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Séance du 27 février 1850
(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 814) M. A. Vandenpeereboom procède à l'ppel nominal à deux heures et quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Dixon demande la concession d'un droit de péage pour la construction d'un pont à établir sur l'Escaut, en face du chemin de fer d'Anvers à Gand par Saint-Nicolas. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les huissiers audienciers près le tribunal de première instance de Turnhout demandent une loi qui leur assure un traitement pour leur service intérieur du tribunal, notamment en matière de police correctionnelle. »
- Même décision.
« Les membres du comité de l'ssociation générale des pharmaciens de la province de Liège présentent des observations contre la disposition du projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire qui autorise les médecins et maréchaux vétérinaires à fournir des médicaments pour les animaux. »
- Même renvoi.
M. Demeure fait hommage à la chambre de 110 exemplaires de sa brochure sur les assurances par l'Etat.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Chevron, architecte, adresse à la chambre 75 exemplaires d'un projet ayant pour but de préserver Liège du fléau des inondations.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, je n'borderai pas l'examen des grandes théories d'économie politique qui ont été soulevées au sujet des banques. Je crois qu'il n'y a pas de matière plus difficile; d'un autre côté, il n'y en a pas qui réclame une meilleure solution. Les questions de crédit bien ou mal comprises jettent dans un pays des éléments de prospérité ou de désordre. Le but que nous devons chercher à atteindre, c'est que le pays tout entier jouisse des bienfaits du crédit, des moyens de banque, de la circulation à bon marché, de l'usage des billets qui facilitent les transactions industrielles et commerciales de toute nature.
C'est un grand problème ; on pourra le résoudre graduellement, avec le temps, mais à condition que l'on ne cesse pas de s'en préoccuper. Aujourd'hui il ne s'git pas d'édifier sur un terrain complètement déblayé; nous nous trouvons au milieu des difficultés, au milieu des obstacles que des institutions de crédit mal conçues, imprudemment dirigées, ont fait naître; nous sommes, en présence des conventions qui sont intervenues; ces conventions ressemblent à tous les traités; pour en finir, il a fallu transiger.
Le projet de loi est d'illeurs basé sur les vrais principes; il tend à établir l'unité dans la circulation, sans exclure complètement les bienfaits qui peuvent résulter de la multiplicité des banques.
La Banque Nationale sera exclusivement financière; elle aura l'indépendance qui lui est nécessaire, et cependant le gouvernement exercera sur elle un contrôle que l'intérêt public exige.
L'honorable M. Cools a préconisé hier, au moins au point de vue théorique, le système américain. Je ne sais à quel point de vue l'honorable membre s'est placé, mais il est incontestable que l'narchie de la circulation a fait de grands ravages en Amérique.
Le projet de loi évite deux écueils : les excès de la circulation et l'immobilisation des capitaux.
Messieurs, il n'y a rien de plus connu que les fautes que les banques peuvent commettre ; nous avons notre expérience; nous avons celle des étrangers.
Que voyons-nous en Belgique? Les banques achètent des charbonnages, élèvent des hauts fourneaux, érigent des manufactures; de là une surexcitation industrielle anormale, qui vient aggraver la crise de 1838 et 1839. Depuis, deux fois dans l'espace de dix ans, elles sont obligées de venir demander le secours du gouvernement.
L'Amérique présente pendant quelque temps un spectacle éblouissant. Le crédit vient en aide aux entreprises les plus hasardeuses. En 1836, plus de 900 banques se trouvent hors d'état de faire face à leurs engagements ; les payements en numéraire sont suspendus le taux de l'escompte monte à 50 p. c. ; et le prix du pain s'élève, à New-York, jusqu'à 2 fr. 25 c. la livre.
En Angleterre, les inconvénients de la fabrication illimitée du papier ont été constatés dans trois enquêtes. Vous connaissez les dispositions restrictives du bill de 1844, œuvre de sir Robert Peel. Le but qu'il a indiqué, c'est l'unité dans la circulation des billets. Des préjugés populaires, les intérêts vrais ou supposés d'une classe puissante ont seuls empêché la réalisation complète de son système.
Ainsi, messieurs, lorsque les banques deviennent de vastes maisons de commerce, lorsqu'elles prêtent sur actions industrielles comme la Société Générale, ou sur marchandises comme la Banque de Philadelphie qui avait accaparé un instant tous les cotons de l'Union, ces banques peuvent jeter un éclat momentané. Mais, au bout d'un certain nombre d'nnées, leur ruine est certaine et elles mettent le pays à deux doigts de sa perte.
La Banque de France l' emporté jusqu'à présent sur toutes les banques de création moderne. Elle a traversé les crises de 1810, 1818, 1825, 1830, 1831, 1857 et 1847. En 40 années, 7 crises commerciales. Je ne parle pas des catastrophes politiques. Vous savez les services que la Banque de France a rendus en 1815. Vous savez ce qui s'est passé depuis le 24 février.
Il y a une assez grande analogie entre l'organisation de la Banque Nationale projetée et l'organisation de la Banque de France. Mais on a eu soin d'éviter ce qu'elle avait de défectueux. Ainsi les coupures étaient calculées de manière à restreindre plutôt qu'à étendre ou à faciliter la circulation du papier. Une circulation absorbante accumulait tous les capitaux à Paris, sans les faire refluer dans les départements.
On s'est demandé, messieurs, si le capital de 25 millions était suffisant. Le capital des banques de circulation pourrait à la rigueur être considéré comme un cautionnement. Au besoin elles opéreraient uniquement avec leur crédit. La banque d'Angleterre n'-t-elle pas prêté tout son capital au gouvernement?
Lorsque les banques départementales ont été créées en France, on a exigé que tout leur capital fût employé en fonds de l'Etat. Cela n' pas empêché que des banques comme celles de Bordeaux et de Lyon sont parvenues à attirer dans leurs caisses une quantité de numéraire suffisante pour émettre 20 millions de billets et conserver cependant la réserve du tiers en numéraire, tandis qu'elles ne possédaient que 2 ou 5 millions de capital.
Voilà, messieurs, ce qu'il est possible de faire.
Je suis loin toutefois d'dmettre ou de conseiller ce système pour la Banque Nationale. Si le capital supplémentaire provenant du crédit doit contribuer à amener un plus grand mouvement d'ffaires, il ne faut pas cependant que ce capital supplémentaire devienne une source de dangers dans les temps de crise, et c'est ce qui arriverait indubitablement, si vous admettiez la proposition de l'honorable M. De Pouhon qui ne voudrait mettre d'utres limites aux acquisitions de fonds publics, que le fonds social.
Tout le mécanisme d'une banque de circulation repose sur la sécurité et sur la nature toujours disponible des valeurs qu'elle peut recevoir en échange de ses billets. Ces billets deviennent une véritable monnaie. Il importe donc qu'une banque qui a le caractère de la banque que nous allons créer soit administrée avec prudence, avec sagesse; mais il ne faut pas cependant qu'on puisse lui reprocher d'opérer dans un cercle trop étroit. Il ne faut pas que l'on dise qu'elle a été créée uniquement au profit de ce que l'on est convenu d'ppeler l'ristocratie financière. La Banque Nationale porte un nom qu'elle doit justifier sous peine de forfaiture. Elle est créée dans un but d'utilité publique; elle devient en quelque sorte responsable envers la législature qui, il ne faut pas se le dissimuler, lui accorde de très grands privilèges.
Je crois, messieurs, que la loi, loyalement exécutée, donne les moyens de faire descendre le crédit d'étage en étage jusqu'ux plus petits intérêts. Les comités d'escompte permettront d'pprécier le crédit individuel dans chaque localité et d'ccorder des capitaux, avec discernement, à ceux qui le méritent. Les comptoirs mettront un frein à la centralisation.
C'est une grande pensée, messieurs, de relier entre elles toutes les principales villes, de telle manière que l'rgent puisse refluer d'un endroit dans un autre et que la partie du pays où le numéraire viendrait à manquer puisse le recevoir de celle où il serait surabondant. Il est évident que le service du caissier de l'Etat, qui est confié à la Banque, facilitera singulièrement la réalisation de ce projet.
Je sais bien qu'u point de vue des actionnaires, la création de comptoirs ne présente peut-être pas une source de bénéfices très satisfaisants, et je m'ttends d'vance à ce que l'dministration nouvelle ne mette pas un très grand empressement à les créer. Dans ce cas, ce sera au gouvernement de l'y provoquer, ou, au besoin, de l'y contraindre sans tenir compte des obstacles que des intérêts privés pourraient susciter.
Si l'on craignait, d'illeurs, que la multiplicité des comptoirs ne devînt pour la Banque une cause d'ffaiblissement, n'y aurait-il pas une chose très simple à faire? Pourquoi, comme l'honorable M. De Pouhon le disait hier, la banque ne s'entendrait-elle pas avec les banques locales qui existent déjà? Ne pourrait-on pas, même, dans certaines localités, créer des comptoirs en commandite? L'essentiel, c'est que le but soit atteint, c'est que la banque étende ses ramifications dans tout le pays.
Messieurs, j'i des motifs pour insister tout particulièrement sur la création de comptoirs. Le décret de 1808 avait aussi imposé à la Banque de France l'obligation de créer des comptoirs dans les départements. Eh (page 815) bien,, en 1840, quand le privilège de la Banque a été renouvelé, on en était encore à demander que cette partie de la loi fût mise à exécution. Il est vrai qu'un comptoir ne pouvait être fondé que lorsqu'on trouvait des régents et des administrateurs ayant un nombre d'ctions suffisant pour garantir leur gestion; mais il n'est pas moins vrai que pendant de longues années la Banque de France a opposé une force d'inertie à la création de comptoirs dans les départements.
Les capitaux ne manquent pas en Belgique, mais ils ne sont pas toujours en présence des besoins réels. La Banque Nationale aura pour mission d'ttirer des fonds, souvent improductifs aujourd'hui, pour les reverser continuellement dans la circulation.
La banque laisse subsister ce que j'ppellerai l'organisation libre du crédit, les banques individuelles ou privées ; elle les fortifiera en les rattachant à un centre commun.
Les opérations industrielles et commerciales qui se font dans une sphère plus modeste et qui, par cela même, n'ont pas, d'ordinaire, à leur disposition du papier réunissant les conditions que les banques de circulation doivent exiger inexorablement, ces opérations-là passeront par des intermédiaires, ou bien encore elles s'dresseront à des institutions commanditées directement ou indirectement par la Banque Nationale.
On doit reconnaître, messieurs, que le crédit personnel, basé principalement sur l'intelligence et sur la morale de l'emprunteur, n'occupe pas encore, dans notre système de crédit, la place qu'il mérite. Vouloir combler cette lacune au moyen d'une Banque Nationale, d'un grand établissement central, c'est impossible.
Mais faire servir la Banque Nationale à favoriser ou à provoquer la création d'institutions qui auraient quelque analogie avec les banques écossaises, moins l'émission du papier, ne serait-ce pas ramener une chimère, qui n'est peut-être pas sans danger, à des proportions pratiques?
Qu'est-ce qui caractérise le système des banques écossaises? Ce sont les avances qu'elles font au moyen de simples comptes courants. Ce mode d'opérer est parfaitement décrit dans un rapport fait à la chambre des lords en 1820 par une commission d'enquête. Je demanderai à la chambre la permission d'en citer un passage :
« Il y a une partie du système de ces banques, dit le rapport, qui d'près tous les témoins que nous avons entendus, a produit les meilleurs effets sur le peu pie d'Ecosse, et particulièrement sur les classes pauvres et moyennes de la société, en faisant naître et en encourageant les habitudes d'ordre et d'industrie. Nous voulons parler des crédits ouverts.
