(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 418) M. A. Vandenpeereboom fait l'appel nominal à midi et un quart.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces qui ont été adressées à la chambre.
« Plusieurs distillateurs de la ville de Gand présentent des observations contre la proposition tendante à réduire la restitution des droits sur les genièvres indigènes destinés à l'exportation. »
M. T'Kint de Naeyer. - Je demande que cette pétition soit renvoyé à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi portant des modifications au régime des distilleries.
- Cette proposition est adoptée.
« Un grand nombre d'habitants de Hasselt prient la chambre de modifier la loi sur la garde civique en ce sens, que les petites villes et notamment celle de Hasselt, ne soient plus assujetties au service actif de la garde. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les membres d'une société de rhétorique établie à Saint-Nicolas demandent que, dans les provinces flamandes, l'enseignement de la langue flamande soit obligatoire dans les athénées et collèges, et qu'on soit tenu de faire usage de cette langue pour l'enseignement de l'allemand et de l'anglais. »
- Même renvoi.
« Plusieurs propriétaires et cultivateurs de Tongerloo demandent le maintien de la loi de 1834 sur les céréales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Le sieur Lazare Richtenberger, à Bruxelles, né à Aschaffenbourg (Bavière) demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
M. A. Dumon. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau le rapport de la section centrale du budget du département des travaux publics, à laquelle vous avez renvoyé le projet de loi ouvrant un crédit provisoire de fr. 1,320,372 38 au département des travaux publics pour les dépenses du mois de janvier 1850.
Votre commission, messieurs, vous propose d'allouer le crédit.
Comme il est nécessaire que la loi soit insérée dans le Moniteur de lundi prochain, j'ai l'honneur de proposer à la chambre de décider qu'elle modifiera son ordre du jour et qu'elle s'occupera immédiatement de la discussion du projet de crédit provisoire.
- La chambre, consultée, décide qu'elle s'occupera immédiatement de la discussion de ce projet de crédit provisoire.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère des travaux publics un crédit provisoire de un million trois cent vingt mille trois cent soixante et douze francs trente-huit centimes (fr. 1,320,372-38), pour faire face aux dépenses du mois de janvier de l'exercice 1850. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1850. »
- Adopté
Il est procédé à l'appel nominal pour le vote sur l'ensemble du projet de loi. En voici le résultat :
Le projet est adopté à l'unanimité des 66 membres qui ont répondu à l'appel. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu à l'appel : MM. Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Faignart, Fontainas, Jouret, Lange, Lebeau , Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Osy, Peers, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke et Verhaegen.
M. le président. - Avant de reprendre la discussion du projet de loi relatif au traité conclu avec la France, je propose à la chambre de s'occuper d'une demande de crédit supplémentaire au département des affaires étrangères.
- Cette proposition est adoptée.
La discussion générale est ouverte.
M. Moxhon. — Messieurs, je donnerai un vote approbatif au crédit qui vous est demandé. Je saisis l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à la mission toute d'humanité qu'a accomplie M. Cloquet.
Je saisis avec le même empressement la même occasion de flétrir, du haut de cette tribune, l'esprit d'agiotage qui naguère a fait tant d'honnêtes mais trop crédules victimes.
Si je jette un regard sur des faits douloureux, quoique accomplis, mon but unique est de sauvegarder l'avenir. J'engage le gouvernement du Roi à veiller à ce qu'en autorisant la création de sociétés anonymes ou en commandite, il ne soit plus sanctionné, sous le régime du laisser-faire et laisser-passer, certains actes qui ressemblaient à de l'escroquerie, organisée sous l'égide de la loi.
Il y a, dans la vie des peuples, des époques où des hommes se remissent avec le sentiment de bien vivre, plutôt que de bien faire. L'hypocrisie remplace la foi aussi bien en religion qu'en politique. C'est dans ces temps où la morale publique est ébranlée, qu'il importe aux gouvernements d'assembler autour d'eux tous les éléments de probité, de vérité, seule force réelle et impérissable. Ce fut dans des temps malheureux semblables, que le sol belge ne put plus suffire à l'avidité de l'agiotage. On trouva un terrain neuf; ce fut Guatemala. Qui de nous, messieurs, ne se rappelle les jongleries qui précédèrent le départ des colons. On poussa le cynisme jusqu'à y faire intervenir les cérémonies augustes de la religion.
Aussi longtemps qu'on pouvait faire des dupes, l'argent abondait pour leur transport. Aussitôt qu'il fallait quelque peu d'or, pour les ramener vers la mère patrie, on n'en trouva plus. On laissa impitoyablement périr le plus grand nombre sur cette plage inhospitalière.
Le gouvernement, au début de cette entreprise inique, assuma une responsabilité bien grave. Ce fut d'adresser, par tout le territoire belge, des circulaires qui engageaient et les particuliers et les communes et les bureaux de bienfaisance eux-mêmes, à verser leurs économies dans ce gouffre, qui a englouti tant d'argent et tant de nos infortunés concitoyens. J'ai dit.
M. Mercier. - Je donnerai mon approbation au crédit demandé. Mais je ferai remarquer que l'on ne s'est pas conformé à la loi sur la comptabilité. Je n'insisterai pas sur cette observation, parce que lorsque l'honorable M. Osy et moi l'avons formulée, à propos d'un autre crédit, le projet de loi était déjà présenté. J'espère qu'à l'avenir le gouvernement se conformera à la loi sur la comptabilité.
M. Moxhon. -Je demanderai au gouvernement quelle est la politique qu'il compte suivre dans l'affaire de Guatemala.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - La politique du ministère actuel vis-à-vis de la compagnie de colonisation de Guatemala sera ce qu'elle a toujours été. Le gouvernement n'a pas cru devoir intervenir directement en faveur de cette entreprise. Mais il est toujours venu en aide aux colons, lorsque cela a été nécessaire.
Si cependant on pouvait indirectement créer des relations commerciales avec le centre de l'Amérique en fondant un comptoir à Santo-Tomas, je crois que ce serait un bien pour notre commerce et qui réagirait sur la colonie elle-même. Le gouvernement a pris pour règle de ne pas intervenir directement dans cette société; mais s'il pouvait indirectement concourir à l'établissement d'un comptoir, il n'y manquerait pas.
L'honorable M. Moxhon disait qu'on avait abandonné en quelque sorte les malheureux colons sur cette plage. C'est une erreur; car chacun doit se rappeler qu'on a envoyé à Guatemala un navire, dans un but d'humanité, pour offrir aux colons un moyen de revenir gratuitement (page 419) dans la mère patrie, Soixante-cinq sont revenus par ce navire. Ceux qui sont restés l'ont bien voulu.
M. Rodenbach. - Je n'ai demandé la parole que pour engager fortement M. le ministre des affaires étrangères à établir à Santo-Tomas un comptoir; car nous faisons dans ce pays des exportations assez considérables. Un comptoir serait donc très utile au commerce et à la navigation.
Lorsqu'il a été question d'établir, dans l'intérêt du pays, une société d'exportation sur une grande échelle pour nous ouvrir des débouchés, il a été également question d'établir des comptoirs d'escompte. Puisqu'on a ajourné la première de ces créations, on devrait au moins donner suite au second projet qui pourrait nous débarrasser du trop plein de notre immense fabrication; car nous fabriquons beaucoup trop.
Je vois avec plaisir que M. le ministre des affaires étrangères est disposé à favoriser l'établissement d'un comptoir à Guatemala. Je l'engage à poursuivre et à étendre cette idée qui peut être féconde en résultats heureux.
