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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 juin 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1669) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à midi et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. A. Vandenpeereboom présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Plusieurs gardes civiques de la commune de Molenbeek-Saint-Jean demandent que les célibataires et les veufs sans enfants, de 21 à 35 ans, soient seuls astreints au service actif en temps de paix. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Marienbourg réclament l'intervention de la chambre pour obtenir le maintien des fortifications de cette place et d'une garnison. »

M. de Baillet-Latour. - Je prie la chambre de vouloir bien renvoyer cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un rapport. L'objet de la pétition est urgent; chaque jour, en effet, on travaille à l'enlèvement du matériel de la place. La chambre pourrait donc entendre le rapport de la commission entre les deux votes de la loi sur l'enseignement supérieur.

- Adopté.


« Plusieurs élèves de l'université de Bruxelles demandent le maintien du jury central d'examen, présentent des observations sur le mode de nomination du jury et sur la disposition concernant les bourses d'étude, et prient la chambre d'établir un jury spécial pour chacun des examens de docteur en droit ; d'ajouter à l'épreuve orale du doctorat en médecine un examen pratique, de réduire les frais d'examen et d'introduire dans la loi des dispositions transitoires. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant l'enseignement supérieur.


Par dépêche en date du 21 juin, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 110 exemplaires du prospectus de l'école d'horticulture, instituée à Gand, par arrêté royal du 30 avril 1849.

- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.


M. Destriveaux, professeur émérite à l'université de Liège, membre de la chambre, fait hommage à l'assemblée du premier volume de son Traité de droit public. »

- Dépôt à la bibliothèque.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : M. Destriveaux

Vice-président : M. Thiéfry

Secrétaire : M. de Brouwer de Hogendorp

Rapporteur de pétitions : M. Faignart


Deuxième section

Président : M. Osy

Vice-président : M. Cumont

Secrétaire : M. de Perceval

Rapporteur de pétitions : M. Van Grootven


Troisième section

Président : M. Lange

Vice-président : M. Veydt

Secrétaire : M. Van Iseghem

Rapporteur de pétitions : M. Mascart


Quatrième section

Président : M. Lebeau

Vice-président : M. Dolez

Secrétaire : M. Bruneau

Rapporteur de pétitions : M. Christiaens


Cinquième section

Président : M. Lelièvre

Vice-président : M. Desoer

Secrétaire : M. Van Renynghe

Rapporteur de pétitions : M. Julliot


Sixième section

Président : M. Pirmez

Vice-président : M. Manilius

Secrétaire : M. Moreau

Rapporteur de pétitions : M. Jacques

Projet de loi qui modifie la loi du 27 septembre 1835, sur l'enseignement supérieur

Discussion générale

La parole est à M. Delfosse, rapporteur.

M. Delfosse, rapporteur. - Il faut attendre l'arrivée de M. le ministre de l'intérieur.

M. de Perceval. - On pourrait, en attendant, faire lecture à l'assemblée de la pétition qui lui a été adressée par les élèves de l'université de Bruxelles.

- Adopté.

M. T'Kint de Naeyer, secrétaire, donné lecture de cette pièce, qui est ainsi conçue :

« A MM. les président et membres de la chambre des représentants.

« Messieurs,

« Les soussignés, élèves de l'université de Bruxelles , viennent respectueusement vous supplier de maintenir le jury central d'examen.

« Directement intéressés dans la question, ils espèrent ne pas faire un vain appel à votre tutélaire impartialité.

« Ils vous prient donc de refuser votre approbation à une combinaison également opposée aux véritables intérêts des étudiants, au progrès réel des études, au prestige dont se sont vus jusqu'ici entourer les grades académiques et à la liberté de l'enseignement.

« Aux véritables intérêts des étudiants, parce que, tout en se préoccupant fort des inconvénients insignifiants que peut présenter la nécessité d'un déplacement pour la plupart d'entre eux, elle fait bon marché ensuite d'intérêts bien plus précieux en abandonnant, en quelque sorte, à l'arbitraire du président des jurys, en même temps qu'à l'éventualité de l'intrigue, les résultats de l'examen.

« Au progrès réel des études, parce qu'en donnant aux professeurs la certitude d'interroger eux-mêmes leurs élèves, elle tue l'émulation qu'entretenait sans cesse entre eux l'ordre de choses actuel.

« Au prestige dont se sont vus jusqu'ici entourer les grades académiques, parce qu'à une institution vraiment nationale, vraiment progressive, à une institution qui, offrant à tous les mêmes garanties, assure tellement l'impartialité des décisions prises sous son empire, que toutes sont constamment restées à l'abri de la critique, elle substitue un système aussi dissolvant que rétrograde, un système qui, ne faisant plus la même position à tous, rendrait possible, pour ainsi parler, l'inauguration du règne de l'intrigue en matière d'examens.

« A la liberté de l'enseignement, parce que le législateur constituant, en inscrivant dans le pacte fondamental (article 17, paragraphe premier) cette liberté féconde, n'a pu vouloir seulement qu'il fût permis à tous d'enseigner, mais qu'il a dû vouloir encore que tous pussent attendre les mêmes résultats de leur enseignement; parce qu'il serait absurde de placer sur la même ligne, quant à la liberté d'ouvrir des cours, les établissements libres et les établissements de l'Etat, si l'on ne faisait aux uns et aux autres une position égale quant aux examens qui constituent le but de ces cours. Tirer une pareille conséquence du paragraphe 2 de l'article 17, c'est mettre le congrès national en contradiction avec lui-même (paragraphe premier).

« La rédaction proposée d'ailleurs par le gouvernement (article 40), messieurs, en le laissant seul juge du mode d'organiser les jurys, en lui laissant la faculté d'embrasser un système plus regrettable encore même que celui qu'esquisse l'exposé des motifs, devrait suffire pour vous faire repousser une disposition qui n'est rien autre, en définitive, que l'abdication de votre prérogative, qui vous laisse désarmés, et désarmés par vos propres mains contre toute mesure, quelle qu'elle fût, qu'adopterait le gouvernement. Cet inconvénient immense, l'amendement proposé par la section centrale ne le fait nullement disparaître.

