Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1 mars 1850

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)

(Présidence de M. Verhaegen.)

(page 833) M. A. Vandenpeereboom procède à l'ppel nominal à deux heures et quart.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'nalyse des pétitions adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Gand demandent que l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les athénées et les collèges des provinces flamandes et qu'on soit tenu de se servir de cette langue pour enseigner l'llemand et l'nglais. »

« Même demande de plusieurs habitants de Meulebeke, Aeltre, Iseghem, Deynze, Gendbrugge, Wilryck, Laethem-Saint-Martin, Deurle, Afsné, Moen, Lokeren, Gavere, Oostacker, Destelbergen. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi sur l'enseignement moyen.



Par dépêche du 27 février, M. le ministre de la justice transmet à la chambre une demande de grande naturalisation et trois demandes de naturalisation ordinaire avec renseignements y relatifs.

- Renvoi à la commission des naturalisations.


Il est fait hommage, par le comité central de l'ssociation des pharmaciens de la province de Liège, de 112 exemplaires de la pétition qui vient d'être adressée à la chambre par cette association.

- Distribution aux membres de la chambre.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Weissenbruch père, de 113 exemplaires d'un article sur les procédés du docteur Boucherie, concernant la conservation des bois.

- Même décision.

Projet de loi modifiant la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries

Transmission du projet amendé par le sénat

Par message du 28 février, le sénat renvoie à la chambre, tel qu'il a été amendé par lui, le projet de loi qui modifie l'rticle 21 de la loi du 27 juin 1842 sur les distilleries.

La chambre en ordonne le renvoi à la section centrale qui a procédé à son premier examen.

Rapport sur une demande en naturalisation

M. Destriveaux, au nom de la commission des naturalisations, fait un rapport supplémentaire sur la demande de grande naturalisation du sieur Alfred Ryss.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il est mis à la suite des objets à l'ordre du jour.

Projet de loi instituant une banque nationale

Discussion des articles

Article premier

« Art. 1«. Il est institué une banque sous la dénomination de Banque nationale.

« Son siège est à Bruxelles. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Elle établira des comptoirs dans les chefs-lieux de province et, en outre, dans les localités où le besoin en sera constaté.

« Un comité d'escompte sera attaché à chaque comptoir dans les villes où le gouvernement le jugera nécessaire, après avoir en tendu l'dministration de la banque.»

M. de Brouckere a proposé l'mendement suivant : « Elle pourra établir des comptoirs avec l'utorisation du gouvernement. »

M. de Brouckere. - Messieurs, hier vous avez entendu M. le ministre des finances vouloir expliquer l'rticle 2 de telle manière que les comptoirs n'emporteraient pas l'obligation d'escompter, et sur mon interpellation : que deviendront alors les comptoirs? M. le ministre vous a dit : Mais ils pourront, entre autres, prêter en compte courant sur dépôt de fonds publics.

Messieurs, j'i déjà eu l'honneur de vous le dire, le texte d'une loi doit être extrêmement explicite, extrêmement clair, et malheureusement le texte du projet que nous discutons a besoin de commentaires continuels.

L'rticle 2 lui-même a besoin de commentaires; et bien certainement il ne signifie pas ce que M. le ministre des finances hier, dans le besoin de me répondre, lui a fait signifier.

Messieurs, nous n'vons pas la prétention de réformer la langue française. Nous ne sommes pas ici une Académie de belles-lettres.

Le mot « comptoir » a deux acceptions, l'une propre et l'utre figurée. Dans l'cception propre, vous savez tous ce que veut dire le mot comptoir. Dans l'cception figurée, d'près la dernière édition du dictionnaire de l'Académie française, c'est le bureau général du commerce d'une nation en pays étranger. Par analogie, lorsque vous parlez du comptoir d'une banque, vous devez vouloir dire que c'est un autre soi-même de la banque, que vous instituez comme devant faire toutes les opérations, sans exception. (Interruption.)

Permettez, M. le ministre. Maintenant nous discutons la valeur des mots; il faut que les mots soient intelligibles.

Je dis que c'est un alter ego de la banque qu'on institue. Je lis encore dans le dictionnaire de l'Académie : « Les comptoirs appartiennent aux nations, et les factoreries aux marchands. Le comptoir c'est le bureau général du commerce d'une nation à l'étranger. Ainsi la Hollande a eu des comptoirs dans les Indes orientales et dans les Indes occidentales. »

Maintenant vous l'ppliquez à une banque; je le veux bien, mais pour être clair, il faut que votre mot comptoir signifie que c'est une dépendance qui agira comme la banque même.

Et pour prouver que c'est là ce que dit l'rticle, contrairement au soutènement de M. le ministre des finances, je lis le second paragraphe :

« Un comité d'escompte sera attaché à chaque comptoir dans les villes où le gouvernement le jugera nécessaire, etc. »

Cela ne veut pas dire qu'on n'escomptera que dans les comptoirs où il y aura un comité d'escompte, mais cela veut dire que, pour escompter dans certains comptoirs, le gouvernement pourra forcer la banque à établir des conseils d'escompte. En d'utres termes, l'rticle emporte l'institution de dix petites banques à côté de la grande banque.

Mais, a dit hier M. le ministre des finances, nous nous rapprochons quant au fond des choses, nous ne différons que quant aux termes. On pourra, par exemple, prendre pour comptoir la banque de Gand.

Ce n'est plus un comptoir, c'est un correspondant avec lequel on se liera d'ffaires.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous répondez à une observation que je n'i pas faite.

M. de Brouckere. - Alors c'est autre orateur. On a encore dit : On se réunira 3, 4 ou 5 ; on fera des affaires, et la banque réescomptera le papier que ces personnes réunies auront escomptés! Mais encore une fois, ce n'est pas là un comptoir. Ecrire, au lieu de comptoir, comme on le proposait tout à l'heure, que la banque aurait un agent dans chaque chef-lieu de province, c'est inutile, puisqu'en vertu de la loi qui l'institue caissière de l'Etat, elle sera obligée d'voir un agent dans chaque chef-lieu d'rrondissement.

Pour vous montrer l'importance de ces comptoirs, et pour vous faire voir combien l'escompte avait diminué à l'époque où les banques s'étaient engagées dans des opérations industrielles, M. le ministre des finances vous a lu des chiffres que malheureusement je ne puis pas reproduire, parce que le discours de M. le ministre n'est pas encore au Moniteur; et je n'i pas la mémoire assez bonne pour avoir retenu tous ces chiffres. Mais contrairement à ses habitudes de prudence en matière économique, M. le ministre des finances a tiré des chiffres qu'il vous a lus, des conséquences qui sont loin d'être justes.

Ainsi, M. le ministre vous a montré qu'en 1831, l'escompte de la Société Générale avait considérablement diminué en province. Il n'était pas question à cette époque de faire des opérations industrielles; mais la prudence avait commandé alors de suivre des errements tout nouveaux quant à l'escompte, parce qu'vec une seule maison la Société Générale avait perdu plusieurs millions qu'elle a peut-être encore dans son portefeuille à l'heure qu'il est.

Mais, a ajouté M. le ministre, en 1836, les affaires industrielles ont commencé.

La Société Générale escompte beaucoup moins en 1836, en 1837 et 1838, notamment en province. C'est qu'lors un fait nouveau avait surgi, une nouvelle banque avait été créée; elle s'est fourvoyée; je le sais et j'en ai porté toute la peine. Mais voici les chiffres des effets qu'elle a pris en portefeuille : En 1836, 56 millions; en 1857, 62 millions 800 mille francs; en 1838, 71 millions 200 mille francs.

(page 834) Il faut ajouter ces sommes à celles escomptées par la Société Générale. Donc malgré les opérations industrielles l'escompte fallait toujours en augmentant.

Mais, dit-on, il n'y avait pas de succursales ; hélas ! oui, il y en avait, et d'ailleurs on escomptait le papier de province à Bruxelles ; on en escomptait tellement que, lors des événements de la Banque de Belgique, il y avait 1,500,000 fr. avec la signature du même banquier de province, comme troisième signature, et il y avait 25 banquiers qui escomptaient à la banque. Il n'y avait pas besoin de comptoir pour que la province escomptât. Le papier était vu par ceux qui avaient la responsabilité des opérations, par ceux qui dirigeaient l'établissement.

Dans la pensée de M. le ministre des finances, tous les comptoirs n'escompteront pas; au lieu d'escompter, ils prêteront des capitaux sur dépôt de fonds publics.

J'ai besoin de revenir encore sur les fonds publics, puisqu'on a semblé contester que, pour l'immobilisation, il n'y avait pas plus de danger à accepter des fonds publics que des marchandises et du papier de commerce. Si je démontre que les opérations sur fonds publics doivent être écartées, il deviendra inutile de créer des comptoirs qui n'escompteront pas.

Les fonds publics ne peuvent être déposés que par trois espèces de personnes : ceux qui se livrent, suivant l'expression d'un orateur, au commerce des fonds publics. C'est un commerce que je ne connais pas, à moins que ce soit l'agiotage. Je sais qu'il y a des agents de change qui, très honorablement, sont les intermédiaires de ceux qui achètent ou vendent des fonds publics; ils peuvent emprunter sur dépôt quand pour l'un ils font une opération au comptant et qu'ils doivent livrer en liquidation à d'autres.

En province, il n'y a pas d'agent de change. Restent deux espèces de personnes qui peuvent déposer des fonds publics : l'un, le commerçant, l'industriel qui, ne voulant pas se défaire de ses fonds publics, et ayant besoin de capitaux pour son commerce, déposera ces fonds pour parfaire son capital.

Dans le commerce il y a deux espèces de capitaux : le capital immobilisé, celui que doit posséder l'entrepreneur, celui dont il ne peut pas disposer à une époque déterminée, dont il ne peut disposer aussi longtemps qu'il fait des affaires. Il y a danger à pousser le commerçant à se passer d'un capital monnayé pour commencer les affaires, et de le laisser commencer les affaires au moyen de fonds publics, qui, dans certains moments, ne sont pas réalisables.