M. De Pouhon. - Puisqu'il est question de la colonie de Santo-Tomas de Guatemala, je demande la parole pour attirer l'attention sérieuse du ministère sur ce sujet. Il se prépare une honte pour la Belgique et pour son gouvernement, s'il n'est pris des mesures pour s'assurer et consolider une position qui doit acquérir inévitablement et sous peu une immense importance. Les Américains de l'Union sont occupés de l'exécution de deux voies de jonction des deux mers. Vous voyez les difficultés que l'Angleterre cherche à leur opposer. C'est qu'en effet il s'agit, pour elle, de prévenir toute une révolution dans le commerce du monde, révolution qui se fera à son préjudice, car elle pourra faire pas série trident dans les mains de ses entreprenants rivaux.
On conçoit toute l'importance que cet événement doit donner aux contrées de l'Amérique centrale rapprochées des voies de jonction, et en particulier à l'établissement de Santo-Tomas; ce serait un sujet d'éternel regret pour notre pays de le lui voir échapper.
Je ne sais ce que cette colonie a pu coûter à l'Etat belge, mais ce doit être très peu de chose, et ce sacrifice n'a pas été sans résultat utile. Il m'a été dit dernièrement qu'en deux mois il était parti six navires pour Santo-Tomas de Guatemala. Il n'est pas de destination dans les pays transatlantiques vers laquelle il ait jamais été expédié en si peu de temps autant de navires chargés de produits nationaux. Il faudrait chercher à entretenir et à développer ce mouvement d'affaires.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Le gouvernement ne méconnaît pas l'importance commerciale du port de Santo-Tomas. Il a fait connaître que s'il se présentait une société pour y établir un comptoir, elle pouvait compter sur l'appui du gouvernement. Une négociation avait été entamée à ce sujet. Le gouvernement avait espéré d'abord un bon résultat ; mais il ne peut accorder son concours à tout prix; il faut des conditions raisonnables. Lorsque ces conditions seront proposées, il fera ce qui est le plus utile pour nos relations commerciales, c'est-à-dire qu'il concourra à l'établissement d'un comptoir. Si l'on pouvait à côté de l'élément agricole créer l'élément commercial, ce serait assurément le plus grand bienfait dont on pût doter la colonie. Si l'occasion s'en présente, le gouvernement est prêt à venir en aide à ceux qui voudront placer leurs capitaux dans cette entreprise.
-La discussion est close.
« Art. 1er. Les crédits ouverts aux budgets du département des affaires étrangères, pour les exercices 1847 et 1848, sont diminués, savoir :
« Exercice 1847.
« Chapitre premier. Article 3. Frais des commissions d'examen : fr. 428 50.
« Chapitre II. Article 5. Pays-Bas : fr. 2,416 66.
« Chapitre II. Article 6. Italie: fr. 27,185 19.
« Chapitre II. Article 12. Espagne: fr. 4,756 96.
« Chapitre II. Article 13. Grèce: fr. 6,438 33.
« Chapitre VI. Article premier. Ecoles de navigation: fr. 28 68.
« Chapitre VI. Article 2. Chambres de commerce: fr. 869 18.
« Chapitre VI. Article 3. Frais divers et encouragements au commerce: fr. 184 14.
« Chapitre VI. Article 4. Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d’Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, etc. : 50 c.
« Chapitre VI. Article 5. Primes pour construction de navires: fr. 503.
« Chapitre VI. Article 6. Pêche maritime: fr. 1,120 22.
« Ensemble: fr. 43,931 36 .
« Exercice 1848
« Chapitre I. Art. 3. Frais des commissions d'examen : fr 970.
« Chapitre II. Art. 3. France : fr. 778 64.
« Ensemble : fr. 1,748 64. »
- Adopté.
« Art. 2. Les sommes de quarante-trois mille neuf cent cinquante et un francs trente-six centimes et de dix-sept cent quarante-huit francs soixante-quatre centimes, ensemble quarante-cinq mille sept cents francs, retranchées des budgets de 1847 et de 1848, serviront à couvrir l'insuffisance des crédits alloués au budget du département des affaires étrangères pour les exercices 1847, 1848 et 1849, et seront ajoutées au montant des allocations suivantes du budget de 1849 :
« Chapitre I. Art. 5. Pensions des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 5,000. »
« Chapitre V. Art. 22. (Frais à rembourser aux agents du service extérieur.) Frais divers : fr. 29,300. »
« Chapitre VI. Art. 24. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 11,400.
« Ensemble ; fr. 45,700. »
- Adopté.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet qui est adopté à l'unanimité des 68 membres présents.
Ce sont : MM. Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debroux, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, de Perceval, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste), Faignart, Fontainas, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Osy, Peers, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thierry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Van Hoorebeke et Verhaegen.
M. le président. - Le sénat vient de nous informer qu'il a adopté le projet de loi ayant pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire au sieur Antoine-Gustave Radou, capitaine de navire à Anvers.
- Pris pour notification.
M. Vermeire. - Messieurs, en demandant, dans la séance d'hier soir la parole dans la discussion du traité de navigation et de commerce avec la France, je voulais vous présenter en partie les observations que l'honorable M. Osy a exposées si clairement, si lucidement.
Précédé par cet honorable membre qui possède si bien ces matières, en homme pratique et théorique, ma tâche sera de beaucoup allégée.
Messieurs, je n'entrerai pas dans des chiffres ni dans des faits pour démontrer que les traités de navigation en général ne profitent guères aux pays qui n'ont qu'une marine restreinte.
Huskisson, économiste anglais, convaincu de cette vérité, engageait le gouvernement britannique à faire beaucoup de ces traités avec les petits Etats. Voici comment il s'exprimait à cet égard, dans un de ses discours prononcé il y a plus de 25 ans.
« Les traités de réciprocité, dit-il, sont le seul moyen, mais un moyen sûr d'entraver le développement de l'industrie et du commerce extérieur des nations étrangères et par conséquent le seul moyen de maintenir la supériorité de ces mêmes sources de la prospérité britannique. »
Si donc des traités reposant sur des bases de parfaite réciprocité sont si nuisibles aux petits Etats, à plus forte raison le deviennent-elles, lorsque la partie la plus puissante s'est réservé la part du lion.
Et, en effet, messieurs, cette convention, comme l'appelle la section centrale, n'accorde-t-elle pas à la France plusieurs avantages sans compensation aucune pour la Belgique?
Ne concédons-nous pas aux navires français le commerce du cabotage sur nos côtes, tandis que nos nationaux en sont exclus sur les côtes françaises?
Où est la réciprocité de concession pour notre poisson à son entrée en France?
N'abandonnons-nous pas en faveur des navires une partie du monopole que nous nous étions réservé pour le transport des sels?
Eh, messieurs! qu'on ne vienne pas nous dire, comme a essayé de le faire hier l'honorable ministre des affaires étrangères, en répondant à l'honorable baron Osy, que c'est là une concession de peu d'importance, puisque depuis quelques années nous n'avons plus importé des sels français.
Non, messieurs, c'est là le point capital du traité, puisque, de l'aveu même de M. le ministre, il n'était qu'à ce prix; c'était à prendre ou à laisser.
La France, en faisant ce traité, n'a en vue que de regagner le marché belge pour ses sels, et elle croit y parvenir d'autant plus facilement, que les prix des sels bruts, sur les marchés français, ont considérablement, diminué et sont tombés de fr. 1,000 sur fr. 500.
