(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1772) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et demi.
La séance est ouverte.
M. de Luesemans donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. A. Vandenpeereboom fait connaître l'analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Victor Misson, commissaire de l'arrondissement de Mons, demande la place de conseiller devenue vacante à la cour des comptes. »
« Même demande du sieur Louvat, juge au tribunal de première instance de Bruxelles. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
« Les membres de l'administration communale et plusieurs autres habitants de Spontin demandent la séparation des sections de Spontin et de Durnal. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le conseil communal de la chambre de commerce de Termonde demandent que la ville de Termonde puisse entreposer le sel brut dans son entrepôt public. »
- Même renvoi.
M. Dedecker. - Une pétition analogue à celle de l'administration communale et de la chambre de commerce de Termonde a été renvoyée, il y a quelques jours, à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Je demande que la pétition du conseil communal et de la chambre de commerce de Termonde soit renvoyée à la même commission, avec invitation de faire en même un rapport sur les deux pétitions.
M. de Luesemans. - Je sais que le rapporteur est prêt à faire son rapport, je demanderai qu'il soit fait demain, avant le second vote de la loi sur l’enseignement supérieur.
- Ces propositions sont adoptées.
M. Van Grootven. - Messieurs, une pétition signée par plusieurs honorables négociants de Gand a été adressée à la chambre, et sur la proposition de M. T’Kint de Naeyer, vous l'avez renvoyée à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, dont la commission a bien voulu me charger.
Les pétitionnaires se plaignent de l'inégale répartition qui existe entre les trois bureaux intéressés au partage d'une certaine quantité de café que la Hollande, en vertu du traité de commerce conclu en 1846, a été admise à introduire annuellement en Belgique à droits réduits. Ce traité subsistera tant qu'il n’aura pas été dénoncé, et la répartition qu'il établit, pour être très avantageuse au bureau d'Anvers, est au-dessous de toute proportion avec les besoins du commerce de Gand.
En effet, messieurs, sur une importation à droite réduits de 7,394,186 kilog. de café, le bureau de Gand n'a droit qu'à 1/7, alors que ses besoins constatés sont de 1/8. Voici la quantité que chaque bureau reçoit :
Le bureau de Gand, 1,003,497 kil.
Le bureau de Liège, 1,584,468 kil.
Le bureau d'Anvers, 4,806,221 kil.
Les chiffres que je viens de citer sont de toute exactitude et vous prouvent à l'évidence que c'est sur des bases erronées que cette répartition a été faite. Elle est très préjudiciable aux négociants de Gand, en ce qu'elle les oblige tous les ans d'entreposer à Anvers l'excédant de leurs besoins, qu'ils ne peuvent recevoir directement au bureau de Gand. Cette mesure leur occasionne des frais élevés de commission, d'entrepôt et de transport d'Anvers à Gand; frais inutiles et qu'on éviterait à ces négociants si on leur accordait une quantité d'importation plus considérable que celle à laquelle ils ont droit actuellement.
La répartition contre laquelle les pétitionnaires s'élèvent avec raison a été fixée, il est vrai, par le traité de commerce avec la Hollande, négocié par l'honorable M. Mercier. Mais, quoi qu'on puisse alléguer, la Hollande ne pouvant éprouver aucun préjudice de ce qu'une quantité supérieure à la répartition actuelle soit introduite par tel bureau plutôt que par tel autre, il sera très facile au gouvernement s'il veut réparer cette erreur; d'obtenir une répartition nouvelle, plus équitable et plus en rapport avec les besoins réels et reconnus du commerce de Gand, placé au centre des Flandres et, par conséquent, de la partie la plus populeuse de la Belgique.
C'est pour ces motifs que la commission a l'honneur de vous proposer le renvoi à MM. les ministres des affaires étrangères et des finances.
M. Delfosse. - Sans rien préjuger.
M. Sinave. - M. le rapporteur vient de dire que la répartition est pour ainsi dire arbitraire. Je suis de son avis, puisque trois places seulement profitent de cette répartition. Il me semble qu'il serait plus juste d'y faire participer tous les ports. Si M. le rapporteur n'y trouve pas d'inconvénient, je demanderai que cette observation soit jointe au rapport.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Baillet-Latour (pour une motion d’ordre). - Dans une des dernières séances, une pétition de l'administration communale de Mariembourg a été renvoyée à la commission des pétitions avec prière de faire un prompt rapport. Je viens prier la commission des pétitions de vouloir bien présenter ce rapport dans la séance de demain, car il s'agit d'une question importante, puisque l'existence de Mariembourg en dépend en quelque sorte, et qu'il ne serait plus temps de revenir sur les mesures prises par le département de la guerre, et contre lesquelles réclame Mariembourg, si on attendait jusqu'à la prochaine session pour s'occuper de cette affaire.
J'ai appris que celui de nos collègues qui avait été chargé de faire le rapport sur la pétition des habitants de Mariembourg, éloigné de nos séances par une perte douloureuse, n'avait pas pu s'en occuper ; je demanderai s'il ne serait pas possible de charger un autre membre de la commission de présenter ce rapport dans la séance de demain.
- Invitation dans ce sens sera adressée à la commission des pétitions.
M. De Pouhon. - Je crois devoir, avant la fin de nos travaux, vous demander la parole pour recommander au gouvernement deux objets qui exigent, dans le sein du cabinet, un accord et un examen approfondi peu compatibles avec la réunion des chambres.
Je veux parler des assurances par l'Etat et de la création d'une banque nationale.
M. le ministre de l'intérieur a déposé dernièrement sur le bureau de la chambre un projet de loi organisant les assurances sur la vie. Il est regrettable que ce projet nous vienne à la fin de la session, car il y a urgence, l'honorable M. Veydt nous la démontrait, il y a peu de temps d'offrir aux Belges, que l'esprit d'ordre et de prévoyance engage à se ménager à eux-mêmes ou à assurer aux membres de leur famille une rente ou un capital à un âge déterminé, le moyen de pourvoir à ce besoin sans devoir recourir à des compagnies étrangères qui présentent moins de sécurité et des conditions moins favorables qu'ils ne pourraient obtenir de l'Etat même.
Le projet de loi qui nous a été présenté nous fait faire un pas dans la voie des assurances sur la vie; j'engage le cabinet à s'occuper aussi d’une manière soutenue des assurances contre incendie.
Un des honorables prédécesseurs de M. le ministre des finances, Malou, avait pris cette question au sérieux. Il l'avait soumise à l'examen d'une commission spéciale, dont le rapport a été favorable. On a peut-être exagéré les profils que l'Etat pourrait retirer de l'adoption du système, mais je ne mets pas en doute qu'il y trouverait une source de revenus lorsque je considère que les chances de bénéfices des assurances sont en raison de la multiplicité, de la grande division des risques à couvrir, et qu'ainsi l’État serait dans les conditions les plus favorables en résumant en lui la mutualité de toutes les propriétés du pays.
Les assurances contre l'incendie tout aussi bien que celles sur la vie ne dussent-elles pas même offrir des éléments de revenus au trésor, seraient encore éminemment utiles au point de vue du crédit public et des liens de la nationalité.
Le second objet que je crois devoir recommander à la persévérante sollicitude du ministère, me paraît en être le plus digne.
(page 1773) Tous les intérêts nationaux s'accordent pour réclamer la création d'une institution de crédit qui les féconderait, les soutiendrait tous; qui, devenant le centre et le régulateur de la circulation, attirerait à elle des capitaux nombreux dont la puissance est affaiblie en Belgique par leur dissémination, pour les porter du cœur aux extrémités du royaume à des conditions modérées, au moyen de succursales établies dans les provinces.
Ce n'est pas d'aujourd'hui, messieurs, que la nécessité d'une banque nationale est reconnue; elle se fit sentir au moment même où la Belgique eut reconquis son indépendance. L'année 1849 est-elle destinée à voir consacrer par la loi la réalisation de ce projet? Elle doit au moins amener la solution de cette question importante, et j'espère.
Mon espoir est fondé sur l'énergique dévouement de M. le ministre des finances, appelé à s'occuper particulièrement de cet objet comme de la question des assurances contre incendie. Il a réalisé, dans les administrations dépendantes de son département, des réformes que j'ai condamnées, que je déplore encore, mais qu'il a jugées utiles aux intérêts du pays. Sous ce rapport, je dois louer son courage; il en fallait beaucoup, en effet, pour jeter la perturbation dans la classe si nombreuse des serviteurs de l'Etat. Je me persuade qu'il n'en montrera pas moins, quand, en vue d'un but incomparablement plus élevé, il se trouvera en présence d'actionnaires, plus puissants peut-être, mais non plus dignes de ménagements que les fonctionnaires.
Au moment de nous séparer, je rappelle à M. le ministre des finances que, dans l'intervalle des sessions législatives, ceux qui comprennent le besoin d'une bonne organisation financière du pays espéreront en lui.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les questions qui viennent d'être traitées par l'honorable M. De Pouhon ont fait depuis longtemps l'objet de l'attention du gouvernement. Toutes ces questions ont été examinées, et elles pourraient recevoir dès ce moment une solution, si la solution dépendait uniquement du gouvernement. Je m'engage bien volontiers à me préoccuper de la manière la plus constante de ces graves intérêts.
J'espère qu'à l'ouverture de la prochaine session, des propositions pourront être soumises à la chambre relativement à l'institution d'une banque.
Quant à la question des assurances terrestres, j'ai déjà eu l'occasion de m'expliquer sur ce point. Je ne recule pas effrayé devant le principe de l'assurance, réglée, administrée par l'Etat. Je ne crois pas qu'il y ail là quelque danger. Mais je me suis demandé si les assurances terrestres administrées par l'Etat pourraient présenter quelques ressources au trésor, objet principal de ceux qui s'en étaient occupés jusqu'à ce jour ; j'ai été amené ainsi à contester formellement un produit certain quelque peu notable, dans le cas où l'Etat se chargerait des assurances contre l'incendie.
Si le budget des voies et moyens, pour l'exercice 1850, avait pu être discuté cette année, comme je l'avais demandé, j'aurais fait connaître d'une manière complète les raisons sur lesquelles je me fonde.
Je dois dire que les commissions qui se sont occupées avec beaucoup de zèle et de dévouement de ces questions intéressantes, ont complètement négligé, suivant moi, le côté du produit.
Aucun document n'existe sur cette matière. De simples notes très vagues, fort peu approximatives, avaient été communiquées; elles n'ont pas même fait l'objet des délibérations de ces commissions. Peut-être pour provoquer convenablement la discussion sera-t-il nécessaire que les procès-verbaux de la commission spéciale soient imprimés dans l'intervalle des deux sessions. J'y joindrai peut-être aussi l'expression de mon opinion sur le côté financier de cette importante affaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Rousselle conjointement avec d'autres collègues, environ un par province, je pense, a déposé une proposition ayant pour objet d'obliger l'Etat à payer aux provinces les intérêts des sommes qui se trouvaient en caisse appartenant à ces provinces, au moment où éclata la révolution de 1830. Je ne puis me rallier à cette proposition. Je conçois tout ce qu'il y a de difficile à la combattre; elle intéresse huit de nos provinces : les représentants sont conviés en quelque sorte à disposer au profit des provinces de la caisse de l'Etat.
Je crois devoir néanmoins combattre la proposition qui vous est soumise. Elle me paraît injuste, non fondée en droit, contraire à l'équité. Le gouvernement a accepté, dans des vues d'économie et de bonne administration, dans l'intérêt des provinces et des communes, d'opérer pour celles-ci la recette de certaines sommes, de certains impôts qui existent à leur profit. L'Etat, de ce chef, ne contracte aucune obligation autre que celle de tenir les fonds à la disposition des provinces et des communes, lorsque la demande lui est régulièrement faite dans les délais déterminés, aux échéances fixées.
Lorsque l'Etat avait entre ses mains les fonds des communes, les fonds des provinces, il en faisait ce que bon lui semblait; il en usait à son profit; il en tirait intérêt. Jamais ni provinces, ni communes n'ont élevé la prétention d'obliger l'Etat à leur tenir compte des avantages qu'il pouvait retirer du maniement de ces fonds provinciaux ou communaux.
Sous ce rapport, j'appellerai principalement l'attention de la chambre sur les conséquences du vote qu'elle émettrait si elle adoptait la proposition qui lui est soumise.
Il est arrivé, il a dû arriver très souvent que la possession des fonds provinciaux ou communaux avait par exemple pour résultat de dispenser l'Etat d'une émission de bons du trésor ou tout au moins d'en faire une moindre que celle qu'il eût dû faire s'il n'eût pas eu ces fonds en caisse. L'Etat a donc profité de ces fonds. Ce cas, qui a pu se présenter vingt fois, qui se présente peut-être à l'heure qu'il est, qui se présentera sans doute souvent dans l'avenir, donne-t-il aux provinces le droit de dire à l'Etat : Vous nous devez une certaine somme d'intérêts sur les fonds que vous avez appliqué à votre profit. Vous avez diminué d'autant votre dette flottante, faisons un compte de clerc à maître, et donnez-moi ma part ? comme on le demande aujourd'hui. Si la prétention qui est soumise à la chambre est fondée, celle que je viens d'indiquer le serait également.
En 1830, les fonds ont été frappés d'indisponibilité dans les mains de l'Etat; la Société Générale, qui faisait les fonctions de caissier de l'Etat, a refusé de remettre les fonds qu'elle détenait, en se fondant sur ce qu'elle était incertaine de savoir à qui ces fonds seraient définitivement attribués ; quelle était la somme à laquelle pourrait prétendre la Belgique, la Hollande pouvant également élever des prétentions à cet égard. En 1833, le gouvernement a dit à la Société Générale : « Vous ne voulez pas nous remettre ces fonds; vous craignez de nous exposer à payer deux fois; cette crainte est frivole, elle est chimérique; l'Etat vous répondrait suffisamment des conséquences de l'acte que vous auriez posé; mais enfin, puisque vous ne voulez pas consentir à remettre ces fonds, convertissez-les en bons du trésor, qui seront ainsi productifs d'intérêts. » Ce fut l'objet delà première convention. On convint ensuite d'acheter, au moyeu de ces fonds, des obligations belges de l'emprunt de 100 millions, à la condition que les titres continueraient à être déposés dans la caisse de la Société Générale, pour lui servir de garantie. Ultérieurement une nouvelle négociation eut lieu ; les fonds furent convertis en obligations de l'emprunt 4 p. c.