En deuxième lieu, il y a les joueurs, ou plutôt les spéculateurs en fonds publics. La banque serait un auxiliaire extrêmement dangereux. Voici comment cela se pratique : On a 100,000 fr. à sa disposition. On achète pour 100,000 fr. de fonds publics qui produisent 5 p. c. On les dépose à la banque qui vous prête 80,000 fr. à 4 p. c. ; on achète encore pour 80,000 fr. de fonds publics; on va à la banque, qui, à 20 p. c. près, vous prête une somme égale aux fonds publics déposés. On |arrive ainsi, avec 100,000 fr. à acheter pour 500,000 fr. de fonds publics. On doit à la banque 400,000 fr. Mais on ne paye que 16 mille fr. d'intérêt, tandis qu'on reçoit 25,000 fr. C'est une manière de toucher un revenu considérable sans avoir un très grand capital.

Je dis que c'est une opération extrêmement dangereuse, parce que, dans les moments de crise, il n'y a pas moyen de réaliser les valeurs, de liquider ses opérations.

Mais, dit M. le ministre des finances, on nous parle de crises, comme la crise de 1848; or de pareilles crises se reproduisent tout au plus une fois en deux siècles.

Je n'ai pas dans l'avenir la même confiance que M. le ministre des finances. Le passé, le présent ne sont pas faits pour m'en inspirer.

Dans le passé que vois-je? Quatre révolutions en 50 ans; et de ces quatre révolutions, trois révolutions ont ébranlé le crédit jusque dans ses fondements. Ainsi, la révolution qui a terminé le siècle dernier nous a appris le chemin de la banqueroute; ainsi, après la révolution de 1814 et 1815, le crédit public était tellement bas, que, deux ans après la restauration, le gouvernement français contractait un emprunt 5 p. c, aux yeux du public à 53 et recevait des banquiers 51.

Nous avons eu la sagesse de nous garer des excès des niveleurs ; mais nous avons subi le contre-coup financier de la révolution de 1848; et nos fonds publics sont tombés de 50 p. c. Ainsi, en 50 ans, trois fois : nous avons eu pareille crise financière.

Voilà pour le passé.

Le présent! Quelle foi voulez-vous que m'inspire le présent, lorsque je vois à la tête du grand parti conservateur d'un pays voisin, ceux qui, après avoir, en 1830, précipite la chute de la branche aînée des Bourbons par la création du National, ont cru qu'il suffisait de leur nom, au bas d'une proclamation, en 1848, pour arrêter le flot populaire? Vous voudriez que j'eusse quelque confiance dans l'avenir, quand j'entends invoquer, comme autorités, jusque dans cette enceinte, hier à propos du droit de propriété, aujourd'hui à propos de banques, les noms d'hommes qui, niant le droit au travail et à l'assistance, se constituent, en toutes circonstances, les défenseurs des privilèges et des monopoles? Non! Les demi-socialistes sont les plus dangereux. Ce sont eux qui, en augmentant d'une manière artificielle les inégalités qui sont dans la nature des choses, suscitent des récriminations justes, et alimentent les mauvaises passions. Aussi longtemps que je verrai invoquer les semi-socialistes comme autorités, je n'aurai pas de confiance dans l'avenir.

Avec ce défaut de confiance dans l'avenir, je le répète, je ne puis donner mon assentiment aux opérations faites par une banque sur fonds publics.

J'aimerais beaucoup mieux les warrants, les dépôts sur marchandises que les dépôts sur fonds de l'Etat, à moins qu'on ne veuille y mettre des restrictions; décider, entre autres, que la banque ne prêtera pas à un intérêt inférieur à celui que produisent les fonds déposés.

Je demanderai encore que les opérations soient limitées à un temps extrêmement court; mais qu'on ne prête pas en compte courant sur fonds publics, que ce soient de simples prêts, des prêts temporaires.

J'ai dit que je préférerais des prêts sur marchandises. Je vais m’expliquer, parce que, hier, j'ai entendu M. le ministre des finances ne pas établir de différence entre le papier de commerce et le papier de crédit. (Dénégations de la part de M. le ministre des finances.)

Je n'insiste pas ; car je n'aime pas à combattre des moulins à vent. Mais alors M. le ministre des finances est d'accord avec moi que le papier de commerce est bien préférable aux autres valeurs.

Je prétends, en outre, que les warrants sont préférables aux dépôts sur fonds publics, parce que les marchandises ont par elles-mêmes une valeur, une valeur acceptable, une valeur toujours réalisable dans certaines limites. On peut essuyer une perte, mais il y a moyen de réaliser. Dans les moments de crise, on ne réalise pas les fonds publics : une vente imprévue de fonds publics produit d'un jour à l'autre une baisse de 20 ou 25 p. c.

Les fonds publics d'ailleurs ne représentent rien, absolument rien. C'est un papier de confiance. L'Etat n'est pas obligé de rembourser le capital à une époque quelconque; il doit simplement en servir la rente. Personne ne s'est engagé à rembourser le capital, ni à une échéance actuelle, ni à une échéance ultérieure.

Je le répète encore, les opérations du comptoir, si comptoir il y a, doivent être des opérations d'escompte, et pour cela il n'est pas besoin d'instituer des comptoirs. La banque aura des agents qui lui enverront le papier; elle le verra, elle mandatera sur ses agents pour le montant des billets qu'elle voudra escompter.

Si vous limitez les opérations de la banque à l'escompte, elle aura besoin d'étendre ses opérations en province, pour utiliser son capital et en trouver un intérêt. M. le ministre l'a si bien senti, qu'il a demandé que la banque fût autorisée à prêter sur fonds publics, parce qu'il faut bien, a-t-il dit, qu'elle puisse utiliser ses capitaux.

Je persiste dans mon amendement, qui consiste à dire : « elle pourra établir des comptoirs, avec l'autorisation du gouvernement. »

Nous n'avons pas besoin de parler d'agents. Il y en a 27 qui existent officiellement.

Il y a, indépendamment de cela, la Banque de Flandre et la Banque de Liège qui ne sont pas des comptoirs. La Banque Nationale correspondra et fera des affaires avec ces banques, mais là où il n'y a pas de banque locale, il pourra, si le besoin s'en fait sentir, et bien entendu avec l'autorisation du gouvernement, il pourra être établi des comptoirs.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans votre séance d'hier, l'honorable préopinant avait cru que l'article 2 du projet en discussion imposait à la banque l'obligation d'établir des comptoirs d'escompte dans chaque chef-lieu de province. J'ai fait observer à l'honorable membre qu'il était dans l'erreur, qu'il y avait dans l'article 2 deux choses : la première, l'obligation pour la banque d'établir des comptoirs dans les provinces ; la seconde, la faculté pour le gouvernement de faire adjoindre à ces comptoirs des comités d'escompte, si le besoin en était constaté.

L'honorable membre m'interrompant alors, me dit: mais que fera donc votre comptoir s'il ne fait pas l'escompte? Et je lui répliquai : il fera les autres opérations de banque et notamment, lui dis-je, pour saisir au passage un autre amendement que présentait l'honorable membre, ces prêts sur fonds publics que vous critiquez, si vous voulez bien permettre à la banque de faire les opérations mentionnées dans l'article 8.

Aujourd'hui l'honorable membre reconnaît que tel est le sens de l'article 2, et il me semble qu'il est impossible de le méconnaître. Il y a manifestement deux choses dans cet article.

Mais l'honorable M. de Brouckere ne comprend pas qu'il puisse y avoir des comptoirs sans comité d'escompte; il ne comprend pas que cela puisse, que cela doive exister. Il exclut en effet les prêts par la banque sur fonds publics. Nous nous en expliquerons tout à l'heure. Mais je me demande si c'est bien sérieusement que l'honorable membre a maintenu les observations qu'il avait présentées.

D'abord un mot de la définition des comptoirs. Je ne prétends pas réformer la langue française ; je ne veux pas donner aux mots une signification qu'ils n'ont pas; mais n'est-il pas certain, n'est-il pas incontestable, et de l'aveu même de l'honorable membre, que le comptoir d'un établissement dans une ville ou dans un pays, est le représentant de l'établissement dans cette ville ou dans ce pays, qu'il y est chargé de faire les opérations que la banque elle-même fait au centre? Le mot est donc utilement et proprement employé.

Mais, messieurs, est-ce que l'article 8 qui définit les opérations de la banque ne prouve pas que le comptoir de la banque pourra faire, indépendamment de l'escompte, une foule d'opérations? L'article 8 dit bien : « Les opérations de la banque consisteront à escompter ou acheter des lettres de change et autres effets ayant pour objet des opérations de commerce et des bons du trésor dans les limites à déterminer par les statuts; » mais l'article 8 ajoute : « à faire des avances de fonds sur des lingots ou des monnaies d'or et d'argent. » (Interruption.)

Il n'y en aura pas en province, dit l'honorable membre. Il s'agit de (page 835) voir si le comptoir a un but d'utilité, s'il peut représenter la banque par certaines opérations. Voilà la question. Nous verrons ultérieurement si ces opérations se feront. L'expérience décidera. Mais je pense, que tout à l'heure on admettra que ces comptoirs peuvent être fort utiles et qu'ils seront un des bienfaits de l'institution nouvelle, à la condition que ces établissements soient convenablement organisés de manière à ne pas nuire à l'institution.

La banque fera des avances de fonds sur des lingots ou des monnaies d’or et d'argent. Eh bien, si quelqu'un se présente, le comptoir pourra faire aussi ces sortes d'opérations.

La banque peut se charger du recouvrement d'effets qui lui seront remis par des particuliers ou des établissements. Pourquoi le comptoir ne pourrait-il pas être chargé du recouvrement d'effets qui lui seraient mis par des particuliers ou des établissements ?

La banque peut recevoir des sommes en compte courant et, en dépôt, des titres, des métaux précieux et des monnaies d'or et d'argent. Pourquoi le comptoir ne pourrait-il recevoir des sommes en compte courant et en dépôt, des titres, des métaux précieux et des monnaies d'or et d'argent?

