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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 mars 1849

(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)

(Président de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1021) M. Troye procède à l'appel nominal à midi et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne ensuite lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée,

Pièces adressées à la chambre

M. Troye présente l'analyse d'une pièce adressée à la chambre.

« L'administration communale de Quiévrain demande le maintien du bureau des douanes établi dans cette commune. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. de Royer. - Je réclame un prompt rapport sur cette pétition.

La pétition sera comprise dans un prochain feuilleton.

Motion d"ordre

Cours légal des souverains anglais

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je demande à la chambre la permission d'adresser une question à M. le ministre des finances sur la circulation des souverains anglais, circulation qui, depuis trois ou quatre jours, rend toutes les transactions, et particulièrement toutes les transactions de détail impossibles.

En vertu de la loi, vous avez déterminé le poids des souverains anglais à 7 grammes 981 milligrammes, alors que le poids légal de la pièce anglaise n'est que de grammes 7,980885 ; en d'autres termes vous avez mis dans la loi un poids plus fort que le poids droit de la pièce anglaise. Il est donc impossible que, même en sortant de la monnaie de Londres, il y ait des pièces qui soient au poids prescrit par la loi belge.

Maintenant l'or anglais est une monnaie de circulation ; il diffère en cela de l'or français qui n'est pas une monnaie de circulation. L'or français est une marchandise précieuse que chacun conserve pour les occasions extraordinaires, parce que cet or fait continuellement agio. La circulation se fait en France et en Belgique avec des pièces d'argent. En Angleterre, au contraire, la circulation tout entière se fait en monnaie d'or. De là, dès que la pièce a été émise pendant quelque temps, il faut qu'il y ait une certaine usure à la pièce ; il faut qu'il y ait un frai.

La banque d'Angleterre admet les souverains à 7 grammes 951 milligrammes... (Interruption.) L'honorable M. Osy me dit 936;| M. le ministre des finances a eu l'obligeance de dire 939; j'admets 940; ainsi la banque d'Angleterre admet les pièces à 7 grammes 940 milligrammes; c'est-à-dire qu'elle accorde une tolérance de quarante milligrammes. D'après la loi du 5 juin 1852 il y a 2 millièmes de tolérance sur vos propres pièces, et l'on refuse au trésor belge les pièces anglaises quand elles ne diffèrent que d'un millième du poids droit.

J'en ai là trois qui ont été refusées hier au trésor; plusieurs de mes collègues m'ont dit qu'ils avaient eu la même déconvenue. Ces pièces, je les ai fait peser aujourd'hui, et elles sont dans la tolérance légale admise par la loi belge, c'est-à-dire qu'elles ne pesaient pas deux millièmes de moins que le poids droit. Il m'en a été refusé une avant-hier par un agent de l'Etat, qui ne différait pas d'un demi-millième du poids légal.

Je dis qu'il est impossible que les relations continuent sur ce pied, alors qu'on sait que, grâce au cours légal donné aux souverains anglais, il n'y a plus à Bruxelles d'autre monnaie que des souverains anglais. Il n'y a plus autre chose dans notre pays.

Il y a une telle répugnance à les recevoir, qu'on ne veut pas vous donner du papier pour de l'or. Nous devons aller, avec le trébuchet à la main, pour acheter du pain et de la viande. Aussi la demande des trébuchets est devenue tout à coup si considérable qu'il n'y a pas moyen de s'en procurer pour les services publics. Je n'ai pu trouver 16 bons trébuchets pour l'octroi de Bruxelles. Je me verrai forcé de refuser les pièces, je n'ai pas le moyen de les peser.

Jusqu’ici tout le inonde avait reçu les pièces Victoria; ce sont des pièces neuves; depuis trois jouis on les refuse. Il faut qu'on porte remède à cet état de choses, qu'on détermine une tolérance, autrement nous aurons une position très pénible. Privés de monnaie, nous devrons échanger marchandise contre marchandise. L'or ne sera plus qu'une marchandise comme toutes les autres. Il sera dépourvu du caractère monétaire et des avantages qui en résultent.

Je demande que le gouvernement admette une tolérance, qu'il fasse disparaître les balances; sinon les changeurs achèteront toutes les pièces aux dépens du public.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La chambre se souvient que le gouvernement, pressé par les réclamations et par les vives instances du commerce, a proposé, en 1848, de donner cours légal aux souverains anglais. Le gouvernement proposait de ne fixer le cours légal qu'à 25 fr. 50 cent.; la section centrale voulait le porter à 25 fr. 40 cent. Sur la proposition de l'honorable M. Osy, la chambre a fixé le cours légal à 25 fr. 50 cent.

La loi a déterminé le poids et le titre de ces pièces. La loi a déclaré que le poids des souverains devait être de 7 grammes 981 milligrammes et le titre de 916 millièmes.

Jusque dans ces derniers temps, on n'avait éprouvé absolument aucun embarras, par suite de cette mesure. Des circonstances nouvelles se sont produites, qui ont fait affluer chez nous les souverains anglais. Tout le monde les connaît; il n'est pas besoin de les rappeler.

Des achats considérables en fonds français et des achats de céréales ont fait baisser le cours du change. Il en est résulté qu'il y avait avantage à échanger des souverains anglais en Belgique pour faire des payements avec nos pièces de 5 fr. sur la place de Paris.

L'inquiétude a été jetée dans le public, parce que confondant l’échange avec la valeur de la pièce, on a répandu le bruit que le cours des souverains anglais n'était à Paris que de 25 fr. 17 c., 25 fr. 20 ou 25 fr. 25 c. tandis qu'il avait été fixé en Belgique à 25 fr. 50 c. D'où l'on concluait que le public était éventuellement menacé d'une perte de 32, 30 ou 25 c. par pièce. Je dois d'abord dire que cette inquiétude n'aucune espèce de fondement.

On ne doit pas confondre le cours du change avec la valeur de la pièce.

Mais en outre la loi a déclaré qu'à l'époque où les souverains anglais cesseraient d'avoir cours de monnaie légale en Belgique, l'Etat en opérerait l'échange au cours de 25 fr. 50 c, bien entendu pour les souverains ayant le poids de 7 grammes 981 au titre de 916 millièmes.

Le public n'était donc pas menacé. Aucune perte ne peut être essuyée par les particuliers. Il n'y a pas de raisons pour eux pour ne pas accepter avec toute confiance les souverains anglais.

Jusqu'à présent on ne s'était pas occupé de peser les souverains anglais. On les acceptait de bonne foi comme ayant le poids déterminé dans la loi.

