habite un district de 80,000 âmes. Il ne s'y trouve pas un seul médecin vétérinaire. Pourquoi les campagnards n'envoient-ils pas leurs enfants étudier à Cureghem ? C'est parce que cela coûte trop cher. Il faudrait que le gouvernement fît quelques sacrifices à cet égard, qu'il fixât la pension à un chiffre moins élevé. Alors, peut-être, il y aurait un nombre plus considérable d'élèves, et les revenus de l'école augmenteraient.
D'ailleurs, je vous l'ai dit, il n'y a dans le pays que 317 médecins vétérinaires et l'on y rencontre 1,400 empiriques. Il manque donc un grand nombre de médecins vétérinaires ; il faut remplir cette lacune ; et, je le répète, on pourrait en trouver les moyens dans les écoles d'agriculture. Dans toutes les localités où l'on a établi de ces écoles il y a des médecins instruits.
Je citerai la ville de Thourout où l'on a établi une école d'agriculture. Il s'y trouve des médecins instruits qui s'occupent d'agriculture et qui pourraient donner les principes de la médecine vétérinaire. Je pense qu'il en est de même dans presque toutes les autres localités. En donnant quelques centaines de francs à ces hommes instruits, ils consentiraient volontiers à donner des leçons à l'école d'agriculture ; les élèves, à qui l'on accorderait de légers subsides, se rendraient ensuite dans nos universités ou à l'étranger. J'aime toutefois mieux que nos jeunes gens n'aillent pas à l'étranger et puisent la science dans le pays même, surtout ceux qui s'adonnent à l'agriculture.
Je prie M. le ministre de bien vouloir examiner s'il n'y a pas d'améliorations à établir à cet égard ; je lui demande s'il pense que l'école vétérinaire rend bien tous les services qu'elle devrait rendre.
Messieurs, je proposerai à l'article 45 un amendement que l'on pourra faire imprimer. On propose de donner deux ans aux empiriques, aux personnes non munies d'un diplôme pour faire preuve de connaissances suffisantes; ce délai me parait trop court; je propose d'y substituer celui de 4 ans. Lorsque nous arriverons à l'article 45, je développerai cet amendement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il m'est difficile de concilier les diverses parties du discours de l'honorable M. Rodenbach. Elles sont parfaitement contradictoires.
L'honorable M. Rodenbach prétend que l'école de médecine vétérinaire ne remplit pas sa mission, qu'elle coûte trop cher, qu'elle ne fournit pas assez d'artistes vétérinaires.
Pourquoi, messieurs, l'école vétérinaire ne fournit-elle pas un plus grand nombre d'artistes vétérinaires? Mais c'est précisément parce que, après avoir fait de grandes dépenses pour leur instruction, les élèves n'ont pas la garantie de pouvoir exercer leur profession sans rencontrer la concurrence de gens sans diplôme, sans connaissances, qui pullulent dans nos campagnes. C'est seulement lorsque vous aurez assuré certaines garanties à ceux qui ont fait des efforts et des dépenses pour acquérir la science, que le nombre pourra en augmenter.
Il est évident que si, pour la médecine humaine ou pour le barreau, vous n'accordiez pas certains privilèges, certains avantages à ceux qui ont fait des dépenses, qui se sont donné beaucoup de peine pour acquérir la science, vous verriez le nombre des avocats et des médecins diplômés diminuer considérablement, sans que pour cela vous pussiez attaquer l'institution des universités.
L'école vétérinaire est bien organisée; elle fournit de très bons élèves; mais les élèves qui en sortent n'ont pas de position assurée; voilà pourquoi le nombre en est restreint.
On a introduit successivement dans le régime de l'école vétérinaire de grandes améliorations, en même temps qu'on y a introduit des économies. Récemment j'ai eu occasion encore de proposer au Roi de mettre à la tête de cette école un des hommes les plus distingués de ce pays. J'attends de cet établissement les meilleurs résultats, non seulement au point de vue de l'art vétérinaire, mais au point de vue agricole.