« Celui qui s'dresse à une banque pour obtenir un crédit, est tenu de fournir au moins deux cautions, qui s'obligent solidairement; et, après examen de la moralité de l'individu, de la nature de son commerce de la valeur des cautions qu'il offre, un compte courant et d'intérêts lui est ouvert; il peut disposer de tout ou partie du montant de son crédit et se libérer à sa convenance. Il n'est pas douteux que ce système procure de grands avantages au pays par les facilités qu'il offre à toutes les petites transactions et par le moyen qu'il donne à ceux qui ont une grande probité, mais peu ou point de capital, d'utiliser les moindres produits de leur industrie. »
Voilà, messieurs, ce qui a été réalisé en Ecosse, et certes, l'utorité que je viens d'invoquer n'est pas suspecte. Eh bien, il serait étrange que pareille chose ne fût pas réalisable ailleurs. (Interruption.)
Je sais bien qu'on pourra me faire une objection; on me dira que les banques écossaises émettent du papier. Mais serait-ce pour toutes les institutions du même genre une condition d'existence? Je ne le crois pas; je le crois d'utant moins que, dans l'ordre d'idées qui m' amené à faire cette disgression, il s'git moins de spéculations ou de bénéfices que des avantages que l'ssociation, sagement entendue, peut offrir en matière de crédit.
Pour démontrer, messieurs, ce qu'il est possible de faire dans cette voie, je suis heureux de pouvoir citer un exemple dans notre pays.
Il y a dix-huit mois à peine on a créé à Bruxelles une société anonyme sous la dénomination d'Union du crédit ; elle a été approuvée par arrêté royal du 1er juin 1848. Elle ne peut pas émettre de banknotes. Son but est de fournir, par l'escompte, des capitaux aux travailleurs de toutes les classes dans la limite de leur solvabilité matérielle et morale. Tout membre admis participe aux pertes et aux bénéfices de la société dans la proportion d'une somme égale au crédit pour lequel il a été admis.
L'Union du crédit, qui existe à peine depuis 18 mois, compte déjà 450 souscripteurs; elle a escompté en 1849 12,000 effets pour une valeur de 9.310,306 fr. 20 c.
Messieurs, si de semblables établissements cherchaient à se former dans d'utres localités, ce serait un bienfait. Ne convient-il pas d'en faciliter la création au lieu de l'entraver? Ces associations donneraient à une foule de petites valeurs le caractère qui leur manquera souvent pour être admis à la Banque Nationale.
Si le sens absolu que l'interprétation de la section centrale a donné à l'rticle 25 est maintenu, il en résultera que la disposition sera applicable non seulement aux banques d'émission, mais aussi à toutes les sociétés anonymes qui s'occuperaient d'escomptes, comme le feraient de simples banquiers.
Je comprends, messieurs, que pour une banque d'émission qui a une influence directe sur la contraction ou sur l'expansion de la circulation des dispositions législatives soient indispensables; ce ne serait pas, cela est évident, sans les motifs d'intérêt public les plus graves qu'il faudrait songer à rompre l'unité ; mais je me demande si pour de simples associations dont les proportions seront souvent insignifiantes, on ne pourrait pas se contenter des garanties qu'offre l'rticle 57 du Code de commerce, c'est-à-dire l'utorisation du gouvernement?
Afin de lever tout doute à cet égard, je demanderai que M. le ministre des finances veuille bien donner quelques explications sur ce point.
L'griculture aujourd'hui ne connaît les banques que de nom ; elle ne peut pas créer du papier à trois mois; cela se comprend, car elle a besoin de dix-huit mois pour obtenir l'écoulement de ses produits.
Je suppose que des cultivateurs trouvent qu'il y aurait avantage à associer leur crédit, pour échapper aux mains usuraires qui les exploitent, que de petites banques agricoles se forment dans différentes localités; faudra-t-il venir soumettre à la législature autant de petits projets de loi, par cela seul que ces banques seraient des sociétés anonymes? Je pense que ce serait aller trop loin.
La section centrale a proposé deux modifications qui auront mon appui.
La première est relative à l'incompatibilité qui doit exister entre les fonctions de gouverneur de la Banque Nationale et celles de membre des chambres législatives ; je crois qu'ussi longtemps que la loi sur les incompatibilités sera maintenue, le système doit être complet; il y a moins de motifs à faire valoir pour admettre une exception en faveur du gouverneur de la banque que l'on ne pourrait en produire en faveur des magistrats inamovibles ou même de certains fonctionnaires de l'ordre administratif.
Quant à la publicité des comptes, je pense qu'elle ne peut jamais être assez grande; j'insiste pour que la publication des états de situation soit mensuelle ; pour me servir de l'expression d'un orateur anglais, je dirai que l'dministration d'une banque publique doit être comme une maison de verre, que tout le monde doit être à même d'y plonger ses regards.
J'urai encore quelques observations à faire qui trouveront mieux leur place lorsque la discussion sera ouverte sur les articles du projet de loi.
M. Sinave. - Messieurs, je n'i aucune objection à faire valoir contre l'établissement d'une banque d'escompte; je dirai même qu'il n'urait guère été possible de faire mieux et de tirer un meilleur parti des positions respectives du gouvernement vis-à-vis des deux établissements existants.
Mais j'i une objection sérieuse à faire sur le projet de loi tel qu'il a été présenté par le gouvernement, c'est contre l'rticle 16, et une autre contre la proposition de la section centrale à l'rticle 19.
Si la chambre ne fait aucune modification au premier paragraphe de l'rticle 16 du projet du gouvernement, dont je demande, par un amendement, la suppression formelle, je me verrai à regret forcé de voter contre le projet de loi.
Les orateurs qui m'ont précédé ont clairement démontré toute l'imprudence qu'il y aurait de maintenir dans la loi que la banque peut être autorisée par le gouvernement à acquérir des fonds publics. En effet, lorsqu'on considère l'énorme masse de fonds publics émis par tous les gouvernements de l'Europe, on est frappé d'étonnement de voir que les emprunts nouveaux se présentent partout sans discontinuer, et si, malheureusement, une guerre venait à surgir, la déconfiture deviendrait générale, aucun gouvernement ne serait capable de payer les intérêts. Cet état de choses ne peut qu'empirer ; les trésors de tous les pays seront éternellement vides et les besoins toujours croissants, d'où il doit résulter en définitive, une dépréciation des fonds publics.
Notre banque doit rester dans les limites prescrites d'un établissement d'escompte commercial.
On objectera que cette latitude d'cheter des fonds publics peut être nécessaire pour en faire usage lorsque des valeurs restent sans emploi. Mais en pareille occurrence, la banque diminue le taux de l'escompte, prête sur fonds publics, et achète des bons du trésor qui ne sont pas susceptibles de grande variation. D'illeurs, par le capital restreint du nouvel établissement, pareille situation ne se présentera pas. Mais faire l'cquisition de fonds publics, c'est exposer volontairement, sans aucune prévision, la banque à des pertes incalculables, c'est immobiliser ses capitaux, c'est rendre l'ction de la banque nulle pour le commerce; mieux voudrait-il ne pas créer cet établissement, il deviendrait nuisible dans un moment de crise. L'exemple est devant nous, le gouvernement a été forcé de venir au secours de nos banques.
Je propose une nouvelle rédaction de l'rticle 16 en ces termes :
« La banque peut être autorisée par le gouvernement à acquérir des bons du trésor et des fonds publics avec la réserve énoncée à l'rticle 6. »
En ce qui concerne la proposition de la section centrale à l'rticle 19, c'est donner, si je ne me trompe, une extension à l'rticle 2 de la loi sur les incompatibilités. Je ne comprends pas cette exception spéciale contre le chef du nouvel établissement; il me semble, pour être conséquent, que la mesure doit être générale et s'étendre aux chefs des autres établissements, ou elle ne doit pas exister. J'ttendrai les explications du rapporteur de la section centrale sur cette singulière proposition.
Je crois devoir faire une observation. Je ne pense pas que le titre de Banque Nationale puisse s'ppliquer à quelques bureaux d'escompte (page 816) avec un aussi mince capital, quoique suffisant pour répondre aux besoins du pays; ce titre ne peut en aucune manière se justifier.
Je ne crois pas non plus, et cela me paraît extraordinaire, qu'un personnel aussi considérable, s'il faut en juger par celui dont se composera la direction, soit nécessaire à une pareille gestion, à un établissement dont les opérations très simples sont celles de l'escompte dans les chefs-lieux de chaque province. Dans mon opinion, le nouvel établissement ne devrait être géré que par un directeur gérant ; chacun sait qu'un seul employé intelligent, assisté d'un comité d'escompte gratuit, suffit pour diriger l'escompte dans chacune de ces localités, sans avoir, on peut l'ffirmer avec raison, plus de six à huit heures de travail par semaine.
J'i la conviction que ce projet, sans en contester en aucune manière le mérite et l'utilité, n'est pas le dernier mot de M. le ministre des finances ; il proposera, j'ose l'espérer, cette institution que le pays réclame avec instance. Le pays attend quelque chose de grandiose qui réponde aux vœux et aux besoins de tous ; le pays veut un grand établissement national de crédit ayant la gestion générale, suprême et centrale de tous les établissements dont il désire l'institution, et dont les bureaux d'escompte, le projet en discussion, ne seraient que des dépendances, des branches dont l'ensemble constituerait la grande institution, sous une seule et même direction.
L'établissement national de crédit devrait avoir sous sa direction immédiate et absolue :
Le service du caissier de l'Etat.
La caisse générale de retraite.
La caisse d'épargne.
Les bureaux d'escompte (la loi en discussion).
La société d'exportation et les comptoirs, dont le capital se formerait partiellement avec une partie des fonds de la caisse d'épargne. Le crédit foncier et agricole.
Le crédit destiné à l'exécution par anticipation des travaux publics.
Mon intention n'est pas, comme on pourrait le supposer, d'entrer dans quelques développements ; le moment n'est pas encore opportun. Je désire seulement vous répéter globalement ce que j'i eu l'honneur de vous dire dans la session de 1848.
Les cinq premières branches n'exigent aucune explication, d'utant plus qu'il ne faut pas se préoccuper de leur capital.
Des deux dernières et notamment de celle du crédit foncier et agricole, il est inutile d'en parler ici ; on en connait toute l'importance, on doit savoir y prêter à un et demi, ou deux pour cent au plus; sinon cette institution serait plutôt nuisible qu'utile.
Par contre quelques explications, je crois, sont indispensables pour faire comprendre ce que j'entends par crédit destiné à payer par anticipation l'exécution des travaux publics.
Pour être bref et clair, prenons un exemple. Admettons que les chambres ordonnent l'exécution soit du chemin de fer dans le Luxembourg vers Arlon, ou celui de Courtray à Ypres, soit de tout autre travail important.
La somme exigée est, je suppose, dix millions de francs. Le trésor est incapable de les fournir.
L'établissement national de crédit s'en chargerait et fournirait par anticipation le capital nécessaire à l'exécution des travaux.
Le gouvernement, les provinces, les villes, les communes, et les propriétaires pour l'mélioration et l'ugmentation en valeur de leurs propriétés, en un mot tous les intéressés payeraient, chacun selon sa quote-part, pendant le terme de vingt années, pour se libérer, cinq pour cent annuellement du capital employé, et ainsi le capital serait totalement remboursé à l'établissement.
Maintenant, quel serait le capital? Où le trouver pour doter l'établissement et en obtenir un tel résultat.
C'est ici que je répéterai en quelques mots ce que j'i déjà dit antérieurement à la chambre.
Depuis trois années, vous le savez, on a fait avec le plus grand succès une expérience importante ; on a acquis la certitude que le pays est capable, sans le moindre inconvénient, même dans des moments de forte crise tels que ceux que nous venons de passer, et qui ne se renouvellent qu'à de rares époques, de supporter une circulation assez forte de papier-monnaie. Car rappelez-vous qu'il existe actuellement pour plus de cent millions de francs en billets de banque à cours forcé des divers établissements du pays et en bons du trésor, et remarquez bien que cette énorme circulation a lieu seulement dans les villes, que les campagnes n'y participent que très faiblement, pour ne pas dire point du tout.
