(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 1181) M. Dubus fait l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les époux Vogelsang, qui ont laissé expirer le délai fixe pour réclamer la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842, prient la chambre de les relever de la déchéance qu'ils ont encourue aux termes de la loi du 8 février 1844. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs négociants et marchands à Peruwelz demandent une modification à l'article 55 de la loi du 4 avril 1843 sur les sucres, concernant les formalités à observer pour le transport des sucres. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par messages en date du 20 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi sur la compétence en matière criminelle et le projet de loi qui approuve la convention relative à la répression de la traite des nègres.
- Pris pour notification.
Par message de la même date, le sénat informe la chambre qu'il a pris en considération tes demandes de grande naturalisation des sieurs Vandervrecken de Bormans, C.-L. Claes et A.-E.-T. Pauli. »
- Renvoi à commission des naturalisations.
M. Cools informe la chambre que retenu chez lui par une indisposition, il n'a pu terminer encore son rapport sur la question des sucres.
- Pris pour information.
M. Osy. - Je demande la parole pour une rectification au rapport. A la seconde ligne de la page 3, il y a une omission. Il faut lire : « Fassent tous leurs efforts pour mettre le gouvernement à même de proposer, le plus tôt possible, le retrait des lois qui ont autorisé ces émissions. »
M. le président. - M. De Pouhon, auteur de la proposition, se rallie-t-il au projet de la section centrale ?
M. De Pouhon. - Je me rallie à la fixation du minimum pour la réalisation du 4 p. c. belge. Mais j'aurai quelques observations à faire sur l'article 2.
M. le président. - M. De Pouhon ne se ralliant pas à l'article 2, la discussion est ouverte sur la proposition primitive.
M. De Pouhon. - S'il m'était resté la plus légère incertitude sur l'utilité de la mesure que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre, elle se serait dissipée quand j'ai vu ma proposition appuyée par l’honorable rapporteur de la section centrale, M. le baron Osy, si compétent en matières de finances; mais je ne pouvais avoir le moindre doute sur sa convenance, car elle repose sur des raisons puisées dans la pratique des affaires.
Le simple bon sens indique qu'il n'est pas prudent, moins maintenant que jamais, de se reposer, pour parer à des engagements certains, et aux dépenses inévitables du budget, sur des ressources précaires, telles que des billets de banque avec cours forcé et des bons du trésor dont l'échéance peut tomber au milieu de crises politiques, comme cela s'est vu aux journées néfastes de février.
Pour un gouvernement comme pour les particuliers, il est important de ne pas ressentir la gêne; elle ne peut se montrer sans que la considération et le crédit en souffrent, sans même qu'elle entraîne des sacrifices pécuniaires. Un ministre des finances dont la caisse est insuffisamment garnie voit une grande partie de son temps et de son attention, absorbés par les préoccupations de ses échéances; il y subordonne beaucoup de dispositions utiles. Je ne suis pas initié à la situation du trésor ; je n'en juge que par induction des faits que j'ai l'occasion d'observer et par l'absence de mesures avantageuses que M. le ministre des finances ne manquerait pas de prendre si le mouvement des fonds le lui permettait.
Privé de la ressource d'un établissement financier où il puisse se procurer 3 ou 4 millions pour parer à un besoin imprévu ou à un retard dans les rentrées, l'Etat belge est obligé, plus qu'un autre, d'avoir une caisse relativement bien garnie.
La proposition que j'ai eu l'honneur de déposer a pour but d'imprimer plus de sécurité dans la marche des affaires, de permettre certaines économies et d'autres résultats utiles en réglant les payements suivant l'opportunité plutôt que d'après l'état de l'encaisse, et de faciliter le placement des bons du trésor en présentant plus de ressources pour leur payement aux échéances,
La situation financière de l'Etat belge est meilleure, de beaucoup même, que celle d'aucun Etat du continent. Pourquoi cette vérité est-elle méconnue? Pourquoi sommes-nous ici souvent dominés par une impression contraire? C'est parce que nous avons un découvert que les circonstances de plusieurs années n'ont pas permis de combler par la consolidation de la dette flottante.
En autorisant le gouvernement à disposer des valeurs dont nous nous occupons, vous améliorerez sensiblement, messieurs, sa situation financière.
La section centrale propose de n'autoriser la libre disposition que des 13,428 obligations 4 p. c. belge de l'ancien encaisse, et de réserver l'inscription au grand-livre du 2 1/2 p. c. pour couvrir les réclamations qui pourraient encore surgir du chef des liquidations des anciennes créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842.
Je le sens bien, messieurs; la réalisation du capital destiné an règlement ne ces créances affaiblirait les espérances des ayants droit, et ce n'est pas moi qui voudrais les affecter le moins du monde. Je ne donnerai jamais mon vote approbatif à un projet de loi qui tendrait à appliquer la déchéance à des réclamations justes, parce qu'elles n'auraient pas été produites en temps utile. Mais en présence des renseignements fournis, par le département des finances sur l'état des réclamations et des liquidations, il me paraît difficile d'admettre que les deux millions qui resteraient disponibles, en adoptant la proposition faite par un membre de la section centrale de disposer seulement de 40 millions, ne couvrissent pas suffisamment toutes les prétentions équitables qui pourraient se faire jour.
Je me rallie à la proposition de la section centrale, de fixer un prix minimum de 80 p. c. pour la réalisation des obligations en 4 p. c. belge. Je me plais à croire que le gouvernement ne vaudrait pas les émettre à ce taux, si les circonstances qui permettraient de l'atteindre, avaient un caractère de durée.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, la majorité de ta section centrale a pensé qu'en présence de la situation financière du pays et surtout de l'émission de billets de banque faite par le gouvernement, il était nécessaire de donner à celui-ci les moyens de pouvoir suffire à tous les besoins et surtout de retirer le plus tôt possible les 12 millions de billets dont vous avez autorisé l'émission, pour que les banques, lorsqu'elles seront en état de reprendre les payements, ne puissent trouver un prétexte pour ne pas rendre leurs billets remboursables à bureau ouvert.
La section centrale a donc l'honneur de vous proposer d'autoriser le gouvernement à disposer des 13,428 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c, représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas.
L'honorable M. De Pouhon, qui a fait la proposition, se rallie à la limite que la section centrale a l'honneur de vous proposer pour la réalisation de ces fonds.
Effectivement, messieurs, si le cours de 80 pouvait être obtenu, je crois que ce serait avantageux au pays, car du 4 p. c. à 80 c'est du 5 p. c. au pair; or il ne faut pas espérer d'aller au-delà d'ici à quelque temps. Si l'on veut une limite plus élevée, i! est inutile de faire une loi.
Messieurs, la majorité de la section centrale n'a pas cru devoir accorder la même faveur à la partie de la proposition qui tend à mettre à la disposition du gouvernement le boni que la Belgique a obtenu en vertu de l'article 64 du traité avec les Pays-Bas. M. le ministre des finances, dans sa réponse à la section centrale, dit bien que les réclamations qui ont été écartées par la commission instituée au ministère des finances, sont définitivement arrêtées, mais je ne suis nullement d'accord avec M. le ministre sur ce point. Il dit que les décisions de la commission sont souveraines et sans appel, que cela résulte du rapport fait à la chambre par l'honorable M. Donny ; mais, messieurs, le rapport et le discours d'un rapporteur ne sont pas une loi.
Lorsque nous avons fait la loi sur la liquidation des indemnités, nous avons dit positivement que les décisions de la commission de liquidation seraient souveraines et sans appel ; ici la loi ne dit rien de semblable. D'ailleurs la commission instituée en 1843, n'a existé que 12 mois ; en 1845 elle a été supprimée et remplacée par une commission composée de fonctionnaires du département des finances; or, cette commission, bien qu'elle soit formée des hommes les plus honorables, ne donne pas au public les mêmes garanties d'indépendance que la première commission, dont les membres étaient tout à fait en dehors de l'administration.
Messieurs, les réclamations dont il s'agit concernent, presque toutes, nos administrations charitables, surtout dans les Flandres; elles émanent des hospices, des bureaux de bienfaisance et même des communes, (page 1182) qui avaient beaucoup de rentes au grand-livre de France. Je dirai quelques mots de l'origine de ces dettes.
Lors de notre réunion à la France, toutes les obligations à charge des états et des corporations ont été liquidées sur le grand-livre français. En 1814, il a été institué une commission mixte à Paris pour la liquidation de ces créances. Il était naturel que la Belgique reprît à sa charge les fonds liquidés en France, mais par contre, le royaume des Pays-Bas fit valoir que la France n'avait pas payé pendant 5 années l'intérêt, et il exigea que cet intérêt fût défalqué du capital. Eh bien, ces 5 années d'intérêt faisaient une somme de 29 millions de francs. Depuis 1831, aussitôt que les anciens employés belges qui se trouvaient en Hollande sont revenus en Belgique, ils ont instruit le gouvernement de la marche qui avait été suivie pour la liquidation de ces différentes créances.
Pendant la réunion avec la Hollande, ces employés, comme tous les employés, en général, devaient simplement obéir à leurs chefs et ne pouvaient rien dire de ce qu'ils faisaient et des ordres qu'ils recevaient, mais un employé supérieur qui avait été chargé de la liquidation des créa nées de 1814 et qui se trouvait en 1830 à la Haye, s'est empressé, immédiatement après sa rentrée en Belgique, de faire connaître au gouverneraient belge la marche qui avait été suivie pour ces deux liquidations. Non seulement en 1831, mais chaque fois qu'il a été question de négociations avec la Hollande, il a toujours eu soin de prévenir M. le ministre des finances qu'il fallait réclamer sur telle ou telle base.
Ces renseignements ont facilité la liquidation avec la Hollande, et celle-ci, ayant reçu de la commission d'Utrecht une foule de réclamations, a fini par dire : « Il nous est impossible d'entrer dans ce dédale; nous donnerons à la Belgique une somme à forfait, et elle opérera elle-même la liquidation. »
En effet nous avons obtenu de la Hollande, dans ce but, une somme de 7 millions de florins, et il faut convenir que si la Hollande nous a donné une somme aussi forte, c'est qu'elle était convaincue que 7 millions de florins étaient au moins nécessaires pour liquider les différentes réclamations de la Belgique. Il paraîtrait aujourd'hui qu'une somme de 5 millions et quelques centaines de mille, francs suffit pour toutes les réclamations. La Hollande aurait donc fait une très mauvaise affaire, et aurait donné gratuitement onze à douze millions.
Cette différence provient de la manière dont on a liquidé en Belgique et de celle que la Hollande avait adoptée en 1814, lors de la liquidation avec la France; dès lors, de vives réclamations se sont élevées, et elles n'ont pas même cessé aujourd'hui.
On croit au ministère des finances que les décisions de la commission de 1843, présidée par M. Van Volxem, étaient souveraines et sans appel ; mais cela ne se trouve pas dans la loi, et le rapport de l'honorable M. Donny ne fait pas loi.
Les hospices de Bruges, entre autres, aussitôt qu'ils ont eu connaissance de la proposition de l'honorable M. De Pouhon qui tendait à les dépouiller entièrement, ont réclamé; voici ce que leur a répondu M. le ministre des finances :
« Je ne trouve aucune trace de la réponse que M. de Peneranda, selon vous, aurait adressée à mon département le 30 décembre1847. »
Eh bien, au lieu d'écarter la réclamation des hospices, on aurait dû demander le mémoire de M. de Penerana qu'où ne retrouvait pas, et examiner la question.
Messieurs, je ne pense pas que nous puissions confisquer aussi légèrement 11 à 12 millions que la Hollande n'eût pas été assez généreuse pour nous donner, lors du traite de 1842.
La Hollande, qui ne s'est pas empressée d'opérer la liquidation obtenue de la France en 1814, a cependant fait quelques liquidations; on aurait dû suivre la même marche, d'autant plus qu'il existe un arrêté du roi .Guillaume de 1818, qui règle la manière dont la liquidation doit se faire, et qui consiste à dire que les intéressés recevront des rentes françaises avec des intérêts, à partir de telle date.