« La loi qu'on vous propose, messieurs, ne serait d'ailleurs que transitoire. Ce serait une nouvelle expérimentation. Mais si l'on veut expérimenter, pourquoi ne pas suivre une marche vraiment logique, vraiment rationnelle? Pourquoi abandonner l'institution du jury central, cette institution que nous envient justement les peuples auxquels l'interdit l'étendue de leur territoire, cette institution dont la plupart d'entre vous regardent à bon droit la consécration législative comme l'un de leurs titres plus légitimes à la reconnaissance publique, pourquoi abandonner l'institution du jury central avant d'avoir épuisé la série des essais qu'elle comporte? Pourquoi, parce que le mode actuel de nomination des membres des jurys, mode bien préférable pourtant à celui qu'on vous propose, peut paraître défectueux, condamner sans appel, sans merci, l'institution elle-même?

« Le système qu'on vous propose n'est pas, d'ailleurs, messieurs, sans avoir été expérimenté déjà : ce n'est, en vérité, qu'un retour à l'ordre de choses dont a fait justice la confection même de la loi de 1835.

« Les soussignés seraient donc heureux, messieurs, de vous voir prendre sous votre haute protection ce jury central qui n’eût jamais dû avoir besoin de protection en Belgique. Et, si l'on veut abandonner le mode de nomination actuel, ils seraient heureux encore de voir traduire en loi le système si brillamment développé par l'un de leurs professeurs, M. Adolphe Roussel.

« Ils ne peuvent s'empêcher de vous signaler, messieurs, toute l'injustice de l'article 35, relatif aux bourses d'étude. Adopter cette disposition, ce serait enlever aux Bourses le caractère national que leur a donné le législateur de 1835 ; ce serait fermer la carrière universitaire aux jeune gens qui, demeurant dans les villes où existent des établissements libres, pourraient très bien, à l'aide d'une bourse, en suivre les cours, en (page 1670) restant dans leurs familles; mais devraient renoncer aux études universitaires s'il leur fallait, pour obtenir la bourse qui leur en ouvrirait l'accès, se séparer pendant plusieurs années de leurs parents pour aller étudier dans les universités de l'Etat, et subvenir ainsi à des charges que la collation d'une bourse ne pourrait plus compenser.

« Tout en regrettant, messieurs, de devoir protester contre des mesures, dues à l'initiative du gouvernement et revêtues de l'approbation de la section centrale, les soussignés sont heureux de pouvoir se rallier à la distribution nouvelle des matières des examens, distribution qui semble mieux s'harmoniser avec les besoins actuels de l'instruction publique, et que, ils l'espèrent, vous daignerez adopter.

« Ils vous feront toutefois remarquer que le complément nécessaire de la réorganisation proposée par le gouvernement serait un programme, qui, analogue à celui qui est en usage en France, indiquerait les questions à poser aux récipiendaires pour les branches les plus importantes, comme pour les Pandectes et le droit civil approfondi.

« Vous leur permettiez aussi, messieurs, de vous prier de suppléer au silence du projet en établissant un jury spécial pour chacun des examens de docteur en droit. Cette innovation n'entraînerait pas des dépenses plus considérables qu'un seul jury procédant successivement au premier et au second examens.

« Ils vous supplieront encore, messieurs, d'ajouter à l'épreuve orale du doctorat en médecine un examen pratique, examen admis déjà pour les doctorats en chirurgie et en accouchements, et propre à exercer sur la confiance publique une salutaire influence.

« Ils émettront d'un autre côté le vœu d'une équitable réduction des frais d'examen, excessivement élevés aujourd'hui pour certains grades.

« Ils voudraient enfin voir des mesures transitoires arracher pendant deux ans au préjudice que pourrait leur causer la mise en vigueur immédiate de la loi nouvelle, les étudiants qui se seraient préparés à leurs examens, à ceux du doctorat en droit surtout, dans la prévision du maintien des dispositions actuelles.

« Confiants dans votre impartiale sollicitude, ils vous prient, messieurs, de daigner agréer l'hommage de leur profond respect.

Bruxelles, 22 juin 1849.

« (Suivent les signatures.)

M. le président. - Nous reprenons la discussion générale. La parole est à M. le rapporteur.

M. Delfosse, rapporteur. - Messieurs, le sentiment qui a porté, hier, plusieurs de nos collègues à renoncer à la parole, me fait une loi d'être court.

J'aborde donc, sans préambule et sans précautions oratoires, les trois points sur lesquels la discussion générale a principalement porté : le jury d'examen, les bourses d'études et te maintien des deux universités de l'Etat.

Plusieurs orateurs que nous avons entendus ont cru que la section centrale avait fait dériver le droit de nommer le jury d'examen du droit qui est en général attribué au gouvernement de conférer les fonctions publiques ; les honorables MM. Dechamps et de Theux, entre autres, ont attribué cette opinion au rapporteur de la section centrale. C'est une erreur que j'ai déjà eu occasion de signaler.

La section centrale, répondant à l'objection que la partialité du gouvernement dans la composition du jury d'examen serait une atteinte indirecte à la liberté de l'enseignement, parce qu'elle forcerait en quelque sorte les élèves à préférer les universités de l'Etat aux universités libres; la section centrale, répondant à cette objection, a dit que la partialité du gouvernement dans la collation des emplois pourrait produire le même effet, et que, comme l'on ne présumait pas la partialité du gouvernement en matière de collation d'emplois, on ne devait pas non plus la présumer en ce qui concerne la composition du jury d'examen.

De ce que la section centrale à fait cette comparaison, s'en suit-il qu'elle ait voulu établir entre les deux prérogatives une corrélation intime et nécessaire ? Elle l'a si peu voulu qu'elle vous propose de ne donner au gouvernement le droit de nommer le jury d'examen que pour 3 années, ce qui suppose qu'à l'expiration du terme ou pourrait retirer ce droit au gouvernement s'il en avait fait un mauvais usage ; si la section centrale attribue au gouvernement la nomination du jury d'examen, ce n'est pas qu'elle voie là un droit inhérent par la nature même des choses au pouvoir exécutif, c'est qu'elle croit que le gouvernement est plus apte que tout autre à composer un jury capable et impartial.

Il est évident qu'on pourrait soustraire le jury d'examen à l'action du gouvernement comme on y a soustrait le jury criminel et la magistrature inamovible. Mais y a-t-il des raisons pour le faire? Nous ne le pensons pas.

Le gouvernement pourrait avoir un puissant intérêt à peser sur des décisions dont dépendent souvent la fortune et l'honneur des familles. Voilà pourquoi on a soustrait la magistrature inamovible et le jury criminel à son action et à sou influence. Mais le gouvernement n'a pas, il ne peut pas avoir un sérieux intérêt à favoriser les universités de l’Etat par des moyens qui ne seraient pas avouables.

