(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 315) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier; la rédaction en est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Plusieurs meuniers et directeurs de moulins demandent le maintien du droit d'entrée actuel sur les céréales et l'adoption d'une mesure qui établisse un rapport équitable entre le droit nouveau réclamé par l'agriculture et celui que l'on avait jugé utile de fixer pour l'entrée des farines. »
« Même demande des sieurs Petit, Porion, propriétaires de moulins à eau à Menin. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Plusieurs meuniers à Charleroy et dans les environs et le directeur gérant de la société des moulins à vapeur et brasserie de Marchienne-au-Pont demandent que le droit d'entrée sur les farines soit porté à 6 francs par quintal. »
M. Coomans. - Messieurs, lorsque nous avons résolu que les pétitions relatives aux denrées alimentaires seraient déposées sur le bureau pendant la discussion, nous avons été mus par la considération de l'impossibilité où se trouvait la section centrale, de faire un rapport en temps opportun. Je crois que, puisque nous avons maintenant du temps devant nous, il serait bon que la section centrale fît un rapport sur les pétitions qui nous sont parvenues et sur celles qui nous parviendront encore. Je crois même pouvoir vous indiquer un motif déterminant à ce sujet; plusieurs de ces pétitions sont écrites en flamand, langue que beaucoup de nos honorables collègues n'ont pas l'avantage de comprendre. Pour ma part, j'en ai déposé deux ou trois, dont je voudrais que la chambre entière pût prendre connaissance, au moins par analyse. Si elles restent déposées sur le bureau, elles ne seront pas connues d'une partie de la chambre.
Je demande que la section centrale soit invitée à faire un rapport détaillé sur toutes les pétitions relatives aux denrées alimentaires qui nous sont parvenues et qui pourront nous parvenir encore.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs propriétaires et habitants de la commune de Moll demandent que les céréales soient frappées d'un droit d'entrée modéré et que le droit sur le bétail soit de 5 centimes au moins par kilog. »
- Renvoi à la section centrale du projet de loi sur les céréales.
« Plusieurs habitants de Musson demandent le rejet du projet de loi sur les denrées alimentaires et l'établissement de droits protecteurs. »
- Même décision.
M. Thibaut, forcé de s'absenter par suite d'une indisposition de son père, demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. de Perceval dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi ayant pour objet d'accorder un crédit supplémentaire au département des affaires étrangères.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et met la discussion à l'ordre du jour à la suite des objets qui s'y trouvent déjà portés.
M. de Perceval (pour une motion d’ordre). - Je prie la chambre de vouloir revenir sur la décision qu'elle a prise à la fin de la séance d'hier. Je viens lui proposer de ne pas se réunir lundi prochain, car nous pourrions bien ne pas être en nombre ce jour, puisque mardi nous avons les fêtes de Noël. Je demande, en conséquence, à l'assemblée de remettre la discussion générale du budget des travaux publics mercredi. Si le temps nous faisait défaut pour discuter les projets de loi qui doivent être adoptés avant la fin de l'année, si les séances ordinaires, en un mot, ne suffisaient plus à nos travaux, j'ai l'honneur de proposer subsidiairement d'avoir des séances extraordinaires du soir, à partir de mercredi prochain.
M. Van Grootven. - Si la motion de l'honorable M. de Perceval ne rencontre pas d'opposition, je ne dirai rien pour l'appuyer; mais je proposerai, dans tous les cas, de décider, dès à présent, que nous aurons une séance jeudi soir pour remplacer la séance ordinaire de lundi.
M. Tesch. - Comme suite à la motion d'ordre de M. de Perceval, je demande que la chambre réserve la discussion du budget de la guerre jusqu'après les vacances. S'il n'y a pas de séance lundi, il est évident qu'on ne pourra pas aborder avant samedi prochain le budget de la guerre, c'est-à-dire qu'il sera impossible de voter ce budget avant le 1er janvier. Nous sommes, nous députés du Luxembourg, à 40 lieues de nos foyers; nous ne pouvons pas retourner tous les huit jours, nous n'avons pas de chemin de fer à notre disposition.
Je propose qu'on décide dès maintenant que le budget de la guerre viendra après les vacances. Il faut que les députés les plus éloignés de Bruxelles sachent à quoi s'en tenir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, la chambre, hier, a consacré près d'une heure à fixer définitivement son ordre du jour. On avait calculé qu'on aurait pu terminer le budget des travaux publics peut-être en une séance. La question la plus importante du budget des travaux publics, celle du chemin de fer, a été épuisée dans la discussion du budget des voies et moyens; mercredi, on pourrait commencer le budget de la guerre, et l'on aurait terminé les budgets pour la fin de l'année. Si vous vous ajournez à mercredi, il est évident qu'il sera très difficile de voter le budget des travaux publics et celui de la guerre avant la fin de l'année. Or, l'un et l'autre budget sont également urgents; il faut que la question soulevée à propos du budget de la guerre, se décide sans retard.
M. Lelièvre. - Je viens appuyer la motion de l'honorable M. Tesch La discussion du budget de la guerre est trop importante pour être entamée sur la fin de l'année. Pour que nous puissions nous y livrer avec toute la maturité convenable, je propose de la fixer après les vacances, c'est-à-dire au mois de janvier. Il me paraît même convenable de ne l'aborder qu'après la loi concernant les denrées alimentaires. Je fais une proposition en cette conformité.
M. le président. - M. Tesch se rallie-l-il à cette proposition ?
M. Tesch. - Cela m'est indifférent; la seule chose que je désire, c'est qu'on déclare, dès à présent, que le budget de la guerre viendra soit immédiatement après les vacances, soit après la loi des denrées alimentaires.
Maintenant je répondrai à M. le ministre de l'intérieur que, quant à l'urgence qu'il voit à la discussion du budget de la guerre, je suis étonné que cette urgence ne lui apparaisse qu'aujourd'hui.
La section centrale a déposé son rapport depuis très longtemps. On a demandé, à diverses reprises, qu'on interrompe la discussion du projet de loi sur la caisse de retraite, pour aborder les autres objets qui doivent être votés avant le 1er janvier. Hier, l'on a demandé que le budget de la guerre soit voté avant le budget des travaux publics, et alors on était d'accord que les autres objets avaient plus d'urgence que le budget de la guerre; aujourd'hui, on soutient de nouveau que le budget de la guerre doit être voté avant le 1er janvier. Or, je demande à M. le ministre de l'intérieur, s'il est possible que la chambre des représentants et le sénat votent le budget des travaux publics, celui de la guerre et les lois transitoires avant cette époque. Les observations que je fais en ce moment ne cachent aucune arrière-pensée.
La chambre doit comprendre la position de certains députés, notamment des députés du Luxembourg. Quand nous serons à mercredi, il arrivera ce qui est arrivé hier, c'est-à-dire qu'alors seulement on voudra s'apercevoir de l'impossibilité de finir avant le 1er janvier; la chambre renverra la discussion après les vacantes, et les membres qui ne peuvent pas retourner chez eux auront perdu leur temps ici. Voilà la position intolérable qu'on fait à un certain nombre des membres de cette chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quand on a proposé de mettre le budget des travaux publics en première ligne à l'ordre du jour, je n'ai pu que me rallier aux excellentes raisons données en faveur de cette priorité. Je raisonnais dans l'hypothèse que nous aurions une séance lundi. Je ne comprends pas qu'à la veille d'une longue vacance et quand des travaux urgents sont en souffrance, la chambre aille se donner trois jours de vacances.
M. Delfosse. - Ce n'est qu'un jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Toujours est-il que nous serrons trois jours sans séance.
Si on avait abordé lundi le budget des travaux publics, il est probable qu'on aurait pu le voter en deux séances et commencer le budget de la guerre jeudi ; il vous restait trois jours pour discuter ce budget, J'entends dire : Et le sénat ! Mais le sénat aurait eu le temps de l'examiner aussi, car il n'est pas nécessaire qu'il soit voté avant le premier janvier, il suffit qu'il le soit dans les premiers jours du mois.
Je regrette que la décision prise hier par la chambre, quant à son ordre (page 316) du jour contrarie les députes du Luxembourg qui font preuve de beaucoup de zèle quand ils sont ici, mais je crois que la grande majorité doit tenir à achever ses travaux le plus tôt possible.
Dans un pays voisin, je vois que les séances ont lieu non seulement dans la journée, mais le soir; les états généraux des Pays-Bas se réunissent tous les soirs pour discuter les budgets.
Nous n'avons en vue que l'intérêt général, je prie nos honorables contradicteurs de croire que nous ne mettons aucune espèce de tactique dans notre insistance. On doit convenir que le moment est mal choisi pour se donner des vacances quand on laisse en arrière une chose aussi importante que le budget de la guerre.
M. Dedecker. - Je regrette, pour la marche de nos travaux et pour la dignité de la chambre, que nous perdions un temps précieux en débats contradictoires sur la fixation de l'ordre du jour. Je n'ai aucune espèce de préférence pour le budget des travaux publics ou pour le budget de la guerre; mais il me paraît évident qu'il est impossible de discuter ces deux budgets dans l'intervalle qui s'écoulera entre la Noël et la nouvelle année. Dans cette situation, auquel des deux budgets faut-il accorder la préférence? Je pense qu'au budget de la guerre se rattachent de si graves intérêts, qu'il y a tant de danger à ce que l'incertitude continue à planer sur cette question qui intéresse tant de familles, qu'on ne peut trop se hâter de mettre un terme à cette incertitude.
Je demande donc formellement que vous abordiez mercredi la discussion du budget de la guerre.
M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - La chambre a réglé hier l'ordre de ses travaux : elle a fixé à lundi la discussion du budget des travaux publics. Je ne tiens pas personnellement à ce que la discussion commence lundi, plutôt que mercredi. Mais je demande à la chambre de maintenir la priorité pour le budget de mon département. Il y a l'intérêt le plus grave à ce qu'il en soit ainsi. Je suis forcé dès à présent de demander un crédit provisoire pour un mois, parce que je crains de ne pas obtenir l'approbation de mon budget par le sénat avant la fin de l'année. Mais si vous ne votez pas mon budget avant les vacances, il n'est pas certain qu'il puisse être voté par les deux chambres avant la fin de janvier; et dès lors je me verrai dans la nécessité de demander des crédits provisoires pour deux mois; ce qui serait assurément une circonstance très fâcheuse. Nous avons, la semaine prochaine encore, des adjudications très importantes, très nombreuses. Je serais dans l'impossibilité de les approuver dans les délais, si mon budget n'était pas discuté.