Admettons maintenant qu'on forme de cette manière le capital et que le crédit, pour payer par anticipation l'exécution des travaux publics, s'élève à cinquante millions, certes il ne faudrait pas instantanément mettre en circulation toute cette somme en papier ayant cours forcé ; mais supposons qu'on exécute un jour successivement des travaux pour cette somme, il est constant, comme je viens de l'indiquer, que par le roulement continu et le remboursement annuel, l'mortissement s'opérerait de chaque somme employée endéans les vingt années.
Ainsi, en vue des événements qui peuvent surgir inopinément, dans le but d'ssurer la tranquillité du pays, on pourrait commencer immédiatement à venir en aide à la classe des travailleurs, par la mise en exécution de certains travaux, qui, au besoin, peuvent prendre une grande extension, sans grever la nation, puisqu'il ne s'girait que de porter annuellement la quote-part du gouvernement au budget à raison de cinq pour cent du capital employé. Les ressources pour couvrir la dépense de cette quote-part, on admettant l'emploi successif jusqu'à cinquante millions, ne s'élèveraient pas annuellement au-delà de dix-huit cent mille francs, et pourraient facilement se trouver : il suffirait de l'un ou l'utre des moyens que j'i indiqués à la chambre, en 1848, de préférence celui d'une taxe sur les rentes de l'Etat.
Il est aisé de se convaincre combien il en coûte aujourd'hui au pays d'voir exécuté tant de travaux au moyen des emprunts successifs dont il ne pourra, on ne peut pas se le dissimuler, opérer le remboursement. Voilà comme, au bout de quelque temps, tous ces travaux coûteront des milliards, comment le trésor restera accablé sous le poids de ses dettes sans autre perspective que celle d'en payer la rente à perpétuité.
La position financière du pays est telle qu'on pourrait s'estimer heureux si un jour on parvenait à équilibrer les recettes et les dépenses.
On ne peut plus songer à émettre de nouveaux emprunts pour payer l'exécution des travaux publics.
La nation est affligée de près de sept cents millions de délits dont la rente annuelle absorbe le tiers de la recette générale du pays.
Il ne reste aucun espoir de rembourser le capital de la dette au moyen de l'mortissement en vigueur, qui ne peut tout au plus suffire qu'à maintenir l'équilibre ; nous aurons donc une dette permanente de six à sept cents millions. Bien plus, les emprunts nouveaux, d'une nécessité indispensable pour parer aux événements, ne manqueront pas de naître par des circonstances extraordinaires et viendront, il faut le redouter, augmenter la dette, à moins que nous ne prenions la résolution d'emprunter sans jamais rembourser.
Dans la position financière actuelle du pays, le système le plus détestable est donc celui d'emprunter quand il s'git d'exécuter des travaux publics, ou de couvrir d'utres dépenses ordinaires du budget. On ne peut même recourir à l'emprunt quand on a la certitude de ne jamais pouvoir amortir le capital.
Il faut le dire sans détours, on a été trop prodigue des ressources du pays; si, depuis 1830, nos hommes d'État s'étaient convaincus de cette vérité, nous ne nous trouverions pas aujourd'hui dans cet état de gêne et de marasme qui influencera infailliblement le bien-être futur de la nation. Dans ce que j'vance ici, je ne suis que l'écho de l'opinion publique fortement prononcée dans tout le pays.
Cependant il est impossible de ne pas exécuter les travaux publics nombreux que le pays réclame ; ce serait rester stationnaire en présence de nos voisins qui marchent d’un pas assuré; on doit d'illeurs activer le travail, c'est une obligation sacrée, multiplier les nouvelles communications partout où le besoin se fait sentir.
Comme le trésor sera pendant longtemps encore dans l'impuissance de fournir des capitaux pour l'exécution de travaux d'une certaine importance, ii est indispensable, ou de recourir à des moyens extraordinaires, ou de renoncer à toute amélioration; ce serait nous priver du moyen d'ssurer la tranquillité du pays.
Sans doute il faut du patriotisme et de la confiance, mais ils ne feront pas défaut chez nous, en présence de la garantie de l'Etat et de l'emploi des fonds qui seront exclusivement destinés à des travaux d'utilité publique et qui, en totalité, seraient versés dans les mains des travailleurs auxquels on assurerait ainsi une occupation régulière et permanente.
Aujourd'hui, la circulation du papier existe exclusivement en faveur de sociétés particulières qui en ont scandaleusement abusé au détriment de la généralité et sans procurer la plus légère ressource assurée à la classe des travailleurs; malgré cette injustice frappante, le mouvement s'opère avec facilité et le patriotisme du pays n'y a pas fait défaut.
Du reste, je crois que l'on ne peut émettre de papier ayant cours forcé que dans le but unique d'utilité publique, pour venir en même temps en aide à la classe ouvrière et contribuer autant que possible à une meilleure distribution de travail, qui par l'ugmentation de la population, et surtout dans les circonstances actuelles, mérite plus que jamais toute la sollicitude des classes riches et aisées. On ne peut pas se laisser aveugler à ce point jusqu'à ne pas voir le danger croissant qui menace la société; il faut marcher sans détours. Si l'on persévère à appliquer des remèdes sans force, d'un effet insensible, illusoire comme, par exemple, celle d'une caisse générale de retraite, qui dans aucun cas ne peut avoir de résultat que dans un avenir très-éloigné, sans approfondir la gravité de la position actuelle de la société, on n'obtiendra aucun résultat salutaire et immédiat pour soulager la classe des travailleurs, et l'on ne présentera aux envahissements du socialisme que des armes bien faibles et qui seront bientôt vaincues.
M. le président. - M. Vanden Berghe de Binckum, obligé de s'absenter pour affaire de famille urgente, demande un congé.
- Accordé.
M. de Perceval. - Messieurs, une des premières missions qui incombent à tout gouvernement qui a la conscience de son devoir, est évidemment celle de tendre au développement du crédit, car le crédit peut augmenter, dans une large mesure, la production, le travail, la richesse nationale.
Les mesures à prendre pour atteindre ce but se résument dans les institutions du genre de celle que nous discutons en ce moment. Créer un établissement de crédit sur des bases solides, à l'bri des conséquences désastreuses que les révolutions amènent à l'improviste, alimenter les besoins incessants de l'industrie, du commerce, de l'griculture par une circulation facile et non ruineuse du numéraire, par un prudent escompte et une prompte émission, donner aux capitaux la direction qui correspond aux intérêts bien entendus de notre pays, ce sont là des (page 817) nécessités dont je félicite le gouvernement d'voir compris toute l'importance.
En saisissant la législature de l'institution d'une Banque Nationale, le gouvernement a rendu un grand service à la Belgique.
La Banque Nationale qu'il se propose d'établir sera favorable au développement du crédit commercial et industriel. Mais pour être nationale dans toute la vérité de l'expression, la Banque devrait être tout aussi favorable au développement du crédit agricole. Elle prend bien sous son égide le commerce et l'industrie, mais je ne vois pas qu'elle abrite de même l'griculture. C'est là une fâcheuse lacune que je dois signaler dans le projet de loi en discussion.
Car on laisse ainsi de côté la première de toutes nos industries, l'griculture, la plus importante, celle qui occupe le plus de bras, qui a le plus besoin de développer son crédit et de sortir des mains usuraires qui paralysent actuellement ; pour le commerçant et l'industriel, la Banque Nationale sera utile ; mais pour l'griculteur, le fermier, le travailleur agricole, elle n'existera point.
Et pourquoi cette injustice? Vous voulez amener, dites-vous, l'baissement du taux de l'intérêt, vous voulez procurer au commerce et à l'industrie le capital aux conditions de location les plus avantageuses? Et pourquoi exclure l'griculture de ces bienfaits? Elle constitue cependant la première branche de notre richesse nationale ! Et si vous en voulez la preuve, consultez le document qui nous a été distribué par M. le ministre de l'intérieur, concernant le recensement général de 1846. Vous trouverez, dans le tableau relatif au classement de la population par profession, que cette agriculture, que vous excluez de la Banque Nationale, compte à elle seule 2,220,714 âmes, tandis que toutes les autres industries de la Belgique, y compris le commerce, n'en réunissent que 1,595,125.
Je déplore cet espèce d'ostracisme dont vous frappez l'griculture et qu'elle ne mérite pas. Notre pays n'est point seulement commercial et industriel, il est avant tout agricole, et, à ce titre, le crédit agricole aurait dû trouver sa place à côté du crédit commercial et industriel, qu'à l'ide de la Banque Nationale vous allez prendre pour mission de développer.
Et en vous parlant du crédit agricole, je n'entends pas, messieurs, le confondre avec le crédit foncier, pour l'organisation duquel le gouvernement nous promet un projet de loi, après la révision du système hypothécaire.
Le crédit foncier concerne les propriétaires du sol et d'utres immeubles, tandis que le crédit agricole ne regarde que les fermiers, les cultivateurs. Ainsi, les intérêts des commerçants, des industriels, des propriétaires et des rentiers seront protégés par la Banque Nationale, alors que les intérêts des fermiers, des locataires du sol, des productions agricoles seront repoussés, abandonnés au crédit usuraire. Est-ce là de l'égalité devant les institutions du pays?
Si je ne me suis pas trompé sur les motifs de cette exclusion, elle résiderait dans l'obligation imposée à la Banque par le projet de loi de satisfaire en tout temps à la convertibilité à vue et en numéraire des billets au porteur. Cette condition essentielle a paru à M. le ministre des finances, incompatible avec les avances à faire à l'griculture, laquelle ne peut pas contracter des emprunts pour des termes aussi rapprochés que le commerce et l'industrie.
Le nom de l'griculture n'est prononcé, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que pour dire qu'elle n' aucune protection à attendre de la Banque Nationale.
« Les rentrées sont si lentes dans l'griculture, dit l'honorable ministre, et les cultivateurs sont, par leur position même, si éloignés du mouvement commercial qu'ils ne peuvent guère contracter que des engagements lointains, conditions diamétralement opposées à la bonne administration d'une banque, » qui doit toujours être à même d'échanger ses billets contre du numéraire.
L'étude attentive de cette considération, au point de vue des devoirs assignés à la Banque Nationale, m' donné la conviction qu'en cas d'événements graves, cette institution ne pourra accomplir sa mission protectrice des intérêts du pays et de l'Etat sans le cours forcé, et nonobstant l'exclusion du crédit agricole.
Je me suis donc demandé si la Banque Nationale, organisée d'près les bases proposées, pourra s'cquitter, en temps de crises, des devoirs que lui assignent le projet de loi et l'exposé des motifs, sans qu'elle soit obligée de réclamer le cours force de ses billets au porteur?
J'en doute, et voici mes motifs. Je les soumets, messieurs, à votre jugement, à votre appréciation.
C'est une vérité élémentaire que la vie d'une nation présente alternativement des périodes de calme, de croissance régulière, de prospérité, et des époques moins longues de malaise, de troubles, de crises, qui jettent, suivant leur intensité, plus ou moins de désordres dans l'économie et l'ctivité des intérêts du corps social. C'est une vérité non moins évidente que les institutions publiques ont des devoirs correspondant à ces situations et qu'elles doivent être organisées en vue d'y suffire.
L'exposé des motifs du projet de loi le dit implicitement en parlant des devoirs de la Banque Nationale. M. le ministre des finances ajoute avec non moins de raison qu'il s'en faut de beaucoup que les banques publiques belges aient rendu jusqu'ici les services qu'en doivent attendre le pays et l'Etat, dans les moments difficiles.
Quoi de plus surprenant, en effet ! Dès que dans le monde civilisé survient un événement politique de quelque importance, tout aussitôt les ateliers se ferment, des milliers de travailleurs sont sans occupation, l'industrie est frappée pour ainsi dire de paralysie. Néanmoins la nature est également disposée à produire ses richesses sous la main intelligente de l'homme, et les facultés des ouvriers conservent toujours leur même puissance créatrice!
Quelle est donc la raison de cet étrange phénomène, de cette anomalie si bien faite pour laisser croire au vulgaire que la vie du corps social vient d'être brusquement atteinte dans ses sources?
La cause, messieurs, chacun de vous la connaît : la circulation des produits des richesses a été brusquement arrêtée.