Ou acheta les 13,458 obligations qui ont fait l'objet d'une loi récente. Cet acte d'administration est digne d'éloges, le gouvernement a bien fait, dans l'intérêt général, d'opérer ainsi; mais cet acte a-t-il changé la position dis provinces et des communes vis-à-vis de l'Etat? A-t-il donné aux provinces et aux communes des droits qu'elles n'avaient pas antérieurement ? La somme est-elle devenue disponible? L'Etat était-il tenu de la payer? Pouvait-il la payer? Comment donc cet acte, qui ne pouvait pas nuire aux provinces et aux communes, comment pouvait-il leur profiter ? Le gouvernement a acheté à ses risques et périls, sans autorisation de la législature, sous la simple responsabilité ministérielle, des titres de rente belge, pour tenir lieu de cet encaisse. Si ces titres avaient été tout à coup considérablement dépréciés, s'ils l'avaient été en 1838, lorsque la loi a autorisé la restitution aux provinces et aux communes des fonds qui se trouvaient dans la caise de l'Etat, est-ce que l'Etat aurait été autorisé à dire aux provinces et aux communes :« J'avais de vous en caisse une somme de quelques centaines de mille francs, mais je l'ai convertie en titres de rente belge achetés à 92 et qui ne valent aujourd'hui que 50. Vous subirez la perte. »
Mais évidemment les provinces et les communes auraient répondu à l'Etat : Vous avez opéré à vos risques et périls; je n'ai pas à m'enquérir de l'opération que vous avez faite ; vous êtes débiteur vis-à-vis de moi d'une somme déterminée, fixe, et je n'entends subir aucune perte. « Eh bien, messieurs, veut-on maintenant que les provinces et les communes soient fondées à réclamer le bénéfice de l'opération, alors qu'il est indubitablement qu'elles n'auraient pas consenti, qu'elles ne pouvaient pas consentir à en subir les chances défavorables?
Aujourd'hui, messieurs, à l'heure où nous parlons, l'Etat est encore possesseur de ces mêmes obligations; il possède les titres de la rente belge 4 p. c, qui ont été acquis pour tenir lieu d'encaisse.
On vous propose de décider que l'Etat sera tenu de restituer la somme intégrale représentant les intérêts des sommes appartenant aux provinces et aux communes, qui étaient confondus dans l'encaisse; eh bien, si l'Etat était tenu de payer, il devrait payer effectivement la somme, telle qu'elle est indiquée dans les renseignements fournis à la section centrale; et pour payer, il devrait vendre les titres de la rente belge au cours actuel de 70.
M. de Theux. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est-à-dire qu'il subirait une perte. (Interruption.) Vous emploierez un moyen pour masquer la perte que l'Etat doit subir ; vous lui direz : Gardez ces titres pour les réaliser seulement lorsque les circonstances seront opportunes ; mais vous porterez au budget, en deux ou trois ans, les sommes nécessaires pour faire face à cette obligation. Or, pour payer, il faudrait emprunter et partant, essuyer un dommage.
Cette modification, d'ailleurs, ne fait rien au droit. Je fais remarquer que l'Etat rigoureusement devrait faire emploi de ces mêmes titres formant l'objet de sa négociation, et subirait de ce chef la perte que je viens d'indiquer.
Maintenant quelle était la situation des provinces vis-à-vis de l'Etat?
Des neuf provinces, l'une n'avait rien en caisse ; c'était le Brabant. Des autres provinces, l'une n'a jamais eu ses fonds confondus dans l’encaisse ; ce sont les fonds de la province du Limbourg ; ils sont restés à Maestricht, l'Etat belge n'en a jamais disposé, n'en a jamais tiré profit.
M. Vilain XIIII. - Les fonds ne sont pas restés à Maestricht, car la plus grande partie de cette somme a été versée en 1828 et en 1829.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Pardon , les fonds se trouvaient à Maestricht dans les caisses de l'agent de la Société Générale, et non pas dans les caisses du caissier général de l'Etat.
La même chose serait arrivée pour le Luxembourg, si l'agent de la Société Générale dans cette province n'était venu faire acte d'adhésion au gouvernement nouveau; ce qui a permis à la Belgique de posséder cette somme.
Pour les autres provinces, l'Etat possédait les fonds provinciaux et communaux.
Ainsi, il faudrait d'abord écarter la réclamation de la province de Limbourg. Cette province ne peut élever aucune prétention, puisque l'Etat n'a (page 1774) pas joui de ses fonds qui n'étaient pas confondus dans l'encaisse de l'ancien caissier général, qui n'ont pas fait partie de la conversion dont nous nous sommes occupés.
Messieurs, le traité du 5 novembre 1842 a stipulé que l'encaisse appartiendrait à la Belgique pour les sommes qui se trouvaient dans les caisses au 30 septembre 1830; mais il a stipulé en même temps que les fonds qui se trouvaient à Maestricht et à Luxembourg appartiendraient à la Hollande. C'est par pure libéralité que la Belgique a restitué en 1845 au Limbourg la partie de l'encaisse qu'elle n'avait pas même touchée. Tels sont les faits. Le droit, maintenant, est-il en faveur des provinces? Ont-elles des prétentions à faire valoir en justice qui seraient de nature à être accueillies? Ces prétentions sont-elles conformes aux principes d'équité? Sous tous ces rapports, je n'hésite pas à répondre bien consciencieusement que non.
En droit, l'Etat n'était ni un mandataire, ni le dépositaire d'une chose produisant des fruits qu'il devait restituer avec ces fruits; l'Etat n'était pas un détenteur de fonds qui lui auraient été donnés pour son usage à titre de prêt et pour lesquels il devrait les intérêts; il était un receveur obligé à remettre les sommes à des conditions déterminées, dans un temps déterminé, mais avec la faculté d'employer les fonds à son profit dans l'intervalle de la perception et de l'échéance ; il le peut encore, et il fera usage des fonds provinciaux s'ils sont disponibles.
Si le droit est tel, la prétention des provinces et des communes ne pourrait pas être écoutée. On ne s'est occupé jusqu'à présent que des provinces, mais je ferai remarquer que la question s'applique aux communes dont je viens de prononcer le nom, aussi bien qu'aux provinces ; si la prétention était fondée, il faudrait s'occuper des fonds communaux qui étaient dans les mêmes conditions, ce qui élèverait encore la réclamation qu'on fait à charge de l'Etat.
Au point de vue de l'équité, la réclamation est encore moins fondée si c'est possible : l'Etat, prenant en considération la position des provinces, leur a chaque année alloué des subsides purement volontaires qui tenaient évidemment lieu, et bien au-delà des sommes que les provinces auraient pu réclamer à titre de droit, si droit il y a. L'Etat en payant chaque année ces sommes pouvait anéantir toute prétention en deux mots; il suffisait de dire qu'il payait pour tenir lieu des intérêts que peuvent réclamer les provinces ; tout était consommé, personne n’avait plus rien à demander. Il y a plus, l'Etat ne serait-il pas fondé, lorsqu’on vient sous prétexte de droit lui réclamer ces intérêts, à déclarer qu'il compensera à due concurrence avec les subsides purement gratuits qu'il a donnés aux provinces pendant une série d'années?
J'ai une autre considération à vous soumettre, qui me semble décisive.
A quoi bon la décision qu'on vous demande? A quoi bon faire déclarer que l'Etat est débiteur vis-à-vis des provinces, à quoi bon leur faire allouer à ce titre certaines sommes? L'an prochain l'État diminuera d'autant les subsides qu’il alloue aux provinces....
- Un membre. - Le Brabant n'est pas compris.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le Brabant pâlirait nécessairement de la résolution que l'on provoque, car si l'Etat doit donner 300 ou 400 mille francs à titre de droit, il ne pourra pas les donner à titre de subside. Cette prétention est donc sans objet, elle ne peut aboutir à aucun résultat.
Il pourra être agréable de démontrer qu'on a fait valoir les prétentions des provinces, qu'on a fait reconnaître leurs créances à l'une pour 100 mile francs, à une autre pour 80 mille, à une troisième pour 75 mille. L'Etat sera d'autant moins riche qu'il aura plus de dettes à sa charge; il se trouvera dans l'impossibilité de donner, à titre de subsides, ce qu'on l'aura contraint à payer à titre de droit. Voilà, vraiment, le but puéril que l'on poursuit.
Mais si vous placez la question sur le terrain du droit strict, du droit rigoureux, vous devez l'admettre avec toutes ses conséquences; or, j'oppose la prescription! Si le droit existe pour les provinces, il existe pour l’Etat; cette prescription est formelle , elle est écrite dans la loi de comptabilité. Des réclamations n'ont été formées que par les provinces de Limbourg et de Luxembourg; celles-ci se sont adressées au gouvernement pour élever cette prétention relativement aux intérêts des fonds provinciaux; toutes les autres ont gardé le silence.
Je n'ai pas trouvé au dossier la moindre trace des réclamations des autres provinces du chef des intérêts de l'encaisse. Or, la loi sur la comptabilité de l'Etat statue : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice de déchéances prononcées par les lois antérieures, ou consenties par des marchés ou conventions , toutes créances qui n'auraient pas été liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de cinq ans, à partir de l'ouverture de l'exercice. » Il est vrai, qu'aux termes de l'article 35, les dispositions de cet article ne sont pas applicables, lorsque Je pavement n'a pas eu lieu par le fait de l'administration ou par suite d'une contestation judiciaire ; mais ce n'est pas par le fait de l'administration que l'ordonnancement n'aurait pas eu lieu dans le délai de 5 années ; il faudrait qu'il y eût eu une réclamation et que néanmoins l'Etat n'eût pas payé. Aussi l'article ajoute : « Tout créancier a le droit de se faire délivrer par le ministre compétent un bulletin énonçant la date de sa demande et les pièces produites à l'appui. »
Il faut constater qu'il y a eu réclamation pour établir le mauvais vouloir de l'Etat et empêcher la prescription. Mais je le répète, aucune réclamation n'a été formée par les provinces autres que le Limbourg et le Luxembourg; par conséquent si vous vous placez sur le terrain du strict droit, du droit rigoureux, l'Etat peut opposer la prescription. Elle ne serait pas applicable peut-être à la province de Luxembourg. Le Limbourg doit être écarté par une autre considération de fait.
Je me résume : la réclamation n'est pas fondée en droit, elle ne serait pas admise en justice; mais si on persiste dans la prétention, la chambre fera bien de laisser aux tribunaux le soin de statuer. Au point de vue de l'équité on n'est pas plus fondé ; il est inique même de réclamer à titre de droit quand l'Etat a donné, à titre purement volontaire, des sommes plus considérables que celles qu'on réclame. Si c'est le droit strict, d'ailleurs, qu'on veut invoquer, la loi de comptabilité arrête toutes ces prétentions.
M. Osy. - M. le ministre des finances trouve injuste et contraire à l'équité la demande que nous avons faite à huit pour réclamer l'intérêt perçu pendant quinze ans pour les fonds provinciaux. Le grand argument est qu'il n'est pas tenu de payer les intérêts pour les sommes qui se trouvent dans les caisses de l'Etat appartenant aux provinces et aux communes. Pour les fonds qui se trouvent dans les caisses, le gouvernement n'est tenu de payer aucun intérêt. La question est toute autre ici. En 1833, le gouvernement a fait un arrangement avec la Société Générale pour faire emploi d'une somme de 15 millions qui se trouvaient dans l'encaisse de l'Etat. Cet encaisse n'appartenait pas entièrement à l'Etat. Une somme de 15 millions appartenait aux provinces. Le gouvernement a perçu les intérêts de cette somme, ils ont été versés en écus dans la caisse de l'Etat. De manière que le gouvernement ne peut dire que ces intérêts soient représentés par obligations 4 p. c. Il ne peut dire : Je ne dois pas de somme pour les intérêts. Qu'il le dise pour ce qui s'est fait depuis cette époque, nous sommes d'accord; mais pour ce qui est antérieur à 1830, le gouvernement, ayant les intérêts en écus, doit les bonifier.
Depuis, en 1833 et 1838. plusieurs fois les provinces ont réclamé ces intérêts. Ce n'est que grâce à la proposition faite, en 1838, par l'honorable M. Dolez, que ces différentes sommes ont été finalement mises à la disposition du gouvernement. Il ne faut pas dire que le gouvernement perdrait en donnant des fonds publics, puisqu'en 1838, le gouvernement a vendu les fonds publics avec bénéfice.
En 1833, les fonds ont été achetés à un taux bien plus bas que celui auquel ils ont été vendus en 1838. Tout le monde sait qu'il y a eu une hausse progressive de 1833 à 1838.
Le gouvernement a reçu les intérêts, il doit les rembourser. Le grand argument de M. le ministre des finances est que les fonds du Limbourg se trouvaient dans la caisse de Maestricht.
C'est une erreur. Par les fonctions que je remplissais en 1830, je puis dire que la caisse de Maestricht était complètement dégarnie lors des événements de cette époque. Alors, vous le savez, Anvers était encore aux ordres de la Hollande dont Bruxelles s'était affranchie. Sur l'ordre du gouvernement de la Haye, je dus envoyer des fonds à la caisse de Maestricht pour la renforcer. Cela prouve bien que les fonds du Limbourg étaient à Bruxelles comme ceux des autres provinces.
Ce que M. le ministre vient de dire serait la plus grande condamnation de ses prédécesseurs. En effet si l'on trouve convenable de ne pas payer les intérêts aujourd'hui, on n'aurait pas dû payer le capital en 1838. M. le ministre dit qu'il est très agréable pour des députés de réclamer pour leurs provinces. Par hasard je suis le représentant d'une province qui n'a rien à réclamer, car Anvers ne réclame que 5 mille francs. Mais c'est comme acte de justice que j'appuie la proposition de mes honorables collègues des autres provinces.
Bien que le Brabant n'ait rien à réclamer, je crois qu'un de nos honorables collègues de Bruxelles partage notre manière de voir. Il ne s'agit pas ici d'un intérêt de localité, mais d'un intérêt de justice.
Certainement je trouve que la section centrale a fait une proposition très équitable. Je crois que dans la situation actuelle des finances du pays il serait peu convenable de payer la somme dont il s'agit; mais d'après la proposition de la section centrale, qui me paraît très convenable, le payement serait imputé sur trois exercices.