Mais, messieurs, en supposant même que là n'est pas le danger, et que nous continuions à exclure les sels français et à ne nous approvisionner qu'en Angleterre, croyez-vous, que le gouvernement britannique ne réclamera pas pour son pavillon la même assimilation que vous accordez à la France?
Evidemment, oui. L'honorable baron Osy ne vous a-t-il pas dit hier que, depuis sa nouvelle législation de navigation, l'Angleterre réclame (page 420) partout l'assimilation de son pavillon aux pavillons nationaux étrangers, même avec menace, en cas de refus, d'appliquer à ces pays les articles X et XI du Navigation Act, c'cst-à-dire de frapper les navires et les marchandises de ces pays, a leur importation en Angleterre, de droits exceptionnels.
Si vous accordez cette dernière assimilation, et vous ne pourrez la refuser, non seulement vous laissez participer la marine anglaise au transport des sels, mais à la longue vous le lui abandonnerez entièrement, car les navires anglais qui viennent charger à Anvers, à Ostende ou dans tout autre port belge, préféreront se lester de sels, plutôt que de sables ou de pierres, parce qu'en ce cas, ils ne doivent payer ni chargement, ni déchargement, et pourront ainsi transporter le sel en Belgique même sans fret.
On pourrait me dire que là il n'y a point de mal, puisque cela diminuerait le prix du sel, lequel est un objet de première nécessité au peuple. Mais oublie-t-on que ce qui constitue la valeur du sel c'est l'accise élevée dont il est frappé et non le prix du sel brut?
Maintenant, messieurs, le transport du sel forme un des principaux aliments de notre marine marchande. Sur 155 navires que nous possédons, 41 bâtiments s'occupent, soit en partie, soit en totalité, de ce transport.
Messieurs, si mes prévisions devaient se réaliser en fait, nous ne pourrions trop tôt changer notre législation sur les droits différentiels, laquelle n'a eu pour but principal que d'augmenter et de relever notre marine marchande. Et sous ce rapport elle l'a atteint, car incontestablement on construit maintenant plus de navires que jamais et le nombre de nos bâtiments de mer augmente considérablement, et cela même, à tel point, que mon honorable ami M. Julliot croit déjà la marine dans une voie assez prospère, pour lui retirer toute prime ultérieure.
Encore quelques traités comme celui-ci, et je crois que l'honorable M. Julliot pourra se dispenser de développer sa proposition de loi. Elle deviendra sans objet, car la construction navale cessera d'elle-même.
Je ne discuterai pas, messieurs, les avantages de cette loi; toutefois je constaterai, et c'est par laque je termine, que la loi des droits différentiels a eu quelques bons résultats pour le commerce et la navigation belge, et que c'est pour ce motif qu'elle est le point de mire des attaques des nations plus puissantes. Nous en trouvons un nouvel aveu précieux dans le même économiste anglais Huskisson. « Les droits différentiels qui assurent à une nation ses propres relations commerciales amènent la prospérité de l'industrie et du commerce. Ce système est pour tous les peuples un moyen efficace de grandeur et de progrès.
« Il est surtout avantageux aux nations dont la marine marchande est inférieure; et s'il est suivi par ces nations, il est nuisible à celles dont la navigation est relativement supérieure, puisqu'elles ne peuvent que perdre en proportion de l'accroissement des premières.
« Vu la supériorité du commerce et de la navigation maritime de de l'Angleterre, il est de son intérêt que les autres nations ne suivent pas cette politique et qu'elles acceptent des traités de réciprocité, parce qu'alors les faveurs différentielles qu'elles se sont données disparaissent pour le pavillon britannique. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'honorable préopinant a présenté quelques observations auxquelles je crois devoir immédiatement répondre.
D'abord il exprime d'une manière générale et absolue l'opinion que les traités de réciprocité en matière de navigation profitent peu aux Etats dont la marine est restreinte, et il applique cette opinion au traité du 17 novembre. Sans doute notre marine est infiniment plus restreinte que la marine française; mais il ne faut pas croire que les 15,000 navires de la France vont s'occuper de l'intercourse entre les ports de France et les ports de Belgique. Mais en compensation la France nous accorde l'assimilation pour une étendue de côtes et pour un nombre de ports bien plus considérables que nous ne pouvons lui offrir; d'un autre côté, le marché de la France est infiniment plus important que celui de la Belgique.
Il y a donc là une large compensation. Si un traité semblable était fait entre deux pays, ayant la même étendue de côtes et le même nombre de ports, dont l'un aurait une marine considérable et l'autre une marine restreinte, il n'y aurait pas égalité d'avantages ; mais ici la compensation existe dans l'étendue du marché qui nous est ouvert, dans l'étendue des côtes, dans le nombre des ports. Dans tous les cas, si des objections de cette nature pouvaient faire quelque impression, elles se seraient appliquées à plus forte raison aux traités avec les Etats-Unis, avec le Zollverein, avec la Hollande. Ils ont aussi une marine bien plus considérable que la nôtre. Il est reconnu que nous pouvons plutôt lutter avec la marine française qu'avec les autres marines que je viens de citer. La marine française n'est pas dans des conditions aussi avantageuses que celle des Etats-Unis et de la Hollande. Elle est tellement peu dans des conditions aussi favorables qu'elle est constamment dans un état d'infériorité même pour l'exploitation de l'intercourse entre la France et ces différents pays.
Depuis son traité de 1840 avec les Pays-Bas, dont les dispositions concernent la navigation sont les mêmes que celles qui vous sont soumises, le pavillon des Pays-Bas obtient pour les importations en France 62 p. c. et le pavillon français 54; pour les exportations, le pavillon des Pays-Bas, 46 p. c. et le pavillon français 43.
Pour ses relations directes avec le Zollverein :
Importations en France, pavillon du Zollverein 62 p. c. ; français, 8 p; c;
Exportations, pavillon du Zollverein, 63 p. c, français, 14 p. c;
Avec l'Angleterre ; importations, pavillon anglais, 75 p. c; français , 23 p. c. ;
Exportations, pavillon anglais, 78 p. c; français, 10 p. c. ; Pour les Etats-Unis, cela va encore plus loin; pour les importations, leur pavillon obtient 80 p. c.et pour les exportations de France, 82 p.c.
Pour nous, dans quelle proportion entrons-nous dans l'intercourse ? Pour les exportations 7 p. c. et pour les importations 4 p. c. L'honorable M. Vermeire conviendra que, si le traité est destiné à faire du tort à notre marine, il serait impossible que ce tort fût considérable, mais quant à moi, je suis convaincu qu'il résultera du traité une extension très considérable de notre marine et des rapports de navigation entre les ports belges et les ports français.
Et si ce résultat n'avait pas lieu, je dois le dire, messieurs, cela ne prouverait pas beaucoup en faveur de la marine marchande belge. Dans l'état actuel des choses, les ports français sont en quelque sorte fermés, à nos navires; ils y rencontrent des droits si élevés, qu'ils peuvent les considérer comme inabordables. Je demande à l'honorable membre s'il n'y a pas un grand avantage à donner accès dans les ports français à toute notre navigation marchande.
L'honorable M. Vermeire est revenu sur les observations qu'a présentées hier M. Osy en ce qui concerne le sel. La crainte qu'éprouvent les honorables membres, c'est que l'Angleterre ne nous demande d'abolir le monopole du transport du sel. On comprend, messieurs, qu'il m'est impossible d'entrer dans des détails sur les négociations ouvertes ou à ouvrir avec l'Angleterre. Je ne le ferai pas. Mais je dis que si l'Angleterre voulait, dans la négociation d'un traité à intervenir, demander cette condition, elle l'aurait fait avant aussi bien qu'après le traité du 17 novembre. Je ne regrette qu'une chose, c'est qu'une discussion ait été ouverte sur ce point ; les honorables membres qui l'ont fait étaient, sans doute, dans leur droit ; mais en le faisant ils ont mal servi les intérêts qu'ils veulent défendre.