J'insiste donc pour que la priorité de discussion soit maintenue au budget des travaux publics sur le budget de la guerre.
M. Delfosse. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de remarquer que nous ne demandons pas de vacances : nous demandons seulement à passer dans notre famille le dimanche et les jours de grande fête.
Si nous avons séance lundi, nous devrons revenir lundi matin, pour apprendre peut-être que la chambre ne sera pas en nombre; car il y a de nos collègues qui sont disposés à ne pas être ici lundi. Nous devrons repartir immédiatement pour passer la fête de Noël dans notre famille et pour revenir encore le lendemain.
Je demande que l'on ait égard à la position de ceux qui sont continuellement à leur poste.
La séance de lundi serait perdue, mais elle pourrait être compensée mercredi ou jeudi par une séance du soir.
Je pense, comme M. le ministre des travaux publics, qu'on ne doit pas modifier l'ordre du jour en ce qui concerne son budget, et que nous ferons bien d'en aborder mercredi la discussion.
Il est important que M. le ministre des travaux publics puisse obtenir son budget avant la fin de l'année, et il n'est pas impossible que ce budget soit voté avant cette époque par la chambre et par le sénat. Le budget des travaux publics a été voté, l'année dernière, en une séance; le budget de cette année est, à peu de chose près, la reproduction du budget de l'année dernière. Si nous commençons mercredi, j'espère que ce budget pourra être voté par les deux chambres avant la fin de l'année, et que M. le ministre pourra enfin publier les arrêtés d'organisation, qui sont impatiemment attendus.
C'est une considération importante que je soumets à la chambre.
Je demande donc que la chambre adopte la proposition de M. de Perceval et de M. le ministre des travaux publics, c'est-à-dire qu'elle commence mercredi la discussion du budget des travaux publics.
- La clôture est prononcée.
La chambre consultée décide qu'elle n'aura pas de séance lundi, et s'ajourne à mercredi.
La chambre décide ensuite qu'elle maintient son ordre du jour.
M. le président. - M. Tesch a demandé que le budget de la guerre fût distrait de l'ordre du jour et que la discussion en fût fixée après les vacances de janvier. Je mets cette proposition aux voix.
- La proposition de M. Tesch est adoptée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La chambre vient de décider que la discussion du budget de la guerre viendra après le nouvel an. Mais hier la chambre a décidé aussi que h question des denrées alimentaires viendrait après les vacances de la nouvelle année. Il faut savoir auquel des deux projets elle donnera la priorité.
Nous demandons formellement la priorité pour le budget de la guerre. Il était à l'ordre du jour; nous demandons le maintien de l'ordre du jour.
- La chambre, consultée, décide que la discussion du budget de la guerre aura la priorité.
M. le président. - Une proposition émanée d'un membre, qui a usé de son initiative, a été renvoyée aux sections qui en ont autorisé la lecture.
Cette proposition est de M. Bruneau. Elle est ainsi conçue : « Par suite du vote émis dans la séance de ce jour sur la remise dé; la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires, j'ai l'honneur de proposer à la chambre d'adopter le projet de loi suivant :
« Léopold, etc.
« La loi du 31 décembre 1848, concernant les denrées alimentaires, est provisoirement prorogée jusqu'au 1er février 1850.
« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
La parole est à M. Bruneau pour développer sa proposition.
M. Bruneau. - Messieurs, la proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre est la conséquence du vote que vous avez émis hier. Le 31 décembre prochain expire la loi du 31 décembre dernier ; et si vous n'adoptez pas ma proposition, nous retomberons sous l'empire de la loi de 1834. La conséquence en serait qu'il n'y aurait aucun droit jusqu'au vingt-cinquième jour après le nouvel an, car il faut la publication pendant deux semaines de la mercuriale du prix des grains et ensuite un arrêté qui n'est exécutoire que le septième jour après sa publication.
D'un autre côte, messieurs, toutes les sections ont été d'accord sur la nécessité de proroger la législation actuelle; il n'y a de divergence que quant à la quotité du droit. Je pense donc que ma proposition ne peut rencontrer aucune opposition.
Mais, messieurs, j'avais fixé un délai très rapproché, le 1er février prochain ; la décision que vous venez de prendre nécessitera peut-être un délai plus long; c'est ce que vous aurez à décider.
Maintenant, messieurs, comme il nous reste peu de temps d'ici à la nouvelle année, je proposerai, si ma proposition est prise en considération, de la renvoyer à la section centrale du projet de loi sur les denrées alimentaires.
- La chambre décide qu'elle s'occupera immédiatement de la prise en considération.
Elle décide ensuite successivement qu'elle prend la proposition en considération et que cette proposition sera examinée par la section centrale du projet de loi sur les denrées alimentaires.
L'amendement introduit dans l'article 442 est définitivement adopté sans discussion.
« Art. 443. Dans les dix premiers jours de chaque mois, les receveurs de l'enregistrement enverront au président du tribunal de commerce dans le ressort duquel le protêt a été fait, un tableau des protêts des lettres de change acceptées et des billets à ordre enregistrés dans le mois précédent. Ce tableau contiendra : 1° la date du protêt ; 2° les nom, prénoms, profession et domicile de celui au profit duquel l'effet est créé ou du tireur ; 3° les nom, prénoms, profession et domicile du souscripteur du billet à ordre ou de l'accepteur de la lettre de change ; 4° la date de l'échéance ; 5° le montant de l'effet ; 6° la mention de la valeur fournie, et 7° la réponse donnée au protêt.
« Semblable tableau sera envoyé au président du tribunal de commerce du domicile du souscripteur d'un billet à ordre ou de l'accepteur d'une lettre de change, lorsque ce billet à ordre ou cette lettre de change sera payable dans un ressort judiciaire autre que celui habité en Belgique par celui qui l'aura souscrit ou accepté. »
- L'amendement introduit dans le premier paragraphe de cet article est définitivement adopté.
M. Tesch, rapporteur. - Je prierai la chambre de vouloir modifier la rédaction du second paragraphe. Mon observation porte sur les mots suivants : « Lorsque ce billet à ordre ou cette lettre de change sera payable dans un ressort judiciaire autre que celui habité en Belgique par celui qui l'aura souscrit ou accepté. » Je proposerai de dire : « Si ce domicile est en Belgique, dans un ressort judiciaire autre que celui où le payement doit être effectué. »
- L'amendement ainsi modifié, est définitivement adopté.
Les amendements, introduits dans les articles 445, 463. 468, 471, 473, 516, 533, 553, 559 et 560, sont définitivement adoptés sans discussion.
« Art. 564. S'il n'y a pas de poursuites en expropriation des immeubles, commencée avant le rejet ou l'annulation du concordat, les curateurs seuls seront admis à poursuivre la vente; ils seront tenus d'y procéder dans la huitaine, sous l'autorisation du juge-commissaire , suivant les formes prescrites par la loi du 12 juin 1816.
« Les curateurs pourront toujours arrêter les poursuites commencées, en procédant dans les mêmes formes, avec l'autorisation du tribunal de commerce, le failli appelé, à la vente des immeubles saisis.
« Ils feront, dans ce cas, notifier au créancier poursuivant et au failli, huit jours au moins avant la vente, les lieu, jour et heure auxquels il y sera procédé. »
- L'amendement adopté lors du premier vote, et consistant dans (page 317) l'addition des mots « huit jours au moins avant la vente » est mis aux voix et confirmé.
M. Tesch, rapporteur. - Comme conséquence de cette addition, il y a lieu d'adopter un autre paragraphe ainsi conçu :
« Semblable notification sera faite dans le même délai à tous les créanciers inscrits, en leur domicile élu dans le bordereau d'inscription. »
Cette modification avait été indiquée par la commission spéciale, de concert avec le gouvernement, dans son premier rapport supplémentaire.
- L'addition proposée par M. Tesch est mise aux voix et adoptée.
Les amendements introduits, lors du premier vote, dans les articles 568, 569, 571 et 593, sont successivement mis aux voix et confirmés.
« Art. 598. L'avis du tribunal, ainsi que toutes les pièces relatives à la demande, seront transmis, dans les trois jours, au procureur général près la cour d'appel du ressort, qui les soumettra avec ses conclusions au premier président; celui-ci commettra un conseiller sur le rapport duquel la cour statuera dans la huitaine de la réception des pièces.
« Les créanciers opposés au sursis pourront s'adresser à la cour par voie de requête, dans le délai précité, et sans que cette production puisse retarder la décision de la cour. »
- L'amendement adopté au premier vote consiste dans l'addition du second paragraphe.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je dois insister pour le retranchement de cet amendement, que la chambre a adopté au premier vote après une épreuve douteuse.
Messieurs, je ne veux pas exagérer la portée de l'amendement, mais il est certain qu'il introduit dans la loi un élément disparate qui est en contradiction avec le système qui a servi de base à la rédaction du projet, dans la pensée du gouvernement comme dans celle de la commission spéciale de cette chambre qui a été chargée de son examen.
En effet, quel est le système du projet? C'est de diviser la procédure en matière de sursis en deux phases distinctes, la première qui comprend l'instruction de la demande, la seconde qui comprend (erratum, page 373) l'examen et la décision judiciaire.
L'instruction se fait entièrement devant le tribunal de commerce ; la loi a pourvu à ce que tous les intérêts y fussent suffisamment discutés et défendus ; toutes les pièces et tous les documents, susceptibles d'être invoqués, doivent être produits devant ce tribunal, et c'est lorsque l'instruction est complète que le tribunal dresse son procès-verbal, émet un avis motivé, et renvoie le tout devant la cour qui doit statuer endéans la huitaine.
