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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 21 juin 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants de Belgique, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1636) M. A. Vandenpeereboom procède à l'appel nominal à une heure et quart et donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

Il présente ensuite l'analyse des pièces adressés à la chambre.

« Le Cercle artistique et littéraire de Bruxelles et la Société des gens de lettres adressent à la chambre 110 exemplaires des pétitions par lesquelles ils appelaient, le 7 mai dernier, l'attention de la chambre sur la nécessité d'une loi concernant la propriété artistique et la propriété littéraire. »

- Distribution aux membres de la chambre.


M. Thibaut, rappelé chez lui par la maladie de son père, demande un congé.

- Accordé.


M. de Luesemans, retenu au lit par une indisposition, demande un congé.

- Accordé.

Projet de budget de la chambre des représentants pour l’exercice 1850

Rapport de la commission

M. de Man d'Attenrode. - J'ai l'honneur de déposer, au nom de la commission de comptabilité le budget des dépenses de la chambre pour l'exercice 1850.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion est fixée entre les 2 votes du projet en délibération.

Projet de loi qui modifie la loi du 27 septembre 1835, sur l'enseignement supérieur

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. Destriveaux.

M. Destriveaux. - Je croyais qu'il avait été convenu qu'on entendrait alternativement un orateur contre le projet et un orateur pour.

Le dernier orateur qui a été entendu hier s'est prononcé pour le projet.

M. le président. - Le premier orateur inscrit est M. Dumortier.

- Un membre. - M. Dumortier est à la bibliothèque.

M. de Mérode. - Je demande à faire une observation. Quand il y a une liste d'orateurs inscrits pour parler pour et contre le projet, on pourrait examiner combien il y en a des uns et des autres, afin de les entremêler de manière qu'une liste, la liste pour ou la liste contre, ne soit pas tout à coup épuisée. Ainsi s'il y a deux fois plus d'orateurs inscrits pour, que d'orateurs inscrits contre, on pourrait entendre deux orateurs pour et un orateur contre.

M. Delfosse. — Ce que propose M. de Mérode est contraire au règlement, qui dit qu'on entendra alternativement un orateur contre et un orateur pour.

- Plusieurs voix. - Donnez-la parole à l'orateur inscrit après M. Dumortier.

M. le président. - C'est M. Dechamps ; il a la parole.

M. Dechamps. - Messieurs, on avait pu craindre un moment que la question du jury d'examen qui, à d'autres époques, avait soulevé de très vifs débats, n'eût réveillé des passions politiques assoupies et qu'il est de l'intérêt du pays de voir disparaître. Ces craintes, je dois le dire, sont aujourd'hui dissipées. Le calme et la modération qui ont présidé jusqu'ici à cette discussion, les idées de rapprochement qui se sont manifestées de divers côtes de la chambre, sont une preuve éclatante que ces passions n'existent plus et qu'il n'est au pouvoir de personne de les faire renaître.

L'honorable ministre de l'intérieur nous a fait à deux reprises une déclaration spontanée. Il nous a dit qu'il serait heureux de se rallier au système, s'il en surgissait, qui consacrerait des garanties plus fortes d'impartialité. Cette déclaration de l'honorable ministre me donne l'assurance que le vote de la chambre ne sera pas un acte de majorité politique mais un acte intelligent de patriotique conciliation.

M. le ministre de l'intérieur nous a appelés à une discussion libre et sincère.

Il a dit, et plusieurs orateurs ont répété après lui, que s'ils avaient la conviction que le principe du projet de loi compromet, même de loin, une liberté constitutionnelle, ils rejetteraient ce principe, ils repousseraient un pareil projet. Eh bien, messieurs, je dois le dire, cette conviction, je l'ai vive et profonde, et mon devoir est d'essayer de la faire partager à la chambre.

Messieurs, après la révolution de février, on a compris que, pour désarmer les ennemis de notre monarchie de 1830, il fallait élargir nos libertés politiques, nos libertés administratives mêmes jusqu'aux limites extrêmes de la Constitution.

Nous avons fait la réforme électorale qui touche de bien près au suffrage universel.

Nous avons fait la réforme parlementaire en excluant des chambres les fonctionnaires publics, en excluant toute influence ministérielle et gouvernementale.

Nous avons adopté une réforme communale, par laquelle nous avons enlevé une prérogative accordée au pouvoir exécutif, par laquelle nous avons cru devoir refuser au pouvoir royal le droit de nommer son propre agent dans la commune, directement et sans limite.

Pour la liberté de la presse, par la Constitution nous avions aboli déjà le cautionnement, ce que bien peu de pays libres ont osé faire ; mais nous avons été plus loin, nous avons aboli le timbre des journaux et nous avons ainsi donné à la liberté de la presse une extension qu'aucun Etat parlementaire, qu'aucune République, je pense, ne lui a accordée jusqu'ici.

Voilà, messieurs, ce que nous avons fait dans l'ordre de ces libertés publiques.

Nous sommes en présence d'une autre grande liberté constitutionnelle, de la liberté d'enseignement.

Allons-nous aussi l'étendre, ou bien allons-nous la restreindre ? Allons-nous accomplir la réforme de l'enseignement supérieur d'après les idées démocratiques, libérales, qui ont présidé à toutes les réformes que je viens de rappeler? Allons-nous donner plus à la liberté, moins au gouvernement? Allons-nous obéir à cette pensée de noble orgueil qui nous a fait dire que nous n'avons à recevoir de leçons d'aucun pays du monde en fait d'institutions libérales?

Ou bien, allons-nous amoindrir cette liberté, affaiblir les garanties dont elle doit être entourée ? Allons-nous créer en Belgique un système d'enseignement supérieur qui, au point de vue de la collation des grades académiques, sera beaucoup moins libre, non seulement que le système pratiqué aux Etats-Unis et en Angleterre, mais que le système en vigueur dans les Etats allemands?

Messieurs, si nous adoptons le principe du projet du gouvernement ou celui du projet de la section centrale, qui en diffère peu, je dis que c'est la liberté que vous aurez restreinte, que c'est l'action du gouvernement que vous aurez augmentée; je dis que nous aurons fait précisément le contraire de ce que nous avons fait et pour la liberté électorale, et pour la liberté parlementaire, et pour la liberté communale, et pour fa liberté de la presse.

Nous serons plus libres qu’ailleurs pour toutes les autres libertés, nous serons moins libres pour celle de l'enseignement, et l'honorable M. Delfosse, si jamais, ce qu'a Dieu ne plaise, de nouveaux orages éclataient sur l'Europe, ne pourrait plus dire que : « La liberté pour faire le tour du monde n'a pas besoin de passer par la Belgique; » la liberté d'enseignement supérieur telle qu'elle est comprise dans les pays dont je viens de parler, devrait désormais passer par la Belgique ; elle devrait y conquérir la place que nous lui aurions refusée.

L'honorable M. Van Hoorebeke, dans un discours remarquable d'ailleurs, a nié ce fait de la supériorité, au point de vue libéral, des institutions de l'Angleterre et des Etats prussiens, en fait d'enseignement supérieur. Ce fait, je veux l'établir de nouveau.

Je n'ai besoin que de recourir aux faits que l'honorable membre lui-même a signalés dans son discours, pour démontrer la vérité de ce que j'avance. Je ne parle pas des Etats-Unis. M. le ministre de l'intérieur nous a rappelé hier qu'aux Etats-Unis il n'y a pas de grades pour l'exercice des professions libérales aux Etats-Unis; il y a émancipation complète des professions libérales, comme des professions industrielles. Là on est complètement débarrassé des difficultés qui nous occupent ici. Aux Etuis-Unis la liberté est complète, large, entière.

Quel est le système qui est appliqué, en Angleterre, à l'enseignement supérieur et à la collation des grades académiques ? En Angleterre, il y a deux universités, l'université de Cambridge et l'université d'Oxford. Mais veuillez bien remarquer, messieurs, que ce ne sont pas des universités de l’Etat; ce sont des corporations indépendantes et libres, des cités, comme on s'exprime en Angleterre, des cités qui ont même le privilège d'envoyer des membres au parlement. Ces universités ont le droit de conférer directement les grades académiques.

Mais on va plus loin : lorsqu'une université libre s'établit, cette université obtient le droit de conférer les grades, à la seule condition de posséder le cadre d'un enseignement supérieur et le personnel qui constituent réellement une université.

L'honorable M. Van Hoorebeke a rappelé qu'une université libre a été créée à Londres sous le patronage de lord Brougham, et qu'elle a demandé au parlement le droit de conférer les grades, en concurrence avec (page 1637) les universités de Cambridge et d'Oxford. Le parlement lui accorda sans hésiter ce bill d'incorporation. En Angleterre, on n'a pas songé à soulever l'objection que nous avons entendu faire ici, on n'a pas dit à cette université : « Je ne vous connais pas, je n'ai sur vous aucune surveillance ; je ne puis vous accorder une existence légale, officielle, » ce que M. Lelièvre a appelé, par un abus de mots, une personnification civile. Ces sortes de prétentions sont inconnues dans la Grande-Bretagne.

L'honorable M. Van Hoorebeke a dit que cette université libre de Londres n'avait pas prospéré, qu'elle était descendue à n'être plus qu'un simple pensionnat.

Je crois que ces renseignements ne sont pas entièrement exacts ; mais le fussent-ils, la question n'est pas là. Il importe peu de savoir si cette université est prospère ou non ; la question est de savoir quels droits on lui a conférés.

Voyons quel est le système en vigueur en Allemagne.

Je maintiens que, quoiqu'on Allemagne la liberté d'enseignement n'ait pas été proclamée, la liberté de l’enseignement supérieur est beaucoup plus grande que celle qui existera chez nous si le projet du gouvernement ou de la section centrale est adopté.

En Allemagne, les universités sont, à la vérité, rattachées au gouvernement par plus de liens que les universités anglaises; mais les universités allemandes, à certains points de vue, ont un caractère d'indépendance que n'ont à aucun degré les universités, telles qu'elles existent en France et en Belgique.

Ce sont des corporations libres à certains égards. Ou leur confère le droit de décerner les grades préparatoires et scientifiques ; le jury de Berlin et les commissions provinciales ne procèdent qu'à des examens pratiques et ne confèrent que les diplômes professionnels.

L'enseignement libre existe en Allemagne. Dans les universités, tous les cours sont dédoublés ; à côté des cours officiels, il y a des cours libres, donnés par des agrégés qu'on appelle des privat-docenten. Ces cours libres sont à l'égard des cours officiels, exactement ce que sont en Belgique les universités libres à l'égard des universités de l'Etat.

Quelle est la position des professeurs et des élèves de ces cours libres vis-à-vis des professeurs des cours officiels, par rapport à la collation des grades et des jurys? Une position de complète égalité. Les professeurs des cours officiels n'ont pas plus de droit que les agrégés de siéger dans les jurys d'examen. Les jurys sont des jurys professionnels et non politiques; le jury de Berlin est formé par des personnes appartenant aux professions libérales elles-mêmes ; au corps médical, pour les examens de médecine ; à l'ordre judiciaire, pour les examens de droit.

En présence de ces faits, je vous le demande à tous, comparez le système prussien à celui qu’on nous propose ici, et dites-moi de quel côté il y aura plus de liberté réelle; comparez-le avec le principe du projet du gouvernement, principe qui se résume ainsi : faculté pour le gouvernement, non seulement de nommer, sans limites ni garanties, les membres du jury, mais de régler tous les détails de l'organisation; négation du droit des institutions libres d'être représentées dans le jury au même titre et sur le même pied que les universités de l'Etat.

Messieurs, il me paraît hors de contestation que non seulement aux Etats-Unis et en Angleterre, mais même en Allemagne où la liberté d'enseignement n'est pas encore admise, les familles, les élèves trouvent plus de garanties pour les hautes études et pour l'accession aux professions libérales, que nous n'en posséderons si le projet actuel est adopté. Il y aura cette différence qu'en Belgique la liberté on la proclame, et là on en joui.