Car peut-être telle demande qui n'a pas été formulée jusqu'à présent, pourrait l'être à la suite de ce débat.
Dans tous les cas, je ne crois pas devoir revenir sur ce que j'ai dit quant au sel. Je me bornerai à répéter que la question n'est pas la même vis-à-vis de l'Angleterre que vis-à-vis de la France. Jetez un coup d'œil sur le tableau des importations, vous verrez que sur 41,962,022 kil. importés en 1848, pas un seul kilogramme n'est venu de la France.
A la vérité, M. Vermeire pense qu'à la suite du traité il va nous arriver de France des quantités considérables de sel. Mais alors pourquoi nos navires n'iraient-ils pas maintenant le chercher ? Pourquoi? C'est que la qualité du sel français n'est pas la même que la qualité de celui qui nous vient de l'Angleterre et du Portugal, sans cela on aurait le même avantage à aller en France qu'en Angleterre; mais il est impossible que le sel de France rivalise avec celui d'Angleterre et de Portugal.
M. Vermeire. - Pourquoi le traité n'est-il conclu qu'à ce prix ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Parce que cette condition se trouvait dans le traité de 1838.
L'honorable préopinant nous a dit que la construction des navires va diminuer à la suite du traité. Mais j'ai démontré tout à l'heure qu'au contraire notre marine était destinée à prendre du développement, par suite de l'assimilation du pavillon dans l'intercourse avec la France. C'est évident. Loin donc que la construction des navires s'en trouve ralentie, le traité lui donnera une nouvelle impulsion.
Quant à son influence sur notre régime de droits différentiels, elle est complètement nulle. Ce traité est conclu sur les mêmes bases que les traités avec les Etats-Unis, avec le Zollverein, avec les Pays-Bas. Il ne porte pas plus d'atteinte au système des droits différentiels que les traités précédemment votés par la chambre. Remarquez que la protection en faveur des importations directes subsiste dans toute sa force. Les importations des provenances directes des pays transatlantiques jouissent toujours des avantages les plus notables. Le traité n'y apporte qu'une modification peu importante. Je prendrai pour exemple l'importation des cafés. Le café, importé directement des pays de provenance paye lorsqu'il est importé :
Sous pavillon belge fr. 9 00
Sous pavillon étranger fr. 9 50
Quand il est importé d'un entrepôt européen.
Sous pavillon belge fr. 13 95
Sous pavillon étranger fr. 15 50.
Les importations directes des pays de provenance jouiront donc encore, en ce qui concerne le café, d'une réduction de 4 fr. 95 c. par 100 kilog. C'est là un avantage très notable.
Que la chambre se le rappelle bien : le traité dont il s'agit ne stipule que pour l’intercourse et nullement pour la (erratum, page 423) navigation indirecte. Par conséquent, il ne porte aucune atteinte à notre système de droits différentiels.
M. Delehaye. - Pour bien apprécier une convention nationale, il faut nécessairement se placer au point de vue des deux parties contractantes. Si l'on n'examine que les concessions que l'on fait, on est fatalement induit à se faire une fausse idée des résultats de la convention. Je ne serais pas étonné que cette convention fût, de la part des députés français, l'objet des mêmes critiques qu'on lui a adressées dans cette enceinte. (page 411) Je suis persuadé que tout ce que nous faisons valoir contre le traité, on le fera également valoir en France contre le traité. Que faut-il en conclure ? C'est qu'on est toujours désireux d'obtenir beaucoup et d'accorder peu de chose.
Je veux imiter la réserve dont mon honorable collègue et ami M. de Perceval m'a donné l'exemple. Je ne suis point ébloui par les stipulations de la convention. Elle présente cependant un avantage considérable: elle met un terme à un état d'hostilité entre la Belgique et la France et nous pourrons jouir de tous les avantages dont jouissaient, à notre détriment et au détriment du gouvernement français, les pavillons étrangers.
Indépendamment de cela, nous devons avoir égard à l'importance politique qui résulte de cette convention. Il importe à la Belgique d'avoir des relations amicales avec la France. Tout ce qui pourra tendre à cimenter cette amitié, ces bons rapports, obtiendra mon assentiment.
On reproche à la convention actuelle plusieurs griefs. Le premier émane d'un député de la Flandre occidentale, de l'honorable M. Rodenbach. Je regrette, ainsi que l'honorable membre (et le ministère, regrette probablement autant que nous), que nous n'ayons rien pu obtenir pour la pêche nationale. Mais remarquez que la France attache la même importance que nous à sa pêche nationale.
Je demanderai s'il est bien prudent d'émettre, dans une séance publique, des doléances sur la pêche nationale quand on pense que, plus nous élevons la voix, plus les exigences de nos voisins vont s'accroître.
Je suppose que dans des conventions subséquentes sur une échelle plus large on obtiendra de nouvelles concessions. Il suffira de bien éclairer les députés français et de dissiper les préventions dont notre pêche nationale est l'objet.
On a exprimé la crainte que le traité n'autorise les navires français à introduire en Belgique, avec exemption des droits de douane, du sel chargé en Angleterre, en Portugal ou en Espagne. Mais la convention ne contient aucune clause qui justifie cette crainte.
Enfin l'on a supposé que l'Angleterre réclamerait les avantages que le traité assure à la France, mais elle ne peut les réclamer en invoquant cette convention. Elle ne pourrait les obtenir que par une convention dont les conditions seraient débattues, et qui n'est nullement préjugée par la convention conclue avec la France. Au reste, je conçois très bien que cette question est hérissée de difficultés.
J'imiterai le silence de M. le ministre des affaires étrangères sur ce point. Je n'en dirai pas davantage. Mais que l'on soit bien convaincu de ce fait, c'est que la convention ne peut exercer aucune influence sur les dispositions que peut prendre l'Angleterre.
Un honorable préopinant nous a cité l'opinion d'Huskisson, économiste célèbre. Mais cette opinion est démentie par les faits. D'après Huskisson, les traités de navigation sont plutôt défavorables que favorables à la navigation. Eh bien, je demanderai à mon honorable contradicteur comment il se fait que, depuis la convention entre l'Angleterre et la France, la navigation entre les deux pays ait quintuplé et même plus. Je prie mon honorable contradicteur de nous dire si la conséquence qu'il tire de l'opinion d'Huskisson est confirmée par ce fait.
Je vais plus loin. Il me paraît probable que nous obtiendrons également des avantages pour notre navigation. Pour moi, je suis convaincu que lorsqu'on comprendra bien la portée de cette convention, un service à vapeur s'établira entre la Belgique et la France. Il y aura par la voie de mer des relations régulières entre les deux pays.
Mais le traité n'eût-il d'autre résultat que de faire cesser cette espèce de vasselage qu'exerçaient à notre détriment et au détriment de la France les navires étrangers, que ce motif suffirait pour que nous donnions notre approbation au traité.
J'ai fait partie de la section centrale : j'ai assisté à toutes ses délibérations ; j'ai prêté une grande attention à tout ce qui s'y est dit, et je suis demeuré convaincu que nos navires pourront importer les produits français importés en Belgique. Quelle difficulté y a-t-il à ce que ce soient nos navires belges qui ont transporté nos houilles en France qui nous importent les produits français aujourd'hui importés par navires étrangers?