Voilà toutes les opérations que fera la banque et il est évident que le comptoir peut les faire indépendamment de l'escompte.

Pourquoi l'escompte n'a-t-il pas été déclaré obligatoire dans chaque comptoir? Précisément par le motif que donne l'honorable membre; parce que je ne méconnais pas les difficultés, parce qu'il y a certains dangers à éviter, parce qu'il faut agir avec prudence, qu'il faut qu'on soit certain que les personnes chargées d'opérer l'escompte dans les provinces, n’opèrent pas au détriment de la banque. Il faut donc attendre qu'on ait arrivé à une organisation complète; il ne faut pas dès le début, obliger la banque à faire l'escompte dans tous ses comptoirs. Il faut laisser au gouvernement le soin d'apprécier s'il y a des besoins réels.

Pourquoi voulez-vous que l'établissement nouveau, destiné à rendre lus de services que n'en rendent les établissements existant aujourd'hui, ne puisse pas étendre également ses opérations en province? Y a-t-il impossibilité d'arriver à une organisation satisfaisante à cet égard ? Je ne le pense pas. J'ai indiqué un mode d'organisation qui n'est pas incompatible avec la loi. J'ai dit que l'on pourrait établir des comités l'escompte constitués par des personnes intéressées; évidemment ces sortes de comités pourront remplir leur office. Que l'honorable membre lise: Ce sont des correspondants que la banque aura dans les provinces, je n'y attache pas d'importance. Ce sont là des distinctions de mots bien plutôt que des distinctions sur le fond des choses. Qu'importe cette distinction ? Vous aurez des personnes intéressées, des personnes certaines qui le chargeront d'escompter à un taux déterminé. Ces comités d'escompte auront avec la banque un traité, ils seront assurés du réescompte immédiat par la banque et d'un autre côté celle-ci ne pourra subir aucune perte.

J'en viens à ce qui concerne les fonds publics. Il s'agit des avances me la banque peut faire en compte courant ou à courts termes sur dépôt d'effets publics nationaux ou autres valeurs garanties par l'Etat.

J'avoue que j'éprouvais une certaine répugnance en entendant l'honorable membre faire la critique dans la chambre, des avances sur fonds publics, des avantages qu'ils peuvent présenter. Comment, messieurs, vous êtes des représentants de la nation; vous instituez une Banque Nationale et vous seriez les premiers à jeter du discrédit dans les fonds publics. (Interruption.)

Il est clair que si vous dites : La banque même dans certaines limites de prudence, ne peut pas faire de ces opérations, parce qu'elles sont dangereuses, parce qu'elles sont chanceuses, qui donc les fera? (Interruption.) Les rentiers? les particuliers? Mais si les rentiers, si les particuliers sont pénétrés des mêmes idées que celles qu'émet l'honorable membre, pourquoi feraient-ils ses opérations ?

M. de Brouckere. - J'ai parlé d'immobilisation, je n'ai pas parlé de dépréciation.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre a parlé de la dépréciation des fonds.

M. de Brouckere. - Momentanée, par suite des circonstances.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Oui, sans doute, c'est pour cela qu'il faut être prudent dans l'emploi du moyen. Mais ce n'est pas une raison pour l'exclure. Le feu peut causer un incendie, est-ce une raison pour se passer de feu?

Sans doute, il ne faut pas que la banque puisse se livrer d'une manière illimitée à de pareilles opérations ; je le veux bien.

Toutefois, j'aurais à citer des exemples de banques qui, sans aucune espèce d'inconvénient, prêtent sur fonds publics d'une manière indéfinie. La banque d'Amsterdam est sans doute une banque renommée pour sa prudence, qui n'a pas essuyé des pertes bien considérables, qui, comme je l'ai énoncé dans l'exposé des motifs, a commencé avec 5 millions de florins, et qui fait des prêts sur fonds publics d'une manière illimitée.

Pourquoi n'ai-je pas proposé d'autoriser la banque à faire des avances de cette nature d'une manière illimitée? Parce que j'ai tenu compte de nos habitudes commerciales. Il y a une grande différence entre nos habitudes et celle des Hollandais sous ce rapport. Toutes ces opérations se font à Amsterdam sans aucune difficulté, mais il en serait autrement en Belgique.

Celui qui emprunte avec dépôt d'un gage, croit emprunter sans terme. On arrive très difficilement à exécuter le gage. De là la raison pour la banque de limiter les opérations de cette nature.

Avons-nous imposé une limite suffisante? Voilà la question. Car au fond, je reconnais que cela peut présenter des inconvénients. Je veux imposer des limites à la banque. Je veux d'abord que cos avances aient lieu en compte courant ou à court terme; ensuite, je stipule que les statuts fixeront le maximum de la somme qui pourra recevoir cette destination. Où est donc le danger? A quoi bon exclure ce genre d'opérations? Je ne le comprends pas.

Je résume sur ce point la discussion. Il est certain que la banque peut établir des comptoirs dans les provinces, que ces comptoirs, abstraction faite de l'escompte, auront un caractère d'utilité, qu'ils pourront faire en province toutes les opérations de la banque, et même l'escompte là où l'on reconnaîtra que cela est nécessaire, praticable.

Vous faites une loi non pas seulement pour le présent, mais pour un terme assez long. Dans un espace de 25 ans, il est probable qu'on aura trouvé quelque moyen d'organiser des comptoirs avec une parfaite sécurité pour la banque.

Au surplus, la rédaction proposée par l'honorable membre laisse subsister toute la pensée du gouvernement.

M. de Brouckere. - Mais il n'y a pas obligation d'instituer.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais elle aura nécessairement ses dix comptoirs ; elle les aura, parce qu'elle aura ses agences ; ce seront véritablement des comptoirs. Sous ce rapport, la proposition de l'honorable membre est tout à fait inutile. Mais je repousse la rédaction proposée parce qu'il faut imposer à la banque l'obligation d'établir les comptoirs.

Quant aux avances à faire sur fonds publics, je pense que les explications que je viens de donner à la chambre lui paraîtront suffisantes, pour faire admettre, lors de la discussion de l'article 8, le système proposé par le gouvernement et par la section centrale.

M. Le Hon. - Messieurs, je viens appuyer l'article 2, en ce qu'il ordonne l'établissement de comptoirs et surtout «de comptoirs d'escompte partout où le besoin en sera constaté». J'appuie dans cette disposition le pouvoir dont elle investit le gouvernement : c'est vous dire que je combats l'initiative et la faculté que l'honorable M. de Brouckere propose d'attribuer à la banque. M. le ministre des finances a suffisamment expliqué comment il fallait entendre les comptoirs qui seraient ouverts aux chefs-lieux de province.

A mon point de vue, je regarde l'article 2, comme un des plus importants de la loi et comme devant avoir l'influence la plus féconde sur les conditions de notre production agricole et industrielle.

L'expérience que nous avons acquise depuis vingt ans nous a appris, l'immense développement que la puissance des capitaux pouvait donner aux principales branches de l'industrie nationale, notamment aux exploitations minérales et métallurgiques : mais elle nous a révélé aussi, par de tristes épreuves, les mécomptes et les désastres qu'entraînent à leur suite l'excessive confiance dans le succès et la stagnation soudaine des ressources du crédit.

Eh bien! c'est au moment d'organiser une Banque Nationale qu'il importe de se rappeler ces enseignements pour combiner cette organisation de manière à la faire concourir désormais au mouvement général et régulier de la circulation.

Il ne suffit pas, en effet, de placer la nouvelle banque dans des conditions telles qu'elle ne puisse étendre ou compliquer ses opérations, ni compromettre son avenir; il faut encore décentraliser les effets de son action ; il faut leur assurer le rayonnement le plus étendu possible dans le pays. Quand vous attribuez à un établissement financier le privilège de créer une monnaie qui est reçue dans les caisses de l'État, il est juste et nécessaire de faire participer aux bienfaits de son influence non seulement le grand commerce et la grande industrie, mais tous centres d'activité agricole, industrielle et commerciale où s'alimente le travail de nos villes et de nos campagnes; mais particulièrement l'agriculture reléguée depuis trop longtemps en dehors de la sphère d'action du crédit.

J'ai remarqué que c'est souvent au milieu d'une crise, pour sortir d'une situation périlleuse, que l'intérêt privé et l'administration publique conçoivent et appliquent, comme mesures provisoires, des idées qui contiennent le germe d'améliorations fécondes et durables. La France,, immédiatement après la commotion profonde du 24 février 1848, a eu recours à des moyens de salut public dont les résultats ont été si heureux, ont dépassé de si loin toutes les espérances, qu'il est impossible de n'y pas puiser un sérieux enseignement pour la Belgique.

Je trouve dans le succès de cette expérience tentée en de si mauvais jours, les arguments les plus puissants en faveur de l'article 2 que je viens soutenir. Permettez-moi de vous résumer en peu de mots ces mesures et leurs résultats.

Un décret du gouvernement provisoire, en date du 7 mars 1848, ordonna :

1° Qu'il serait créé des comptoirs d'escompte dans toutes les villes industrielles et commerciales;

2° Que le capital serait formé un tiers, en argent, par les associés souscripteurs; un tiers, en obligations, par les villes ; un tiers, en bons du trésor, par l'Etat.

Les bons du trésor et les engagements des villes devaient rester dans la caisse des comptoirs à titre de garantie.

Leur formule était ainsi conçue :

« Le caissier, payeur central du trésor public (ou le receveur municipal de........) payera au comptoir de........, lors de la liquidation de la (page 836) société et jusqu'à concurrence de........ le tiers des pertes qui pourraient résulter des opérations dudit comptoir. »

Par décret du 8 mars, un comptoir d'escompte fut établi à Paris au capital de vingt millions. Il ne devait escompter que des valeurs à deux signatures.

Dans le but d'ouvrir l'accès des comptoirs a une foule de petits commerçants et d'industriels qui n'auraient pu fournir la deuxième signature, un décret du 24 mars autorise la création de sous-comptoirs de garantie, soit par localité, soit par agrégations d'industries.