Le premier devoir du gouvernement est de respecter la Constitution, et de ne porter en conséquence aucune atteinte ni directe ni indirecte à la liberté d'enseignement. Peut-on raisonnablement supposer que le gouvernement ira manquer à ce devoir et s'exposer, en y manquant, aux attaques méritées de la presse et des chambres par une folle tendresse pour les universités de l'Etat?

La composition partiale des jurys d'examen ne procurerait à un ministre aucun de ces avantages qui poussent quelquefois et même trop souvent à l'oubli des devoirs, et elle lui ferait encourir une grave responsabilité.

Dans ces conditions, la responsabilité ministérielle, non pas la responsabilité légale, celle qui conduit sur la sellette des accusés, mais la responsabilité qui résulte du contrôle incessant de la presse et des chambres, est suffisante pour prévenir bien des abus.

Les faits sont là pour prouver, et l'honorable M. Dumortier en a fait hier l'aveu significatif, que les chambres n'ont pas su être impartiales dans le choix des membres des jurys d'examen, et que le gouvernement, au contraire, s'est constamment efforcé de rétablir, entre les établissements d'enseignement supérieur, l'équilibre rompu par le vote partial des chambres.

D'où vient, messieurs, cette différence entre la conduite de l'ancienne majorité et celle du ministère pris dans ses rangs, animé par conséquent des mêmes vues ? Elle n'a pas d'autre cause que la responsabilité qui s'attache aux actes des ministres, et à laquelle les membres de la chambre échappent, le secret de leur vote restant au fond de l'urne.

Eclairés par cette expérience, le ministère et la section centrale ont cru donner un gage sérieux d'impartialité, en substituant, pour la nomination des jurys d'examen, l'action du gouvernement, l'action des ministres responsables à l'action des chambres.

Nous nous sommes dit : La majorité actuelle est sans doute pénétrée d’un respect sincère et profond pour la liberté d'enseignement. Elle ne voudrait pas y porter, elle ne souffrirait pas qu'on y portât la moindre atteinte. Mais qui sait, si appelée à choisir les membres du jury, elle ne céderait pas involontairement à cette tendance qui porte, surtout lorsqu’on n'a pas à répondre de ses actes, lorsqu'on sait qu'ils resteront secrets, à préférer les doctrines et les hommes pour lesquels on a le plus, de sympathies? Mieux vaut, avons-nous dit, laisser les choix au gouvernement. dont les actes sont connus et qui doit en répondre.

La section centrale a été plus loin ; elle a pris un surcroît de précautions, en limitant à trois années la durée des pouvoirs du gouvernement, et en déclarant que, dans aucun cas, les professeurs des universités de l'Etat ne pourront se trouver en majorité dans le jury d'examen.

Et c'est lorsque la section centrale a donné de tels gages d'impartialité ; c'est lorsque l'honorable M. de Theux a la loyauté de reconnaître qu'il y a, dans les amendements de la section centrale, de fortes garanties contre les abus ; c'est lorsque nous avons évidemment amélioré l'ancienne législation, œuvre de l'honorable M. Dechamps et de ses amis, c'est alors que l'honorable M. Dechamps ose dire que nous faisons un pas en arrière, que nous amoindrissons la liberté d'enseignement !

A entendre l'honorable M. Dechamps, si le projet de la section centrale était adopté , l'enseignement serait moins libre en Belgique qu'aux Etats-Unis, moins libre qu'en Angleterre, moins libre qu'en Allemagne !

Comment peut-on, messieurs, avancer dans cette enceinte, avec autant d'assurance, des choses aussi contraires à la vérité ? L'honorable M. Van Hoorebeke a fait hier bonne justice de cette partie du discours de l'honorable membre, mais l'honorable M. Van Hoorebeke ne savait probablement pas (du moins il ne l'a pas dit) que le système anglais que l'honorable M. Dechamps présente aujourd'hui comme si favorable à la liberté d'enseignement a été repoussé, en 1835, par l'honorable M. Dechamps, comme, inconciliable avec cette même liberté. (Interruption.)

L'honorable M. Dechamps, qui aime tant à rappeler le passé des autres, devrait être un peu moins oublieux du sien. Sied-il bien à l'honorable membre, lui qui s'est longtemps posé comme un obstacle aux grandes réformes dont il parlait récemment avec tant d'enthousiasme, lui que nous avons rencontré comme adversaire chaque fois que nous avons réclamé ces réformes, lui sied-il bien de nous reprocher l'amoindrissement d'une de nos plus précieuses libertés ?

Si le projet de la section centrale n'offre pas des garanties suffisantes d'impartialité, s'il amoindrit la liberté d'enseignement, vous êtes donc bien coupable, vous qui avez eu la majorité pendant tant d'années, d'avoir introduit et laissé subsister une législation offrant moins de garanties encore et que personne aujourd'hui n'ose sérieusement défendre.

Mais qu'importe votre passé? Si vous avez un meilleur projet à nous offrir, nous l'accepterons s'il est acceptable , car, autant que vous, plus que vous peut-être, nous désirons un jury impartial.

De tous les projets qui ont été indiqués dans le rapport de la section centrale, un seul paraît avoir surnagé, un seul paraît, d'après la tournure qu'a prise la discussion, rallier les suffrages de l’honorable M. Dechamps et de ses amis. Ce projet est celui auquel M. Roussel, désespérant du triomphe de ses idées, s'est rallié subsidiairement.

C'est le projet indiqué par les honorables MM. Moncheur, de Liedekerke, de Mérode, Orts et de Theux comme digne d'être accueilli favorablement par la chambre; c'est le projet dont l'honorable M. Dechamps, quantum mutatus abello, disait, en 1835, qu'en fait d'absurdité il atteignait haut de l'échelle, et dont, en 1844, il avait une horreur telle qu'il a quitté précipitamment, mais non sans esprit de retour, les bancs ministériels !

Mais qu'importe, comme je le disais tantôt, le passe de l'honorable M. Dechamps! Si le projet est bon, s'il est acceptable, nous l’accepterons. Examinons-le donc.

D'après ce projet, le gouvernement aurait la nomination du jury d'examen, qui serait composé de 9 membres; mais le gouvernement devrait nécessairement, forcément prendre 2 membres dans chacune des université» de Bruxelles, Gand, Liège et Louvain ; il n'aurait de choix libre que pour le neuvième membre.

Ce projet, messieurs, nous l'avons dit dans le rapport, est entaché d'un (page 1671) vise radical ; il constitue au profit des universités, je ne parle pas seulement des universités libres, je parle des universités de l'Etat, il consiste au profit des universités un monopole, un privilège intolérable, attentatoire à la liberté d'enseignement.