Si le gouvernement trouvait que la situation financière ne permet pas de faire ce sacrifice, je proposerais que le gouvernement donnât aux provinces des fonds publics au taux auquel nous l'avons autorisé à les réaliser.
M. le ministre des finances a dit que si le gouvernement fait ce remboursement aux provinces, il ne pourra plus leur accorder de subsides ; ce raisonnement n'est pas juste. On pourrait admettre cette compensation, si toutes les provinces avaient la même somme à réclamer. Mais Anvers réclame 5 mille francs, Namur 14 mille francs, tandis que le Hainaut en réclame 111 mille.
J'insiste pour que le gouvernement rembourse ce qu'il a touché. J'espère que le projet de loi sera adopté par la chambre.
M. de T’Serclaes. - Malgré la réponse donnée par M. le ministre des finances, il me paraît évident que les raisons de la section centrale à l'appui du projet de loi sont demeurées intactes.
Par la convention de novembre 1833, le gouvernement a mis la Société Générale, dépositaire des fonds provinciaux, dans l'impossibilité de payer les fonds provinciaux. Les fonds provinciaux sont demeurés indisponibles par le fait du gouvernement. Le gouvernement s'est donc, lui, rendu dépositaire des fonds provinciaux. En cette qualité, il a joui des fonds; il en a fait emploi, un emploi productif d'intérêts. Dès lors, il a été le negotium gestor des provinces; car en stipulait non seulement pour l'Etat, mais encore pour les provinces, il s'est constitué gérant d'affaires; il est donc juste qu’il rende compte aux provinces des intérêts qu'il a reçus au moyen de ces fonds.
Mais, dit M. le ministre des finances, si l'Etat avait perdu sur l’emploi des fonds provinciaux, les provinces lui auraient-elles bonifié la perte? (page 1775) Nous n'avons pas à nous occuper de cette question ; elle ne s'est pas présentée.
Le gouvernement a réalisé un bénéfice sur l’emploi des fonds provinciaux. Si les provinces élevaient une réclamation un sujet du bénéfice fait sur l'emploi des fonds provinciaux, le gouvernement dirait : Nous avons opéré à nos risques et périls ; nous prétendons conserver le bénéfice, parce que vous ne nous auriez pas rendu la perte que nous aurions pu faire.
Mais laissant de côté cette question du bénéfice que le gouvernement a fait sur le capital, nous disons que tout au moins il est constant que le gouvernement ne peut conserver les intérêts qu'il a perçus sur des fonds qui ne lui appartiennent pas. C'est clair comme le jour. Une pareille prétention ne pourrait se soutenir entre particuliers devant la justice ordinaire.
M. le ministre des finances fait une exception défavorable à la province le Limbourg. Je commence par remercier l'honorable député d'Anvers de la défense qu'il a présentée dans l'intérêt de cette province. Aux raisons qu'il a alléguées, j'en ajouterai une autre qui certainement ne trouvera aucun contradicteur dans cette assemblée.
Si la liquidation des fonds de la province de Limbourg n'a pas pu être opérée plus tôt, à quoi doit-on l'attribuer? Evidemment au gouvernement, qui par suite de la convention du 21 mai 1833 a conservé le statu quo, le provisoire, a fait lever l'embargo que la France et l'Angleterre avaient appliqué sur les bâtiments hollandais, comme mesure de coercition pour forcer la Hollande à l'exécution du traité du 15 novembre 1831.
Cette convention du 21 mai, dans quel intérêt a-t-elle été faite? Dans l'intérêt général du pays, qui a conservé la jouissance des revenus des parties du Limbourg et du Luxembourg qui ont été cédées à la Hollande ; la Belgique n'a pas payé les intérêts de la rente liquidée au profit de la Hollande par suite des traités de 1831 et de 1839. Ces faits qui ont été très avantageux ont été cependant nuisibles à deux parties de province, dont les intérêts ont été grandement en souffrance pendant toute la durée du statu quo. C'est un fait dont on argumente pour repousser cette réclamation. Je dis qu'il ne se trouvera dans cette enceinte aucun député qui adoptera un pareil moyen.
Il y a un motif de plus en faveur du Limbourg et du Luxembourg. Toutes les autres provinces ont obtenu la restitution de leurs fonds, en 1838. Le Limbourg et le Luxembourg ne les ont reçus qu'en 1844. Il y a là une différence de jouissance d'intérêts pendant six ans. Il y a donc un motif de plus en faveur de ces provinces.
M. le ministre des finances nous dit : Mais nous avons alloué des subsides aux différentes provinces. Il est donc inutile de nous réclamer des intérêts. Ah ! messieurs, ce raisonnement aurait quelque valeur si les provinces qui réclament des intérêts avaient seules obtenu des subsides. Mais le gouvernement n'en a-t-il pas accordé à toutes les provinces, sans distinction des réclamations qu'elles avaient faites au sujet des intérêts ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Toutes les provinces ont réclamé.
M. de Theux. - Mais elles réclament des sommes différentes. Il est évident que le gouvernement, dans la répartition des subsides entre les provinces, n'a pas tenu compte du chiffre plus ou moins élevé des intérêts qui étaient réclamés par elles.
Ce motif est allégué pour la première fois au profit de la thèse que soutient le gouvernement.
Mais, dit-on, si l'on vous paye des intérêts, on ne vous accordera plus de subsides. Ainsi vous êtes sans intérêt dans votre réclamation.
Réservons cette question pour l'avenir.
Le gouvernement, les chambres pourront examiner dans quelle proportion il convient d'accorder des subsides aux différentes provinces. Mais ici il s'agit d'un droit certain, d'un droit acquis, d'un intérêt positif, d'intérêts dus, d'après les plus simples notions d'équité.
La question des subsides se présentera annuellement au budget.
Quant à présent, il n'y a aucun motif valable à opposer au projet de loi présente par plusieurs de nos honorables collègues et appuyé par la section centrale en termes modérés, puisqu'elle ne propose le payement qu'en trois années.
Je pense donc que l'adoption du projet de loi ne rencontrera aucune difficulté.
M. Rousselle. - Les honorables préopinants qui ont répondu à M. le ministre des finances ont rendu ma tâche extrêmement facile. Je pense que ces honorables collègues ont renversé complètement l'argumentation de l'honorable ministre sur les questions de fait.
Je ne veux pas me heurter contre l'honorable ministre sur les questions de droit et de procédure ; elles n'ont pas fait l'objet de mes études particulières.
Je regrette que les honorables jurisconsultes qui ont signé la proposition ne soient pas dans l'enceinte. Je crois qu'ils auraient également renversé l'argumentation de M. le ministre sur ce point.
Pour moi, c'est une question de bonne foi et d'équité.
Le gouvernement ne nie pas; il avoue avoir touché les intérêts des fonds provinciaux. Peut-il les garder? Voilà toute la question. Je n'hésite pas à répondre : Non !
La compensation qu'on prétend faire avec les subsides alloués aux provinces sur le budget de l'Etat ne me paraît pas sérieuse. La distribution des subsides entre tout à fait dans un autre ordre d'idées et est soumise à d'autres principes que la restitution d'intérêts perçus sur les fonds d'autrui. Mais l’honorable ministre dit : Deux provinces seulement ont réclamé. Contre toutes les autres, il y a à invoquer la prescription. Je tiens ici deux mémoires présentés à la chambre par le conseil provincial du Hainaut, l'un en 1837, l'autre en 1838.
Dans ces mémoires la députation du conseil provincial du Hainaut explique très bien comment les fonds provinciaux ont été frappés d'indisponibilité; ils l'ont été par des dispositions du commissaire général de finances et ensuite du ministre de ce département.
Je me bornerai seulement à rappeler que, par une circulaire du 30 avril 1831, M. le ministre des finances a fait défense formelle et absolue de faire aucun payement sur les anciens crédits ouverts par le gouvernement précédent jusqu’à nouvel ordre.
Il faut savoir, messieurs, qu'immédiatement après l'encaissement des fonds provinciaux, on mettait ces fonds à la disposition des autorités provinciales. Il y avait donc un crédit ouvert par le gouvernement précédent pour tous les fonds provinciaux, et si le gouvernement nouveau n'y avait pas mis obstacle les fonds remis par les provinces leur eussent été restitués dès 1830, ou au fur et à mesure de leurs besoins, par la Société Générale; dans cette hypothèse, les fonds provinciaux n'eussent pas porté d'intérêts.
Mais dans ce même mémoire la députation provinciale du Hainaut rappelle une lettre de la Société Générale qui dit : « Faites lever par le ministre des finances l'interdiction qui pèse sur les crédits qui vous ont été ouverts et je vous remettrai vos fonds. » Mais le ministre des finances n'a pas levé l'interdiction. C'est donc par son fait que les provinces n'ont pu disposer de leurs capitaux, et puisque pendant l'indisponibilité ces capitaux ont produit des fruits, l’État ne peut se les approprier.
Ce qui est arrivé au Hainaut, est arrivé certainement à toutes les autres provinces à l'exception d'une seule. Je dois penser que le Brabant avait aussi, en 1833, des fonds dans la caisse de la Société Générale, mais il est probable qu'à raison de sa position le Brabant a obtenu pour ces fonds la levée de l'interdiction qui a continué à peser sur toutes les autres provinces.
L'honorable ministre a dit que les provinces autres que le Limbourg et le Luxembourg n'avaient pas réclamé les intérêts et qu'il y avait à invoquer la prescription contre elles. Je crois que cette allégation n'est pas tout à fait exacte; elle ne l'est pas, du moins, pour la province de Hainaut. Je vais vous lire, messieurs, le paragraphe qui concerne cette réclamation dans le mémoire du 20 octobre 1837 :
« Les sommes qui formaient, au 29 septembre, l'encaisse de la province et qui sont sa propriété, elles ne sont pas restées inactives et stériles dans les caisses de la Société Générale; elles ont reçu, au contraire, un emploi utile et fructueux dont nous venons enfin demander compte.
« Ainsi que l'a fait observer la Société Générale dans sa première lettre (1er décembre 1830), elle a conclu avec le gouvernement une convention provisoire d'après laquelle il lui a été fait remise par la Société Générale d'un capital en obligations belges équivalant au solde qui se trouvait en caisse chez elle au 30 septembre 1830.
« Dans ce solde se trouvait évidemment l'encaisse provincial qui, lui aussi, a été converti en obligations belges, et qui, par suite de cette sorte de novation, a produit un intérêt de 5 p. c.
« Or, qu'est devenu cet intérêt annuel de 5 p. c? Qui l'a perçu? qui le détient? qui doit le restituer? Le gouvernement. C'est à lui que l'intérêt des obligations belges données en échange des sommes composant l'encaisse dont la Société Générale était reliquataire au 30 septembre 1830 a été payé.
« Cet intérêt, il le perçoit encore et comme toujours, dans le projet de budget présenté en ce moment à la chambre des représentants, on voit figurer au chapitre des voies et moyens, la somme provenant de l'intérêt général de l'encaisse dont il est question.
« Maintenant est-il rationnel, est-il juste, est-il moral, nous le demandons, que le gouvernement s'enrichisse au détriment de la province de Hainaut, qu'il perçoive et détienne les intérêts des sommes qui sont la propriété de cette province? C'est à vos consciences, messieurs, que nous soumettons cette question, c'est à vos consciences à y répondre.
« Elles vous diront, messieurs, que cette perturbation de toutes les règles de l'équité et de la loi doit avoir un terme, que l'intérêt doit appartenir à ceux à qui appartient le capital.....»
Vous voyez donc, messieurs, que la province du Hainaut a réclamé comme les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Je crois que les autres provinces en ont fait autant. Du reste, presque chaque année la chambre a retenti des plus vives réclamations, relativement à ces intérêts. J'ose espérer que ces observations jointes à celles que les précédents orateurs ont présentées suffiront pour faire cesser l'opposition de l'honorable ministre des finances, et qu'elles décideront la chambre à voter le projet de loi.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, le projet dont nous nous occupons me semble placer la chambre dans une position tout à fait extraordinaire, et la décision qu'elle prendra pourra être de nature à soulever de justes reproches. De quoi s'agit-il? D'une question du mien et du tien, d'une question qui de sa nature est du ressort, non point d’un corps politique, mais des tribunaux.
Certaines provinces formulent une réclamation à charge du trésor public; le trésor public, par l'organe de son représentant, M. le ministre des finances, répond aux provinces qu'il ne leur doit rien. Et l'on veut que la chambre décide ce procès! Mais, ce qu'il y aurait de bien plus extraordinaire, c'est que le procès va être jugé par ceux qui sont en même temps juges et parties. Ce sont les députes des provinces qui réclament, qui vont décider que la réclamation des provinces est juste.
(page 1776) Je crois bien que mes observation» ne seront pas goûtées par la majorité, mais je prie cependant cette majorité de réfléchir aux conséquences de la décision qu'elle va prendre. Aujourd'hui, ce sont, à la vérité, huit provinces qui vont prendre part au gâteau qu'elles veulent que le trésor leur adjuge. (Interruption.)
Je persiste dans ce que je viens de dire et nous verrons ce qu'on me répondra. Je dis que huit provinces aujourd'hui vont prendre part à la somme dont on veut que le trésor se dessaisisse; mais, messieurs, qui nous garantit que dans quelque temps une coalition ne se fera pas entre cinq provinces, par exemple, qui viendront dépouiller les quatre autres? (Interruption.)
Je savais très bien d'avance que mes paroles ne seraient pas applaudies, mais je dis une chose qui est parfaitement exacte, je dis que rien ne nous garantit que, dans quelque temps, cinq provinces retrouveront pas le moyen de formuler une petite réclamation, par exemple pour les intérêts des sommes dont il s'agit antérieurs à 1830, qu'elles prétendront leur être dus ; et cinq provinces formant la majorité, s'érigeant en tribunal. pourront s'adjuger des intérêts même antérieurs à 1830.
Je dis, messieurs, que nous entrons aujourd'hui dans une voie funeste, et pour ma part je n'y suivrai pas ceux qui répondront par un vote favorable au projet dont nous nous occupons. La chambre me semble fort peu compétente pour décider une semblable question, et en ce qui me concerne, je suis décidé à m'abstenir.