Leurs opérations consistaient à procurer aux commerçants, industriels et agriculteurs, soit par engagement direct, soit par aval, soit par endossement, l'escompte de leurs effets de commerce auprès des comptoirs, moyennant des sûretés données aux sous-comptoirs par nantissement de marchandises, récépissés des magasins de dépôt, titres et autres valeurs.

Disons tout d'abord qu'il se forma à Paris quatre de ces sous-comptoirs, savoir :

1° Pour le commerce et l'industrie des métaux ;

2° Pour le commerce de la librairie et de la papeterie.

5° Pour l'industrie du bâtiment;

4° Pour le commerce des denrées coloniales.

Vous voyez l'ensemble de ces dispositions. Les comptoirs travaillent avec les fonds de souscripteurs associés et ont pour appui une garantie limitée des villes et de l'Etat. Les sous-comptoirs sont la mise en œuvre de la pensée qui a fait naître à Bruxelles la société de l'Union du crédit.

Quel résultat l'industrie, le commerce, l'agriculture ont-ils obtenu au milieu du bouleversement politique de la France et de l'inquiétude générale des esprits?

Du 20 mars 1848 au 30 novembre 1849, on avait créé 67 comptoirs d'escompte dont 66 dans 43 départements et 1 en Algérie.

Le capital fixé par les statuts était de 126,369,000fr., par conséquent, 42,123,000 fr. pour les actionnaires et pareille somme garantie respectivement par les villes et par l'Etat.

Mais le capital versé par les premiers, au 30 novembre 1849, n'était que de fr. 23,849,541-29 c. : On a supposé qu'il s'élèverait bientôt à fr. 30,000,000, c'est donc à cette limite que sera restreint chaque engagement de garantie de l'Etat et des villes.

Comme le gouvernement avait accordé en prêts subventionnels, à l'intérêt de 4 p. c, fr. 8,856,780, le fonds de roulement avec lequel les comptoirs ont opéré a donc consisté jusqu'au 30 novembre :

1° Dans les capitaux versés par les souscripteurs, ci. fr. 23,819,541

2° Dans les subventions du trésor public, ci fr. 8,856,780

Total fr. 32,676,321.

C'est avec ces seules ressources que les comptoirs ont fait, jusqu'au 30 novembre 1849, dans une période moyenne de 18 mois, et au milieu du trouble général et profond qui a suivi la révolution de février, un millard, quatre cent cinquante-neuf millions, deux cent trente et un mille neuf cents francs d'opérations. En retranchant l'article de Paris qui s'élève à fr. 282,433,500, il reste, pour les 65 autres comptoirs, près d'un milliard deux cents millions.

Chose bien remarquable, l'industrie agricole et manufacturière a payé, dans ce temps de crise, 6 et 7 p. c. les capitaux qui lui coûtaient 10,12 et jusqu'à 15 p. c. pendant les jours de calme et de confiance.

Chose plus remarquable encore, le comptoir de Paris fonctionnait même durant les journées de juin 1848; et pendant que ce mouvement était rendu à la circulation dans un pays si agité et si près de nous, toutes les caisses étaient fermées en Belgique; le numéraire avait disparu; l'escompte du meilleur papier était impossible en présence de deux grands établissements financiers dont la mission était d'aider à la circulation et de soutenir le crédit public.

J'ai sous les yeux le tableau de toutes les parties de la France où les opérations ont eu lieu; je pourrais citer les villes et les localités qui y ont pris part, le contingent qu'elles ont eu dans les escomptes. Je suis à même d'affirmer que les contrées agricoles en ont recueilli les fruits autant que les centres industriels : que Saint-Lo, Caen, Clermont-Ferrand, Vire, etc., figurent pour des sommes importantes depuis trois millions de francs jusqu'à treize, à côté de Lille, de Saint-Quentin, de Mulhouse, de Bordeaux et de Marseille où les opérations ont été de trente-cinq millions (chiffre de Bordeaux), jusqu'à cent trois millions (chiffre de Marseille).

Tel était le spectacle plein de mouvement et de vie d'un pays en révolution, alors que notre pays, politiquement si paisible, offrait l'aspect et subissait les souffrances d'une stagnation complète.

Je ne méconnais pas, messieurs, les craintes légitimes qu'inspiraient alors la situation précaire de la France et la perturbation générale de l'Europe; mais j'appelle votre attention sur le contraste fort instructif de la position qu'avaient, il y a quelques mois encore, les industries au-delà et en décade nos frontières, aujourd'hui que nous réglons les conditions organiques d'une Banque Nationale.

Je dis que si, comme le pense avec raison l'honorable M. de Brouckere, il est utile qu'il existe un intermédiaire entre la banque et les intérêts particuliers, il n'est pas nécessaire que ce rôle appartienne à un seul homme, juge toujours timide, défiant, intéressé de la solvabilité de chacun; qui fait payer cher son entremise, quand il l'accorde; qui ouvre sa caisse avec empressement et surexcite l'action du crédit lorsque les affaires sont au beau temps et refuse impitoyablement son entremise et son aide le jour où le moindre nuage apparaît à l'horizon.

Je me crois fondé à soutenir avec plus de raison qu'il ne suffit pas de pouvoir escompter à la banque les valeurs qu'auront acceptées ses agents ou les banquiers des différentes provinces, intermédiaires également timorés qui ne peuvent connaître la mesure de toutes les solvabilités du monde financier.

Un cultivateur exploitera avec soin des terres prises en bail; il aura un nombreux bétail dans ses étables; il justifiera d'une gestion intelligente et d'une réputation de probité. Acceptera-t-on sa signature dans les limites les plus restreintes de son crédit? Consentira-t-on à escompter une de ses valeurs à Bruxelles? et qui sera juge ici des avis donnés sur ce compte et à l'égard de tant d'autres à Hasselt, à Arlon, à Liège, à Bruges, à Mons? Ce seront, messieurs, des décisions sans appel : ce sera, en un mot, l'arbitraire organisé.

Voilà le mal auquel les comptoirs d'escompte ont trouvé un remède en France. L'agriculture a été admise dans les opérations du crédit, et, il faut le reconnaître, elle y est entrée à la suite d'une révolution. Elle doit cet avantage nouveau pour elle à l'organisation des comités. Ces comités, en effet, sont composés de commerçants, de financiers, de propriétaires, d'agriculteurs, d'industriels, et lorsqu'un billet vient à l'escompte, il y a toujours, dans cette réunion déjuges, des hommes éclairés sur le degré de confiance que méritent le papier et les signatures et qui prononcent sans égard à la timidité de l'un ou à la partialité de l'autre : chacun est apprécié à sa valeur.

C'est là, messieurs, l'avantage des comptoirs tels que je les comprends: ils établissent le bureau d'escompte de la banque dans tous les centres qu'anime véritablement le mouvement de l'industrie agricole, manufacturière ou commerciale.

Quand les comptoirs seront ainsi répartis sur tous ces points de notre territoire, vous verrez se former auprès d'eux ce qui s'est spontanément constitué à Bruxelles, auprès des banques; je veux dire des sociétés sur les bases de l'Union du crédit, ou des sous-comptoirs de garantie de France; mais pouvez-vous espérer qu'il se forme de semblables associations dans les provinces, aussi longtemps qu'une seule caisse d'escompte existera et sera fixée à Bruxelles? Evidemment non.

Je pourrais vous citer des faits qui rendraient encore plus palpable l'utilité des comptoirs rapprochés des centres de travail agricole et de production industrielle. Les localités ont dans chaque pays, dans chaque province même, des intérêts de natures diverses.

Je prendrai quelques exemples en France ; à Granville, on estime la solvabilité d'un capitaine propriétaire de son bâtiment, qui fait la pêche de la morue : Il y a plus de crédit qu'un filateur de coton, propriétaire de sa fabrique. A St-Lo, on prise fort l'herbager, qui engraisse le bétail, s'il est connu pour avoir de l'intelligence et de l'esprit d'ordre. On sait qu'il lui faut neuf mois pour réaliser ses produits : il obtiendra des renouvellements dont la raison est connue d'avance. A Caen, c'est l'éleveur de chevaux qui jouira surtout des avantages du crédit. Ces différentes conditions des industries, font admettre par des comités sur les lieux, des combinaisons qui n'offrent aucun danger et qui sont dans les habitudes de la contrée.

On me répondra que ce qui s'est passé en France s'est accompli sous la garantie du gouvernement et des villes. On me demandera si je veux introduire le même système dans notre organisation. Assurément non. Mais les résultats sont indépendants du mode particulier suivant lequel on a procédé d'urgence dans un but de sûreté intérieure.

J'ai voulu prouver qu'au moyen de comptoirs un milliard quatre cents millions d'opérations et d'escomptes avaient été faits au milieu du trouble le plus profond qui puisse inspirer une défiance gênante et dans des contrées où les affaires de crédit avaient été jusque-là presque inconnues.

Je crois que l'établissement de comptoirs doit produire d'excellents effets chez nous dans tous les centres de production, parce que l'exemple de la France, lorsqu'il sera publié, sera compris.

L'initiative prise à Bruxelles de l'Union de crédit, aura des imitateurs, grâce à la publicité qu'ont reçu ses premiers succès.

Quand on verra qu'à Paris l'industrie des métaux, le commerce de la librairie et de la papeterie, l'industrie des bâtiments et le commerce des denrées coloniales ont formé des associations distinctes pour offrir une entremise, une garantie collectives aux comptoirs d'escompte, ce précédent, recommandé par le succès, sera également suivi.

Voilà donc comment je comprends l'article 2; là où le gouvernement jugera qu'il existe des centres d'activité agricole ou industrielle suffisants, pour approcher, en quelque sorte, la caisse de l'escompte de tous les intérêts qui doivent y recourir le plus souvent, le gouvernement décidera qu'il y sera établi un comptoir, et un comité d'escompte.