Je vous ai dit tout à l'heure, messieurs, que depuis la révolution de février surtout, nous avions élargi nos libertés politiques, que nous avions avancé; ici nous reculerions.

C'est avancer, selon moi, qu'il fallait faire; rien n'était plus facile que d'introduire la réforme dans l'enseignement supérieur et le jury d'après les mêmes idées larges, généreuses, libérales, qui ont présidé à toutes les autres réformes; c'était de créer des jurys non politiques.

Tous les antécédents de l'opinion libérale y conviaient, tout était préparé pour cela.

Je viens de dire que les antécédents de l'opinion libérale y conviaient : Je n'ai pas besoin d'apporter à l'appui des preuves nombreuses; le discours prononcé par l'honorable M. Orts m'en dispense ; il a rappelé ces antécédents, je puis les indiquer rapidement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je conteste cela. Les antécédents de l'opinion libérale sont en faveur de la nomination par le gouvernement.

M. Dechamps. - Vous ne devriez pas le contester; vous avez présenté un projet, comme ministre, en 1834, qui ne reposait pas sur la nomination par le gouvernement.

Trois fois les chambres ont été appelées à discuter la question des jurys universitaires, en 1835, en 1844 et en 1848.

En 1835 nous étions en présence du projet présenté par M. Rogier: d'après ce projet le jury eût été non politique, formé, en majorité, par des corps indépendants : la cour de cassation, l'Académie belge et les commissions médicales ; les professeurs des universités n'y figuraient qu'en minorité. En 1835, trois systèmes furent présentés dans la discussion, par les trois principaux organes des différentes nuances du libéralisme parlementaire : MM. Devaux, H. de Brouckere et Gendebien ; ces trois systèmes avaient un principe commun, celui des jurys non politiques. Ces jurys devaient être formés, en nombre égal, par les professeurs des universités de l'Etat et par les professeurs des universités libres.

A cette époque, on n'avait pas fait encore la découverte de cette prétention toute nouvelle de ne reconnaître aux institutions libres aucune espèce de droit légal à concourir à la formation des jurys.

En 1844, l'honorable M. Nothomb présenta un projet de loi où la nomination des jurys était, à la vérité, attribuée au gouvernement; mais veuillez le remarquer, cette faculté était tempérée par la garantie, écrite dans la loi de l'égalité de représentation dans le jury des quatre universités existantes.

Cette garantie fut jugée insuffisante par la majorité; elle fut acceptée par la minorité.

Mais le gouvernement, en 1844, prétendait-il revendiquer la nomination du jury comme une prérogative royale, comme une chose administrative rentrant dans les attributions du pouvoir exécutif ? Aucunement. « Il m'est impossible d'admettre, disait l'honorable M. Nothomb, que dans le droit public belge il s'agisse ici d'une prérogative du pouvoir royal. »

« La prérogative royale disait M. Lebeau, n'a pas à revendiquer la nomination du jury. Si la chambre le lui accorde, ce n'est pas qu'elle reconnaisse ce droit comme conséquence de la prérogative, mais parce qu'elle reconnaîtra que, provisoirement du moins, c'est le meilleur de tous les moyens. »

Ainsi, en 1844, on ne réclamait pas la nomination par l'Etat, comme un principe, mais comme le meilleur moyen pratique, en attendant mieux.

Prétendait-on confier cette faculté au gouvernement sans limites, sans reconnaître aucun droit d'égale représentation aux professeurs des universités libres comme aux professeurs des universités de l'Etat? Non, messieurs, et la preuve, c'est que la minorité acceptait cette garantie écrite dans le projet de M. Nothomb.

L'honorable M. Orts vous a cité plusieurs passages de discours prononcés, à cette époque, par des hommes considérables de la chambre actuelle, et qui prouvent que cette garantie on la voulait sérieusement.

A ces citations je n'en ajouterai qu'une, elle appartient à l'honorable M. Verhaegen.

L'honorable M. Verhaegen, en 1844, a défendu chaudement le principe du projet du gouvernement, mais il déclara que si ce projet n'avait pas renfermé le principe d'une égale représentation des établissements existants, dans le jury, il aurait repoussé ce projet.

On avait fait une objection à l'honorable M. Verhaegen. On lui avait demandé : Comment ! vous qui avez refusé d'attribuer au gouvernement la nomination du bourgmestre en dehors du conseil communal, pouvez-vous lui accorder l'attribution bien autrement importante de nommer le jury d'examen? L'honorable M. Verhaegen répondait : J'ai donné au pouvoir royal la faculté de nommer le bourgmestre, mats avec une garantie pour la liberté communale; aujourd'hui, je lui accorde la faculté de nommer le jury, mais avec une garantie pour la liberté d'enseignement.

En 1848, l'honorable M. Rogier nous a présenté un projet pour régler le mode de nomination du jury d'examen pour une année; ce projet renfermait précisément le même principe que l'on cherche aujourd'hui à faire prévaloir. Eh bien ! messieurs, ce projet, rejeté par la section centrale, le fut aussi par la chambre, par la majorité issue des élections du 8 juin. Et pourquoi la chambre et la section centrale ont-elles repoussé ce projet du gouvernement ?

Ecoutons ce que disait l'honorable M. de Brouckere, organe de la section centrale. L’honorable M. de Brouckere déclare « que l'opposition que le projet a rencontrée avait été particulièrement excitée par l'exposé des motifs qui repousse, dit-il, d'une manière si explicite tout droit, toute espèce d'intervention de la part des universités libres.» Voilà pourquoi la section centrale repoussait le projet : pour un principe déposé dans l'exposé des motifs et non pas pour un article de loi, comme il s'agit aujourd'hui.

« Pour moi, disait l'honorable M. Verhaegen en 1848, il est évident qu'en attribuant au gouvernement la nomination des membres du jury universitaire, sans entourer cette nomination d'aucune garantie, c'est porter atteinte à la liberté, et je crois superflu d'entrer, à cet égard, dans des développements. Une liberté sans garanties n'est qu'une tolérance, et réduire à une simple tolérance l'existence des universités libres, c'est tuer la liberté d'enseignement. »

Messieurs, ces paroles énergiques et justes, j'en suis convaincu, notre honorable président ne les désavoue pas; elles restent les siennes, et elles exerceront toute leur influence sur vos esprits.

Les antécédents que je viens de rappeler prouvent donc que tout était préparé pour introduire dans le jury universitaire une réforme facilement acceptable pour toutes les opinions. Il fallait pour cela entrer plus avant dans la voie des jurys non politiques; il fallait entrer plus avant dans la voie des principes défendus, en 1835, en 1844, en 1848, par MM. Rogier, Devaux, Gendebien, de Brouckere, Delehaye et Verhaegen.

Messieurs, je vous le demande, sommes-nous si déraisonnables, sommes-nous si exigeants, en nous déclarant prêts à nous rallier au principe de ces systèmes, et ne le seriez-vous pas, si vous vous y refusiez, si vous repoussiez aujourd'hui le principe qu'hier vous acceptiez par vos organes avoués, et si, majorité, vous manquiez à vos engagements d'opposition?

(page 1638) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ai tenu mes engagements.

M. Dechamps. - Veuillez ne pas m'interrompre.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous venez de dire que j'avais manqué à mes engagements. Il m'importe de détruire cette erreur. Mes antécédents sont là. J'ai toujours soutenu le système que je défends aujourd'hui.

M. Dechamps. - Je réponds à ceci que vous avez présenté, en 1834, un projet qui repose sur un principe contraire à celui que vous voulez faire admettre aujourd'hui; ce principe était celui d'un jury non politique ; je réponds encore que vous avez accepté, en 1841, les garanties du projet de M. Nothomb que vous n'acceptez plus. Voilà vos antécédents.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Nous vous avons offert en 1844 une transaction que vous avez refusée.

M. Dechamps. - Ce n'est pas une raison pour que vous l'abandonniez.

La section centrale, a dit l'honorable M. Delfosse, refuse d'inscrire dans la loi une seule ligne, un seul mot qui pourrait donner aux établissements libres le droit de concourir, d'une manière quelconque, directement ou indirectement, à la composition du jury d'examen.

Messieurs, ceci me paraît un peu impérieux et absolu. Et pourquoi donc refuse-t-on ce droit? On refuse ce droit, parce que vous ne devez pas, dit-on, accorder une reconnaissance légale aux institutions libres, parce que vous ne leur devez rien au-delà de la liberté d'enseigner.

Vous devez plus : vous leur devez l'impartialité, en principe, dans le mode d'organisation et de nomination du jury d'examen. Vous leur devez l'égalité de tous les élèves devant le jury. Mais cette impartialité, cette égalité, ce sont précisément les garanties légales que vous prétendez refuser.

Messieurs, c'est une erreur profonde et qui, paraît-il, est partagée par plusieurs de nos collègues, c'est une erreur profonde que de croire que les universités de l'Etat sont, à l'égard du jury d'examen, dans une autre position, ont d'autres droits que les universités libres. Le jury d'examen n'a pas été créé pour les universités de l'Etat, plutôt que pour les universités libres. Il domine les hautes études du pays.

Il y a plus, le jury d'examen, qui est né le jour où est née la liberté d'enseignement, a été institué précisément lorsqu'une université libre s'est élevée.

Si des universités libres n'avaient pas été établies, on n'aurait pas songé à créer un jury d'examen; on aurait continué aux universités de l'Etat le droit de conférer des grades. C'est donc surtout pour les universités libres, pour l'enseignement libre que le jury a été créé. Et par un singulier renversement d'idées, c'est le droit des universités libres qui est dénié, c'est le droit des universités de l'Etat qu'on veut seul consacrer par la loi.

Il est donc clair que les universités libres, à l'égard du jury, sont tout aussi légales que les universités de l'Etat, qu'elles ont le même titre que ces dernières à être reconnues par la loi ; les positions sont les mêmes, les droits sont les mêmes. Leur titre à l'existence est puisé à une source plus élevée que la légalité, il est puisé dans la Constitution. C'est cependant ce que l'on nie dans l'exposé des motifs du projet et dans le rapport de la section centrale; c'est par cette seule raison, qui n'est qu'une confusion d'idées, que l'on n'a pas voulu écrire dans la loi le système indiqué dans l'exposé des motifs.

Messieurs, je vais plus loin; je dis que s'il était vrai que l'on dût refuser ce droit de concourir légalement à la formation du jury, aux universités libres, il serait vrai aussi que l'on pourrait leur refuser ce droit administrativement. Pourquoi, en effet, ne veut-on pas reconnaître un titre légal aux universités libres, à être représentées dans le jury d'examen?

Parce que, dit-on, on ne les connaît pas; parce que l'Etat n'exerce sur elles aucune surveillance, aucun contrôle, qu'elles ne lui offrent aucune garantie. Eh bien, messieurs, un ministre, s'emparant de ces principes, ne pourra-t-il pas dire : Je ne veux pas plus reconnaître l'existence officielle des universités libres, par arrêté royal, que les chambres n'ont voulu la reconnaître par la loi.

Les universités libres n'ont pas plus de droit à l'impartialité administrative qu'elles n'en ont à l'impartialité légale.

Messieurs, il est un point que je signale à votre attention, pour vous prouver combien le principe de ne pas vouloir inscrire dans la loi, non seulement le mode de nomination, mais même le mode d'organisation du jury, combien ce principe résiste peu à l'examen,

M. le ministre demande à pouvoir régler l'organisation du jury d'examen par voie administrative et, en même temps, il a eu la franchise, et je l'en honore, de dire dans l'exposé des motifs comment il compte user du pouvoir qu'il sollicite. Il a dit quel est le système qu'il compte appliquer administrativement. C'est le système d'un jury fractionné et ambulant, substitué au système d'un jury central. Ce système, je ne l'examine pas, je dois même déclarer que si je préfère un jury central, au point de vue des études, je dois reconnaître cependant que le système présenté dans l'exposé des motifs n'est pas, certainement, au point de vue de la liberté, le plus mauvais qu'on ait présenté.