Eh bien, le gouvernement belge donne 2 1/2 p. c; il ne tient pas compte des intérêts échus depuis si longtemps, et l'on tranche la question souverainement, sans que les divers intéressés puissent pour ainsi dire réclamer.
Je crois donc que le gouvernement ferait sagement de nommer une commission indépendante pour examiner les différences réclamations, tant pour l'arriéré français que pour les autres que nous avons vus surgir. Je citerai une réclamation de 2 millions 900 mille fr., à charge de la liquidation française, qui se trouve entre les mains d'un sieur Patte à Liège, qui a été appuyée par l'honorable M. Raikem. Je citerai une autre réclamation de la ville d'Arlon, dont pourront vous parler nos honorables collègues du Luxembourg s'ils étaient présents; un échevin d'Arlon m'en a entretenu et je l'ai trouvée très fondée. Il en est une troisième sur laquelle l'honorable M. Moncheur pourra vous donner des explications, qui a été, comme les deux autres, écartée par cette commission composée de fonctionnaires publics, non par la commission qui avait été investie par l'arrêté de 1843. Aucune réclamation belge n'a été liquidée par cette commission; mais bien par la commission de fonctionnaires publics instituée en 1845.
Tout cela est étonnant en présence de la circulaire émanée de M. Mercier à son arrivée au ministère des finances, qui témoignait de la volonté du gouvernement d'être juste envers tout le monde.
Voici cette circulaire du 27 mars 1844 :
« Des tableaux seront incessamment publiés par le gouvernement et insérés au Mémorial administratif, qui indiqueront quelles sont les créances encore admissibles à l’égard desquelles il a pu reconnaître qu'aucune réclamation ne lui avait été adressée jusqu'à présent et mettront ainsi les titulaires de ces créances à même d'en réclamer la liquidation ou de solliciter la délivrance des certificats qui les concerneraient après qu'ils auront été visés par la commission de liquidation. »
Vous le voyez, en 1844 l'honorable M. Mercier, croyant qu’il y avait encore des retardataires, annonçait aux gouverneurs qu'il allait dresser une liste des réclamations qui pouvaient encore être faites. Par une fatalité, celle circulaire n'a pas reçu d'exécution. Cette circulaire qui avait un but tout paternel, on ne lui a pas donné de suite. Le gouverneur de la Flandre occidentale a demandé, à plusieurs reprises et en vain, aux ministres qui ont succède à M. Mercier, l'exécution de cette circulaire.
En conséquence nous ne pouvons pas confisquer les 11 millions qui restent en boni. Il faut examiner en conscience ce que nous pouvons devoir. Le gouvernement hollandais n'était pas assez prodigue pour nous abandonner 14 millions de francs pour liquider trois millions de dettes. Pour qu'il y ait un boni aussi considérable, il faut qu'il y ait eu un vice dans la liquidation. On aura prononcé des rejets trop nombreux et trop sévères.
En n'acceptant pas la proposition de M. De Pouhon quant au boni, nous devons engager le gouvernement à nommer une commission indépendante pour examiner les réclamations qui peuvent encore être faites et qui pour la plupart intéressent les bureaux de bienfaisance et les hospices des Flandres dont les ressources, on le sait, sont au-dessous de leurs besoins.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. De Pouhon vous a soumis une proposition ayant pour objet d'autoriser le gouvernement à disposer premièrement des valeurs représentant l'encaisse de l'ancien caissier des Pays-Bas; en second lieu des sommes qui resteront en boni après la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842.
La section centrale. dont vous venez d’entendre le rapporteur, accueille la première partie de la proposition ; elle rejette la seconde. Je ne; pensa point qu'il y ail difficulté quant au premier objet : tout le monde sera d'accord, je pense que l'on doit accorder au gouvernement l'autorisation d'émettre ces titres de la dette, ce qui équivaut, comme nous l'avons dit à une autre époque, à un véritable emprunt.
Le second point présente quelque difficulté. La section centrale n'a point partagé l'opinion de l'honorable M. De Pouhon; elle en a donné ce motif : « que le boni provenant de l'exécution de l'article 64 doit préalablement être fixé et arrêté par une loi spéciale, et lorsque toutes les liquidations auront eu lieu, ce qui ne peut tarder, puisqu'il convient de fixer un terme à toutes les réclamations..»
Messieurs, il y a là une double erreur, dans laquelle est tombé l’honorable préopinant, et dont j'espère qu'il reviendra dans l'intérêt du trésor; car véritablement l’opinion qu'il a soutenue est extrêmement périlleuse pour nous : si elle pouvait être accueillie ; si elle avait le moindre fondement, personne ne saurait limiter le montant des réclamations qui s'élèveraient à la charge de l'Etat. (Interruption.)
On répartirait au marc le franc, me dit honorable rapporteur. En vertu de quel droit? Et d'ailleurs, si c'est une raison d'équité qui vous détermine aujourd'hui, la même raison d'équité vous déterminerait à faire abandon de plus fortes sommes au profit de ceux qui auraient réclamé. Je ne puis m'élever avec trop de force contre cette opinion.
Je démontrerai, d'abord, en peu de mots que la commission qui a été instituée au département des finances (qu'elle ait été formée de fonctionnaires ou de personnes étrangères à l'administration, cela importe peu) se composait d'hommes éminemment capables d'apprécier les questions que l’on devait débattre devant eux, je démontrerai, dis-je, que cette commission avait nécessairement, en vertu des lois et des traités, des pouvoirs souverains.
Aux termes de l'article 64 du traité du 5 novembre 1842, il a été stipulé que « toutes les liquidations seront opérées conformément aux règles établies par le gouvernement de l'ancien royaume des Pays-Bas avant le 1er octobre 1830. Les délégués du gouvernement nommés à l'effet d'opérer ces liquidations seront considérés comme succédant aux pouvoirs et aux attributions des ci-devant commissions néerlandaises. »
Ainsi les pouvoirs de la commission des délégués que devait nommer le gouvernement belge, sont clairement indiqués ; aucun doute n'est possible à cet égard, ils seront investis des mêmes pouvoirs dont jouissait la commission chargée antérieurement des mêmes liquidations.
Messieurs, quels étaient ces pouvoirs? Ces pouvoirs étaient étendus; cette commission des liquidations anciennes était seule compétente pour statuer sur les créances de cette nature; les tribunaux n'avaient pas à s'immiscer dans l'appréciation des conflits qui pouvaient s'élever à ce sujet.
La commission instituée au département des finances, en exécution du traité, a hérité de tous les pouvoirs des commissions anciennes et, parlant, ses décisions sont inattaquables.
L'honorable M. Osy me demandait de lui indiquer la disposition de la loi; la voici. Et le sens qui a été attaché à cette disposition du traité et par le gouvernement en la présentant aux chambres, et par le rapporteur de ta section centrale, achèvent de lever tous les doutes.
Voici comment s'exprime le rapporteur do la section centrale sur le traité du 5 novembre 1842 :
(page 1183) « Du temps de l’ancien royaume des Pays-Bas, la position des créanciers étai nettement déterminée, et quant aux liquidateurs qui devaient prononcer sur leurs créances, et quant aux règles dont ces liquidateurs étaient chargés de faire l'application.
« Compétence, législation, jurisprudence, tout était devenu stable et positif en matière de liquidation.
« Les diverses commissions liquidatrices prononçaient en premier et dernier ressort, en ce sens qu'aucun recours aux tribunaux ordinaires n'était ouvert contre leurs décisions; mais ces décisions étaient soumises à l'approbation du Roi.
« Avant la séparation, les créanciers belges ne pouvaient s’empêcher d'accepter pour arbitres suprêmes les commissions de liquidation ; pour loi, les règles positives de liquidation, pour jurisprudence constante, la longue série des décisions déjà rendues. La séparation a-t-elle changé leur position sous ce rapport? Evidemment non.
« Ils n'acquièrent ni droits nouveaux, ni droits plus étendus.
« Les créanciers, mécontents des décisions des commissaires liquidateurs, pourront-ils recourir aux tribunaux de la Belgique?
« Pour répondre à cette question, il y a une distinction à faire entre les décisions antérieures au traité de 1842 et les décisions qui seront rendues postérieurement à ce traité.
« Quant aux premières, l'on ne peut concevoir aucun recours judiciaire susceptible de produire quelque effet.
« Quant aux décisions que rendront les liquidateurs futurs, la section centrale a fait de ce point l'objet d'un examen spécial, qu'elle croit utile de retracer ici avec quelque développement.
« Dans l'article 64 du traité, il s'agit de réclamations résultant des créances antérieures à l'époque où les pays composant la Belgique actuelle ont cessé de faire partie de l'empire français et se rapportant à ces mêmes pays, pour autant que les réclamations seraient encore admissibles;.
(Suit l'énumération des lois, traités et conventions intervenues sur le sort de ces créances. Traités de Lunéville, de Paris, de 1814 et de 1815, de 1815 entre l’Autriche et les Pays-Bas, convention du 25 avril 1818, entre la France et les puissances alliées ; loi du 9 février 1818, et traité du 19 avril 1839.)
« Par suite des traités, c'était au gouvernement des Pays-Bas à liquider ces créances. L'article 64 du traité du 5 novembre 1842 les a mises à la charge de la Belgique. A cet égard, cette puissance prend à sa charge, une obligation du gouvernement des Pays-Bas, et la Belgique se trouve dès lors placée dans la même condition que ce gouvernement. .
« On a donc pu stipuler dans l'article 64 que la liquidation se fera d'après les règles qui résultent de la combinaison des dispositions du traité de Paris du 30 mai 1814, de la convention du 23 novembre 1815, de celle du 25 avril 1818 et de l’arrêté royal du 26 juin suivant.
« Cette stipulation n'est pas contraire à l'article 92 de la Constitution; car cet article lui-même ne fait que reproduire le principe proclamé par l’article 165 de la loi fondamentale du 24 août 1815.
« L'obligation de la Belgique prend sa source dans les traités qui sont des actes du droit public international. On ne doit donc pas leur appliquer les règles concernant les droits civils.»
L'opinion de la section centrale était aussi celle du gouvernement qui s'en expliquait en ces termes :
Voici comment il s'est exprimé à cet égard.
« Le gouvernement belge ne pouvait adopter d'autre mode de liquidation des anciennes créances que celui qui résulte de l'exécution des traités internationaux et de l'application des lois et arrêtés qui régissaient la matière au 1er octobre 1830.
« Quant au point de savoir comment la compétence des tribunaux pourrait être écartée, il suffit de faire remarquer que les ci-devant commissions de liquidation néerlandaises et la commission mixte d'Utrecht avaient pouvoir de décider, sans recours ou appel, sur le sort des réclamations qui leur étaient soumises, et que par le paragraphe 12 de l’article 64, les délégués que le gouvernement belge nommera à l'effet d'opérer les liquidations dont il s'agit se trouveront subrogés aux pouvoirs et aux attributions de ces commissions.
« Ces délégués seront donc seuls compétents pour appliquer les règles de liquidation en vigueur au 1er octobre 1830 et qui toutes acquièrent force de loi par les stipulations du paragraphe 11, lequel s'exprime ainsi : « toutes les liquidations ci-dessus seront opérées conformément ans règles établies par le gouvernement de l'ancien royaume des Pays-Bas, avant le 1er octobre 1830. »
Ainsi les pouvoirs des commissaires ont été nettement déterminés. Ce sont les mêmes que ceux des commissaires anciens; leur compétence exclusive a été également reconnue. C'est le sens, et on ne peut leur en attribuer un autre, des dispositions du traité du 5 novembre 1842, que j'ai citées.
La question, messieurs, s'est présentée devant les tribunaux. On y a émis une opinion analogue à celle que défend l'honorable M. Osy. On a soutenu l'incompétence de ces commissions de liquidation. On a prétendu que les tribunaux seuls pouvaient statuer sur des contestations de ce genre. La cour de Bruxelles, par un autre arrêté fortement motivé, du 13 avril 1844, a décida la question de la manière la plus formelle, la plus expresse. Elle a décidé, à la vue du traité, en considérant les explications qui avaient été données, qu'aucun doute n'était possible à cet égard.
M. Dolez. - Il y a un arrêt contraire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est une erreur; il n'y ay a d'arrêt contraire.