L'honorable M. de Brouckere a proposé, par amendement, que la banque eût la faculté d'ouvrir des comptoirs sous l'autorisation du gouvernement; je crois que ce serait intervertir les droits, les positions, les devoirs; je regarde la banque comme un excellent juge de tout ce qui l'intéresse. Mais ce qui est d'intérêt public, d'utilité nationale, c'est au gouvernement de l'apprécier ; et si le gouvernement trouve nécessaire au développement de toutes les branches de notre production et particulièrement aux améliorations si recommandées aujourd'hui à l'agriculture, de créer des bureaux d'escompte, sous les auspices et par les soins de la banque, lui seul doit rester investi de l'initiative et du droit de décider.

Sous ce rapport, je pense que l'amendement de l'honorable M. de Brouckere intervertit les positions.

(page 837) D'ailleurs, veuillez remarquer les chiffres qu'a cités hier M. le ministre des finances, et notamment le maximum et le minimum qu'il a signalés. La Société Générale, a-t-il dit, a porté, avant 1830, l'escompte du papier de la province jusqu'à 20 millions, et, dans les dernières années, le chiffre de son escompte était descendu jusqu'à 3, 4 ou 5 cent mille francs au plus. Quelle progression, je vous le demande, peut avoir le mouvement des affaires dans un pays où une décroissance considérable des ressources du crédit pourrait être encore à redouter?

Je persiste donc à penser que l'institution des comptoirs d'escompte, sainement entendue et prudemment appliquée, sera pour beaucoup d'industries un puissant moyen d'amélioration et de progrès, et qu'elle offrira à l'agriculture un auxiliaire efficace et puissant de l'organisation des mesures de crédit foncier.

M. Osy. - Je conviens que la création de comptoirs dans tous les chefs-lieux serait une dépense assez forte ; mais si l'on institue une banque, il faut que tout le pays en profite. C'est sous ce rapport qu'en section centrale, j'ai donné mon assentiment à la disposition du projet.

J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. de Brouckere s'opposer à ce que la banque prête sur dépôt de fonds publics. Une banque bien gérée, qui ne fait des avances sur fonds publics qu'avec des sûretés convenables, ne risque rien, car indépendamment des fonds vous avez la personnalité. On peut faire payer la personne si les fonds baissent assez pour que les fonds déposés ne représentent plus la somme prêtée.

J'ai eu l'honneur, pendant vingt ans, de diriger la banque d'Anvers. Cette banque, qui faisait des avances sur fonds publics, n'a pas perdu un sou; cependant nous avons traversé des époques bien critiques : les révolutions de 1830 et 1848, car ce n'est qu'après les événements de 1848 que j'ai donné ma démission. Alors on ne faisait des avances que sur un dépôt supérieur de 20 p. c. à la somme prêtée.

Il était bien dit dans les contrats enregistrés que quand il y avait une baisse de fonds, il fallait suppléer de manière qu'il y eût toujours 20 p. c. de marge. Quand une banque est bien dirigée et que chaque fois qu'il y a baisse on met les personnes en demeure, il n'y a rien à craindre. Il faut choisir les personnes. On ne pourrait donner de l'argent au premier venu qui ne présenterait aucune respectabilité, aucun crédit ; mais si l'on ne fait les avances sur fonds publics qu'avec des sûretés, il n'y a rien à risquer.

J'aurais voulu aller plus loin et admettre les prêts sur warrants. Je partage l'opinion de l'honorable M. de Brouckere, qu'il y a peut-être moins de danger à faire des avances sur marchandises que sur fonds publics; mais les observations faites par M. le ministre des finances à la section centrale m'ont fait abandonner cette proposition, car ce ne sont pas des marchandises facilement réalisables sur lesquelles on demande des avances, ce sont des marchandises qui dépendent de l'étranger. Le système des warrants n'a été appliqué qu'à des marchandises qui s'exportent à l'étranger.

Quoi qu'il en soit, si une banque était autorisée à faire d'une manière sage des prêts sur marchandises, ce pourrait être une opération très avantageuse, très utile.

L'honorable M. de Brouckere a dit que les personnes qui demandent de l'argent sur dépôt de fonds publics sont des agioteurs; que ce sont les agents de change qui font des prêts aux grands détenteurs de fonds publics. Mais j'admets que le gouvernement soit obligé de recourir à un emprunt. Si ceux qui signent ne participent à l'emprunt que pour l'argent qu'ils ont en caisse, l'argent ne rentrera pas. Il faut que les preneurs aient la faculté de faire successivement des versements échelonnés. Il faut donc qu'il y ait dans le pays un établissement qui facilite cette opération.

Il est possible que celui qui signe pour une somme supérieure à celle qu'il a en caisse doive recourir à cet établissement pour avoir de l'argent. Vous facilitez donc ainsi l'opération du gouvernement. Si un négociant ne s'établissait qu'avec des fonds publics, comme l'a dit l'honorable M. de Brouckere, il ne mériterait pas de confiance : mais il y a dans le commerce beaucoup d'opérations, je citerai par exemple l'achat d'une cargaison, qui obligent le négociant à recourir à son portefeuille de fonds publics. Je pense donc qu'il faudrait laisser à la banque la faculté de prêter en compte courant sur fonds publics.

Pour revenir à l'article 2, je suis persuadé que ces comptoirs constitueront pour la banque une assez forte dépense ; mais les actionnaires qui ne sont que deux savent que cette obligation leur est imposée. Ceux qui achèteront des actions savent qu'on établira des comptoirs dans les provinces. Comme c'est utile à tout le pays, je donnerai mon assentiment à l'article 2.

M. Mercier. - Une pensée semblable à celle qui a engagé l'honorable député de Bruxelles à présenter son amendement a été exprimée au sein de la section centrale. Mais celle-ci n'a pas cru qu'on dût rendre facultatif l'établissement des comptoirs. Voici par quels motifs : en, substituant à l'article 2 les mots : «elle pourra établir» aux mots «elle établira», on dispensait en quelque sorte la banque de faire des efforts pour arriver à fonder ces succursales. Or la section centrale a été unanime pour reconnaître l'utilité des comptoirs dans le plus grand nombre de localités possible, tout en ne se dissimulant pas les difficultés à surmonter pour atteindre ce but et en reconnaissant qu'il fallait agir avec la plus grande prudence.

Le mot «établira» n'est pas exclusif d'un délai moral, ainsi que la section centrale le déclare dans son rapport; il suffira qu'aux yeux du gouvernement la banque ne néglige aucun moyen pour parvenir à remplir le vœu de l'article 2; le délai dans lequel les comptoirs devront être établis partout n'étant pas fixé, il n'y a aucun inconvénient à laisser subsister la rédaction plus impérative : «elle établira.»

Je me prononce en ce sens avec d'autant plus de désintéressement que c'est moi-même qui ai soumis à la section centrale la question de savoir s'il ne serait pas (erratum, page 847) préférable de commencer le paragraphe par les mots : «elle pourra établir». Après mûre réflexion, j'ai préféré donner mon approbation à la rédaction proposée par le gouvernement.

L'honorable membre nous dit que la banque aura intérêt à faire l'escompte pour utiliser les capitaux qui sont à sa disposition. Mais s'ensuit-il que l'escompte viendra à la banque, qu'il se fera d'une manière convenable, de la manière la plus utile aux intéressés? Je crois que ces conditions ne seront remplies qu'au moyen de comptoirs.

En leur absence, les personnes qui habitent la province ne pourront être en rapport direct avec la banque; elles seront obligées de passer par des intermédiaires, qui nécessairement leur imposeront des conditions plus onéreuses, puisqu'eux-mêmes iront escompter leur papier à la banque. C'est pour éviter cette perte au commerce qu'il est désirable que des comptoirs soient établis dans un grand nombre de localités; par la disposition, telle qu'elle est rédigée, la banque est tenue de s'efforcer constamment d'obtenir ce résultat. C'est ce que nous devons vouloir.

Je ne parlerai pas de la définition du mot «comptoir», ou du moins je n'en dirai qu'un mot. A mon avis, l'honorable M. de Brouckere l'a envisagé d'une manière trop absolue. Un établissement central constitue un comptoir; s'ensuit-il qu'il doive absolument se charger de toutes les opérations qu'il fait lui-même? Et si, après les lui avoir données toutes, il lui en relirait quelques-unes, ne serait-ce plus un comptoir? Je crois que ce mot ne doit pas être envisagé d'une manière aussi exclusive.

M. Tesch, rapporteur. - Je croirais abuser des moments de la chambre en répétant les observations qui viennent d'être présentées par les honorables MM. Mercier et Le Hon. Je dirai cependant un mot, c'est qu'il y a une différence capitale entre la proposition de l'honorable M. de Brouckere et l'article proposé par le gouvernement; cette différence, la voici : D'après la proposition de l'honorable M. de Brouckere, la banque serait libre de n'établir des comptoirs que là où elle le voudrait, tandis que, d'après la proposition du gouvernement, c'est lui qui reste maître de faire établir des comptoirs d'escompte là où il jugera que l'intérêt du pays l'exige.

La proposition de M. de Brouckere dégage, sous ce rapport, la banque de toute obligation, tandis que la section centrale veut, comme le gouvernement, laisser celui-ci maître de juger des intérêts du pays, ne pas en transporter le jugement à la banque elle-même.

Du reste, comme l'a dit M. le ministre des finances, il y aura un comptoir obligatoire dans chacune des neuf provinces, ces comptoirs auront leur utilité, quoique ne se livrant qu'à des opérations autres que l'escompte ; mais quant à l'escompte, il ne se fera que là où il y aura un comité d'escompte, et ces comités d'escompte seront établis là où le gouvernement l'exigera.

Pour que la banque remplisse sa mission, pour que les bienfaits de son institution se fassent sentir dans tout le pays, il faut évidemment qu'elle ait, dans un temps déterminé, ses comptoirs dans toutes les provinces, pour que la diminution de l'intérêt de l'argent se fasse sentir partout, il faut que les opérations de la banque ne se concentrent pas dans la capitale, mais que les fonds dont la banque dispose affluent jusqu'aux extrémités de la Belgique.