Toutefois, je le répète, je ne veux pas examiner maintenant cette question. Je pose un fait ; d'après la discussion qui a eu lieu dans les sections, je dois croire que si ce système était soumis au vote de la chambre, une assez faible minorité se lèverait pour l'appuyer.

Eh bien, ce système que vous n'adopteriez pan, vous donneriez cependant au gouvernement le droit d'en faire l'expérience pendant trois années.

Messieurs, pour en être venus à ne considérer le jury d'examen ; cette haute magistrature delà science, pour en être venus à ne le considérer que comme une affaire d'administration, rentrant, avec la voirie et les cours d'eau, dans les attributions du pouvoir exécutif, il a fallu se faire une bien étrange idée et du caractère et de la mission du jury d'examen, et surtout de la liberté de l'enseignement.

Vous croyez qu'il suffit, pour que la liberté d'enseignement soit respectée, que nul ne soit privé, comme le dit la section centrale, du droit d'enseigner, que chacun soit libre d'ériger une école primaire, un collège, une université !

M. Delfosse. - Et qu'il y ait un jury impartial.

M. Dechamps. - Il ne l'est pas dans votre système. Je comprendrais cette doctrine dans les pays où il n'existe pas d'enseignement de l'Etat. En Angleterre, par exemple, l'Etat n'a ni écoles primaires, ni collèges, ni universités fondés à ses frais, dirigés par lui. Les hommes d'Etat de l'Angleterre, de cette nation qui nous a précédés dans l'éducation, professent hautement cette doctrine que l'honorable M. Lelièvre trouve si singulière, si exorbitante, qu'on ne doit admettre l'intervention de l'Etat que pour encourager, subsidier les institutions libres.

Dans un pays comme l'Angleterre où il n'y a pas d'enseignement de l'Etat, on pourrait dire avec vérité que la liberté de l'enseignement est respectée quand nul n'est privé du droit d'enseigner. Mais dans un pays comme le nôtre, comme la France, où l'on a admis un enseignement organisé aux frais de l'Etat, à tous ses degrés, il est une condition essentielle sans laquelle la liberté de l'enseignement peut être écrite dans la Constitution, mais cessera d'exister en fait; cette condition, c'est qu'il n'y ait aucun privilège, aucune faveur pour l'enseignement de l'Etat, au détriment de l'enseignement libre; c'est que l'intervention de l'Etat n'ait uniquement pour but que de maintenir à un niveau élevé l'instruction et la science, et de stimuler les institutions privées, pour les maintenir à la hauteur de ce niveau; jamais il ne faut que la concurrence de l'Etat ne devienne écrasante ou privilégiée de manière à interdire l'usage de la liberté d'enseignement.

Admettons, par exemple, une hypothèse que je veux croire improbable, l'hypothèse d'un jury universitaire partial; je ne parle pas d'un jury qui agisse d'une manière partiale, je parle d'un jury où les professeurs des universités de l'Etat aient la prépondérance sur les professeurs des universités libres.

Or, je suppose un moment l'existence d'un tel jury dont le projet de loi admet la possibilité, et je vous le demande, n'est-il pas vrai que l'existence des universités libres serait dès ce moment compromise?

Les familles seraient forcées de choisir pour leurs enfants les universités qui leur assurent l'accès aux professions libérales et d'abandonner celles qui ne le leur assurent pas. Cependant la faculté d'enseigner ne serait retirée à personne, et les honorables MM. Delfosse et Lelièvre pourraient écrire sur les portes fermées de ces universités désertes : « Nul n'est privé du droit d'enseigner ici. »

Messieurs, si j'étais gouvernement, si je n'avais qu'un amour douteux pour la liberté d'enseignement, et si je professais les principes que je combats, rien ne me serait plus facile que d'anéantir complètement cette liberté, tout en protestant d'un profond respect pour elle. Le projet propose de laisser au libre choix du gouvernement la nomination du jury universitaire et d'un jury pour l’enseignement institué pour conférer le grade d'élève universitaire.

J'attire un moment l'attention de la chambre sur ce point important : en adoptant le grade d'élève universitaire et la faculté pour le gouvernement d'instituer un jury pour la collation de ce grade auquel, du reste, je ne suis pas opposé, c'est le jury de l'enseignement moyen que l'on établit.

Ce jury, placé à la sortie du collège et au seuil des universités, ouvre ou ferme l'entrée de celles-ci aux élèves qui se destinent aux études supérieures.

Eh bien, il suffirait au gouvernement, comme le projet l'y autorise, d'accorder aux professeurs de ses universités la prépondérance dans le jury supérieur, pour tuer les universités libres; il lui suffirait d'accorder cette prépondérance, dans le jury de l'enseignement moyen, aux professeurs des futurs athénées de l'Etat, pour tuer les écoles moyennes libres, et pour compléter cette œuvre de destruction, il suffirait de faire reposer les écoles primaires de l'Etat, largement dotées, sur la gratuité.

Dites-le-moi, messieurs, n'aurait-on pas organisé le plus vaste monopole qui puisse être rêvé? Et ce monopole, d'après les idées que je combats, on l'appellerait la liberté !

Messieurs, on confond généralement, et hier M. le ministre de l'intérieur m'a semblé faire lui-même cette confusion, on confond généralement le jury universitaire, tel qu'il existe en Belgique, avec un simple jury professionnel.

M. le ministre de l'intérieur a dit hier : « Mon Dieu, cette question, il ne faut pas trop l'agrandir; de quoi s'agit-il? Il s'agit de conférer des grades pour l'exercice de certaines professions. »

C'est là une erreur. Cela serait si le jury ne conférait que des diplômes professionnels. Mais notre jury est tout à la fois professionnel, scientifique, et si les nominations sont politiques, il sera, en même temps (page 1639) politique. Notre jury domine toutes les hautes études, il est le programme vivant du l'enseignement supérieur et il sera le programma vivant de l’enseignement moyen lorsqu'on aura établi le grade d'élève universitaire.

Les élèves étudient bien plutôt en vue du jury qu'en vue des leçons du professeur, et dès lors le jury a véritablement la haute direction de l'enseignement.

Lorsque M. Nothomb a appelé le jury : « le gouvernement de l'enseignement supérieur, » il n'a rien exagéré; on pourra ajouter que c'est le gouvernement de l'enseignement moyen.

Le pouvoir qui possédera le droit absolu de nommer ces jurys et de les organiser, sera manifestement le maître de l'enseignement.

Mais, dit-on, et c'est la seule objection que j'aie rencontrée dans le rapport de la section centrale, objection reproduite par divers orateurs, le gouvernement nomme aux emplois publics; or il s'agit ici d'un acte de la puissance publique : pourquoi le gouvernement ne nommerait-il pas les membres du jury, comme il nomme aux fonctions publiques?

M. Delfosse, rapporteur. - Le rapport ne dit pas cela.

M. Dechamps. - C'est le sens de votre objection, et du reste plusieurs orateurs l'ont reproduite.

On demande pourquoi le gouvernement, qui nomme les fonctionnaires publics, ne nommerait pas aussi les membres du jury d'examen. Messieurs, la raison en est bien simple : d'abord les membres du jury n'exercent pas des fonctions publiques dans le sens ordinaire du mot ; c'est ce que personne ne contestera. Mais il y a plus, le jury prépare, non pas aux fonctions administratives que le gouvernement confère, mais aux professions libérales, qui relèvent, non pas du gouvernement, mais de la confiance des familles; le jury propose aux fonctions judiciaires qui sont indépendantes par l'inamovibilité.

Quand il s'agit de fonctions administratives, je comprends parfaitement pour le gouvernement le droit de dire : « Vous voulez être ingénieur des mines, ingénieur des ponts et chaussées, et, comme on l'a dit hier, officier de l'armée; vous passerez non seulement par un examen administratif, mais même par mes écoles spéciales; vous passerez par l'école militaire, par l'école du génie civil, par l'école des mines. » Il ne s'agit pas là de la liberté de l'enseignement; le gouvernement a le droit n'exiger des conditions spéciales lorsqu'il s'agit de conférer les fonctions administratives.

Mais, messieurs, lorsqu'il s'agit du barreau, de la médecine, des professions libérales, de la magistrature, le jury est-il aussi une commission administrative et ministérielle? Mais non ; il est lui-même une magistrature, c'est le jury, c'est le haut tribunal de la science, et il doit être libre et indépendant de la même manière que la magistrature et les professions libérales le sont elles-mêmes.

Messieurs, l'erreur dans laquelle on est sans cesse tombé doit vous apparaître maintenant dans tout son jour.

On a parlé de la responsabilité du gouvernement, mais je vous demanderai, messieurs, si la responsabilité du gouvernement suffit, pourquoi avez-vous repoussé toute intervention du gouvernement dans la nomination du grand jury criminel, dans la nomination du jury institué pour connaître des délits de presse? Pourquoi la Constitution a t-elle refusé au gouvernement d'intervenir dans la nomination des ministres des cultes? Pourquoi, malgré la garantie de l'inamovibilité, les nominations dans l'ordre judiciaire sont-elles entourées de tant de réserves, de restrictions et de garanties ?

Pourquoi, à l'égard de la liberté communale, liberté plutôt administrative que politique, avez-vous refusé an gouvernement le droit de nommer sou propre agent dans la commune?

Pourquoi ? Parce que toutes ces nominations touchent à de grands intérêts politiques, touchent à des libertés constitutionnelles. Mais la liberté de l'enseignement n'est-elle donc pas un grand intérêt politique, l'une de nos plus précieuses libertés constitutionnelles ?

A mon tour, je vous ferai une demande : Expliquez-moi comment il se ferait qu'on ne fût libéral, dans tous ces ordres de liberté que je viens d'indiquer, qu'à la condition de prendre de continuelles précautions contre le pouvoir, d'entourer toutes ces libertés de restrictions et de jalouses garanties, et comment il se ferait qu'on fût en même temps libéral, lorsqu'il s'agit de l'enseignement, en augmentant sans cesse l'action du pouvoir, en diminuant l'action de la liberté ?

Messieurs, il faut trois choses pour que la liberté d'enseignement reste vraie: jury impartial, jury indépendant, égalité des professeurs et des élèves devant le jury central.

L'impartialité ne doit pas être une simple impartialité de fait ; elle doit résider dans le principe même de la loi. Il ne faut pas une impartialité précaire, variable, celle qu'on espère obtenir du bon vouloir d'un ministre, ou que l'on craint de se voir refuser ; il faut une impartialité certaine, durable, telle que des ministres qui passent ne donnent pas, telle que les institutions seules peuvent donner.

Il faut que les professeurs des universités libres soient sur le même pied d'égalité que les professeurs des universités de l'Etat, vis-à-vis du jury, et les élèves de l'enseignement libre doivent être dans les mêmes conditions d'admissibilité aux professions libérales que les élèves des établissements de l'Etat.

Or, pour que le jury soit impartial, il ne faut pas qu'il soit politique. « Jury politique et jury partial, sont des mots synonymes, » a dit l'honorable M. Lebeau en 1844.

Vous avez déclaré le jury partial, lorsqu'il était nommé par les majorités parlementaires. J'ai soutenu cette même opinion on 1844. Mais peut-on nier que le jury, confié à la nomination du gouvernement comme une chose d'administration, ne soit tout aussi bien un jury politique ? que le gouvernement, plus directement responsable, sera en général plus modéré dans l'application qu'une majorité parlementaire , je veux bien l'admettre; mais un ministère n'est-il pas issu de cette majorité; n'en est-il pas l'expression vivante ; n'en reçoit-il pas inévitablement l’impulsion ; n'obéit-il pas aux mêmes influences que le parti qu'il représente ?