Depuis, et à raison même de leur affluence, on a songé à les peser. Les constatations qui ont eu lieu à cet égard, et qui me semblent exactes, prouvent qu'un cinquième seulement de la masse circulante n'aurait pas le poids déterminé, le poids de 7 gr. 981.

La Société Générale, qui m'a fait une communication a cet égard le 6 de ce mois, indique que la quantité de pièces qui n'ont pas le poids déterminé, est d'un cinquième de celles qui sont en circulation en Belgique. Elle me demandait en même temps s'il n'y avait pas lieu d'admettre une tolérance. Jusque-là la question ne s'était pas présentée, et la loi ne déterminait rien à cet égard.

Pouvait-on admettre une tolérance ? Fallait-il que cette tolérance fut poussée jusqu'où l'on indique qu'elle est admise par la banque d'Angleterre ? Car bien que le poids légal soit de 7 gr. 981 pour l'Angleterre même, la Banque d'Angleterre reçoit le souverain anglais à un poids inférieur, admettant la déduction pour le frai, etc.

Il m'a paru que je ne pourrais autoriser une déduction autre que celle qui est admise pour notre propre monnaie. En conséquence, il y a lieu de réduire du poids déterminé dans la loi 16 milligrammes.

Je pense que, dans ces conditions, les souverains anglais pourront circuler facilement sans inconvénient.

Mais ce qu'il importe surtout de dire, de répéter, c'est que le public ne peut essuyer aucune espèce de perte. L'échange aura lieu ultérieurement.

Cet échange, on l'a réclamé. La presse insiste. Ou demande au gouvernement de présenter une loi pour rapporter immédiatement celle de 1848. On ne s'est pas même donné la peine de lire la loi du 4 mars 1848. Car, en vertu de cette loi, le gouvernement est investi du pouvoir de faire cesser le cours légal des souverains anglais, quand il se trouvera opportun. Mais comme, afin de ne pas faire essuyer de perte au public, on y a mis la condition de l'échange par le gouvernement au cours de 25 fr. 50 c, le gouvernement ne peut opérer cet échange que dans des conditions où il pourra faire exporter sans trop de préjudice le numéraire qu'il aura reçu, et partant dans un moment où lui-même aura les moyens suffisants pour opérer cet échange.

Quelques personnes disent: « Donnez des billets de monnaie; faites comme on l'a pratiqué jadis, en Hollande, faites des billets une monnaie avec cours forcé. » Mais, messieurs, nous ne pouvons pas greffer le cours forcé de billets d'échange des souverains anglais sur le cours forcé que nous avons déjà pour les billets de banque. Tout cela est impossible, tout cela exposerait le pays à de très grandes pertes.

Dans l'étal actuel des choses, il est impossible que la mesure dont il (page 1022) s'agit soit rapportée. Il y a quelque temps, la quantité des souverains anglais qui se trouvaient en Belgique n'était pas très considérable; il en existait pour 3 millions dans les caisses de la banque de Belgique et pour 1,500,000 fr. au plus dans les caisses de la Société Générale ; on pouvait donc évaluer la quantité existant dans le pays à 8 ou 10 millions. Même dans ces conditions, l'échange ne pouvait pas être opéré par le gouvernement. Aujourd'hui la quantité est évidemment plus considérable, et à plus forte raison l'Etat ne peut rien y faire ; le gouvernement ne peut qu'exécuter la loi d'une manière loyale et équitable.

Je pense que ces explications satisferont entièrement l'honorable préopinant et rassureront le public sur le cours forcé des souverains anglais.

M. Osy. - Messieurs, l'interpellation de l'honorable M. de Brouckere doit faire du bien à la question, mais les renseignements fournis par M. le ministre des finances ne suffisent pas pour rassurer entièrement le public. La semaine dernière, il y a eu beaucoup d'embarras pour faire des payements ; samedi j'ai écrit à un ami qui est sous-gouverneur de la banque d'Angleterre pour savoir exactement quel est le poids auquel la banque d'Angleterre reçoit et donne en payement les souverains. J'ai communiqué la lettre à M. le ministre des finances. Le poids légal est, comme l’a dit M. de Brouckere, à une très légère fraction près, de 7 grammes 981 milligrammes. M. le ministre des finances a autorisé les agents de l'Etat à recevoir les pièces anglaises à 10 milligrammes au-dessus de ce poids. Le gouvernement pouvait donner cette autorisation parce que nous avons également admis une semblable tolérance pour les pièces d'or que nous avons permis au gouvernement de fabriquer. Ainsi les Banques reçoivent aujourd'hui les souverains anglais, au poids de 7 grammes 965 milligrammes, mais la banque d'Angleterre les donne et les reçoit à 7 grammes 956 milligrammes. Vous voyez qu'il y a une très grande différence.

Eh bien, tous les souverains qui nous arrivent, soit d'Angleterre, soit de France, sont beaucoup au-dessous de 7.963, et il y eu a qui approchent du poids de 7.936. Maintenant comme il est impossible, vu la situation du pays, de retirer de la circulation les souverains que nous avons tarifés à 25 fr. 50 cent., il me semble que le gouvernement devrait présenter un projet de loi pour changer la loi du 4 mars et autoriser les agents du gouvernement à recevoir les souverains anglais à 7.936, poids auquel les reçoit la banque d'Angleterre.

M. Delfosse. - La perte serait encore plus grande.

M. Osy. - Il n'y a pas de perte, puisque la banque d'Angleterre les reçoit à ce poids.

Ainsi, messieurs, j'engage beaucoup le gouvernement à bien vouloir méditer la lettre que j'ai eu l'honneur de remettre à M. le ministre des finances, et il verra que, pour éviter de grands embarras, il sera indispensable de faire une loi pour abaisser le poids légal des souverains anglais.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, je m'associe à ce que vient de dire l'honorable M. Osy, pour qu'on ne borne pas la tolérance à la tolérance légale, parce qu'il y a autre chose à considérer. Quand le gouvernement émet de la monnaie dans l'intérêt du public, il faut que la chose publique supporte le frai de la monnaie, c'est-à-dire l'altération du poids par l'usage, parce qu'il n'est le fait de personne et le fait de tout le monde : c'est le fait de la société entière. Une pièce circule en mille mains dans un jour ; ces mille mains usent la pièce; quand après un certain temps la pièce a circulé dans un million de mains, il est impossible de demander à chacune le millionième de la partie que la pièce a perdue. Cette perte doit être supportée par le public. Quand la pièce est usée par une opération mécanique quelconque, et cela se voit facilement dans l'empreinte comme dans le cordon, elle doit être rebutée ; mais quand l'usure est le résultat de la circulation, il doit en être autrement, surtout pour la seule monnaie qui est actuellement en circulation.