Le père de famille qui donne l'instruction à ses enfants, a autant de droit à entrer dans le jury d'examen que le professeur de l'université la plus brillante et qui compte le plus d'élèves.

Nous ne cesserons de le répéter, la liberté d'enseignement est la môme pour tous, pour un comme pour cent, comme pour mille!

La liberté de la presse est consacrée par la Constitution tout comme la liberté d'enseignement; que diriez-vous, messieurs, d'une association d'écrivains, formée dans le but de créer un journal, qui manifesterait la prétention d'avoir, par le fait seul de l'association, le droit d'être représentée dans le jury chargé de juger les délits de la presse ? Vous trouveriez sans doute leur prétention insoutenable. Eh bien, elle ne serait pas plus étrange que celle des professeurs d'une université à entrer dans le jury d'examen, en vertu d'une disposition légale.

Messieurs, il y a, dans le projet que nous combattons en ce moment, un autre vice non moins radical : c'est qu'il donne des droits aux universités libres, c'est qu'il en fait par conséquent des personnes civiles; car qu'est-ce qu'une personne civile, si ce n'est un établissement auquel la loi donne des droits? Et ici ce serait une personne civile de la pire espèce, car on lui donnerait des droits, sans lui imposer des obligations.

L'honorable M. de Liedekerke a cherché à éluder la difficulté, en disant que ce ne seraient pas des personnes civiles, mais des personnes scientifiques. Je prie l'honorable comte de Liedekerke de remarquer que les bureaux de bienfaisance sont des personnes philanthropiques ; ce qui ne les empêche pas d'être en même temps des personnes civiles !

A ce point de vue, le projet serait un pas fait vers un ordre d'idées que le pays a frappé naguère de la plus énergique réprobation. Chose étrange, messieurs, la minorité nous convie à faire ce qu'elle n'a pas fait, ce qu'elle n'a pas osé faire, lorsqu'elle était minorité; car il n'y a pas dans les lois antérieures une seule ligne, un seul mot qui donne aux universités le droit d'entrer dans le jury d'examen.

La chambre se gardera bien de suivre un conseil aussi pernicieux, je ne dirai pas aussi perfide, je respecte les intentions, je ne les suspecte pas, la chambre se gardera bien d'entrer dans une voie qui serait grosse de dangers ; elle adoptera, nous en sommes certain, avec un léger changement de rédaction peut-être, l'amendement qui a été présente hier par M. le ministre de l'intérieur et auquel la section centrale se rallie à l'unanimité.

Cet amendement, qui permettrait au gouvernement de choisir les membres du jury en dehors du corps professoral, mais qui lui impose l'obligation de tenir la balance égale entre l'enseignement privé et l'enseignement public, est conforme à la pensée qui avait dicté l'amendement de la section centrale.

Nous n'avons jamais voulu de privilège, pas plus pour les universités de l'Etat que pour les universités libres. Nous avons toujours désiré que le gouvernement tînt dans ses choix la balance égale entre les divers établissements d'instruction.

C'est à tort que l'honorable M. Dechamps a cru que le projet de la section centrale donnait une prépondérance aux universités de l'Etat. Bien loin de donner un droit aux universités de l'Etat, le projet de la section centrale prenait des précautions contre la tendance qu'un ministre pourrait avoir à favoriser ces universités; et elle n'en prenait pas contre celle qu'un autre ministre pourrait avoir à favoriser les établissements libres. Sous ce rapport l'amendement de M. le ministre de l'intérieur est plus complet que l'amendement de la section centrale, puisqu'il fait cesser les inquiétudes venant des deux côtés.

Mais quoique la chambre fasse, quel que soit le projet qu'elle adopte, il faudra toujours compter sur l'impartialité du gouvernement ; car, même dans le projet subsidiaire de M. Roussel, auquel les orateurs de l'opposition ont paru se rallier ; même dans ce projet, le gouvernement, ayant le choix du neuvième membre, et devant en prendre quatre dans les universités de l'Etat, le gouvernement pourrait s'il était partial, composer un jury hostile aux établissements libres.

Là, messieurs, est le côté faible de nos contradicteurs. Ils ont déclamé contre le projet de la section centrale; ils ont présenté ce projet comme une atteinte à la liberté de l'enseignement parce que la partialité du gouvernement pourrait nuire aux établissements libres, et ils ne savent pas présenter une combinaison dans laquelle ils ne doivent compter comme nous sur l'impartialité du gouvernement.

L'impartialité du gouvernement doit être présumée; et si elle fait défaut, il y aura encore un remède dans l'amendement de la section centrale, qui limite les pouvoirs du gouvernement à trois années et dans l'action, des chambres.

L'honorable M. Dechamps a dit que l'amendement de la section centrale était la condamnation du système. Lorsque l'honorable M. Dechamps a voté en 1835 la disposition qui limitait les pouvoirs du gouvernement à trois années, car cette disposition était aussi dans la loi de 1835, l'honorable M. Dechamps condamnait-il son système?

Dans la loi de 1844, il y avait aussi une limite à la durée des pouvoirs du gouvernement et des chambres; l'honorable M. Dechamps a voté cette disposition; a-t-il aussi, en la votant, condamné ce qui était encore à cette époque son système ?

Autant vaudrait dire que la limite posée à la durée de notre mandat est la condamnation du système représentatif. La limite de durée est une garantie, sans laquelle le système présenterait des inconvénients ; la garantie les fait disparaître, avec elle le système est bon.

Quoique l'on fusse, quoique combinaison que l'on imagine, on en viendra toujours là : il faut compter sur l'impartialité du gouvernement et des chambres, car en définitive le gouvernement et les chambres sont les grands gardiens de nos libertés constitutionnelles.

L'honorable M. Orts a supposé que les chambres pourraient se rendre complices d'un ministère partial. J'aime à croire, pour l'honneur de mon pays, que cette hypothèse ne se réalisera pas ; mais si elle se réalisait, je demanderai à l'honorable M. Orts si toutes les garanties que nous prendrions aujourd'hui ne deviendraient pas vaines.

J'ai foi, messieurs, dans mon pays, dans sa loyauté, et j'ai la conviction que jamais un ministère ni une majorité parlementaire n'y porteront impunément atteinte aux libertés garanties par la Constitution.

Je n'ai, messieurs, que quelques mots à dire en ce moment sur l'organisation du jury d'examen. Le gouvernement demande à pouvoir prendre les mesures réglementaires que cette organisation nécessite, et la section centrale vous propose d'accorder cette autorisation en la limitant, comme le droit de nomination, à trois années.