La présomption de partialité se rattache aux nominations du gouvernement de deux chefs. D'abord, parce que le gouvernement représente un pouvoir, on l'a assez proclamé, un parti politique; parce que la question de l'enseignement est, à certain point de vue, une question politique ; parce que le jury, nommé par le gouvernement, sera nécessairement un jury politique.

En second lieu, parce que c'est le gouvernement qui a fondé les universités de l'Etat, qui en institue les professeurs, qui en est le grand maître et qui préside ainsi à la concurrence que ces universités font aux universités rivales.

Messieurs, il n'est pas un seul des arguments employés en 1844 pour combattre le système de la nomination par les chambres, qu'on ne puisse opposer victorieusement au système du projet de loi.

En 1844, on a reproché aux chambres d'avoir usurpé les attributions du pouvoir exécutif, en intervenant dans la nomination du jury ; cela est contestable; mais ce qui ne l'est pas, c'est que si vous accordez au gouvernement et le droit de nommer et celui d'organiser le jury, c'est-à-dire de faire une loi organique par essence, vous aurez posé le principe de l'usurpation des attributions du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif.

Mais, dit-on, vous avez, comme garantie, la responsabilité du gouvernement. Sa responsabilité ? Mais envers qui ? envers sa majorité parlementaire, politique, qui, comme l'a dit l'honorable M. Orts, ne le blâmera jamais d'avoir fait des choix politiques; responsabilité envers une majorité à laquelle vous avez refusé le droit d'intervenir dans la nomination du jury, parce que vous la présumiez partiale.

Je comprends la responsabilité du pouvoir à l'égard d'actes appréciables, susceptibles d'être soumis à une discussion publique. Mais responsabilité à l'égard de nominations dans l'ordre de la science, où la critique ne peut porter que sur la capacité, le caractère personnel des membres du jury, cette responsabilité aucun contrôle ne peut l'atteindre, c'est une fiction.

La section centrale l'a très bien compris, et elle vous propose de n'établir qu'un jury temporaire, à renouveler au bout de trois ans. Pourquoi la section centrale a-t-elle fait cette concession? Parce qu'elle a compris que le seul moyen de ne pas rendre par trop illusoire la responsabilité du gouvernement, c'était d'appeler la chambre à se prononcer périodiquement sur la manière dont le gouvernement aura usé de ses pouvoirs. N'est-ce pas là la condamnation la plus expresse du principe du projet de loi ?

Comment ! nous discutons les principes d'une loi organique qui ne vit que de stabilité, et vous êtes obligés, entraînés par la force même des inconvénients du système, à faire reposer votre loi sur le principe même de l'instabilité !

En résumé, j'avais donné la préférence à un jury formé complètement en dehors des influences politiques, ministères ou majorités ; j'aurais voulu qu'on débarrassât une bonne fois la politique du pays de ces questions quelquefois irritantes, toujours difficiles.

Je suis convaincu que le système présenté au nom de plusieurs facultés de l'Université de Bruxelles, et défendu avec un talent si remarquable, par un honorable professeur, M. Roussel, dans la brochure que vous avez tous lue, je suis convaincu que ce système devra prévaloir dans l'avenir; c'est l'élection des jurys par les corps universitaires, avec des garanties que je désire cependant plus complètes pour les études solitaires et privées.

Je donnerai mon vote à tout amendement qui enlèvera au jury son caractère politique, et qui donnera à l'enseignement libre des garanties sincères et vraies.

Je ne m'opposerai pas même absolument à la nomination par le gouvernement, comme transaction et comme transition, mais à la condition qu'à côté de cette faculté donnée au gouvernement on placera les droits des universités libres, des conditions réelles d'impartialité, et en nous en remettant, pour garantir une liberté constitutionnelle, non pas à un pouvoir variable et politique, mais aux institutions qui ne changent pas.

M. Destriveaux. - Messieurs, j'aborde la question en discussion, en la considérant, quant à moi, comme complètement neuve. Je suis étranger à tous les faits de discussions et d'amendements qui se sont présentés dans différentes occasions, à différentes époques, au sein de la chambre où j'ai l'honneur de siéger. Je m'abstiendrai de juger ce que l'on a dit, ce que l'on a fait. Mais n'ayant jamais parlé, n'ayant pas d'acte qu'on puisse m'attribuer, j'aurai du moins cet avantage qu'on ne pourra m'opposer aucun changement de système, aucune variation dans mes opinions, aucune variation dans leur application.

La loi fondamentale, qui est aujourd'hui notre garantie constitutionnelle, renferme l’expression formelle des différentes libertés qu'on doit placer au premier rang : liberté d'association; liberté de la presse ; liberté des cultes ; liberté d'enseignement.

(page 1640) Les deux premières ne sont pas aujourd’hui directement en question.

La libellé des cultes, je ne dois m'en occuper que transitoirement. Ce que j’en dirai ne sera pas long. Je ne veux que suivre un orateur que la chambre a entendu avant moi, pour relever quelques expressions qui lui sont échappées dans l'improvisation.

Là question des cultes n'est pas directement soulevée dans le débat qui nous occupe. On ne conteste à aucun culte la liberté entière d'enseigner ses dogmes, et les principes de morale qui s'y rattachent.

La morale chrétienne est moins attaquée que toute autre que ce soit. Elle est admirable dans ses prescriptions, dans son expression comme dans son principe. Elle doit être catholique, c'est à-dire universelle, parce qu'elle convient à tous les peuples, à toutes les époques de leur existence, à toute espèce de civilisation, aux uns pour les soutenir, aux autres pour les tirer de leur erreur, pour les relever de leur abaissement. Qui donc aujourd'hui voudrait en contester la légitimité? Personne. On peut ne pas partager toutes les croyances, ne pas admettre tous les dogmes. La conviction, pour laquelle nous ne sommes pas toujours libres, peut se refuser à telle ou telle prescription, à tel ou tel dogme, devant lesquels on s'arrête. Mais la morale reste. Les dogmes ne peuvent être réglés par l'Etat ; l'Etat doit régler la morale, ou plutôt il doit en appliquer les principes ; il doit la respecter, parce qu'elle contient tout, se rattache à tous les droits, et en légitime l'existence.

Il serait impossible que, dans l'enseignement même public, ou dans l'enseignement privé, on put se dispenser de développer les principes de cette morale. Ou ne peut y échapper. Il n'y a pas de véritable morale générale, contraire à elle. On peut l'enseigner partout. C'est un devoir. Mais la partie dogmatique, l'Etat doit la respecter : tout Etat en général, et le nôtre en particulier.

Il a reconnu, proclamé la liberté des cultes ; il lui est donc interdit de s'attacher à un dogme particulier, de le préférer à d'autres.

Aux ministres des cultes appartient la définition des dogmes, la démonstration de leur vérité, de leur excellence. C'est là une attribution qui appartient exclusivement au corps sacerdotal, non pas à un corps unique, mais à tous les corps sacerdotaux pour leurs dogmes respectifs.

Le prêtre a des devoirs à remplir comme citoyen. Mais, entrant dans le sacerdoce, il y échappe pour la partie qui lui est confiée. C'est ce qui a fait dire que le prêtre devait rester à l'autel, non pas matériellement considéré, mais pris figurément pour exprimer son ministère. Voilà où réside la sainteté, la pureté du sacerdoce ; voilà où sont toutes ses garanties. Voilà où il est respectable, et commande, à quelque culte qu'il appartienne, une juste déférence. C'est ainsi qu'on a dit que le prêtre doit rester attaché à l’autel ; il ne doit pas le quiller, surtout pour entrer dans le partage des passions pour figurer sur la place publique, se mêler à tous les intérêts, à toutes les discussions qui agitent les esprits, par son influence chercher à diriger les élections, entrer activement dans tous les faits qui les précèdent et qui sont de nature à entraîner les votes. Alors le sacerdoce, désertant son ministère, n'a plus droit aux mêmes égards; il se ravale plus que le citoyen, car si le citoyen abdique une partie de sa dignité, en se livrant à de telles influences, si on les juge dans les autorités publiques, dans les autorités civiles, un abus de leurs fonctions, à plus forte raison doit-on les condamner quand un ministère sacré, pesant sur les consciences, veut s'emparer du faible qu'il rencontre et le faire agir au profit de certains intérêts.

Ainsi lorsqu'on a parlé du prêtre pour l'attacher à son saint ministère, ce n'est pas pour l'abaisser, mais pour relever sa dignité, pour lui conserver sou caractère respectable aux yeux de tous.

Abandonnant ce sujet dans lequel j'ai été obligé d'entrer, j'arrive à la question principale qui nous occupe.

L'enseignement fait le sujet de la disposition de l'article 17 de notre loi fondamentale. Il résulte des dispositions de cet article que l'enseignement est considéré sous deux aspects, l'enseignement libre qui peut être pratiqué indépendamment de toute précaution préventive, qui peut être pratiqué indépendamment de toute espèce de surveillance de l'Etat et sous le rapport de la nature des études et sous le rapport de la direction qu'on leur donne, sous le rapport moral, comme sous le rapport politique. Cet enseignement est certainement placé dans des conditions de liberté qu'on ne peut pas trouver trop bornées ; ses limites sout larges; elles s'étendent pour ainsi dire à l'infini.

L'enseignement donné aux frais de l'Etat est soumis à des conditions plus sévères; l'Etat nomme les professeurs, règle les cours, les programmes, la direction qu'il exerce sur le personnel du corps enseignant ne va pas jusqu'à commander aux convictions ; il s'en rapporte à la sagesse de ceux qui sont chargés de répandre la science; il leur montre une noble confiance parce qu'il a lieu de penser que ceux à qui il a confié un ministère aussi élevé répondront à li confiance dont ils sont l'objet.

On a dit que la liberté de l'enseignement n'était pas assez étendue ; on a trouvé que nous, qui depuis la révolution de février dans un pays voisin étions entrés avec tant d'ardeur dans le champ des grandes libertés politiques, nous allions faire un pas rétrograde quand il s'agissait de la liberté d'enseignement.

Nous avons détruit bien des barrières, éloigné bien des limites; le cens électoral a été abaissé; on a enlevé à l'action directe de l'autorité centrale que je n'appellerai pas la prérogative, mais la faculté de la nomination de plusieurs agents, on a été bien près du suffrage universel dans les élections ; mais quand il s'est agi de l’enseignement, on ne s'est pas arrêté, on a rétrogradé, on a dédaigné l'exemple que nous donnent différents peuples à quelques-uns desquels on doit accorder un grand sentiment, une grande pratique de la liberté politique.

Je suis assez peu touché des exemples qu'on cherche ou qu'on rencontre dans les pays dont les institutions politiques, les mœurs, le caractère ne sont pas identiques avec les nôtres. Je crains toujours ces recherches d'exemples, ces applications trop générales et souvent inconsidérées qu'on veut en faire. On a cité l'Amérique; l'enseignement y est libre, mais toutes les professions y sont également libres. Veut-un qu'un homme puisse exercer en Belgique la profession d'avocat, de médecin, soit apte à recevoir et à exercer les fonctions judiciaires sans aucune espèce d'examen ou de précaution préalable? Voulez-vous imiter l'Amérique? Proposez le suffrage universel, proposez l'abolition de la royauté, la nomination d'un président responsable, ainsi que ses ministres, et criez : Vive la liberté ! Vous reculerez vous-mêmes ici...

On a cité l'exemple de l'Allemagne. On n'a pas tout dit quand on a dit l'Allemagne. Qu'est-ce que l'Allemagne? Je n'oserais pas dire ce que l'Allemagne est, a été ou sera ; j'avoue que la forme d'existence politique de l'Allemagne m'échappe ; je n'ai pas assez de perspicacité pour juger ce qu'elle est, et encore moins pour prévoir ce qu'elle sera.