La cour de Bruxelles, saisie une seconde fois, en 1845 je pense, d’une question analogue, mais non pas identique, a décidé en fait que la créance qui était réclamée, était une créance d'une nature spéciale qui, ne tombait pas sous l'application de l'article 64 du traité; et partant, la cour de Bruxelles a dû écarter l'application de ce traité.
Il importe au plus haut point, messieurs, pour la Belgique, pour le gouvernement et les chambres, de maintenir l’autorité de ce droit. Il ne doit pas être affaibli. Il doit rester intact.
Ce droit résulte du traité, il ne doit pas être méconnu par le gouvernement lui-même ; il ne peut pas être mis en doute par le gouvernement, par les chambres. Il ne faut pas éveiller des cupidités à la vue de la somme qui peut rester disponible, alors que la Belgique a accepté à forfait les obligations du traité.
Le second point, messieurs, qui avait été invoqué par la section centrale comme autorisant à ne point mettre dès ce moment à la disposition du gouvernement les sommes indiquées par l'honorable M. De Pouhon, est encore moins soutenable, si c'est possible.
Aucune réclamation n'est plus admissible; et pourtant dans le système de l'honorable M. Osy, la voie serait encore ouverte ; les créanciers pourraient encore réclamer. Il faudrait, selon la section centrale, une loi pour arrêter préalablement le boni et il conviendrait d'y fixer un terme à toutes les réclamations. Mais ce terme est fixé. Une loi du 8 février 1844, a statué qu'aucune réclamation relative aux créances dont il est fait mention dans l'article 64 du traité du 5 novembre 1842, pour la liquidation, desquelles les parties se sont pourvues en temps utile, ne sera admise après le 1er juillet 1844. Aucune réclamation n'est dont plus admissible.
Il s'agit donc de savoir en fait quel est le montant des réclamations au moment où nous parlons. Le département des finances l'a indiqué. Ce montant est de 574,000 fr. C'est la seule portion qui soit encore en litige. Tout le reste du fonds des 7 millions de florins mis à la disposition de la Belgique, appartient à l'Etat. Aucune créance ne peut plus être présentée aujourd'hui à la liquidation.
J'ai ouï tout à l'heure l'honorable M. Osy faire appel aux divers intérêts engagés dans cette question, rappeler que telle réclamation avait été formée par les hospices de Bruges, telle autre par la ville d'Ostende, telle autre par la ville d'Arlon, telle autre encore par la commune de Florenne, et il provoquait l'honorable M. Moncheur à défendre les intérêts de cette commune. Mais les intérêts de cette commune ont été défendus. Elle a réclamé; elle s'est adressée à la chambre, et nous dû opposer une décision formelle qui démontre que cette commune n’a aucune espèce de droite.
Et tous les autres intéressés sont dans le même cas : ou leurs réclamations n'ont pas été produites en temps utile, et il y avait prescription ; ou bien il s'agissait de créances que l’on ne pouvait liquider en vertu de l’article 64 du traité. Quant à la commune de Florenne, voici les motifs de la décision :
« Considérant qu'il résulte des pièces transmises au gouvernement belge par celui des Pays-Bas qu'une décision royale du 11 juin 1825, a prononcé le rejet de cette créance par le motif qu'elle n’avait pas été comprise au nombre des réclamations présentées à la liquidation avec la France dans les délais indiqués par la convention spéciale du 20 novembre 1815, et qu'elle se trouvait en conséquence frappée de prescription ;
« Considérant que le fait allégué par la commune de Florenne, d'avoir produit sa réclamation en l'année 1816, au commissariat de l'arrondissement de Philippeville, n'est pas justifié à suffisance de ce droit et que, le fùt-il, il ne détruirait pas le motif qui sert de base à la décision du 11 juin 1825; qu'ainsi cette décision subsiste;
« Considérant qu'aux termes de l'article 64 du traité du 5 novembre 1842, les réclamations à l'égard desquelles des décisions de rejet avaient été rendues sous le gouvernement précédent ont été formellement exclues de la liquidation;
« la demande de la commune de Florenne est, rejetée. »
Il suffit, messieurs, de lire ces motifs pour comprendre que toute réclamation est impossible.
Dans le système de l'honorable M. Osy, il faudrait remettre en question tout ce qui a été décidé. (Interruption.) Il ne s'agit, dit-on, que de la base des liquidations ! Mais la base des liquidations a été la même pour la commission actuelle, que pour les commissions précédentes ; elle a été telle qu'elle était indiquée par les lois, par les règlements et par une foule de précédents. M. Osy ne veut pas que la commission soit souveraine, mais quel tribunal sera compétent pour connaître des réclamations que l'on pourrait former aujourd'hui? L'honorable membre veut que le gouvernement nomme une nouvelle commission. Ainsi la première commission n'aura pas statué d'une manière définitive! Mais pourquoi ne demanderait-on pas, après la deuxième commission, qu'il en fût formé une troisième, parce qu'il y aura de nouvelles réclamations? Il faut nous en tenir à ce qui a été décidé et ne pas sortis de là : les fonds restent à la disposition du gouvernement; ils lui sont acquis très légitimement.
M. Moncheur. - L'honorable M. Osy vous a parlé, messieurs, d'une affaire sur laquelle j'ai en effet demandé des explications à M. le ministre des finances : c'est une réclamation de la commune de Florenne, relativement à une créance de 27,670 francs. Cette créance résultait de la verte de biens appartenant à la commune, vente opérée par elle, en exécution d'une loi de 1815. La commune, qui s'était conformée à cette loi, en vendant une partie de ses biens, versa le produit de l'aliénation dans la caisse de l'Etat français ; mais elle se voit, aujourd'hui (page 1184) encore, privée de ses fonds et elle s’en voit privée par suite de la négligence d’un employé quelconque de l’État. Par le traité du 20 novembre 1815, les gouvernements s’étaient engagés envers la France, à faire parvenir endéans l’année, à partir de l’échange des ratifications du traité, toutes les réclamations et de leurs sujets et des communes, et des corporations quelconque.
La commune de Florenne avait produit un état de ce qui lui était dû; cet état avait été envoyé par elle, endéans l'année, au commissaire d'arrondissement; le commissaire d'arrondissement l'avait envoyé au gouverneur de la province et celui-ci à l'autorité supérieure, l'original de la lettre du commissaire d'arrondissement fait foi de son envoi, et cependant il parait que cet état ne s’est pas trouvé au nombre des réclamations fournies par le gouvernement des Pays-Bas à la commission de liquidation française. Il en est résulté, messieurs, une déchéance contre la commune de Florenne qui a été victime de ce qui n'était pas son fait ; elle s'était conformée à tout le prescrit de la loi, elle avait envoyé hiérarchiquement les pièces au gouvernement, qui devait les faire parvenir à la commission liquidatrice et, par une négligence dont elle ne peut être responsable, elle s'est trouvée frappée de déchéance.
Messieurs, il paraît en effet qu'il y a eu une décision du 11 juin 1823, rendue en Hollande, qui reconnaît cette déchéance contre la commune de Florenne; mais cette décision, en original, n'existe nulle part ; j'ai compulsé le dossier de cette affaire, et j'ai va que, dans une lettre du ministre des finances hollandais, il était effectivement question d'une décision du 11 juin 1823 qui aurait rejeté la réclamation de la commune de Florenne, mais cette décision même nous ne l'avons point; nous ne savons pas sur quoi elle se base, c'est donc par induction que le conseil de liquidation dont M. le ministre des finances a lu la résolution, a inféré que cette décision était basée sur la production de la réclamation dans les délais voulus.
Quoi qu'il en soit, messieurs, la commune de Florenne avait recommencé sa réclamations auprès du gouvernement hollandais ; et ici je dois insister sur un point, c'est que, selon le gouvernement hollandais, les décisions des conseils de liquidation étaient si peu irrévocables et souveraines que, sans la révolution de 1830, la décision du 11 juin 1825, dont M. le ministre des finances a parlé, aurait bien probablement été révoquée, et je vais vous en donner la preuve : sur la réclamation de l'administration communale de Florenne, voici le rapport que le ministre de l'intérieur, M. Van Gobbelschroy, adressait le 14 mai 1829,à son collègue le ministre des finances à la Haye :
« L'administration de Florenne ne peut, selon moi, être taxée de négligence, et, par suite, j'hésite à appliquer à la demande en question la prescription stipulée à la convention du 20 novembre 1815, et, dans cet état de choses, il me semble qu'il serait équitable que la créance fût prise en liquidation, ou du moins qu'il fût accordé à la susdite commune une indemnité dont le montant, ainsi que la désignation des fonds sur lesquels elle pourrait être imputée, serait désigné par Votre Excellence, attendu qu'elle y est plus spécialement intéressée que moi.
« Si vous pouviez vous rallier à mon opinion, je prierais Votre Excellence de faire faire une adresse, en commun, dans ce sens au roi, et de me l'envoyer pour la signer, tandis que, au cas contraire, je verrais volontiers que Votre Excellence remît son avis, ma présente lettre et les annexes au roi. »
Les événements de 1830, messieurs, ont empêché la conclusion de cette affaire; mais vous voyez que, malgré la décision de 1825, M. Van Gobbelschroy pensait qu'on pourrait encore, en équité, accorder une indemnité à la commune de Florenne, ou mieux, comme s'exprimait M. le ministre « admettre sa créance en liquidation. »
Messieurs, la question a été, ce me semble, inexactement posée par M. le ministre des finances.
Je puis concéder que les décisions des conseils de liquidation sont souveraines, en ce sens que le recours devant les tribunaux ne soit pas permis ; mais vous savez, messieurs, que si, sous le gouvernement des -Pays-Bas, ces décisions n'étaient pas soumises au recours devant les tribunaux, elles devaient être approuvées par le Roi.
M. le ministre a cité l'opinion de M. Donny sur la question de souveraineté des décisions des commissions de liquidation ; mais je dois compléter la pensée de M. Donny par les paroles de M. Donny lui-même.
Voici ce que disait l'honorable ministre dans la séance du 24 décembre 1847 :
« L'honorable ministre des finances nous a dit, messieurs, que les commissions de liquidation rendaient des décisions souveraines. Oui, leurs décisions sont souveraines en ce sens que, d'après les traités et d'après toute la législation sur la liquidation des anciennes créances, l’intervention des tribunaux est exclue; de manière qu'une décision de la commission de liquidation ne puisse en aucun cas être réformée par un tribunal quelconque. Mais suit-il de là que tout ce que décident les commissions de liquidation doive passer de plein droit en force de chose jugée? Je ne le pense pas. D'après les traités, les commissions de liquidation se trouvent subrogées aux commissions de liquidation des Pays-Bas, et les commissions de liquidation des Pays-Bas rendaient aussi des décisions à l'exclusion du pouvoir judiciaire; mais leurs décisions n'étaient pas irrévocables, car on en rappelait au roi et le roi en ordonnait quelquefois la révision; ce qui était permis alors doit être permis aujourd'hui.
« Je pense donc que, si les personnes ou les administrations dont l'honorable M. Osy a parlé, croient devoir réclamer contre les décisions d'une commission de liquidation, ces réclamations peuvent encore être adressées au Roi. Peut-être même, messieurs (la question est difficile et je ne veux pas la trancher), peut-être même y aurait-il possibilité d'un recours devant la législature.
« Quant à la question en elle-même, ces anciennes liquidations, les fonds qu’n a reçus de la Hollande et l'usage qu'il faut en faire, tout cela peut donner heu à deux questions : une question de droit et une question d’équité.
« Il s'agit de savoir si, par des considérations d'équité et de loyauté, il convient d’accorder à certains réclamants qui, en droit rigoureux, ont dû être repoussés par le conseil de liquidation, quelque chose à prendre sur l’excédant si considérable, que la Belgique a reçu de la Hollande, et que la Belgique a reçu, non pas pour être versé dans son trésor mais pour être employé au profit des anciens créanciers des Pays-Bas. »
Je dois dire que M. Donny s'est montré ici un peu trop imbu des principes de l'ancien gouvernement, lorsqu'il parle d'un appel au Roi contre les décisions des conseils de liquidation. Je crois qu'il ne peut s'agir dans ce cas que de l'appel au gouvernement; l'on peut donc appeler d'une décision d'un conseil de liquidation au gouvernement ou plutôt au conseil de liquidation lui-même, mieux informé.