M. Osy. - Messieurs, de quelque proposition que nous ayons à nous occuper, nous ne sommes pas ici les représentants des provinces, nous sommes les représentants du pays, et la preuve c'est que, bien que la province d'Anvers n'ait à recevoir qu'un tout petit morceau du gâteau, j'ai, dans la commission et dans cette enceinte, pris chaudement la défense de le proposition de MM. Tesch, Rousselle et autres membres. Pour la province d'Anvers je n'ai jamais réclamé dans cette chambre des intérêts, parce que je ne savais même pas que la province d'Anvers eût une somme dans l'encaisse; mais lorsque mes honorables collègues m'ont expliqué l'affaire, j'ai trouvé qu'ils avaient raison, et que le gouvernement doit rembourser des sommes qu'il a reçues et qui ne lui appartiennent pas.
Messieurs, ce n'est pas ici une lutte entre les provinces ; il ne s'agit pas d'un intérêt provincial ; la question est d'un intérêt général. J'espère donc que la proposition de loi sera accueillie par la chambre.
M. de Theux. - Messieurs, l'honorable M. Henri de Brouckere dit que la question est de la compétence des tribunaux. Eh bien, que résulte-t-il de logique de cette observation? C'est que les députés qui conservent des doutes sur le fondement de nos réclamations, doivent rejeter la proposition et en laisser la décision aux tribunaux; mais ceux qui croient que les réclamations sont fondées doivent accorder an gouvernement l'autorisation de payer. Et pourquoi? Parce qu'un débiteur ne recourt aux tribunaux que lorsque sa dette lui paraît incertaine.
Contrairement à l'opinion exprimée par l'honorable membre, je crois que cette question est du ressort des chambres tout aussi bien que du gouvernement; en définitive, cela intéresse le trésor public; or, les questions de trésor, les questions de dépenses, sont bien de la compétence des chambres.
L'honorable membre dit que nous sommes juges et parties. Si nous siégions ici comme conseillers provinciaux, l'objection serait fondée ; mais aucun de nous ne fait partie d'un conseil provincial ; nous sommes uniquement membres de la chambre, et en cette qualité nous pouvons défendre la thèse que nous défendons; il n'y a aucune incompatibilité.
« Mais, dit-on, il pourrait se former une coalition de plusieurs provinces qui ont un intérêt commun. » C'est une objection qu'on peut faire à toutes les résolutions que nous prenons. On arriverait de cette manière à nier la compétence des chambres dans une foule de questions.
Il n'y a ici qu'un point à examiner; la réclamation est-elle fondée? Si on pense qu'elle est fondée, il faut allouer les fonds ; si on conserve des doutes, il faut laisser décider la question par les tribunaux.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n'ai qu'une seule observation à présenter en réponse à ce que vient de dire l'honorable M. de Theux.
L'honorable membre dit qu'on ne porte une réclamation devant les tribunaux que quand la réclamation est contestée. Eh bien, la réclamation dont il s'agit aujourd’hui est contestée précisément par celui qui doit payer, c'est-à-dire par le représentant du trésor.
Si le gouvernement était d'accord avec les auteurs de la proposition, je concevrais alors qu'on prétendît qu'il n'est pas nécessaire de recourir aux tribunaux ; mais les parties ne sont pas d'accord ; il y a véritablement litige; c'est une question du tien et du mien entre les provinces qui réclament et le trésor qui prétend ne rien devoir. Qui va juger cette question? Elle sera décidée, je le répète, par les représentants des provinces qui ont intérêt à ce que la somme soit allouée.
J'avais dit que je ne pouvais pas prendre part à un pareil vote. L'honorable M. de Theux a dit que ceux qui se croyaient incompétents devraient voter contre la loi ; eh bien, je suivrai le conseil de l'honorable membre : je voterai contre la loi.
M. Delfosse. - Messieurs, l'honorable M. Henri de Brouckere suppose que la chambre pourra forcer le gouvernement à payer, si le gouvernement persiste à croire qu'il ne doit rien. C'est une erreur. Si le gouvernement restait convaincu que la chambre a tort, et que la question doit être portée devant les tribunaux, le gouvernement ne sanctionnerait pas la loi, et alors les provinces devraient naturellement porter le débat devant les tribunaux. Mais si, après que la chambre aurait pris une résolution dans le sens de l'opinion de la section centrale, le gouvernement, se rendant aux raisons données dans la discussion, sanctionnait la loi, tout serait terminé sans procès, et cela serait heureux, car si les provinces plaident contre le gouvernement, les frais seront énormes ; les avocats prendront la meilleure part de ce qui est en litige.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la dernière observation qui vient d'être présentée devrait avoir pour résultat l'abstention de la chambre. L'opposition est suffisamment connue du gouvernement; elle a été communiquée aux provinces de Limbourg et de Luxembourg par mes prédécesseurs. Mais on veut faire au gouvernement une position qui deviendrait fort difficile, que probablement il n'accepterait pas. La chambre préjugerait la question : le gouvernement abandonnerait aux chambres la responsabilité du vote que la chambre aurait émis; on ferait en définitive des fonds pour payer.
La position que l'on choisit est par trop commode. Chaque fois que le gouvernement vient accuser l'état des finances, que le gouvernement montre qu'il y a nécessité de créer des ressources nouvelles, on s'abstient ; il n'en faut pas. Mais aujourd'hui qu'il s'agit d'être prodigue des fonds du trésor, on trouve fort convenable de disposer de la caisse au profit des provinces.
Messieurs, il s'agit ici d'examiner une question de fait et une question de droit, nous nous plaçons ici comme si nous discutions une question devant un tribunal. En fait, je dis à la province de Limbourg pour laquelle on réclame : Vos fonds n'ont jamais été dans la caisse du gouvernement belge...
M. Vilain XIIII. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vos fonds n'ont pas été compris dans l'encaisse qui a été attribué à la Belgique par le traité de 1842 ; et je citerai au besoin une lettre de la députation permanente du conseil provincial du Limbourg du 17 août 1842 au ministre de l'intérieur, dans laquelle il est formellement énoncé que le Limbourg tenait n'avoir de droit qu'à charge du gouvernement des Pays-Bas; « il serait possible, disait-on, que d'ici à longtemps notre quote-part dans l'encaisse de 1830 ne fût pas restituée par la Hollande. »
La Belgique qui n'a rien reçu de ce chef, a libéralement attribué à la province du Limbourg une part de la somme résultant des fonds provinciaux. Et maintenant sur quoi se fonde-t-on pour réclamer les intérêts ? Sur ce que le gouvernement a retiré des intérêts des fonds qu'il a restitués à la province du Limbourg!
C'est vraiment à douter de sa raison ! Il est impossible que le gouvernement belge soit tenu d'attribuer une part quelconque à la province de Limbourg des intérêts de l'encaisse.
Maintenant, relativement aux autres provinces, il n'y a pas de réclamation ; le gouvernement n'a été saisi d'aucune réclamation, si ce n'est de la province de Luxembourg. Vous vous faites juges, vous voulez appliquer la loi, je vous oppose la loi de comptabilité que vous avez votée, qui porte que pareilles créances sont prescrites. Si vous voulez invoquer le droit strict, rigoureux, vous devez appliquer votre propre loi ; cette loi déclare que les créances non réclamées au bout de 5 années sont prescrites. Or, les provinces ont reçu en 1838 le capital sans faire de réserves pour les intérêts, sans protestation, et c'est seulement aujourd'hui qu'en leur nom, sans réclamation de leur part, car elles n'ont pas encore réclamé à l'heure qu'il est, quelques membres, usant de leur droit d'initiative, font la proposition d'attribuer à ces provinces ce que même elles ne demandent pas.
Dites-moi si vous voulez faire une exception à la loi de comptabilité, si vous voulez décréter qu'elle ne sera pas appliquée à certaine nature de créances? Est-ce une créance digne d'intérêt, qui en supposant qu'elle ne soit pas fondée en droit, se recommande par un principe d'équité ? Quoi donc ! L'Etat donnait libéralement, volontairement des subsides aux provinces pendant un grand nombre d'années, et elles viennent dire ou plutôt on dit en leur nom à l'Etat: Vous êtes débiteur du profit que vous avez tiré de certaine somme; il est vrai que vous l'avez employée à vos risques et périls, que vous auriez pu perdre une forte partie du capital; n'importe ! il y a eu des intérêts vous allez les restituer ! Si l'Etat avait déclaré , an moment où il donnait des subsides, que c'était pour tenir lieu de cette prétendue dette, aucune de ces réclamations ne serait recevable ; si à l'instant l'Etat opposait aux prétendus créanciers d'intérêts la compensation des subsides qu'il a payés, elles s'évanouiraient encore. Ainsi il n'y a aucune espèce de raison, aucune espèce de motif pour grever l'Etat de cette dette.
Je vous demande, si vous entrez dans cette voie, où vous vous arrêterez. Aujourd'hui on parle au nom des provinces, mais demain on parlera au nom des communes. Elles sont dans la même position; on sait qu'il y avait dans l'encaisse des fonds communaux, des fonds appartenant à des tiers, des fonds particuliers, des fonds de bureaux de bienfaisance; cette réclamation admise, je ne sais où elle s'arrêtera. Si vous voulez être juste, il faut y comprendre tout le monde, y mettre tous ceux qui avaient des fonds provinciaux ; il y aura une liquidation à faire avec toutes les parties. Une liquidation!... car on n'admet pas même le compte tel qu'il est présenté par l'administration du trésor, il y a, dit-on, inexactitude ; on conteste les chiffres; quand le principe aura été déclaré par la chambre, on se présentera devant les tribunaux; quand la législature aura prononcé, il devra y avoir une liquidation contradictoire entre le gouvernement et les provinces.
Et voulez-vous la preuve que l'intérêt provincial est traité dans la chambre par les députés des provinces intéressées; que l'on cesse de parler, quoi qu'on ait pu prétendre tout à l'heure, au nom du pays pour parler au nom de l'intérêt provincial; voulez-vous acquérir la conviction que l'on entend procéder à une liquidation contradictoire, lisez le rapport de la section centrale. Voici ce qui s’y trouve consigné :
(page 1777) « C'est d'autant plus nécessaire (une liquidation contradictoire) que les députés de la Flandre occidentale, du Limbourg et du Luxembourg prétendent que le compte des intérêts pour leur encaisse doit s'étendre au-delà du 1er août 838, et qu'en outre ceux du Limbourg déclarent qu'ils sont à même d'établir par des pièces authentiques que l'encaisse de cette province est plus élevé que celui porté dans la note ministérielle. »
Ainsi on demande de faire déclarer le principe que l'Etat est débiteur, mais il y a lieu à liquidation, on ira faire cette liquidation contradictoire devant les tribunaux ! Ce sont les députés des provinces qui le déclarent ! Si les parties ne s'accordent pas, si le gouvernement ne reconnaît pas les inexactitudes prétendues, il n'y a pas de raison pour que les députés des provines ne se présentent pas de nouveau devant les chambres, pour faire statuer sur le chiffre de ces créances.
Je conjure la chambre, dans l'intérêt même de sa dignité, d'écarter un débat de la nature de celui qui est maintenant ouvert devant elle.
M. Vilain XIIII. - J'ai demandé la parole pour rétablir un fait qui me semble dénaturé par M. le ministre des finances. M. le ministre place le Limbourg dans une position particulière, il dit que les fonds de cette province, déposés chez l'agent à Maestricht, n'ont jamais été versés dans la caisse de la Société Générale à Bruxelles, que la Société Générale n'a pas perçu ces fonds, par conséquent que le gouvernement n'a pas profité des intérêts. Le fait est erroné; il me paraît impossible que ces fonds n'aient pas été versés à la Société Générale.
Ces fonds étaient le produit d'un emprunt fait en 1827 pour construction de routes ; ils étaient versés par annuités; le solde créancier du compte de la Société Générale était dé 35,786 florins au 31 décembre 1828; peut-on penser que ces fonds soient restés pendant deux ans sans emploi ? En 1829 ce solde était de 46,524 florins; enfin au 30 juin 1830 il était de 143 mille florins.
Peut-on penser que la Société Générale ait laissé ces fonds improductifs dans la caisse de son agent à Maestricht? Pourquoi faire?
M. le baron Osy nous a révélé aujourd'hui un fait qui prouve que la province n'a pas profilé de ces fonds; que c'est l'Etat qui en a profilé. Il nous dit que la caisse de l'agent de la banque, à Maestricht, était complètement vide, et que le prince d'Orange, ayant besoin d'argent, avait dû en faire venir de Maestricht.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Cela ne prouve rien.
M. Vilain XIIII. - Cela prouve que les fonds n'étaient pas à Maestricht.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils pouvaient y avoir été dépensés.
M. Vilain XIIII. - Que les fonds aient été dépensés à Maestricht ou à Bruxelles, qu'importé, si le gouvernement en a disposé dans l'intérêt général.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable membre est dans l'erreur. Voici comment. Il s'agit de savoir si le gouvernement a reçu les fonds de la province du Limbourg qui se trouvaient en caisse à Maestricht au 1er octobre 1830. Or, il n'en a pas été ainsi.
Que l'on ait employé bien ou mal les fonds qui étaient en caisse, cela importe peu. Ce n'en étaient pas moins les fonds provinciaux du Limbourg, qui, par conséquent, n’étaient pas compris dans l’encaisse du caissier général au 1er octobre 1830.
L'Etat n'a pas reçu ces fonds. Par conséquent il ne peut pas donner, de ce chef, des intérêts à cette province.
M. de Theux. - L'honorable ministre des finances perd constamment de vue les raisons toutes spéciales que j'ai alléguées en faveur du Limbourg, et que j'ai tirées de la convention de 1833, qui est le fait du gouvernement, et qui a arrêté l'exécution du traité du 15 novembre. Il en est résulté que la liquidation n'a pu se faire entre le Limbourg et la partie de la province qui devait rester hollandaise par suite du traité, et par suite que le Limbourg n'a pas eu la jouissance des intérêts.
En 1838, on a payé les autres provinces.
Le Limbourg et le Luxembourg ont été payés six ans plus tard? Pourquoi en a-t-il été ainsi? A cause de la convention du 21 mai 1833 faite au profit de l'Etat?
Ceci me conduit à une autre observation. On dit : Renvoyez aux tribunaux : mais pourraient-ils apprécier les motifs d'équité ? N'est-il pas préférable qu'ils soient appréciés par la chambre?
