(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1849-1850)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 23) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 3 heures.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Luesemans présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur Darrien, ancien militaire congédié pour infirmités contractées au service, demande une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur de Maiffe, commissaire de police à Namur, demande que les commissaires de police, remplissant les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police, reçoivent une augmentation de traitement ou une indemnité à prélever sur le montant des amendes prononcées en simple police. »
M. Moxhon. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.
M. Lelièvre. - Je me joins à l'honorable M. Moxhon, pour faire cette demande.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Opdebeek, ancien préposé des douanes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »
- Même renvoi.
M. le président. - Messieurs, votre députation a eu l'honneur d'être reçue par Sa Majesté aujourd'hui, à une heure. Le Roi a répondu à l'adresse :
« Messieurs, je suis profondément touché des sentiments que vous venez de m'exprimer au nom de la chambre des représentants. Cette sympathie et cette confiance réciproques entre les pouvoirs de l'Etat ne peuvent que fortifier la bonne situation du pays et faciliter la marche des travaux de la législature et de l'administration.
« La session actuelle promet d'être laborieuse et bien remplie. Je suis heureux de la voir s'ouvrir sous des auspices aussi favorables.
« Veuillez reporter, messieurs, à vos honorables collègues l'expression de toute ma gratitude. »
La réponse du Roi ainsi que le discours du Trône et l'adresse de la chambre seront imprimés et distribués.
M. le président. - M. Lelièvre, usant de son initiative, a déposé hier une proposition de loi. Les sections en ont autorisé la lecture. Cette proposition est ainsi conçue :
« Art. 1er. Lorsque le juge d'instruction aura décerné un mandat d'arrêt ou de dépôt contre un inculpé, celui-ci pourra, par exploit signifié au procureur du roi et à la partie civile, former opposition à l'exécution ultérieure du mandat avec citation à jour fixe pour le lendemain.
« La chambre du conseil, composée de la manière prescrite par l'article 127 du code d'instruction criminelle, statuera immédiatement après avoir entendu le procureur du roi, la partie civile et l'inculpé.
« La partie civile et l'inculpé pourront se faire assister d'un conseil.
« Art. 2. Si les juges sont d'avis qu'il n'y a pas cause suffisante pour maintenir l'arrestation préventive, ils ordonneront la mise en liberté provisoire de l'inculpé.
« Cette ordonnance ne sera pas obstative à l'exécution d'un nouveau mandat, s'il survient de nouvelles charges, sauf, en cas d'opposition, à statuer comme il a été dit.
« Art. 3. Si les juges estiment qu'il y a cause suffisante d'arrestation, ils statueront par décision motivée sur la mise en liberté provisoire, conformément aux articles 4 et 5 ci-après.
« Art. 4. Si le titre de l'accusation emporte peine afflictive ou infamante, la chambre du conseil pourra accorder à l'inculpé la liberté provisoire avec ou sans caution.
« Le montant du cautionnement sera fixé par elle d'après la nature du crime et les circonstances.
« Pour le surplus seront observées les règles prescrites par le Code d'instruction criminelle, relativement à la mise en liberté provisoire sous caution.
« La mise en liberté ainsi prononcée cessera par l'effet de l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises.
« Art. 5. Si le fait emporte une peine correctionnelle, la liberté provisoire sera accordée en tout état de cause.
« Toutefois, selon les circonstances, il sera facultatif aux juges de ne l'ordonner que sous caution. Ils pourront même la refuser, si l'inculpé a précédemment laissé contraindre sa caution, ou si antérieurement il a été condamné pour crime ou correctionnellement à un emprisonnement de plus d'une année.
« Dans tous les cas, l’import du cautionnement sera fixé conformément aux dispositions du Code d'instruction criminelle.
« Art. 6. Le ministère public, la partie civile et l'inculpé pourront respectivement, dans les 24 heures, par déclaration faite au greffe, s'opposer à l'ordonnance, rendue en vertu des articles précédents.
« L'opposition sera suspensive.
« Le délai pour la former courra contre le ministère public, à compter du jour de l'ordonnance et contre la partie civile et l'inculpé, à partir du jour où la décision leur aura été respectivement signifiée.