Or, quel est le but de l'amendement ? C'est d'autoriser les parties intéressées à produire devant la cour de nouvelles pièces et de nouveaux mémoires. Quel sera le résultat de cette disposition? C'est que tous les créanciers et le demandeur en sursis lui-même, au lieu de faire valoir devant le tribunal de commerce les documents ou les moyens qu'ils auront à faire valoir, viendront souvent les produire au dernier jour devant la cour, et la cour se trouvera alors dans cette position, ou de devoir statuer sans avoir communiqué aux parties adverses les nouvelles requêtes qui lui auront été présentées, ou de voir quelquefois sa religion égarée ou surprise, par suite des pièces qui auront été produites et dans lesquelles on pourra articuler des faits faux ou se permettre dei allégations plus ou moins mensongères.
Vous voyez donc que le résultat de cet amendement est d'introduire dans la loi une disposition tout à fait en contradiction avec le principe fondamental du projet. J'insiste pour que la chambre ne maintienne pas cet amendement, qui est inutile et pourrait être dangereux.
M. Dumortier. - Je suis surpris de voir M. le ministre de la justice combattre l'amendement que vous avez admis au premier vote, avec pleine et entière connaissance de cause, en matière de sursis. C'est une des choses les plus graves que nous ayons eu à examiner dans cette loi. Nous savons combien d'abus ont eu lieu dans le pays à l'occasion des sursis. On reconnaîtra qu'on ne peut pas jeter trop de lumière sur de pareilles choses. Le but de l'amendement que j'ai proposé, et que vous avez adopté, est de permettre de présenter des observations sur la demande de sursis jusqu'au dernier moment. Va-t-on prétendre que des créanciers qui sont à la veille de faire eux-mêmes faillite si le sursis est accordé, ne pourront pas soumettre leurs observations jusqu'au dernier moment? Ce serait vouloir mettre la lumière sous le boisseau.
Les personnes qui ont habité des villes où les faillites et les sursis sont fréquents peuvent vous dire que les sursis sont toujours abusifs, que sur 10 sursis il y en a 9 qui ruinent totalement celui qui demande le sursis et presque toujours les créanciers.
Quelquefois il y a eu des sursis utiles; c'est pourquoi nous maintenons les dispositions relatives au sursis, qui a presque toujours pour résultat de diminuer l'avoir qui appartient aux créanciers : on me dit : Toujours, je répète: Presque toujours, parce qu'il y a plusieurs exemples ou le sursis a été utile, mais généralement, c'est le contraire qui arrive. Il va une douzaine d'années, dans le Hainaut, il y eut une faillite d'un grand nombre de millions; un seul créancier s'opposa au sursis, tous les autres y étaient favorables; il fut accordé. Savez-vous ce que la faillite a donné aux créanciers? Pas un centime, un seul créancier avait raison ; vous voulez l'empêcher de faire valoir ses droits jusque près de la dernière autorité qui doit décider. Cela n'est pas possible. Ce que la chambre a voulu en adoptant l'amendement, c'est que la lumière pût se faire jusqu'au dernier moment. Si l'amendement est retranché, vous exposerez le pays aux plus grands désastres dans les cas de sursis.
Mais, dit M. le ministre, des créanciers ne feront pas valoir leurs observations devant les tribunaux de commerce; ils attendront, pour les produire, que l'affaire soit portée à la cour d'appel. Les créanciers opposants auront tout intérêt à amener les autres créanciers à leur opinion, par conséquent à faire valoir leurs observations dès le principe. Mais si des faits nouveaux sont parvenus à leur connaissance dans l'intervalle, ils doivent être admis à les soumettre à la cour qui pourra demander de nouveaux renseignements. Une demande de sursis contestée par des créanciers n'est pas tellement urgente qu'on ne puisse pas recommencer l'instruction. Il n'y a aucun motif pour empêcher que la lumière se fasse.
Je demande à la chambre de maintenir son vote sur cette question qui est des plus graves. Elle ne peut pas permettre que le négociant, exposé à faillir par suite du sursis qu'on accorderait à son débiteur, ne puisse pas faire valoir ses droits jusqu'au dernier moment, ce serait un déni de justice.
M. Lelièvre. - Si vous maintenez l'amendement, il est essentiel de faire disparaître une expression amphibologique, je veux parler des mots « dans le délai précité ». Or, dans le paragraphe premier, il est question de deux délais, il est donc essentiel de préciser le délai dont parle l'article premier. Quant à la valeur de l'amendement, je pense qu'il doit être maintenu. La défense est un principe de droit naturel. On ne peut donc pas plus l'entraver devant la cour que devant le tribunal. Il est possible que les créanciers aient omis de proposer, devant le tribunal de première instance, un moyen important résultant de faits nouvellement découverts, et cependant on voudrait, par le rejet de l'amendement, leur interdire ce droit d'une manière absolue. Il ne peut en être ainsi.
La faculté énoncée à l'amendement ne peut présenter aucun inconvénient. Si le mémoire produit par les créanciers révélait des faits nouveaux, la cour pourrait en ordonner la communication au failli. Mais dans une matière aussi grave, où les droits des intéressés sont si fortement engagés, où des créances importantes sont paralysées, il est impossible de ne pas accorder aux intéressés toutes les facilités possibles pour faire valoir leurs droits. La suppression du droit de défense peut donner lieu à des inconvénients bien plus graves que ceux signalés par M. le ministre de la justice.
M. Tesch, rapporteur. - Messieurs, si j'avais été ici lorsque l'amendement de M. Dumortier a été admis, je j'aurais combattu de toutes mes forces. Cette disposition est dangereuse ou inutile; elle est dangereuse en présence du premier paragraphe de l'article 598, si la cour doit s'arrêter à la requête qui lui est présentée.
M. Dumortier. - C'est une erreur !
M. Tesch. - Il suffit de lire le premier paragraphe pour s'en convaincre,.
« L'avis du tribunal, ainsi que toutes les pièces relatives à la demande, seront transmis, dans les trois jours, au procureur général près la cour d'appel du ressort, qui les soumettra, avec ses conclusions, au premier président; celui-ci commettra un conseiller, sur le rapport duquel la cour statuera dans la huitaine de la réception des pièces. »
Ainsi d'après cet article, la cour doit statuer sur la demande de sursis dans la huitaine de la réception des pièces, Si la cour prend en considération la requête, dans quelle position la mettez-vous? Dans la position de n'entendre qu'une seule des deux parties. Cela est de toute évidence. Il ne pourra plus s'établir, devant la cour, de débat contradictoire. La cour à chaque instant sera dans le cas d'être surprise par des faits faux, controuvés, car dans la huitaine de la remise des pièces, la vérification est impossible: c'est là une chose que vous ne pouvez pas contester. Voulez-vous que la cour ne prenne pas la requête en considération, alors elle est inutile ; il est inutile de permettre de s'adresser à la cour quand la cour ne pourra pas tenir compte de la requête qu'on lui présente.
La loi contient un mode d'instruction qui donne la garantie la plus complète à tous les intérêts, à tous les créanciers. Elle ordonne la vérification des affaires du débiteur; elle veut que des experts soient nommés, qu'ils opèrent sous la surveillance du juge-commissaire, qu'ils soient entendus par le tribunal même. Elle veut qu'il y ait là un débat contradictoire. Elle ordonne qu'il y ait de toutes ces opérations un procès-verbal détaillé ; elle autorise les créanciers à annexer au procès-verbal tous les mémoires qu'ils jugeront convenir.
C'est sur ce débat contradictoire, apprécié par le tribunal de commerce, que la cour est appelée à statuer.
Si vous adoptez l'amendement, qu'arrivera-t-il? C'est que la minorité dissidente ne se présentera jamais, comme l'a dit M. le ministre de la justice, aux réunions de créanciers : elle se réservera ses moyens, et puis furtivement, alors qu'il n'y aura plus de discussion possible, elle les présentera à la cour.
Maintenant voyons les moyens sur lesquels se fonde l'honorable M. Dumortier. Il allègue trois raisons sur lesquelles il s'appuie pour demander que l'amendement soit adopté.
D'abord, il invoque les abus auxquels l'octroi des sursis a donné lieu. (page 318) C'est là une discussion rétrospective, à laquelle je ne puis me livrer avec d'honorable M. Dumortier. Je veux bien admettre que des abus ont eu lieu ! Mais là n'est pas la question. Je demanderai à l'honorable M. Dumortier si le principe des sursis, organisé par le projet de loi, peut donner lieu à ces abus.
M. Dumortier. - C'est la même chose.
M. Tesch. - Je vais démontrer à l'honorable M. Du mortier qu'il se trompe, lorsqu'il croit que le principe des sursis, organisé comme il l'est par le projet de loi peut donner lieu aux mêmes abus. Si M. Dumortier le pense, il aurait dû combattre le principe du concordat admis dans toutes les lois sur les faillites.
M. Dumortier. - C'est tout autre chose !
M. Tesch. - Ce n'est pas autre chose ; car, ainsi que je l'ai dit dans ;une autre séance, si vous n'avez pas le sursis, vous aurez inévitablement la faillite, et ici je rencontre ici un des grands arguments de l'honorable M. Dumortier.
Le sursis (dit cet honorable membre) est une chose très grave. Les créanciers de celui à qui l'on accorde un sursis devront peut-être faire faillite, suspendre leurs payements, parce qu'on aura accordé un sursis à leur débiteur.
Je réponds à l'honorable M. Dumortier : Votre raisonnement serait très juste, si, dans le cas de refus du sursis, le débiteur reprenait ses payements. Mais si vous n'avez pas le sursis, vous aurez la faillite. C'est évident inévitablement. Eh bien, avec la faillite, la liquidation sera-t-elle plus prompte ? Non. La même majorité des créanciers en nombre qui se sera refusée à accorder le sursis accordera le concordat. Ainsi ce que vous n'aurez pas voulu accorder par le sursis à un homme à la tête de ses affaires, la même majorité vous l'imposera pour un homme qui aura fait faillite.
L'honorable M. Dumortier emploie un autre argument : il suppose qu'il peut arriver que l'on exagère l'actif, qu'il s'y introduise des erreurs. Mais il aurait dû tenir compte des différentes garanties que le projet de loi donne aux créanciers, indépendamment de celles que j'ai énumérées plus haut.