Les avantages et les inconvénients des deux systèmes, du système du jury central et du système du gouvernement, ont été indiqués dans l'exposé des motifs et dans le rapport de la section centrale.

Cette partie de la loi n'a pas donné lieu, jusqu'à présent, à des observations d'une grande importance; il est possible que la discussion des articles jettera plus de lumière sur le système proposé par le gouvernement.

Les honorables MM. Orts et de Theux ont combattu ce système en disant qu'il y aurait dans le pays trois jurisprudences au lieu d'une, et que cela serait une chose fâcheuse. J'avoue, je ne puis pas considérer cette objection comme étant de quelque poids ; je conçois qu'on désire l'uniformité de jurisprudence, quand il s'agit de questions de droit, et c'est pour y arriver qu'on a établi une cour de cassation. Mais je ne conçois pas qu'on tienne autant à l'uniformité quand il s'agit de questions de fait.

Dans l'administration de la justice, l'uniformité n'existe pas pour les questions de fait; il y a trois cours d'appel statuant en dernier ressort sur les questions de fait; il y a autant de jurys criminels que de provinces, et ils peuvent prononcer diversement sur des faits analogues. Jamais on n'a soutenu que cette diversité de décisions sur des questions de fait fût chose fâcheuse et de nature à produire des inconvénients sérieux. Il est rare que deux faits soient entièrement semblables; le droit est le même pour tous, le fait varie à l'infini.

Quoi qu'il en soit, la section centrale ne s'est pas prononcée ouvertement pour le système du gouvernement. La section centrale a seulement exprimé la pensée que ce système présente des avantages et qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à en autoriser l'essai pour trois années.

Pour ne pas abuser en ce moment de l'attention bienveillante de la chambre, j'ajournerai à la discussion des articles ce que j'ai à dire sur la question des bourses. Cependant je ne puis me dispenser de relever à l'instant même quelques paroles échappées à l'honorable M. Orts. L'honorable M. Orts nous a dit qu'il était honteux pour l'opinion libérale de la disposition du projet de loi relative aux bourses.

Eh bien, je lui répondrai que je suis honteux pour l'opinion libérale, qui le compte au nombre de ses membres les plus distingués et les plus honorables, qu'il ait prononcé ces paroles injustes et violentes.

Il me reste à parler du maintien des deux universités de l'Etat.

L'honorable M. Orts a reconnu la puissance des intérêts qui seraient froissés si l'on supprimait l'une des deux universités, mais il a ajouté qu'un intérêt plus puissant, un intérêt national devait l'emporter. Quel est cet intérêt? Il faut, a dit l'honorable M. Orts, qu'il n'y ait dans le pays qu'une seule race, il faut que les deux races viennent se fondre en une seule, qu'il n'y ait plus de Wallons et de Flamands, mais seulement des Belges. J'espère aussi que cette fusion s'opérera un jour par la force de nos institutions. C'est un moyen actif de fusion que l'attachement commun à de grandes et belles institutions.

Mais lorsque l'honorable M. Orts veut y arriver par la concentration de l’enseignement supérieur, l'honorable membre oublie qu'il attaque indirectement l'une de nos libertés les plus précieuses, la liberté d'enseignement. S'il est nécessaire, pour que les deux races se fondent en une seule, qu'elles puisent l'enseignement à la même source, demandez au nom de ce grand intérêt national, demandez la révision de la Constitution, travaillez à la suppression des universités libres!

Il y avait moyen de n'avoir qu'une université, c'était de l'établir dès le principe et de l'établir au centre du pays. Une université établie à l'extrémité du pays, serait insuffisante, et sans force morale. Ne voyez-vous pas que cette université serait bientôt sacrifiée aux universités libres ? Les provinces wallonnes n'iraient pas à Gand ; les provinces flamandes n'iraient pas à Liège; elles s'arrêteraient à Bruxelles ou à Louvain. Mais une université de l'Etat, placée au centre, ose-t-on la proposer ; ose-t-on demander que les villes de Gand et de Liège soient dépouillées l'une et l'autre de leur université? Non, l'honorable M. Orts lui-même a protesté contre l'idée d'établir une seule université de l'Etat à Bruxelles, il a imaginé un autre moyen, qu'il me permette de le dire, le plus pitoyable de tous; l'honorable membre voudrait qu'on laissât à Gand et à Liège leur université, mais une université mutilée; il voudrait qu'il n'y eût plus dans chacune de ces villes que deux facultés; il y aurait donc à Gand une faculté de médecine et une faculté des sciences, et à Liège une faculté de droit et une faculté de philosophie ! Ne savez-vous donc pas que les étudiants en médecine doivent suivre (page 1672) des cours de philosophie, et les étudiants en droit des cours de sciences? Vous les empêchez, en mutilant les universités de l'Etat, d'y faire des études complètes; vous les chassez de ces universités; vous les forcez d'abandonner Gand et Liège pour aller à Louvain ou à Bruxelles. J'ai trop bonne opinion de l'honorable M. Orts, bien qu'il soit, comme il l'a dit, professeur à l'université de Bruxelles, pour croire que tel soit son but.

M. Orts. - Mon intention n'est pas de répondre par un discours. Je crois que la chambre, dans la situation d'esprit où elle se trouve, avec le désir bien marqué de clore la discussion générale et d'aborder la discussion sur les articles, ne me le permettrait pas.

L'honorable M. Delfosse a paru blessé d'une expression que j'ai employée. Comme elle exprime exactement mon opinion, mon appréciation personnelle, je ne la retire pas. Mais je promets à l'honorable M. Delfosse de la retirer, le jour où il sera parvenu à me prouver que celui qui ne donne rien est plus libéral que celui qui donne quelque chose.

M. de Haerne. - Je désire seulement demander une explication à M. le ministre de l'intérieur relativement au changement introduit par l'amendement qu'il a présenté hier.

Je voudrais savoir si, en vertu de cet amendement, M. le ministre de l'intérieur renonce au jury spécial et central dont il est question dans le projet pour ce qui regarde les études privées, les études des élèves solitaires; car il me semble que la nouvelle disposition changerait tout à fait l'économie du projet, en ce qui concerne les divers jurys. La combinaison du principe de l'amendement avec celui du jury spécial et central proposé, présente un système tout différent de celui du projet de loi.