Il faut bien subir les conséquences du fait que vous avez posé. Vous avez déclaré que le souverain était une monnaie légale; par suite de cette déclaration, elle est devenue la seule monnaie qui circule aujourd'hui en Belgique; elle s'use donc. Il ne suffira donc pas que, lorsque le gouvernement fera l'échange, il admette une tolérance de 2 millièmes ; la tolérance admise par la banque d'Angleterre est de 5 millièmes environ.

Eli bien, avec 5 millièmes de tolérance, le souverain anglais contient encore plus d'or, eu égard à la valeur nominale, que la pièce belge de 25 francs, le jour où elle sort de la monnaie; avec 5 p. c. de tolérance, il y aura encore dans la monnaie anglaise 7 grammes et environ 28 centièmes de gramme en or, tandis qu'elle ne devrait contenir que 7 grammes 26 centièmes de gramme en or. Donc, sous ce rapport encore, la pièce anglaise vaudra plus que la pièce belge.

D'ailleurs, comme le change varie, il y aura des moments où, pour la pièce anglaise que nous prenons à raison de 25 fr. 50 c, nous obtiendrons 25 fr. 55 c. ou 25 fr. 60 c.

M. Cans. - Messieurs, je n'ajouterai que deux mots à l'appui de ce qu'ont dit les honorables MM. Charles de Brouckere et Osy.

Je rappellerai à la chambre que, lors de la discussion de l'a loi de 1848, il a été démontré que la moyenne du cours du change sur l'Angleterre pendant les dix années qui ont précédé le vote de la loi, a été de 25 fr 53 1/2. Toutes les personnes qui ont été dans les affaires peuvent se souvenir que depuis quelques années le change a parfois été poussé jusqu'à 26 francs. Une circonstance quelconque peut ramener le même fait dans un temps plus ou moins rapproché. Il ne faut donc avoir aucune inquiétude à ce sujet. Les souverains même légers pourront être envoyés en Angleterre avec avantage, lorsque le change sera de 25 fr. 60 ou de 25 fr. 70, taux auquel il arrive assez souvent.

M. Coomans. - Messieurs, pour éviter un mal, il ne faut pas se jeter dans un pire. Il est évident que le mal dont on se plaint git dans l'abondance des souverains anglais en Belgique, dans la substitution de cette monnaie d'or à l'argent. Ce mal est d'une évidence telle que, de l'aveu de M. le ministre, pour y remédier, l'Etat devrait aujourd'hui faire un sacrifice considérable. Nous avons accepté le souverain anglais à un prix plus élevé qu'il n'est coté à Paris, à Londres et ailleurs. La proposition des honorables MM. Osy et Ch. de Brouckere se résume dans un nouvel appât qui serait accordé aux spéculateurs, à ceux qui viennent échanger l'or anglais contre nos pièces de 5 francs.

L'importation de cet or en Belgique a été considérable depuis quelques semaines; elle coïncide avec l'exportation de notre monnaie d'argent. Loin de favoriser ces opérations, nous devons les restreindre; loin de diminuer encore le titre légal des souverains, nous devons l'élever, autant que possible, afin d'écarter de notre circulation les pièces douteuses, afin aussi de pousser peu à peu à la réexportation des souverains en Angleterre. En agissant ainsi, nous aurons facilité la tâche onéreuse qui incombera au gouvernement lorsque, conformément à la loi de 1848, il retirera de la circulation, au taux de 25 fr. 50 c., la masse de souverains anglais qui pèse aujourd'hui d'une manière si incommode sur notre système monétaire.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je vous disais tout à l'heure, en invoquant des renseignements qui m'avaient été communiqués par la Société Générale, quel était le poids des souverains anglais qui circulent en Belgique. Je n'avais pas sous les yeux les termes de cette communication. Les voici :

« Il entre dans la circulation des quantités toujours plus considérables de cette monnaie; les vérifications faites ont démontré qu'un cinquième à peu près n'a pas le poids de 7 grammes 980 milligrammes dont on s'est servi. »

En admettant la tolérance de deux millièmes ou 16 milligrammes, il est à présumer que presque toutes les pièces de monnaie se trouveront en réalité dans les conditions légales. (Interruption.) Il me paraît que si quatre cinquièmes des pièces qui circulent ont le poids maximum de 7 grammes 930 milligrammes, il est assez naturel de supposer qu'une réduction de ce poids portera au-delà de quatre cinquièmes , c'est-à-dire presque à la totalité, le nombre des pièces qui ne peuvent pas donner lieu à contestation. C'est là une grande raison de confiance pour les particuliers.

Rien ne démontre, en conséquence, que dès ce moment, il y a lieu de présenter une loi pour autoriser l'admission des souverains anglais dans la circulation à un poids inférieur.

En vain, me dit-on qu'à la banque d'Angleterre on les reçoit à un poids inférieur ; cela importe peu : nous n'avons pas besoin d'attirer les souverains anglais dans notre pays, puisqu'on s'y plaint de leur abondance. Le jour où il y aura lieu de changer l'état de choses actuel, l'Etat pourra le faire d'autant plus facilement, il sera d'autant moins exposé à subir une perte, qu'il aura admis les souverains à un poids plus élevé.

Je répète que les plaintes qui se manifestent ne résultent pas de ce que le poids obligé est 7 grammes 981 milligrammes ; mais on craint qu'ultérieurement les porteurs ne soient obligés de subir une perte sur ces pièces; cette inquiétude doit disparaître, elle n'a aucun fondement.

Si cette inquiétude n'existait pas, les choses seraient aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a quinze ou vingt jours ; alors il y avait fort peu d'opposition à la circulation des souverains.

Je reconnais qu'il y a beaucoup d'inconvénients à devoir peser une monnaie. L'obligation de peser chaque souverain (car on n'a aucun résultat si l'on ne procède pas ainsi) est une entraxe très grande à la circulation, et pour les payements considérables surtout un obstacle réel aux opérations du commerce. Mais enfin, c'est un mal inévitable dans la situation où nous nous trouvons. Tout le monde est d'accord que le gouvernement ne peut y porter remède; car le gouvernement admettrait une réduction plus considérable qu'il faudrait peser les pièces. On serait exactement dans la même situation. Il faudrait faire la même opération. Le mal qu'on voudrait faire disparaître ne disparaîtrait pas ; car le mal qu'on signale ne vient pas des causes qui ont été indiquées.