Chaque jour nous voyons dans les journaux que tel navire allemand, hollandais, est arrivé dans nos ports chargé de produits français. Avec la convention actuelle, vous pouvez faire cesser cet état de choses, vous pouvez accorder à notre pavillon, au pavillon français, la part qu'ont aujourd'hui les navires étrangers dans nos importations.
L'impartialité m'oblige à dire que je n'ai pas bien compris M. le ministre des affaires étrangères, lorsqu'il a dit que la section centrale avait blâmé quelques-uns de ses actes. Il n'est entré dans la pensée d'aucun de nous de déverser le moindre blâme sur le gouvernement. Nous savons qu'il n'a pas pu obtenir tout ce qu'il aurait voulu, nous ne l'avons blâmé en aucune manière.
Une opinion a été émise sur l'article 5; mais je dois dire que c'est précisément par un document que nous a communiqué M. le ministre des affaires étrangères, que notre attention a été attirée sur ce point. La réponse de M. le ministre des affaires étrangères a été telle que nulle objection n'a été maintenue contre l'article.
Je finis donc en vous priant de donner votre assentiment à la convention. Je puis le faire avec d'autant plus d'impartialité que les avantages qui en résultent ne sont pas pour ma localité, nouvelle preuve que ce n'est pas l'esprit de localité qui nous dirige. Je vois dans la convention un avantage pour toutes les branches d'industrie, un avantage pour les navires et pour l'industrie française; enfin j'y vois un avantage que je ne veux pas méconnaître, auquel j'attache même un grand prix, du avantage politique. Je voterai pour le projet loi.
(erratum, page 423) M. Le Hon, rapporteur. - Ce n'est pas moi' qui blâmerai le gouvernement de chercher à resserrer par des actes politiques les liens qui nous attachent à la France; liens formés de sentiments de bon voisinage, de souvenirs de reconnaissance et de nombreuses relations d'intérêt.
Aussi, dans le sein de la section centrale, ai-je appuyé, comme conclusion, le vote approbatif qu'elle vous propose de donner au projet de loi, et ai-je déterminé avec impartialité, comme rapporteur, la mesure probable des avantages que cette convention peut apporter à chacune des parties contractantes.
D'ailleurs, je tiens pour règle qu'un Etat ne peut annuler deux fois la signature de ses agents accrédités, à moins de désaveu.
Après cette part faite aux convenances internationales, ce nous était un devoir d'apprécier la valeur réelle du résultat, son caractère et ses conditions. La section centrale l'a rempli.
M. le ministre des affaires étrangères a essayé de répondre à nos critiques. Les a-t-il réfutées? Je pense que non. Il me sera facile de vous en convaincre en complétant les arguments du rapport par des rapprochements et des faits qui dissipent, jusqu'à l'ombre d'un doute.
M. le ministre a paru s'étonner que nous ayons contesté l'importance de son œuvre et refusé notre sanction au titre dont il l'a décorée. La chose est pourtant fort simple, et c'est lui-même qui m'en fournit la preuve.
J'ouvre l'exposé des motifs : j'y trouve, page 1re, ce passage : « L'on sait déjà qu'en 1838, une convention de réciprocité maritime intervint entre les deux Etats. »
« Je poursuis ma lecture, page 2ème : « ... 'ensemble de nos relations de commerce avec la France, dit M. le ministre, embrasse des questions différentes par leur nature, différentes par leur importance, différentes par leur actualité; il n'en est point sur lesquelles la sollicitude du gouvernement ne se soit portée.....
« Le gouvernement du Roi n'est pas resté inactif; mais il ne croit pas le moment venu de rendre compte de tout ce qu'il a fait et de ce qu'il se propose de faire encore. La chambre me permettra de ne l’entretenir que de ce qui forme l'objet spécial du traité du 17 novembre. »
On nous annonce donc des méditations profondes, des études incessantes et, pour premier résultat de tant d'efforts... un traité de navigation et de commerce avec la France.
Quelle ne fut pas notre surprise en reconnaissant, sous ce titre nouveau, la modeste convention de réciprocité maritime de 1838,presque littéralement reproduite. Je vous le demande : le même acte peut-il changer de nom et de nature en changeant de date? Peut-il être autre chose à la page 2° de l'exposé des motifs qu'à la page 1re ?
La question du titre n'est pas insignifiante. Il ne faut pas aider par les mots à l'illusion d'un traité de commerce entre la France et la Belgique. Pareil traité, le rapport vous l'a dit, n'existe pas et reste encore à faire.
M. le ministre allègue que cette qualification appartient à l'acte du 17 novembre, parce que ses effets s'étendent aux navires et à leurs cargaisons. C'est là une erreur; les cargaisons ne sont affranchies que de la surtaxe de navigation à l’entrée par mer et à raison du pavillon. Le traitement de faveur n'est accordé qu'au mode de transport. C'est le caractère propre et l'effet ordinaire des conventions de navigation. Il n'y a pas de stipulations douanières proprement dites.
M. le ministre se prévaut des actes nombreux de notre diplomatie qu'on a qualifiés de la sorte depuis quelque temps. Oui, assurément, on a fait, au nom de la Belgique, beaucoup de ces prétendus traités depuis sept ans. Le gouvernement belge a paru atteint de la fièvre des traités : il en a conclu avec tout le monde, voire même avec le plus petit des princes de l'Allemagne : mais cela ne prouve rien. Le formulaire diplomatique n'a pas l'élasticité que lui prête l'amour-propre des négociateurs. Je citerai sur cette question une autorité respectable, celle du comte Mole. Ministre des affaires étrangères de France. En 1838, il signa la convention de navigation du 22 septembre et, d'accord avec le plénipotentiaire belge, il jugea que cet acte n’était, ni par sa nature, ni par son objet assez important pour donner lieu à l'échange de distinctions en usage après la conclusion des traités.
Le seul moyen de rester dans le vrai et de ne fausser les idées de personne ni en France ni en Belgique, c'est d'appeler les choses par le nom qui leur est propre, sans égard ni complaisance pour les petites combinaisons où l'intérêt du pays n'est pour rien. J'ai dit que l'acte du 17 novembre 1849 reproduisait la convention du 22 septembre 1838 : je me suis trompé; il l'a amoindrie, car il a exclu l'intercours indirect, c'est-à-dire les provenances des ports européens, autres que ceux de la Belgique; provenances que favorisait, à l'égal des autres, la première convention; et veuillez remarquer que le maintien de cette assimilation était dans l'esprit de notre loi générale du 21 juillet 1844, qui accorde le traitement de faveur au pavillon, sans distinction de provenance, sauf les cas de navigation lointaine, pour les expéditions des lieux situés au-delà des caps Horn et de Bonne-Espérance.
L'application des stipulations du traité aux importations par les canaux intérieurs n'est d'aucun avantage réel. Les marchandises entrant en France par cette voie restent frappées des droits de douane imposés aux (page 424) navires étrangers, et sont, par conséquent, grevées, comme aujourd'hui, de surtaxes onéreuses de navigation. On a copié une des clauses insérées dans le traité différentiel de la Franco avec les Pays-Bas: stipulation utile vis-à-vis, de la Hollande, mais insignifiante et nulle pour nous à l'égard de la France.