Et pourquoi? Qu'il me soit permis d'entrer ici dans quelques considérations qui d'illeurs ne sont pas étrangères au sujet principal que je discute.
Dans les temps de calme, aux époques où la confiance règne dans les relations industrielles et commerciales, les signes intermédiaires pour l'échange des produits et la facilité dos transactions, sont de trois natures; Ils consistent :
En numéraire, or et argent;
En billets de banque au porteur ;
En lettres de change, obligations , promesses et traites.
Ces trois signes d'échange interviennent, concourent à la fonction de la circulation dans des proportions bien différentes.
La minime partie des affaires se traite au comptant; la majeure partie à terme et donne lieu à la création de lettres de change. Telle est la règle généralement suivie par l'industriel ou le négociant.
Or, tout négociant ne présente à l'escompte, auprès d'un banquier privé ou d'une banque publique, de lettres de change que pour le strict nécessaire de ses payements immédiats et de ses affaires au comptant. Quant au restant des lettres de change de son portefeuille, son plus grand intérêt, et par conséquent son plus vif désir est de les relancer dans la circulation en payement de ses propres achats à terme, ou bien de les garder jusqu'à leur échéance.
D'où je conclus que le montant total des lettres de change escomptées par les banquiers privés et les banques publiques, dans les temps de calme, est de beaucoup inférieur au montant total des lettres de change maintenues en circulation jusqu'à la date de leur réalisation.
L'expérience le confirme pleinement.
Mais quand vient à éclater un événement politique de quelque importance, une crise industrielle, commerciale ou alimentaire, qui place, en quelques jours, nation et gouvernement devant des faits inattendus, la crainte d'une situation qui ne se dessine encore qu'imparfaitement, la peur panique d'un avenir que l'instinct de conservation et l'imagination exagèrent souvent outre mesure, toutes ces différentes causes jointes à quelques dangers réels, à des faillites, à des suspensions de payements, tuent la confiance dans les affaires, et font prendre momentanément aux lettres de change, à l'un des intermédiaires les plus usités dans les transactions, sa faculté de circulation.
Un pareil état de choses amènerait infailliblement la paralysie, la stagnation presque complète du commerce et, par suite, de l'industrie, si le papier individuel, tombé en discrédit comme intermédiaire pour les échanges, ne pouvait être remplacé par du numéraire ou des billets de banque jouissant d'une circulabilité générale.
N'est-ce point pour cela, messieurs, que les besoins de l'escompte pour les commerçants et pour les producteurs pendant les temps de crise, sont très supérieurs à ce qu'ils sont dans les temps ordinaires? Il faut donc se demander quels sont, dans les moments de crise, les établissements d'escompte qui vont répondre aux exigences impérieuses de l'industrie et du négoce. Sont-ce ceux fondés par les particuliers? Mais l'expérience a mille fois démontré que, dès qu'ils croient apercevoir les signes probables de l'vènement d'une crise, les propriétaires des établissements privés de banque cessent aussitôt, sous l'inspiration de leurs intérêts individuels, d'cheter ou d'escompter des lettres de change.
Pour se soustraire à de certaines éventualités, ils gardent inactifs les capitaux qui leur rentrent ; avant de reprendre leurs affaires, ils attendent la fin de l'orage, le retour du calme, la consolidation de la tranquillité publique.
Et certes alors, le moindre de leurs soucis est de se préoccuper des embarras, des malheurs peut être sans retour dans lesquels leur brusque inertie jette les commerçants et les producteurs habitués à venir leur faire escompter des traites, des obligations pour faire honneur à des engagement prêts à échoir.
En conséquence, en temps de crise, le travail de l'escompte pour la Banque Nationale sera incomparablement plus grand qu'en temps ordinaire. En présence du discrédit des lettres de change, du papier individuel comme intermédiaire pour la liquidation, le payement des transactions, et de l'inertie des banques particulières, c'est sur la Banque Nationale exclusivement que le cours inévitable des événements fera retomber presque tout le travail de l'escompte, toute la responsabilité du maintien de la circulation des richesses, de l'ctivité des industries, de la continuation des transactions.
Aussi ce n'est pas sans une parfaite connaissance de la véritable situation des choses, des besoins réels du commerce et de l'industrie, aux époques de crise, que M. le ministre des finances pose ce principe dans l'exposé des motifs du projet de loi, « que la Banque Nationale de crédit et de circulation doit être organisée de manière à pouvoir venir au secours du pays dans les moments difficiles, atténuer les effets des crises en escomptant à des taux raisonnables quand les capitaux deviennent (page 818) rares; que, loin d'être une cause d'embarras, elle doit contribuer à diminuer l’intensité des crises. »
Envisagés dans leur ensemble, les lettres de change, le papier individuel, les banquiers particuliers et la Banque Nationale peuvent être considérés comme les éléments constitutifs d'un vaste système de communications établies sur différents points d'un grand fleuve qui parcourt les neuf provinces de la Belgique, moyens de communications servant tous à faciliter le passage et l'échange des produits, des marchandises, des richesses de toute nature, apportés, à cet effet, sur les deux rives.
Dans les temps ordinaires quand le cours du fleuve est calme et régulier, la circulation se fait simultanément sur tous les points à la fois par les trois moyens individuels, privés et publics. Aux époques de crise, au contraire, lorsque, par un désastre quelconque éclaté au sein de la société, les eaux grossies du fleuve menacent de dangers les voies de communication appartenant à des particuliers, celles-ci cessent naturellement d'offrir leurs services au commerce et à l'industrie. Force est donc faite à la circulation des richesses et par suite à la production, ou de s'rrêter jusqu'u rétablissement des intermédiaires abandonnés ou discrédités, ou de procéder tout entière par les grands établissements publics fondés par l'Etat, la Banque Nationale et ses comptoirs.
Eh bien, messieurs, pensez-vous que les conditions organiques proposées par le projet de loi soient de nature à permettre à la Banque Nationale de combler, en cas de crise, le vide produit par la retraite des capitaux privés ? Croyez-vous que cette banque soit à même de faire face à l'ugmentation considérable des besoins de l'escompte provenant du discrédit du papier individuel, en tant qu'gent ou intermédiaire dans les transactions ?
Par exemple, un événement fâcheux de quelque importance venant à éclater, et la convertibilité des billets au porteur existant, comme le veut le projet de loi, la Banque Nationale serait-elle en mesure de répondre avec certitude à la juste attente des grands intérêts du pays? J'éprouve un sérieux doute à cet égard.
« Crédit is money », répète M. le ministre des finances, et il en conclut que la majeure partie des opérations de la Banque Nationale doit se faire au moyen d'émissions de « billets de confiance », convertibles à vue au porteur, à Bruxelles.
Aux époques de crise, pour faire face au travail de l'escompte, la Banque Nationale conformément à la mission que lui assigne le gouvernement dans l'exposé des motifs, devra nécessairement augmenter le montant de ses émissions ordinaires.
En présence d'un fonds social restant le même et d'une augmentation considérable de ses achats de lettres de change, il n'y a évidemment d'utre moyen financier pour la Banque Nationale qu'une émission plus considérable de billets au porteur. Eu présence de cette obligation impérieuse de la Banque, n'est-il pas prudent d'interroger l'expérience des faits accomplis, l'histoire des institutions de crédit, afin de connaître quel a été jusqu'à ce jour, pendant les premières semaines d'une crise, l'effet inévitable du droit de convertibilité en espèces métalliques dont jouissent les porteurs des billets de confiance émis par une Banque?
Cet effet est de diminuer fortement le montant des billets au porteur que par son seul crédit une banque a eu le pouvoir de tenir en circulation en temps de calme et de sécurité. Ainsi donc précisément au moment où la situation des esprits ne permettra pas à la Banque Nationale de tenir en circulation les émissions possibles en temps ordinaires, la Banque Nationale, pour répondre dignement aux besoins extraordinaires du commerce et de l'industrie du pays, devrait pouvoir augmenter de beaucoup le montant de ses émissions habituelles. Ces deux tendances ne sont-elles pas opposées, et quelle autre solution y donner si ce n'est ou le cours forcé des billets au porteur, ou le non accomplissement de la mission de la banque dans les moments difficiles? J'ose appeler, sur ce point, l'ttention de la chambre et du gouvernement.
L'rticle 8 du projet de loi autorise la banque à escompter ou acheter des bons du trésor dans les limites à déterminer par les statuts.
A quels moments le gouvernement usera-t-il le plus largement de la faculté que lui donnera la loi?
Evidemment durant les crises, et cela pour deux raisons. La première, c'est qu'il est rare qu'une crise politique, commerciale, industrielle ou alimentaire n'oblige pas l'Etat à des dépenses extraordinaires, immédiates, non prévues au budget. La seconde, c'est qu'une crise atteignant toujours l'un ou l'utre, souvent plusieurs des grands intérêts du pays, apporte tout aussitôt du retard, de la lenteur dans la rentrée des impôts, et finalement une diminution de recettes sur les estimations du budget des voies et moyens.
Ainsi, d'un côté, obligation de crédits extraordinaires, nécessité de nouvelles ressources; de l'utre, entraves dans la rentrée et diminution des recettes prévues pour l'exercice courant. C'est alors bien évidemment que le gouvernement dira à la Banque Nationale : Prêtez-moi sur dépôt de bons du trésor. Consultez l'expérience des faits accomplis en Belgique et partout ailleurs, aux époques de crise, et le doute ne vous sera plus permis à cet égard. Il ne faut pas même sortir du présent pour en être convaincu.
J'y ajoute, messieurs, que si, contre toute attente, le maximum du prêt sur bons du trésor autorisé par les statuts de la banque, était inférieur au minimum des ressources immédiatement disponibles pour les besoins des services publics, le gouvernement n'hésiterait pas à aller au-delà, par une modification aux statuts, dans l'intime conviction d'obtenir facilement l'ssentiment de la législature.
Maintenant, il doit m'être permis de me demander où la Banque Nationale trouvera, dans les temps de crise, les moyens de prêter à l'Etat sur dépôts de bons du trésor?
Ne sera-ce pas encore une fois dans une nouvelle émission de billets au porteur? Car ce n'est pas au moment qu'une crise éclate que le gouvernement pourra ordonner à la Banque de Belgique et à la Société Générale, peut-être elles-mêmes embarrassées par la situation, de nouveaux versements pour compléter le fonds social de l'institution dont elles sont les seuls actionnaires.
L'article 8 autorise encore la Banque à faire des avances de fonds sur des lingots ou des monnaies d'or et d'rgent.
En temps de crise, quelle sera l'influence de cette autorisation? Evidemment une augmentation de ce genre d'opération.
Ce qu'il faut, à ces époques de calamité, ce sont des valeurs monétaires, des signes d'échange d'une circulation facile, propriétés dont ne jouissent ni les lingots des métaux rares, ni les monnaies étrangères.
Voilà donc pour la Banque Nationale une nouvelle occasion d'ugmenter le chiffre de ses émissions.
Enfin l'rticle 8 permet à la Banque Nationale de faire des avances en compte courant ou à court terme sur dépôt d'effets publics nationaux ou d'utres valeurs garanties par l'Etat. Le maximum de la somme qui pourra recevoir cette dernière destination sera, dit l'rticle en question, fixé par les statuts.
Quand cette limite sera-t-elle le plus sûrement atteinte? Assurément dans les moments difficiles, aux époques de crise.
Je trouve, en conséquence, que pour faire face aux besoins extraordinaires de l'escompte de lettres de change, pendant les périodes de crise, la Banque Nationale devrait pouvoir augmenter dans une assez forte proportion le chiffre de l'émission ordinaire de ses billets au porteur ; qu'elle devrait avoir la latitude d'en faire autant pour prêter à l'Etat, sur dépôts de bons du trésor. De même pour ses opérations sur dépôt de lingots ou de monnaies d'or et d'rgent ; ainsi que pour les avances qui lui sont demandées sur dépôt de fonds publics ou autres valeurs garanties par l'Etat.
De semblables devoirs tracés à la banque, une pareille nécessité publique sera-t-elle compatible avec la nature des billets de confiance, toujours convertibles en écus, que le gouvernement veut uniquement attribuer aux billets au porteur émis par la Banque Nationale?