M. H. de Brouckere - A la bonne heure.
M. Moncheur. - Je ne vois pas en quoi une décision d'un conseil de liquidation devrait avoir ce caractère de souveraineté et de permanence qu'ont les arrêts judiciaires.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit cela.
M. Moncheur. - Alors je n'insiste pas; mais je dis que, dans certains cas donnés, des conseils de liquidation pourraient eux-mêmes, mieux éclairés, revenir sur leurs propres décisions, et je pense que la position de la commune de Florenne constitue évidemment un de ces cas.
Cette commune a fait tout ce qu'elle devait faire. On lui reproche de n'avoir pas prouvé à suffisance de droit qu'elle a remis en temps utile l'état de sa créance.
Mais qu'entend-on par ces mots à suffisance de droit? On entend probablement une quittance en bonne et due forme. En bien, est-ce qu’une commune peut avoir, a-t-elle ordinairement une quittance des pièces qu'elle envoie hiérarchiquement à l'autorité supérieure? Non, messieurs, on sait qu'en administration l'envoi des pièces est constaté par la date apposée par le fonctionnaire qui les reçoit, ou bien par l'inscription à l'indicateur.
Eh bien, l'autorité compétente a demandé, dans le temps, à la commune de Florenne l'état de sa créance, et la commune de Florenne l'a fait parvenir à l'autorité compétente par la filière administrative de l'époque ; et aujourd'hui l'on vient nous dire que la commune de Florenne n'a pas prouvé à suffisance de droit qu'elle avait réclamé en temps utile.
Il me semble, messieurs, que le ministre Van Gobbelschroy était bien inspiré lorsqu'il voulait revenir sur ce qui avait été fait par la commission de liquidation six années auparavant. Je crois que s'il y a des cas où la question de loyauté exige une révision, ce sont des cas semblables à celui dont je m'occupe en ce moment.
Et, à cet égard, j'ose appeler de nouveau, sur cet objet, l'attention et de M. le ministre de l'intérieur, qui est le tuteur-né des communes et des caisses communales, et de M. le ministre des finances, qui est, il est vrai, le tuteur-né du trésor, mais qui cependant doit prendre en considération les principes de loyauté et d'équité qui doivent prévaloir.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je prie l'honorable préopinant de vouloir bien faire attention à cette circonstance pour ce qui concerne l'affaire de la commune de Florenne.
La réclamation, à tort ou à raison, a été rejetée par décision du 11 juin 1825 ; or, le traité du 5 novembre 1842 n'a mis à la charge de la Belgique que les créances provenant de l'arriéré des Pays-Bas, pour autant que ces créances n'étaient ni liquidées, ni rejetées, ni frappées de déchéance, ni prescrites à la date du 1er octobre 1830.
Voilà toute la réponse que j'ai à donner touchant l'affaire de la commune de Florenne, et je la crois péremptoire.
M. Osy. -Messieurs, je veux bien admettre pour le moment que les commissions instituées au ministère des finances décident souverainement et sans appel; mais le texte même que vient de lire M. le ministre des finances établit que les commissions doivent liquider sur la base d'après laquelle elles ont liquidé avant le 1er octobre 1830. De manière que j'admets qu'à une certaine époque il ne pourrait plus venir de nouvelles réclamations après la loi de 1844. Mais il me paraît qu'on pourrait toujours réclamer contre une mauvaise application, d'autant plus que la loi que je viens de citer, du mois de février 1844, fixait au 1er juillet 1844, le dernier terme pour les réclamations en retard, et que c'est la commission de 1845 qui a liquidé les créances gallo-belges, qu’ à l'heure qu'il est ne sont pas encore entièrement terminées ; car nous voyons dans le rapport de M. le ministre des finances qu'il y a encore pour 500,000 francs de réclamations en instance.
Je demande si on peut opposer la déchéance aux réclamations contre la base de la liquidation.
On ne pouvait plus, après le mois de juillet 1844, produire de réclamations nouvelle;, nais on pouvait réclamer contre la base de la liquidation.
Ce qui est plus fort, c'est qu'après la loi de février 1844, le 27 mars, M. le ministre a adressé aux gouverneurs une circulaire que j'ai citée (page 1185) tout à l'heure, mais à laquelle il n'a été donné aucune suite. A deux reprises, le gouverneur de la Flandre occidentale, à un mois d'intervalle, a invoqué, mais en vain, la promesse faite par la circulaire. Les administrations attendaient les communications promises, elles n'arrivèrent pas.
Je vous demande si après cela on peut prononcer la déchéance. Je dis donc qu'il serait extrêmement léger de mettre à la disposition du gouvernement le solde des sept millions de florins. Je prie M. le ministre, que je sais animé d'un esprit de justice et de droiture, de vouloir examiner la base des liquidations admises et de voir s'il n'y a pas quelque chose à faire.
La lettre du 4 avril aux hospices de Bruges, prouve qu'il pensait qu'il pouvait en être ainsi, car il dit : Je ne puis m’occuper de cette réclamation parce que je ne trouve pas la lettre de M. Depeneranda du 31 décembre 1846. Je le prie de vouloir bien se faire produire la réclamation des hospices et de la faire examiner; je suis persuadé qu'il y aura quelque chose à faire.
Nous voulons que la commission liquide sur les mêmes bases qu'avant 1830, ce que je prétends n'avoir pas été fait.
Depuis l'origine, savoir depuis le mois de mars 1816 jusqu'au mois d'octobre 1830, tous les bordereaux de liquidation afférant à l'arriéré français ont été établis en rentes 5 p. c, consolidés au pair avec jouissance à partir du 22 mars 1816 et 1818, calculés sur le montant intégral, admis conformément aux dispositions de la convention du 20 novembre 1815 et de l'arrêté du roi des Pays-Bas du 26 juin 1818. Jamais aucune exception n'a été faite à ce mode qui a été invariablement appliqué à tous les bordereaux dressés avant le 1er octobre 1830. On ne s'explique pas comment la commission de liquidation à Bruxelles a cru pouvoir dévier d'une façon aussi scrupuleusement suivi et consacrée d'une façon si péremptoire par différents paragraphes du 3 de l'article 64 du traité du 5 mars 1842.
Je dis donc que la liquidation ne s'est pas faite depuis 1830 sur la même base qu'avant.
J'engage le gouvernement à examiner cette question, et à voir si une grande erreur n'a pas été commise. Soyez persuadés que les réclamations s'élèveront à la somme mise à la disposition du gouvernement. Je répète que le gouvernement hollandais, en accordant sept millions de florins pour les créances, savait ce qu'il faisait; il connaissait les réclamations qu'on pouvait faire. Il les a évaluées à 14 millions de francs, et aujourd'hui nous trouvons qu'elles peuvent se faire avec 3 millions.
C'est impossible, nous ne pouvons donc pas mettre la différence à la disposition du gouvernement. Si le gouvernement ne veut pas nommer une nouvelle commission, qu'il fasse lui-même la révision.
M. H. de Brouckere - On peut appeler de la commission à la commission mieux informée.
M. Osy. - La commission de 1843 était composée d'hommes indépendants, tandis que la commission de 1845, qui a liquidé les créances gallo-belges, était composée de fonctionnaires, de sorte que la liquidation se faisait dans les bureaux du ministère. Nous ne pouvons pas qualifier de commission une réunion de fonctionnaires d'un département. Ce n'était du moins pas une commission aussi indépendante que celle de 1843.
M. Moncheur. - L'observation de M. le ministre des finances ne répond pas à ce que j'ai dit. Je n'ai pas prétendu que la commune de Florenne trouvait dans le traité de 1842 et dans les traités antérieurs un droit rigoureux ; mais j'ai dit qu'elle trouvait dans les principes de loyauté des motifs suffisants pour que, par exemple, le gouvernement actuel fît ce que le gouvernement hollandais se proposait de faire en 1830, c'est à-dire donnât une indemnité à la commune de Florenne ou admît sa créance à la liquidation.
M. de Brouckere. - Ce serait un cadeau que le gouvernement lui ferait.
M. Moncheur. - Ce serait si peu un cadeau, que c'est la commune de Florenne qui aura fait un cadeau au gouvernement si sa réclamation est repoussée. Je n'insiste pas. Je réponds à M. le ministre des finances que ce n'est pas dans les traités que la commune de Florenne puise sou droit, mais dans des circonstances particulières qui déjà ont été jugées de nature à lui faire accorder une indemnité ou même l'admission de sa créance en liquidation.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La question est déjà beaucoup simplifiée. On me concède que les commissions de liquidation sont souveraines, sauf à examiner de nouveau quand on se pourvoit devant elles sous prétexte d'erreur ou pour autre cause.
C'est un premier motif d'opposition à la proposition de M. De Pouhon qui disparaît.
Un autre motif d'opposition était qu'on aurait dû fixer par une loi un terme aux réclamations. La loi existe. Il n'y a donc plus de raison pour repousser la proposition de M. De Pouhon.
Seulement, l'honorable M. Osy soutient que les bases de liquidation (ce qui ne s'applique donc qu'à une certaine catégorie de créances qui ont été liquidées) ont été erronées. Il prétend que la commission instituée au département des finances, et qui s'est acquittée de sa tâche avec le plus grand zèle, qui a rendu des services éminents à la Belgique, car ses travaux sont très nombreux, très considérables et sont faits de la manière la plus consciencieuse, il prétend, dis-je, que cette commission aurait admis d'autres bases de liquidation que celles qui ont été suivies par les commissions précédentes. Et bien, ce point a été examiné; l'honorable M. Osy reproduit id un système qui deux fois a été soumis à la commission de liquidation et deux fois jugé et condamné par elle.
M. de Peneranda a soutenu, en effet, devant la commission de liquidation que ses décisions n'avaient pas été portées d'après les bases admises par les anciennes commissions de liquidation. Mais à deux reprises différentes la commission de liquidation a écarté les allégations de M. de Peneranda qu'elle a reconnues non fondées, après s'être éclairée, par des documents officiels, du mode qui a été suivi par l'ancienne commission.
On a opposé ce qui avait été fait, aux allégations produites contre le système pratiqué par la commission, c'est donc une question jugée; il n'y a plus à y revenir ; ce n'est pas une objection sérieuse que l'on puisse faire valoir : on ne peut pas l'accueillir, et sous ce prétexte déclarer que le fonds n'est pas disponible. Ce serait, de la part de la chambre, une faute grave d'adopter l'opinion de l'honorable M. Osy.
- Personne ne demandant plus la parole la discussion générale est close.
M. le président. - Voici la proposition de M. De Pouhon :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à disposer :
« 1° Des 13,428 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c. représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas;
« 2° Des valeurs qui resteront en boni après la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, du 5 novembre 1842.
« Le gouvernement pourra même réaliser les fonds ci-dessus désignés, à l'époque, au taux et d'après le mode qu'il jugera convenables. »
La section centrale propose la disposition suivante :
« Le gouvernement est autorisé :
« 1° A disposer, par emprunt temporaire, des 13,428 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c, représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas ;
« 2° A réaliser les fonds ci-dessus désignés à l'époque et d'après le mode qu'il jugera convenables, mais au taux minimum de.80 p. c. »
M. Jacques. - J'ai demandé la parole pour motiver mon vote en peu de mots.
A diverses reprises jusqu'ici, M. le ministre des finances a donné l'assurance à la chambre qu'il était pourvu aux besoins du trésor pour l'année courante. Je ne crois pas qu'il soit rien survenu depuis qui soit de nature à détruire ces assurances plusieurs fois réitérées, et qui puisse nous autoriser maintenant à permettre au gouvernement de faire un nouvel emprunt ; car, ainsi que l'a dit M. le ministre des finances, l'émission de ces obligations de l'emprunt belge à 4 p. c. et de l'emprunt à 2 1/2 p. c. qui reste disponible, équivaut en réalité à un véritable emprunt.
Or, je crois que, dans les circonstances actuelles, il est très préjudiciable aux intérêts du trésor de recourir à la voie de l'emprunt lorsqu'on n'y est pas absolument forcé.