M. Pirmez. - Dans les observations que l'on vient de présenter, on a fait remarquer que le poids du souverain était relativement plus fort que celui de nos pièces dites de 25 francs pour leur tarification respective. Il me parait que ce n'est pas le rapport qui existe entre ces deux pièces, qui doit surtout fixer notre attention. Ce qui est la véritable question, c'est le rapport du souverain et de toute pièce d'or avec le franc qui est une quantité d'argent et non une quantité d'or. Si, comme on le dit, l'or devient plus abondant à cause des nouvelles découvertes, et si nous ne changeons pas notre législation monétaire, notre véritable monnaie le franc qui, encore une fois, est une quantité d'argent et non pas une quantité d'or, aura bientôt disparu.

M. De Pouhon. - J'ai demandé la parole pour appuyer la proposition des honorables MM. de Brouckere et Osy.

La monnaie a été créée pour faciliter les échanges; ce serait les entraver que de maintenir forcément dans la circulation une monnaie que le public saurait présenter un cinquième en défaut du poids légal. On ne peut mettre le particulier dans le cas de devoir porter une balance avec lui pour opérer des encaissements. Et sans cette vérification, avec quelle répugnance ne doit-on pas recevoir des pièces d'or que l'on n'a pas la certitude de faire admettre dans les banques ?

(page 1023) Les difficultés que l'on éprouve avec les guinées sont venues de ce que la Société Générale exigeait rigoureusement le poids de la monnaie de Londres, poids consacré par notre loi de l'année dernière, qui aurait dit admettre une certaine tolérance. - Je fus chargé la semaine dernière de verser à la Société Générale des souverains qui venaient directement de la banque d'Angleterre, d'où pas une pièce ne sort sans être vérifiée. - Plus d'un cinquième de ces pièces fut rejeté. On l'a admis par après, ce qui m'a fait supposer quelque intervention de la part de M. le ministre des finances.

Des exportations de céréales non seulement de Belgique, mais des ports de la Baltique et autres en destination de l'Angleterre, ont exercé leur influence habituelle sur le change. D'autres causes ont aussi agi, et notamment des achats de rentes françaises pour compte anglais. C'est ainsi que la guinée est descendue à Paris, à 25 30 et même jusqu'à 25 25. Cette monnaie ayant cours ici à 25 50 , on a pu en faire venir de Paris malgré les frais et l'agio élevé sur les pièces de 5 francs que l'on envoyait en retour.

Il n'y a pas d'inconvénient à adopter ici le poids admis par la banque d'Angleterre, puisque les souverains qui sont en Belgique retourneront à cet établissement lorsque la hausse du change sur Londres en provoquera la réexportation.

Jusque-là, il est essentiel que nos banques reçoivent cette monnaie au poids qu'elle est livrée par la banque d'Angleterre.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quelle conséquence faut-il tirer du discours de l'honorable M. De Pouhon? Selon lui, il y a lieu de réduire le poids auquel on peut admettre les souverains anglais. Pourquoi? Parce que, dans l'état actuel, on éprouve le plus grand embarras à peser ces souverains. Mais je le répète, quand le poids aura été réduit, quelle certitude a-t-on que l'on n'obligera plus à peser, que l'on ne fera plus vérifier les souverains? Evidemment aucune. C'est là une question de confiance, pour la solution de laquelle on peut agir par voie de conseil et non par voie d'autorité. Quoi qu'on fasse, il faudra la même vérification pour un poids réduit, que pour le poids actuel, si, dans les affaires courantes, on ne veut pas accepter de bonne foi ces pièces d'or, comme on accepte la monnaie du pays.

Or, l'inconvénient résulte de la nécessité de peser, non de ce qu'il est déclaré que les pièces doivent avoir tel ou tel poids.

A Londres, les payements se font beaucoup moins en espèces que chez nous. Là les règlements se font le plus souvent en papier; ici ils se font le plus souvent en espèces. L'obligation de peser est donc beaucoup plus incommode ici qu'en Angleterre.

Il n'en est pas moins vrai qu'en Angleterre, pour les payements faits en espèces à la banque, le poids de chaque pièce est vérifié. L'honorable M. De Pouhon vient de le dire. Cette entrave existe là tout aussi bien que chez nous. Il est impossible de la faire disparaître par la réduction du poids.

M. De Pouhon. - On n'éprouverait pas le besoin de peser les souverains anglais si l'on ne savait que l'on en rejette beaucoup dans un établissement financier, caissier de l'Etat. Que l'on répande dans le public le bruit qu'un quart ou un cinquième des écus de 5 fr. circulant sont refusés dans les banques pour défaut de poids, et tout le monde se mettra en garde, on ne recevra plus cette monnaie qu'avec hésitation et répugnance. Tout inconvénient disparaîtrait avec la guinée si le poids légal était établi de manière qu'il dût y avoir rarement des refus de cette monnaie.

M. Delfosse. - Tout le monde reconnaît qu'il y a perte sur les souverains anglais, dont on a fixé le cours légal à 25 fr. 50. Comment peut-on se plaindre, après cela, de prétendues entraves à la circulation de cette monnaie? Il serait désirable qu'il y eût plus d'entraves encore; moins on recevra de ces pièces, moins il y aura de perte pour le pays.

M. Ch. de Brouckere. - La question est assez grave pour qu'on l'examine sérieusement. Personne n'a dit qu'il y avait une perte réelle sur les souverains anglais; M. le ministre des finances a eu soin de dire, au contraire, que c'était une affaire de change. La difficulté que leur circulation rencontre provient des caisses publiques. Les particuliers recevaient couramment les pièces anglaises (nous n'avons pas d'autre monnaie), lorsque tout à coup, en vingt-quatre heures, de tous côtés les fonctionnaires publics parurent armés d'une balance. D'où cela est-il venu? Du caissier général. Si on voulait faire la même chose pour les pièces de 20 fr. ou de 10 fi., immédiatement on arrêterait la circulation de ces monnaies.

Quand le particulier voit refuser une monnaie par celui qui représente la société, il est tout simple qu'il se tienne sur ses gardes. Qu'on reçoive les souverains anglais toutes les fois qu'ils ne sont pas altérés, qu'ils ne sont pas rognés, et la circulation se rétablira. Aujourd'hui nous sommes sans monnaie d'aucune espèce. Une monnaie qu'on ne prend qu'après l'épreuve du trébuchet n'est pas une monnaie. De l'argent, nous n'en avons pas ; il faut bien faire usage de l'or.

On a dit qu'en Angleterre tous les grands payements se concentraient à la banque. Je ferai remarquer que nous ne réclamons pas en faveur des banquiers, pour ceux qui font de grandes affaires, mais pour les petites transactions de tous les jours. Il faut que la cuisinière aille au marché avec un souverain ; elle n'a pas d'autre monnaie; elle ne peut pas aller un trébuchet à la main faire ces petites transactions.