On a cité la Prusse ; cela a été bien démontré, il y a une liberté pour l'enseignement. Mais ce n'est pas la liberté que vous voudriez avoir, la liberté complète de la collation des titres propres à exercer par la suite; je ne sache pas qu'on ait donné les mêmes droits semi-politiques à des établissements privés, comme on voudrait le faire ici. L'Allemagne a-t-elle trouvé dans ses institutions toutes les garanties que nous trouvons dans les nôtres? Nous ne sommes pas libres dans l'enseignement, dit-on; mais quel est celui qui ne peut pas enseigner ce dont il a la conviction? Quel est celui qui, après avoir cherché la vérité et croyant l'avoir découverte, n'a pas le droit de l'enseigner? Où donc a-t-on été chercher toutes ces doctrines qui ont passé dans nos institutions sans les ébranler, sans troubler un seul instant cette paix qui nous vaut le respect et l'admiration de l'Europe en présence de tant de nations agitées, désolées par les recherches auxquelles elles se livrent.

Messieurs, on a cité l'Angleterre. L'Angleterre, a-t-on dit, est un pays où les universités ont des statuts particuliers. Eh bien, messieurs, voulons-nous chercher la liberté dans le privilège? Si l'on vous proposait aujourd'hui de faire des universités dans le pays comme il y en a à Londres, si l'on proposait, par exemple, de donner à l'université de Liège, à l'université de Gand, le privilège d'envoyer des députés dans cette chambre, trouverait-on que c'est un acte de prudence, que c'est un acte raisonné de liberté et pourrait-on prendre pour exemple de l'organisation de notre enseignement, des établissements dans lesquels on trouve de pareilles choses?

L'Angleterre est un pays très bon à imiter dans sa haute administration; mais dans ses établissements, dans les établissements politiques qui remontent à une époque plus ou moins reculée, l'Angleterre n'est pas toujours un pays fertile en bons enseignements et surtout un pays très utile à imiter.

Prenons, messieurs, la composition parlementaire de l'Angleterre. Eh bien, la chambre haute, comme on l'appelle par opposition à la chambre basse, de quels éléments est-elle composée ? Quelles sont les conditions d'élection? Que l'on nous propose aujourd'hui d'établir un sénat dont le nombre de membres ne serait pas limité, dont une partie serait héréditaire, dont une partie serait à titre viager, dont une partie serait temporaire, et qu'on vienne nous dire : Mais l'Angleterre, ce pays si puissant, ce royaume qui domine le monde entier, qui impose d'un côté la loi à 150 millions d'âmes, et de l'autre donne la loi à 25 ou 26 millions d'habitants, l'Angleterre a une chambre haute ainsi composée.

Messieurs, l'Angleterre a des mœurs politiques qui valent mieux que quelques-unes de ses institutions ; mais nous ne voulons pas tout imiter, parce qu'en imitant, nous fausserions nos véritables idées, nous fausserions nos intérêts.

Messieurs, une question pour ainsi dire préalable s'est présentée à l'esprit d'un honorable membre qui siège dans cette assemblée. On a dit : La multiplicité des établissements d'enseignement est-elle utile? On n'a pas répondu d’une manière générale, mais on a appliqué la réponse aux universités de l'Etat. On a dit : Deux universités, c'est un nombre trop grand, à supposer que deux fassent nombre. Deux universités, c'est une superfétation; il y en a trop. Et on a présenté, pour parvenir à convertir la dualité en une unité, différentes observations.

On a dit d'abord : Nous sommes dans un temps où les besoins renaissent sans cesse, où les ressources diminuent; dans un temps où l'économie est une chose inévitable ; l'économie est un besoin du gouvernement, l'économie est une nécessité, c'est une loi. J'admets, j'ai déjà eu occasion d'admettre que l'économie est rendue indispensable dans les temps où nous vivons. Mais je répéterai aussi ce que j'ai déjà dit: Sommes-nous dans un temps où, sous prétexte d'économie, on doit faire la lésine quand il s'agit des intérêts moraux du pays?

Faut-il simplifier l'enseignement de telle manière qu'on en revienne à l'unité, lorsque la dualité peut présenter des avantages?

On a ajouté: Si ce n'était que l'économie, peut-être que ce motif ne serait pas complètement décisif. Mais il y d'autres considérations. On a prétendu que l'on ne pouvait pas léser une grande ville au détriment d'une autre; c'est là un intérêt local. Mais il y a un intérêt plus puissant que celui-là, c'est l'intérêt social. Le pays est divisé en deux espèces de races, la race flamande et la race wallonne. Il faut que l'éducation se donne en commun, pour éviter la persévérance trop grande dans la (page 1641) séparation de ces deux races; il faut que l'éducation soit mise en commun; il faut que, donnée en communauté, elle prépare à la communauté sociale.

Messieurs, s'il faut réduire ainsi à un centre d'unité l'éducation et l'enseignement, afin de préparer au système de la communauté, il y aura un moyen plus simple : c'est de supprimer tous les collèges, de n'en faire qu'un grand, peuplé de Flamands, peuplé de Wallons, peuplé de tout ce qu'on voudra dans le pays, peuplé même d'Eburons. Nous avons des bruyères; on peut y construire cet immense établissement, et alors on aura une communauté admirable ! Elle sera admirable de conception, admirable de hardiesse. Mais je m'arrête; je vous demande pardon de m'appesantir sur un pareil sujet.

Messieurs, je suppose qu'on réduise l'enseignement supérieur à l'unité. Qu'est-ce qui arrivera? Et je suis bien sûr que cela a échappés la pensée de l'honorable membre qui a établi ce système. Il arrivera que les établissements privés pouvant se former à volonté, se formant partout, l'établissement central du gouvernement tombera et que les établissements privés finiront par le renverser. Voilà ce que je regarde comme inévitable.

Deux universités existent. D'autres établissements peuvent s'élever. Quel est le résultat, sous le rapport moral, de cette multiplicité d'établissements? Dira-t-on que la multiplicité d'établissements enfante la jalousie, que cette simultanéité de direction dans l'esprit humain vers les études élevées, établira une envie honteuse, qu'abandonnant la noble concurrence du talent, on viendra chercher un refuge dans la basse concurrence des mauvais moyens? On ne le peut pas. Il ne faut pas méconnaître l'influence que les hautes études peuvent avoir sur l'esprit et le cœur des hommes.

Des études qui ne conduisent qu'à une concurrence personnelle, à une espèce de prédominance sur un petit cercle, les études qui conduisent à des productions de simple imagination, peuvent amener de semblables jalousies. Mais les études élevées, quand il s'agit de s'occuper de ce qui est le plus cher et le plus grave pour l'humanité, quand il s'agit de rechercher ce qui chez les anciens pouvait nous servir de modèle; quand il s'agit d'approfondir l'existence, soit politique, soit morale, soit de famille, que nous avons aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire que la simultanéité de pareilles études entraînera nécessairement l'avilissement dont on parlait tout à l’heure? Non! il y aura mieux; il y aura noble concurrence; c'est à qui rendra de plus grands services à l'Etat.

C'est à qui répondra le plus dignement à la mission qui lui est confiée ; c'est à qui élèvera davantage la jeunesse dans les bonnes doctrines; c'est à qui préparera davantage ses talents à jouir, enfin, des succès de ceux avec lesquels on aura eu ces relations d'instruction, d'un coté, et d'étude de l'autre, et à reconnaître quels sont les bienfaits de l'enseignement. Voilà les sentiments qui doivent unir l'enseignement privé et l'enseignement publie. Dans mon esprit, et surtout dans mon cœur, il n'y a point de différence entre les professeurs des universités libres et les professeurs des universités de l'Etat ; il n'y en a point sous le rapport moral, ni sous le rapport de l'attachement de chacun à son noble ministère: Qu'on les unisse donc ; qu'on ne les divise pas ; qu'on ne parle pas tous les jours de haines, d'odieuses et de basses rivalités. Non, il faut leur rendre justice, il faut leur dire : Vous êtes unis, parce que vous n'avez qu'un but, parce que vous avez la même moralité, que vous faites les mêmes efforts, que vous éprouvez les mêmes jouissances dans vos succès.

Voilà ce qu'il faut dire, messieurs, et c'est quand ceux qui se livrent à l'enseignement, ceux qui sont dignes d'une pareille mission, n'auront qu'un but, qu'un sentiment, qu'ils formeront entre eux une sainte alliance pour le grand bien de l'Etat. Voilà comment j'envisage moralement la différence entre l'enseignement privé et l'enseignement public.

Maintenant l’enseignement public et l'enseignement privé sont-ils placés dans les mêmes conditions sous le rapport politique? Ici, messieurs, malgré ma pensée et mon sentiment de communauté, je suis obligé de dire que non.

Je suis forcé à cette conclusion par l'empire de la Constitution. Elle impose d'un côté des lois à l'enseignement préparées par le gouvernement, par le corps législatif, en vertu des pouvoirs qu'elle leur donne; l'enseignement privé est dégagé de mesures préventives, comme je l'ai dit tout à l'heure, et de mesures consécutives ; il est libre. Mais s'ensuit-il que l'un et l'autre aient les mêmes droits, que l'un et l'autre aient les mêmes prérogatives? Je ne le pense pas, et, puisque le jury et la collation des bourses sont les deux points essentiels de la discussion, examinons quels sont, quels peuvent être les rapports des universités libres avec la composition du jury, avec la jouissance des bourses?

Les universités libres. Nous étendons trop l'appellation. La Constitution ne parle nulle part d'universités. C'est un mode d'organisation. Il y a l'enseignement public, il y a l'enseignement privé ; l'un est libre, l'autre ne l'est pas. Avant de nous occuper du mode de mise en œuvre qu'on appelle université, nous devons nous occuper de ce que c'est que l'enseignement.

L'enseignement privé peut se donner par une personne privée, l'enseignement public se donne selon les formes déterminées par les lois de l'Etat. Voilà la différence. ! a-t-il, aux yeux de l'Etat, des universités libres ? Peut-il y en avoir et ces universités peuvent-elles avoir des droits particuliers parce qu'elles veulent être considérées comme universités ?

Mais que sont-elles au fond? Ce sont des efforts réunis, différentes personnes liées par l'association, laquelle est permise constitutionnellement. Or maintenant je le demande, les droits que chaque personne n'a' point par elle-même et relativement à ses efforts privés, peut-elle les acquérir par l'association? L'association enfante-t-elle un droit que ne possède aucune des individualités associées ?

Je suppose que différentes personnes établissent une faculté de médecine, une faculté de droit, une faculté de philosophie, une faculté des sciences, est-ce que chacune de ces personnes sera autorisée à venir demander le droit de faire partie du jury ou de concourir à la formation du jury? Bien certainement de semblables prétentions seraient répoussées. Eh bien, la réunion de ces différentes facultés change-t-elle le droit, change-t-elle l'origine ? Evidemment non, et ce que chacun ne pourrait pas prétendre, l'association ne pourrait pas le prétendre davantage.

On a dit qu'il serait injuste de ne pas accorder aux universités libres le même droit qu'aux universités de l'Etat quant à la formation du jury d'examen. Non, cela n'est point injuste, cela est conforme aux véritables principes, conforme à la nature des choses constitutionnelles, des choses telles qu'elles sont organisées. La Constitution est contraire à ce qu'on assimile d'une manière complétées universités libres aux universités de l’Etat. La démonstration de ce principe se tire de ce que si j'admets le système il s'ensuit que les universités de l'Etat auront des obligations que les autres n'ont pas, et que les universités qu'on appelle libres auront les mêmes privilèges sans avoir les mêmes obligations. Ainsi, les universités de l'Etat sont soumises à la nomination, à la surveillance, à l'inspection, soumises à plusieurs obligations et les autres universités y échappent. Elles auront le droit sans supporter la charge, elles auront le droit sans avoir les obligations.