« Art. 7. La section de la cour d'appel, désignée en l'article 218 du Code d'instruction criminelle, statuera sur l'opposition dans la forme tracée par le chapitre premier, titre II, livre. 2 du même Code.
« Elle pourra ordonner que les parties seront entendues contradictoirement devant elles.
« Art. 8. La partie civile qui succombera dans son opposition pourra être condamnée aux dommages et intérêts envers l'inculpé. »
« Art. 9. Lorsque le mandat d'arrêt ou de dépôt aura été décerné par un magistrat près la cour d'appel ou la cour de cassation, les fonctions attribuées à la chambre du conseil par les dispositions précédentes seront dévolues à la section de ces cours chargée de statuer sur la mise en accusation.
« Art. 10. Tous les actes de la procédure introduite par la présente loi seront exempts des frais de timbre et d'enregistrement.
« Art. 11. L'ordonnance qui aura rejeté une demande de mise en liberté provisoire n'exclura pas une nouvelle demande à même fin, fondée sur l'état de choses survenu depuis.
« Art. 12. Si l'information contre l'inculpé détenu préventivement se prolonge au-delà du terme d'un mois, le juge d'instruction, après communication de la procédure donnée préalablement au procureur du roi, sera tenu d'en rendre compte à la chambre du conseil.
« Celle-ci statuera sur l'affaire, si elle est en état ; sinon, elle déclarera, par décision motivée, (erratum, page 48) qu'il y a lieu à un supplément d'instruction, et que les poursuites commencées seront continuées.
(erratum, page 48) « Cette formalité sera renouvelée tous les mois.
« Art. 13. La décision de la chambre du conseil, énoncée à l'article précédent et ordonnant un supplément d'instruction, pourra être attaquée par les parties intéressées conformément à l'article 6.
« Si l'ordonnance est réformée, la chambre des mises en accusation statuera en même temps sur le mérite de l'inculpation.
« Art. 14. Toutes dispositions législatives en vigueur non contraires à la présente loi sont maintenues. »
Quand M. Lelièvre veut-il développer sa proposition ?
M. Lelièvre. - A huitaine.
M. de Perceval. - J'ai l'honneur de déposer plusieurs rapports sur des demandes de naturalisation.
- Ces rapports seront imprimés et distribués.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le Roi m'a chargé de présenter à la chambre un projet de loi ayant pour but de proroger, jusqu'au 1er janvier 1851, la loi du 31 décembre 1848, concernant les denrées alimentaires.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi et des motifs qui l'accompagnent, en ordonne l'impression et la distribution et le renvoi à l'examen des sections.
M. le président. - Avant de passer à la prise en considération des trois demandes en grande naturalisation, il serait convenable de fixer les travaux pour demain. Toutes les sections ont terminé l'examen du projet de loi relatif à la caisse d'assurances sur la vie; tous les rapporteurs sont nommés; la section centrale pourra se réunir demain ; M. Delfosse la préside. Nous pourrions mettre à l'examen des sections le projet de loi concernant le régime des aliénés. Une section centrale s'est occupée aujourd'hui du projet de loi interprétatif de la loi de 1791; une autre section centrale s'est livrée à l'examen du projet de loi sur les vices rédhibitoires; les rapporteurs respectifs pourront incessamment présenter leur travail, qui pourra alors occuper la chambre dans les séances suivantes.
M. Delfosse. - Il n'y aurait donc pas de séance publique demain. Il est possible que le rapporteur du projet de loi sur les vices rédhibitoires soit terminé demain ; je demanderai qu'en ce cas il soit autorisé à le faire imprimer, cl qu'on en fasse la distribution aux membres de la chambre.
- Cette proposition est adoptée.
M. Manilius. - Comme il n'y aura pas de séance publique pendant deux ou trois jours, je demande qu'il en soit de même du rapport sur le projet de loi interprétative de la loi de 1791, et dont l'honorable M. de Perceval est rapporteur.
M. de Perceval. - Je m'occuperai immédiatement de la rédaction du rapport, qui pourra peut-être être prêt pour demain.
- La proposition de M. Manilius est adoptée.