Pour que la confiance se rétablisse, le gouvernement doit donner l’exemple.

M. Delfosse. - M. le ministre des finances a dit avec raison que le public ne perdrait rien sur les souverains anglais, puisque l'Etat les reprendra aux taux de 25-50 lorsqu'ils cesseront d'avoir cours légal; mais en attendant il y a perte pour le pays. Le taux légal de 25 francs 50 c. est supérieur à la valeur actuelle de cette monnaie dans les autres pays. C'est ce qui fait qu'elle afflue chez nous; on peut se la procurer ailleurs au taux de 25-25 ou 25-30 et l'envoyer en Belgique avec bénéfice.

Pourquoi irions-nous prendre de nouvelles mesures pour en faciliter la circulation? Déjà les souverains affluent parce qu'elles ont, relativement à d'autres monnaies, une valeur trop grande, et les pièces de 5 fr. s'en vont ; si vous en facilitez la circulation par une plus grande tolérance sur le poids vous n'aurez plus dans le pays que des souverains anglais, vous n'aurez plus de pièces de cinq francs.

- La chambre passe à l'ordre du jour.

Projet de loi relatif à la compétence en matière de simple police et correctionnelle

Second vote des articles

Article premier

M. le président. - Des amendements ont été introduits à l'article premier.

M. Julliot. - Je demande la parole pour motiver mon vote.

Je voterai contre cet article et contre la loi entière, parce qu'elle aura pour conséquence l'affaiblissement de la répression des délits ruraux, répression qui déjà est trop faible dans nos campagnes, et à ce point de vue, je ne comprendrais pas les députés qui représentent des districts agricoles, s'ils y voyaient autre chose.

Je voterai contre la loi, parce qu'elle ne respecte pas la démarcation tracée par le Code pénal entre la contravention, le délit et le crime, et les juges respectifs appelés à en connaître, puisqu'elle saisit le juge de paix de la connaissance de plusieurs délits.

Je voterai finalement contre la loi, parce qu'elle donnera lieu à beaucoup de dépenses par la construction de prisons et leurs accessoires dans les chefs-lieux de canton, ainsi que par les appels fréquents qui sont à prévoir de la part des procureurs du roi, par suite de l'indulgence forcée qu'impose aux juges de paix, dans les cantons ruraux, l'isolement dans lequel ils se trouvent, privés qu'ils sont de tout soutien, mal secondés par le ministère public, et accumulant sur leur seule tête toute la haine et les menaces des condamnés.

Articles 2 et suivants

- Les derniers amendements introduits dans le projet de loi sont successivement confirmés.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de la loi.

En voici le résultat :

69 membres répondent à l'appel ;

38 disent oui.

30 disent non.

1 s'abstient.

En conséquence le projet de loi est adopté, il sera transmis au sénat.

M. de Luesemans. - Je me suis abstenu parce que des affaires très importantes m'ont tenu éloigné des séances de la chambre pendant les deux jours qu'a duré la discussion de ce projet de loi.

Ont répondu oui : MM. Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Pierre, Rodenbach, Rolin, Sinave, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vandenpeereboom (Ernest), Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Allant, Ansiau, Boedt, Bruneau, Coomans, David, de Baillet (Hyacinthe), Debroux, de Haerne, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége, Desoer, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Faignart et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Julliot, Mascart, Mercier, Moncheur, Osy, Pirmez, Rousselle, Tesch, Thiéfry, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Van Grootven, Veydt, Vilain XIIII, Cans, Clep, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Chimay, de Denterghem, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Perceval, de Royer, Destriveaux, de Theux et Dumortier.

Projet de loi sur les cours d’assises

Second vote des articles

Article premier

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - C'est par erreur, je crois, qu'on a inséré dans le n° 4 de l'article premier comme admise au premier vote, la mention du commis greffier; il me semble qu'il avait été entendu que cela n'était pas nécessaire, puisque le texte légal du Code d'instruction criminelle ne fait mention que du greffier, et que sous cette dénomination on comprend toujours le commis greffier dans toutes les dispositions législatives en matière de procédure civile et criminelle.

La désignation du greffier comprend donc de droit les commis greffiers, et je crois qu'il serait dangereux de nommer ceux-ci dans la disposition, car cela donnerait lieu de croire que jusqu'ici c'est à tort que les greffiers se sont fait remplacer par des commis greffiers.

M. le président. - Je ferai remarquer à M. le ministre qu'il est dans l'erreur. La chambre peut revenir de son premier vote; mais elle avait formellement admis, à ce premier vote, l’amendement tendant à comprendre les commis greffiers dans l'article.

Le procès-verbal en fait mention.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je ne soutiens pas le contraire.

M. Delfosse. - Je me rappelle que M. le ministre de la justice a dit, que, lorsque le greffier ne pourrait pas siéger, il serait de droit remplacé par un commis greffier.

Il est possible qu'il y ait eu malentendu, au moment du vote ; les (page 1024) mots ajoutés sont tout à fait inutiles, on peut les supprimer sans le moindre inconvénient.

M. le président. - Je me rappelle qu'on a fait observer que puisqu'il y avait dans l'article : « le procureur du roi ou l'un de ses substituts », il fallait dire : « le greffier ou un commis greffier ». C'est à la suite de cette observation que l'amendement a été adopté.

C'est du reste ainsi que l'indique le procès-verbal.

- La suppression des mots : « ou d'un commis greffier désigné par lui, » est mise aux voix et adoptée.

Article 5

« Art. 5. Le tribunal de police correctionnelle, devant lequel le prévenu sera renvoyé, ne pourra décliner sa compétence en ce qui concerne l'âge, l'excuse et les circonstances atténuantes.

« Il pourra prononcer un emprisonnement qui ne sera pas au-dessous des minimum fixés par l'article 3 et suivant les distinctions établies par cet article.

« Toutefois, dans les cas de l'article 67, paragraphe premier, du Code pénal, il statuera conformément à cette disposition.

« Dans les autres cas prévus par le même article et dans celui de l'article 326 du même Code, il pourra prononcer un emprisonnement qui ne pourra être au-dessous du huit jours. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je lis dans le dernier paragraphe : « et dans celui de l'article 326 ; » il faut dire : « et dans ceux de l'article 326, » parce qu'il y a plusieurs cas.

- L'article 5, ainsi modifié, est définitivement adopté.