D'abord il y a des peines comminées contre le débiteur qui exagérera son actif, ou dissimulera son passif. Voilà une première garantie; nous la trouvons dans l'article 611 qui est ainsi conçu :
« Le débiteur sera puni de la même peine que le banqueroutier simple:
«1° Si, pour déterminer ou faciliter la délivrance du sursis, il a, de quelque manière que ce soit, volontairement dissimulé une partie de son passif ou exagéré son actif;
« 2° S'il a fait ou laissé intervenir aux délibérations relatives à la demande de sursis un ou plusieurs créanciers supposés, ou dont les créances, à raison desquelles ils ont pris part aux délibérations, ont été exagérées. »
Je ne dis pas que cette précaution seule eût suffi. Mais il y a l'article 607 qui porte :
« La révocation du sursis pourra être demandée par un ou plusieurs créanciers ou par les commissaires surveillants , si le débiteur s'est rendu coupable de dol ou de mauvaise foi, s'il a contrevenu à l'article 610, ou s'il apparaît que son actif n'offre plus de ressources suffisantes pour payer intégralement toutes ses dettes. »
Ainsi si le débiteur venait à tromper les créanciers sur son actif, ceux-ci auraient le droit de faire révoquer le sursis. C'est là une garantie bien plus forte que le droit de fournir un mémoire à la cour.
Ces considérations doivent , je pense , suffire pour faire écarter l'amendement qui, dans l'opinion du gouvernement et de la commission, est en désaccord avec l'esprit du projet de loi.
M. Dumortier. - Il m'est bien facile de répondre aux objections de l'honorable rapporteur.
Son argumentation repose principalement sur ce raisonnement : Vous voulez combattre les sursis, donc il fallait combattre le concordat. Je suis vraiment surpris de voir l'honorable membre ne pas saisir la différence entre le sursis et le concordat au point de vue des créanciers; car le concordat est une liquidation d'affaires, tandis que le sursis est une continuation d'affaires. Les créanciers peuvent désirer le concordat pour arriver à la liquidation. Mais désirer la continuation des affaires, c'est tout autre chose. Cela ne se ressemble pas du tout.
L'honorable membre confond deux choses entièrement distinctes : la liquidation au profit des créanciers et la continuation des affaires. Cette argumentation est nulle , je l'ai détruite de la manière la plus péremptoire. Malgré tout son talent, l'honorable rapporteur sera fort embarrassé pour y répondre.
M. Tesch, rapporteur. - C'est précisément que le concordai n'est pas une liquidation. Par le concordat vous remettez le failli à la tête de ses affaires, et la liquidation ne se poursuit jamais que quand il n'y a pas de concordat.
M. Dumortier. - Il est vrai que, par le concordat, on met un homme à la tête des affaires, mais c'est pour terminer ces affaires et pour recevoir; tandis que, par le sursis, le débiteur est maintenu à la tête de ses affaires, et que presque toujours il ne paye pas.
Messieurs, je connais assez bien les affaires commerciales ; j'ai fait assez longtemps partie d'un tribunal de commerce, et je sais beaucoup mieux que d'autres personnes ce qui se passe en pareil cas.
Messieurs, on nous demande : Seriez-vous plus payé en cas de faillite qu'en cas de sursis? Certainement, messieurs. En cas de sursis, souvent on n'est pas payé du tout; tandis qu'en cas de concordat, on est paye de tout ce qui se trouve entre les mains du failli. Il arrive donc très souvent que les créanciers ont intérêt à s'opposer au sursis.
L'honorable rapporteur nous dit : Il y a des garanties dans la loi.et il cite deux articles : l'un qui dit qu'il est interdit au débiteur d’exagérer son bilan, le second qui dit que, s'il y a dol ou fraude, on peut révoquer le sursis. Mais on peut, sans exagérer le bilan, sans qu'il y ait dol ou fraude, présenter un bilan qui paraisse favorable aux créanciers. Tous ceux qui ont l'habitude de ce qui se passe dans les affaires de faillite, savent comment les choses se passent.
Lorsqu'un débiteur vient déposer son bilan, il est toujours beaucoup au-dessus de ses affaires; le second jour, il est au niveau de ses affaires; le troisième jour il est en dessous de ses affaires. Voilà comment toutes les faillites marchent; j'en appelle à toutes les personnes qui ont été à même d'examiner, de suivre ce genre d'opérations.
Comment fait-on, messieurs, pour présenter un bilan au-dessus de ses affaires? Emploie-t-on pour cela la fraude ou le dol? Nullement. Mais on met dans son actif toutes les mauvaises créances, les créances insolvables, les créances de personnes qui habitent souvent à de grandes distances, dans des villes éloignées et que les créanciers ne connaissent pas. Les créanciers qui voient que telle personne qui habite à 100 lieues, à 200 lieues, doit une somme considérable, regardent celle-ci comme une valeur qui doit revenir à la masse créancière, tandis qu'elle est due souvent par une personne insolvable. Il n'y a là ni fraude ni dol, et cependant les créanciers sont exposés à accorder le sursis sans savoir quelle était la solvabilité des personnes portées sur les livres de celui qui demande le sursis.
Voilà, messieurs, comment les choses se passent. Or, dans des cas pareils, n'est-il pas juste, n'est-il pas nécessaire et indispensable que le négociant qui réclame contre le sursis puisse faire entendre sa voix jusqu'au dernier moment, et même devant la cour d'appel? Mais évidemment la justice exige que le créancier qui est exposé à faillir, qui voit ses affaires fortement compromises par cette demande de sursis, puisse se faire entendre. Lui refuser ce droit serait un déni de justice que vous ne voudrez pas sanctionner.
M. Tesch, rapporteur. - Je prie la chambre de ne pas se laisser surprendre par des arguments qui trouvent leur réponse dans les dispositions mêmes de la loi.
Ainsi, l'honorable M. Dumortier dit qu'on n'est pas payé en cas de sursis, tandis qu'on est payé en cas de faillite.
M. Dumortier. - Souvent.
M. Tesch, rapporteur. - Mais vous oubliez donc que dans la loi il y a un article qui veut que des commissaires surveillants soient nommés à celui qui demande un sursis?
M. Dumortier. - Cela a toujours été ainsi.
M. Tesch, rapporteur. - Cela n'a pas toujours été ainsi ; c'est une erreur. Car l'arrêté de 1814 ne faisait pas une obligation au gouvernement de nommer des surveillants.
Il y a dans la loi un autre article qui déclare que tous les actes posés par le débiteur, en cas de sursis, sans l'intervention de ces commissaires-surveillants, sont radicalement nuls. Ces garanties sont nouvelles.
M. Dumortier. - Elles existaient auparavant.
M. Tesch, rapporteur. - Je suis fâché de déclarer que vous êtes dans l'erreur.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Elles n'existaient pas dans la loi. Ce sont des garanties nouvelles introduites dans la loi.
M. Dumortier. - Elles existaient en fait.
M. Tesch, rapporteur. - Existait-il en fait ou en droit que l'assentiment des créanciers était obligé, qu'il fallait que la majorité en nombre représentant les trois quarts des sommes consentit au sursis?
Vous voyez bien qu'il y a dans la loi une quantité de garanties qui n'existaient ni en fait ni en droit sous l'empire de l'arrêté de 1814.
On dit qu'il est juste que les créanciers puissent se faire entendre. Mais il semblerait qu'il ne s'établît aucune espèce de discussion, que les créanciers ne sont pas consultés, que tout se passe sans leur intervention.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'ils devaient pouvoir se faire entendre jusqu'au dernier moment.
M. Tesch, rapporteur. - J'ai déjà fait remarquer que les créanciers pouvaient faire valoir tous leurs moyens devant le tribunal de commerce et annexer même des mémoires au procès-verbal du tribunal. A moins de déférer l'instruction de la demande en sursis à la cour d'appel, il est impossible d'exiger d'avantage.
J'ai d'ailleurs fait valoir un argument auquel on n'a pas répondu. C'est que la cour, d'après la loi n'a que huit jours pour décider. Or il est évident que dans ces huit jours un débat contradictoire ne peut surgir devant elle.
Dès lors qu'arrivera-t-il? C'est que la cour ou devra repousser purement et simplement les requêtes qui lui seront adressées, ou se mettra dans le cas de devoir accueillir des faits qu'elle n'aura pu vérifier et verra à chaque instant sa bonne foi surprise.
Je répéterai enfin à l'honorable M. Dumortier que s'il n'y a pas sursis il y aura nécessairement et, inévitablement faillite et qu'en cas de faillite les créanciers sont bien moins certains de réaliser quelque chose qu'en cas de sursis.
(page 319) M. Bruneau. - S'il est un principe élémentaire dans notre législation, c'est que personne ne peut être jugé sans être entendu. Il n'est donc pas possible d'admettre que des créanciers puissent présenter une requête à la cour sans ordonner en même temps que cette requête soit communiquée à la partie adverse; sans cela il arriverait que la partie contre laquelle on articulerait des faits dans cette requête pourrait être condamnée sans être entendue. Ce serait, messieurs, une monstruosité dans notre législation.
Si donc on maintenait l'amendement de l'honorable M. Dumortier, il faudrait ajouter que les requêtes devront être communiquées à la partie adverse. La conséquence serait que vous auriez un débat contradictoire devant la cour d'appel. Vous arriveriez ainsi à un système tout à fait en dehors de l'économie du projet qui vous est soumis.
Je crois que la chambre et la commission qui a élaboré ce projet ont voulu une instruction sommaire et prompte. Ce serait le contraire qui arriverait. Je pense donc qu'il y a lieu de maintenir le projet tel qu'il vous avait été présenté par la commission.
M. Lelièvre. - Je pense que l'on ne peut écarter l'amendement de M- Dumortier d'une manière absolue.
Qu'arriverait-il, en effet, si, postérieurement à la comparution devant le tribunal de commerce, un créancier découvrait de nouveaux faits, de nouvelles pièces établissant la mauvaise foi du failli et par suite écartant le sursis?
Le créancier peut, pour cause d'absence, s'être trouvé dans l'impossibilité de comparaître devant le tribunal de commerce. Dans tous les cas, il y aurait injustice à ne pas l'admettre à déduire ses moyens de défense.
Du reste, si la cour doit statuer dans le délai de huit jours, c'est là la règle générale; mais il est évident que, si la cour rencontre dans le mémoire du créancier des faits de nature à influer sur ses délibérations, elle ordonnera la communication de la requête au failli. Je persiste à penser qu'il y aurait danger réel à enlever dans tous les cas aux créanciers le droit de s'adresser à la cour.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, si vous admettez que de nouvelles pièces puissent être produites, que de nouveaux mémoires puissent être présentés devant la cour d'appel, il faut nécessairement, comme vous le disait l'honorable M. Bruneau tout à l'heure, que la cour puisse ordonner la communication de ces pièces aux parties adverses et que tous les intéressés puissent en prendre connaissance.