La réponse doit être, à mes yeux, négative.
Et d'bord, quelle est, messieurs, dans les moments de crise, la convertibilité obligatoire existant, avec la situation actuelle des esprits (car il faut aussi compter avec les faiblesses ou les préjugés de l'esprit public), le signe d'échange préféré à tous les autres?
Le numéraire, or et argent.
Quelle est encore, pour les porteurs des billets de la banque, la signification du droit de convertibilité? N'est-ce pas une invitation d'ller à la banque échanger les billets contre du numéraire, or et argent, si, pour un motif déterminé, ils croient y trouver un avantage?
Faut-il alors s'étonner si, pendant une crise, les porteurs des billets se présentent en foule à la banque pour les échanger contre du numéraire, soit parce que le numéraire est dans ces temps préféré pour les transactions, soit parce qu'il constitue, aux yeux des capitalistes, une valeur plus assurée comme fonds de dépôts dans leur caisse.
Si déjà, dans les temps ordinaires, une partie du public sous le stimulant d'une pour absurde, par le souvenir d'idées traditionnelles appartenant à une autre époque, va régulièrement à la banque échanger les billets reçus en payement, on ne saurait nier que le nombre de ces personnes augmente dans une proportion énorme et souvent effrayante aux époques de crise.
C'est en vain que le gouvernement publiera dans les feuilles publiques et par ses fonctionnaires que la banque est solide, que son actif dépasse considérablement son passif; que, loin d'essuyer des pertes, la banque réalise des bénéfices; que les porteurs des billets sont effrayés sans fondement, que leur panique inqualifiable paralyse les opérations de l'établissement et l'empêche de secourir avec efficacité le commerce et l'industrie; peut-être que ces avis, ces conseils justes et fondés auront pour seul résultat de précipiter davantage les demandes de remboursement.
Le plus difficile pour la raison, n'est-ce pas de confondre la peur?
Et puis, il faut bien le dire, dès que la peur, mauvaise conseillère, l'emporte sur le raisonnement, la réalisation d'une promesse de payement n'est-elle pas préférée à la promesse elle-même, quelque sérieuse que soit celle-ci par l'existence de gages réels. En pareil cas, un tiens l'emportera toujours sur un tu auras.
Je prouve donc, messieurs, que si aucun besoin nouveau d'émission ne naissait pour la banque, l'vénement d'une crise et la convertibilité des billets au porteur aurait pour résultat immédiat et inévitable de réduire notablement le nombre des billets qui circulent dans les temps ordinaires.
De quelle manière donc, la convertibilité des billets continuant à exister, en présence d'une situation où le numéraire est recherché, la Banque Nationale parviendrait-elle à augmenter, ainsi qu'elle le devrait, le chiffre de ses émissions habituelles sans l'établissement du cours forcé?
Qu'on me désigne une seule banque d'escompte et de circulation parvenue à opérer un semblable miracle, en temps de crise, qu'on m'en montre une seule ayant à remplir les devoirs que vous imposez à la Banque (page 819) Nationale projetée, qui ait rempli sa mission tutélaire, sans le cours forcé de ses billets. Consultes l'expérience de tous les temps, allez en Angleterre, en France, restez même, si vous voulez, en Belgique, vous y trouverez que l'ction de la convertibilité obligatoire a eu pendant chaque crise, les effets que je viens de signaler.
L'expérience, d'ccord avec le bon sens, démontre clairement qu'une banque d'escompte et de circulation qui veut, en temps de crise, faire honneur à la convertibilité de ses billets, ne le peut qu'à la seule condition d'ppliquer au payement de ses billets au porteur les sommes provenant de la rentrée ou de la circulation des valeurs de son portefeuille. En temps de crise, une telle banque doit donc être entièrement libre d'obligations envers les intérêts de l'industrie et du commerce et de l'Etat, au point de n'voir à se préoccuper que de son seul intérêt de conservation. Et si vous voulez qu'elle vienne en aide à ces graves et précieux intérêts, au lieu de décréter la convertibilité obligatoire, inscrivez dans la loi la convertibilité facultative.
Pourquoi le cours forcé existe-t-il en France, en Autriche, pourquoi a-t-il existé en Angleterre? M. le ministre des finances nous le dit lui-même, à cause des relations trop intimes de ces banques avec le gouvernement; parce que ces établissements sont venus au secours du pays dans les moments difficiles. Et c'est là précisément un des caractères que l'exposé des motifs du projet de loi attribue à la Banque Nationale.
Quant à la limite que le gouvernement veut faire inscrire dans les statuts de la banque, ce sera une disposition peu sérieuse, et je n'hésite pas à dire que tout ministre qui se trouvera à la tête du département des finances serait le premier à l'enfreindre si les exigences de l'Etat le rendaient nécessaire.
La mesure du cours forcé que je soutiens sera, je pense, plus avantageuse à la grande circulabilité des billets de la Banque Nationale, que le droit de convertibilité au seul comptoir de Bruxelles proposé par le gouvernement et adopté par la section centrale. Je vais tâcher de vous en exposer les motifs.
D'bord l'expérience prouve qu'en France, par exemple, jusqu'à l'institution du cours forcé, la circulation des billets au porteur de la Grande Banque était restreinte à un rayon assez petit autour de Paris et des 15 autres villes qui étaient chacune en possession d'un comptoir.
Pourquoi donc, en Belgique, un système plus restreint encore n'urait-il pas la même conséquence?
Depuis que le cours forcé existe chez nos voisins du midi, les billets de la Banque de France, loin d'être dépréciés, sont demandés avec prime, et le public vient chaque jour à tous les comptoirs réclamer des billets à cours forcé contrôle numéraire qu'il apporte. Et ainsi, depuis l'établissement du cours forcé, la Banque de France est devenue, pour mieux dire, une véritable banque de dépôt, de toutes les banques la plus solide.
Il est facile, messieurs, de donner l'explication de cette particularité, de cette anomalie au point de vue des théories de l'économie politique.
Avant l'établissement du cours forcé, un négociant de Paris, par exemple, qui avait à faire un payement dans une localité quelque peu éloignée d'un comptoir de la Banque de France, était obligé le plus souvent d'envoyer du numéraire par les messageries. De là, pour lui, des frais onéreux d'ssurance et de transport. Aujourd'hui, il se borne à expédier sous un pli les billets à cours forcé de la Banque de France.
Et comme chacun sait que la Banque a dans ses caves, dans son portefeuille et dans son fonds social des garanties beaucoup plus que suffisantes pour les billets en circulation, ceux-ci sont admis dans toute l'étendue de la Fiance au même titre que le numéraire.
Qui donc a économisé la perte sèche des frais d'ssurance el de transport, imposés auparavant par le payement en numéraire des transactions? Les commerçants et les producteurs de la France. La réalisation de cette économie en Belgique serait-elle donc si regrettable qu'il faille en revenir à la convertibilité à vue?
La Banque Nationale belge ne présentera-t-elle pas, par son portefeuille, l'encaisse métallique et son fonds social proportionnellement les mêmes garanties sérieuses vis-à-vis des porteurs de ses billets?
Si la mémoire m'est fidèle, l'encaisse d'un demi-milliard, que possède actuellement la France (et les feuilles publiques ont souvent constaté cette situation), me paraît démontrer à toute évidence que l'établissement du cours forcé n' nullement pour effet de chasser le numéraire du pays.
Seulement, en décrétant le cours forcé et le remboursement facultatif pour le plus grand bien du pays, le gouvernement doit surveiller avec sévérité les opérations de la Banque Nationale; qu'il l'empêche de se lancer dans des opérations chanceuses, qu'il lui interdise les spéculations de toute nature.
Les chefs des comptoirs de la Banque Nationale seraient, de plus, autorisés à convertir en numéraire les billets que leur présenteraient les industriels, les chefs d'exploitation ou les entrepreneurs de travaux faits dans la circonscription respective de chaque comptoir, afin d'ssurer régulièrement le payement des salaires des ouvriers et d'utres payements en petites sommes. Il me parait de toute justice que la Banque Nationale satisfasse, autant que possible, avec la même sollicitude, aux besoins légitimes des habitants des différentes localités du pays, et que la faculté de convertibilité, lorsqu'elle est réellement utile, existe dans toutes les provinces, à tous les comptoirs de la Banque Nationale.
D'illeurs, il me parait très facile de démontrer que la convertibilité facultative à tous les comptoirs de province satisfera bien plus aux intérêts du pays que la convertibilité obligatoire au seul comptoir de Bruxelles.
Et d'bord le payement facultatif des billets a pour effet certain de faire comprendre au publie, aujourd'hui peu instruit en matière de banque, que la principale garantie des billets réside, non dans la réserve métallique, dans le numéraire déposés à la banque, mais bien dans le portefeuille de la banque, ainsi que dans son fonds social. Notion exacte.
Au contraire, le payement obligatoire à vue a pour conséquence inévitable de faire croire que la principale garantie pour les porteurs de billets consiste, non dans les valeurs du portefeuille et dans le fonds social de la banque, mais bien dans la réserve métallique, dans la convertibilité immédiate en numéraire. Notion fausse.
Avec la convertibilité facultative à tous les comptoirs, il sera possible aux industriels, aux entrepreneurs de travaux publics, à toutes les personnes tenues à des payements de détail, d'obtenir sans frais du comptoir de leur localité, le numéraire dont ils ont besoin habituellement.
Avec la convertibilité obligatoire à Bruxelles seulement, tous ces citoyens, pour avoir du numéraire, en cas de nécessité, auront à payer soit une prime au banquier privé, soit des frais de transport pour l'expédition du numéraire de Bruxelles.
Point de privilèges en matière d'impôt; de même point de privilèges en matière de crédit. L'égalité des citoyens devant le receveur des contributions entraîne leur égalité devant les services à attendre de la Banque Nationale.
Les bienfaits de cette dernière institution ne doivent-ils pas se faire sentir avec la même vivacité à Ostende comme à Verviers, à Turnhout comme à Arlon ?
L'habitant du Luxembourg, l'habitant de la Campine, celui des Flandres, de Liège et de Namur, etc., tous les producteurs et tous les commerçants de la Belgique doivent être mis à même de participer, dans la proportion de leurs besoins réels, aux avantages que peut offrir une institution qu'on veut nommer nationale.
Une banque, dont les services se réduiraient à quelques localités et à quelques industries, ne mériterait pas la qualification de Banque Nationale, car elle serait uniquement la banque de ces localités et de ces intérêts. C'est de même pour ces motifs que je demande pour les cultivateurs la participation aux opérations de la banque. Tout comme les industriels et les commerçants, les agriculteurs ont besoin de crédit, d'vances momentanées, afin de faire face à des événements inattendus, à des exigences extraordinaires. Dès lors, ne doivent-ils pas être mis à même d'y pourvoir, au même titre, sans devoir recourir à des engagements usuraires ou à des opérations ruineuses.
Dans le système de la convertibilité facultative à tous les comptoirs, toutes les localités de la Belgique, toutes les provinces, les arrondissements, les communes, en un mot tous les intérêts sont placés vis-à-vis de la Banque Nationale sur un pied de parfaite égalité ; ils en reçoivent les mêmes services, les mêmes facilités; le système de la convertibilité obligatoire proposée par le projet de loi constitue, à mes yeux, un privilège exclusif, exorbitant en faveur de Bruxelles.
Je crois avoir démontré que la convertibilité obligatoire, presque sans utilité en temps ordinaire, est impossible en temps de crise, même à Bruxelles ; tandis que la convertibilité facultative existera dans tous les temps, dans tout le pays.
La suspension par le cours forcé de la convertibilité à vue produit chaque fois un choc, une perturbation dans l'opinion publique, une dépréciation momentanée des billets. La convertibilité obligatoire est une sanction légale donnée à la peur, un stimulant continuel à des craintes chimériques ; la convertibilité facultative, au contraire, est un appel permanent à la raison publique.