Il n'a été fourni jusqu'ici aucun renseignement sur la situation actuelle du trésor; mais ce qui me fait croire que cette situation n'est pas mauvaise, c'est que jusqu'à présent le département des finances n'a pas même fait usage de l'autorisation qui lui a été donnée depuis longtemps, de mettre en circulation six millions de billets de banque sans intérêt. Si j'étais persuadé que le trésor a un besoin imminent de nouvelles ressources, je pourrais me rallier à l'article premier du projet; mais jusqu'ici je n'ai pas trouvé que ce besoin existât réellement; et dès lors, à moins que je n'aie tous mes apaisements à cet égard, je ne pourrais que refuser mon vote approbatif au projet en discussion.
D'ailleurs, si le trésor avait un pressant besoin de fonds, il y aurait d'autres moyens, je pense, moins onéreux pour le trésor, de se procurer les fonds nécessaires. Nous avons vu naguère, dans la situation de la banque de Bruxelles, que nos établissements publics avaient encore à la caisse d'épargne de cette banque plus de sept millions de francs.
Il serait facile, me paraît-il, d'amener ces établissements publics à pincer leurs fonds sur l'Etat au lieu de les déposer dans les caisses d'épargne.
Je conçois qu'avec le mode actuel cet établissement n'ait pu être autorisé, ni par les administrateurs immédiats, ni par les députations provinciales, à placer sur des obligations du trésor au porteur ; car alors il n'y a pas de garantie suffisante que les fonds ne soient pas détournés dans des intérêts particuliers. Je pense aussi que cet établissement n'a pas été à même de prendre une inscription sur le livre de la dette nominative, parce que, dans le système actuel, quand on possède une semblable inscription on doit avoir un fondé de pouvoirs à Bruxelles pour toucher les intérêts semestriels. Mais il n'y aurait pas de grandes difficultés à rendre le payement des intérêts de cette dette facultatif dans les chefs-lieux d'arrondissement, comme on le fait pour les employés de l'Etat, c'est-à-dire au moyen d'états collectifs ordonnancés par les directeurs du trésor dans chaque province.
De cette manière on parviendrait, avec le temps, à faire verser au trésor, moins les 7 millions déposés à la caisse d'épargne, au moins 5 à 6 millions, et, dans un terme assez court, je crois que les placements que feraient les établissements publics sur l'Etat s'élèveraient à une vingtaine de millions.
Ces divers motifs me paraissent suffisants pour refuser mon assentiment au projet que nous discutons en ce moment.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable préopinant vient de rappeler que plusieurs fois j'ai eu l'occasion de dire à la chambre que (page 1186) la situation de 1849 était assurée, et il s’étonne, en face de cette déclaration, que j'appuie la proposition de l'honorable M. De Pouhon de mettre à la disposition du gouvernement certains titres à négocier. Mais l'honorable préopinant a confondu deux choses essentiellement distinctes : les budgets et la situation du trésor. Les budgets de 1849 sont assurés; mais la situation du trésor est telle que je l'ai indiquée à la chambre. De ce que nous avons trois à quatre millions d'excédant de ressources sur les dépenses de 1849, je puis dire qu'il est selon toute vraisemblance, qu'il y a certitude même, que les services publics sont assurés pour 1849. Mais alors que nous aurions 10 millions d'excédant en 1849, cela n'empêcherait pas que nous aurions encore 30 millions d'arriéré, de dettes à acquitter. A quoi doivent s'appliquer les obligations dont nous nous occupons? Non pas au budget, mais à l'arriéré, à cet arriéré de 30 millions qui est toujours là.
C'est ce qui motive la proposition de l'honorable M. De Pouhon ; c'est ce qui fait que la section centrale l'appuie, et que j'y donne également mon adhésion.
L'honorable membre donne un second motif du vote négatif qu'il se propose d'émettre sur l'article premier. Il dit: Le gouvernement pourrait obtenir des établissements publies les fonds qui sont déposés aux caisses d'épargne et se dispenser ainsi d'emprunter. Mais comment alors rembourserait-on les personnes qui voudraient retirer les sommes qu'elles auraient déposées à la caisse d’épargne? Vous savez qu'un établissement se trouvant dans l'impossibilité d'acquitter à vue ses obligations de ce chef a dû réclamer l'intervention de l'Etat pour une émission de billets de banque à cours forcé. Ce serait donc à une nouvelle émission de billets de banque qu'aboutirait l'opération qu'indique l'honorable membre. Il faudrait que la Société Générale émît des billets de banque eu plus grande quantité pour rembourser les sommes qui passeraient aux mains de l'Etat. Voilà l'opération à laquelle l'honorable membre nous convie ; il suffit de l'indiquer pour reconnaître qu'elle n'est pas réalisable.
L'honorable membre ajoute : Mais la situation du trésor ne doit pas être si mauvaise, puisque M. le ministre des finances n'a pas usé de la faculté qui lui a été accordée, et que sur 12 millions qui ont été mis à sa disposition en billets de banque, il n'a émis de ces billets que 6 millions. Messieurs, cela vient de ce que, par suite d'opération de trésorerie que je pense avoir soigneusement combinées, j’ai pu, en usant d’autres ressources, me dispenser d’émettre des billets de banque pour les 12 millions. J’ai cru faire chose très prudente en émettant le moins possible de ces valeurs. S'il m’est possible de ne pas émettre des billets pour toute la somme autorisée, je m'en dispenserai. Les besoins actuels ne l'exigent pas, Mais il pourrait se présenter telles circonstances où le gouvernement devrait faire usage des 12 millions. Nous devons nous féliciter que les choses soient arrangées de telle sorte qu'il ne soit pas nécessaire, quant à présent du moins, de faire usage de cet excédant qui reste ainsi à la disposition du ministre des finances.
M. Delfosse. - Messieurs, je suis tout à fait de l’avis de M. le ministre des finances sur la question des créances arriérées. Je crois donc que l’on peut appliquer au 2 1/2 p. c. les mesures qui seront prises pour le 4 p. c.
Deux mesures sont proposées par l'honorable M. De Pouhon. Il propose, d'abord, d'autoriser le gouvernement à donner ces valeurs comme gage spécial d'un emprunt temporaire qui serait contracté. Il propose en outre d'autoriser le gouvernement à émettre ces valeurs à un taux qu'il n'indiquait pas, mais que la section centrale a fixé au minimum de 80.
La première mesure, celle qui autoriserait le gouvernement à donner ces valeurs comme gage d'un emprunt temporaire, ne saurait avoir mon assentiment. Je pense qu'il n'est pas digne d'un gouvernement d'emprunter sur gages. Il faut laisser cet expédient aux fils de famille qui dissipent anticipativement leur patrimoine en recourant aux usuriers. Le crédit du gouvernement belge n'est pas, que je sache, tombé assez bas pour qu'il ne puisse se procurer quelques millions sans donner un gage spécial. Le meilleur gage qu'il puisse offrir à ses créanciers, c'est la loyauté avec laquelle il a toujours tenu ses engagements. Ce gage vaut mieux que celui qui est proposé par l'honorable M. De Pouhon.
Je ne vois pas d'ailleurs quelles garanties les valeurs indiquées par l'honorable membre offriraient à nos créanciers. Quelles sont ces valeurs? Ce sont les engagements souscrits par le gouvernement. Si l'on donnait comme gage d'un emprunt temporaire des obligations souscrites par d'autres gouvernements, je le concevrais, il y aurait dans ce cas une double garantie pour celui qui contracterait avec nous : il y aurait la garantie du gouvernement qui aurait émis les obligations données en gage, il y aurait en second lieu la garantie du gouvernement belge. Mais donner en gage d'une obligation souscrite par le gouvernement belge d'autres obligations souscrites par le même gouvernement, ce n'est rien faire du tout ; je ne vois pas qu'on ajoute par là aux garanties qui résident dans notre loyauté, dans notre solvabilité.
Il m’est impossible de me rallier à une semblable disposition ; mais je puis approuver jusqu'à un certain point la mesure énoncée dans le deuxième paragraphe, celle qui autorise le gouvernement à émettre les valeurs 2 1/2 et 4 p. c, c'est-à-dire à les négocier, à les vendre. Comme l'a fort bien dit M. le ministre des finances, cette opération équivaudrait à un emprunt.
La question est de savoir à quelles conditions l’emprunt sera contracté. Il ne faut pas que le gouvernement choisisse un moment défavorable; il ne faut pas qu'il contracte à des conditions onéreuses. La section centrale vous propose d'autoriser le gouvernement à négocier le fonds 4 p. c. à 80 minimum. C'est là une proposition que je ne puis admettre ; elle serait désastreuse. Ce fonds a été émis par souscription en 1836. A quel taux? Au taux de 92.
- Un membre. - Autre temps...
M. Delfosse. - Permettez. Il y a eu une souscription. Il ne fallait que 30 millions, et il y a eu des souscripteurs pour 600 millions.
Autre temps ! me dit-on. Quel était ce temps? C’était le temps où notre indépendance n'était pas reconnue. Si, à une époque où notre indépendance était encore en question, nous avons pu émettre le 4 p. c. à 92, nous aurions certes grand tort de nous en défaire à 80.
Je sais qu'actuellement les fonds publics sont dépréciés, que l'on ne pourrait pas même placer le 4 p. c. à 80. Mais sachons attendre des temps meilleurs. Aujourd'hui notre indépendance est reconnue ; elle est affermie plus que jamais par suite des derniers événements. Il y a partout une réaction prononcée en faveur de l'ordre, et il est permis d'espérer que le gouvernement pourra contracter un emprunt à des conditions meilleures. Je ne veux pas que le gouvernement se défasse au taux de 8'0 d'un fonds émis à 92 et qui a été coté bien plus haut. Lorsque la Société Générale a converti l'encaisse qui se composait d'obligations de 5 p. c. en 4 p. c.,, je crois que cette dernière valeur été négociée au moins à 92.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'Etat a racheté au cours moyen de 90-58.
M. Delfosse. - Soit; je ne veux pas qu'un fonds émis à 92, et que l'État a racheté plus tard à 90-58, soit négocié à 80. La perte serait trop grande.
Le gouvernement peut, je n'en doute pas, faire face à la situation à l'aide d'autres ressources qu'il peut se procurer momentanément sans déposer un gage spécial, jusqu'au jour où il pourra négocier le 4 p. c. un taux favorable. Que le gouvernement soit autorisé à négocier ces va leurs, je ne m'y oppose pas, pourvu que ce soit à de bonnes conditions/ Je propose par amendement d'élever le minimum de 80 à 90.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la proposition qui a été faite par l’honorable M. De Pouhon se borne à mettre les valeurs qu'elle indique à la disposition du gouvernement. C'est la section centrale qui a modifié cette proposition, d'une part en écartant les fonds repris au traité du 5 novembre ; et d'autre part, en stipulant que le gouvernement pourrait disposer des obligations 4 p. c. pour un emprunt temporaire.
M. Delfosse. - L'honorable M. De Pouhon propose également les deux mesures.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne pense pas que telle ait été la pensée de l'honorable M. De Pouhon.
Il me paraît très clair que si l'on met des titres à la disposition du gouvernement avec faculté de les vendre, d'en disposer définitivement, à plus forte raison les met-on à sa disposition avec faculté d'en disposer temporairement.
Cela me paraît de toute évidence, il est clair que si je puis vendre les obligations, je puis aussi les déposer, lorsqu'il y aurait plus d'avantages pour l'Etat à le faire.
On dit : C'est emprunter sur gage, c'est faire comme les fils de famille qui dissipent leur patrimoine en hantant les usuriers; mais je demandé qu'on veuille bien réfléchir à ceci : si les circonstances étaient telles qu'il fût impossible de réaliser autrement qu'à un cours très onéreux, des titres de la dette belge et qu'on nous offrît, à des conditions relativement très avantageuses, un emprunt temporaire sur dépôt de ces titres, que faudrait-il faire dans l'intérêt de l'Etat? Evidemment il faudrait préférer le second mode.