Article 6

« Art. 6. L'article 463 du Code pénal est remplacé par la disposition suivante:

«. Dans tous les cas où le Code pénal prononce la peine d'emprisonnement ou l'amende, tes tribunaux, si les circonstances sont atténuantes, sont autorisés à réduire l'emprisonnement au-dessous de six jours et l'amende au-dessous de seize francs, et même à substituer l'amende à l'emprisonnement. Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, sans qu'en aucun cas elles puissent être au-dessous des peines de simple police.

« En cas de substitution d'une peine pécuniaire à l'emprisonnement, l'amende ne pourra excéder 500 fr. »

- Adopté.

Article 2

M. Delfosse. - M. le président, je crois qu'il a été entendu qu'à l'article 2, au lieu des mots : « à une simple majorité, » on dirait : «à la simple majorité, » comme à l'article 4.

- Ce changement de rédaction est adopté.

Article additionnel

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, le projet actuel rend inutiles désormais les dispositions des arrêtés du 9 septembre 1814 et du 20 janvier 1815, ainsi que les articles 1 et 4 la loi du 29 février 1832 et les articles 26 et 27 de la loi du 15 mai 1838. Je crois donc qu'il est convenable d'ajouter un article qui déclare abrogées ces diverses dispositions qui se trouvent reproduites avec différentes modifications dans le projet actuel.

Je propose en conséquence un article nouveau ainsi conçu ;

« Sont abrogés les arrêtés du 9 septembre 1814 et du 20 janvier 1815, les articles 1 et 4 de la loi du 29 février 1832, les articles 26 et 27 de la loi du 15 mai 1838. »

M. Delfosse. - Il faudrait avoir le temps d'examiner ces articles. S'ils sont contraires à la loi que nous allons voter, ils seront abrogés de plein droit.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Sans doute l'abrogation est de droit, si les articles du projet nouveau sont contraires aux dispositions indiquées. Mais je crois que, pour éviter toute difficulté dans la pratique, il est utile de le dire dans la loi.

M. le président. - Je dois faire remarquer à M. le ministre que sa proposition est présentée tardivement. D'après le règlement, on ne peut, au second voie, proposer des amendements qui ne soient pas la conséquence de ceux qui ont été adoptés.

M. H. de Brouckere. - Il est de toute évidence que la présentation de l'article que vient de vous soumettre M. le ministre de la justice est tardive. D'après le règlement, on ne peut, au second vote, présenter des dispositions entièrement nouvelles.

Cependant il m'est impossible de ne pas reconnaître qu'il est désirable que cette disposition soit insérée dans la loi, afin d'ôter tout doute aux magistrats. Si personne n'invoquait l'exécution rigoureuse du règlement, rien ne s'opposerait à ce qu'on votât cet article aujourd'hui. Mais s'il y a la moindre objection, je demanderai qu'on remette le vote définitif à lundi et que d'ici là chacun examine la disposition proposée par M. le ministre, parce que, je le répète, il est désirable qu'elle soit insérée dans la loi.

M. le président. - M. de Brouckere propose de remettre le vote définitif à lundi.

M. H. de Brouckere. - M. le président, je ne demande pas la remise à lundi. J'ai dit au contraire que, quant à moi, je regarde l'article comme bon, que je suis prêt à le voter. Mais j'ai ajouté que si, dans la chambre, quelque membre s'opposait à ce qu'on volât aujourd'hui, il vaudrait mieux remettre le vote définitif à lundi que de rejeter l'article.

M. Delfosse. - Si on ajoute à la loi cet article, que je n'ai pas eu le temps d'examiner, je devrai m'abstenir.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je n'insisterai pas; l'abrogation sera de droit.

M. Toussaint. - Messieurs je crois qu'il y a quelque chose qui sauve la question de forme soulevée par M. le président; c'est que l'article dont il s'agit est, ou grande partie, la conséquence des amendements apportés à la loi, et sous ce rapport, on peut le considérer comme complémentaire de ces amendements. Au fond, il est très désirable qu'on n'ait pas de doute sur l'abrogation du certaines dispositions. J'insisterai, en.ee qui me concerne, pour que l'article soit ajouté à la loi.

M. le président. - Ainsi M. Toussaint reprend l'article qui avait été proposé par M. le ministre de la justice.

M. Toussaint. - Oui, M. le président.

M. Tesch. - Messieurs, je demande formellement que le second vote soit renvoyé à lundi, pour que tout le monde puisse examiner cet article. Il ne s'agit pas seulement d'abroger toutes les dispositions inutiles, mais il s'agit encore du mettre la loi actuelle en harmonie avec la loi de 1838 en faisant disparaître des dispositions contradictoires. En relisant les deux lois, chacun de nous pourra se convaincre de la nécessité d'établir cette harmonie.

- La proposition de M. Tesch est mise aux voix et adoptée.

Proposition de loi mettant certaines valeurs à la disposition du gouvernement

Motion d'ordre

M. Cools (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je désire profiter de la présence de M. le ministre des finances pour lui adresser une demande. Nous aurons à nous occuper au premier jour de la proposition de l'honorable M. De Pouhon, tendant à permettre au gouvernement de disposer de certaines valeurs ; je n’ai trouvé ni dans les développements donnés par l'honorable membre à l'appui de sa proposition, ni dans le rapport de la section centrale, des renseignements qui peuvent exercer une certaine influence sur l'opinion qu'il faut se former des avantages ou les inconvénients que présentera l'adoption de cette proposition. Messieurs, vous allez me comprendre.

Quelle est l'origine de ces valeurs? Ce sont des fonds remis par la Société Générale, en échange du numéraire qui devait se trouver dans ses caisses, comme représentant l'encaisse de l'ancien gouvernement. La première remise fut faite en obligations 5 p. c.

