(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 673) M. T’Kint de Naeyer fait l'appel nominal à une heure et un quart et lit le procès-verbal delà séance précédente; la rédaction en est approuvée.
Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les marchands de bois d'ébénisterie à Bruxelles demandent que les droits d'entrée sur les bois d'ébénisterie, arrivant des ports d'Europe, ne soient pas plus élevés que ceux qui sont établis sur les bois importés des pays de production. »
- Renvoi à la commission d'industrie.
« La chambre de commerce et des fabriques des arrondissements d'Ypres et de Dixmude présente des observations sur la proposition relative au transit du bétail étranger et demande que ce transit soit soumis au moins au droit de 8 fr. par 100 kil. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur le transit.
« Le conseil communal d'Antoing demande que le gouvernement établisse dans cette commune un bureau de perception postale. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.
« Le sieur Emonce appelle l'attention de la chambre sur la question de colonisation dans l'Amérique centrale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Le sieur Haas prie la chambre de considérer comme non avenue sa demande de naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Pâques prie la chambre d'accorder un subside à la commission du monument de Sainte-Walburge, à Liège.
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Louis-Félix Margnier, employé à Frameries, né à Belle-Herbe (France), demande la naturalisation ordinaire avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi au ministre de la justice.
Par dépêche du 5 février, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre 109 exemplaires du catalogue des collections du Musée de l'industrie. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Par message du 6 février, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi qui réunit les communes de Nederswalm et d'Hermelgem. »
- Pris pour notification.
M. P.-J. Moreau adresse à la chambre 108 exemplaires d'un projet agricole, commercial et maritime pour la ville d'Anvers.
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. le président. - La discussion continue sur les motions d'ordre de MM. Van Hoorebeke et Dedecker, qui n'ont pour objet que le renvoi aux conseils provinciaux.
M. H. de Brouckere. - Je vous demande pardon, M. le président, la proposition de l'honorable M. Dedecker tend à changer le chiffre du budget. M. Dedecker demande qu'on rétablisse le chiffre de l'année dernière.
M. le président. - Voici la proposition de M. Van Hoorebeke, amendée par M. Dedecker :
« Je propose de renvoyer à l'avis des conseils provinciaux la question de la suppression de quatre commissariats d'arrondissement, proposée par le gouvernement, ainsi que la nouvelle classification des autres arrondissements, et qu'en attendant les chiffres actuels pour les commissariats d'arrondissement soient maintenus au budget de 1849. »
L'objet principal de cette proposition est donc, comme je l'ai dit il n'y a qu'un instant, le renvoi aux conseils provinciaux, et j'en ai fait l'observation, messieurs, parce que, si l'on discutait à la fois et le fond et les motions d'ordre, je craindrais qu'il n'y eût confusion et perte de temps. Néanmoins, si la chambre veut procéder de cette manière, je me conformerai à son désir.
- Plusieurs membres. - Non ! non!
M. le président. - Messieurs, tâchons de nous mettre d'accord. M. H. de Brouckere pense que la discussion de la motion de M. Dedecker implique la discussion du fond, parce que, dit-il, il s'agit d'un changement de chiffre...
M. H. de Brouckere. - J'ai dit, M. le président, qui: la proposition de M. Dedecker tendait à changer le chiffre du budget, puisqu'elle demande le rétablissement du chiffre qui figurait au budget de l'année dernière.
C'est une vérité incontestable, et il me suffit de l'avoir signalée à la chambre, afin qu'elle n'augmente pas indirectement, et sans s'en être rendu compte, l'allocation qui figure au projet de budget.
M. Dedecker. - Ce n'est là qu'une conséquence ; mais je demande d'abord que la chambre se prononce sur la question de savoir si l'on renverra aux conseils provinciaux, non seulement ce qui est relatif à la suppression de quatre arrondissements, mais aussi ce qui concerne le classement nouveau proposé par le gouvernement.
M. H. de Brouckere. - Je fais remarquer à la chambre que si elle adoptait la proposition de M. Dedecker, par le fait même le chiffre du budget serait changé. M. Dedecker ne contredira pas cette conséquence puisqu'elle se trouve en toutes lettres dans sa proposition. Que la chambre veuille donc bien ne point perdre de vue qu'il ne s'agit pas d'une simple motion d'ordre, mais qu'il s'agit d'une motion qui a pour objet de faire porter au budget un chiffre plus élevé que celui qui s'y trouve.
M. Pierre. - Messieurs, j'admets avec l'honorable M. H. de Brouckere que si la chambre adopte la motion de l'honorable M. Van Hoorebeke, le chiffre du budget sera changé; mais je n'admets pas qu'en cas de rejet, l'adoption du chiffre en résulte implicitement : il y aura un vote particulier pour l'article du budget.
M. Rodenbach. - On abrégerait beaucoup la discussion, si M. le ministre de l'intérieur, qui a promis hier de s'expliquer, voulait faire connaître les intentions du gouvernement.