M. le général La Hitte a fait l'aveu qu'elle n'avait d'autre objet que de couvrir les transports belges par terre, vers la frontière française, contre l’éventualité d'un exhaussement de droit, à raison de la nationalité du mode de transport. Or, la France n'a pas même usé de représailles à l’époque où ses bateliers étaient assujettis en Belgique à un droit différentiel de patente : pourrait-elle en avoir la pensée, alors que, depuis 1850, ses bateaux jouissent chez nous du traitement national et que toute mesure d'aggravation retomberait sur eux? La garantie d'une stipulation n'est-elle pas superflue quand on a celle de l'intérêt commun?
Mais cette convention amoindrie est chargée de quelques conditions nouvelles. Ces conditions consistent : 1° dans un droit conventionnel au remboursement du péage do l'Escaut pendant dix années. Les clauses analogues de plusieurs actes invoqués par M. le ministre ne détruisent pas là force des précédents posés dans les conventions avec le Hanovre et le Danemark. De ces deux Etats, vous avez exigé et obtenu des compensations. Quelle valeur voulez-vous que l'on attache à cette concession, quand vous l'aurez accordée gratuitement? D'ailleurs, dans presque toutes les conventions que j'ai lues, il n'est pas dit mot des droits de navigation de l'Escaut, ou bien leur remboursement y reste à l'état de faveur toujours révocable. A quoi bon ensuite s'enchaîner, sans nécessité immédiate, alors qu'il est impossible de prévoir les événements qui peuvent changer les situations et les intérêts dans le monde commercial?
2° Dans la réciprocité du commerce de port à port, du cabotage. Pour prouver ce que cette clause a d'illusoire, il m'a suffi de citer le langage si net et si franc de M. le ministre des affaires étrangères de France. Il est évident pour moi que la France n'a pu nous demander comme droit ce qu'elle possède en fait, ni nous promettre sérieusement le commerce de ses ports tout en déclarant que la règle invariable de sa législation et l'intérêt essentiel de son pavillon lui défendent de l'accorder. C'est donc le ministère belge qui a fait la stipulation et conféré un droit conventionnel sans aucun équivalent ni actuel, ni futur.
C'est toujours une faute que d'introduire dans un traité des clauses sans efficacité réelle, parce qu'elles sont comptées, par l'autre partie contractante, comme des concessions véritables.
Dans l'exception relative à la pêche nationale, nous l'avons dit, cette exception, qui cause un dommage réel à nos pêcheurs, nous paraît avoir été subie par le gouvernement belge, plutôt que stipulée par lui. La convention de 1838 n'en parlait pas. Il est au moins singulier que M. le ministre se félicite de l'avoir obtenue, quand le commerce s'en plaint comme d'un changement onéreux.
Nos raisons d'expliquer et d'interpréter l'article 12 subsistent tout entières. On semble n'avoir pas compris que, dans l'état de nos relations douanières avec la France, il ne suffit pas, en bonne justice, de nous faire participer aux immunités et aux faveurs spéciales qui seraient accordées à d'autres puissances; il faut encore, et c'est là un point essentiel, maintenir le rapport existant entre les droits d'entrée par terre et les taxes d'importation maritime sur certains produits; rapport qui ne peut être altéré ou détruit sans blesser profondément nos intérêts. Il pourrait arriver, en effet, qu'à raison du taux plus élevé des droits d'entrée par mer, l'abaissement de ces droits les laissât encore supérieurs aux taxes différentielles d'entrée par terre, vers la frontière belge, et que celles-ci se trouvassent dès lors insuffisantes pour nous protéger contre la concurrence redoutable des produits nouvellement favorisés.
La section centrale a voulu dissiper, par une interprétation précise, l'obscurité qui lui a paru régner dans cet article.
Les observations qui précèdent, vous le concevez sans peine, messieurs, ont exclusivement pour objet de mettre en lumière la véritable portée des stipulations, afin qu'on ne puisse pas s'abuser au-dehors sur la valeur de nos avantages, ni sur les motifs de notre assentiment.
Je terminerai par une dernière considération très grave à mes yeux, que je recommande à toute l'attention de la chambre et du gouvernement.
M. le ministre des affaires étrangères nous a dit, dans son exposé de motifs, qu'il avait beaucoup médité, beaucoup fait et préparé, dans l'ordre de nos intérêts économiques et de nos relations internationales. Nous serons heureux d'en juger par l’importance des actes.
Qu'il me permette d'ajouter qu'un devoir non moins essentiel du département qu'il dirige est d'observer sans cesse les événements et les phases nouvelles de la politiquedes autres Etats.
Deux grands faits se sont produits dans le cours de cette année.
Le premier date du 25 juin : l’Angleterre a révoqué l’acte de navigation de Cromwell, sa charte maritime de près de deux siècles. Elle a fait entrer dans ses lois, en 1849, les maximes habilement libérales proclamées par Huskisson, en 1825. La Grande-Bretagne offre à tous les pavillons le traitement de faveur dans ses ports, sous condition de réciprocité, se réservant de frapper de représailles les navires et les cargaisons des États qui lui refuseraient le traitement des nations les plus favorisées, et cela, en vertu d’ordre de la reine, délibérés en conseil, c’est-à-dire avec toute la promptitude d’action du pouvoir exécutif.
Le second fait, qui a passé plus inaperçu que le premier, c’est l’accession de Hambourg à la constitution des trois rois, et par une conséquence probable, virtuelle, à l’union douanière allemande, sous les auspices de cette constitution et le patronage de la Prusse.
Le Journal des Débats, organe considérable et sérieux de la grande politique, en France, s'exprimait, ainsi, à, ce sujet, dans son numéro du 21 septembre, dernier :
« L'Allemagne désirait Hambourg et Anvers ; le premier désir est satisfait. Reste Anvers, rival naturel du Havre. Le cabinet français est invité à ne pas perdre de vue les desseins de l'Allemagne sur ce port belge. »
Veuillez, messieurs, remarquer les dates ; c'est le 26 juin que l'Angleterre change radicalement son système de législation maritime; c'est vers le mois d'août que Hambourg s'unit à l’Allemagne : c'est le 21 septembre qu'un haut avertissement s'élève de la presse française, et c'est le 17 novembre que se conclut, aux conditions que vous savez, la convention de navigation avec la France.
Eh bien, à mon sens, et je le dis sans aucun blâme pour qui que ce soit, il y avait, dans ces deux événements, un grave sujet de réflexions pour l'homme d'Etat, et un intérêt puissant qui sollicitait toute la prudence du ministère belge. C'était une position nouvelle, favorable surtout pour ne négocier qu'avec avantage, dans une pensée prévoyante d'ensemble et d'avenir. J'ai lieu de craindre que les négociateurs du 17 novembre ne se soient pas préoccupés de cette situation.
Après onze ans d'attente, c'était le moment de faire plus et mieux, au risque d'attendre quelques mois encore.
(page 421) M. Van Iseghem. - Messieurs, le traité du 17 novembre 1849 avec la France changera-t-il nos rapports maritimes et commerciaux avec cette puissance? A l'avantage de qui? Et ne donnera-t-il pas prétexte à d'autres Etats de nous forcer la main? Voilà ce qui sera à résoudre par le temps, En attendant, je vous dirai, que d'accord avec d'honorables préopinants qui ont parlé hier, j'aurais| désiré voir conclure un traité plus général; et comme depuis 18 ans nous nous trouvons en hostilité maritime et commerciale avec la France, et que dans le pays de l'autre côté de la Manche, des changements au système de navigation ont été introduits en sa faveur et dans le but de s'emparer du commerce du monde entier, seront mis en vigueur sous peu de jours. Je crois que le gouvernement aurait sagement fait d'attendre encore quelques mois avant de conclure le traité sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer.