L'honorable membre nous répond : par ce moyen vous n'offrez au prêteur aucune espèce d'avantage,, car que signifie votre gage? Vous déposez des titres sur vous-même et par conséquent vous n'ajoutez rien aux garanties que vous offrez en dehors de ce dépôt.
C’est là, messieurs, une erreur : un emprunt temporaire n'a pas cours sur le marché; il en est autrement d'un emprunt définitif, et si pour contracter un emprunt temporaire vous ajoutez aux autres garanties que vous offrez, le dépôt de titres de la dette belge, qui ont cours sur le marché, vous pouvez obtenir des conditions beaucoup plus avantageuses. Au surplus, je donne ces explications pour démontrer que l'observation à laquelle je viens de répondre n'est pas fondée, mais j'y attache peu d'importance : il suffit que les fonds soient mis à la disposition du gouvernement pour que la situation du trésor soit meilleure, comme l'a parfaitement démontré l'honorable M. De Pouhon dans les développements de sa proposition, et c'est surtout ce qui importe en cette affaire.
Quant à indiquer le cours de 90, c'est déclarer qu'il n'y a pas lieu de disposer des valeurs, car il est impossible de supposer qu'on réaliserait du 4 p. c. à 90, dans les circonstances actuelles ; il représenterait ainsi du 5 p. c. à 110. Avec une telle restriction la proposition serait parfaitement inutile; autant vaudrait dire qu'il n’y a pas lieu à délibérer.
M. Osy. - J’aurai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre des finances. En effet, si nous adoptions l'amendement de M. Delfosse, je crois que nous ferions beaucoup mieux d'engager M. De Pouhon à retirer sa proposition. Il ne faut pas penser, d'ici à longtemps, à réaliser des fonds publics belges à un taux aussi élevé, car nous ne sommes pas les seuls qui auront besoin de faire des emprunts : vous connaissez la situation financière de la France, de l'Autriche; ces puissances devront faire des emprunts considérables, et si, dans ces circonstances, nous réalisons du 4 p. c. à 80 , ce qui équivaut à du 5 p. c. au pair, nous pouvons nous estimer fort heureux.
(page 1187) L'honorable M. Delfosse ne veut pas non plus donner son assentiment au 1 de la proposition de la section centrale, mais, messieurs, comme il est possible que, pendant longtemps, le taux que nous fixerons par la loi ne soit pas atteint, je crois que nous devons laisser au gouvernement la faculté d’émettre ces obligations à l'escompte, soit à l'étranger, soit dans les banques, et de se procurer ainsi des ressources dans le cas où les circonstances deviendraient critiques.
Je suis persuadé que M. le ministre des finances ne le fera pas si ce n'était pas strictement nécessaire; mais je crois être bien certain que ce ne serait pas la première fois que le trésor belge ferait une opération pareille; je pense qu'il en a été fait une semblable en 1840, lorsque, par suite des événements de l'Orient, on se trouvait dans l'impossibilité de contracter l'emprunt de 80 millions. (Interruption,)
J’espère, comme l'honorable M. Delfosse, que l'ordre ne tardera pas à se rétablir partout en Europe, et qu'alors le gouvernement pourra se procurer les ressources nécessaires, sans recourir à des opérations plus ou moins onéreuses. Mais nous ne savons pas ce qui peut arriver ; les chambres sont pendant 4 ou 5 mois sans être réunies, et pendant leur séparation le gouvernement pourrait avoir besoin de ressources immédiates; -je crois que nous devons prévoir cette éventualité et que nous pouvons donner un vote de confiance au gouvernement, d'autant plus qu'il devra rendre compte de l'opération qu'il aura faite, aussitôt que les chambres seront réunies.
(page 1190) M. De Pouhon. - Messieurs, ma proposition ne détermine aucun mode d'après lequel le gouvernement pourrait tirer parti des valeurs dont il s'agit. J'ai admis dans mes développements, qu'il aurait la faculté soit de négocier ces effets publics si les circonstances devenaient assez favorables, soit de les déposer contre emprunts temporaires. Si vous lui imposiez un minimum qui rendît la réalisation impossible, et si d'un autre côté vous vouliez lui interdire l'emprunt temporaire, le projet de loi deviendrait sans objet, il serait superflu de s'en occuper davantage.
En ce moment le cours de 80 p. e. ne serait pas plus réalisable que celui de 90 p. c. proposé par l'honorable M. Delfosse.
L'honorable M. Delfosse considérerait comme un manque de dignité d’emprunter sur dépôt de ces obligations. Cette considération aurait moins de valeur pour le gouvernement que pour les particuliers qui font souvent de ces opérations, car le gouvernement ne donnerait en garantie que sa propre signature, mais sous une forme différente qui convienne mieux au prêteur. Celui-ci veut rentrer dans son argent au terme fixé; s il n'a qu'un engagement à échéance fixe, il ne lui reste qu'à poursuivre l’emprunteur en défaut de remboursement; si, au contraire, il est détenteur d'obligations de dettes consolidées qui ont cours sur les marchés du pays et de l'étranger, il peut réaliser le gage.
Si vous admettez l'utilité d'un emprunt temporaire, il faut le rendre possible. Supposez que le gouvernement éprouve le besoin de quelques millions par suite de circonstances extraordinaires telles, par exemple, que la nécessité de rembourser les billets de banque ! Sous quelle forme voulez-vous qu'il fasse cet emprunt? Il aura épuisé en totalité ou en grande partie les 10 millions de bons du trésor qu'il est autorisé à émettre, que lui restera-t-il à faire? Les chambres étant réunies, il pourrait demander l'autorisation d'émettre une somme nouvelle de bons du trésor ; mais cette demande aggraverait les embarras et réagirait sur le crédit.
Lorsque, en décembre, je déposai ma proposition, j'étais persuadé que le gouvernement éprouverait de la gêne pendant le trimestre suivant parce que les contributions directes ne commencent à rentrer qu'en mars ou avril, les rôles n'étant distribués qu'en mars. Je ne sais rien de positif à cet égard, mais je ne pense pas que M. le ministre des finances ait été fort à l'aise pendant les mois qui viennent de s'écouler.
C'est dans une pareille situation qu'il y a peu de dignité ; il faut éviter qu'elle se renouvelle, et il est plus facile de la prévenir que d'y remédier quand elle est flagrante. Pour se procurer de l'argent à des conditions avantageuses, il est nécessaire de le prendre quand il se présente de lui-même, et non de le demander sous la pression du besoin.
(page 1187) M. Delfosse. - Il est certain que dans la proposition de l'honorable M. De Pouhon, comme dans celle de la section centrale, il y a faculté pour le gouvernement de disposer des valeurs 4 p. c. comme gage spécial d'un emprunt temporaire; les termes des deux propositions sont différents; mais, sur ce point, la pensée est la même; eh bien, c'est cette faculté que je ne veux pas donner au gouvernement, je ne veux pas lui donner le droit d'emprunter sur gage. Je persiste à croire que c'est là une chose peu digne du gouvernement belge.
L'honorable M. Osy a dit que cela s'est fait en 1840; je l'ignore, mais si cela s'est fait en 1840, cela s'est fait clandestinement, à l'insu des chambres et non en vertu d'une loi.
D'ailleurs, quoi qu'on en ait dit, je ne puis trouver dans ces obligations 4 p. c. dont on disposerait pour un emprunt temporaire, un gage, sérieux pour les créanciers.
M. le ministre des finances m'a répondu que les titres 4 p. c., pouvant se négocier à la bourse, présentent une garantie plus forte, plus sérieuse que les titres de l'emprunt temporaire. Je ne vois pas de différence; les titres des deux emprunts sont tout aussi négociables les uns que les autres.
L'honorable M. De Pouhon a donné une autre raison ; l'honorable membre a dit : « Voici où je trouverais l'avantage pour les créanciers ; c’est que si le gouvernement ne payait pas à l'époque convenue, les créanciers pourraient faire de l'argent, en vendant les 4 p. c, c'est-à-dire, que si le gouvernement tardait un seul jour à remplir ses obligations, on ferait contre lui ce que l'on fait contre d'autres débiteurs; il serait exécuté; les 13,428 obligations seraient vendues à tout prix, et une telle vente, faite dans un moment où le gouvernement aurait manqué à ses engagements, serait désastreuse pour lui et sans grand profit pour les créanciers, qui en retireraient fort peu de chose; le gouvernement n'est pas aux abois à ce point qu'il doive se mettre dans une position aussi humiliante. S'il était dans une situation désespérée, c'est à peine si je conseillerais une mesure de ce genre.
Voilà pour l'autorisation d'emprunter sur gage; je m'y oppose de toutes mes forces; je demanderai la division de l’article, et j'engage la chambre à voter contre le paragraphe premier.
Quant à la faculté de négocier le 4 p... p., je reconnais qu'il peut être inutile de l'accorder au gouvernement; mais je n'admets pas le taux minimum de 80 p. c. On m'objecte qu'il n'est pas à prévoir que d'ici à longtemps le 4 p. c. pourra se placer à 90; il faudrait pour cela, dit-on, que le 5 p. c. fût à 10. Que savez-vous? Il y a quelques mois le 4 1/2 p. c. était à 45, il est maintenant à 82, encore quelques progrès dans la voie de l'ordre, et nos fonds 4 1/2 et 5 p. c. atteindront le pair.
Je ne vois pas pourquoi, sans être dans une position tout à fait désespérée, on autoriserait le gouvernement à négocier à. 80 p. c. un fonds qui a été coté à 92, alors que notre indépendance n'était pas reconnue. Le fonds 4 p. c. peut remonter à 90 avant que le 5 p. c. soit à 110; le 4 p.c. a été au-dessus de 90, lorsque le 5 p. c. était à peu près au pair.
La différence que vous établissez entre le 4 et le 5 p. c. est exagérée. Si le 4 p. c. donne un intérêt moins élevé, on a la chance de réaliser un plus grand bénéfice sur le capital. Voilà pourquoi la différence entre les cours de deux fonds ne peut pas être, en règle générale, aussi grande que vous le dites; le 4 peut être à 90 alors que le 5 ne serait qu'à 100. Le 5 a été au-dessous de 70, aujourd'hui il est à 90, dans quelques mois il sera peut-être au pair. Le 4 p. c. pourra être alors à 99. J'entends dire : Le gouvernement attendra. S'il doit attendre, il est inutile de fixer le minimum à 80.
Que fera, dit-on, le gouvernement lorsqu'il aura épuisé la quotité de bons du trésor qu'il est autorisé à émettre? Si le gouvernement prévoit qu'il aura besoin d'une nouvelle émission de bons du trésor, qu'il demande l'autorisation de la faire, il ne nous sera pas plus difficile de lui accorder cette autorisation que de lui accorder celle qui est proposée par l’honorable M. De Pouhon.
M. Mercier. - La proposition de M. De Pouhon est une mesure de prévoyance; le gouvernement ne ferait usage des valeurs mises à sa disposition que dans le cas où, par suite de circonstance imprévue, il serait dans l'impossibilité d'émettre des bons du trésor. C'est une éventualité que nous éviterons, je l'espère, mais qui pourrait cependant se présenter; le gouvernement ferait, dans ce cas, un emprunt temporaire sur dépôt des titres dont il s'agit, d'un capital moindre que s'il les émettait définitivement; mais dans cette dernière hypothèse il aurait à subir une grande perte du capital, tandis que dans la première il ne supporterait loin au plus que des intérêts un peu élevés pendant un court espace de temps.
Cette éventualité est la seule qui puisse motiver la disposition du 1° de l’article premier. A ce titre, je la voterai comme acte de prévoyance.
Quant à l'article 2, je pense toujours qu'une dette flottante considérable est un danger pour le pays, et qu'il vaut mieux consolider cette dette même à des conditions relativement peu avantageuses que de rester sous le coup d'une dette flottante menaçante. C'est pourquoi, après avoir entendu les observations qui ont été émises, je suis d'avis qu'il y a également lieu d'adopter le 2°.
Toutefois je crois utile de faire remarquer que, dans une loi de la nature de celle que nous discutons, il y a toujours une disposition désignant l'affectation des valeurs mises à la disposition du gouvernement. Ainsi dans les lois d'emprunt,, nous avons stipulé que le produit servira soit à la construction des chemins de fer, soit à la réduction de la dette flottante, soit à telle autre destination déterminée.