L'honorable M. de Brouckere disait que, si même la banque n'avait pas de comptoirs dans les différentes provinces, elle n'en escomptera pas moins, qu'il y aura dans les différentes localités des banquiers qui prendront les valeurs en province et les escompteront à la banque de Bruxelles.

Mais qu'arrivera-t-il dans ce cas? Il arrive que ces banquiers profiteront seuls de tous les avantages qui doivent résulter pour le public de l'institution de la banque ; que les clients des banquiers n'en profitent guère; qu'en général le commerce est rançonné par les banquiers des provinces, et que l'intérêt de l'argent reste dans les provinces au même taux que si la banque n'existait pas.

Si donc nous voulons que la location de l'argent ait lieu au plus bas prix possible, il faut, comme l'a très bien dit l'honorable M. Le Hon, que la banque rayonne sur le pays entier; et à ce point de vue, je dois m'opposer à l'amendement de l'honorable M. de Brouckere.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et n'est pas adopté.

L'article 2 est ensuite mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 5

« Art. 3. La durée de la banque est fixée à 25 ans.

« Le terme peut être prorogé par la loi, sur la demande de la majorité de l'assemblée des actionnaires.

- Adopté.


« Art. 4. Le capital social est de vingt-cinq millions, divisé en vingt-cinq mille actions, en nom ou au porteur, de mille francs chacune.»

- Adopté.


« Art. 5 (projet de la section centrale, auquel le gouvernement s'est rallié). La banque commencera ses opérations lorsque trois cinquièmes de chaque action seront versés.

« L'administration de la banque fera compléter le capital de 15,000,000, s'il est entamé par suite de pertes constatées.

(page 838) «Elle pourra faire des appels de fonds si l'extension des affaires l'exige.

« Les modes et les conditions de versement seront réglés par les statuts.

« Il sera tenu compte, au profil de la banque, d'un intérêt de 5 p. c. sur les sommes non versées. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Il y aura un fonds de réserve destiné :

« 1° A réparer les pertes sur le capital social;

« 2° A assurer aux actionnaires tous les ans un dividende équivalent à S p. c. de leur mise.

« Le tiers au moins des bénéfices annuels excédant 6 p. c, servira à constituer la réserve. »

La section centrale adopte, moins le dernier paragraphe, qu'elle propose de rédiger en ces termes :

« Le tiers au moins des bénéfices excédant 6 p. c. du capital social, servira à constituer la réserve. »

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je me suis rallié à la rédaction de la section centrale.

M. le président. - M. de Brouckere a proposé de rédiger le numéro 2°, ainsi qu'il suit :

« 2° A suppléer aux bénéfices annuels jusqu'à concurrence de 5 pour cent. »

M. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai rien à ajouter aux développements que j'ai présentés hier. On dit dans le projet du gouvernement : « 2° A assurer aux actionnaires tous les ans un dividende équivalent à 5 p. c. de leur mise. » Mais on n'assure rien aux actionnaires. Il est impossible d'introduire cette locution. Dans sous les statuts des anciens sociétés anonymes (j'ai concouru à en faire moi-même, et je le regrette beaucoup), nous avons mis la même disposition, et les actionnaires sont venus, dans les années où l'on n'a rien gagné, demander leurs intérêts.

Il faut prévenir le retour de semblables demandes.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous sommes d'accord au fond. Ce n'est qu'une affaire de rédaction. Je ne pense pas que la disposition fût de nature à induire en erreur. Je conçois que les statuts de la plupart des anciennes sociétés anonymes aient pu faire naître des doutes : on y stipulait deux choses qui avaient l'air d'être distinctes, un intérêt et un dividende; l'actionnaire venait réclamer son intérêt, alors même qu'il n'y avait pas de bénéfices. Or, pour des actionnaires, il ne peut y avoir que des dividendes.

Mais ici on n'établit pas de différence entre l'intérêt et le dividende. Il s'agit de la réserve qui, lorsqu'elle sera créée, est destinée à assurer un dividende de 5 p. c. ; en d'autres termes, si les bénéfices, réalisés dans l'année, ne sont pas suffisants pour donner 5 p. c. aux actionnaires, on prélèvera la différence sur la réserve. Il est bien clair qu'il faudra qu'il ait une réserve constituée, qu'elle soit suffisante pour pouvoir donner ces 5 p. c.

Qu'on dise, comme le propose l'honorable M. de Brouckere :« à suppléer aux bénéfices annuels jusqu'à concurrence d'un dividende de 5 p. c.» je le veux bien, cette rédaction rend la même pensée, et je ne vois aucune difficulté à l'admettre.

- La discussion est close.

L'amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et adopté.

L'article 6, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Le sixième de ce même excédant est attribué à l'Etat. »

M. le président. - M. de Brouckere propose la suppression de cet article.

M. de Brouckere. - Je relire mon amendement.

- L'article 7 est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8. Les opérations de la banque consisteront :

«1° A escompter ou acheter des lettres de change et autres effets ayant pour objet des opérations de commerce, et des bons du trésor dans les limites à déterminer par les statuts;

« 2° À faire des avances de fonds sur des lingots, ou des monnaies d'or et d'argent ;

«3° A se charger du recouvrement d'effets qui lui seront remis par des particuliers ou des établissements ;

« 4° A recevoir des sommes en compte courant, et, en dépôt, des titres, des métaux précieux, et des monnaies d'or et d'argent ;

« 5° Enfin, à faire des avances en compte courant ou à court terme sur dépôt d'effets publics nationaux ou d'autres valeurs garanties par l'Etat.

« Les statuts fixeront le maximum de la somme qui pourra recevoir cette dernière destination. »

M. de Brouckere propose la suppression du 5° de l'article.

Cet amendement a été développé.

- Il est appuyé.

M. De Pouhon propose au paragraphe 5 d'ajouter : « Dans les limites et aux conditions à fixer par l'administration de la banque conjointement avec le comité de censeurs.

« La fixation de ces limites devra être approuvée par le ministre des finances. »

Et de supprimer le paragraphe suivant et dernier.

M. De Pouhon. - L'honorable M. de Brouckere vous a dit hier que je voulais étendre le projet en ce qui concerne les fonds publics. Il a encore parlé dans le même sens aujourd'hui. A l'entendre, je voudrais engager la banque dans une voie large de prêts sur fonds nationaux.

C'est tout le contraire que j'ai conseillé. Mes amendements tendent à limiter ces opérations, et encore ai-je dit en vous les soumettant, messieurs, que la branche des prêts sur fonds de l'Etat commanderait surtout beaucoup de prudence; que, loin d'encourager les spéculations en fonds publics, la banque devrait borner ses avances aux rentiers, à quelques maisons de banque et, par les comptes courants, au commerce et aux industries.

Mais si je crois prudent d'apporter beaucoup de mesure dans ces prêts, je suis plus convaincu encore de la nécessité pour la banque, de la grande utilité pour le pays à ce qu'ils se fassent et je suis loin d'y voir, au même degré s'entend, le danger que l'honorable M. de Brouckere vous a signalé.

L'honorable membre vous a dit que les fonds publics sont moins réalisables, en temps de crise, que les marchandises, qu'ils ne se réalisent à aucune condition. C'est une exagération que je n'ai jamais entendue ailleurs, et cependant mon état me met en rapport avec beaucoup d’opinions, en fait de fonds publics.

Dans des circonstances normales même, il arrive souvent que l'on ne trouve pas à vendre des fonds belges parce qu'il ne s'y traite que des opérations de placement et que les ordres d'achat ne coïncident pas toujours, à la bourse, avec les ordres de vente. Celte difficulté est plus grande dans des temps de crises jusqu'à ce que les cours soient descendus à la valeur que les circonstances nouvelles doivent leur donner; mais alors la spéculation s'y porte et la réalisation devient plus facile que dans des circonstances normales. Mais jusque-là et moyennant un sacrifice sur le cours, il y a moyen de vendre une certaine somme.

La banque n'exposerait pas ses emprunteurs à devoir réaliser forcément de grandes parties de fonds publics, puisqu'elle ne ferait que des, avances modérées à chacun.

Ce n'est pas seulement par la vente des titres déposés qu'un emprunteur rembourse des avances à une banque.

D'abord, il peut avoir des moyens personnels. C'est encore une restriction que j'ai conseillée, en disant : L'importance de ces prêts doit rester dans la mesure des moyens que les emprunteurs sont censés avoir de rembourser en toutes circonstances.

Ensuite, les emprunteurs peuvent rembourser en cherchant d'autres-prêteurs, soit dans le pays, soit à l'étranger, et certainement il est plus facile de trouver de l'argent sur fonds belges que sur marchandises.

Dans les deux mois qui suivirent la révolution de février, on n'aurait pas trouvé facilement des avances sur fonds publics; mais alors aussi, on n'en aurait pas eu davantage sur marchandises ; car on ne considérait pas plus les magasins en sécurité que les fonds publics. C'était un de ces moments de prostration générale en prévision desquels vous ne pouvez pas vouloir fonder une institution de 25 ans de durée.

Les faits qui se sont révélés pendant l'existence des deux banques actuelles infirmeraient-ils ce que j'avance? Non, messieurs, les avances sur fonds de l'Etat n'ont nullement concouru aux embarras de ces deux établissements. La Société Générale n'avait pas d'argent placé de cette manière, si ce n'est pour une somme tout à fait insignifiante. La Banque de Belgique n'était pas non plus en débours pour prêts semblables. Je pose en fait qu'aucune de ces deux banques n'a jamais perdu un centime par suite de placement sen prêts sur fonds belges.

L'honorable ministre des finances vous l'a dit, la Banque des Pays-Bas prêtait non seulement sur fonds nationaux, mais encore sur fonds étrangers, alors que son capital n'était que de cinq millions de florins. Il est vrai qu'en Hollande le crédit est plus développé qu'en Belgique.

Lorsque la situation de la banque de France attirait l'attention de l'Europe, pendant les crises de fin 1846 et 1847, nous n'avons jamais entendu citer les prêts sur fonds publics, comme ayant concouru à la cause de ses embarras.