Nous ne savons pas à quel taux ces valeurs furent acceptées par le gouvernement, si c'est au pair, si c'est au cours du jour et nous ne connaissons pas le cours du jour où l'opération a été faite. Plus tard, ces valeurs à 5 p. c, si je ne me trompe, furent échangées contre des obligations, à 4 p. c. que possédait la Société Générale et qu'elle a remises au gouvernement en échange des obligations à 5 p. c. dont je viens de parler. Nous ne savons pas encore à quel taux le gouvernement a accepté ces obligations 4 p.c. ni à quel taux il a rendu à la Société Générale les obligations 5 p. c. que celles à 4 p. c. devaient remplacer; voilà donc trois opérations distinctes : par la première, le gouvernement a repris du 5 p.. c.; par la deuxième, il a accepté du 5 p. c. et par la troisième il a remis du 5 p. c. à la Société Générale. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il ne pourrait pas communiquer à la chambre un état indiquant le taux auquel ces trois opérations ont été faites.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne sais pas. si les faits qui viennent d'être cités par l'honorable M. Cools sont parfaitement exacts ; je n'ai pas gardé le souvenir des diverses opérations auxquelles a pu donner lieu l'encaisse de l'ancien caissier de l'Etat. Je ne me refuse point à communiquer, lorsque la discussion se présentera, les renseignements que l'honorable membre réclame. Mais il ne paraît bien évident que ce n'est qu'à titre de renseignement historique et que cela ne peut exercer aucune espèce d'influence sur la discussion. En effet, la dernière opération, celle qui a consisté à faire représenter l'encaisse par des obligations à 4 p. c, a été soumise à la chambre et sanctionnée par elle : une loi de 1845, si je ne me trompe, a fait état de ces valeurs et les a déclarées indisponibles dans les mains du gouvernement jusqu'à résolution ultérieure de la part des chambres. Il y a donc eu approbation définitive de cet acte; c'est une affaire consommée. Mais, je le répète, je ne refuse pas le moins du monde de communiquer à la chambre l'historique de ces opérations.

M. Cools. - M. le ministre des finances ne refuse pas de remettre à la chambre l'état que j'ai demandé. Je n'examinerai pas, en ce moment, si ces renseignements peuvent ou ne peuvent pas influer sur la résolution à prendre par la chambre; ceci doit être réservé pour la discussion. Je demanderai seulement que le gouvernement nous les communique quelques jours d'avance.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des travaux publics, pour travaux au canal de Zelzaete

Discussion des articles

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin) déclare qu'il se rallie à l'amendement proposé par la section centrale.

- Les deux articles du projet sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :

« Article 1er. Le crédit de trois cent quatre-vingt mille francs (380,000 francs), ouvert au département des travaux publics par l'article premier de la loi du 28 mars 1847, et destiné à améliorer le régime des eaux du sud de Bruges, est augmenté de quatre-vingt mille francs (80,000 francs) . »


« Art. 2. Ce supplément de crédit sera porté au budget de 1849, à l'article 31, sous le titre de : « Complément pour les travaux extraordinaires.»


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet, qui est adopté à l'unanimité des 61 membres présents.

Il sera transmis au sénat.

Ordre des travaux de la chambre

(page 1025) M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour de lundi le vote définitif sur le projet de loi concernant la composition des cours d'assises, et puis la loi sur les successions.

Je demanderai à M. Sinave s'il est prêt pour développer sa proposition.

M. Sinave. - Je pourrai présenter ces développements lundi.

- La chambre, consultée, fixe à lundi les développements de la proposition de M. Sinave, immédiatement après le second vote de la loi sur les cours d'assises.

M. le président. - Il y a un projet de loi urgent que les sections doivent examiner ; c'est le projet de loi portant réduction des péages sur le canal de Charleroy. Les sections pourraient s'occuper de ce projet lundi.

- Des membres. - Mardi.

M. Delfosse. - Je dois faire observer à la chambre que la section centrale du budget des travaux publics doit se réunir mardi pour entendre la lecture du rapport.

M. Cools. - Messieurs, la section centrale du budget des travaux publics se compose de membres dont le concours peut nous être utile pour l'examen de la question des péages. Si donc mardi ces membres ne peuvent pas se rendre dans les sections, il faut que nous remettions à mercredi l'examen de la loi des péages.

M. Vermeire. - Le projet de loi relatif à la réduction des péages du canal de Charleroy est urgent ; la chambre a décidé que les sections s'en occuperaient d'urgence; je demande qu'on le fasse examiner le plus tôt possible par les sections.

M. Dumont. - Il s'agit de savoir si l'examen du budget des travaux publics, en section centrale, aura la priorité sur l'examen en sections du projet de loi relatif aux péages du canal de Charleroy. Une classe nombreuse attend avec une grande impatience la loi sur les péages du canal de Charleroy; elle a beaucoup souffert, je ne parle pas de la classe des industriels, mais de la classe des bateliers qu'on peut assimiler à la classe ouvrière ; cette classe a beaucoup souffert de l'abaissement du tarif du chemin de fer ; je ne pense pas qu'il y ait un grand inconvénient à différer d'un jour la discussion du budget des travaux publics, tandis qu'il y en aurait à différer, ne fût-ce que d'un jour, l'examen du projet de loi relatif aux péages du canal de Charleroy, car on prolongerait les souffrances d'une classe digne de tout l'intérêt de la chambre.

En conséquence, je demande que l'examen de ce projet de loi ait lieu dans les sections mardi.

M. Vermeire. - Je me rallie à cette proposition.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - La chambre a déclaré qu'elle examinerait d'urgence le projet de loi relatif aux péages du canal de Charleroy; le gouvernement doit insister pour que cet examen ait lieu le plus tôt possible; la population batelière, intéressée à l'adoption de cette loi, verra dans la décision que nous réclamons de la chambre, une marque d'intérêt dont elle lui sera reconnaissante.

M. Delfosse. - Puisque M. le ministre des travaux publics est d'avis que le projet de loi sur les péages du canal de Charleroy doit passer avant le budget, je ne m'oppose pas à ce que ce projet soit examiné mardi en section. J'ajournerai la convocation de la section centrale du budget des travaux publics.

- La proposition de M. Dumont est adoptée.

Projet de loi sur la contribution personnelle

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai l'honneur de déposer les renseignements demandés par l’honorable M. Mercier pour l'examen du projet de loi relatif à la contribution personnelle. J'en ai fait faire six exemplaires pour pouvoir les renvoyer aux sections.

M. Mercier. - Il faudrait ordonner l'impression de ces documents qui auraient dû se trouver dans l'exposé des motifs.

M. Dumortier. - J'ignore si dans les renseignements que vient de déposer M. le ministre, se trouve un élément dont nous avons besoin pour l'examen de la loi sur la contribution personnelle, c'est le tableau par province des évaluations cadastrales et des évaluations par le mode actuel. Il importe à nous, députés des Flandres, de savoir quel sera le résultat de la loi pour les provinces que nous avons l'honneur de représenter. Rien de plus facile que de fournir ce travail aux sections s'il ne se trouve pas compris dans les documents qui viennent d'être déposés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) - Je ne me refuse pas à communiquer le tableau demandé par l'honorable préopinant, mais cette manière de réclamer des renseignements est vicieuse, car chaque jour un membre pourrait en indiquer de nouveaux et l'examen de la loi serait entravé; il aurait mieux valu qu'après l'examen des sections les renseignements fussent communiqués aux sections et mieux encore à la section centrale, ainsi qu'on a coutume de le faire.