Ainsi dans la loi ayant pour objet l'aliénation de certains biens domaniaux, nous avons toujours compris une disposition spéciale, portant que le produit serait affecté à la réduction de la dette flottante.
Nous devons en agir de même dans la loi actuelle; il faut que le produit qui sera obtenu au moyen des obligations mentionnées à l’article premier soit expressément affecté à la réduction de la dette flottante? Cela est conforme à nos précédents. L’explication donnée par M. le ministre des finances indique d'ailleurs que c'est là l'application que doivent recevoir selon lui les sommes qui proviendront des fonds dont il s'agit; mais une disposition expresse est indispensable dans la loi; j'en ferai l'objet d'un amendement.
Je répondrai maintenant un mot à l'honorable M. Osy. Il a commis une erreur en parlant de ce qui s'est fait en 1841 ; on n'a pas fait un emprunt dans le sens indiqué par l'honorable membre. La Société Générale avait à cette époque des bons du trésor pour une très forte somme dont l'échéance était prochaine ; le produit de la première émission de l'emprunt a naturellement servi en partie à réduire la dette flottante; mais il n'a pas été fait d'emprunt sur fonds déposés.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Delfosse s'élève avec beaucoup de vivacité contre le dépôt éventuel d'obligations de la dette belge; mais je n'ai pas entendu une seule réponse à l'objection que j'ai présentée à cet égard. Je trouve inutile d'insérer dans la loi que le gouvernement pourra disposer de ces valeurs pour un emprunt temporaire.
J'ai dit : Du moment où ces obligations sont mises à la disposition du gouvernement, et qu'il peut les aliéner définitivement, il peut les aliéner temporairement, par conséquent, l'objection contre le dépôt éventuel n'est pas fondée.
C'est sous la responsabilité du gouvernement qu'une pareille chose aurait lieu. Un ministre qui aurait fait une opération qui pourrait être considérée comme nuisible aux intérêts du pays et qui ne se trouverait pas justifiée par les circonstances, engagerait gravement sa responsabilité, Il est inutile d'inscrire cette faculté dans la loi, je pense même qu'il est utile de l’écarter. Il n'est pas nécessaire de dire que le gouvernement pourra disposer temporairement d'une chose dont on l'autorise à disposer définitivement. Qu'on écarte cette mention, mais qu'on ne prétende pas pour cela que le droit plus étendu ne renferme pas le droit plus restreint.
Quant au cours auquel il faudra réaliser, considérez, je vous prie, le motif qui fait voter cette disposition.
Vous supposez une éventualité difficile, un embarras financier, une pénurie, vous voulez y parer et vous allez imposer une condition telle que le moyen que vous voulez employer sera paralysé! Vous manquez le but que vous voulez atteindre. Quand vous prescrivez de ne réaliser qu'au taux de 80, c'est le minimum, c'est l'hypothèse la plus fâcheuse. Le gouvernement ne réaliserait à ce taux que s'il y était contraint par la plus dure nécessité. Seulement alors on réaliserait au taux minimum de 80. Fixer le minimum à 90, c'est comme si on ne faisait rien. On raisonne, en ce cas, en vue d’éventualités favorables, lorsque les fonds sont à un taux élevé ; tandis qu’il s’agit d’une mesure destinée à pourvoir à un moment de crise.
Quand le 4 p. c. était au plus haut, à une époque où nous étions en pleine paix, le gouvernement a acheté au cours moyen de 90 58. Il y a eu des moments difficiles, mais on a acheté à 98 58 et nous étions en pleine paix. Aujourd'hui nous nous préoccupons d'un état de choses fâcheux, critique, nous devons prévoir qu'il faudrait réaliser à un cours inférieur. Encore une fois, en fixant un cours trop élevé pour l’émission des fonds mis à la disposition du gouvernement, on manque le but.
Reste l'amendement indiqué par l'honorable M. Mercier. Les fonds mis à la disposition du gouvernement sont destinés à éteindre son passif, à lui permettre de marcher avec plus de facilité. Or, l'honorable membre se trompe dans la formule de son amendement, car il en résulterait (page 1188) que la réalisation servirait à l'extinction de la dette flottante, c'est-à-dire des 10 millions de bons du trésor dont l'émission a été autorisée. Ces 10 millions sont indispensables pour que le trésor puisse fonctionner. Il doit être bien entendu que la réalisation des nouvelles valeurs à mettre à la disposition du gouvernement, laisserait subsister l'autorisation donnée d'émettre 10 millions de bons du trésor.
M. Veydt. - Messieurs, je reconnais toute l'autorité des honorables préopinants qui défendent l'opinion qu'il faut aussi autoriser le gouvernement à disposer par emprunt temporaire, c'est-à-dire à lever des fonds sur dépôt des titres du 4 p. c, et cependant je ne puis me ranger de leur avis.
Il s'agit, disait-on, d'une mesure de prévoyance. Il est bon d'être prévoyant, et je suis tout disposé à mettre le gouvernement à même de faire emploi des 13,438 obligations; mais seulement pour une réalisation définitive, Je concourrai volontiers à rendre le gouvernement plus fort dans des circonstances difficiles; cette force ne peut être qu'avantageuse au crédit de l'Etat. Mais c'est en vue de ce crédit que je ne puis approuver l'emprunt sur nantissement, ni concéder le moins parce que je concède le plus, suivant l'expression de M. le ministre des finances. Je partage entièrement l'avis exprimé par l'honorable M. Delfosse. Un gouvernement, et je dirai la Belgique plus particulièrement qui, sous tous les rapports, est si digne d'une entière confiance, ne doit pas recourir, même dans des moments difficiles, à des moyens dont les individus font usage. Il y a là quelque chose qui l'amoindrirait ; c'est un expédient qui n'est pas à sa hauteur. Ce sont les impressions que j'ai conservées après avoir traversé les circonstances les plus fâcheuses, et suivant moi, il vaut infiniment mieux vendre à des cours fort bas que d'emprunter, sur dépôt de titres, à des cours plus bas encore.
On sait que ces sortes d'opérations qu'on appelle escompte ne se font qu'à dix pour cent au-dessous du cours de la bourse dans des circonstances ordinaires, et à 15 p. c. et 20 p. c. dans des temps de crise. Alors, que vous vaudra votre emprunt temporaire? Peut-être le tiers de la valeur effective du dépôt. Est-ce agir dans l'intérêt du crédit? Non, il vaut mieux qu'un gouvernement n'ait pas un pareil moyen à sa disposition ; il ne songera pas à en user. Il vendra, s'il en a le pouvoir; ce sera un sacrifice une fois fait. El s'il jugeait qu'il ne doit pas y consentir, il aura recours à la législature et d'autres moyens lui seront fournis, si la nécessité en est démontrée.
D'accord avec l'honorable M. Delfosse sur ce point essentiel, je ne puis partager son avis quant au taux de 90 p. c. Je veux une mesure efficace et je la veux dans des circonstances qui ne sont pas normales. Il faut donc une plus grande latitude, et je suis certain que le gouvernement en usera avec prudence.
M. Delfosse. - M. le ministre des finances dit qu'il n'est pas nécessaire d'insérer dans la loi que le gouvernement pourra emprunter sur gages ; qu'il aura ce droit par cela seul qu'il sera autorisé à disposer des valeurs; mais la question est justement de savoir s'il faut lui accorder ce droit, et c'est ce que j'ai contesté.
M. le ministre des finances prétend qu'on rendrait la loi inutile en adoptant l'amendement qui fixe le minimum à 90 p. c. Pourquoi ? parce que l'autorisation est accordée pour le cas où le gouvernement se trouverait dans l'embarras, par suite de circonstances fâcheuses et au moment de la dépréciation des fonds publics. Dans cette hypothèse l'autorisation sera comme non avenue, si le gouvernement ne peut en faire usage qu'à un taux élevé. Voilà le raisonnement de M. le ministre des finances. Mais je soutiens qu'il ne faut pas négocier d'emprunt permanent et l'émission des 13,428 obligations 4 p. c. équivaudrait à cela, dans les temps difficiles, dans les moments de crise; les conditions sont alors trop défavorables ; mieux vaudrait en pareil cas, un emprunt qui serait demandé aux contribuables et qui serait plus tard remboursé intégralement que le recours à des opérations désastreuses qui enrichissent quelques financiers aux dépens de l'Etat. C'est la marche que le gouvernement, a suivi après la révolution de février et il n'a eu qu'à s'en applaudir; c'est la marche qu'il devrait encore suivre si, ce qu'à Dieu ne plaise, des circonstances aussi critiques venaient à se reproduire.
Il n'est pas impossible que l’occasion de négocier le 4 p. c. à 90 se présente d'ici à quelques mois, après la clôture de la session ; l'autorisation de négocier à ce taux peut donc être utile.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je suis d'accord avec l'honorable membre, que ce n'est pas une affaire de rédaction que de savoir si le gouvernement sera autorisé à disposer définitivement ou temporairement des fonds qu'on veut mettre à sa disposition. Mais je dis à l'honorable membre que mon opinion résulte de la nature des choses ; et je le prie de vouloir bien formuler une rédaction qui établisse le contraire. Il faudrait alors dire formellement dans la loi que le gouvernement ne pourra pas en disposer temporairement.
- Un membre. - Négocier !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Mais, s'il peut négocier ou disposer d'une manière définitive, il peut le faire d'une manière temporaire, cela me paraît évident.
M. le président. - Je dois faire remarquer qu'il faudrait pour cela un amendement. La section centrale a donné sa rédaction, et l'auteur de la proposition s'est rallié au premier paragraphe de son article. C'est donc sur cet article que la discussion s'est ouverte.
M. Delfosse. - D'après la proposition de la section centrale à laquelle l’honorable M. De Pouhon s'est rallié, il y aurait deux moyens de disposer des valeurs; on pourrait en disposer d'une manière temporaire ou d’une manière définitive. Si l'on rejette le paragraphe premier, il est évident que le gouvernement ne pourra plus en disposer pour r:n emprunt temporaire, si l'on n'adopte que le paragraphe 2 le gouvernement pourra vendre, mais rien de plus.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - On a mis dans la disposition proposée par la section centrale une double faculté ; j'en ai contesté l'utilité, je demande que cette faculté soit effacée du paragraphe premier comme étant complètement inutile, car du moment où l'on met des valeurs à la disposition du gouvernement, s'il peut les vendre, il peut aussi les aliéner temporairement. Or, il pourrait les vendre, mais non en disposer temporairement! Si telle est la pensée de l'honorable membre, je le prierai de la formuler en proposition, la chambre décidera. (Interruption.)
Je le répète, messieurs, vous mettez à la disposition du gouvernement certains titres et vous lui dites aussi qu'il peut les vendre. Il y a donc pour lui dans votre pensée, sans qu'il faille introduire dans la loi une disposition formelle, le droit ne les aliéner temporairement; cela me paraît incontestable. Il suffit donc de voter sur la proposition de l'honorable M. De Pouhon qui fait l'objet de l'article premier: il resterait ensuite à délibérer sur le taux.
M. le président. - Ainsi, M. De Pouhon maintient les deux premiers numéros de sa proposition?
M. De Pouhon. - Oui, M. le président.
M. Osy. - M. le ministre des finances nous a dit que le paragraphe premier de la proposition de la section centrale est inutile, et qu'en accordant au gouvernement la faculté de disposer des valeurs qu'où lui donne, on lui permet également de les mettre en escompte.
Je pense au contraire que le gouvernement ne pourrait le faire sans y être formellement autorisé par la législature.
L'honorable M. De Pouhon avait dit , dans la première partie de sa proposition :Le gouvernement est autorisé à disposer, etc. Mais, dans le second paragraphe il a eu soin de dire: Le gouvernement pourra même disposer, etc. Ainsi, d'un côté, il y avait une prescription formelle ; de l'autre, une simple faculté. La section centrale a dit qu'il était préférable de prescrire formellement cette autorisation de la loi ; et je pense effectivement que la rédaction qu'elle propose ne laissera aucun doute à cet égard. Le gouvernement pourra disposer des fonds comme il le demande ou les réaliser quand le taux en sera plus avantageux.