Quoi qu'on en ait dit, chaque élève ne nous coûte pas 10,000 fr. Chaque élève coûte 1,000 fr. par an, puisque le nombre d'élèves est d'environ 80 et que la somme dépensée annuellement est de 80,000 fr.
Mais en disant que l'école coûte trop cher, que propose-t-on? On propose d'augmenter les subsides. On prétend que le gouvernement ne dépense pas assez pour l'école vétérinaire. Si l'on doit augmenter la dépense pour l'école vétérinaire, ne venez pas lui reprocher de coûter trop cher.
M. Rodenbach. - Je n'ai pas dit cela.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Rodenbach a demandé que l'on augmentât les subsides afin de mettre un plus grand nombre de jeunes gens à même de suivre les cours de l'école vétérinaire.
Si vous contestez la loi en principe, si vous ne voulez pas augmenter le nombre des gens instruits dans les campagnes, il faut supprimer l'école vétérinaire. Voilà une économie de 80,000 fr. à faire. Mais si vous voulez que l'école vétérinaire subsiste et prospère, il faut assurer à ceux qui en sortent une position en harmonie avec les efforts qu'ils ont faits, avec la science qu'ils ont acquise. Je ne puis admettre comme chose sérieuse l'opinion de repousser comme inutile, presque comme ridicule, la mission des médecins vétérinaires dans les campagnes, comme s'il fallait accorder seulement des brevets à l'ignorance.
Il est reconnu que le nombre actuel des artistes vétérinaires capables est insuffisant;; et, en effet, dans la Flandre orientale il n'y en a que 27, et dans la Flandre occidentale que 16. C'est évidemment trop peu.
Il faut donc que le nombre en augmente, et pour cela il faut que le médecin vétérinaire ait une carrière mieux assurée ; sans cela on ne se donnera pas la peine de venir étudier à Bruxelles.
On évitera de faire des dépenses ; on se passera de cette science, et les campagnes continueront à être livrées aux expérimentations des ignorants.
Ce sont les empiriques, les ignorants qui retardent le progrès eu toute chose. Or, nous voulons le progrès en toute matière dans les campagnes comme dans les villes.
M. de Renesse. - J'ai demandé la parole pour présenter quelques courtes observations sur la composition du jury vétérinaire.
Lorsque le projet de loi en discussion a été soumis à l'avis de l'Académie royale de médecine, ce corps savant a proposé la division du jury en deux jurys différents; l'un serait chargé de l'examen de la candidature, l'autre de l'examen du grade de médecin vétérinaire.
Pour appuyer cette division du jury en deux sections, je me permettrai de citer à la chambre un petit passage du «Répertoire de Médecine vétérinaire», qui a rapport à l'article en discussion; il est ainsi conçu :
« D'après cet article, le même jury présidera aux examens des aspirants à la candidature vétérinaire el des aspirants au grade de médecin vétérinaire. Nous regrettons que, à cet égard, le gouvernement n'ait pas adopté l'avis de l'Académie royale de médecine. Ce corps savant, dont on ne révoquera sans doute point la compétence en cette matière, en proposant la division de l'examen vétérinaire en deux examens, proposait aussi deux jurys différents, composés chacun de cinq membres, pour faire ces examens.
« Cette compagnie a parfaitement compris qu'il était impossible de composer un jury dont tous les membres pussent être des juges compétents dans les deux examens. Il est évident que les hommes spéciaux qui, dans l'examen de la candidature, représentent la physique, la chimie, la botanique, la zoologie el l'agriculture, seront toujours déplacés dans, l'examen de médecine vétérinaire; comme les quelques vétérinaires praticiens que le gouvernement continuera, avec raison, à appeler dans ce jury, doivent être inaptes à interroger sur la plupart sinon sur toutes les branches de la candidature. C'est, du reste, ce qu'a déjà prouvé l'expérience du passé; et, à cet égard, nous croyons devoir citer le bel exemple donné par l'un des membres du jury de l'année dernière, notre collègue, M. Wesmael. Ce savant naturaliste, après avoir pris part à l'examen de la candidature, s'est retiré du jury, dont il était le président, parce qu'il se croyait incompétent pour l'examen de médecine vétérinaire. »
Je n'ai pu voir, dans l'exposé du projet de loi, pour quels motifs M. le ministre de l'intérieur n'a pas fait droit à la demande de l'Académie royale de médecine; pourquoi, à l'égard du jury vétérinaire, on n'a pas suivi le même principe que pour les autres parties de l’enseignement, pour lesquelles on a créé deux jurys distincts.