En temps de crise, une augmentation dans l'émission des billets au porteur produit aussitôt une augmentation plus grande encore dans les demandes de remboursements à vue ; quand la convertibilité est facultative, la raison publique, éclairée par l'expérience, instruite de la vérité, sait qu'une augmentation dans le chiffre des billets en circulation correspond à une augmentation proportionnelle dans les valeurs du portefeuille de la Banque Nationale.
La convertibilité facultative, c'est la circulation des billets de la banque dans toutes les communes du pays; la convertibilité obligatoire, c'est circonscrire la majeure partie de la circulation autour du seul comptoir de Bruxelles.
La convertibilité obligatoire vient à l'encontre des devoirs et des besoins de la Banque Nationale, en temps de crise, dans les moments difficiles; tandis que la convertibilité facultative lui assure, lui garantit les moyens financiers el la puissance nécessaires.
N'est-il pas préférable de répartir la réserve métallique entre tous les comptoirs dans les provinces, où elle rendra des services continuels, que de la laisser pour ainsi dire inactive et sans utilité dans les caves du comptoir central, dans l'ttente d'une crise pour laquelle elle sera d'illeurs insuffisante ?
La convertibilité obligatoire, c'est l'exclusion, sans motif sérieux, de l'griculture, du travail de la Banque Nationale; la convertibilité facultative l'y fait participer.
Pour tous ces motifs, je crois devoir donner la préférence au système de la convertibilité facultative dans tous les comptoirs du pays, sur celui du payement obligatoire à vue au seul bureau de Bruxelles, ainsi que le propose l'rticle 14 du projet de loi.
(page 820) Forcer une banque d'escompte et d'émission de soutenir les intérêts menacés du commerce, de l'industrie et ceux de l'Etat, et lui imposer en même temps l'obligation de continuer à convertir a présentation ses billets au porteur, c'est bâtir un édifice de manière qu'il pourra offrir d'utant moins de force, de résistance qu'il devra supporter des charges plus lourdes, plus considérables.
Dans ma manière d'appréciation, les services que peut rendre à la nation une telle banque me paraissent ressembler à ceux que lui rendrait l'rmée, si la loi organique portait que les pères de famille auront le droit de rappeler leurs fils auprès d'eux, dès que, à tort ou à raison, ils croiraient apercevoir des dangers de guerre.
Avec un pareil système de défense, le nombre de soldats serait évidemment plus grand en temps de paix qu'u moment où les ennemis de notre indépendance menaceraient sérieusement nos frontières. C'est là exactement ce qui arrive lors d'une crise pour les banques de crédit et de circulation tenues à la convertibilité à vue des billets au porteur. En pleine paix, les porteurs des billets, constituant les soldats de la banque, ne songent pas à lui retirer des forces qu'ils lui prêtent; l'rmée de la banque est alors au grand complet. Mais pendant les crises, lorsque la banque devrait pouvoir augmenter les forces dont elle dispose, c'est le contraire que l'on doit constater. Eh bien, est-ce là ce que réclame le salut des intérêts du pays et de l'Etat? Est-ce là ce que veulent la législature et le gouvernement? Je ne saurais le croire.
Il serait certainement préférable que la Banque Nationale pût faire face et résister, à la fois, aux exigences extraordinaires d'une crise, et aux demandes de remboursements à vue de ses billets ; mais quant à moi, je n'en vois réellement pas la possibilité, à moins d'une forte augmentation du fonds social versé en numéraire, ce qui entraînerait inévitablement une augmentation peu désirable du taux de l'escompte.
Faisons donc, messieurs, pour la Banque Nationale, destinée surtout à servir le pays dans les moments difficiles, ce qu'vec non moins de raison, nous avons décrété pour l'rmée; et pour assurer en tout temps la protection due à l'griculture, au commerce et à l'industrie, supprimez la convertibilité obligatoire et rendez-la facultative; inscrivez dans la loi le service forcé des billets au porteur de la Banque Nationale puisque vous la fondez pour le salut du pays, comme vous avez exigé le service forcé pour les miliciens, les soldats de l'rmée nationale, également instituée pour la même grande cause.
Je me résume, messieurs. Je crois avoir prouvé :
1° Que la convertibilité obligatoire, presque sans utilité en temps ordinaire, sera impossible aux époques de crise ;
2° Que pour atteindre un résultat impossible, le projet de loi exclut la plus considérable de nos industries, l'griculture, des bienfaits que la Banque Nationale répandra sur les autres branches du travail belge ;
3° Que pour remplir ses devoirs envers le pays, pendant une crise, la banque devrait pouvoir augmenter le montant de ses émissions en temps ordinaire, ce qui est de toute impossibilité, sans le cours forcé;
4° Que la convertibilité obligatoire au seul comptoir central constitue pour Bruxelles un privilège au détriment des intérêts situés dans les autres localités.
5° Que le cours forcé des billets et la convertibilité facultative range tous les intérêts et toutes les localités sur la même ligne, et que, de la sorte, l'ction efficace de la Banque Nationale est acquise au pays dans toutes les circonstances.
6° Que la convertibilité facultative, qui satisfait à toutes les exigences, aura, de plus, pour conséquence de détruire dans l'opinion publique les fausses idées, les funestes erreurs qu'entretient et que propage la convertibilité obligatoire.
Par ces considérations, messieurs, j'i l'honneur de déposer deux amendements tendant, l'un à faire participer l'griculture aux avantages de la Banque Nationale; l'utre, à substituer la convertibilité facultative dans tous les comptoirs de la banque à la convertibilité obligatoire, au seul comptoir central de Bruxelles.
En conséquence, je propose d'jouter à l'rticle. 8 la disposition suivante après le cinquième paragraphe :
« 6° A faire des avances aux cultivateurs sur dépôt de denrées agricoles ou sur d'utres garanties à déterminer par les statuts de la Banque Nationale.
« Les prêts ne pourront dépasser le terme d'une année.
« Pour les avances dont le remboursement dépasse 90 jours, il sera facultatif d'échelonner les échéances de trois en trois mois. »
Et je propose, en second lieu, de substituer la rédaction suivante à celle de l'rticle 14 du projet de loi :
« Les billets émis par la Banque Nationale auront cours forcé dans toute l'étendue du territoire.
« La convertibilité sera facultative à tous les comptoirs de la banque dans les provinces.
« Le gouvernement est autorisé à les admettre en payement dans les caisses de l'Etat. »
M. le président. - Voici les amendements présentés par MM. de Perceval et Sinave :
« Art. 8. Ajouter aux cinq paragraphes, la disposition suivante :
« 6° A faire des avances aux cultivateurs sur dépôt de denrées agricoles ou sur d'utres garanties à déterminer par les statuts de la Banque Nationale.
« Les prêts ne pourront dépasser le terme d'une année.
« Pour les avances dent le remboursement dépasse 90 jours, il sera facultatif d'échelonner les échéances de trois en trois mois. »
« Art. 14. Les billets émis par la Banque Nationale auront cours forcé dans toute l'étendue du territoire.
« La convertibilité sera facultative à tous les comptoirs de la banque dans les provinces.
« Le gouvernement est autorisé à les admettre en payement dans les caisses de l'Etat. »
« Art. 16. La banque peut être autorisée par le gouvernement à acquérir des bons du trésor et des fonds publics, avec la réserve énoncée à l'rticle 6. »
- Ces amendements sont appuyés. Ils seront imprimés et distribué.
M. Osy. - Messieurs, après avoir lu l'exposé des motifs du projet de loi et le rapport si complet de l'honorable M. Tesch, je crois qu'il reste très peu de chose à dire pour le défendre.
Depuis bien des années, tous ceux qui se sont occupés de finances et de crédit désiraient voir créer une banque qui pût rendre des services au commerce et à l'industrie et faire le service de la trésorerie.
Déjà avant les événements de 1848, l'opinion publique était préoccupée de la pensée que le grand établissement financier que nous avions dans la capitale avait tellement immobilisé ses capitaux, s'était tellement engagé dans l'industrie qu'on ne pouvait plus compter sur ses ressources pour le commerce, non dans les temps ordinaires, mais en cas de crise. Effectivement, l'enquête de 1848 a démontré que les craintes que le public avait conçues s'étaient malheureusement réalisées.
Maintenant les capitaux de la Société Générale se trouvent entièrement dans l'industrie ; non seulement son capital primitif, mais les capitaux qu'elle a empruntés au crédit, par les caisses d'épargne et les levées de fonds au moyen d'obligations; il n'était plus possible au gouvernement de continuer à laisser à cet établissement le service du caissier de l'Etat, de même qu'il n'était plus possible de compter sur son concours pour le crédit dont le commerce et l'industrie avaient besoin,
Je conviens que si M. le ministre eût trouvé table rase, on aurait pu faire autre chose que ce qu'on nous propose; mais il devait considérer les circonstances qui existaient. Pour ma part, je le remercie d'voir pris en considération les antécédents des établissements qui existaient dans la capitale. Que s'il avait voulu les heurter, il aurait pu provoquer dans le pays des crises fâcheuses qui peut-être auraient amené de très grands malheurs.
Je dis donc que l'honorable ministre des finances non seulement a rendu un service en concédant des avantages aux établissements, mais qu'il a été obligé de le faire, pour racheter les avantages qu'vaient ces sociétés, en vertu de privilèges dont le terme n'est pas encore expiré.
J'urai l'honneur d'indiquer les dispositions qui sont dans le projet de loi, et qui auraient pu disparaître, si nous avions eu table rase.
Le plus fâcheux, c'est le crédit de 20 millions qu'on est obligé de faire à la Société Générale ; puis, c'est que l'on n'it pas pu appeler le pays entier à fournir le capital de la Banque Nationale. J'urais désiré qu'il en fût ainsi. Mais je suis le premier à reconnaître que le gouvernement a été obligé de donner ces avantages aux deux établissements, en raison de leur privilège dont le terme n'est pas expiré. Ainsi, la Banque de Belgique est privilégiée comme banque d'escompte et d'émission pendant 12 ans. Quant à la Société Générale, aux termes de ses statuts, sa liquidation n'était pas éloignée ; elle devait avoir lieu le 31 décembre 1851. Mais vous savez tous que, sous le ministère de M. Nothomb, il y a eu une convention qui permettait de proroger la Société Générale jusqu'en 1855; il est vrai, sous certaines conditions à imposer par le gouvernement.
Mais on ne pouvait rompre brusquement avec cette société, ayant été obligé de garantir son papier, d'y donner cours forcé. On ne pouvait l'obliger à rembourser tous ses billets en circulation; c'eût été renverser l'établissement. Il fallait trouver un moyen transactionnel. Grâce à la fermeté de M. le ministre des finances, j'espère que cette avance finira plus tôt que le public ne le pense. Car il y a des personnes qui pensent que cette avance de 20 millions se perpétuera jusqu'en 1875.
Je crois qu'il suffira à la nouvelle banque d'voir une réserve métallique du tiers des émissions; de manière que, comme l' très bien dit l'honorable rapporteur de la section centrale, la banque pourra faire une émission de 45 millions de francs en billets. Mais comme il faut faire une avance de 20 millions, la banque n'ura qu'un capital de 25 millions, avec lequel elle pourra opérer.
Cependant ne perdons pas de vue que si le gouvernement se rallie, comme je l'espère, au troisième paragraphe de l'rticle proposé par la section centrale il sera loisible à la banque de faire des appels de fonds si l'extention des affaires l'exige. Dans ce cas, l'émission pourra être augmentée de 30 millions.
Je dois appeler l'ttention de M. le ministre des finances sur une phrase du rapport de M. le gouverneur de la banque qui a été distribué hier, phrase que je trouve contraire à la convention qui a été faite. Je vois dans ce rapport que la Société Générale compte continuer à prêter sur marchandises. Or, aux termes de la convention, la Société Générale ne peut faire aucune opération nouvelle, tant que les billets de banque n'ont pas été remboursés.