M. De Pouhon. - En rédigeant ma proposition, j'ai entendu laisser toute latitude au gouvernement dans la disposition des valeurs dont nous nous occupons. Je n'admets pas qu'il puisse vouloir autre chose que d'en faire l'usage le plus utile et le plus honorable. Les circonstances et ses besoins doivent l'e guider.
Si le gouvernement était forcé de réaliser les effets mis à sa disposition à des prix trop bas, il pourrait les offrir de préférence aux bureaux de bienfaisance et autres établissements publics.
Une dotation importante est consacrée à l'amortissement du 4 p. c. Les rachats élèvent ordinairement ce fonds relativement plus haut que les autres. Dans ce cas, le gouvernement pourrait pourvoir aux besoins de l'amortissement, ce qui lui présenterait une réalisation avantageuse.
- La discussion est close.
M. le président. - M. De Pouhon s'est rallié à la rédaction du premier paragraphe proposé par la section centrale.
M. Delfosse. - Il ne faut pas qu'il y ail de malentendu. D'après la proposition de l'honorable M. De Pouhon, le gouvernement pourrait emprunter sur gage. Il faut que cela soit bien compris de tout le monde.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. De Pouhon a dit dans les développements de sa proposition :
« Je ne conseillerais certainement pas de réaliser maintenant les 4 p. c. et les 2 1/2 p. c. belges, provenait de l'ancien encaisse et de la liquidation avec la Hollande, puisque la vente aux cours actuels serait onéreuse ; mais la libre disposition de ces titres mettrait le gouvernement à même d'emprunter la somme dont il pourrait avoir besoin, soit dans le pays, soit à l'étranger, pour un au ou un plus long terme.
M. le président. - Le premier paragraphe est ainsi conçu : « Le gouvernement est autorisé : 1° à disposer, par emprunt temporaire, des 13,428 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c., représentant l'encaisse de l'ancien caissier général du royaume des Pays-Bas. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai demandé que l'on votât sur les deux paragraphes de l'article premier, tels qu'ils ont été formulés par l'honorable M. De Pouhon. La rédaction de la section centrale porte : « Le gouvernement est autorisé 1° à disposer, par emprunt volontaire, des 13,428 obligions, etc. » On demande la division sur ce point. Or il est inutile de voter sur ces mois : Par emprunt temporaire, puisque l’honorable M. De Pouhon dit : « Le gouvernement est autorisé à disposer... » Le droit qu'il donne au gouvernement est sans restrictions.
(page 1189) M. Delfosse. - Comme l'a très bien dit tantôt notre honorable président, la proposition de la section centrale est un amendement à la proposition de l'honorable M. De Pouhon, et aux termes du règlement, tout amendement doit être mis aux voix avant la proposition principale.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Voici ce qui va résulter d'une pareille position de question, et cela ne peut être dans la pensée des membres de la chambre. On voterait séparément sur ces mots : par emprunt temporaire, de telle sorte que, par le rejet de cette expression, le gouvernement n'aurait qu'une disposition imparfaite des fonds qui seraient mis à sa disposition. Est-ce là ce qu'on veut?
M. H. de Brouckere. - Le vote décidera.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois qu'il faudrait d'abord voter sur cette question de principe : « Mettra-t-on à la disposition du gouvernement les 13,428 obligations de l'emprunt belge 4 p. c. formant l'encaisse? »
Cette question résolue, on posera telle autre question de principe que l'on voudra. Mais celle-là doit d'abord être décidée.
M. Delfosse. - La question de principe que M. le ministre des finances vient de poser, n'est pas contestée. Nous sommes tous d'accord qu'il peut être utile de mettre ces valeurs à la disposition du gouvernement. Il y aura donc unanimité ou presque unanimité sur cette question.
Mais voici où commence le dissentiment; le gouvernement pourra-t-il disposer de ces valeurs temporairement, comme gage d'un emprunt, ou pourra-t-il seulement les vendre ? A quel taux, à quel minimum pourra-t-il les négocier?
Si l'on veut voter sur des questions de principe, je ne m'y oppose pas ; mais que ces questions soient claires; que l'on sache sur quoi l'on vote.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il est bien vrai que les points qui paraissent contestés sont ceux que vient d'indiquer l'honorable M. Delfosse. Mais encore faut-il qu'il y ait avant tout un vote delà chambre sur le point capital de savoir si l'on mettra ces valeurs à la disposition du gouvernement.
Ainsi, que l'on vote d'abord là-dessus. Lorsqu'on aura décidé ce point, viendront les restrictions. Il s'agira de savoir à quelles conditions on veut mettre ces valeurs à la disposition du gouvernement.
M. le président. - La parole est à M. Henri de Brouckere.
M. H. de Brouckere. - Si la chose est ainsi entendue, je n'ai rien à dire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Seulement lorsque la chambre aura prononcé sur la question de principe, on pourra poser la question qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le point relatif à la disposition temporaire.
M. le président. - La chambre a donc d'abord à se prononcer sur une double question de principe : Mettra-t-on à la disposition du gouvernement les 13,428 obligations de l'emprunt belge 4 p. c. ? Mettra-t-on à la disposition du gouvernement les valeurs qui resteront en boni, après la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité du 5 novembre 1842?
M. Delfosse. - Il faut qu'il n'y ait pas de malentendu. La chambre doit d'abord se prononcer sur la question de savoir si le gouvernement aura la faculté de disposer de ces valeurs, et ensuite s'il pourra en disposer comme gage d'un emprunt temporaire.
M. le ministre des finances parait croire que tout sera dit quand on aura décidé que ces valeurs seront mises à la disposition du gouvernement, que le gouvernement pourra, dans ce cas, en disposer temporairement ou définitivement; c'est une erreur ; après le vote sur la première question, il y aura une seconde question à poser.
M. H. de Brouckere. - Il est bien certain que la question, telle que la pose M. le ministre des finances, est complexe; car elle embrasse simultanément et la faculté de disposer des fonds d'une manière définitive et la faculté d'en disposer d'une manière temporaire. Eh bien, lorsqu'une question est complexe, tout membre a le droit de demander la division. C'est ce que fait l'honorable M. Delfosse. Il est dans son droit, et s’il insiste, je crois qu'on doit mettre la question aux voix par division.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne fais à cet égard aucune difficulté. Je dis seulement qu'il faut d'abord voter sur cette question : Mettra-t-on des valeurs à la disposition du gouvernement? C'est lorsque vous aurez décidé cette question qu'il sera logique de dire à quelles conditions le gouvernement pourra disposer de ces valeurs. Que demande-t-on, au contraire? C'est, avant même d'avoir résolu la question de savoir si le gouvernement pourra disposer de ces valeurs, de décider qu'il pourra en disposer temporairement ou définitivement ; c'est-à-dire qu'on vous demande de procéder à l'inverse de ce qui doit être fait.
M. le président. - On paraît d'accord de voter d'abord sur la question de savoir si l'on mettra les valeurs à la disposition du gouvernement sans égard au mode de disposition, sur lequel on votera après.
Ainsi voici la première question :
« Le gouvernement est autorisé à disposer des 13,438 obligations de l'emprunt belge à 4 p. c, représentant l'encaisse de l'ancien caissier du royaume des Pays-Bas. »
- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Voici la seconde proposition :
« Le gouvernement est autorisé à dispose» des valeurs qui resteront en boni après la liquidation des créances mentionnées à l'article 64 du traité entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, du 5 novembre 1842, »
- Cette proposition est adoptée.
M. le président. - Il s'agit maintenant de statuer sur le mode de disposition. Il y a d'abord la disposition temporaire, dans le sens de la proposition n°1 de la section centrale.
- Plusieurs membres. - L'appel nominal !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il est bien entendu que la question est celle-ci : on demande à la chambre de décider que le gouvernement, qui a le pouvoir, d'après la résolution qui vient d'être prise, de disposer définitivement de ces valeurs, n'en puisse pas disposer temporairement.
M. le président. - Il a été décidé par la chambre, que le vote sur le principe de la disposition n'impliquait rien quant au mode. La question est donc entière.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne prétends pas que la question est résolue, mais je fais remarquer à la chambre qu'après avoir décidé que les valeurs dont il s'agit sont mises à la disposition du gouvernement, et après qu'on a reconnu qu'il pourra en disposer d'une manière définitive, on veut maintenant faire décider qu'il ne pourra pas en disposer d'une manière temporaire.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur la question de savoir si le gouvernement pourra disposer temporairement de ces valeurs.
54 membres sont présents.
1 (M. le Bailly de Tilleghem) s'abstient.
27 répondent oui.
26 répondent non.
Ont répondu oui : MM. Jouret, Julliot, Linge, Lebeau, Lesoinne, Mercier, Moxhon, Osy, Pirmez, Rogier, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Alp.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Allard, Anspach, Boedt, Coomans, Dautrebande, De Pouhon, de Renesse, Destriveaux, Devaux, Dolez, Dumont, Frère-Orban et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. Jacques, Lelièvre, Moncheur, Prévinaire, Rousselle, Schumacher, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Vanden Branden de Reeth, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Vilain XI1II, Cans, Clep, David, de Bocarmé, de Brouckere (Henri), Debroux, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Royer et Dubus.
M. Lebeau. - Je crois, messieurs, qu'il faut réserver la question de savoir si ce vote n'est pas valable. La chambre se trouve réduite à 107 membres; il y a un député qui n'est plus député.
M. le président. - Constatons d'abord le résultat: il y a eu 54 votants; un membre, M. le Bailly de Tilleghem, s'est abstenu; 27 membres ont dit oui, et 26 ont dit non.
Maintenant le droit des membres qui prétendent que la chambre est en nombre est réservé.
Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'incident ?
M. Lebeau. - Je me borne à demander que la question soit tenue en réserve jusqu'à lundi. (Assentiment.) Nous ne sommes pas disposés à l'entamer aujourd'hui.
M. le président. - Ainsi la question est réservée.
M. Osy. - Nous n'étions pas non plus en nombre, quand on a pris la décision quant au boni.
- Des membres. - Il n'y a plus à revenir là-dessus.
M. le président. - Il n'y a pas eu d'appel nominal pour ce vote, et d'ailleurs des membres ont pu sortir dans l'intervalle.
M. le président. - Nous avons pour lundi, d'abord la continuation de la discussion de la proposition de M. De Pouhon; puis la loi sur la réduction du personnel des cours et tribunaux.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, comme nous ne sommes plus en nombre, il est impossible que nous prenions une décision; mais je dois déclarer dès à présent à la chambre que lundi prochain je lui demanderai qu'elle veuille bien ajourner la discussion du projet de loi sur la réduction du personnel des cours et tribunaux. C'est l'honorable M. Orts qui a été nommé rapporteur de ce projet; l'honorable membre est retenu chez lui par une cause tout à fait indépendante de sa volonté : il est malade.
Eh bien, je crois que la chambre lui doit ce témoignage d égard, d'attendre sa présence dans notre sein pour aborder des questions qu'il a examinées et traitées d'une manière toute spéciale. Je dois, de plus, faire remarquer que, sur plusieurs questions, la section centrale n'est pas d'accord avec le gouvernement.
M. le président. - Le projet de loi est maintenu éventuellement à l'ordre du jour; lundi la chambre statuera.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, au nom de (page 1190) M. le ministre de la justice, qui est indisposé, J’ai l'honneur de déposer quelques amendements au projet de loi sur la réduction du personnel des cours et tribunaux.
Ces amendements seront imprimés et distribués.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer également un projet de loi sur le régime des aliénés.
- Le projet sera imprimé, distribué et examiné par les sections.
M. de Royer dépose un rapport sur le projet de loi concernant la délimitation des communes de Baudour et de Boussu.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il est mis à l'ordre du jour.
MpV. - J'ai l'honneur de faire observer à la chambre que lundi prochain les sections seront convoquées pour examiner les budgets, moins ceux de la guerre et des travaux publies ; je fais observer Je plus que mercredi prochain les sections s'occuperont de l'examen du projet de loi sur l'enseignement supérieur.
- La séance est levée à 5 heures et demie.