Je désire savoir si, dans la pensée du gouvernement, le jury spécial des études solitaires sera supprimé ou s'il sera maintenu, par suite de l'amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Bien n'est changé au système développé dans le rapport. S'il est mis à exécution, les facultés des universités libres seront combinées avec celles des universités de l'Etat pour l'examen des élèves universitaires et de tous les élèves qui voudront se présenter devant ce jury ainsi composé.

Il y aura en outre un jury spécial à Bruxelles, pour les études privées proprement dites. Rien n'est changé sous ce rapport au système annoncé.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Motion d'ordre

La discussion sur le préambule du projet de loi comprenant l'énumération des articles révisés de la loi de 1835 est, sur la proposition de M. le président., ajournée après l'adoption des articles du projet.

M. de Theux. - Nous nous sommes occupés, avec beaucoup d'intérêt de la discussion générale. Mais je ne sais si mes collègues sont préparés à aborder la discussion sur les détails. J'avais pensé que cette discussion aurait été renvoyée à lundi. Si les membres sont prêts à discuter les articles, je ne m'y oppose pas. Quant à moi, il me serait impossible de prendre part aujourd'hui à cette discussion.

M. Devaux. - Le premier article que nous aurions à discuter serait l'article 3. Il est relatif aux cours à donner. Les changements introduits dans cet article de la loi de 1835 dépendront nécessairement des changements qui seront apportés à l’article 42 et suivants, relatifs aux matières d'examen. Vous concevez que, suivant qu'on exigera des examens plus ou moins sévères, il y aura, dans les universités de l'Etat, plus ou moins de cours et de plus ou moins d'étendue.

Je pense donc que la délibération ne doit pas s'ouvrir par l'article 3, et que la chambre gagnerait un temps en suivant la marche qu'a suivie la section centrale.

Le projet de loi se compose de deux parties : l'une concerne les grades et embrasse par conséquent les intérêts de l'enseignement tant libre que de l’Etat ; l'autre, qui est la première, ne concerne que les universités de l'Etat; elle est d'un intérêt plus restreint. Elle comprend l'article 3 qui est très long et qui pourrait donner lieu à de très longues discussions; tandis qu'il ne pourra donner lieu à aucune discussion, quand on aura réglé les matières d'examen. Ne pensez-vous pas, d'après cela, qu'il vaudrait mieux commencer par la partie de la loi concernant les grades?

Il serait fait droit ainsi à l'observation de l'honorable M. de Theux. Il est évident que la discussion générale ayant porté sur le jury, pour utiliser cette discussion, il serait naturel de faire ce qu'a fait la section centrale, c'est-à-dire de commencer la discussion par la partie de la loi qui concerne le jury et les grades.

Je propose donc de commencer la discussion par l'article 36, qui est le premier qui se rapporte au jury et aux grades.

M. de Theux. - Dans ma pensée, la chambre ne perdrait pas de temps. La fin de la séance pourrait être remplie par des rapports de pétitions. On aurait commencé les articles lundi avec plus de maturité.

Quant à la proposition de l'honorable M. Devaux, elle aurait l'inconvénient d'interrompre l'ordre de la discussion. Les membres qui se sont préparés à parler sur les premiers articles du projet ne sont probablement pas prêts à discuter les articles 36 et suivants. Il me paraît impossible de suivre cet ordre.

Ce n'est pas l'intention de l'honorable membre; mais cela pourrait passer pour une espèce de surprise, à laquelle on ne pouvait s'attendre.

Si la chambre voulait aborder aujourd'hui la discussion des articles, je dis qu'il faudrait suivre l'ordre du projet de loi. Mais je crois que, dans l'intérêt des travaux de la chambre, il serait préférable de n'aborder que lundi la discussion des articles et d'entendre aujourd'hui des rapports de pétitions.

M. Devaux. - Remarquez, messieurs, que je fais ma proposition dans tous les cas, soit que vous adoptiez la motion de M. de Theux, soit que vous ne l'adoptiez pas.

M. Delfosse, rapporteur. - Il est bon que la proposition de M. Devaux ait été faite ; si la motion de M. de Theux était admise, on pourrait se préparer pour lundi à la discussion des articles par lesquels l'honorable M. Devaux propose de commencer.

M. de Haerne. - A l'appui de la proposition de l'honorable M. de Theux, je dirai qu'il est à ma connaissance que quelques membres s'étaient proposé de présenter un amendement à l'article 40. Je remarque l'absence de ces membres; par conséquent, ils ne se sont pas attendus à ce que cet article fût discuté aujourd'hui.

- La proposition de M. de Theux est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Nous avons maintenant la proposition de M. Devaux, qui consiste à régler la discussion de manière à commencer par l'article 36 et à suivre ensuite tous les articles qui concernent le jury d'examen.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Et les matières d'examen.

- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et adoptée.

Deuxième motion d"ordre

M. de Theux (pour une motion d’ordre). - M. le rapporteur de la section centrale nous a annoncé, messieurs, que l'Académie des sciences a adressé un rapport à M. le ministre de l'intérieur sur la partie du projet qui est relative à l'enseignement des sciences. Il a ajouté que ce rapport serait déposé sur le bureau.

On comprend facilement, messieurs, qu'il est impossible que les membres de la chambre prennent successivement connaissance de ce rapport. Je demanderai s'il ne serait pas dans l'intérêt de la discussion de le faire imprimer. Les premiers articles, qui sont relatifs à l'enseignement, ayant été postposés à ceux qui concernent le jury, on aurait le temps de prendre connaissance du rapport dont il s'agit. Je n'ai pas vu ce rapport; je ne sais pas quelle est sa valeur; mais je dois présumer qu'il contient au moins quelques vues utiles.

M. Delfosse, rapporteur. - Messieurs, je ferai remarquer que ce n'est pas seulement l'académie des sciences, que ce sont aussi les universités de l'Etat qui ont transmis des rapports à M. le ministre de l'intérieur; l'Académie de médecine lui a également fait parvenir des observations, mais clic les a fait imprimer elle-même; elles sont dans son Bulletin; l'Académie des sciences aurait pu imiter cet exemple. Je ne vois pas pourquoi nous ferions imprimer le rapport de l'Académie des sciences sans faire aussi imprimer les rapports des diverses facultés des universités de l'Etat.

M. de Theux. - On peut les imprimer aussi.

M. Delfosse. - Ce serait excessivement volumineux. J'ai fait connaître quelles sont les propositions de l'Académie des sciences; chacun peut en voir l'analyse au Moniteur, et le rapport lui-même sera déposé sur le bureau, l'impression de toutes les pièces exigerait plus de 8 jours.