(page 422) Nous discutons ici vis-à-vis de nations étrangères qui ont aussi leurs intérêts à défendre; je crois qu'il aurait été très prudent de ne pas soulever la question de l'importation du sel, et je regrette que mon honorable ami, M. le baron Osy, en ait parlé dans la séance d'hier soir. Je suis d'accord avec lui sur un point, c'est que si j'avais été négociateur, je n'aurais pas accepté, dans le moment actuel, le traité avec cette grande concession; mais d'un autre côté, je dois lui dire, ainsi qu'à l'honorable M. Vermeire, que j'ai une toute autre opinion qu'eux sur l'importance actuelle de l'importation du sel français. Comme l'a fait observer, hier, M. le ministre des affaires étrangères, depuis trois ans nous n'avons pas importé un seul kilogramme de sel ; ce n'est pas l'assimilation du pavillon français qui influera sur le prix. En outre, je n'admets pas non plus que l'Angleterre puisse invoquer une importation qui est nulle en ce moment, et ce dernier, pays s'il veut exécuter à la lettre et avec toute la rigueur possible, l'article 10 des modifications au Navigation Act, ne demandera pas seulement l'assimilation du pavillon anglais au nôtre, pour les marchandises venant de l'Angleterre directement et où le sel est compris, mais aussi pour les marchandises n'importe de quel pays de provenance. Ceux qui connaissent l'Angleterre savent qu'elle ne se contente plus de tuer la moitié d'une industrie ou d'une navigation, mais qu'elle veut s'emparer de la totalité.
Ainsi, messieurs, je pense que le traité actuel n'influera en rien sur les mesures que la Grande-Bretagne pourra prendre, et si, contre toute attente, elle fait usage de l'article 11, je ne doute pas que l'on ne soit unanime dans le pays pour y résister, et que notre gouvernement aura le courage d'entrer franchement dans une guerre de tarif qui n'est pas sans exemple dans nos relations avec le susdit pays.
Je crois qu'en 1826 ou 1827 les mêmes menaces ont eu lieu, mais alors sans succès.
Bien que l'honorable ministre des affaires étrangères nous ait annoncé hier, que la France n'a voulu prendre aucune résolution, quant à une réduction sur ses droits d'entrée, je crains qu'on n'ait pas assez fait pour obtenir une diminution notable sur notre poisson frais, et je ne doute pas qu'on ne l'eût obtenu, que si l'on avait pu faire comprendre à Paris que l'introduction du poisson frais en France par les frontières de terre, à un faible droit, n'aurait porté aucun préjudice à leur propre pêche, mais au contraire que cela aurait été à l'avantage de leurs consommateurs. Je crois que le gouvernement est d'accord avec moi, qu'aucune industrie ne souffre ce moment autant que la pêche et qu'elle est sur le point de disparaître de l'horizon ; quel serait l'avantage de la Belgique quand elle deviendra tributaire d'un autre pays pour une somme de 2,000,000 de fr. En Belgique même, messieurs, notre poisson est repoussé par des droits d'octrois. Voyez la capitale où l'on taxe le poisson à 55 p. c. de la valeur, que dirait-elle si toutes les autres villes devaient repousser par des droits d'octroi les produits de luxe qu'elle fournit. Et de plus avec quel dédain ne parle-t-on pas de ces villages flamands!
Ajoutez à ces droits d'octroi les frais de minque, le traité de 1846, et vous verrez que nous devons chercher un débouché ailleurs. Je n'aurais pas parlé de la pêche vis-à-vis de l'étranger et d'un futur traité, si l'honorable M. Rodenbach n'avait pas soulevé cette question; j'aurais suivi le conseil et la prudence de l'honorable président de la section centrale, M. Delehaye.
Voici la réciprocité : pour le poisson frais, les droits d'entrée en France sont de fr. 44, et en Belgique de fr. 12, et contrairement à ce que dit l'exposé de motifs, notre littoral ne demanderait pas mieux que la suppression des droits d'entrée entre la Belgique et la France; j'ai la conviction que si un homme habile connaissant nos intérêts avait été à Paris, il aurait pu obtenir une réduction.
Je me demande si les chefs de nos principales légations, qui bien certainement sont des hommes de talent, connaissent encore assez la Belgique matérielle pour leur confier à eux seuls la conclusion des traités. J'ai lieu de croire le contraire, me rappelant une lettre malheureuse qui a paru il y a quelques années et qui a été sévèrement et justement jugée. Ce sont cependant ces diplomates qui ont quelquefois à défendre les intérêts non-seulement de leurs compatriotes, mais encore de leurs capitaux.
J'ai pleine confiance dans les lumières et la sagesse de notre honorable ministre des affaires étrangères, et j'ai la conviction sincère qu'il transmet à nos agents à l'extérieur des instructions dans le véritable sens belge; mais ces instructions servent à négocier, et le plus sérieux est qu'elles doivent être défendues avec une parfaite connaissance de cause dans une autre capitale qui est le siège du gouvernement étranger et où se trouvent nos intérêts opposés. Comme le poisson, d'autres de nos articles sont maltraités en France par les frontières de terre, la laine, les machines, les graines oléagineuses, les glaces et autres.
J'appelle l'attention du gouvernement sur les futures négociations, pour ces articles. La France a besoin de nous, et surtout ses départements limitrophes, pour ses céréales ; ne pourrait-on pas lui dire, que si elle ne supprime pas les surtaxes par terre, nous serons forcés d'user de représailles.
Voilà un moyen de négociation qui est très important; ce sont ces importations par terre qui font un tort immense à notre agriculture. De 55 millions de kilog. de froment que nous avons importés de l'étranger pendant les onze premiers mois de cette année, 10,500,000 kil. nous ont été fournis par la France; en outre, 1,000,000 de kil. de seigle, plus que la moitié de notre importation totale, et pendant 1848 nous avons reçu de ce pays 8,500,000 kil. de farine ; c'est une preuve qu'elle a aussi besoin de nous, et les concessions doivent être égales.
Je n'entrerai pas dans les détails des frais de port et du cabotage qui sont à l'avantage de la France; cette question est longuement traitée par le rapport de la section centrale qui vient d'être défendu par l'honorable M. Le Hon.
Je vous ai dit avec franchise, messieurs, mon opinion sur ce qui aurait dû être fait, et sur ce qui reste à faire. Le gouvernement a eu peut-être des raisons pour accepter ce traité de navigation. Je l'accepte aussi, bien que je sache que les trois quarts désavantages sont pour nos voisins et seulement un quart pour nous. Notre position n'est pas empirée par le traité, mais améliorée; c'est toujours un bénéfice pour un petit pays, qui n'a presque aucun avantage pour son pavillon, et qui n'est pas aussi heureux, sous ce rapport, que les navires français, anglais, néerlandais et tous autres. En ce moment nous sommes exclus du commerce direct avec la France, le traité nous ouvrira certaines portes et au détriment du pavillon tiers.
J'espère que notre marine marchande pourra venir en possession d'une grande partie du transport de vins de Bordeaux et de Nantes, et que par conséquent nous exporterons à un faible prix notre houille sur des marchés qui sont en ce moment fermés pour nous. Nos relations avec les ports de la Méditerranée ne pourront ainsi que s'accroître.
Il y a quelques années, un service de bateaux à vapeur entre la Belgique et la France n'a pu être établi à cause des frais de port considérables qui devaient être payés à chaque voyage.
Rien n'est plus utile et nécessaire à notre exportation qu'une marine indigène. Tout le monde sait que je n'appartiens pas à l'école qui comparer un navire à un moulin.