Encore un mot sur le droit. Si c'était le gouvernement hollandais qui eût disposé des fonds du Limbourg, la restitution du capital faite par le gouvernement belge, n'aurait pas été une donation, mais l'acquit d'une dette du gouvernement belge, comme successeur du gouvernement hollandais, et la province n'en aurait pas moins droit aux intérêts.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant tire argument de la convention de 1833, si préjudiciable, dit-il, au Limbourg, si favorable à l'intérêt général. Il demande, à titre d'équité, qu'on ne conteste pas au Limbourg les intérêts qui peuvent lui être dus. Je dis que c’est un acte de pure libéralité que l'on demande. Qu'importe la convention du 21 mai 1833 à la question qui vous est soumise? La question est uniquement de savoir si l'Etat a tiré parti des fonds provinciaux, si ces fonds étaient compris dans l'encaisse du caissier de l'Etat, et si l'Etat doit l’intérêt de ces fonds ?
On va plus loin : on prétend que le Limbourg pourrait être fondé à réclamer le bénéfice fait par l'Etat sur des fonds publics qu'il aurait réalisés à un taux plus favorable que celui auquel il les aurait reçus. Je conçois qu'il serait très agréable pour le Limbourg de recevoir sa part de prétendus profits que l'Etat aurait faits. Mais, au lieu d'un bénéfice, c’est une perte que l'Etat a essuyée. Il a été aussi privé de ses capitaux, et il a dû emprunter à gros denier. De manière que c’est sur un bénéfice imaginaire qu'on assoit le droit du Limbourg à recevoir des intérêts !
M. Coomans. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire, non un discours, mais une proposition.
Il me semble que la chambre devrait prononcer sur ce projet de loi l'ordre du jour pur et simple.
M. le ministre des finances a parfaitement raison, lorsqu'il nous engage à ne pas nous prononcer sur la grave question en litige. Il y aurait là de notre part une sorte d'usurpation sur le pouvoir judiciaire. On nous demande de l'argent, à titre de droit strict; or, ce n'est pas notre affaira C’est l'affaire des tribunaux. Nous pouvons interpréter la loi d'une manière générale, mais non l'appliquer dans des cas particuliers, comme on nous le demande. La loi est pour tous la même, pour les provinces comme pour de simples particuliers, Je concevrais que l'on s'occupât d'une réclamation faite, au nom de l'équité, au profit de tels ou tels intérêts indûment lésés. Encore faudrait-il examiner si les diverses provinces ont autant de titres les unes que les autres ; dans ce cas, il ne pourrait jamais s'agir de leur allouer les sommes fixes qu'elles réclament d'une façon assez irrégulière.
Je propose l'ordre du jour pur et simple.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances s'est trompé s'il a cru que je me prononçais au fond pour la proposition de la section centrale. Je me suis borné à répondre à l'observation faite par un honorable collègue que la chambre serait incompétente, parce qu'elle serait juge et partie. La chambre ne serait pas partie, puisque, comme on l'a dit, les membres de la chambre représentent le pays entier et non la province qui les a élus. Elle ne serait pas juge, puisqu'elle ne pourrait rien sans le gouvernement. La chambre aurait beau décider que le gouvernement doit payer, si le gouvernement restait convaincu que la chambre a tort, non seulement il pourrait, mais il devrait refuser sa sanction à la loi.
Personne, dans cette chambre, ne trouverait mauvais que, dans une circonstance comme celle-ci, le gouvernement usât de la prérogative qui lui est donnée par la Constitution de ne pas sanctionner la loi. Le projet que nous discutons n'a pas assez d'importance pour que l'on puisse supposer que la chambre serait indignée d'un refus de sanction.
Le gouvernement, qui est partie dans le débat, conserverait donc toute sa liberté et il dépendrait de lui que la question fût portée devant les tribunaux, si les provinces persistaient à soutenir leur droit.
M. le ministre des finances, prenant la parole immédiatement après moi, a dit qu'il était par trop commode de se montrer libéral envers les provinces, et ne puiser constamment dans le trésor, alors qu'on s'abstient sur les questions d'impôt ; je ne sais à qui M. le ministre des finances a voulu faire allusion.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - A personne ; j'ai parlé en général.
M. Delfosse. - La déclaration de M. le ministre des finances rend inutiles quelques observations que je me disposais à soumettre à la chambre. Je ne sache pas, pour ce qui me concerne, que je me sois abstenu sur des questions d'impôt.
J'ai une opinion bien nette, que j'ai souvent défendue et que je continuerai à défendre, c'est qu'avant de créer de nouveaux impôts, il faut réduire certaines dépenses, notamment celles du budget de la guerre; M. le ministre des finances peut ne pas être de mon avis sur ce point, il est de très bonne foi, j'en suis convaincu ; mais mon opinion est tout aussi consciencieuse que la sienne, et je réclame pour cette opinion la tolérance, les égards que j'ai pour celle de M. le ministre des finances.
J'avais si peu un parti pris sur le projet de loi, que je suis tout disposé, d'après les explications qui viennent d'être échangées, à voter pour l'ordre du jour proposé par l'honorable M. Coomans ; j'ai assisté, en qualité de président, aux délibérations de la section centrale, mais ce n'est pas une raison pour que je vote avec elle alors que la discussion a jeté des doutes sur une question qui au premier abord m'avait paru claire.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. T'Kint de Naeyer. - J'avais demandé la parole, messieurs, pour combattre les objections qui viennent d'être présentées. (Interruption.) Si la chambre est décidée à ajourner toute discussion ultérieure, il ne me reste plus qu'à protester contre l'ordre du jour pur et simple qui impliquerait le rejet du projet de loi. Il doit être bien entendu que la question reste intacte et que tous les droits sont saufs.
M. Coomans. - C’était précisément pour qu'il ne fût rien préjugé sur le fond que j'avais proposé l'ordre du jour pur et simple. Car je suis loin de me prononcer sur le fond. Les observations de l'honorable M. de Theux et d'autres membres me semblent mériter toute attention, mais l'ordre du jour réserve tous les droits. La proposition de nos honorables adversaires implique un blâme quant au fond, ce qui n'est nullement mon intention.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Dans ma pensée, l'ordre du jour n'a pas d'autre portée que celle-ci : les choses restent parfaitement intactes. Les droits de l'Etat et les droits des provinces sont entièrement réservés.
M. Le Hon. - Je propose de rédiger ainsi la proposition de l'honorable M. Coomans :
« La chambre, tous droits réservés, passe à l’ordre du jour. »
M. Coomans. - Je me rallie à cette proposition.
M. Rousselle. - Il me paraît qu'en prononçant l'ordre du jour ainsi motivé, et à la suite des développements présentés par l'honorable M. Coomans, c'est absolument comme si la chambre déclarait qu'elle n'est (page 1778) pas compétente pour décider la question, que les tribunaux devront en être saisis par les intéressés.
Si c'est ainsi qu'on l'entend, je dois m'opposer à l'ordre du jour.
Si, au contraire, la chambre entend qu'il doit y avoir un plus ample informé, qu'une nouvelle instruction doit être faite par le gouvernement je m'y rallierai.
Mais si l'on peut renvoyer aux tribunaux la question du fond et l'application du droit au fait, alors je déclare maintenir notre proposition de loi.
En proposant l'ordre du jour, on s'est particulièrement préoccupé de questions spéciales. Notre proposition ne les préjuge pas, elle pose un principe. Elle se borne à dire : La gouvernement a reçu l'intérêt de fond provinciaux; il ne peut le garder.
La forme et le montant de la restitution feraient l'objet d'un arrangement entre l'Etat et les provinces.
M. Delfosse. - J'ai soutenu que la chambre est compétente. Ce n'est donc pas dans le sens de l'incompétence de la chambre que je voterai l'ordre du jour. Si je le vote, c'est que la question n'est pas mûre. M. le ministre des finances a nous donné, au sujet de la province de Limbourg, des explications dont il résulte qu'on ne peut prendre en ce moment une résolution définitive et complète.
Nous sommes à la veille de la clôture de la session, il serait donc impossible que la chambre prît une résolution dans la session actuelle. L'ordre du jour ne signifie pas pour moi autre chose, que la chambre pourra, si elle le veut, s'occuper ultérieurement de la question, qu'une nouvelle proposition pourra être déposée dans la session prochaine.
Rien n'empêchera non plus le gouvernement, s'il changeait d'avis, d'user de son droit d'initiative.
Puisque nous en sommes aux réclamations des provinces, il y en a d'autres sur lesquelles j'appellerai l'attention de M. le ministre des finances : je veux parler des réclamations relatives aux fonds payés par certaines provinces pour la construction du canal de Maastricht à Bois-le-Duc.
M. H. de Brouckere. - Il est impossible que la chambre motive l'ordre du jour autrement que le propose l'honorable M. Le Hon.
Chacun votera l'ordre du jour par des motifs qui lui sont personnels, et dont il n'a pas à rendre compte.
Le sens unique qui peut être donné à la décision de la chambre, c'est que nous ne voulons pas prendre de décision dans l'état actuel. Il en résulte que tout droit est réservé, même le droit de reproduire la proposition.
Si j'ai demandé la parole, c'est pour dire que je ne suis pas tout à fait de l'avis de l'honorable M. Delfosse. Avec le sens qu'il donne à l'ordre du jour, ce serait un simple ajournement. Or, c'est l'ordre du jour : c'est-à-dire que, dans l'étal actuel, la chambre ne veut pas prendre de décision
D'ici à la prochaine session on pourra s'adresser aux tribunaux ; mais il ne paraît pas qu'on y soit très disposé. On pourra chercher à s'entendre avec M. le ministre des finances; et peut-être à la session prochaine, pourra-t-on, d'accord entre tous les intéressés, présenter un projet de loi qui reçoive la sanction de la chambre.
En un mot, l'ordre du jour ne préjuge rien.
M. Manilius. - L'ordre du jour implique la demande d'un plus ample informé. Autrement ce serait un simple ajournement. Si on ne le propose pas, c'est qu'en ajournant, il faut fixer la date de la reprise. Nous prononçons l'ordre du jour, c'est-à-dire que nous nous occuperons de cette affaire, lorsqu'elle aura été complètement instruite.
(page 1790) - La proposition de M. Le Hon est mise aux voix et adoptée. En conséquence, la chambre, « tous droits réservés », passe à l'ordre du jour sur la proposition de loi relative à la restitution d'intérêts de fonds provinciaux.
(page 1778) Le rapport, fait, au nom de la commission permanente de l'industrie, par M. Loos, est ainsi conçu.
M. Loos. - Messieurs,
Par pétition en date du 7 février de cette année, plusieurs armateurs à la pêche de Blankenberghe (Flandre occidentale) font connaître l'état de décadence dans lequel ils prétendent que se trouve leur industrie.
Ils attribuent ce fâcheux état de choses à la concurrence de la pêche hollandaise, devenue plus active par suite des conditions qui lui ont été faites par le traité du 29 juillet 1846, convention dont ils déplorent l'existence.
Il est certain que la réduction si considérable des droits d'entrée sur le poisson de la pêche hollandaise a porté un certain préjudice aux intérêts de la pêche nationale, et principalement en ce qui concerne le poisson frais, aux armateurs de Blankenberghe. Ce préjudice cependant n'est peut-être pas aussi considérable que les pétitionnaires le prétendent et se l'imaginent. Pour mettre la chambre à même d'en juger, nous joignons ici le tableau des importations de poisson de mer frais des Pays-Bas, depuis l'année 1845 jusqu'à la fin de 1848. En 1845, ces importations s'élevaient à 552,929 kilogrammes; en 1847, elles avaient plus que doublé, mais en 1848, elles sont retombées à 765,517 kilogrammes.
Pour remédier à cette situation, les pétitionnaires proposent plusieurs moyens d'une nature et d'une importance bien différentes.
Le premier est d'élever le droit d'entrée sur le stockfisch, de le porter de 2 fr. 50 c. à 25 fr. les 100 kilogrammes, c'est-à-dire juste au montant de sa valeur. Les pétitionnaires prétendent que le stockfisch n'est pas la nourriture des classes pauvres, mais de la classe moyenne, et que ce ne serait pas rendre un mauvais service à celle-ci que de la forcer à donner la préférence au poisson frais et à la morue, en frappant le stockfisch d'un droit prohibitif. Ce moyen n'a pas reçu le moindre appui dans le sein de la commission de l'industrie.
En 1847, il a été importé pour la consommation :
De Norwége, 957.992 kilogr. de stockfisch.
Des Pays-Bas, 119,424 kilog.
D'ailleurs, 56 kilog.
Total, 1,057,472 kilogr. de stockfisch.
S'il peut paraître utile et équitable de protéger la pêche nationale plus même que d'autres industries, en raison des services qu'elle rend à la navigation, ce serait cependant pousser la protection trop loin, que de vouloir, dans cette vue, priver les populations de certains aliments sains et économiques, auxquels elles donnent la préférence sur d'autres, qu'elles recherchent moins ou qu'elles ne recherchant que pour varier leur nourriture, et alors qu'elles peuvent les rencontrer dans des conditions de prix et de qualité qui leur conviennent. Cette violence faite aux goûts des consommateurs serait une véritable iniquité et pourrait bien, au surplus, ne pas profiter, autant qu'ils semblent le croire, à l'industrie des pétitionnaires. Votre commission est donc d'avis qu'il n'y a pas lieu d'augmenter les droits d'entrée sur le stockfisch.
Le second moyen proposé par les pétitionnaires, moins absolu que le premier, ne concernant plus qu'une seule catégorie de consommateurs, a pour but aussi de faire augmenter la consommation du poisson, en obligeant l'armée à faire maigre un jour de chaque semaine. Les pétitionnaires disent : « que cela diversifierait agréablement l'ordinaire du soldat, serait pour lui un régal et pour le trésor une économie, attendu que, pour le « prix d'une livre de viande, on obtiendrait deux livres de poisson , plus les pommes de terre et le beurre. »
La commission de l'industrie n'a pas cru devoir délibérer sur l'opportunité de cette proposition, dont elle abandonne l'appréciation à M. le ministre de la guerre, responsable de la santé de l'armée.
Enfin, le troisième moyen mis en avant par les pétitionnaires pour favoriser ou soulager la pêche de Blankenberghe, serait la construction, en cette localité, d'un port de refuge.