J'ai l'honneur Je prier M. le ministre de l'intérieur de vouloir me dire pourquoi il n'a pas été fait droit à la demande de l'Académie de médecine, qui avait proposé deux jurys distincts.
- La discussion générale est close.
«Art.1er. Il y a pour la médecine vétérinaire deux grades: celui de candidat et celui de médecin vétérinaire.»
- Adopté.
«Art. 2. Nul n'est admis à l'examen de médecin vétérinaire s'il n'a déjà reçu le grade de candidat vétérinaire.»
- Adopté.
«Art. 3. Un jury, siégeant à Bruxelles, fait les examens et délivre les diplômes pour les grades.
«Toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades, sans distinction du temps, du lieu ou de la manière dont elle a fait ses études.»
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le dernier paragraphe de cet article est emprunté à la loi de 1835 sur l'enseignement supérieur. Lors de la discussion de la loi de 1849, il y a eu un changement dans la rédaction. Je demande que le même changement soit introduit dans le paragraphe dont la fin devra être rédigée comme suit : « sans distinction du lieu où elle a étudié et de la manière dont elle a fait ses études. »
M. Rodenbach. - J'ai étudié attentivement ce que l'honorable préopinant vient de dire sur l'article 3.
(page 870) Je trouve comme lui qu'il faudrait deux jurys distincts, Il paraît que c'est l'opinion de l'Académie de médecine. Je comprends parfaitement que les savants, les chimistes, les physiciens, les botanistes n'aient pas de connaissances dans l'art vétérinaire.
Si j'ai bien entendu l'extrait de la brochure, après avoir examiné le candidat sur les sciences, le savant qui présidait s'est retiré en alléguant son incompétence en matière de médecine vétérinaire. Alors le jury n'était plus en nombre.
Je crois donc qu'il conviendrait d'avoir un jury pour la pratique de l'art vétérinaire et un autre jury pour examiner les jeunes gens sur les sciences.
C'est très rationnel. L'Académie de médecine et les professeurs des facultés de médecine ont exprimé à cet égard une opinion qui me paraît fondée. Je demande pourquoi elle n'a pas été accueillie.
M. de Renesse. - Je demande également pourquoi l'on n'a pas suivi l'avis de l'Académie de médecine qui a proposé de partager le jury d'examen en deux sections.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'article ne s'oppose pas à ce qu'on divise le jury en deux sections, si c'est reconnu nécessaire : l'une pour la candidature proprement dite, l'autre pour les médecins vétérinaires. Ainsi l'objection viendrait à tomber. Mais il faut tenir compte de la difficulté de composer ce jury. Les aptitudes ne sont pas aussi nombreuses dans cette partie de la science que pour le droit et pour la médecine proprement dite. Rien n'est préjugé au surplus quant à la division des jurys. C'est une question administrative.
M. de Renesse. - Dans ce cas, il sera nécessaire de modifier l'article 4.
M. Rodenbach. - Je suis satisfait de la réponse de M. le ministre de l'intérieur. Dans ce système, il conviendra de laisser au gouvernement le soin de fixer le nombre des membres des jurys, ce qui est plus de sa compétence que de la nôtre.
- L'article 3 est adopté avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.
«Art. 4. Le jury est composé de sept membres nommés par le Roi pour une année.
«La nomination des membres du jury doit avoir lieu avant le 15 juillet.