Dès lors vous désorganisez complètement le système du projet de loi ; vous détruisez toute son économie. Vous autorisez devant la cour une nouvelle instruction, alors que le projet veut que l'instruction sorte entière, complète, parachevée, des mains du tribunal de commerce.
C'est ainsi que par un amendement improvisé et qui est repoussé par le gouvernement et par la commission, vous viendrez réellement déparer le projet de loi et y introduire une véritable anomalie.
Je demande donc que la chambre veuille repousser cet amendement.
- L'amendement introduit dans l'article au premier vote est mis aux voix et rejeté.
Les autres amendements introduits dans le projet sont successivement confirmés.
M. le président. - Il y a eu des rectifications dans les numéros des articles. Elles ont été faites de commun accord par le gouvernement et M. le rapporteur. La chambre approuve sans doute ces rectifications! (Adhésion.)
M. Cans.- Je dois signaler une faute d'impression. Le chapitre IV du titre II : Des banqueroutes, porte pour intitulé : « De l'administration des biens en cas de faillite, » il faut dire : « en cas de banqueroute. »
Ce changement est mis aux voix et adopté.
Il procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet, qui est adopté par 73 voix contre 1. Deux membres se sont abstenus.
Ont voté l'adoption : MM. Orts, Osy, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Schumacher, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau. Anspach, Bruneau, Cans, Clep, Cools, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes. d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Faignart, Fontainas, Jacques, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moxhon et Verhaegen.
M. Coomans a voté le rejet.
MM. Dumortier et Lelièvre se sont abstenus.
M. Dumortier. - Messieurs, la loi apporte des améliorations incontestables à l'état actuel des choses, mais je crois qu'elle donnera lieu encore à beaucoup d'embarras et de difficultés; d'un autre côté, je ne saurais pas voter une loi qui prive les créanciers de faire valoir leurs droits jusqu'au moment du jugement.
M. Lelièvre. - Je me suis abstenu parce que, si la loi renferme des améliorations, il s'y rencontre des lacunes importantes; et, d'un autre côté, plusieurs dispositions doivent, dans mon opinion, donner lieu à des inconvénients et à de nombreuses contestations. Ce sont ces considérations qui m'ont déterminé à ne voter ni pour ni contre la loi.
M. Le Hon. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre le rapport de la section centrale sur le traité de navigation et de commerce conclu entre la Belgique et la France.
M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. A quel jour la chambre veut-elle en fixer la discussion?
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je demande que la chambre veuille bien mettre à son ordre du jour, immédiatement après le budget des travaux publics, le projet de loi sur lequel le rapport vient d'être déposé. Je ferai remarquer que le terme fixé pour l'échange des ratifications expire le 17 du mois prochain; il est donc essentiel que la chambre se prononce sur le traité, avant de se séparer.
- Adopté.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant délimitation entre la commune de Lambusart (Hainaut) et celle de Moignelée (Namur).
M. Lelièvre, rapporteur de la commission spéciale. - Messieurs, la commission spéciale et M. le ministre de l'intérieur sont d'accord pour demander l'ajournement de cette discussion jusqu'après le nouvel an.
- La chambre, consultée, ajourne cette discussion jusqu'après les vacances.
M. Julliot. - Messieurs, on nous demande encore un crédit supplémentaire de 78,000 francs pour distribuer en primes de construction de navires.
Je prierai M. le ministre des affaires étrangères de vouloir nous dire si nous sommes encore menacés par d'autres constructions de navires ayant droit à la prime, ou si tout s'arrête pour le moment aux constructions énumérées dans son exposé des motifs.
Messieurs, l'honorable ministre des finances nous a dit hier, à propos de l'impôt foncier, il nous a dit : « que nous sommes dans une voie qu'il ne peut admettre, que dès qu'il s'agit de voter des dépenses on est bientôt disposé ; et qu'alors qu'il s'agit de voter des impôts, personne n'est prêt ; qu'il faut cependant aviser à accroître les recettes. »
Le même ministre a dit encore : « Je vous prédis que quelques économies que vous fassiez, entendez-le bien, vous n'échapperez pas à l'impôt. »
Ces paroles courageuses, je les approuve; un ministre des finances ne doit pas dissimuler la situation financière à la chambre, il doit l'exposer sans réticence.
Et c'est en présence de ces avertissements qu'on vient nous demander le lendemain 78,000 francs comme crédit supplémentaire à la prime de construction de navires, que nous sommes obligés de voter, parce qu'une loi nous l'ordonne! Oui, messieurs, je respecte la loi et je voterai le crédit; mais je n'ai pas la même déférence pour le motif qui l'a fait naître, et je repousserai la cause pour que le même effet ne se produise plus.
En vertu de notre initiative individuelle, je saisirai la chambre d'un projet qui y portera remède.
Messieurs, cette loi a vu le jour à une époque où la Belgique entrait en pleine prospérité, et voyait croître tous les jours ses ressources, où chaque rêve de société anonyme était une fortune, à l'époque où les administrations des chemins de fer repoussaient les chiffres des devis parce qu'ils étaient trop faibles pour faire un nombre assez considérable de dupes. _
Il n'est pas étonnant qu'alors qu'on ne parlait que de millions, le gouvernement et les chambres n'aient pas reculé devant ce qu'on présentait comme une petite dépense destinée à produire de grands résultats.
Et encore n'a-t-on voté cette loi que pour 3 ans, elle a été prorogée périodiquement jusqu'à ce jour.
Mais aujourd'hui nous sommes dans d'autres conditions; nos finances sont obérées, le chiffre de la prime augmente considérablement, et si elle donne des résultats, c'est au profit de quelques intérêts privés que nous n'avons pas à défendre contre ceux de la généralité.
Voilà pour la question d'opportunité.
Maintenant, messieurs, quand on soulève la question de fond, elle ne résiste pas à un examen sérieux. Pourquoi cette faveur à la construction navale? Que faites-vous pour les constructions des fermes, des moulins, des usines, des fabriques? toutes constructions aussi utiles au pays que celle des navires à laquelle vous faites contribuer tout le pays, soit pour un tiers, ou un quart!
Mais il est évident que c'est une expropriation forcée faite sur les contribuables pour cause d'utilité privée.
Et certes, tous ceux qui pensent, comme moi, que la terre est assez chargée pour qu'on ne lui en demande pas davantage, viendront à mon aide pour renverser un privilège si peu justifié, qu'il blesse les notions élémentaires de la justice et de l'équité, privilège d'autant plus absurde que, d'un côté, nous payons des primes pour faire construire des navires et que, de l'autre, nous nationalisons tous les jours des navires pour que ceux qui sont construits soient battus par les étrangers naturalisés.
M. Mercier. - Je ne prends pas la parole pour entrer dans des considérations sur le crédit supplémentaire demandé; les primes pour construction de navires sont accordées en vertu de la loi de 1837 ; nous (page 320) ne pourrions les refuser qu'après avoir rapporté ou modifié la loi. Mon intention est de soumettre à la chambre quelques observations sur les moyens proposés pour faire face à cette dépense.
D'après le rapport qui nous a été présenté, un membre de la section centrale a posé la question suivante :
« Peut-on légalement disposer de l'excédant d'un chapitre à un budget présentant in globo un déficit? «
Je demanderai, moi, si on le peut logiquement, si on le peut moralement?
Une chose doit frapper tous les esprits. D'abord, messieurs, c'est qu'il est contraire à la saine raison de supposer que l'on puisse trouver des ressources dans un budget qui est en déficit.
L'article 15, paragraphe 2 de la loi générale sur la comptabilité de l'Etat porte que « toute demande de crédit faite en dehors de la loi annuelle des dépenses doit indiquer les voies et moyens qui seront affectés aux crédits demandés. »
Le but de cette disposition se comprend facilement; on a voulu imposer un frein moral au gouvernement et aux chambres pour les empêcher de se laisser trop aisément entraîner à de nouvelles dépenses.
Un honorable membre de cette chambre, dans la discussion de la loi, a exprimé la crainte que cette disposition ne fût souvent éludée; mais assurément il n'a pas prévu la manière trop ingénieuse à laquelle on a recours dans le projet qui nous est soumis.
L'article 15 veut que l'on indique des voies et moyens.
Mais, messieurs, lorsque les budgets d'un exercice sont en déficit, les économies qui ont été faites sur certains articles ou chapitres diminuent le déficit, mais ne produisent pas des ressources disponibles pour faire face à de nouvelles dépenses.
Si la loi sur la comptabilité était appliquée de cette manière dans toutes ses parties, on ferait bien de la déchirer, car elle ne serait qu'un leurre.
Le déficit de l'exercice 1848, d'après l'expose de la situation générale du trésor, est de fr. 9,258,010-81 ; il serait de fr. 10,758,010-81 si l'on n'en avait déjà déduit toutes les économies prévues sur cet exercice ; ces économies, d'après le même exposé, sont présumées pouvoir s'élever à 1,500,000 fr.
Or, je le demande, messieurs, peut-on convenablement admettre comme ressources destinées à faire face à de nouvelles dépenses une économie de 78,000 fr., puisée dans les budgets d'un exercice dont le déficit total dépasse 9 millions?
Une telle opération, en se renouvelant, ne peut que donner une idée fausse de la véritable situation du trésor, d'autant plus que les économies ont déjà été escomptées pour déterminer le chiffre de la dette flottante.
Enfin, messieurs, continuer à agir de cette manière se serait peut-être pas en opposition manifeste avec la lettre de la loi, mais assurément ce serait contraire à son esprit.
S'il n'existe pas d'autres ressources réelles, il faut se résigner à déclarer franchement que les nouvelles dépenses seront couvertes par une émission de bons du trésor, au lieu d'employer un moyen détourné d'arriver au même résultat.
M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, relativement au crédit supplémentaire demandé par l'honorable ministre des affaires étrangères, je demanderai la permission de soumettre quelques observations.