La commission admettant volontiers les avantages qui pourraient résulter pour la localité de Blankenberghe de la construction d'un port de refuge, n'aperçoit cependant pas l'influence que cette construction pourrait exercer sur le prix du poisson, et comment elle ferait disparaître la concurrence hollandaise, qui est la cause à laquelle les pétitionnaires attribuent la dépréciation des produits de leur industrie.
D'après une brochure, publiée en 1848 en faveur de la construction d'un port de refuge à Blankenberghe, ces travaux étaient évalués à une dépense de 1,200,000 francs.
Il existe à Blankenberghe 54 bateaux de pêche ; chaque bateau coûte, d'après les pétitionnaires, 4,000 francs ; ainsi la valeur totale de la flotte de pêche de cette localité, en la supposant nouvellement construite, s'élèverait à 210,000 francs. Chaque bateau est monté par 5 hommes ; le personnel des équipages s'élève donc à 270 hommes. D'après les pétitionnaires, les primes accordées par le gouvernement, en faveur de la pêche, s'élèveraient en moyenne pour chacun de leurs bateaux à 83 francs.
La commission croit qu'il peut être utile de communiquer à M. le ministre des affaires étrangères les allégations des pétitionnaires, en ce qui concerne la concurrence hollandaise ; et, en conséquence, vous propose de lui renvoyer la requête.
Pour le surplus, elle propose aussi le renvoi à M. ministre des travaux publics, afin de soumettre à son appréciation la demande des pétitionnaires en qui concerne la construction d'un port de refuge.
M. Sinave. - Le besoin de la construction d'un port à Blankenberghe ne s'est point fait sentir à notre époque seulement. L'importance d'un tel ouvrage est si incontestable, qu'il est inutile d'entrer dans aucun développement.
Cependant je ferai observer que l'industrie de la pêche du poisson frais à Blankenberghe est ruinée sans retour par le déplorable traité du 29 juillet 1846 avec la Hollande, si un port ne vient compenser les pertes que la concurrence hollandaise lui fait supporter.
J'approuve la proposition de la commission d'envoyer la pétition des armateurs de la ville de Blankenberghe aux ministres des affaires étrangères et des travaux publics.
Je ferai néanmoins remarquer qu'il me paraît très étrange que la commission ignore complètement l'influence que la construction d'un port pourrait exercer sur le prix du poisson pour cette localité. Il est bien vrai que les pétitionnaires ne sont pas entrés dans la discussion de tous les avantages d'un port. Ils l'ont cru inutile.
En effet, est-il besoin de dire que des navires, au nombre de soixante, obligés d'échouer constamment sur l'estran, souffrent considérablement par le mauvais temps? Les réparations que ces bâtiments exigent sont infiniment plus coûteuses que celles des navires qui entrent dans un port et restent à flot à l'abri des tempêtes; aussi la durée d'un navire de pêche à Blankenberghe est-elle moitié moindre que celle de tout autre navire.
Il était donc facile à la commission de comprendre comment, ayant tous ces frais extraordinaires à supporter, Blankenberghe ne pourra jamais parvenir à soutenir ni la concurrence hollandaise, ni même plus aujourd'hui celle d'Ostende et de Nieuport, dont les bâtiments pontes et construits (page 1779) à quilles offrent un avantage immense, d'autant plus grand encore quelles navires de Blankenberghe, obligés d'échouer sur l’estran, soit dans l'impossibilité de recevoir des perfectionnements.
Je regrette que la commission ait mis cinq mois pour faire son rapport et l'ait produit le dernier moment de la session.
Mon intention était de déposer un projet pour la construction d'un port à Blankenberghe aux frais de l'Etat, sans occasionner au trésor une augmentation annuelle sensible de dépenses.
M. le Bailly de Tilleghem. - Messieurs, un fait certain, c'est que les armateurs à la pêche de Blankenberghe éprouvent de grandes pertes. L'industrie de la pêche maritime est dans un état de souffrance vraiment déplorable.
Je ne puis me dispenser de recommander cette question à toute la sollicitude de M. le ministre des affaires étrangères.
Un autre point qui fait l'objet de la pétition, c'est la construction d'un port de refuge. Je pense également que l'examen de cette question mérite d'être apprécié attentivement par le gouvernement.
Je prendrai donc la liberté de recommander la demande des pétitionnaires à toute la sollicitude de M. le ministre des travaux publics.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
L'article unique de ce projet est ainsi conçu :
« Le délai fixé par l'article 7 de la loi du 26 mai 1848 (Moniteur du 31 mai), pour la présentation d'un projet de loi définitif sur le système des warrants, est prorogé d'une année. »
Il est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 63 membres présents.
Ce sont : MM. Dechamps, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Perceval, de Pitteurs, Destriveaux, deTheux.de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, d'Hont, Faignart, Frère-Orban, Dumon (A.), Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Le Hon , Lesoinne, Liefmans, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rousselle, Schumacher, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Dequesne, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII. Allard, Boulez Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Henri) et Verhaegen.
M. le Hon. - Messieurs, vous avez renvoyé à une commission spéciale l'examen du projet de loi présenté par M. le ministre des affaires étrangères et relatif à l'établissement de droits de chancellerie. La commission, nommée hier, s'est réunie ce matin et m'a chargé de vous faire un rapport sommaire du résultat de son travail; je dépose ce rapport sur le bureau.
Les conclusions sont l'adoption du projet de loi, sauf quelques observations d'un des membres de la commission.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et le met à l'ordre du jour de demain.
L'article unique de ce projet est ainsi conçu :
« Les limites séparatives entre les communes de Gerdingen, de Brée et de Reppel, province de Limbourg, sont fixées conformément aux lisérés rouges tracés sur le plan annexé à la présente loi et désignés par les lettres L M. et N O P. »
Il est mis aux voix par appel nominal et adopté à l'unanimité des 67 membres présents.
Ce sont : MM. Dechamps, de Haerne, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Perceval, de Pitteurs, Destriveaux, de Theux, de T’Serclaes, d'Hoffschmidt, d’Hont, Faignart, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rogier, Rousselle, Schumacher, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Dequesne, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Boulez, Bruneau, Cans, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Henri) et Verhaegen.
Rapport fait, au nom de la commission permanente de l’industrie, par M. David, sur la pétition de pétitions de plusieurs industriels concernant l’abolition des droits d’entrée sur les potasses, védasses, sels et cristaux de soude, natron d’Egypte et tout autre sel alcalin pouvant servir à la blanchisserie des laines
La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances et des affaires étrangères avec demande d'explications.
M. Dechamps. - Messieurs, j'ai demandé la parole, pour faire une interpellation à M. le ministre des affaires étrangères, relativement à une mesure de douane qui a été prise, il y a quelques mois, par la France et qui est de nature à compromettre le sort d'une de nos grandes industries, je veux parler de la fabrication des glaces.
Voici les faits.
Il y avait en France, depuis 1817, une loi qui refait le tarif des douanes relativement aux glaces. Ce tarif était en moyenne de 30 p. c.
Lors de la négociation du traité du 13 décembre 1845, la Belgique fit des instances auprès du gouvernement français, afin de modifier ces droits exagérés que la Belgique considérait comme préjudiciables à ses intérêts. Le gouvernement français prit l'engagement d'apporter des modifications favorables, lorsqu'il présenterait aux chambres françaises des changements au tarif des douanes. Cette loi fut présentée par le gouvernement français le 31 mars 1847; dans ce projet le tarif des glaces subit certaines modifications. Dans son exposé des motifs, le gouvernement français prétendait qu'il ne s'agissait plus que d'une protection de 15 à 18 p. c; mais le gouvernement belge lui a démontré qu'il était tombé dans une erreur de fait et que le nouveau projet conservait à peu près la protection telle qu’elle existait auparavant.
La commission de la chambre des députés aggrava encore le projet, de manière à porter le droit jusqu'à une prohibition de fait. La révolution de février survint, et l'assemblée nationale, dans sa séance du 15 décembre 1848, adopta le projet de la commission de la chambre des députés, en élevant le droit de 40 à 50 p. c. au moins à la valeur. Le tarif belge, à l'entrée des glaces étrangères, n'est que 6 à 8 p. c. à la valeur.
Il est impossible que nous restions dans cette position. Nous ne pouvons pas faire du libre-échange à des conditions pareilles. La fabrique de Saint-Gobain, après s'être ainsi assurée du marché français par la prohibition, tâche d'écraser notre belle fabrication d'Oignies par une concurrence faite à l'aide de sacrifices momentanés.
Le gouvernement belge a adressé des réclamations au gouvernement français ; il faut qu'il les renouvelle et qu'il insiste sur l'injustice d'une telle mesure. Le gouvernement a réussi en insistant à l'égard des primes accordées par la France à l'exportation des tissus de laine; il s'agit d'un fait analogue, tout aussi injuste, tout aussi préjudiciable que le premier.
J'engage M. le ministre des affaires étrangères à insister aussi pour l'accomplissement d'engagements pris par le gouvernement précédent. Mon but, en prenant la parole, est de lui donner l'appui de réclamations produites à la tribune parlementaire. En tout cas, si nos réclamations ne sont pas écoutées, usons de réciprocité et établissons le tarif que la France a adopté, sauf à l'abaisser de concert.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, ainsi que vient de le dire l'honorable préopinant, l'assemblée nationale de France a adopté en décembre dernier un tarif qui aggrave les droits d'entrée sur les glaces étrangères. Cette disposition, prise non sur l'initiative du gouvernement, mais de quelques membres, a été votée en une seule séance.
Le gouvernement belge a fait tout ce qu'il lui a été possible de faire pour empêcher un semblable résultat. Mais il est à remarquer que déjà même sous l'ancien régime, il était à peu près certain que les dispositions proposées par la commission de la chambre des députés seraient adoptées par la législature. Ce sont les propositions de cette commission qui ont été converties en loi par l'assemblée nationale; ainsi nous devions nous attendre à ce résultat sous l'ancien gouvernement comme sous le gouvernement actuel.
C'est une raison pour que les réclamations que nous avons faites en 1845 et en 1847, nous soyons encore plus en droit de les faire en 1849. Ces réclamations ont été adressées au gouvernement français; jusqu'à présent elles n'ont pas atteint le résultat que nous désirions. L'intention du gouvernement est de les renouveler.
Cependant je dois faire remarquer à l'honorable M. Dechamps qu'il y a une différence entre la disposition prise par la France en juin 1848 à l'égard des fils et tissus de laine et celle qui concerne les glaces. Nous avons toujours considéré la première comme une violation du traité du 13 décembre 1845. Il n'en est pas de même des glaces qui n’ont pas trouvé place dans ce traité ; l'assemblée nationale était donc en droit d'augmenter le tarif; mais nous sommes à notre tour en droit de considérer cet acte comme contraire à une juste réciprocité et aux promesses faites sous l'ancien gouvernement.
Cette mesure offre du reste un nouvel exemple de l'exagération du système protecteur en France. C'est en faveur de deux établissements et d'une seule société que l'assemblée nationale française a adopté, en ce qui concerne les glaces, un tarif prohibitif. Il en résulte qu'en France on paye les glaces beaucoup plus cher que dans les pays voisins. J'espère que le gouvernement français ne tardera pas à se départir de la rigueur d'un semblable système.si opposé au libéralisme de ses institutions, qu’il reconnaîtra que ses propres intérêts sont lésés par un semblable système, et qu'il adoptera enfin un régime plus libéral.
M. Dechamps. - Je remercie M. le ministre des affaires étrangères des explications qu'il vient de donner à la chambre. J'ajouterai un mot. M. le ministre vient de dire qu'il y avait une différence entre la réclamation actuelle et celle relative à la surtaxe des fils de laine qui était une infraction formelle au traité du 13 décembre, tandis que dans le cas dont j'ai parlé, l'assemblée était en droit de prendre la mesure qu'elle a prise. Cela est vrai strictement parlant, mais il y avait engagement, lors de la négociation du traité de faire droit à mes réclamations dans le projet de lot qui devait être présenté.
Il y a eu un engagement de la part du précédent gouvernement de la (page 1780) France, le gouvernement actuel doit se considérer comme héritier des engagements pris par le gouvernement auquel il a succédé.
M. Rodenbach. - Messieurs, pour la préparation des fils à faire de la toile, nos fabricants ont besoin de sols et cristaux de soude ; ces sels sont frappés d'un droit de 15 à 20 p. c. ; dans le rapport qui vous a été fait sur la pétition d'un grand nombre de fabricants de Roulers et de Courtray, la commission d'industrie demande avec raison qu'on diminue les droits sur ces matières premières nécessaires à l'industrie des Flandres ; je ne vais pas jusqu'à demander la suppression de tout droit d'entrée sur les gris de soude, de potasse et autres alcalins employés dans la fabrication de la toile; mais vous devez convenir que le droit qui existe actuellement sur ces objets est exorbitant.
Il est à ma connaissance qu'il n'y a que trois ou quatre établissements où on fabrique ces sels et cristaux; ils ne peuvent pas en fabriquer assez pour la consommation; une industrie dans une telle situation devrait bien se contenter de 5, 6, 7 et 8 p. c. Je ferai observer d'ailleurs que ces sels, qui servent à préparer les fils de lin, ne payent pas dans les autres pays un droit aussi considérable qu'en Belgique.
M. Osy. - Tout en appuyant les conclusions de la commission d'industrie, que j'approuve d'avoir renoncé à présenter des projets de loi qui n’avaient pas chance de succès, je demanderai au gouvernement de réunir les différentes observations que cette commission lui a adressées et d'en faire pour la session prochaine l'objet d'un projet de loi.
Puisque j’ai la parole, j'en profiterai pour adresser une interpellation au gouvernement.
Je sais que des industriels des Flandres réclament depuis assez longtemps que le gouvernement nomme à Lille un consul non rétribué. Nous avons dans le département du Nord 25 mille Belges qui doivent s'adresser à Paris quand ils ont la moindre réclamation à faire adresser au gouvernement français. Pour l'introduction des toiles et des fils, nous avons des contestations fréquentes à la frontière; il serait plus agréable pour les négociants belges de pouvoir réclamer près du consul que de devoir s'adresser à la légation à Paris.
Je demanderai au gouvernement de vouloir faire examiner la question de savoir s'il ne serait pas convenable de nommer à Lille un consul non rétribué.