«Il est nommé de la même manière un suppléant à chaque juré. En cas d'empêchement du titulaire, le suppléant est convoqué par le gouvernement.»
M. de Renesse. - Je propose de rédiger cet article comme suit :
« Art. 4. Les membres du jury seront nommés par le Roi, pour une année.
« Cette nomination devra avoir lieu avant le 15 juillet. »
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cet amendement qui ne préjuge rien. Le jury pourra rester unique pour la collation des deux grades, ou le gouvernement pourra le diviser en deux sections suivant ce qui sera jugé le plus utile. Le gouvernement fixera le nombre des jurés. Rien n'est préjugé.
Je ne puis accepter comme juste la critique d'un seul jury pour les deux grades. Car ce qui vous était proposé est pratiqué depuis deux ans. J'ai, par mesure administrative, introduit la division en deux grades (candidat et médecin vétérinaire), et institué un seul jury pour les deux grades. Je n'ai pas remarqué qu'il soit résulté des inconvénients de ce premier essai.
Si, cependant, il en existe; si l'avenir en révélait, je reconnais que la disposition proposée par l'honorable M. de Renesse mettra le gouvernement à même de pourvoir aux besoins qui se manifesteraient sous ce rapport. J'accepte donc cette disposition.
- L'amendement de M. de Renesse est mis aux voix et adopté.
L'article 4 est ensuite adopté avec cet amendement.
«Art. 5. Le jury nomme dans son sein son président et son secrétaire.
«Il ne procède à l'examen que lorsque cinq membres au moins sont présents. En cas de partage, la voix du président est décisive.»
M. Veydt. - Messieurs, l'adoption de l'amendement à l'article 4, où le nombre de 7 pour les membres du jury a été supprimé, rend nécessaire le changement du minimum de 5 membres pour procéder valablement à l'examen. S'il arrivait que le jury, par suite de la latitude laissée au gouvernement, fût composé d'un grand nombre de membres, cinq pourrait ne plus constituer la majorité. Or, il est indispensable qu'il y ait toujours plus de la moitié des membres participant à l'examen; c'est là une garantie à laquelle nous devons tenir. Je crois, en conséquence, qu'il faut mettre la moitié au moins ou les deux tiers. Je propose les deux tiers.
- L'article 5 est adopté avec cet amendement.
«Art. 6. Il y a annuellement une session du jury ; elle s'ouvrira le second lundi du mois d'août. La durée des sessions est fixée par le gouvernement suivant le nombre des récipiendaires qui se présenteront pour les examens. En cas de nécessité, le gouvernement peut convoquer le jury en session extraordinaire.»
- Adopté.
«Art. 7. L'examen pour le grade de candidat vétérinaire comprend :
«La physique,
«La chimie,
«La zoologie générale,
«La botanique, l'agriculture et l'horticulture,
«L'anatomie descriptive et comparée des animaux domestiques,
«L'anatomie générale,
«La physiologie.»
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai un léger changement à cet article. Au lieu de : « La physique, la chimie, la zoologie générale, la botanique, l'agriculture et l'horticulture, » je propose de dire: « Les éléments de physique, de chimie, de zoologie, de botanique, d'agriculture et d'horticulture. » De cette manière l'article sera en harmonie avec le programme de la loi sur l'enseignement supérieur, pour la candidature en sciences naturelles.
M. Veydt. - J'adopte avec plaisir la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre de l'intérieur.
Mais, si je ne me trompe pas, à ces éléments il y a encore une autre connaissance élémentaire à ajouter : c'est la maréchalerie élémentaire. D'après l'article 9 du projet, elle fait partie de l'examen pratique que doivent subir les aspirants au grade de candidat vétérinaire, après l’examen par écrit et oral. Elle doit donc leur être enseignée et par conséquent être comprise parmi les matières qu'indique l'article 7.
Cela est d'autant plus nécessaire que nul élève ne sera admis à l'examen de médecin vétérinaire, s'il n'a déjà reçu le grade de candidat vétérinaire. Il ne peut donc attendre qu'il soit arrivé aux différents cours énumérés à l'article 8, où il est fait mention de la maréchalerie.