D'après la situation générale du trésor public, au 1er septembre 1849, déposée par M. le ministre des finances, on établit à l'état comparatif entre l'évaluation des revenus du royaume, pour l'exercice 1848, et les recettes effectives pour le même exercice (pages 80-81), une diminution de 8,984,854 fr. soit environ 9,000,000 fr.
L'évaluation des revenus ordinaires comportait une somme de 117,902,250 fr., et les revenus probables représentent une somme de 108,917,396. Différence en moins, 8,934,854.
D'un autre côté, d'après l'état de la situation du budget général des dépenses de l'exercice 1848, le montant des budgets (déduction faite des dépenses extraordinaires pour lesquelles on a ouvert des crédits extraordinaires ainsi que des fonds spéciaux), le montant de ce budget comporte une somme de 118,193,869 fr.
Les revenus de l’exercice ne sont que de 108,917,396 fr.
Donc excédant des dépenses de plus de 9,000,000 fr.
Maintenant que fait-on?
Le budget des affaires étrangères figure dans le montant des budgets des dépenses pour l'exercice 1848, pour une somme de 2,698,774 fr.
Et on vient demander un crédit supplémentaire do 78,000 fr. par la raison que les crédits ouverts au budget de ce département sont diminués de pareille somme, parce que les dépenses qui s'y rapportent n'ont pas été employées, et l'on propose d'appliquer ainsi cette somme en dépense au budget du même département pour l'excrcice 1850, en disant qu'il n'en résulte pas de charge plus grande pour le trésor.
Mais, messieurs, selon moi, il paraît que cette assertion n'est pas exacte, parce que, tout en transférant cette dépense au budget de 1850, vous n'y apportez pas en même temps des ressources pour y pourvoir; et en effet, au lieu d'avoir, dans les revenus du trésor pour l'exercice 1848, du disponible, vous avez un déficit de 9,000,000 pour pourvoir aux dépenses.
Tout ce qui résulte de cet état des choses, c'est que le déficit est diminué de 78,000 fr. Voilà le résultat, selon moi.
Pour ce qui concerne le budget des affaires étrangères de 1850, il sera tout bonnement augmenté de 78,000 francs, au moyen d'un crédit extraordinaire ; ce qui augmentera nécessairement, dans les même rapports, le montant du budget général des dépenses de l'Etat.
Ainsi celui-ci sera successivement augmenté par des demandes de crédits extraordinaires, tels que ceux-ci qui se trouvent en première ligne savoir :
Celui de 78,000 fr. demande par M. le ministre des affaires étrangères.
Celui de 75,000 fr. demandé par M. le ministre de la justice.
Celui de 45,000 fr. demandé par M. le ministre des affaires étrangères, en séance du 11 décembre.
Puis M. le ministre de l'intérieur viendra probablement demander un crédit extraordinaire de 500,000 fr. pour l'armement de la garde civique.
Ce qui fait ensemble 698,000 fr., près de 700,000 francs.
Puis M. le ministre des travaux publics réclamera un crédit extraordinaire pour l'achèvement du canal de Zelzaete; car je remarque qu'il n'est rien mentionné de ce chef dans son budget pour 1850.
Puis enfin, d'autres crédits extraordinaires qu'on demandera infailliblement, et qui porteront ainsi bientôt le montant de ces dépenses à 1 million, et pour lesquelles il faudra pourvoir par des ressources extraordinaires qui viendront accroître le montant de notre dette flottante.
Ce n'est pas que je sois dans l'intention de m'opposer à la demande du crédit dont le projet de loi nous est soumis par M. le ministre des affaires étrangères; mon but tend uniquement à émettre des considérations motivées pour nous engager à ne pas voter, sans de sérieuses réserves, des demandes de crédits supplémentaires, qui se traduisent en forme de crédits extraordinaires pour effectuer des dépenses dont il faudra trouver des ressources par une augmentation de recettes extraordinaires qui donneront nécessairement lieu à devoir recourir à de nouveaux impôts.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je ferai d'abord remarquer que le crédit demande à la chambre est la conséquence d'une loi qui a été votée dans le courant de l'année dernière.
Une loi, qui date du 7 janvier 1837, a déclaré que des primes seraient accordées aux constructeurs de navires dans certaines conditions. Cette loi a déjà été prorogée cinq fois par la législature à la presque unanimité des voix; en dernier lieu, la chambre actuelle l'a prorogée jusqu'au 1er janvier 1852. Ainsi la législature a pris l’engagement de donner à tous ceux qui construiraient des navires dans les conditions voulues par la loi, les primes qui y sont déterminées.
Lorsqu'un crédit a été porté au budget, on ne pouvait pas prévoir que la construction des navires prendrait tout à coup un aussi grand développement. Ce crédit n'a été déterminé qu'à 20,000 fr. : cette somme avait suffi les années précédentes; on pouvait croire qu'elle suffirait en 1849 comme en 1850.
Mais la construction des navires a pris tout à coup une très grande extension, ce dont nous devons grandement nous féliciter. Les déclarations qui ont été faites porteront les primes à payer en 1849 et 1850 à une somme équivalente à 78 mille francs en sus des crédits portés au budget. Voilà l'état de la question. Il est impossible, sans manquer aux engagements contractés par la législature, de refuser le crédit demandé maintenant.
Quand on a adopté la loi de 1837, on a eu en vue. Non seulement de favoriser une industrie qui a son importance et exerce sur l'industrie du pays une certaine influence puisqu'elle emploie les toiles, le zinc, le fer et autres de ses produits, mais surtout d'augmenter notre marine marchande qui était dans un état d'infériorité déplorable; or, elle va s'enrichir d'ici à 2 ans de 15 nouveaux bâtiments :je crois qu'il y a lieu de s'en féliciter; et ce sont les primes qui ont contribué à ce développement.
L'honorable M. Julliot demande si d'autres constructions sont annoncées. Il y en a deux autres en sus de celles dont il s'agit dans le projet de loi. Mais ou ne sait pas si ces navires seront lancés en 1850 ou en 1851, comme c'est plus probable. La loi du 7 janvier 1837 est prorogée jusqu'au 1er janvier 1852. Les crédits demandés, qu'on ne peut se dispenser d'accorder (page 321) sans manquer aux engagements contractés par la loi, suffiront pour, payer les primes en 1850. Pour arriver au terme de la loi, il n'y aura plus que l'année 1851. Les chambres pourront alors examiner d'une manière approfondie s'il n'y a plus lieu de continuer le môme système.
Toute proposition faite maintenant d'abroger cette loi serait prématurée; il y a d'abord des présomptions très fortes en faveur d'une loi qui a été prorogée cinq fois à la presque unanimité; il y a en sa faveur des raisons trop puissantes pour qu'on puisse venir incidemment, un an après qu'elle expire, en proposer l'abrogation. D'ailleurs, ceux qui ont mis les navires en construction l'ont fait dans l'espoir d'avoir les primes puisqu'on les avait promises jusqu'en 1852. Comment agirait-on à leur égard? Je soumets ces observations à l'honorable M. Julliot.
On a attaqué aussi la forme dans laquelle la demande de crédit a été faite. M. le ministre des finances s'est rendu dans le sein de la section centrale pour donner des explications sur ce point; elles ont paru entièrement satisfaisantes à la section centrale. Je regrette qu'il ne soit pas présent; il pourrait les reproduire d'une manière plus complète que je ne le ferai.
Mais, messieurs, de quoi s'agit-il? Le budget des affaires étrangères n'est pas épuisé. Il s'agit de rester dans les termes du même budget ; plusieurs articles présentent des excédants, on les reporte sur d'autres articles qui sont insuffisants; c'est un véritable transfert.
La section centrale a reconnu que ce mode est très légal. J'ajouterai qu'il y a un précédent, dont je ne me rappelle pas la date, où il s'agissait d'un crédit voté dans les mêmes termes. De sorte que si on blâme la forme dans laquelle ce crédit est présenté, on blâme l'acte par lequel la chambre a voté un crédit dans la même forme. Il n'y a donc rien à dire à cet égard, et il n'y a pas lieu surtout de la qualifier comme l'a fait l'honorable M. Mercier. Ainsi, ni sous le rapport de la forme non plus que sous le rapport du fond, on ne peut s'opposer à l'adoption du crédit.
M. Osy. - Je ne viens pas contester la dépense pour laquelle M. le ministre demande un crédit, car c'est en exécution d'une loi que vous avez décrétée pour encourager la construction des navires. Cette loi expire en 1852; c'est alors que la chambre aura à décider si elle croit devoir continuer ou non le système des primes pour construction de navires; mais je vous dirai que si ce système nous entraîne à des dépenses, d'un autre côté il nous donne des recettes, car ces navires, en augmentant notre mouvement commercial, nous procurent des droits d'entrée qui augmentent les produits de la douane.
Quant à la forme sous laquelle le crédit est demandé, je dois dire que je ne puis accepter l'explication que vient de donner M. le ministre des affaires étrangères, en réponse à l'honorable M. Mercier. Il est vrai qu'il y a un précédent : l'année dernière, à la fin de la session, nous avons voté pour le département de la justice un crédit présenté de la même manière. Mais en autorisant à imputer une dépense sur des crédits non absorbés, j'ai fait mes réserves quant au mode adopté, que je trouvais contraire à la loi de comptabilité. Car l'article 15 de cette loi veut que, quand nous votons des crédits en dehors des budgets, nous spécifiions les voies et moyens. Le budget de 1848, dans son ensemble, donnant un déficit de près de 9 millions, il n'est pas possible de dire qu'on impute une dépense sur un excédant qu'il présente. Peut-être y a-t-il excédant de crédit sur quelques articles, mais sur l'ensemble nous avons un déficit. Donc ce n'est pas sur un déficit que nous pouvons décréter des dépenses.
Je déclare, comme l'année dernière, que c'est la dernière fois que je vote des crédits avec des voies et moyens qui ne sont pas conformes à la loi de comptabilité. Je vote le crédit aujourd'hui parce que c'est indispensable; mais à l'avenir je suis décidé à refuser tout crédit dont les voies et moyens ne seront pas régulièrement indiqués. Il faut agir avec franchise.
Je profiterai de la circonstance pour adresser une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères.