Je voterai le traité, dans l'espoir que le gouvernement mettra tout en œuvre pour obtenir une convention plus large et plus favorable à nos intérêts, surtout pour l'industrie de la pêche. J'espère aussi que le gouvernement résistera aux sollicitations de certain pays, et qu'il sera prudent pour conclure encore des traités.
- La clôture est demandée par plus de 10 membres.
M. de Haerne (contre la clôture). - Messieurs, je renoncerai très volontiers à ce que j'avais à dire, parce que la plupart des idées que j'avais l'intention d'exposer à la chambre ont été rencontrées par les précédents orateurs. Cependant il est un point sur lequel je désire demander quelques explications à M. le ministre des affaires étrangères, et c'est pour cela que je désire que la chambre ne prononce pas la clôture.
M. Osy. - Je ne m'oppose pas à la clôture; mais quand elle aura été prononcée, je demanderai la parole pour répondre deux mots à M. le ministre des affaires étrangères pour un fait personnel.
- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.
M. Osy (pour un fait personnel). - M. le ministre des affaires étrangères nous a fait un reproche, à M. Vermeire et à moi, d'avoir soulevé la question de l'article 7, qui concerne l'assimilation pour l'importation des sels de France.
Eh bien, je dis qu'il n'y a aucune imprudence à parler publiquement de ce qui est dans le traité. Les ambassadeurs anglais à Bruxelles et à Paris connaissent le traité. S'il y a imprudence, c'est celle qui se trouve dans l'article 7 et dans les conséquences qui retomberont sur nous.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je ne me suis pas servi du mot « imprudente. » J'ai été extrêmement parlementaire dans les observations que j'ai présentées; mais je dis que, dans des discussions comme celle-ci, on donne des arguments dont on fait usage dans les négociations contre les intérêts que voulait défendre celui qui les a produits. J'ai reconnu que les honorables membres étaient dans leur droit, mais j'aurais préféré qu'ils ne soulevassent pas cette discussion.
Il y a deux choses dont on pouvait se prévaloir dans les négociations futures, le traité sans doute, mais aussi les arguments qu'on puise dans les paroles des membres de la chambre. Cette observation n'avait rien de personnel.
M. le président. - Je mets aux voix l'article unique du projet ainsi conçu :
« Article unique. Le traité de navigation et de commerce conclu le 17 novembre 1849 entre la Belgique et la France sortira son plein et entier effet. »
- Il est procédé à l'appel nominal. En voici le résultat:
63 membres répondent à l'appel.
58 membres répondent oui.
2 membres répondent non.
3 membres s'abstiennent.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Van Iseghem, Van Renynghe, Allard, Ansiau, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dedecker, de Denterghem, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, De Pouhon, de Renesse, de Royer, d'Hoffschmidt, Dolez, Dumon (Auguste). Dumont (Guillaume), Faignart, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moxhon, Pierre, Pirmez, Rogier, Rousselle, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum ; Vandenpeereboom (Alphonse), Van Hoorebeke et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Vermeire et Osy.
(page 423) Se sont abstenus :
MM. Dechamps, de Haerne et Rodenbach.
- Les membres qui se sont abstenus sont invités à énoncer les motifs de leur abstention.
M. Dechamps. - Messieurs, je n'ai pas voulu m'opposer à l'adoption de la convention commerciale qui nous est soumise; d'abord, parce que je suis partisan, en général, des traités d'assimilation et de réciprocité; en second lieu, parce qu'un traité de ce genre, une fois conclu avec une grande puissance comme la France, ne peut être rejeté par les chambres, sans des motifs graves et sans entraîner des inconvénients politiques que chacun de vous apprécie. Je n'ai pas voulu m'y opposer, parce que certains avantages peuvent en résulter pour nos relations avec les ports français. Mais j'ai besoin d'ajouter cependant que ces avantages seront bien plus considérables pour le commerce maritime français; c'est une concession que nous faisons à la France, ce n'est pas une concession que la France nous fait.
Je n'ai pas pu voter en faveur du traité, parce que je crains qu'il ne soit un obstacle sérieux à la conclusion d'un traité favorable avec l'Angleterre et que les circonstances rendent facile à négocier, parce que je crains surtout qu'il ne soit une entrave au renouvellement ou à l'extension du traité du 1er septembre, conclu avec le Zollverein allemand; M. le baron Osy et M. le comte Le Hon ont indiqué quelques-uns des motifs sur lesquels cette double crainte repose.
M. de Haerne. - Je n'ai pas pu voter en faveur du projet parce que je suis d'accord avec plusieurs préopinants pour dire que je ne le trouve pas assez avantageux pour la Belgique. Cependant je n'ai pas cru devoir voter contre, par des motifs puisés dans notre politique commerciale, particulièrement dans notre politique générale avec la France, surtout à cause du traité que nous aurons à conclure en 1831, si je ne me trompe. C'est sur ce point que j'aurais désiré entrer dans quelques détails et demander des explications au ministre qui, si elles avaient été satisfaisantes, m'auraient permis de voter en faveur du projet.
M. Rodenbach. - Je n'ai pas voté contre le projet de loi qui sanctionne le traité conclu avec la France, parce que ce traité contient quelques dispositions favorables à notre navigation par canaux et rivières, en France ; je n'ai pas voulu voter pour, parce que, dans ce traité, ou a complètement négligé les intérêts des Flandres.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - D'honorables membres ont motivé leur abstention par d'assez longs développements. Si ces discours s'étaient produits dans la discussion, le gouvernement aurait pu y répondre, il ne peut pas admettre que le traité ou la convention, si cette qualification plaît mieux à M. le rapporteur de la section centrale, soit un obstacle à d'autres conventions, soit avec le Zollverein, soit avec l'Angleterre. La convention que la chambre vient d'approuver renferme des concessions réciproques de la part de l'un et de l'autre pays ; c'est là le caractère de toutes conventions. Quelque négociateur habile que l'on soit, on ne parviendra pas à conclure d'arrangement commercial où l'on obtienne des avantages sans rien accorder. C'est un genre de convention qui reste à faire.
Je me borne à dire que la convention, telle qu'elle est, sans avoir de vastes proportions, que le gouvernement, du reste, ne lui a pas données, renferme cependant des améliorations réelles et fait cesser un état exceptionnel d'hostilité entre la Belgique et la France.
Du reste, nous n'avons pas ici à faire ressortir les avantages que le traité renferme : le traité n'est pas encore approuvé par l'assemblée nationale en France, et je ne doute pas que là aussi, il ne se trouve un certain nombre d'orateurs qui soutiendront qu'il est onéreux à leur pays.
M. Manilius. - Le traité est justifié par le grand nombre de membres qui l'ont adopté; il ne convient pas à ceux qui se sont abstenus de venir le critiquer après le vote, ni aux ministres à le justifier. Il suffit que la majorité l'ait approuvé pour que tout soit fini.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En effet, la meilleure justification du traité c'est le nombre de voix qu'il a obtenu.
- Sur la proposition de M. Osy et M. Rodenbach, la chambre s'ajourne au mardi 15 janvier à deux heures.
MpV tire au sort la députation qui sera chargée de complimenter LL. MM. le Roi et la Reine, à l'occasion du nouvel an.
Le sort désigne : MM. de Chimay, Veydt, Moxhon, Prévinaire, Mercier, Thiéfry. Anspach, Dolez, Van Iseghem, de Baillet-Latour et de Liedekerke.
Les autres membres de la chambre, qui seront présents à Bruxelles, sont invités à se joindre à la députation.
- La séance est levée à 3 heures.