Je crois que c'est une omission que je signale, et je proposerai d'insérer à la fin de l'article 7 la maréchalerie élémentaire. La chambre examinera encore lors du second vote.
- L'article 7 est adopté avec cet amendement et avec la modification proposée par M. le ministre de l'intérieur.
«Art. 8. L'examen pour le grade de médecin vétérinaire comprend :
«La matière médicale et la pharmacologie,
«La pathologie et la thérapeutique générales,
«La pathologie et la thérapeutique spéciales,
«L'anatomie des régions,
«La pathologie chirurgicale,
«La médecine opératoire,
«La maréchalerie,
«L'obstétrique,
«L'anatomie pathologique,
«La clinique,
«L'hygiène,
«L'éducation des animaux domestiques,
«L'extérieur,
«Les maladies contagieuses et épizootiques,
«La police sanitaire et
«La médecine légale.»
- Adopté.
«Art. 9. Les examens se font par écrit et oralement. Il y a en outre un examen pratique. Cet examen comprend, pour les aspirants au grade de candidat vétérinaire :
«L'anatomie et la maréchalerie élémentaire.
«Et pour les aspirants au grade de médecin vétérinaire :
«La maréchalerie, la médecine opératoire, la clinique et l'obstétrique.»
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je propose d'ajouter à la fin de l'article : « et la pharmacie. »
- L'article 9, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je présente ici un article nouveau qui se rattache aux matières d'examen. On pourrait le classer parmi les dispositions transitoires. Cet article est ainsi conçu ;
« Pendant les deux années qui suivront la publication de la présente loi, les récipiendaires pour la candidature en médecine vétérinaire pourront être dispensés de subir un examen sur l'agriculture et sur l'horticulture. »
Ces deux matières ne sont pas encore aujourd'hui enseignées obligatoirement et complètement à l'école vétérinaire; dès lors, les élèves qui se destinent à subir l'examen dans un an ou dans deux ans, n'ayant pas suivi ces cours d'une manière complète, se trouveraient lésés par la loi. Nous croyons juste de laisser s'écouler deux années encore, avant que ces deux branches ne deviennent obligatoires dans les examens.
- L'article nouveau, proposé par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté. La chambre se réserve de le classer.
«Art. 10. L'examen par écrit précède l'examen oral et celui-ci l'examen pratique.
«L'examen par écrit a lieu à la fois entre tous les récipiendaires. Ceux-ci peuvent néanmoins être divisés en plusieurs séries par un tirage au sort. Il leur est accordé six heures pour faire leurs réponses.
«Les récipiendaires sont admis à l'examen oral et pratique suivant l'ordre de priorité déterminé par un tirage au sort, en commençant par ceux qui ont concouru au premier examen écrit, et ainsi de suite.»
- Adopté.
«Art. 11. Les questions qui doivent être posées par écrit sont tirées au sort et dictées immédiatement aux récipiendaires. Il y a autant d'urnes différentes que de matières sur lesquelles l'examen se fait. Chacune de ces urnes contient un nombre de questions triple de celui que doit amener le sort.
«Les questions doivent être arrêtées immédiatement avant l'examen.»
- Adopté.
«Art. 12. L'examen oral dure au moins une heure et demie pour chaque (page 871) récipiendaire. Tout examen oral est public. Il est annoncé au moins trois jours d'avance dans le Moniteur.
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose d'ajouter à cet article un paragraphe qui est ainsi conçu :
« Le jury peut se dispenser de procéder à l'examen oral, si l'examen écrit prouve suffisamment qu'il y a lieu de prononcer l'ajournement ou le rejet.»
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est une addition empruntée à la loi sur l'enseignement supérieur.
- L'article 12, avec le paragraphe nouveau proposé par M. le ministre de l'intérieur, est mis aux voix et adopté.