M. Dumortier. - Ma proposition n'a nullement pour but d'entraver l'examen de la loi, mais d'éclairer la discussion. Nous devons savoir ce que nous voterons. J'ai examiné avec le plus grand soin le projet qui nous a été distribué, et j'avoue que je ne puis me faire une idée du résultat de la loi, faute de renseignement ; beaucoup de collègues seront dans le même cas que moi. Je prie M. le ministre de vouloir bien considérer que toutes les sections demanderaient plus tard ce que je demande aujourd'hui; et en attendant que ce travail soit fourni, leur examen sera suspendu. Ce que je demande est fort simple c'est un tableau comprenant neuf colonnes et dix-huit chiffres. Il doit être d'autant plus facile de nous le donner, que M. le ministre a dû prendre ce travail pour base de son projet; il n'a pas pu présenter son projet et sans s'être rendu compte de la base dont je parle.

Je demande si l'évaluation de la péréquation cadastrale est supérieure pour les provinces des Flandres à l'évaluation actuelle. Il nous importe de savoir ce que nous allons voter.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le discours que vient de faire l'honorable préopinant était parfaitement inutile. Je n'ai pas prétendu que les renseignements demandés ne devaient pas être fournis; au contraire; mais en déclarant que je les donnerais, j'ai fait observer que le mode qu'on suivait pour les réclamer était vicieux, que si on avait adopté la marche habituelle, qui est de les faire produire à la section centrale, on aurait pu fournir tous les renseignements utiles sans entrave pour l'examen de la loi.

L'honorable M. Dumortier doit être convaincu que le gouvernement s'est entouré de tous les documents nécessaires pour préparer son projet, et qu'il n'a pas perdu de vue l'objet dont l'honorable membre s'est occupé. Si ma mémoire est fidèle, je crois pouvoir affirmer que, dans les Flandres, le revenu brut cadastral est inférieur à la valeur locative déclarée d'après la loi actuelle, pour servir de base à la contribution.

M. Toussaint. - J'appuie la demande de renseignements adressée A M. le ministre des finances; mais je ferai observer qu'il est nécessaire d'établir une distinction entre les évaluations de part et d'autre pour les villes et les campagnes; car chacun de nous sait que depuis une vingtaine d'années il y a eu un déplacement des populations des campagnes vers les villes, qu'il y a eu une destinée autre pour les populations agglomérées des villes que pour les populations disséminées dans les campagnes. Il est important, surtout pour les représentants des districts ruraux, de pouvoir se rendre compte de la véritable portée de la loi, de s'assurer si elle est d'une bonne justice distributive.

La division entre les éléments ruraux et urbains est de toute nécessité.

J'insiste pour que l'on fasse cette distinction dans les renseignements qui nous sont promis.

M. Mercier. - M. le ministre des finances nous promet bien tous les renseignements que nous lui demandons. Nous devons lui rendre justice. Mais ces promesses sont toujours accompagnées du reproche de suivre une marche qui, à son avis, ne serait pas régulière. Je dis que s'il y a un reproche à faire, c'est au laconisme de l'exposé des motifs de M. le ministre des finances. Je regarde les renseignements que j'ai demandés comme aussi importants pour l'appréciation de la loi que tout ce que renferme cet exposé des motifs.

Dans une autre circonstance, la discussion de la loi sur l'emprunt forcé, dont le projet n'était accompagné d'aucun exposé, nous avons demandé également des renseignements avant son examen en sections. Si M. le ministre des finances, prédécesseur du ministre actuel, avait accompagné le projet de loi des explications nécessaires, les sections eussent pu émettre leur avis bien plus promptement qu'elles ne l'ont fait; elles ont été obligées de suspendre leur travail jusqu'à ce qu'elles fussent suffisamment éclairées par les documents que le ministère leur a remis. Alors comme aujourd'hui, je crois avoir bien fait en cherchant à faciliter l'instruction du projet de loi en réclamant les renseignements qui sont indispensables.

Je demande l'impression des tableaux qui ont été déposés.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne puis accepter ce reproche. Libre à l'honorable membre d'apprécier, comme il l'entend, l'exposé des motifs. Il peut le trouver parfaitement incomplet. C'est son affaire. Mais mon appréciation (il me permettra d'en faire une) est entièrement différente. Je crois que l'exposé des motifs doit être en général dégagé de renseignements statistiques; quels que soient ces renseignements, on les trouve insuffisants; il en faut d'autres, au point de vue de tel ou tel membre. Il vaut mieux attendre que les renseignements soient demandés par les sections.

Je persiste à dire que le mode que l'on veut introduire pour instruire les projets de loi est vicieux.

Lorsque des renseignements sont ainsi demandés, je pourrais provoquer une résolution de la chambre.

Est-ce que cela seul ne prouve pas le vice de la marche qu'on adopte? C'est lorsque l'examen a eu lieu dans les sections et dans la section centrale, que celle-ci se met en rapport avec le gouvernement pour avoir le complément des renseignements qui sont jugés nécessaires.

C'est ainsi que les choses se sont passées pour l'emprunt forcé. L'honorable membre a tort de dire que le gouvernement n'avait pas donné tous les renseignements nécessaires. On a voulu, en sections, substituer au système proposé par le gouvernement un système différent. Pour ce système on a demandé des renseignements. Mais le système du gouvernement ne nécessitait pas la production de nombreux documents.

M. Mercier. - Je n'ai demandé ces renseignements que parce que, je le répète, ils sont vraiment indispensables pour l'examen du projet en sections. Lorsqu'il s'est agi de l'emprunt forcé, nous demandions au gouvernement d'établir la nécessité de telle ou telle quotité, plutôt que de telle autre, afin de justifier le chiffre de sa proposition. On nous répondait : La nécessité de l'emprunt, mais vous la connaissez, ce sont les circonstances. Nous voulions que l'on établît d'une manière plus déterminée la nécessité du chiffre pétitionné.

(page 1026) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai le souvenir très présent de ce qui s'est passé lors de la présentation du projet de loi pour l'emprunt forcé. La nécessité en était très évidente et l'on a fait appel à cette évidence même.

Il y a un point sur lequel des renseignements ont été demandés en sections. Ce sont ceux relatifs à l'armée. Personne n'aurait voulu que l'on fournît des explications dans l'exposé des motifs ou dans la chambre sur les besoins de l'armée.

M. Mercier. - Je me réfère à la réponse faite à une interpellation par le ministre des finances, M. Veydt; elle est consignée au Moniteur.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution des renseignements déposés par M. le ministre des finances.

- La séance est levée à 2 heures et demie.