M. de Theux. - Mon intention n'est pas de retarder la discussion, mais je désire avoir le plus de lumières possible.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai remis à la section centrale tous les documents relatifs au projet que j'avais en ma possession; et la section centrale, par l'organe de son rapporteur, a fait l'analyse de ces documents. Je suis de l'avis de M. de Theux, qu'on ne peut pas jeter trop de lumières sur la question, pourvu toutefois qu'on n'ajourne plus la discussion, car voilà la deuxième fois que nous la suspendons.

M. de Theux. - Il est bien entendu que la discussion ne serait pas retardée.

- La proposition de M. de Theux est mise aux voix; elle n'est pas adoptée.

Troisième motion d’ordre

M. Devaux (pour une motion d'ordre). - Messieurs, un système a été promis en opposition au projet du gouvernement, un système auquel il paraît que plusieurs des membres qui ont pris la parole se rallient. Il serait à désirer que nous pussions apprécier ce système d'une manière un peu précise. Puisque la discussion des articles est renvoyée à lundi, je désirerais que l'un des honorables membres qui se rallient à ce système voulût bien le formuler, et que nous puissions, d'ici à lundi, le recevoir imprimé, chez nous. De cette manière nous pourrions en faire une appréciation plus précise que celle qui peut résulter des discours que nous avons entendus.

M. Orts. - Je ne sais si l'appel est dirigé vers moi, mais j'ai répondu d'avance à l'honorable membre.

Pour ma part, je ne me crois qu'une seule mission: apprécier à mon point de vue, soit en bien, soit en mal, le projet du gouvernement; Je ne crois pas qu'aucun membre de la chambre, lorsqu'il combat une proposition, soit obligé de présenter une contre-proposition et de faire ici de l'administration à son tour.

Je saisis cette occasion pour dire tout de suite que je ne suis attaché à aucun système particulier de composition du jury d'examen. Je n'ai discuté qu'un principe, la nécessité d'établir des garanties pour les institutions d'enseignement libre. Je n'ai pas du tout accepté pour ma part, comme l'honorable M. Delfosse a cru devoir le dire, les idées émises dans une brochure dont il a été souvent question; je n'ai, en réalité, donné mon adhésion qu'à un seul système, c'est celui que M. le ministre de l'intérieur a voté, en 1844, sous l'administration de l'honorable M. Nothomb.

(page 1673) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, nous ne pouvons pas forcer l'honorable député de Bruxelles à formuler un système autre que celui du gouvernement. Ce n'est pas, je pense, à lui personnellement que l'appel a été fait. Un honorable orateur, M. le comte de Mérode, a annoncé qu'il faisait sien le système connu sous le nom d'un professeur de l'université de Bruxelles : la question est de savoir si quelque membre de la chambre proposera celui-là ou un autre en opposition au système du gouvernement.

Je répondrai deux mots à l'honorable M. Orts. L'honorable M. Orts annonce qu'il s'est rallie au système pour lequel j'ai voté en 1844. J'ai voté en 1844 pour la nomination du jury exclusivement par le Roi. La question a été mise aux voix en ces termes absolus et elle a réuni toutes les voix libérales, y compris celle de notre honorable président.

Le ministère d'alors proposait que le choix du gouvernement fût limité dans les quatre universités, les deux universités de l'Etat et les deux universités libres ; nous ne nous sommes pas prononcés pour ce principe, mais nous l'aurions adopté par transaction, parce que nous aimions encore mieux un jury nommé par le gouvernement dans ce cercle déterminé qu'un jury nommé par la majorité parlementaire qui n'avait commis que des injustices contre l'opinion libérale. Nous aurions voté pour le projet, non parce qu'il renfermait cette stipulation, mais quoiqu'il la renfermât. Voilà dans quel sens nous avons appuyé le système de l'honorable M. Nothomb, et pour mon compte ainsi que pour le compte de l'opposition d'alors, je m'applaudis encore de la conduite toute de conciliation qu'elle a cru devoir tenir.

Je suis, du reste, de l'avis de l'honorable M. Delfosse ; je crois que M. Orts n'a pas le droit de se proclamer honteux la proposition faite par le gouvernement et acceptée par la section centrale : j'aime à croire que cette honte n'a été qu'un mouvement tout à fait passager de la part de M. Orts, et en tout cas je compte sur le concours d'une forte majorité pour effacer ce que ce reproche peut avoir d'offensant et de désagréable.

M. Devaux. - Il est bien entendu que ni moi ni personne ne peut forcer un honorable membre à présenter un amendement contre son gré. Ce que j'ai fait, c'est d'engager les honorables membres qui veulent présenter un amendement, qui se rallient à un amendement à vouloir bien faire connaître aujourd'hui cet amendement et à le livrer à l'impression pour que nous puissions l'examiner. S'il y a deux systèmes en présence il faut bien que nous soyons à même d'apprécier celui auquel M. Orts, M. de Mérode, M. Dechamps, M. de Theux, et, je pense, MM. de Liedekerke et Moncheur on dit se rallier. Ce système n'est pas formulé, et s'il doit arriver jusqu'au vote, je demande qu'on veuille bien le formuler. On n'encourt pas une grande responsabilité à présenter un système qu'on a appuyé dans ses discours. Nous devons désirer de ne pas avoir à combattre des choses vagues, mais de pouvoir rencontrer un texte précis. J'ai précisément différé de prendre la parole jusqu'à présent, parce que je m'attendais à voir surgir une proposition précise.

Si des amendements ne sont pas produits, il n'y aura que le projet à mettre aux voix et nous l'adopterons à l'unanimité ; on en serait pour les frais de ses discours. Mais si l'intention des honorables membres est de présenter un amendement, je les prierai de vouloir bien, loyalement, le présenter assez à temps pour que nous puissions le discuter.

M. Delfosse. - Puisque l'honorable M. Orts est revenu sur la discussion et sur le vote de 1844, je tiens à rappeler que les membres de la chambre n'ont pas été appelés à voter sur les détails du projet de M. Nothomb et notamment sur la question de savoir si les universités libres seraient reconnues par la loi, si la loi leur donnerait des droits. On a seulement voté sur la question de savoir si le gouvernement aurait la nomination exclusive du jury d'examen.

Si cette question avait été résolue affirmativement, on aurait eu à s'expliquer sur les détails du projet, mais comme la résolution de la chambre a été négative, la section centrale a présenté un projet nouveau contre lequel j'ai voté et qui ne reconnaissait aucun droit aux universités libres.