A moins de les interdire complètement, on ne pourrait renfermer les prêts sur fonds publics dans des limites plus restreintes que celles que j'ai recommandées.

Les avances par compte courant sont les seules, suivant moi, qui seraient de nature à acquérir certain développement. Ils présenteraient tant d'utilité au commerce, à l'industrie, à l'agriculture même quoi qu'on en dise, que ce serait réduire bénévolement la mesure des services que l'on attend ajuste de titre de l'établissement.

Les statuts doivent avoir une durée de 25 ans; ils peuvent sans doute être modifiés, mais des changements fréquents ne sont pas sans inconvénients. Pourquoi vouloir fixer dès maintenant une chose aussi variable que le maximum d'importance d'une branche d'affaires qui est de l'essence d'une banque générale? Ce maximum doit se modifier avec le développement du crédit de la banque, de l'état de sa circulation de billets dans les provinces et de l'importance des escomptes que le mouvement général des affaires requiert.

L'état précaire dans lequel l'Europe se trouve commandera sans doute beaucoup de réserve à la banque dans la répartition de ses avances sur fonds publics ; mais cette situation même limite beaucoup les éléments d'escompte, et il serait regrettable qu'avec des moyens surabondants, la banque se trouvât dans l'impossibilité de rendre sous une autre forme des services aux industries et au commerce.

Je suis persuadé, messieurs, que vous feriez une chose utile en laissant au gouvernement la fixation de la limite des avances sur fonds nationaux sur la proposition de l'administration et du comité de censeurs de la banque. Il l'établira d'abord dans un cercle étroit qui sera susceptible de s'élargir suivant les circonstances et l'appréciation des faits.

(page 839) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La pensée qui a dicté l'amendement de l'honorable M. De Pouhon ne diffère pas de celle du gouvernement; il est d'avis qu'il ne faut pas interdire à la banque le prêt sur dépôt de fonds publics, de fonds nationaux; il pense également, avec le gouvernement, qu'il y a lieu de fixer certaines limites pour ces opérations. Quand le gouvernement a proposé une disposition à cet égard dans le projet de loi, il a exprimé son intention d'insérer dans les statuts les précautions indiquées par des hommes experts en cette matière.

Dans un rapport de M. Benjamin Delessert, fait à la chambre des députés, en 1836, je trouve énoncés des principes fort salutaires, fort bons à suivre pour les prêts sur effets publics.

Il conseille :

1° De ne les faire pour plus de trois mois;

2° Seulement à concurrence des 4/5 de la valeur des fonds à la bourse ;

3° Qu'il y ait au moins une signature solvable ;

4° Que les prêts n'aient lieu que par l'entremise du comité d'escompte;

5° Que le montant y soit fixé par lui.

On pense qu'avec de telles conditions il n'y a absolument rien à craindre pour la sécurité de l'établissement.

L'honorable M. De Pouhon propose une autre rédaction ; je la trouve satisfaisante, je pense qu'il faut laisser plus de latitude dans les limites à fixer que celles qu'on pourrait déterminer dans les statuts.

Je me rallie à la rédaction proposée par M. De Pouhon. Peut-être pourrait-on ajouter dans les limites et aux conditions à fixer périodiquement.

Il faut qu'il soit entendu que ces limites varieront suivant les temps, suivant les circonstances.

M. le président. - A l'article 8, M. de Perceval propose d'ajouter aux cinq paragraphes la disposition suivante :

« 6° A faire des avances aux cultivateurs sur dépôt de denrées agricoles ou sur d'autres garanties à déterminer par les statuts de la Banque Nationale.

« Les prêts ne pourront dépasser le terme d'une année.

« Pour les avances dont le remboursement dépasse 90 jours, il sera facultatif d'échelonner les échéances de trois en trois mois. »

M. de Perceval. - J'ai déjà développé mon amendement dans la discussion générale, mais je crois devoir dire encore quelques mots pour l'appuyer.

Je commencerai par remercier l'honorable comte Le Hon de l'excellent discours qu'il a prononcé en faveur de l'agriculture ; ceci m'est d'un bon augure pour l'adoption éventuelle de mon amendement par la chambre.

Messieurs, l'amendement à l'article 8, que j'ai eu l'honneur de vous présenter dans la séance de mercredi dernier, a été combattu par l'honorable ministre des finances et par l'honorable M. de Brouckere, dans la discussion générale.

Ils ont cru devoir critiquer la disposition additionnelle dont j'ai saisi la chambre, disposition qui tend à introduire dans le projet de loi le crédit agricole.

L'honorable député de Bruxelles nous a dit hier qu'il ne peut demander avec moi que la banque ait la faculté de prêter sur dépôt de produits agricoles. Et de même aussi, l'honorable ministre des finances nous a déclaré que, quant à l'agriculture, la banque ne pourra point prêter sur dépôts agricoles, parce que d'abord, dans son opinion, les moyens pratiques n'existent pas; ensuite, parce que ce serait une immobilisation des capitaux.

Je m'attendais à ces objections, mais je ne pense pas qu'elles soient de nature à faire écarter la disposition additionnelle en faveur du crédit agricole, que j'ai soumise à l'appréciation impartiale et consciencieuse de l'assemblée.

Permettez-moi, messieurs, d'entrer encore dans quelques considérations à l'appui de mon amendement. Je n'abuserai pas longtemps des moments de la chambre.

Qu'est-ce que je demande ? Que le crédit agricole soit inscrit dans la loi à côté du crédit commercial et industriel, et que l'agriculture participe aux bénéfices que l'organisation nouvelle de la Banque Nationale réserve directement, et pour ainsi dire exclusivement au commerce et à l'industrie.

Justice et égalité devant les comptoirs de la banque pour toutes les branches de notre richesse nationale ! La sollicitude de la législature et du gouvernement doit être acquise au travailleur agricole tout aussi bien qu'au négociant et à l'industriel.

Pourquoi, messieurs, ne décréteriez-vous pas le crédit agricole pour le fermier, le travailleur de la terre, puisque vous le donnez au commerçant? Mes honorables contradicteurs me répondent que c'est impossible ; je vais tâcher de leur prouver que le fermier est à même de présenter à la Banque Nationale autant de garanties morales et matérielles que le commerçant.

Un cultivateur a besoin d'une avance de fonds, 400 ou 500 francs, par exemple, soit pour acheter des instruments aratoires, soit pour renouveler une partie de son étable, soit pour faire quelques dépenses urgentes que réclament ou le champ qu'il exploite, ou la ferme qu'il habite. Il s'adresse à un des comptoirs de la banque.

Pour prouver que les agents de la banque peuvent avoir confiance en lui, il exhibe un certificat de l'autorité communale qui témoigne de sa moralité, de sa probité ; il apporte le bail qu'il a passé avec son propriétaire et dans lequel se trouve détaillé le nombre d'hectares qu'il cultive, et les quittances qui constatent qu'il paye régulièrement la rente de la terre; il montre le certificat du receveur des contributions qui atteste qu'il paye de même régulièrement ses impôts à l'Etat; il prouve qu'il possède autant de têtes de bétail dans son étable, etc.. Eli bien? pensez-vous, messieurs, qu'un agriculteur, placé dans de telles conditions, n'offre pas assez de garanties pour que la banque lui fasse l'avance de la somme dont il a immédiatement et momentanément besoin?

Mais, cet agriculteur étale, à mes yeux, des garanties bien lîus solides que le commerçant, qui ne possède, après tout, que des garanties d'une nature peu solide et essentiellement mobile. Et cependant, vous admettez ce dernier au bénéfice du crédit, à l'exclusion du premier, alors même qu'il vous offre des gages plus sérieux!

Vous escomptez les billets du négociant, qui détient dans ses magasins des valeurs d'un prix variable, et vous refusez de faire des avances au fermier qui a, sur son champ, dans sa grange, sur ses greniers, des produits, des denrées agricoles, du bétail dans ses étables, une ferme largement exploitée.

Cette sorte de proscription, car je ne puis l'appeler autrement, n'est-elle pas injuste? Elle a, de plus, pour effet de continuer à livrer le travailleur agricole à l'usure et à l'agiotage.

Que dit mon amendement? Que la Banque Nationale fera des avances aux cultivateurs sur dépôt de denrées agricoles, ou sur d'autres garanties à déterminer par les statuts.

J'avais cru devoir désigner le dépôt des denrées agricoles pour donner à la banque plus de garanties, et surtout, en vue de mettre le crédit agricole à la portée du petit cultivateur, qui, ne possédant pas une étable bien fournie, n'a que des grains à offrir en dépôt.

Mais, enfin, si l'organisation de ce système paraît impraticable, si l'on croit qu'il est de toute impossibilité d'accepter le dépôt des produits de l'agriculture, la Banque devrait néanmoins, me semble-t-il, recevoir d'autres gages tout aussi sérieux, tout aussi solides, que l'agriculteur peut donner et que j'ai énumérés plus haut.

Ne sont-ce pas des garanties réelles présentées par le fermier, quand il apporte au comptoir, avec son bail qui dessine l'importance de son exploitation et les quittances du propriétaire, une attestation de l'importance des impôts qu'il verse au trésor public, qu'il a. autant de têtes de bétail dans son étable ? Sur de semblables gages, la Banque ne peut-elle pas lui faire une avance de fonds ?

Mais le crédit que la Banque abandonne au commerçant ne repose pas toujours sur des garanties aussi respectables, car souvent la valeur et le prix des marchandises qu'il tient en dépôt varient beaucoup plus en trois ou six mois que ne varient la valeur et le prix des denrées agricoles et des autres garanties, au bout d'une année.

Il est, enfin, une dernière considération qu'il importe de ne pas perdre de vue, c'est que le fermier n'emprunte presque jamais des sommes très élevées.

Ce qu'il lui faut le plus souvent, c'est 300 ou 400 fr., soit pour remplacer une tête de bétail que l'épizootie ou un vice rédhibitoire quelconque lui a enlevée, soit pour toute autre amélioration à introduire dans son exploitation, soit enfin pour payer son rendage.