M. le président. - Il va être procédé au scrutin sur la demande du sieur Jean-Baptiste Remes.
M. Mercier. - Plusieurs membres désirent, avant de voter, qu'il soit donné lecture du rapport de la commission des naturalisations.
M. le président. - Ce rapport est très court; il est ainsi conçu :
« Messieurs, le sieur Jean-Baptiste Remes, né à Anvers, le 13 juin 1813, a perdu la qualité de Belge aux termes de l'article 21 du Code civil, parce que, le 15 décembre 1833, il a pris, sans l'autorisation du Roi, du service dans la légion étrangère qui se rendait en Portugal.
« Lorsqu'il a contracté cet engagement militaire, il était encore très jeune et ignorait les conséquences qui en résultaient.
« Il est revenu en Belgique en 1831, époque à laquelle il s'est enrôlé dans l'armée où il sert actuellement, en qualité de sergent, dans le régiment de chasseurs carabiniers.
« Par arrêté royal du 8 mai 1836, il a été autorisé à porter la médaille de Portugal qui lui a été décernée par le décret du gouvernement portugais du 24 décembre 1834.
« II résulte des pièces jointes au dossier que la conduite du pétitionnaire a toujours été régulière et que les autorités sont d'avis qu'il est digne de recouvrer la qualité de Belge que son ignorance de la loi lui a fait perdre. »
Il est procédé à l'appel nominal.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre des votants, 67.
Boules blanches, 58.
Boules noires, 9.
En conséquence la demande en grande naturalisation du sieur Remes (Jean-Baptiste) est prise en considération.
Il est donné lecture du rapport sur la demande en grande naturalisation formée par le sieur Pierre-Joseph Libert. Ce rapport est ainsi conçu :
«* Messieurs, le sieur Pierre-Joseph Libert, sergent au régiment des chasseurs carabiniers, est né le 1er avril 1816, de parents belges, en la commune d'Ans-et-Glain (province de Liège).
« Il a perdu la qualité de Belge en désertant, en janvier 1840, du premier régiment de chasseurs à pied, pour prendre du service dans l'armée de l'Algérie.
« Il est revenu au commencement de 1843, en Belgique, et après avoir subi la peine de quinze jours de détention à laquelle il a été condamné comme déserteur, le 11 avril 1845, par le conseil de guerre, il est rentré le 10 mai suivant, au régiment des chasseurs à pied.
« Ses chefs le recommandent à la bienveillance de la législature cl témoignent de sa bonne conduite et de sa manière de servir. »
Il est procédé au vote sur la prise en considération de ctlte demande: en voici le résultat :
Nombre des votants, 63
Majorité absolue, 32.
Boules blanches, 31.
Boules noires, 32.
En conséquence la demande n'est pas prise en considération.
La chambre passe au vote sur la demande de grande naturalisation du sieur Jean-Auguste-Jacques Lacroix.
Le rapport de la commission est ainsi conçu :
« Messieurs, le pétitionnaire, né à Bruges, le 25 juillet 1819, de père et mère belges, demande à recouvrer la qualité de Belge qu’il a perdue, aux termes de l'article 21 du Code civil, en prenant du service militaire à l'étranger, sans l'autorisation du Roi.
« Il servait au sixième régiment d'infanterie en qualité de sergent-fourrier, lorsqu'au mois d'avril 1840 il déserta pour prendre du service en Algérie où il demeura jusqu'au 1er avril 1843.
« Le 13 juin, même année, il fut condamné à 15 jours de détention, et à la privation de la cocarde pendant six mois, et le 1er juillet suivant, il fut réincorporé dans le sixième régiment où il est actuellement caporal depuis le 21 février 1844.
« Il obtint, par arrêté royal du 26 janvier 1847, remise des conséquences qu'entraîne la privation de la cocarde, aux termes de l'article 46 du Code pénal militaire.
« Les renseignements sont favorables. »
Il est procédé au vote sur cette demande de grande naturalisation;; en voici le résultat :
Nombre des votants, 57.
Boules blanches, 13.
Boules noires, 34.
En conséquence, cette demande de grande naturalisation n'est pas prise en considération.
- La séance est levée à 4 heures et un quart.