En vertu de la loi des droits différentiels de 1844, sous le ministère de M. Malou, on a pris un arrêté relativement aux relâches; cet arrêté expire le 31 décembre de cette année; cet arrêté, qui était une amélioration, n'a cependant pas fait cesser toutes les plaintes. Je demanderai à M. le ministre si le gouvernement a pris des mesures, soit pour renouveler cet arrêté, soit pour en prendre un autre qui améliore cette affaire des relâches, qui donne lieu encore à beaucoup de réclamations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'honorable M. Osy désire savoir si le gouvernement a pris des mesures en ce qui concerne l'arrêté royal relatif à la relâche des navires. Je lui répondrai qu'une commission a été instituée pour examiner cet arrêté, qu'elle a entendu les délégués des chambres de commerce, et qu'elle vient de terminer son travail. Un arrêté, qui modifie en quelques points l'arrêté dont vient de parler l'honorable M. Osy, paraîtra très incessamment.
M. Cans. - A la fin de la session dernière, j'ai eu l'honneur de: demander à M. le ministre des affaires étrangères de faire à la chambre un rapport sur les effets de la loi des droits différentiels. Il l'avait promis pour le commencement de la session. Je lui demanderai s'il compte bientôt le déposer; ce document serait très utile pour l'examen du traité de commerce et de navigation avec la France et de l’article du budget des affaires étrangères relatif aux primes pour construction de navires.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je n'ai nullement oublié la demande que m'a faite l'honorable M. Cans. Un rapport sera présenté sur les effets de la loi des droits différentiels. Mais on a désiré y comprendre les effets de la loi, en ce qui concerne l'exercice actuel. C'est une chose importante pour apprécier la question. L'année 1848, comme le sait l'honorable M. Cans, est tout à fait anormale; elle ne pourrait pas être prise en considération; les résultats de la loi, pour l'année actuelle, pourraient jeter une assez grande lumière sur la question.
Devant être ainsi complété, le rapport ne peut être présenté de suite. Mais il le sera avant la discussion du budget des affaires étrangères.
C'est dans l'intérêt de la question même qu'on a différé la présentation du rapport.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Cools. -Je crois qu'on va décider une question de comptabilité: de la plus haute importance. Si je demande la parole contre la clôture, c'est pour demander si le vote sera émis sur la question de comptabilité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le vote du projet de loi ne préjuge pas la question de comptabilité.
- La discussion est close.
« Art. 1er. Les crédits ouverts au budget du département des affaires,étrangères, pour l'exercice 1848, sont diminués, savoir :
« Chapitre II, article 3. France: fr. 12,388 03.
« Chapitre II, article 6. Italie : fr. 21,250 00.
« Chapitre II, article 11. Danemark : fr. 2,500 00
« Chapitre II, article 12. Espagne : fr. 652 78.
« Chapitre II, article 17. Suède : fr. 15,000 00.
« Chapitre VII, article 1er. Ecoles de navigation : fr. 105 02
« Chapitre VII, article 2. Chambre de commerce : fr. 105 02
« Chapitre VII, article 3. Frais divers et encouragement au commerce : fr. 56 03
« Chapitre VII, article 4. Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et ceux d’Europe, aisi que pour la navigation à voiles, etc. : fr. 20 00
« Chapitre VII, article 5. Primes pour construction de navires : fr. 86 00.
« Chapitre VIII, article 5. Pilotage : fr. 25,072 99
« Ensemble, fr. 78,000 00. »
- Adopté.
« Art. 2. La somme de soixante et dix-huit mille francs, retranchée au budget de 1848, servira à compléter le payement des primes pour construction de navires de mer pendant les années 1849 et 1850, et sera ajoutée au chapitre VII, article 31 du budget de 1850. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi, qui est adopté à l'unanimité des membres qui prennent part au vote, MM. Cans et de Brouwer de Hogendorp s'étant abstenus.
Ont pris part au vote : MM. Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeercboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van lseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Clep, Cools, Coomans, David, de Baillet (H.), de Baillet-Latour, de Breyne, de Denterghem, de Haerne, Delehaye, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, De Pouhon, Dequesne, de Royer, Destriveaux, de Theux, d'Hoffschmidt, Dumon (Auguste), Dumont (Guillaume), Dumortier, Fontainas, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau. Le Hon, Lelièvre, Mercier, Moncheur, Moxhon et Verhaegen.
M. Thiéfry. - Messieurs, dans le rapport de la section centrale je remarque le passage suivant :
« La section centrale a reconnu d'une manière générale que les frais d'impression augmentent d'une manière notable. Elle pense qu'il est indispensable d'apporter un tempérament à ces dépenses sans cesse croissantes.
« Elle croit notamment, en ce qui concerne le crédit pétitionné sous l'article 19 pour frais d'impression du Moniteur, qu'il y a lieu d'examiner de nouveau s'il n'y aurait pas moyen d'éviter le double emploi qui résulte de l'impression des documents de la chambre, d'abord sur feuilles séparées, ensuite dans les colonnes du Moniteur.
« Il lui semble évident que si une combinaison pouvait être adoptée par laquelle le même imprimeur lui chargé des impressions des documents de la chambre tant pour la distribution aux membres que pour les annexes aux Annules parlementaires, il en résulterait un double avantage; d'abord il y aurait plus de célérité dans leur publication au Moniteur, et il en résulterait une notable économie. »
(page 322) Les impressions concernant les documents parlementaires ont fixé l'attention des questeurs.
Nous avons examiné s'il était possible d'éviter le double emploi. Aux motifs indiqués dans le rapport de la section centrale qui s'opposent à la réalisation de ce projet, nous devons ajouter que les membres de cette chambre, pour le travail en sections, font des notes sur les documents mêmes, et que s'ils étaient obligés de les écrire sur les feuilles des Annales parlementaires, celles-ci étant reliées formeraient un volume peu convenable.
Nous avions pensé aussi que le même imprimeur aurait pu être chargé de l'impression des documents et du Moniteur; nous y avons trouvé des inconvénients; les caractères dont on se sert pour le Moniteur sont trop petits, la lecture d'un long rapport deviendrait fatigants pour plusieurs d'entre vous dont le travail a affaibli la vue : se servir de caractères plus grands pour le Moniteur occasionnerait des dépenses plutôt que de permettre des économies, puisque celles-ci ne consisteraient que dans les frais de la composition.
Cette économie a été remplacée d'une autre manière; en diminuant le nombre d'exemplaires de certains documents peu intéressants, et dont le restant encombrait les archives; nous avons fait imprimer sur une demi-feuille plusieurs documents pour lesquels on employait autrefois une feuille entière, etc., etc.
Nos prédécesseurs avaient fait, avec deux imprimeurs, une convention dont le terme a expiré il y a 5 mois, nous en avons conclu une nouvelle pour 3 ans. Les frais d'impression et le coût du papier ayant diminué, il y a une réduction de 12 p. c. Pour nous assurer que les prix fixés n'étaient pas trop élevés, nous avons consulté des hommes compétents et notamment des membres de cette assemblée. Nous pourrons communiquer cette convention lors de la discussion du budget de la chambre.
Je vous ferai encore remarquer, messieurs, qu'il y a deux espèces d'économies aussi précieuses l'une que l'autre: l'économie d'argent et l'économie de temps; sous ce dernier rapport, les travaux de la chambre éprouveraient des retards si le même imprimeur était chargé des impressions du Moniteur et des documents, ceux-ci ne seraient pas remis à domicile aussi vite qu'ils le sont aujourd'hui; il m'arrive déjà assez souvent des plaintes de la part des membres de cette chambre, qui reçoivent le Moniteur tardivement; que serait-ce, quand le sénat est assemblé, si l'on n'avait qu'un seul imprimeur pour le tout ?
J'ajouterai que le voisinage du greffe et de l'imprimerie abrège le temps employé pour la correction des épreuves et contribue à accélérer les travaux.
La section centrale demande que les impressions soient divisées en trois parties : le journal, les Annales parlementaires et les documents. Cette division aura l'inconvénient de présenter chaque jour les Annales parlementaires avec des blancs plus ou moins grands, qui sont aujourd'hui remplis par les documents, elle ne facilitera pas les recherches puisqu'il faudra toujours recourir à la table.
La section centrale pense que les frais d'impression augmentent d'une manière notable : c'est une erreur facile à démontrer, pour ce qui concerne les documents ; ces frais se sont élevés en 1846 à 52,387 fr. 15, en 1847 à 46,407 fr. 50 et en 1848 à 43,794 fr. 93.
Nous avons la certitude qu'ils ne dépasseront pas en 1849 35,500 fr.
Vous voyez, messieurs, que, loin d'augmenter, les frais diminuent d'une manière notable.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'effrayer de l'accroissement des dépenses d'impression du Moniteur pour l'exercice 1849. Cet accroissement de dépenses est le résultat d'une circonstance particulière, la longueur extraordinaire de la dernière session. Il est donc probable que, cette année, la dépense rentrera dans le taux normal.
Quant au vœu exprimé par la section centrale que les documents de la chambre, imprimés dans les Annales parlementaires forment un volume séparé, si la chambre s'y rallie, le gouvernement s'empressera de se conformer à ce vœu, et je donnerai des ordres pour qu'il y soit donné suite à dater du premier janvier prochain. Mais je désirerais que le bureau de la chambre voulût bien d'abord se réunir afin d'examiner les avantages et les inconvénients du nouveau mode qui est proposé. Suivant le désir qui me sera exprimé à cet égard, des ordres seront donnés immédiatement à l'administration du Moniteur.
La section centrale a demandé s'il ne serait pas possible de diminuer les frais d'impression des documents parlementaires qui sont imprimés tout à la fois séparément et dans les Annales parlementaires. Certainement, messieurs, la chose serait possible, mais elle présente d'assez graves inconvénients; et l'honorable M. Thicfry vient d'en signaler quelques-uns.
Je crois donc qu'une semblable mesure devrait être examinée et discutée de plus près. Il va, du reste, être fait un essai que la chambre pourra apprécier. Il a été décidé dernièrement que le mémoire à l'appui du projet de réforme du Code pénal serait imprimé uniquement dans les Annales parlementaires. J'ai ordonné que l'on en imprimât séparément et « folio fracto » un nombre suffisant d'exemplaires pour être distribués aux membres des deux chambres. Vous apprécierez, d'après ce spécimen, s'il y a lieu de continuer cet essai. Il est possible qu'on arrive ainsi à réaliser quelques économies. Mais il ne faut pas les exagérer. Aujourd'hui il y a un certain nombre de documents qui ne sont pas imprimés dans les Annales parlementaires et qui devraient, y être insérés, si ce nouveau mode était adopté, ce qui compenserait à peu près l'économie qu'on pourrait réaliser d'un autre côté.