Le gouvernement fait des arrangements qui ont été approuvés, sans opposition, par les actionnaires des deux banques. Mais il reste encore dans le pays deux établissements avec lesquels il faudra compter : la Banque de Flandre et la Banque Liégeoise, Celle-ci n'émet pas de (page 821) papier monnaie; il sera facile de s'entendre avec cette banque, qui pourra faire le service d'gent du caissier de l'Etat. La Banque de Flandre a le privilège d'escompter et d'émettre du papier. On pourra faire la fusion de cet établissement avec la nouvelle banque. La Banque de Flandre pourra prendre du papier sur place, et le réescompter à la Banque Nationale ; elle pourra être aussi son agent comme caissier de l'Etat. Je soumets ces considérations à M. le ministre des finances. Cela ne se trouve pas et ne doit pas se trouver dans la loi. Mais comme ce sont des établissements existants, avec lesquels on n' pas traité comme avec les autres, je crois qu'il est bon d'en parler.
Messieurs, j'urai peu de choses à dire sur le projet en lui-même.
J'espère que l'rticle 5, tel qu'il a été modifié par la section centrale, sera adopté par le gouvernement; nous aurons ainsi cette garantie que lorsque les affaires s'étendront, on pourra faire un nouvel appel de fonds.
La section centrale propose également une modification en ce qui concerne le versement des fonds. Toutes les sections ne se rendaient pas bien compte de la question de savoir s'il fallait émettre immédiatement 15,000 actions entièrement versées, ou si l’on émettrait 25,000 actions sur lesquelles on ferait verser 60 p. c. Il y a eu d'bord désaccord sur ce point entre M. le ministre et la section centrale; mais nous avons fini par nous entendre, de sorte que j'espère que cet article sera adopté sans difficulté par la chambre.
Une proposition vous est aussi faite à l'rticle 19 par la section centrale ; je laisserai à M. le rapporteur le soin de la défendre; je me borne à dire que je la trouve tout à fait conforme à nos antécédents.
Je demanderai à M. le ministre des finances, si, dans les arrangements qu'il a faits avec les deux banques, il ne s'est pas réservé la cession d'un certain nombre d'ctions, pour que le gouverneur, le directeur et les commissaires de la banque puissent fournir comme cautionnement des actions de la Banque Nationale. Rien n'est stipulé à cet égard dans les conventions, mais j'espère que M. le ministre aura fait un arrangement de cette nature : car il y a une grande différence à ce qu'un gouverneur et un directeur donnent un cautionnement en écus ou à ce qu'ils le donnent en actions de la banque qu'ils gèrent.
S'ils fournissent ce cautionnement en écus, ils sont sûrs d'en obtenir le remboursement, tandis que lorsqu'ils fournissent ce cautionnement en actions, leur propre intérêt exige qu'ils administrent bien l'établissement. J'espère donc que M. le ministre des finances se sera réservé un certain nombre d'ctions, car il ne serait pas convenable qu'il dût se les procurer en les reprenant aux banques avec un fort agio.
Il me reste à répondre quelques mots à l'honorable M. Cools.
Cet honorable membre voudrait étendre l'mortissement. Si je l'i bien compris, il regrette surtout que notre 2 1/2 p. c. ne soit pas doté d'un amortissement; car toutes les autres parties de notre dette en ont un assez fort.
Messieurs, nous avons été forcés en 1831, lors de la conclusion de notre premier emprunt, d'dopter ce système d'un amortissement obligé. Mais je pense qu'ujourd'hui le monde financier a bien changé d'opinion.
Dans un pays comme le nôtre, où il est certain qu'on devra encore avoir recours au crédit, il est certain qu'on pourrait bien se passer d'mortissement. Ce n'est que dans un pays où l'on ne doit plus faire d'emprunt qu'il faut un amortissement, pour ne pas léguer à l'venir une charge trop forte. Mais établir immédiatement un fort amortissement, c'est imposer, à tort, une charge très lourde à la génération actuelle.
Je prendrai pour exemple les emprunts que vous avez faits pour le chemin de fer. Ces emprunts s'élèvent de 160 à 180 millions. Je demande s'il est juste que ce soit la génération actuelle qui rembourse ces emprunts contractés pour un travail national, que nous léguerons à nos neveux, à nos arrière-neveux? N'est-il pas équitable que les générations qui nous suivront supportent une partie de cette charge?
Cependant l'honorable M. Cools voudrait aussi doter notre 2 1/2 p. c. d'un amortissement. Vous savez que cet emprunt représente la rente de 5 millions de florins qui nous a été léguée par la Hollande. N'est-il pas juste que nos descendants supportent aussi cette charge? Quant à moi, je ne pourrais consentir à voter un amortissement pour ce fonds.
Je crois donc, messieurs, que la caisse d'mortissement est assez fortement dotée. Je crois que le rapport qui vous sera fait sous peu par M. le ministre des finances, vous prouvera qu'elle fonctionne régulièrement, que l'mortissement se fait jour par jour, sans secousse et par conséquent sans qu'il puisse y avoir de l'giotage.
Mais je ne puis concevoir comment l'honorable M. Cools parviendrait à faire de la caisse d'mortissement un grand établissement qui viendrait se placer à côté de la Banque Nationale.
Messieurs, on pourrait regretter que par le projet de loi on permette à la Banque Nationale d'employer une partie de ses fonds en fonds nationaux. Pour ma part, j'i consenti à l'doption de l'rticle tel qu'il nous a été présenté, parce qu'il y est stipulé qu'il faudra l'utorisation du gouvernement pour chaque opération : avec cette stipulation, je ne crois pas qu'il soit à craindre que la banque abuse de cette faculté.
Messieurs, à mes yeux, une des plus grandes garanties que puisse présenter un établissement public du genre de celui qu'il s'git de créer, c'est qu'il ne lui soit pas permis d'immobiliser ses fonds, et c'est surtout la grande publicité donnée à ses opérations. Sous ce rapport, il y a encore eu dissidence entre la section centrale et M. le ministre des finances qui n'urait voulu faire connaître la situation de la banque au public que tous les trois mois, tandis que la section centrale demande que cette situation soit publiée mensuellement.
En Angleterre, un rapport sur la situation de la banque est fait tous les jours ; on France, depuis 1848, la banque publie sa situation toutes les semaines. Ce n'est donc pas aller trop loin que de demander que l'on fasse connaître tous les mois la situation de la Banque Nationale. Ces sortes de publication, donnent de la confiance au public, et ce n'est que par la confiance du public qu'un établissement semblable peut réussir.
Je donnerai donc mon assentiment aux propositions de la section centrale et j'espère que les petites divergences d'opinion qui peuvent encore exister entre elle et M. le ministre des finances disparaîtront par suite de la discussion.
M. Cans. - Messieurs, les observations que j'i à présenter s'ppliquent principalement à quelques parties de détail du projet. Si je prends la parole dans la discussion générale, c'est pour fournir à M. le ministre des finances l'occasion de donner quelques explications qui me semblent nécessaires, avant d'rriver aux articles.
L'exposé des motifs nous avait fait connaître, et ce point est confirmé par le rapport de la section centrale et par les annexes qui l'ccompagnent, que les conventions avec les deux banques formulent pour ces établissements l'interdiction d'opérer comme banques d'escomptes. J'voue que je ne comprends pas l'utilité de cette disposition au point de vue de l'intérêt général. Quoique partisan de la liberté; en fait de circulation, j'dmets qu'en raison des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et surtout à cause de la situation particulière que leurs antécédents font aux banques existantes, en raison aussi des habitudes du pays, j'dmets que l'on ait cherché à réserver le monopole de l'émission des billets de banque à un seul établissement, qui doit faire en même temps le service de caissier de l'Etat; mais je ne comprends pas que l'on ait voulu, non pas sans doute lui assurer le monopole, ce qui serait impossible, mais au moins la plus forte part des escomptes, en défendant à la Société Générale et à la Banque de Belgique de lui faire concurrence sous ce rapport. Quand la faculté d'émettre des billets au porteur leur aura été retirée, elles ne pourront plus faire l'escompte qu'vec leurs propres capitaux comme le ferait un banquier. Pourquoi les empêcher d'employer de cette manière les capitaux qui seraient disponibles? Je vois dans le compte rendu de la Société Générale qui nous a été distribué, que le montant des obligations à payer à l'échéance des mois d’avril, mai et juin 1851, s'élèvera à fr. 3,079,000. Si les circonstances lui permettent d'opérer des rentrées dès le mois de janvier, faudra-t-il que ces fonds restent improductifs pendant trois ou quatre mois? Pourquoi priver le commerce des avantages que peuvent lui offrir ces intermédiaires ? Pour le commerce et l'industrie, il ne peut jamais y avoir trop de canaux par lesquels s'écoulent les capitaux qui doivent leur donner la vie. Plus il y aura de prêteurs, plus les conditions qu'obtiendront les emprunteurs seront favorables; si le prêteur est seul, il impose aux emprunteurs ses conditions, il leur fait la loi.
Ce serait une grave erreur d'ttribuer à la création de la Banque de Belgique, à la concurrence qu'elle a provoquée, des difficultés dont elle a été la première victime et auxquelles la Société Générale elle-même n' pas pu échapper il y a deux ans. Ce n'est pas parce qu'il y a eu deux banques en présence à Bruxelles que leurs embarras ont pris naissance, mais parce que l'une et l'utre avaient immobilisé les capitaux dont elles disposaient.
Ce serait une erreur de croire, parce qu'il y a eu rivalité entre les deux banques existantes à Bruxelles, que cette rivalité est inévitable entre établissements de ce genre, et je ne puis partager l'opinion empruntée à une note dont fait mention l'exposé des motifs : Que l'unité en matière de banque est utile, nécessaire; que l'existence de plusieurs banques est une cause d'ffaiblissement du crédit, qu'il doit en résulter des rivalités nuisibles au bien public.
Si cela était vrai, il faudrait donc en tirer la conséquence que les comptoirs de la Banque Nationale devront entrer en rivalité avec les banques qui se trouvent établies à Gand et à Liège, et qu'à Bruxelles même, une institution de création récente, qui a déjà rendu service au petit commerce, devra aussi disparaître, au lieu de devenir pour la Banque Nationale d'utiles auxiliaires. L'opinion que je combats ne peut pas un instant se soutenir.
Pour reconnaître que c'est le contraire qui est vrai, il suffit de jeter les yeux sur ce qui se passe dans d'utres pays.
En Ecosse, il y a 25 banques ayant ensemble 365 comptoirs. Edimbourg seule a 9 banques et 3 comptoirs.
Aux Etats-Unis, il y avait, il y a peu de temps, 698 banques dont 28 dans la seule ville de New-York.
Les banques des Etats-Unis ont cédé, il y a quelques années, à un entraînement irréfléchi qui a jeté ce pays dans une grande perturbation financière; mais, instruites par l'expérience, la plupart sont aujourd'hui conduites avec beaucoup de sagesse. Sur les 698 banques, les billets de 53 d'entre elles se reçoivent au pair; ceux des 645 autres, qui circulent également dans toutes les parties de l'Union, subissent une certaine perte, laquelle, en général, est l'équivalent de la perte de place ou le prix du change intérieur et non pas la dépréciation de la valeur du billet; car la perte varie de 1/8 p. c. à 1/2 et 2 p. c. pour les Etats les plus éloignés du centre commercial.
Quant à l'Ecosse il n'est pas besoin de dire que c'est le pays où le crédit est le plus développé; l'ction bienfaisante du système de liberté absolue de la circulation qui y est en vigueur depuis 150 ans a porté les fruits les plus heureux dans toutes les branches du travail industriel et agricole; d'près une note que je trouve dans le dernier numéro du (page 822) Journal des Economistes les banques d'Ecosse n'ont fourni que quatre exemples de suspension de payements et les pertes depuis un siècle et demi ne dépassent pas une somme de 25,504 liv. sterl.
L'unité en matière de banque n'est donc pas nécessaire.
La disposition dont je m'occupe ne fait pas partie intégrante du projet. L'exposé des motifs n'en fait même mention que d'une manière transitoire; mais le rapport de la section centrale ayant insisté davantage sur ce point, j'i pensé qu'il ne serait pas inutile que M. le ministre s'expliquât à cet égard. Le gouvernement peut sans inconvénient énoncer à cette partie des stipulations de la convention intervenue avec les banques et je crois me rendre l'interprète des besoins du commerce et de l'industrie en engageant M. le ministre des finances à renoncer à l'exécution de cette mesure.