On me dira peut-être qu'on ne nomme des consuls que dans les ports de mer; je répondrai qu'on en a nommé un à Francfort où il se fait moins d'affaires qu'à Lille et qui n'est même pas sur les bords du Rhin.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Le gouvernements été successivement saisi de plusieurs demandes tendant à la nomination d'un consul à Lille; ces demandes ont été autrefois l'objet d'un examen. Il y a quelques années, lorsque cette question à été soulevée pour la première fois, plusieurs chambres de commerce ont été consultées sur l'utilité de l'établissement d'un pareil consulat; elles se sont prononcées contre. Je dois, avant de prendre une décision, examiner de nouveau la question, et voir si les motifs d'opposition des chambres de commerce sont fondés. J'examinerai la question comme le désire l'honorable préopinant.
M. Sinave. - Vous pourriez de nouveau soumettre la question aux chambres de commerce.
M. Coomans. - J'appuie bien volontiers la demande de l'honorable M. Osy tendant à créer un consulat belge à Lille ; cette mesure est fort désirable. J'ai pleine confiance dans la sollicitude de M. le ministre des affaires étrangères pour les intérêts de nos nationaux sur le sol étranger, et je crois fermement que le résultat répondra à l'attente générale.
Messieurs, quand j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau de la chambre la pétition sur laquelle un rapport vous est présenté par la commission permanente d'industrie, je m'attendais à la voir accueillir avec empressement par cette commission, dont les doctrines sont très- libérales, c'est-à-dire favorables à la liberté du commerce.
Je suis quelque peu surpris, moi protectionniste, d'avoir à me plaindre cette fois de la trop grande réserve que la commission permanente d'industrie a apportée dans ses conclusions. Ainsi que l'a dit l'honorable M. Rodenbach, des milliers d'industriels sont intéressés à la libre entrée des sels et cristaux de soude, de la potasse, etc. La commission veut bien permettre l'entrée de la potasse, mais pour ce qui regarde les sels de cristaux de soude, elle pense qu'il faut avoir égard aux intérêts engagés dans la fabrication belge.
Au lieu de demander qu'on abolisse entièrement les droits, elle les maintient en partie, au détriment d'une classe nombreuse de travailleurs.
Messieurs, j'entends protéger le travail national au moyen de la douane; mais j'entends aussi que la majorité des travailleurs en profite. Chaque fois que la douane profitera à quelques-uns au détriment d'un nombre considérable de travailleurs, je m'élèverai contre elle.
Il faut protéger le travail national et non deux ou trois industriels ; je m'oppose au maintien des droits sur le sel de soude, parce que ces objets ne sont fabriqués que dans trois établissements. Ainsi qu'on l'a dit avec raison, ces établissements ne peuvent pas satisfaire aux demandes qui leur sont faites. Je pense que la commission pourrait modifier ses conclusions en ce sens qu'elle étendrait à tous les objets dont il s'agit la recommandation qui porte seulement sur quelques-uns.
M. Loos. - En l'absence du président et du rapporteur, je crois devoir présenter quelques observations.
La chambre se rappellera qu'en différentes circonstances la commission a proposé d'autres conclusions ; c'est-à-dire qu'au lieu de professer le renvoi d'une pétition a l'un ou à l'autre ministre, elle formulait le projet de loi. Peut-être, a-t-on objecté, vaudrait-il mieux consulter le gouvernement. Il vaudrait mieux renvoyer la pétition au gouvernement, qui consulterait les chambres de commerce et présenterait aux chambres un projet de loi, après s'être entouré de tous les renseignements nécessaires.
La commission s'est rendue à ces objections. Du reste, elle a suffisamment fait connaître que ses sympathies étaient pour l'adoption d'un autre tarif.
Il est vrai qu'il y a des établissements créés sous l'empire d'une protection, et qui désirent qu'elle continue.
D'un autre côté la commission pense que, dans l'intérêt de tous, il y a avantage à réduire les droits. Elle fait connaître cette opinion ; elle demande que les départements des affaires étrangères et des finances, après s'être entourés des renseignements nécessaires, formulent un projet de loi.
C'est donc par suite des objections qu'on a élevées contre ses propositions de lois que la commission s'est bornée à demander le renvoi à M. Je ministre des affaires étrangères.
M. Coomans. - Je n'ai pas reproché à la commission d'industrie de s'être bornée à proposer le renvoi de la pétition au gouvernement. Ce n'est pas en cela que j'ai vu une espèce de contradiction. J'ai seulement voulu faire remarquer à la chambre que je ne conçois pas pourquoi la commission d'industrie a deux poids et deux mesures dans l'appréciation de faits qui me paraissent identiques.
M. Loos. - Je ne conçois pas en quoi la commission a deux poids et deux mesures. Elle s'est montrée conséquente avec toutes ses propositions antérieures. Elle trouve très utile d'affranchir une très grande industrie (l'industrie des toiles) d'un tribut qu'elle paye à une industrie indigène. Elle pense qu'entre deux industries il faut opter pour la moins importante. C'est par ce motif qu'elle pense qu'il convient de réduire le droit sur le sel de soude, qui est employé pour le blanchiment des toiles. .
Je ne comprends pas en quoi il y a là deux poids et deux mesures.
M. Coomans. - La potasse est mieux traitée que le sel de soude. C'est évident. La commission propose la libre entrée de la potasse et elle propose simplement une réduction de droits sur le sel de soude.
M. Loos. - Cette différence est fondée sur ce que le sel de soude se fabrique dans le pays et sur ce que la potasse ne se fabrique pas dans le pays. C'est pour cela que nous en proposons la libre entrée.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le Roi pourra lever les prohibitions de sortie, réduire et même supprimer les droits d'exportation établis par le tarif des douanes.
« Les arrêtés royaux, pris en vertu de ce pouvoir, seront communiqués aux chambres avant la fin de la session, si elles sont réunies, et sinon, dans la session suivante. »
M. Mercier. - S'il ne s'agit, en vertu de ce projet de loi, que de faire cesser quelques anomalies qui existent quant aux droits de sortie, je n'ai pas d'objection à faire contre son adoption. Mais les pouvoirs que demande le gouvernement sont illimités.
On sait qu'il y a dans le pays de grandes industries qui sont intéressées au maintien de certains droits, de certaines prohibitions. Je citerai la papeterie. Les drilles et les chiffons sont prohibés à la sortie. Certainement, si le gouvernement, usant des pouvoirs qui lui seraient accordés, faisait cesser cette prohibition, il causerait une très grande perturbation dans cette industrie.
C'est ce qu'on ne peut admettre.
Il en est de même pour la tannerie, par rapport aux écorces.
Enfin les engrais sont aussi prohibés à la sortie ; la levée de cette prohibition, du moins en ce qui concerne tes engrais formés dans le pays, serait très nuisible à l'agriculture.
A ce point de vue, la loi maintenant soumise à nos délibérations a donc une très grande importance.
Je voudrais que le gouvernement donnât quelques explications sur ses intentions à cet égard.
D'un autre côté, je vois d'après le paragraphe 2, que les arrêtés royaux qui seront portés en vertu de cette loi seront communiqués à la chambre. Je voudrais savoir ce que l'on entend par ce mot « communiqués » ; est-ce à dire qu'ils seront communiqués pour simple notification? Ou bien entend-on comme on l’a toujours fait pour toute mesure importante que ces arrêtés soient soumis à la situation des chambres ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ils ne seront pas soumis à la ratification de la chambre.
M. Mercier. - C'est une innovation fâcheuse.
En général les arrêtes de cette nature sont soumis à l'approbation des chambres. Il n'y a eu d'exceptions à ce principe que pour des dispositions peu importantes en elles-mêmes.
Il y en a eu une pour le transit. Mais il n'y a ici aucune analogie ; le projet de loi soumis en ce moment à la chambre a bien une autre portée; d'ailleurs l'argument tiré des précédents pourrait nous conduise très loin en semblable matière.
(page 1781) Je ne puis croire que la chambre consente à se dessaisir du droit de convertir les arrêtés en lois ou de ne pas les approuver.
Je répète que des intérêts d'une haute gravité sont engagés dans le projet de loi qui est soumis à nos délibérations.
J'ai cité quelques industries considérables; il en est d'autres encore qui pourraient recevoir un coup funeste par l'usage des pouvoirs qui sont réclamés. Il importe donc que la chambre exige des garanties.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La chambre a accordé plusieurs fois au gouvernement des pouvoirs analogues à eux qui sont sollicités par le projet de loi qui vous est soumis.
C’est ainsi qu'en 1846 une loi a autorisé le gouvernement à modifier le tarif des douanes, à établir des assimilations.
Il a été également stipulé que les arrêtés seraient simplement communiqués à la chambre. L'honorable membre me dit que cela n'avait pas la même importance que le projet en délibération. Je pourrais démontrer que cela avait une très grande importance, mais je ne conteste pas. Le principe est le même.
L'honorable membre me concédera d'ailleurs que lorsqu'on a autorisé le gouvernement à modifier d'une manière absolue le régime du transit, c'était un objet qui avait une très grande importance. Or, le gouvernement a été aussi autorisé à modifier par simples arrêté royaux le régime du transit. Le gouvernement a usé de ces pouvoirs dans l'intérêt du pays, avec prudence, avec modération.
Il en est résulté, messieurs, que l'on a pu faire ce qui sans cela n'aurait pas été sans doute possible. On a pu arriver à proposer ce qui a eu lieu dans le cours de cette session, un régime définitif de transit qui satisfait, je pense, à tous les intérêts. Le projet a été adopté par la chambre à l’unanimité.
Ce même projet de loi sur le transit contient encore quelques prohibitions, consacre encore certains droits ; mais par l'article 34 de ce projet, le gouvernement est aussi autorisé à lever les prohibitions, à faire disparaître les droits, et également, comme dans le projet qui vous est soumis, à communiquer simplement aux chambres les arrêtés pris en vertu de cette loi.
C’est en usant de ces pouvoirs que l'un de mes honorables prédécesseurs avait modifié, par exemple, le droit relatif au transit du bétail. Communication de l'arrête fut donnée à la chambre en 1844 ou 1845 et cette communication a été efficace. L'opinion de la chambre était contraire à celle du gouvernement. Une proposition formelle a été faite et on a rapporté la disposition qui avait été prise par arrêté royal. Ainsi vous voyez qu'une simple communication suffit, qu'elle est parfaitement efficace. Chaque membre, à la vue de l'arrêté royal, peut user de son initiative, et proposer un projet de loi. Une loi intervient qui règle définitivement ce qui avait été réglé par arrêté royal.
Voici l'avantage qu'on rencontre dans la simple communication des arrêtés royaux. Pour sanctionner par une loi les mesures qui ont été prises par arrêté, même lorsque ces mesures sont parfaitement bonnes, sont parfaitement utiles, ne soulèvent aucune réclamation, il faut cependant faire intervenir les chambres; il arrive presque toujours que les chambres n'ont pas le temps de s'occuper de ces projets et on proroge successivement les pouvoirs accordés au gouvernement. On perd du temps à faire ces lois.
Le mode qui est proposé me paraît donc celui qui doit être préféré.
Sur le fond même de la loi, j'ai peu de chose à dire. Nous demandons l'autorisation de lever les prohibitions à la sortie, de modifier certains droits de sortie. Mais le gouvernement usera des pouvoirs qu'il demande dans l’intérêt du pays. Il a déclaré vingt fois déjà, et notamment lorsque le cabinet s'est constitué, qu'il n'entendait pas apporter de perturbation dans noire régime douanier.
Mais partout où il y a des entraves, des prohibitions qui ne profilent à personne, qui sont nuisibles, qui sont des obstacles au commerce, partout où se rencontrent des anomalies comme il y en a tant dans cette matière des droits de sortie, le gouvernement prendra par arrêtés royaux des mesures qui, si elles étaient soumises à la chambre, donneraient lieu peut-être à de fort longs débats sans aucune espère d'utilité.
Ce qui s'est passé relativement à des projets de loi analogues doit inspirer toute sécurité à la chambre. Elle peut être convaincue que le gouvernement n'abusera pas des pouvoirs qui lui seront confiés.
M. Cools. - Je ne voudrais pas prolonger la discussion ; je dois cependant faire remarquer que ce projet de loi renferme tout un principe. Convient-il, en règle générale, d'accorder au gouvernement la faculté de faire disparaître par simple arrêté las barrières qui s'opposent à la sortie de quelques-uns de nos produits ? C'est une question assez grave qui demanderait à être mûrement examinée; et, dans le moment actuel, la chambre ne me paraît pas disposée à aborder cet examen.
Je suis, quant à moi, favorable au système qui tend à laisser au gouvernement une grande latitude pour abaisser successivement les barrières qui s’opposent à la sortie de nos produits. J'ai souvent regretté que nous n'eussions pas dans notre pays un système analogue à celui gui existe en France et qui permet au gouvernement de prendre des ordonnances royales dans l'intervalle des sessions, sauf communication ultérieure aux chambres et ratification.
Faut-il aller plus loin? Faut-il accorder au gouvernement la faculté de prendre par simple arrêté des dispositions qui ne soient soumises à aucun appel aux chambres. C'est un système que je ne veux pas condamner définitivement, mais sur lequel je ne veux pas non plus me prononcer en ce moment. Le gouvernement n'étant pas disposé à admettre la demande de l'honorable M. Mercier, tendant à soumettre les arrêtés royaux qu'il pourra prendre à la ratification des chambres, je devrai m'abstenir sur projet.
M. le ministre indique quelques inconvénients qui peuvent résulter de l'obligation de soumettre ces sortes d'arrêtés à la sanction des chambres. Ordinairement et sans fait, cette ratification est sans but, je le reconnais; cependant elle présente une certaine garantie pour le pays. Le gouvernement use moins facilement de son initiative il engage plus fortement sa responsabilité, lorsqu'il sait que les arrêtés qu'il prendra seront soumis à une discussion et à un examen approfondi des chambres. C'est là une garantie qui doit avoir pour effet de rendre le gouvernement plus circonspect, et cette garantie, je ne suis pas disposé à y renoncer trop légèrement.
M. Mercier. - Messieurs, je ne veux pas entraver l'action du gouvernement, mais d'un autre côté je ne crois pas que les chambres doivent à chaque instant se dessaisir de leurs pouvoirs. L'objet est assez important, pour que la chambre se réserve la faculté de ratifier les mesures qui seront prises.