Ainsi dans ce système l'égalité n'existe pas; vous voulez rendre les universités libres égales aux universités de l'Etat, eh bien vous brisez l'égalité, car les obligations imposées aux unes ne le sont pas aux autres. Ainsi ce système d'égalité n'en est pas un; il n'a de l'égalité que l'apparence.

On s'est longuement étendu sur les garanties auxquelles on a droit de prétendre, sur les garanties que l'on refuse, pour ainsi dire, à un jury composé uniquement par l'action du pouvoir public et sans l'intervention des universités que l'on appelle libres. Il faudrait, a-t-on dit, que les jurys fussent composés par les corps enseignants, que ce concours de tous serait seul une garantie suffisante. C'est décider la question par la question même.

L'intervention des corps enseignants privés n'est pas commandée par la Constitution, elle n'existe en vertu d'aucune loi. Aujourd'hui il est question de régler le mode de composition du jury ; on pourra le régler de différentes manières, mais il n'y a pas une obligation antérieure qui soit imposée aux auteurs futurs de loi, pour le choix de tel ou tel mode.

Messieurs, si c'était, non pas à titre de droit, mais à titre de haute convenance, qu'on réclamât l'intervention des corps enseignants privés dans la composition du jury, je ne ferais pas d'objection. Je suis convaincu qu'il est de haute convenance d'admettre des membres de l'enseignement privé dans la composition du jury ; mais il ne peut être question de les admettre à titre d'autorité.

Il n'y aura pas de garanties, dit-on, dans le système du gouvernement : le gouvernement nommera, et si le gouvernement obéit à un système politique, il est possible qu'alors le gouvernement nomme des jurés que la politique lui indiquera, des jurés qui ne donneront aucune garantie d'impartialité dans leurs jugements. L'impartialité, dit-on encore, que nous voulons, doit être dans la nécessité de nommer le jury de telle ou telle manière ; c'est ainsi que tous les intérêts seront sauvegardés.

Messieurs, on peut supposer que des ministres, entraînés par des considérations politiques, peuvent faire mauvais choix ; mais des suppositions ne sont pas des raisons, pour donner un pouvoir à celui qui n'en a pas. Des suppositions ne sont pas une condamnation. Et puis faites de semblables suppositions contre tous les pouvoirs politiques, et vous verrez quel est ce qui qui vous paraîtra offrir des garanties suffisantes.

Je ne dirai pas : établissez une confiance aveugle dans tous les ministres qui peuvent se succéder. Je pourrais dire autre chose, mais je ne veux pas dire toute ma pensée devant le ministère qui est devant moi, je semblerais être flatteur, et je ne veux pas l'être.

Mais n'y a-t-il donc pis de garantie contre les actes d'un ministère ? On a dit : « La responsabilité ne peut exister que quand il y a des actes à signaler. » La responsabilité ici ne peut pas être celle qu'on poursuivrait soit pour l'application d'une pensée, soit pour le redressement d'un grief particulier. Mais l'opinion publique n'est-elle pas une garantie ? Le jugement de cette opinion ne formule-t-il pas une responsabilité ? Croit-on que des chambres voulussent se corrompre avec un ministère corrompu, supposition à peu prés inadmissible.

Est-ce que la presse n'est pas là ? La presse, quelquefois exagérée dans son blâme, quelquefois exagérée et perdue dans ses doctrines, toutefois reste pure et n'écoute que la raison dans ses jugements.

La presse a cela d'heureux qu'elle peut être préventive ; elle offre une garantie quotidienne, et cette garantie de tous les jours est sans doute d'une plus grande énergie que ne le serait la faculté de mettre un ministre en accusation .

N'exagérons pas la nécessité de garanties. Nous en avons beaucoup déjà. Je ne dirai pas que tout est inattaquable dans la constitution, mais je dirai que l'ensemble et les détails se soutiennent les uns les autres; je dis que (page 1642) dans un pays comme le nôtre où l’on a la liberté de tout dire, de tout écrire, il y a des garanties puissantes contre les abus.

Messieurs, quand on a pensé qu'un ministère, obéissant avec conviction à des sentiments qui n'étaient pas ceux du pays entier, s'égarait; quand on a cru qu'une partie de la législature s'égarait avec ce ministère, n'a-t-on pas, pour sortir de cette situation, trouvé des garanties dans des élections nouvelles; garanties bien plus imposantes, parce qu'elles sont durables ? N'a-t-on pas vu ces garanties protéger le pays contre les résultats où des erreurs pouvaient l'entraîner; préserver même ceux qui subissaient l'erreur, de tomber dans l'abîme? L'expression de ces garanties n'est-elle pas vivante? N'ont-elles pas sauvé la société tout entière de maux qui seraient devenus son partage, si ces garanties n'avaient pas existé ? Et ceux même qui s'étaient trompés, n'en ont-ils pas fait l'aveu avec une franchise qui les honore?

Maintenant, je n'aurai pas la prétention de répondre à tout ce qu'a dit le dernier et brillant orateur. Il est difficile de tout saisir à un débit si rapide, mais il m'a paru que l'on mettait beaucoup en principe ce qui est en question ; que les énumérations n'étaient pas complètes ; qu'on repoussait des garanties existantes et qu'on en cherchait dans un ordre qui ne doit pas exister, en se fondant sur ce qu'on a appelé l'esprit de la Constitution.

Messieurs, on a parlé des tendances des auteurs de la Constitution. Le droit d'enseigner, comme les autres droits, a été proclamé. Cependant, l'enseignement privé n'a pas été admis sans réserve; on y a fait beaucoup d'objections, et elles ont trouvé des approbateurs ; et lorsque dans l'entraînement des libertés où l'on se trouvait, il s'est agi de formules, il s'est laissé allé à faire ce que dans d'autres temps on n'avait pas osé admettre.

Et qu'on ne vienne pas nous dire qu'il y a tel ou tel esprit attaché à telle ou telle disposition de la Constitution, et que cet esprit doit nous guider aujourd'hui. Une des grandes qualités de l'acte constitutionnel de 1831, un des grands caractères des discussions qui l'ont précédé, a été la franchise la plus complète. On n'a rien laissé à l’interprétation future. Chaque fois qu'on a voulu interpréter la Constitution, l'on a échoué.

El cela à l'honneur du pacte fondamental que nous avons fait, que nous avons tous juré de maintenir; pacte qui est le gage de notre sécurité, de notre liberté; pacte qui assure le respect de toutes les nations à la faible et glorieuse Belgique, paisible lorsque tous les autres peuples sont en mouvement; paisible à côté du tremblement qui menace d'engloutir et les rois et les peuples, et les essais, et les novateurs, et ceux qu'on appelle conservateurs immobiles.

M. de Theux. — Le projet de loi qui nous est soumis, par le grade d'élève universitaire, touche à la liberté de l'enseignement moyen, et par les grades académiques, il touche à la liberté d'enseignement supérieur ; c'est assez dire combien l'institution du jury mérite la sollicitude de la législature ; de sa bonne ou de sa mauvaise composition doit résulter une influence notable sur l'enseignement moyen et sur l'enseignement supérieur. Autre motif de sollicitude spéciale. Le projet du gouvernement améliore-t-il la législation qui a existé jusqu'à ce jour? Nous ne le pensons pas, du moins en ce qui concerne la constitution du jury ; et cependant ce projet étendra son action jusque sur l'enseignement moyen, c'est-à-dire que son action sera beaucoup plus grande qu'elle ne l'était antérieurement.

Nous croyons devoir démontrer ce point en premier lieu ; nous démontrerons, en second lieu, que le projet du gouvernement est inconciliable avec les dispositions de la Constitution, en ce qu'il réclame une omnipotence complète et permanente pour l'institution du jury. En troisième lieu, nous tâcherons de démontrer que ce projet est impolitique et contraire aux intérêts bien entendus du gouvernement.

L'honorable ministre de l'intérieur demandait avec complaisance qui aujourd'hui voudrait encore prendre la défense de l'ancienne composition du jury d'examen ; il semblait dire, que sous l'empire de cette institution, ceux qui la préconisaient autrefois seraient aujourd'hui les victimes. Nous avons meilleure opinion et de la majorité des deux chambres et du cabinet. Nous répondrons qu'en admettant que les deux chambres exercent aujourd'hui leur pouvoir comme les devancières l'ont exercé et en admettant que l'honorable ministre de l'intérieur, ce dont je ne doute pas, imitant de son côté l'exemple de ses devanciers, fît tous ses efforts pour rétablir l'équilibre rompu par les premiers choix, ce n'est pas nous qui élèverions la voix pour demander un changement à la législation.

En effet, dans les 14 années de la durée de la législation préexistante, quelle est celle des 4 universités concurrentes qui a succombé sous l'influence de la partialité des jurys d'examen ? Aucune; chacun de ces établissements a continué de prospérer, et quant à l'influence de cette institution sur les études, nous le demandons en toute sincérité, la jeunesse n'a-t-elle pas été exemplaire dans chacune des quatre universités, par l'assiduité, et un grand nombre de sujets qui en sont sortis n'ont-ils pas fait preuve de brillantes connaissances devant les examinateurs? Nous le disons pour l'honneur du pouvoir politique qui a institué ce jury qu'un décrie aujourd'hui, pour l'honneur de la jeunesse studieuse qui s'est présentée aux examens, nous désirons que pendant les 14 années du régime nouveau on puisse encore constater les mêmes résultats : coexistence des quatre universités, jeunesse studieuse; études brillantes.

Toutefois nous ne nions pas que l’ancienne législation eut des défauts; et toute législation sur cette matière en aura, parce qu'il est pour ainsi dire impossible de faire une législation qui ne présente aucun inconvénient en présence d'intérêts aussi compliqués, aussi multipliés. Mais nous le demandons, si l'honorable ministre de l'intérieur, abandonnant le système de l'adjonction des universités pour les examens en revenait à la combinaison du jury central, est-ce que les nominations faites par lui auraient un résultat plus avantageux que les nominations faites antérieurement ? Le blanc-seing qu'il réclame inspirerait-il plus de confiance aux divers établissement?

Nous ne le croyons pas. Le jury était politique sans doute, il pouvait devenir partial par le concert entre 1rs chambres et le ministère, mais ce concert n'est pas aussi facile à traduire en fait qu'on le pense. Croit-on que les deux grandes fractions du pouvoir législatif et le cabinet s'entendent-ils facilement pour commettre une injustice flagrante? Chacune des branches du pouvoir législatif faisait ses choix A certain intervalle; un concert frauduleux était en quelque sorte impossible. L'intervalle de temps entre les diverses nominations permettait aux intéressés de mettre au jour leurs intérêts pour qu'ils fussent sauvegardés par l'autorité qui était investie du droit de nommer en dernier. M. le ministre de l'intérieur nommant seul simultanément tous les membres des divers jurys ne peut-il pas être exposé à un moment de passion, à une préoccupation politique aussi bien que les trois branches du pouvoir législatif, et faire des nominations exclusives ?

Il y a plus, le ministre de l'intérieur est un homme essentiellement politique dans tous les Etats représentatifs; et à cet égard il ne peut pas le céder aux chambres elles-mêmes. Dans l'ancienne législation se trouvait une garantie importante qui n'est pas dans le projet du gouvernement. La loi a été faite d'abord pour trois années. Ensuite elle a été renouvelée d'année en année jusqu'en 1844 , où elle a été renouvelée pour quatre années, mais avec la stipulation de garanties nouvelles, et le projet du gouvernement réclame un droit illimité, perpétuel. C'est-à-dire qu'une fois le projet du gouvernement accordé, il ne dépendrait plus de la chambre de lui retirer ce pouvoir.