Par l'rticle 9, il est formellement interdit à la Banque Nationale d'emprunter.
Je crois qu'il serait plus sage de ne pas écrire cette interdiction dans la loi. En règle générale, une banque de circulation ne doit pas emprunter : sa mission, au contraire, est de prêter ses capitaux contre des valeurs; mais il peut survenir des circonstances qui rendraient cette mesure éminemment utile, peut-être même indispensablement nécessaire. N'vons-nous pas vu, il y a dix ans, la Banque d'Angleterre faire un emprunt à la Banque de France? En 1847, encore, dans la crise financière du mois d'octobre , lorsque la Banque d'Angleterre avait élevé le taux de l'escompte à 8 pour cent au minimum, elle prenait à 7 pour cent des capitaux qu'elle prêtait à 8 et à 9 pour cent. Les préteurs préféraient confier leurs capitaux à la banque à 7 p. c. plutôt que de les donner à 8 à d'utres emprunteurs qui dans ce désastre immense leur offraient moins de sécurité. Les prêteurs particuliers ne peuvent pas répartir leurs capitaux entre un aussi grand nombre d'emprunteurs que le peut faire une banque, toujours à même, d'illeurs, d'être mieux renseignée. Ainsi il arrivera que dans les moments de crise une banque bien administrée qui inspire toute confiance pourra attirer à elle, pour les lui rendre, des capitaux que les capitalistes effrayés retirent de l'industrie.
Comment au surplus concilier l'interdiction d'emprunter avec la faculté de recevoir des sommes en dépôt et en compte courant sur lesquelles la banque payera un léger intérêt? Pourquoi cet intérêt, qui doit être léger lorsque les capitaux sont abondants, ne pourrait-il pas s'élever dans un moment de crise, si la banque stipule que le dépôt ne sera pas redemandé pendant la durée probable de la panique?
Encore une fois, on se préoccupe trop des embarras que les emprunts faits par la Société Générale, sur obligations et l'emploi des versements de la caisse d'épargne, lui ont occasionnés. Mais que l'on veuille bien examiner attentivement la situation des choses : ce n'est pas parce que la Société Générale a fait des emprunts que la crise de 1848 lui a été fatale, mais parce que le produit des emprunts et les fonds des caisses d'épargne ont été immobilisés avec une partie de son capital.
Je présenterai comme amendement à l'rticle 9 la suppression des mots : « Elle ne peut emprunter. »
Je passe, messieurs, à une autre observation.
La sixième section, dont je faisais partie, propose une modification très importante à l'rticle 16. D'près le projet, la banque peut être autorisée ; par le gouvernement à acquérir des fonds publics. L'mendement consiste à ne lui permettre l'cquisition de fonds publics que pour la réserve.
La réponse du gouvernement consignée aux annexes ne m' pas paru satisfaisante. Voici cette réponse :
« L'doption de la proposition de la sixième section aurait pour conséquence de mettre la banque dans l'impossibilité d'utiliser ses fonds, alors même qu'il ne pourrait en résulter aucun inconvénient. Or, pour qu'une banque puisse escompter à des conditions avantageuses, il faut qu'elle prospère.
« La prospérité est une condition indispensable pour que le crédit, la confiance s'établissent. Ce qu'il faut éviter, ce sont les opérations de nature à compromettre la sécurité de l'institution. »
La meilleure réfutation que je puisse lui opposer, la mieux établie par l'utorité que présente le nom que je vais citer, je la puise dans la lettre publiée par lord Ashburton à propos de la crise financière qui s'est fait sentir en Angleterre au printemps de 1847, crise qui n' été que le prélude de celle qui devait se manifester avec bien plus d'intensité dans l'utomne de la même année.
Voici comment s'exprime lord Ashburton en parlant de la Banque d'Angleterre :
« La banque a une autre fonction à remplir que de faire valoir ses fonds pour le plus grand avantage de ses actionnaires. Elle a une plus haute mission, c'est de ménager des ressources et des facilités raisonnables à ce qu'on peut appeler le commerce légitime du pays et à ses manufactures. »
Je crois, messieurs, que, dans l'intérêt général du pays, la Banque ne doit pas chercher constamment à utiliser tous ses fonds; le monopole qui lui est octroyé pour l'émission des billets n' pas pour objet de procurer à ses actionnaires les plus grands bénéfices possibles, mais de faire les affaires du commerce et de l'industrie à de meilleures conditions qu'elle ne le pourrait si elle employait seulement son capital en écus.
Il y a des moments où les capitaux sont moins demandés aux banques, parce que la confiance est plus générale, beaucoup de petits capitaux viennent se fondre dans la circulation qui s'ccroît d'un autre côté par un plus grand nombre de lettres de change, billets à ordre, mandats.
Dans ces circonstances les banques doivent conserver une partie de leurs fonds sans leur chercher d'emploi et surtout bien se garder d'cheter des fonds publics qui se maintiennent toujours alors à des cours assez élevés, car après ces périodes de confiance et de prospérité une réaction ne tarde pas à se prononcer; c'est au moment où elle apparaît que l'ppui qu'une banque peut offrir au commerce et à l'industrie, devient surtout très utile. Qu'une crise survienne, que fera la banque qui a acheté des fonds publics? Il est évident que le premier effet de la crise sera de faire fléchir le cours des fonds publics. La banque les réalisera-t-elle en infligeant à ses actionnaires la perte qui doit en résulter, alors que, dans la crainte de ne pas assez grossir leur dividende, elle n' pas cru devoir négliger un léger bénéfice produit par l'intérêt de ses capitaux? Pour maintenir sa prospérité propre, elle réduira donc la somme des escomptes, au lieu de l'ugmenter, car c'est surtout dans les moments de crise, quand tous les capitaux particuliers se retirent, qu'une banque doit se montrer large et même prodigue.
Rappelez-vous, messieurs, la situation où s'est trouvée la Banque de France en 1847 : elle possédait beaucoup de fonds publics dont elle ne pouvait se défaire sans provoquer une crise, ou au moins sans causer une dépression considérable dans le cours des rentes au moment même où le gouvernement préparait un emprunt. La Banque d'Angleterre était hors d'état de lui rendre le service qu'elle en avait reçu quelque temps auparavant. Un secours inespéré la tira d'embarras, l'empereur de Russie fit acheter les fonds publics dont le produit, versé dans la circulation, permit à la banque de continuer ses avances au commerce.
La situation précaire de nos banques est duc à l'immobilisation de leurs capitaux dans l'industrie; mais l'cquisition des fonds publics est aussi, en cas de baisse ultérieure, une espèce d'immobilisation. Sera-ce au moment où la crise se prononcera que l'on pourra, en revendant des fonds publics, opérer sur la bourse une pression qui ne serait pas sans danger ? On refuse d'dmettre les prêts sur warrants par la Banque Nationale, de crainte de ne pas pouvoir réaliser assez promptement les marchandises qu'ils couvrent. Mais on pourra toujours réaliser aussi facilement des sucres et des cafés que des fonds publics, et on le pourra certainement avec beaucoup moins d'inconvénient pour le crédit de l'Etat toujours plus ou moins lié à la bonne situation des fonds nationaux.
Une autre conséquence fâcheuse de l'utorisation accordée à la banque d'cquérir des fonds publics, c'est que par là elle encourage le jeu et la spéculation et qu'elle attirera dans cette voie des capitaux qui sans ces facilités auraient été vivifier le travail.
Sous ce rapport, je voudrais même que la banque ne fît d'vances sur fonds publics qu'vec beaucoup de réserve et jamais de manière à faciliter la spéculation. On dit que le mouvement des fonds publics et les opérations de bourse sont utiles pour soutenir le crédit des Etats : cette assertion n'est à mes yeux qu'un sophisme, derrière lequel s'brite la passion du jeu. La spéculation détruit le capital et diminue en réalité la richesse nationale, parce que les bénéfices réalisés par la hausse sont successivement dépensés par les gagnants, dont un très petit nombre reforme les capitaux perdus par leurs adversaires.
Ces raisons me portent à reprendre l'mendement de la sixième section.
Je reproduis également la proposition que j'i faite dans la sixième section d'imposer à la Banque, pour prix des droits de timbre sur les billets au porteur, le payement d'une annuité à déterminer d'près le nombre et le montant de ses billets en émission.
La disposition que je propose aura pour effet de faire retirer de la circulation, aussitôt qu'ils seront souillés ou déchirés, ces billets que les banques ont lancés dans le public à l'état de véritables lambeaux de papier crasseux et dégoûtants, par mesure d'économie seulement, afin de n'voir pas à dépenser les frais du timbre des billets nouveaux.
J'espère que M. le ministre des finances voudra bien se rallier à mon amendement, malgré la réponse du gouvernement insérée aux annexes.
Le règlement pourra stipuler la bonne qualité du papier; mais pourra-t-il prévoir tous les cas qui devront faire mettre un billet hors de service? Et malgré le règlement, je suis porté à croire que ce qui s'est fait jusqu'à ce jour continuera dans la suite.
Il est à remarquer que cet état de dégradation peut servir à masquer la contrefaçon quand ces billets passent dans des mains peu habituées à en recevoir.
Le gouvernement dit aussi que « l'bonnement a été aboli en France parce qu'on y a vu une espèce de privilège en matière d'impôt. » Ce scrupule ne me paraît pas sérieux et je crois qu'il ne mérite pas d'être pris en considération par la chambre.
Vous donnez à votre banque le monopole de l'émission des billets de banque, ce qui est certes un privilège exorbitant et vous craindriez de donner ouverture à un privilège insignifiant qui peut se réduire à quelques centaines de francs, qui peut même devenir une charge dans certaines années. Je ferai remarquer qu'en Angleterre on n' pas eu le même scrupule qu'en France; l'bonnement existe depuis longues années, et j'voue que je me laisse volontiers aller à imiter l'Angleterre. Mais sans aller chercher des exemples au dehors, il me semble que nous trouvons (page 823) déjà dans notre législation quelque chose qui approche de bien près à un abonnement en matière d'impôt.
Qu'est-ce, en effet, si ce n'est un abonnement, que cette stipulation de la loi des sucres qui impose aux industriels, chacun dans une certaine proportion, l'obligation de compléter, en cas d'insuffisance, la somme de trois millions et demi que l'ccise sur les sucres doit faire rentrer au trésor public?
S'il était question d'affranchir la banque de l'obligation de payer les droits de timbre, il y aurait privilège; mais ici de quoi s'git-il? De faire une moyenne des droits que la banque aura à payer pour la confection d'une quantité donnée de billets. Les livres de la Société Générale, depuis 27 ans, et de la Banque de Belgique, depuis 10 ans, fourniront à cet égard des éléments certains pour asseoir les calculs et ces établissements ne refuseront pas de les communiquer à M. le ministre. Il ne peut pas y avoir dommage pour le trésor ; par contre, le public y trouvera un grand avantage, et il n'y a pas à craindre qu'il s'élève contre le privilège, sous ce rapport.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Cans :
« Article 9, deuxième alinéa. Supprimer les mots : Elle ne peut emprunter. »
« Art. 12. Les billets de la Banque Nationale sont exempts de la formalité du timbre : pour rachat du montant des droits qu'elle aurait à payer de chef, la banque versera annuellement au trésor une somme à déterminer d'près le nombre et le montant de ses billets en émission. »
« Art. 16. La banque ne peut acquérir des fonds publics que pour la réserve énoncée à l'rticle 6. »
« Chaque opération devra être autorisée par le gouvernement. »
- Cet amendement sera imprimé et distribué.
M. le président. - Vous avez chargé le bureau de nommer une commission pour examiner le projet de loi de la délimitation de communes qui a été présenté dans la séance d'hier; cette commission se compose de MM. Thibaut, de Liedekerke, Lelièvre, de Baillet-Latour et Jacques.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.