«Art. 13. L'examen pratique se fait d'après les règles prescrites à l'article 11 pour l'examen par écrit. Il est accordé à chaque récipiendaire au moins une demi-heure pour chacune des matières qui font l'objet de l'examen.
«Ne sont admis à l'examen pratique que les récipiendaires qui ont satisfait à l'examen écrit et oral.»
- Adopté.
«Art. 14. Après chaque examen, le jury délibère sur l'admission et le rang des récipiendaires. Il est dressé procès-verbal du résultat de la délibération. Ce procès-verbal mentionne le mérite de l'examen écrit, oral et pratique. Il en est donné immédiatement lecture aux récipiendaires et au public.»
M. Veydt. - Je demande que l'on substitue les mots «en séance publique» aux mots «et au public», qui terminent l'article.
- L'article 14, ainsi modifié, est adopté.
«Art. 15. Les diplômes de candidat et de médecin vétérinaire sont délivrés, au nom du Roi, suivant la formule qui sera prescrite par le gouvernement.
«Ils sont signés, ainsi que les procès-verbaux des séances, par tous les membres du jury, et contiennent la mention que la réception a eu lieu d'une manière satisfaisante, avec distinction, avec grande distinction ou avec la plus grande distinction.»
- Adopté.
«Art. 16. Les frais des examens sont fixés à 30 francs pour le grade de candidat vétérinaire, et à 50 francs pour celui de médecin vétérinaire.»
- Adopté.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la chambre a tout à l'heure, sur la proposition de l'honorable M. Veydt, substitués les mots «en séance publique» aux mots «et au public» dans l'article 14; je demande que les mots «et au public» soient rétablis; c'est la même expression que celle qui est employée dans la loi sur l'enseignement supérieur.
M. Veydt. - Je ne m'y oppose pas.
- La chambre, consultée, rétablit dans l'article 14 les mots «et au public».
«Art. 17. L'époque et la forme des inscriptions pour les examens, ainsi que l'ordre dans lequel on y est admis, sont déterminés par les règlements, sans distinction des lieux où les aspirants ont fait leurs études.»
- Adopté.
«Art. 18. Le jury prononce le rejet ou l'ajournement du récipiendaire qui n'a point répondu d'une manière satisfaisante ; en cas d'ajournement, le récipiendaire ne peut se présenter à l'examen dans la même session, à moins que le ministre de l'intérieur, sur l'avis conforme du jury, n'en ait autrement décidé. Il ne paye plus de frais d'examen.
«Le récipiendaire refusé ne peut plus se présenter dans la même session, et il est tenu de payer la moitié des frais d'examen.»
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y a lieu de mettre encore ici le projet de loi en harmonie avec la loi de l’enseignement supérieur. Je proposerai à l'article 18, la modification suivante.
Nous retrancherons à la fin du paragraphe premier les mots :
« Il ne paye plus de frais d'examen. »
Et nous ajoutons comme deuxième paragraphe :
« Le récipiendaire ajourné qui se représente paye, dans tous les cas, le quart des frais d'examen. »
C'est aussi la disposition de la loi sur l’enseignement supérieur.
- Ces amendements sont adoptés.
L'article 18, ainsi amendé, est également adopté.
«Art. 19. Nul ne peut, en qualité de membre du jury, prendre part à l'examen d'un parent ou d'un allié jusques et y compris le quatrième degré, à peine de nullité.»
- Adopté.
«Art. 20. Chaque examinateur reçoit une indemnité de 25 francs par jour de séjour et de voyage.
«Les membres du jury, qui résident à Bruxelles ou dans un rayon de cinq kilomètres de cette ville, ne reçoivent qu'une indemnité de 18 francs par jour de séjour.»
- Adopté.
«Art. 21. Deux bourses de mille francs chacune peuvent être conférées annuellement par le gouvernement, sur la proposition du jury d'examen, à des Belges qui ont obtenu le grade de médecin vétérinaire avec la plus grande distinction.
«Ces bourses sont données pour le terme d'un an, afin d'aider les titulaires à visiter les établissements vétérinaires de l'étranger.»
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.