Il est vrai que la section centrale, sous ce rapport, a admis le principe de la loi de 1835, et a proposé de rendre la loi temporaire. Je n'hésite pas à déclarer que c'est une amélioration, et la principale du projet de la section centrale.

Toutefois, ainsi que je le démontrerai plus loin, cette disposition n'empêche pas d'ajouter des garanties à l'action du gouvernement et de suppléer aux lacunes que renferme son projet.

Je disais que si M. le ministre de l'intérieur maintenait l'institution d'un jury central, cette institution serait aussi politique qu'elle l'a jamais été. Je dis que ce mode de nomination offre moins de garanties que le mode précédent. Mais la pensée de M. le ministre de l'intérieur n'est pas de constituer un jury central ; il annonce dans l'exposé des motifs qu'il veut faire procéder aux examens par l'adjonction de deux universités (ce qui entraîne deux jurys pour quatre universités), et qu'il veut en outre un jury spécial pour les établissements privés.

Toutefois, cette interprétation n'est pas absolue, et M. le ministre de l'intérieur peut changer d'idée à cet égard, adopter tout autre plan d'organisation des jurys, sans avoir manqué à sa promesse ; car l'exposé de motifs ne donne qu'un aperçu de la pensée du gouvernement, ne contient aucun engagement d'organiser les jurys d'après des bases données. En supposant qu'il persiste dans cette pensée, pouvons-nous admettre la position qu'il veut faire au commissaire royal, président du jury, qui peut suspendre, annuler même la décision du jury?

Inutile de dire que cette menace pesant éternellement sur le jury de la science est spécialement adressée aux établissements libres. Il suffit de lire l'exposé des motifs pour comprendre parfaitement cette pensée.

Nous demandons à M. le ministre de l'intérieur pourquoi il ne nous offre pas la garantie de l'insertion dans la loi du système auquel il est favorable. S'il avait inséré dans la loi le système qu'il a exposé dans ses motifs, moins l'omnipotence du commissaire royal dont le pouvoir serait en quelque sorte une flétrissure pour les universités qui en seraient l'objet et qui, dans la pratique, serait une lettre morte (car le commissaire royal y regarderait à deux fois, avant d'établir un conflit entre lui, organe du gouvernement, et des établissements scientifiques); alors nous conviendrons qu'il y aurait égalité de position entre les universités libres et celles de l'Etat.

Mais admettons que M. le ministre de l'intérieur mette ce projet à exécution, son successeur pourra avoir une toute autre pensée, y substituer un régime complétement différent.

La section centrale stipule à la vérité (et M. le ministre de l'intérieur s'est rallié à cette disposition spéciale du projet de la section centrale) que les professeurs des universités de l'Etat ne pourront se trouver en majorité dans les jurys, c'est assurément une garantie. Mais que dirait-on, si aujourd'hui les universités libres qui ont fait preuve d'une telle capacité d'enseignement pendant 14 ans, qu'elles ont été appelées tantôt par la chambre, tantôt par le gouvernement lui-même à fournir un nombre égal aux jurys d'examen étaient exclues et que des personnes complètement étrangères à l’enseignement universitaire libre et l'enseignement privé fussent appelées à compléter les jurys d'examen?

Quelle opinion le public se formerait-il des universités libres? Il se demanderait par quel motif elles ont encouru la disgrâce du gouvernement. Ne serait-ce pas un avertissement donné à la jeunesse de déserter ces établissements, pour se livrer aux études universitaires dans les établissements de l'Etat ? Cette conclusion est certaine.

Je demande donc que dans le jury central, s'il est maintenu, les universités libres soient représentées aussi bien que les universités de l'Etat

Nous ne demandons que ce qui a été pratiqué sans inconvénient pendaut 14 ans, que ce qui est d'accord avec la justice, avec les principes constitutionnels , avec la liberté d'enseignement.

Qu'on ne dise pas que la liberté d'enseignement ne comprend pas (page 1643) seulement les universités libres côté des universités de l'Etat, qu'il y a des éludes privées dont les droits sont également respectables ; car avec un jury central les études privées auraient une égale garantie. Il n'en serait pas ainsi dans le système du gouvernement; car s'il y a adjonction des universités, les élèves seront examinés par leurs professeurs, avantage que M. le ministre de l'intérieur signale comme de la plus haute importance, tandis que les élèves des études privées seraient examinés par un jury spécial et non par leurs professeurs.

Si vous voulez une égalité parfaite, admettez qu'un jury central examinera indistinctement tous les aspirants aux grades académiques, quelque part qu'ils aient fait leurs études.

Mais, dit-on, une cinquième université pourrait s'élever, et celle-là serait-elle exclue de la composition du jury central ?

Messieurs, faisons des lois pour des faits existants, faisons des lois pour les faits probables. Ne nous inquiétons pas d'une éventualité à coup sûr éloignée et qui probablement ne se réalisera pas, car nous ne pouvons admettre sérieusement qu'il y ait encore place en Belgique pour une cinquième université. D'ailleurs si ce fait se produisait, nous demanderions pour cette cinquième université dûment constituée les mêmes avantages que pour les autres; et en attendant, si le gouvernement donne suite au projet de constituer un jury spécial pour les études privées, les élèves de cette cinquième université seraient réputés élèves des études privées et pourraient se présenter devant ce jury.

Nous disons, messieurs, que si le système exposé par M. le ministre de l'intérieur était écrit dans le projet de loi, il offrirait des garanties sérieuses. Cependant nous préférons encore de beaucoup l'existence d'un jury central. El pourquoi le préférons-nous? Pour éloigner ces rivalités de deux universités délibérant en quelque sorte en face l'une de l'autre, avec tout leur personnel, corps à corps, se distribuant les palmes des examens. Nous le demandons dans l'intérêt des diplômes. Car nous sommes convaincus que l'adjonction des universités amènera l'abaissement des examens et l'abaissement des grades académiques. Le contrôle mutuel ne sera rien autre chose qu'une complaisance mutuelle.

Et puis, il aura dans le pays, quant aux grades académiques, trois jurisprudences différentes : deux jurys d'après le système d'adjonction, un jury pour les études privées. N'est-ce pas là une chose fâcheuse, contraire à tous les précédents du gouvernement et de la législature, qui ont toujours tendu à l'unité ? Et l'unité dans la collation des grades académiques n'est-elle pas désirable ? La réunion des professeurs des divers établissements publics et privés dans un même jury n'est-elle pas désirable?

Cette adjonction, messieurs, sera elle-même variable. La jurisprudence de Bruxelles jointe à Gand, variera lorsque ce sera Liège qui viendra s'adjoindre à Bruxelles et réciproquement; de sorte, que vous n'aurez qu’instabilité dans les décisions du jury; vous n'aurez aucun point de comparaison pour apprécier la valeur des diplômes académiques.

Mais, messieurs, pourquoi le gouvernement ferait-il difficulté, pourquoi la chambre ferait-elle difficulté, en continuant un jury central, de stipuler que les universités libres seront aussi représentées dans ce jury ?

On nous a opposé des inconvénients. Il se peut qu'une des deux universités libres, que toutes les deux dévient de leur but, que l'on y enseigne, que sais-je? la socialisme, le communisme, et toutes ces théories qui ont passé par quelques cerveaux creux, et que ce soient les représentants de ces établissements que vous appelez au nom de la loi, à faire partie du jury d'examen. Messieurs, cette objection n'est pas bonne. Ce ne sont pas des établissements universitaires constitués à grands frais, soutenus par tout ce qu'il y a de considérable dans l'une et l'autre opinion qui divisent le pays, qui donneront de tels exemples, qui arriveront à de tels abus. Et puis, si la chose arrivait, si un danger sérieux se manifestait, la législature n'est-elle pas toujours présente? Mais vos défiances sont, en quelque sorte, une insulte pour les établissements libres; elles s'attaquent à la législature future elle-même.

Messieurs, le congrès national n'a pas montré de ces défiances et bien lui en a pris. Car il a fait dans la Constitution une œuvre solide qui a traversé bien des difficultés: et qui, nous l'espérons, continuera à les traverser.

Le congrès national n'a pas craint d'inscrire dans la Constitution la liberté d'enseignement. Et cependant des craintes s'étaient aussi manifestées contre l'usage possible de cette liberté. On allait voir surgir de tous côtés, des écoles d'athéisme, des écoles d'immoralité, des écoles perturbatrices de l'ordre public. Vaines prévisions ! Rien de tout cela n'a eu lieu.

Messieurs, forts de l'expérience de dix-neuf années, ne soyons pas plus timides que le congrès national. Ce qu'il a fait pour la liberté d'enseignement, ne craignons pas de le faire pour le jury d'examen. C'est, messieurs, en persistant dans la même voie de liberté, dans la même voie de confiance vis-à-vis du pays, vis-à-vis les uns des autres que cette œuvre poussera des racines toujours plus profondes dans le pays.

Messieurs, quand nous critiquons le projet du gouvernement en ce qui concerne le jury, il va sans dire que nos critiques n'ont pas pour objet une meilleure distribution des matières d'examen. Sous ce rapport, il y a une amélioration véritable dans le projet, amélioration dont la nécessité s'est fait sentir dès les premières années et pour laquelle des efforts divers ont été faits dans les projets présentés successivement à la chambre, niais qui malheureusement ne sont pas arrivés à leur terme.

Nous disons, messieurs, et c'est la seconde thèse que je me propose de soutenir, que le projet du gouvernement qui vous demande à perpétuité l'omnipotence pour la création du jury, n'est conciliable ni avec l’article 17 de la constitution, ni avec l'essence même du pouvoir législatif.

En effet, messieurs, il est un devoir, il est un droit que vous ne pouvez pas abdiquer, c'est celui de faire des lois. Il ne vous appartient pas de dire au gouvernement : Faites une loi sur telle matière ; quant à moi, je ne veux pas m'en donner la peine, en prendre la responsabilité. Je crains de me tromper. Non ! cela ne serait pas digne de vous, et cela ne vous serait pas permis.

A la législature, c’est-à-dire aux deux chambres et au Roi de faire, de concert, les lois; au pouvoir exécutif seul à faire les règlements en exécution de la loi.

L'article 40 du projet du gouvernement constitue-t-il une loi qu'il ne s'agit que de réglementer conformément à l'article 67 de la Constitution? Non, que porte cet article 40? « Le gouvernement procède à la formation des jurys chargés des examens et prend les mesures réglementaires que leur organisation nécessite. »

Et que fait la législature relativement au jury d'examen ? Absolument rien. Elle se débarrasse ; elle dit au gouvernement : Faites. Mais le droit de constituer le jury d'examen, où le gouvernement le puiserait-il? Certes, dans aucune disposition de la Constitution. Aucun article de la Constitution ne délègue au gouvernement le droit de décréter de quelle manière les grades académiques seront conférés, par qui ils seront conférés.

Dans notre opinion, messieurs, la loi doit statuer, quant à l'organisation du jury d'examen, sur plusieurs points : D'abord la loi doit établir sa juridiction, sa compétence; elle doit dire si la juridiction du jury s'étendra au pays entier ou si elle ne s'étendra qu'à une partie du pays. La loi doit déclarer qui a le droit de se présenter devant le jury pour réclamer les grades. C'est ce que faisait l'ancien article 40 de la loi du 27 septembre 1835. Cet article portait que tout individu peut se présenter aux examens quel que soit le lieu, quelle que soit la manière dont il a fait ses études.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Cette disposition n'est pas abrogée.

M. de Theux. - Je vous demande pardon; car cette disposition faisait partie de l'article 40 qui est remplacé par un article nouveau. Le principe n'est pas maintenu dans le projet du gouvernement : c'est peut-être un oubli, mais le fait est ainsi.