J'adopte le premier paragraphe du projet qui contient la disposition principale; mais je propose de modifier le second paragraphe comme suit : « Les mesures prises en vertu de pouvoir seront soumises à la ratification des chambres avant la fin de la session, si elles sont réunies, et sinon, dans la session suivante. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il y a huit jours, la chambre a été saisie de la même question et dans la loi de transit qu'elle vient de voter, elle a adopté la proposition qui est encore reproduire dans le projet qui vous est soumis, textuellement, dans les mêmes termes. Et voyez dans quelles circonstances la chambre a pris cette résolution; c'est au moment où l'on discutait le droit de transit sur le bétail, droit qui avait soulevé une discussion très vive dans la chambre, qui avait été admis contre l'opinion du gouvernement. Or, dans ce même projet on a néanmoins autorisé le gouvernement à modifier par simples arrêtés royaux cette disposition, sauf à communiquer les arrêtés aux chambres.
J'ai exprimé tout à l'heure le motif pour lequel il y a lieu de préférer ce mode de simple communication.
L'honorable M. Mercier et, avant lui, l'honorable M. Cools vous ont dit que l'objet était assez important pour que la chambre fût saisie des arrêtés royaux et qu'on dût les soumettre à leur ratification. Mais les arrêtés sont publiés au Moniteur; ils appellent l'attention de tous les membres de la chambre. Est-ce que chaque membre de la chambre ne peut pas user de son initiative, critiquer ces arrêtés royaux, en demander le retrait, soumettre une proposition de loi qui les fasse disparaître? Est-ce que les droits ne sont pas identiquement les mêmes? On dit que l'attention de la chambre doit être appelée; mais elle est appelée par la publication des arrêtés royaux et par la communication qui en est faite aux chambres.
Il y a avantage à laisser ce droit au gouvernement, voici pourquoi : Si le gouvernement reconnaît que la mesure qu'il a prise présente quelque inconvénient, si des plaintes fondées lui sont adressées, il peut modifier l'arrêté royal, revenir sur la disposition qu'il a prise. Si la mesure n'avait d'effet que jusqu'à la ratification des chambres, on soutiendrait, comme on l'a fait dans d'autres circonstances, que le gouvernement, en prenant la mesure, a épuisé son droit et que la mesure ne peut plus être modifiée sans le concours des chambres. C'est là un très grave inconvénient et, je le répète, la formule qu'on propose est sans intérêt, elle ne donne ni plus ni moins de droit à la chambre ; le droit des chambres est toujours le même, seulement dans un cas elles ne statuent que si elles désapprouvent l'arrêté ; dans l'autre cas, elles sont appelées à statuer à une époque déterminée. Il arrivera, comme l'expérience l'a démontré, que la chambre ne prononcera pas, que comme elle l'a fait depuis 1836 jusqu'au 30 juin dernier, elle renouvellera successivement les pouvoirs qu'elle a donnés au gouvernement.
C'est donc sans aucune utilité qu'on exigerait la ratification; la communication donnée aux chambres appelant suffisamment leur attention, si un intérêt grave était lésé elles ne manqueraient pas de statuer.
M. Osy. - Messieurs, l'objet dont nous nous occupons aujourd'hui est peu important: il s'agit d'abaisser les droits de sortie sur quelques articles; mais nous ne devons pas abandonner les principes. En 1822 à la vérité nous avons commencé à laisser au gouvernement la faculté d'abaisser les droits sur les objets manufacturés, mais c'était à la condition que dans la première session des chambres il présenterait un protêt de loi pour sanctionner ce qu'il aurait fait. Il est vrai encore que dans la discussion de la loi relative au transit, M. le ministre des finances nous a proposé une disposition semblable à celle qui nous occupe en ce moment ; mais il l'a fait tout à la fin de la séance et il m'a été impossible d'obtenir la parole parce que, de même qu'aujourd'hui, on était pressé et qu'on ne voulait pas écouter. C'est ainsi que malheureusement le principe a été adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je vous demande pardon, vous êtes dans l'erreur.
M. Osy. - La section centrale avait proposé un amendement d'après lequel les mesures prises dans l'intervalle des sessions devaient être sanctionnées par une loi, c'est à la fin de la séance que l'honorable ministre des finances a proposé de dire que les mesures seraient simplement communiquées aux chambres. C'est là, messieurs, une chose que nous ne pouvons pas admettre et qui n'a jamais été admise, ni dans les états généraux depuis 1822, ni dans les chambres depuis 1830. Nous devons nous réserver le droit de sanctionner les mesures dont il s'agit et si, au moment où (page 1782) nous avons à nous prononcer, nous trouvons que l’expérience n’est pas faite, nous prorogerons la loi pour un an ou pour deux ans. Dans le cas où l’on n'exigerait qu'une simple communication, si la mesure prise par le gouvernement soulevait des réclamations fondées, nous devrions prendra l'initiative d'un projet de loi ayant pour objet d'annuler ce qui aurait été fait; or, vous savez, messieurs, qu'on a toujours beaucoup de peine à faire admettre une proposition, surtout en madère de douanes, lorsque l'initiative ne vient pas du gouvernement. Il vaut beaucoup mieux exiger l'approbation des chambres, et s'il arrive que les chambres n'aient pas le temps de s'occuper du projet dont elles sont saisies, l'arrêté royal continue à sortir ses effets; c'est ce qui est souvent arrivé. J'appuie la proposition de M. Mercier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant a commis une double erreur : la première de supposer que ce serait la première fois, à l'occasion de la loi du transit, d'une manière inopinée à la fin d'une séance, alors même qu'il a été empêché de parler, que le gouvernement aurait proposé d'exiger simplement la communication aux chambres des mesures prises en vertu des pouvoirs que nous sollicitons. Ce principe, messieurs, a été posé dans une loi de 1846 qui autorise à faire des modifications au tarif des douanes.
La seconde erreur de l'honorable membre, c'est que la section centrale n'a pas modifié la proposition du gouvernement dans la loi du transit. Le gouvernement avait demandé d'être autorisé, dans l'intervalle des sessions, à modifier ou à supprimer les droits de transit, et il avait ajouté que les mesures prises en vertu de cette disposition seraient soumises à l'approbation des chambres dans leur première réunion, mais qu'elles continueraient à être obligatoires jusqu'à ce que le pouvoir législatif eût statué. La section centrale avait purement et simplement adhéré à cette proposition, et c'est dans la discussion que j'ai proposé une autre rédaction. Pour le droit de la chambre c'était absolument la même chose. Mais lorsqu'on exigeait la ratification purement et simplement, l'arrêté cessait d'avoir force obligatoire à l'expiration du délai déterminé, ce qui, dans la pratique, avait présente des inconvénients.
Maintenant, messieurs, si l'on veut mettre, comme dans le projet de loi sur le transit, que les arrêtés continueront d'être obligatoires jusqu'à ce que le pouvoir législatif ait statué sur la proposition du gouvernement, je dis que c’est là une simple communication, et je ne vois pas de difficulté à ce que l'article soit modifié dans ce sens.
Il pourrait cependant encore se présenter un inconvénient que j'ai déjà signalé : il est arrivé que le gouvernement avait modifié le tarif par arrêté royal et l'on a soutenu qu'il ne pouvait plus retirer ni modifier la mesure qu'il avait prise, parce qu'il avait épuisé son droit, l'arrêté royal devant, aux termes de la loi, être soumis aux chambres. Ce serait là un très grand inconvénient. Mais s'il est bien entendu que le gouvernement, après avoir pris un arrêté royal, après avoir communique cet arrêté royal aux chambres, peut encore le modifier avant que les chambres aient statué, dans ce cas, je ne vois plus d'inconvénient à ce que l'on adopte la rédaction que j'avais proposée dans le projet de loi sur le transit et qui était ainsi conçue :
« Les arrêtés royaux seront soumis à l'approbation des chambres dans leur première réunion et continueront d'être obligatoires jusqu'à ce que le pouvoir législatif ail statué sur la proposition du gouvernement. »
C'est là une simple communication, c'est absolument la même chose que ce que nous avons proposé.
M. Mercier. - Je n'attache aucune importance à la forme mais bien au fond. La rédaction que M. le ministre des finances indique, remplit le but que je me suis proposé ; cette rédaction est empruntée au projet de loi sur le transit et est ainsi conçue :
« Les dispositions prises en en vertu du présent article sont soumises à l’approbation des chambres dans une première réunion, et continueront d'être obligatoires jusqu'à ce que pouvoir législatif ait statué sur les propositions du gouvernement »
Nous sommes donc d'accord.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il est bien entendu que les arrêtés royaux, soumis à la chambre, ne lieront pas le gouvernement, jusqu’à ce que la chambre ait statué définitivement sur ces arrêtés.
M. de Theux. - Messieurs, l'avantage que présente la nouvelle rédaction proposée par M. le ministre des finances est celui-ci : c'est que l'arrêté royal étant communiqué aux chambres avec un projet de loi, si l'une ou l'autre chambre rejette le projet, l'arrêté vient à tomber, tandis que, d'après la première proposition de M. le ministre des finances, il aurait fallu suivre la filière des trois branches du pouvoir législatif.
M. Mercier. - Je déclare que je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, que le gouvernement, après avoir pris des arrêtés, et les chambres ne les ayant pas adoptés ou rejetés, conserve le droit de modifier ces arrêtés , sauf à les soumettre de nouveau dans cet état à l'approbation des chambres. Le gouvernement, étant autorisé à modifier la loi elle-même, peut à plus forte raison apporter des changements à des arrêtés non encore convertis en loi.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'observation que vient de faire l'honorable M. de Theux ne me paraît nullement fondée. La position est la même dans les deux cas. Si les chambres ne statuent pas sur les arrêtés qui leur sont soumis, les arrêtés subsistent ; eh bien, dans la première proposition, nous demandions à être autorisés à communiquer les arrêtés loyaux aux chambres, ce qui avait aussi pour effet de laisser subsister ces arrêtés aussi longtemps qu'ils n'étaient pas modifiés par les chambres.
M. de Theux. - Je maintiens ce que j'ai eu l'honneur de dire, à savoir que si l'une des deux chambres rejetait le projet de loi accompagnant l'arrêté royal, l'ancien droit reprendrait sa vigueur, et l'arrêté royal viendrait à tomber. Mais je conviens qu'aussi longtemps que l'une ou l'autre chambre n'aura pas rejeté la proposition du gouvernement, l'arrêté royal continuerait ses effets.
M. Lebeau. - Messieurs, on est convenu tout à l'heure que, si le gouvernement, après avoir fait usage de sa prérogative, jugeait, d'après les réclamations des intéressés, qu'il doit, par exemple, rapporter une faculté de sortie, je dis qu'aux termes de la nouvelle rédaction, le gouvernement ne pourrait pas le faire. S'il avait un procès sur l'interprétation de la loi, telle qu'on veut la formuler, il le perdrait : cela me paraît évident. Si le gouvernement lève une prohibition et qu'il la rétablisse sur les réclamations des industriels intéressés à la prohibition, les intéressés en sens contraire diront qu'il n'avait pas le droit de rétablir la prohibition, et que l'arrêté royal était obligatoire jusqu'à décision de la législature.
M. Bruneau. - On pourrait, pour faire droit à cette objection, ajouter après les mots « sera obligatoire », ceux-ci « pourra être modifié ».
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'addition est inutile. C'est de droit.
M. le président. - La discussion sera là.
- Personne ne demandant plus la parole, on passe à l'appel nominal sur le projet de loi, tel que M. le ministre des finances a proposé de le modifier.
Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 66 membres qui ont répondu à l'appel nominal. Il sera transmis au sénat.
Le gouvernement se rallie à l'amendement proposé par la commission à l'article 2.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.
Art. 1er. Un crédit supplémentaire de quatorze mille cent francs (fr. 14,000) est ajouté au budget du département des travaux publics, pour l'exercice 1849, à l'effet de pourvoir aux dépenses du conseil des mines.
- Adopté.
« Art. 2. Par suite de ce crédit les dépenses du conseil des mines sont libellées de la manière suivante au budget de l'exercice 1849 :
« Chapitre V
« Art. 66. Personnel du conseil des mines : fr. 39,500.
« Art. 66a. Frais de déplacement : fr. 600.
« Art. 66b. Matériel : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Cette dépense sera couverte au moyen des ressources ordinaires de l'exercice 1849. »
- Adopté.
« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet. Il est adopté à l'unanimité des 56 membres qui ont répondu à l'appel nominal.
Il sera transmis au sénat.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Les tribunaux de commerce connaîtront de toutes les contestations relatives au transport des marchandises et objets de toute nature par les chemins de fer de l'Etat. »
- Adopté.
« Art. 2. Ces tribunaux jugeront ces contestations d'après les lois et usages en matière de commerce, et en se conformant aux règles et conditions prescrites par les lois et règlements particuliers concernant l'exploitation des chemins de fer. »
- Adopté.
« Art. 3. Les dispositions du Code de commerce, relatives aux livres que les commerçants ou les commissionnaires sont obligés de tenir, ne sont pas applicables aux transports de marchandises et valeurs effectués par le gouvernement.
« Les livres et écritures à tenir pour ces transports, leur nombre et leur forme, seront déterminés par des règlements particuliers. Ils auront la même valeur en justice que les livres et écritures des commerçants et commissionnaires. »
- Adopté.
(page 1783) « Art. 4. Par dérogation à l'article 416 du Code de procédure civile, le délai des ajournements, pour les procès entre l'Etat et les particuliers, sera réglé conformément aux articles 72 et 1033 du même code. »
- Adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet.
Il est adopté à l'unanimité des 61 membres qui ont répondu à l'appel.
Il sera transmis au sénat.
L'article unique du projet de loi est adopté sans discussion, à l'unanimité des 60 membres qui prennent part au vote. Il est ainsi conçu :
« Par dérogation à l'article 21 de la loi sur la comptabilité de l'Etat, le département des travaux publics est autorisé à contracter, de la main à la main, pour les fournitures de fers et d'objets de matériel de locomotion à effectuer au moyen de fonds alloués aux articles 56 et 58 du budget de ce département, pour l'exercice 1849. »
- La chambre ajourne à sa prochaine session la nomination à la place de conseiller vacante à la cour des comptes.
La séance est levée à 4 1/2 heures.
Séance suivante