Projets de loi de naturalisation

La chambre adopte successivement des projets de loi ayant pour objet d'accorder la naturalisation ordinaire aux sieurs :

Jean-Auguste-Chrétien-Frédéric Keyser, négociant à Namur, né à Hohenbra (Saxe).

Antoine Dekkers, tisserand à Lille-St-Hubert, né à Helmond (Pays-Bas), le 17 janvier 1807.

Jean-François-Marie Pellabon, capitaine au 12ème régiment de ligne, né à Toulon (France), le 21 décembre 1792.

Thomas de Warren, né à Dublin (Irlande), le 27 juin 1794, brigadier des douanes à Virton.

Jean-Antoine Gulikers, traducteur juré près le tribunal de première instance, né à Maestricht, le 15 octobre 1822, domicilié à Liège.

Louis Desmons, marchand quincaillier, né à Amsterdam (Pays-Bas), le 6 janvier 1818, domicilié à Gand.

Charles-Gérard Van Groningen, musicien gagiste au 8ème régiment de ligne, né à la Haye, le 19 juin 1820.

A la demoiselle :

Jeanne-Marie Eyrond, sous-maîtresse de pension, née à Amsterdam, le 28 janvier 1828, domiciliée à Bruxelles.

Aux sieurs :

Bernard-Marlin Wille, sous-lieutenant des douanes, né à Rotterdam (Pays-Bas), le 12 novembre 1783, domicilié à Aelbeke (Flandre occidentale).

Antoine-Charles Hennequin de Villermont, propriétaire, né à Rouen (France), le 12 juillet 1815, domicilié à Nismes (Namur).

Frédéric-Guillaume Coste, chimiste, né à Boudry (Suisse), le 10 avril 1801, domicilié à Tilleur (Liège).

A la dame :

Catherine-Elisabeth Severyns, veuve Krintz, particulière, née à Maestricht, le 13 mai 1802, domiciliée à Schaerbeek.

Et aux sieurs :

Chrétien-Joseph-François-Alexandre Stadtfeld, compositeur et professeur de musique, né à Wiesbaden (duché de Nassau), d'une mère belge, le 27 avril 1826, domicilié à Bruxelles.

Jean-François Prevot, directeur du collège communal, né à Salmagne (France), le 10 juin 1808, domicilié à Jumet (Hainaut).

Edmond Picard, fabricant de papiers peints, né à St-Quentin (France), le 22 novembre 1810, domicilié à Bruxelles.

- Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble de ces projets.

65 membres sont présents.

62 adoptent.

4 rejettent.

En conséquence les projets sont adoptés.

Ont voté l'adoption : MM. Duquesne, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Bruneau, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Meester, de Pitteurs, de Renesse, Desoer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, Faignart, Frère-Orban, Dumont (Auguste), Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Schumacher et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Vermeire, de Royer, Jacques et Julliot.


M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur la demande en grande naturalisation formée par le sieur Adolphe-Edouard Pauli. La question qui s'est présentée est celle de savoir si le pétitionnaire a besoin d'avoir la naturalisation ou s'il n'est pas Belge. Voici le rapport de la commission des naturalisations présenté pat M. Delehaye :

« Le sieur Pauli demande la grande naturalisation.

« Il est né en Belgique, en 1820, d'un père étranger, dont le domicile était fixé à Gand, avec l'autorisation du gouvernement.

« Aux termes de la loi fondamentale, le sieur Pauli est Belge, et dès lors il n'a pas besoin de la faveur qu'il sollicite. Déjà la chambre a exprimé une opinion analogue.

« La commission, à l'unanimité, pense que l'intervention de la chambre n'est pas nécessaire pour accorder la qualité que sollicite le pétitionnaire. »

- Personne ne demandant la parole, les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.


M. le président. - La première demande est celle du sieur Costantin-François-Louis Claes.

« Léopold, etc.

« Vu la demande du sieur Constantin-François-Louis Claes, sergent au 11ème régiment de ligne, né à Malines, le 15 juillet 1816, tendant à être relevé de la déchéance prononcée par l'article 21 du Code civil;

« Vu l'article 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu'il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande ;

« Les chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au sieur Constantin-François-Louis Claes. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal.

Le projet de loi est adopté par 60 voix contre 3 (celles de MM. Jacques, Julliot et Vermeire).

Ont adopté : MM. Thiéfry, Toussaint, Dequesne, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach. Bruneau, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé , de Breyne, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Dechamps, (page 1674) Dedecker, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Meester, de Pitteurs, de Renesse, de Royer, Destriveaux, de Theux, Devaux, Faignart, Frère-Orban, Dumon (Auguste), Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Pierre, Pirmez, Rogier, Schumacher et Verhaegen.


M. le président. - La deuxième demande est celle du sieur Edmond-Godefroid-Ferdinand Van der Vrecken de Bormans.

« Léopold, etc.

« Vu la demande du sieur Edmond-Godefroid-Ferdinand Van der Vrecken de Bormans, capitaine au 8ème régiment de ligne, né à Gand, le 3 thermidor an X, tendant à être relevé de la déchéance prononcée par l’article 21 du Code civil ;

« Vu l’article 2 de la loi du 27 septembre 1835 ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu'il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande;

« Les chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au sieur Edmond-Godefroid-Ferdinand Van der Vrecken de Bormans. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

60 membres ont répondu à l'appel.

57 ont répondu oui.

3 MM. Jacques, Julliot et Vermeire ont répondu non.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.


M. le président. - La troisième demande est celle du sieur Nicolas-François-Louis-Désiré-Joseph Lamborelle.

« Léopold, etc.

« Vu la demande du sieur Nicolas-François-Louis-Désiré-Joseph Lamborelle, sergent au 3ème régiment de ligne, né à Maestricht, le 23 février 1824, tendant à être relevé de la déchéance prononcée par l'article 21 du Code civil;

« Vu l'article 2 de la loi du 27 septembre 1835;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de cette loi ont été observées, et qu'il y a lieu de statuer définitivement sur cette demande;

« Les chambres ont adopté et Nous sanctionnons ce qui suit ;

« Article unique. La grande naturalisation est accordée au sieur Nicolas-François-Louis-Désiré-Joseph Lamborelle. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

64 membres ont répondu à l'appel.

60 membres ont répondu oui.

4 membres, MM. Jacques, Julliot, Vermeire et de Royer ont répondu non.

En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

Projet de budget de la chambre des représentants pour l’exercice 1850

Formation du comité secret

A 2 heures et demie, la chambre se forme en comité secret pour examiner son budget (exercice 1850).