La loi doit encore désigner le siège du jury. Elle doit désigner de combien de membres il sera composé : Sera-t-il composé de cinq membres, sera-t-il composé de sept membres? Le projet du gouvernement ne dit pas même que ce sera le gouvernement qui nommera le jury, et en vertu du nouvel article 40, il pourrait confier la nomination du jury à une autre autorité.

Rien n'est donc déterminé par la loi ; c'est une abdication complète du pouvoir législatif que l'on demande.

Mais, messieurs, si les principes généraux s'opposent à l'admission de l’article 40, un article spécial de la Constitution, l'article 17, relatif à l'enseignement, s'y oppose de la manière la plus précise. Voici le texte de cet article; on ne saurait trop l'avoir sous les yeux dans cette discussion :

« L'enseignement est libre, toute mesure préventive est interdite. »

J'appelle, messieurs, votre attention sur ces mots : « Toute mesure préventive est interdite. » J'en ferai l'application plus tard.

« L'instruction publique donnée aux frais de l'Etat est réglée par la loi. »

Assurément la liberté de l'enseignement comprend le droit de fonder une université, et c'est ce qui a été fait. La création d'une université coûte cher; les jeunes gens qui fréquentent l'université y dépensent beaucoup d'argent et beaucoup de temps, et l'on irait dire sérieusement que la liberté de l'enseignement ne s'étend pas jusqu'à l'égale obtention, jusqu'à la collation impartiale des grades académiques ! Mais, messieurs, ce serait une dérision. Si quelqu'un avait dit, au Congrès : On aura le droit de fonder des universités libres, chacun pourra les fréquenter; mais quant à la collation de grades académiques, la législation pourra faire, conférer arbitrairement, elle pourra les laisser conférer d'après le bon plaisir du gouvernement. Les établissements libres, les études privées pourront être exclues de ce bénéfice. Ah ! messieurs, le Congrès eût repoussé d'une seule voix de semblables prétentions.

Comment! messieurs, on ne peut devenir ni avocat, ni médecin, on ne peut occuper d'emploi dans la magistrature qu'autant qu'on ait obtenu un diplôme académique, et l'on dira que la collation impartiale des diplômes académiques n'est point d'obligation constitutionnelle, c'est-à-dire que les professions d'avocat, de médecin, les professions politiques et libérales pourraient être subordonnées au bon plaisir de l'administration ! Mais non, messieurs, chacun a le droit d'exercer ces professions librement et la loi ne peut pas y mettre obstacle; du moment qu'il est fait preuve d'une science suffisante, on n'a pas à s'inquiéter, dans la collation des diplômes, ni îles opinions du récipiendaire, ni de sa moralité; c'est une discipline intérieure dans le sein du corps médical, dans le sein du barreau, qui peut remédier aux abus que pourrait faire de son titre un homme malhonnête; mais le jury académique n'a pas à s'occuper, je le répète, ni de la moralité ni des opinions du récipiendaire.

Messieurs, nous avons rappelé le texte de la loi du 27 septembre 1835, qui reconnaît d'une manière positive le droit à l'égale obtention des grades académiques. Cet article est ainsi conçu, deuxième paragraphe :

« Toute personne peut se présenter aux examens et obtenir des grades sans distinction du temps, du lieu ou de la manière dont elle a fait ses études. «

Voilà le principe constitutionnel.

(page 1644) Nous savons, messieurs, que dans l'exposé des motifs le gouvernement est complètement d'accord avec nous, et nous déclarons de plus que dans le discours qu'il a prononcé, M. le ministre de l'intérieur a pleinement confirmé cette opinion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le paragraphe n'est pas abrogé.

M. de Theux. - Ce n'est pas votre intention, mais il est abrogé. (Interruption). Quand nous en serons à la discussion de cet article, nous vérifierons le fait. Dans tous les cas, si nous sommes d'accord il n'y a qu'à le rétablir.

En fait, messieurs, nous sommes parfaitement d'accord. En pratique, M. le ministre de l'intérieur ne désire pas autre chose que ce qu'il a proclamé dans l'exposé des motifs et dans ses discours. Je serais heureux que jamais d'autres doctrines ne prévalussent ni dans le gouvernement ni dans les chambres.

Mais, en droit, je dis qu'il y a lacune dans le projet du gouvernement, et j'engage M. le ministre de l'intérieur, non seulement à ne pas s'opposer, mais à contribuer lui-même à ce que ces lacunes soient comblées. Puisqu'il veut sincèrement la liberté, comme nous, il doit aussi désirer que plus tard le projet de loi qu'il aurait obtenu de notre confiance ne puisse pas servir à introduire des abus.

Après avoir proclamé hautement des principes constitutionnels et libéraux, M. le ministre de l'intérieur dit qu'il ne veut pas être lié par la loi ; qu'il ne veut pas consacrer des droits par la loi; c'est par voie administrative, c'est-à-dire suivant sa volonté libre et spontanée qu'il veut garantir la justice distributive à l'enseignement libre.

Assurément, c'est une garantie pleinement satisfaisante, aussi longtemps que M. le ministre de l'intérieur siégera à son banc ; mais au-delà il conviendra avec moi que la garantie disparaît.

Le rapport de la section centrale va plus loin : il assimile la collation des grades académiques à la collation des emplois avec lesquels les grades auraient une connexion intime...

M. Delfosse, rapporteur. - C'est une erreur.

M. de Theux. - Vous avez dit que la collation partiale des grades académiques serait injuste, illibérale, impolitique; mais vous devez conclure de ces prémisses que cette partialité ne serait pas inconstitutionnelle. Or, je maintiens qu'une collation partiale des grades académiques serait anticonstitutionnelle.

Un honorable député de Namur a professé la même opinion : celui qui confère l'emploi peut ne pas tenir compte des grades académiques; par conséquent, le grade ne sera de nulle valeur dans les mains de celui qui l'aura obtenu.

Mais, messieurs, pour les professions libérales, en sera-t-il de même? Et puis, si un ministre, à raison d'opinions politiques, repousse injustement, un citoyen pourvu d'un grade académique, ce citoyen peut, si le ministre vient à se retirer, se présenter devant son successeur, et obtenir enfin justice.

Et puis, n’est-ce pas une propriété qu’un grade académique qui s’acquiert après de longues et pénibles études ? N’est-ce pas le fruit d’énormes sacrifices qu’une famille s’est imposés pour celui qui est porteur du diplôme ?

Il y a là aussi une considération d'honneur qui est plus puissante que la considération d'argent pour un grand nombre de personnes. Chacun veut pouvoir justifier devant ses concitoyens qu'il a fait de brillantes études académiques.

En résumé, messieurs, le congrès a assuré la liberté de l'enseignement; il a assuré l'impartiale admission aux grades académiques, si tant est que la loi en institue. Ce n'est pas une vaine théorie qu'il a proclamée : il a consacré un droit avec toutes ses conséquences, sans réticence, sans exception.

Si la Constitution n'a pas déterminé elle-même de quelle manière il serait pourvu à la collation des grades académiques, c'est que le congrès ne voulait pas établir d'une manière constitutionnelle la nécessité des grades académiques. Mais s'il avait proclamé la nécessité des grades académiques, il aurait aussi statué en principe de quelle manière ces grades seraient conférés.

L'article 17 de la Constitution défend toute mesure préventive. Or une constitution, partiale en fait, du jury d'examen, ne serait-elle pas une mesure préventive? Assurément, car elle entraînerait la désertion des établissements publics qui seraient frappés d'ostracisme. L'enseignement public donné aux frais de l'Etat doit, aux termes du même article, être organisé par la loi. Comment ! Je stipulerai par la loi combien il y aura de professeurs; ce qu'ils enseigneront ; je réglerai une foule d'autres détails; et la collation des grades académiques qui est le couronnement des études, soit dans les établissements créés aux frais du trésor, soit dans les établissements libres, cette collation ne sera pas organisée par la loi; elle sera abandonnée au bon plaisir de l'administration! La contradiction est trop manifeste pour que l'on ne doive pas reconnaître que dans l'esprit de l'article 17 de la Constitution, la collation des grades académiques doit être réglé par la loi, c'est-à-dire que quelques principes doivent être posés, sauf au gouvernement à prendre des mesures administratives pour en assurer l'exécution.

Messieurs, la chose a toujours été entendue comme je viens de l'exposer. La première commission chargée de présenter un projet de loi sur cette matière, instituée par M. Teichman en 1831, déclarait que le jury universitaire devait être composé en partie de professeurs et en partie de personnes notables. Elle disait que la constitution exigeait cette garantie pour les études libres. La commission de 1834, instituée par M. le ministre de l'intérieur, a également reconnu le même principe; son projet de loi contenait plusieurs dispositions organiques de l'institution du jury. La loi du 27 septembre 1835, celle de 1844, en contiennent également; tous les projets en ont contenu plus ou moins; c'est le premier qui soit de ce laconisme absolu, qu'on ne peut s'expliquer si ce n'est que M. le ministre de l'intérieur n'a pas assez fait attention aux prescriptions de l'article 17 de la Constitution.

J'en viens au côté politique de la loi; ici je serai court, car il est facilement saisissable. C'est aussi le dernier point que je me propose de traiter. Dans quelles circonstances le gouvernement réclame-t-il un blanc-seing en matière de jury d'examen? C'est lorsque l'expérience a révélé que partout les institutions fondamentales ont été insuffisantes pour faire face aux grands débats, aux immenses difficultés que fait naître le règlement des intérêts matériels aussi bien que le règlement des intérêts moraux et intellectuels : c'est lorsque tous les gouvernements sans exception comprennent aujourd'hui la nécessité d'abdiquer leur intervention dans les intérêts moraux et intellectuels en proclamant la liberté, quand on voit des Etats comme la Prusse, l'Autriche, l'Allemagne entière proclamer la liberté des cultes, la liberté de la presse, la liberté de l'enseignement, quand on voit la constitution républicaine de la France faire dans cette dernière matière un pas qui sera suivi de plusieurs autres!

Ici, où la liberté la plus large est proclamée, le gouvernement veut intervenir par voie administrative dans ces grands intérêts de l'enseignement qui se disputent l'influence! Je l'ai déjà dit dans plusieurs circonstances : plus le gouvernement s'immiscera dans les intérêts matériels, plus il faudra toucher à la question d'impôt, plus sa force s'affaiblira.

Ce que j'ai dit dans l'ordre des intérêts matériels, je le dis également dans l'ordre des intérêts intellectuels.

Plus le gouvernement voudra s'interposer entre les influences intellectuelles et politiques, plus son pouvoir s'affaiblira.

En présence de la diffusion des richesses qui existent sur le continent européen, et de l'indépendance qui en résulte, en présence de la diffusion de l'enseignement à tous les degrés, personne n'est plus capable de diriger ces intérêts intellectuels; on doit les abandonner à la libre concurrence, à la libre dispute, à la libre influence.

Il ne faut pas, dans des circonstance, aussi critiques, s'appuyer sur la responsabilité ministérielle. Cette responsabilité fût-elle aussi certaine qu'on le dit, fût-il aussi facile de se plaindre des actes de partialité du gouvernement dans la composition des jurys qu'on l'a dit, ce que je conteste parce que cela tient à des questions de personne, questions qu'il est impossible de traiter avec liberté, tant elles sont délicates; cette liberté existant, le gouvernement ne devrait pas demander un blanc-seing qui l'engage si facilement, le parlement ne devrait pas, dans l'intérêt du pays, le lui accorder.

J'ai dit.

Projet de loi autorisant le gouvernement à lever les prohibitions et à réduire les droits d’exportation établis par le tarif des douanes

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer sur le bureau un projet de loi ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à lever les prohibitions à la sortie et à réduire les droits d'exportation établis par le tarif des douanes.

- Ce projet sera imprimé, distribué et renvoyé à la commission permanente d'industrie.

La séance est levée à 4 1/2 heures.