Et à quelle époque ordinairement a-t-il besoin de numéraire? C'est, il faut le dire, à l'époque où les prix des denrées agricoles sont tellement bas qu'il doit ou les vendre avec perte, ou les garder pour en recevoir plus tard le prix rémunérateur.

Afin qu'il ne soit pas obligé de subir de pareilles pertes ou de se livrer aux usuriers ou aux spéculateurs, je réclame pour l'agriculture la participation aux bienfaits de l'organisation de la Banque au même degré que le commerçant et l'industriel.

Si la Chambre éprouve quelque répugnance à inscrire dans la loi, à l'article 8, actuellement en discussion, les avances à faire sur dépôt de denrées agricoles, je modifierai volontiers ma rédaction, et je me bornerai à demander que la Banque soit autorisée à faire des avances aux cultivateurs sur des garanties à déterminer par les statuts. De la sorte, je laisse au gouvernement la faculté et le soin d'examiner quelles seraient les garanties et en quoi elles peuvent consister.

Je termine, messieurs, et je dis qu'en inscrivant dans la loi le crédit agricole à côté du crédit commercial et industriel, vous aurez comblé une lacune qui existe actuellement dans le projet que nous discutons ; qu'en organisant le crédit agricole vous relèverez l'agriculture et lui rendrez un service réel; c'est alors que l'établissement financier que nous créons aujourd'hui pourra prendre avec vérité le titre de Banque Nationale.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne crois pas avoir besoin de combattre longuement l'amendement de M. de Perceval. L'honorable membre suppose que la banque est instituée pour faire des avances au commerce et il trouve qu'il y a injustice que ce soit à l'exclusion de l'agriculture. Il est dans une complète erreur; la banque ne fait d'avances à personne, dans le sens indiqué par l'honorable membre, ni au commerce, ni à l'agriculture; le commerce et l'agriculture sont placés sur la même ligne.

La banque a pour objet principal d'escompter ou d'acheter des lettres de change et autres effets ayant pour objet des opérations de commerce.

Voilà l'objet principal de la banque qu'il s'agit de fonder ; elle achète des effets qui ont pour objet une opération de commerce ; s'il s'agissait d'un billet ayant la signature de deux personnes très solvables, cela ne suffirait pas; il faut qu'il soit créé pour une opération de (page 840) commerce. Voilà la garantie, indépendamment de la signature. Il ne s'agit nullement de faire des avances à découvert.

La banque fera des avances sur des matières d'or et d'argent, mais non sur marchandises ; les agriculteurs sont dans la même position que les commerçants, ils pourront avoir des avances sur dépôt de matières d'or et d'argent, mais non sur dépôt de marchandises. Voilà l'erreur de l'honorable membre; son amendement ne peut être accueilli, il serait destructif de l'institution que nous voulons créer. Je ne crois pas devoir m'y arrêter plus longtemps.

Quant à l'amendement de M. De Pouhon, voici la rédaction à laquelle je m'arrête :

« Art. 8, § 5. Ajouter :

«Dans les limites et aux conditions à fixer périodiquement par l'administration de la banque conjointement avec le comité de censeurs et sous l'approbation du gouvernement. »

M. T'Kint de Naeyer. -Je regrette, messieurs, qu'il n'ait pas été possible de communiquer à la chambre les statuts de la Banque Nationale; c'eût été le moment d'examiner s'ils renferment toutes les garanties que le commerce est en droit de réclamer.

Je demanderai à M. le ministre des finances si les statuts imposeront à la banque l'obligation d'escompter tous les jours. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'insister sur l'utilité de cette mesure. La Société Générale n'escompte que trois fois par semaine.

La Banque de France depuis 1834 n'escomptait plus que la veille et l’avant-veille du dernier jour de chaque mois. En 1837 elle reprit l'escompte tous les jours de la semaine, excepté les jours fériés.

L'honorable M. Dufaure, dans le rapport qu'il fit en 1840 sur la prorogation du privilège de la banque, constata l'amélioration que je viens d'indiquer, mais en même temps elle lui parut tellement importante, tellement indispensable qu'il proposa d'en faire un article de loi.

Cette proposition fut adoptée à l'unanimité par la chambre des députés.

Avant de présenter un amendement, j'attendrai la réponse que M. le ministre des finances voudra sans doute bien me donner.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - S'il avait été possible de préparer les statuts, pour qu'ils pussent être communiqués avant la discussion de la loi, je l'aurais fait bien volontiers. Mais je n'ai pas eu le loisir de m'en occuper jusqu'à présent. Au surplus, les statuts reproduiront les principes qui se trouvent dans la loi ; car elle contient tous les principes généraux, tout ce qu'il y a d'essentiel pour une Banque Nationale.

Pour l'escompte, nous avons des habitudes différentes de celles de Paris. L'honorable membre nous dit que la banque de France n'escomptait jadis que deux fois par mois.

La Société Générale escompte trois fois par semaine, la banque de Belgique tous les jours.

Les statuts seront faits conformément à ce qui se pratique aujourd'hui. Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on admette l'escompte régulier chaque jour. Les statuts feront sur ce point ce qui sera le plus convenable.

M. Cools. - J'ai demandé la parole pour dire quelques mots, non pas tant sur l'amendement de l'honorable M. De Pouhon, que sur celui de M. de Brouckere. Si le principe du n°5 de cet article était adopté, je me rallierais à l'amendement de M. De Pouhon; mais je commence par demander, avec l'honorable député de Bruxelles, la suppression de tout le paragraphe.

J'ai dit dans la discussion générale que si j'étais favorable au projet, c'est parce qu'il consacrait le principe d'une banque exclusivement commerciale. Je ne vois pas ce caractère dans les avances sur fonds publics. C’est détourner de l'argent du commerce. Ce ne sont pas des commerçants qui empruntent sur dépôt de fonds publics; ce sont des particuliers qui désirent faire des opérations aléatoires, qui déposent des titres de rentes pour pouvoir en acheter d'autres.

Un honorable député d'Anvers veut avoir raison lorsqu'il prétend que la banque ne risque rien, attendu qu'elle exige des versements supplémentaires au besoin. Mais je demande ce que le public y gagne. Il est évident qu’en raison de la hausse et de la baisse des fonds publics cette opération est aléatoire. C'est donc une opération extrêmement dangereuse, et pour une banque qui doit toujours avoir des fonds disponibles c’est une mauvaise opération.

C'est une opération d'agiotage, à laquelle je ne vois aucun avantage. Il est bien évident que si vous permettez à la banque de prêter sur dépôt de fonds publics, vous la privez de fonds qu'elle consacrerait à l'escompte Si, au contraire, vous faites refluer cet argent sur le commerce vous faites usage d'un levier sur l'abaissement de l'escompte.

La banque ne pouvant pas avancer de l'argent sur dépôt de fonds publics, comme je le demande, préférera escompter à un taux moindre que de laisser cet argent improductif dans ses coffres.

On a cité la banque d'Amsterdam, qui fait des avances sur fonds publics. Mais la position est toute différente. A Amsterdam, il y a un grand commerce de fonds publics. Il y avait à cet égard des habitudes prises. On les a respectées.

A-t-on bien fait? Ce n'est pas lieu de le discuter. On a cru devoir user de ménagements, parce qu'à Amsterdam les circonstances étaient autres qu'elles ne le sont aujourd'hui à Bruxelles.

On a dit que la banque d'Amsterdam n'avait pas perdu en prêtant ainsi sur des fonds publics. C'est possible. Mais si j'en crois des renseignements particuliers, l'ancienne banque des Pays-Bas avait beaucoup perdu dans ces opérations. Quoi qu'il en soit, je me demande toujours ce que le commerce de la Belgique a à gagner à ces opérations de bourse.

Un seul exemple a été cité pour un cas exceptionnel.

Un honorable député d'Anvers a fait remarquer que ces dépôts de fonds publics dans les banques offraient un moyen de concourir aux emprunts. Je ne le conteste pas, mais je ne vois pas pourquoi les dépôts devraient s'effectuer à la Banque Nationale, à celle dont nous voulons que l'avoir soit à l'avenir continuellement disponible. Ne suffit-il pas qu'on ne puisse s'adresser aux deux autres banques de Bruxelles, à la Société Générale et à la Banque de Bruxelles, auxquelles les statuts permettent déjà de faire ces sortes d'avances ?

Je me bornerai à ces observations.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable membre déclarer qu'il refuserait à la banque nouvelle la faculté de prêter sur fonds publics que possède la banque d'Amsterdam. Mais cette banque peut prêter de cette manière sans limite, tandis que nous entourons cette opération de restrictions, de garanties. Nous admettons que cela peut présenter des inconvénients.

Nous disons qu'il n'y aura lieu à faire des avances en compte courant sur dépôts d'effets publics que dans les limites à déterminer par l'administration de la banque, avec l'avis du comité des censeurs et l'approbation du gouvernement.

Pourquoi exclure une opération ainsi limitée quand nous sommes certains qu'elle peut présenter un avantage? Pourquoi ne pas donner cette faculté à la banque ? Vous craignez que des spéculateurs, que des agioteurs n'aillent à la banque déposer des fonds publics pour se procurer de l'argent, aller ensuite acheter de nouveaux fonds et continuer ainsi leurs opérations. Mais nous pourrons éviter ces sortes d'opérations. Elles sont évitées par les conditions énoncées dans la proposition qui vous est faite. Ces prêts sur fonds publics seront restreints et la banque aura soin de ne les faire que lorsque les individus qui lui demanderont ces avances présenteront en outre des garanties de solvabilité.

Il ne faut pas, pour certains inconvénients qui peuvent exister, empêcher de faire une chose qui d'ailleurs présente des avantages. Ensuite, je le répète, il me paraîtrait fâcheux que la chambre, en instituant une banque, déclarât qu'elle ne veut pas qu'on prête sur dépôt de fonds de l'Etat.

- La séance est levée à quatre heures trois quarts.