M. Orts. - L'expérience dont, parle M. le ministre de la justice a déjà été faite et appréciée par la chambre.
Lors de l'examen du budget du ministère de la justice pour l'exercice 1849, la question a élé soulevée dans le sein de la section centrale et examinée dans le rapport. On a fait plus; on a fait circuler sur les bancs du la chambre, pendant la discussion, des spécimens qui avaient été faits en vue de combiner une fusion entre l'impression des Annales parlementaires et celle des documents de la chambre. L'expérience a prouvé que cette fusion était on ne peut plus défectueuse et ne présentait qu'une minime économie.
M. de Luesemans, rapporteur. - La section centrale n'a pas exprimé le vœu qu'il fût fait des essais. Elle a seulement désiré que, soit le bureau, soit la questure, soit M. le ministre de la justice, voulussent examiner si quelques-uns des moyens qu'elle indique ne pourraient pas être utilement employés.
M. Dumortier. - Je ne pense pas que ce soit sérieusement que l'on se propose de réunir l'impression des documents de la chambre avec celle des Annales parlementaires. Vous n'auriez plus ainsi de collection continue de vos travaux. On a déjà eu la malheureuse idée de diviser le Moniteur et de gâter ainsi une magnifique collection.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Tout à l'heure, en mon absence, des critiques ont été adressées au gouvernement sur le mode qu'il a adopté pour l'imputation des crédits qui sont sollicités. Ces observations avaient déjà été produites dans le sein de la section centrale. La section centrale m'a fait l'honneur de m'appeler; je lui ai donné des explications qui lui ont paru entièrement satisfaisantes. La section centrale, à l'unanimité, s'est ralliée à ces explications.
L'opération est fort simple et très régulière.
Certains articles d'un budget laissent des excédants; d'autres articles sont insuffisants. Que vient-on demander à la chambre? On vient lui demander de transférer l'excédant de certains articles pour combler l'insuffisance de certains autres. A ce point de vue, l'opération n'est évidemment pas critiquable. C'est ce qu'on nomme un transfert, ce qui, aux termes de la Constitution, ne peut se faire qu'en vertu d'une loi. La Constitution suppose donc que des transferts peuvent avoir lieu.
Mais on nous dit : « Votre situation générale du budget laisse un déficit. Lorsque vous imputez ainsi, vous imputez en réalité sur un déficit. »
Messieurs, ceci peut bien être un peu subtil, mais manque d'exactitude. La situation générale présente un déficit; cela est vrai; mais dans cette même situation générale, il est fait compte, relativement à chaque budget particulier, d'une certaine somme d'économies que l'on présume devoir exister chaque année et qui existe réellement. Jadis on estimait annuellement cette économie à quelques millions de francs, ce qui n'empêchait pas que l'ensemble de la situation ne fût en déficit. Depuis lors, les crédits, ayant été mieux réglés, ont laissé des excédants moins considérables. Nous les avons estimés à une somme de 2 millions, puis à une somme de 1,500,000 fr., puis à une somme de 1 million.
Si l'on impute suivant le mode proposé par le gouvernement, à quoi cela revient-il en définitive? A vous dire que l'économie présumée qui figure dans la situation du trésor pour une somme de 1 million à 1,500,000 fr., se trouvera réduite de 78,000, 100,000, 150,000 fr., de ce que vous trouverez à propos de voter. Cela revient encore à dire , si la situation est en déficit, que c'est un accroissement de bons du trésor.
M. Mercier. - C'est un moyen détourné.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a ni moyen détourné ni moyen non détourné. Supposons qu'avant d'arrêter la situation du trésor, je fusse venu dire à la chambre : Tels articles donnent un excédant, tels autres donnent un déficit; laissez-moi opérer le transfert. Il est clair que la chambre m'aurait dit d'opérer ce transfert, et l'on aurait vu ultérieurement que l'ensemble de la situation présentait un déficit. Il est clair qu'il y a lieu de pourvoir à ce déficit par des bons du trésor y c'est là ce que vous avez fait. Vous en augmenterez le nombre en opérant comme nous proposons de le faire. Nous n'entendons pas dissimuler cela. Aimez-vous mieux de dire : « Ces crédits seront couverts à l'aide de bons du trésor » ?
- Un membre. - Ce serait plus franc.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il n'y a ni plus de franchise ni plus de dissimulation dans un système que dans l'autre. Vous n'aurez pas par là le mérite de la franchise. (Interruption.) Car il faut être aveugle, en présence de la situation du trésor, pour croire qu'on peut faire une dépense quelconque, une dépense d'un quart de centime sans la couvrir par des bons du trésor. Est-ce que je ne vous ai pas soumis la situation du trésor, qui présente un déficit de 35 millions? En présence d'une pareille situation, il est évident que si vous votez une nouvelle dépense vous devez couvrir cette dépense par des bons du trésor.
Il en sera de même pour toutes les dépenses que vous aurez encore à voter; que, dans l'imputation de ces dépenses,vous amoindrissiez le crédit de la situation générale, ou que vous augmentiez le débit de cette (page 323) situation, c'est exactement le même chose. (Interruption : Nous sommes d'accord.) Mais si nous sommes d'accord là-dessus, d'où vient la critique? La critique ne porte donc que sur une simple question de forme? Eh bien, je vous abandonne la forme. (Nouvelle interruption.) Je n'en fais pas une question, j'ai simplement voulu prouver à la chambre qu^il n'y a absolument rien à critiquer dans le mode d'opérer que nous avons suivi.
M. Cools. - Je demande la parole.
M. le président. - Je crois que nous allons rouvrir une discussion inutile. On avait voté le crédit en laissant toutes les questions intactes.
M. Cools. - S'il est entendu que toutes les questions sont réservées, je n'ai pas d'observation à faire. S'il en était autrement, je devrais insister pour répliquer, car il me serait très facile de prouver que la forme adoptée par le gouvernement ne peut avoir qu'un seul résultat, c'est de jeter le désordre dans la comptabilité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je dois protester contre cette assertion. Il ne faut pas avoir ouvert un livre de comptabilité pour faire une semblable allégation. Chaque article du budget donne lieu à un débit et à un crédit : l'article dont il s'agit a été crédité de l'allocation primitive; il a été débité de toutes les dépenses; il présente un excédant; si maintenant je le débite de nouveau d'une somme égale à cet excédant, et si je crédite un autre article de la même somme, quel désordre cela peut-il jeter dans la comptabilité? Celui qui ouvrira le livre ne pourra-t-il pas constater d'un seul coup d'oeil quelle est la situation?
M. Cools. - Messieurs, ne jouons pas sur les mots : le mot « désordre » m'est échappé. Il ne faut pas qu'on s'attache au sens littéral du mot, car mon intention n'a nullement été de dire quelque chose de désobligeant pour M. le ministre des finances. J'aurais dû dire, et alors j'aurais été complètement dans le vrai, que le mode préconisé introduirait dans la comptabilité de l'Etat les complications les plus regrettables. Je devais faire ressortir les conséquences du système dans lequel M. le ministre est entré, mais qui, je l'espère, sera abandonné par lui.
- La chambre passe à la discussion des articles.
Article premier. Les crédits ouverts au budget du département de la justice, pour l'exercice 1847, sont diminués, savoir :
« Chapitre VIII, article 6. Pensions et secours pour les ministres des cultes : fr. 19,000.
« Chapitre IX, article 2. Subsides pour les établissements de bienfaisance, etc. : fr. 34,000.
« Chapitre IX, article 5. Subsides pour les enfants trouvés : fr. 33,000.
« Chapitre X, article premier. Entretien des détenus : fr. 49,000.
« Chapitre XIII, article unique. Solde de dépenses arriérées : fr. 15,000.
« Ensemble : fr. 150,000. »
- Adopté.
« Art. 2. La somme de cent cinquante mille francs, retranchée du budget de 1847, servira à couvrir l'insuffisance des crédits alloués aux budgets du département de la justice pour les exercices 1847, 1848 et 1849.
« Exercice 1847
« Chapitre IV, article premier. Frais de justice, jusqu'à concurrence de : fr. 12,000.
« Chapitre X, article 5. Frais de constructions et réparations dans les prisons : fr. 31,000.
« Ensemble, fr. 43,000.
« Exercice 1848
« Chapitre IX. Article premier. Frais d'entretien et de transport de mendiants dont le domicile de secours est inconnu, jusqu'à concurrence de : fr. 29,000.
« Chapitre X. Article 4. Frais de voyage des membres des commissions administratives et des employés des prisons : fr. 3,000.
« Ensemble : fr. 32,000.
« Exercice 1849
« Chapitre VI. Article 19. Impression du Moniteur, etc., jusqu'à concurrence de : fr. 20,000.
« Chapitre IX. Article 33. Frais d'entretien de mendiants : fr. 30,000.
« Chapitre XIII. Article 55 (nouveau). Pour solder les frais d'entretien de mendiants, etc., antérieurs au 1er janvier 1848 : fr. 25,000.
« Ensemble : fr. 75,000. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 67 membres présents.
Ce sont : MM. Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Van Cleemputte, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vcydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Càns, Clep, Coomans, David, de Baillet (Hyacinthe), de Breyne, de Brouwer de Hogcndorp, de Denterghem, de Haernc, de Perceval, De Pouhon, Duquesne, Destriveaux, de Theux, d'Hoffschmidt, Dumon (Aug.), Dumortier, Fontainas, Frère-Orban, Jacques, Julliot, Lange, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Mascart, Mercier, Moncheur, Moxhon et Verhaegen.
M. le président. - Deux propositions viennent d'être déposées sur le bureau de la chambre. Mercredi, les sections seront consultées sur le point de savoir si elles en autorisent la lecture.
M. Toussaint. - Je demande qu'éventuellement on mette à l'ordre du jour de mercredi un feuilleton de pétitions.
- Adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.