M. le président. - M. Dedecker est-il d'accord avec M. H. de Brouckere sur la portée de sa proposition?
M. Dedecker. - Il est évident que si la motion faite par l'honorable M. Van Hoorebeke, et étendue par moi, n'est pas admise, alors encore il y aura un vote à émettre sur la question de la suppression. Ainsi, il y a deux choses parfaitement distinctes.
M. le président. - Il ne s'agit donc, pour le moment, que de la motion d'ordre. Le premier orateur inscrit sur la motion d'ordre est M. Rodenbach.
M. Rodenbach. - Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien s'expliquer.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable M. Rodenbach demande à connaître les intentions du ministère. Or, les intentions du ministère sont parfaitement connues ; il propose la réunion des commissariats d'Eecloo, d'Ostende, de Virton et de Maeseyck aux arrondissements respectifs de Gand, de Bruges, d'Arlon et de Hasselt.
Messieurs, je tiens à démontrer que le gouvernement, en faisant cette proposition, ne s'est pas écarté des prescriptions de la loi provinciale. L'article 83 de la loi provinciale est ainsi conçu :
« Le conseil donne son avis fur les changements proposés pour la circonscription de la province, des arrondissements, cantons et communes, et pour la désignation des chefs-lieux. »
Il n'est pas question de changer la circonscription des arrondissements et de leur assigner d'autres chefs-lieux. L'on propose, pour les quatre arrondissements que je viens de citer, la mesure qui a déjà été prise pour deux arrondissements, mesure en vertu de laquelle les arrondissements de Thielt et de Roulers ont été réunis dans les mains d'un même commissaire, ainsi que les arrondissements de Dixmude et de Furnes. S'il y a violation à opérer une pareille réunion, sans consulter le conseil provincial, voyez, messieurs, où cette doctrine va nous conduire : il faudra consulter les conseils provinciaux, non seulement sur la réunion à d'autres commissariats des quatre commissariats d'Eecloo, d'Ostende, de Virton et de Maeseyck, mais encore sur l'union opérée entre les commissariats de Thielt et de Roulers et ceux de Furnes et de Dixmude. Il y aurait là, en effet, une illégalité flagrante qu'il faudrait faire cesser aussitôt.
Ainsi, loin d'obtenir une économie qui doit résulter de la suppression de quatre commissaires, il faudrait ajouter à la dépense la somme nécessaire pour pourvoir aux besoins de deux arrondissements nouveaux. Il faudrait rétablir immédiatement (car l'état actuel des choses ne pourrait subsister un instant) l'arrondissement de Dixmude, et des arrondissements distincts pour Thielt et Roulers.
L'année dernière, mu par le désir de faire administrer de plus près les arrondissements où la crise sévit avec le plus d'intensité, j'avais demandé la somme nécessaire pour donner un administrateur à chacun des arrondissements de Thielt et de Roulers. Par des raisons d'économies, j'ai dû y renoncer. J'ai maintenu les deux arrondissements sous la direction d'un même administrateur.
On dit qu'il faut consulter les conseils provinciaux au sujet du (page 674) changement de chef-lieu. Mais les chefs-lieux d'arrondissement continueront de subsister : ainsi les élections continueront de se faire au chef-lieu ; les conseils de milice continueront de siéger au chef-lieu. Sous ce rapport, les relations des habitants avec le chef-lieu de l'arrondissement ne seront pas changées.
L'on invoque l'article 132 de la loi provinciale : « Il y a dans chaque arrondissement administratif un commissaire du gouvernement. »
Eh bien, les faits accomplis en ce qui concerne Fumes et Dixmude, Thielt et Roulers, faits accomplis postérieurement à la loi provinciale, prouvent qu'on ne lui a pas donné l'interprétation que soutiennent les partisans d'un commissariat avec affectation d'un fonctionnaire spécial.
Un même fonctionnaire peut desservir à la fois deux commissariats, de même que plusieurs communes sont desservies par le même secrétaire, bien que la loi communale se serve des mêmes expressions en ce qui concerne ces fonctionnaires que la loi provinciale à l'égard des commissaires d'arrondissement.
Que dit l'article 6 : Il y a dans chaque commune un secrétaire et un receveur, ce qui n'empêche pas qu'un secrétaire peut être secrétaire de plusieurs communes. On ne soutient pas qu'il y ait illégalité à ce que le secrétaire d'une commune soit en même temps secrétaire d'une autre commune; il n'y a pas davantage illégalité à ce que le commissaire d'un arrondissement exerce les mêmes fonctions pour un autre arrondissement.
Messieurs, le côté pratique de la question a été jusqu'ici négligé, on a perdu de vue l'objet principal de la proposition qui est d'introduire une économie dans le budget. C'est même le seul, car je ne prétends pas qu'il y eût abus à maintenir les quatre commissaires dont il s'agit, mais qu'il y a là une économie à introduire; c'est la raison déterminante du gouvernement. Au point de vue politique, le gouvernement a intérêt à conserver des fonctionnaires politiques. Mais il a dû faire céder cet intérêt devant un intérêt plus pressant, la nécessité de faire des économies.
Du chef des traitements et émoluments supprimés ou réduits, il y aura une économie de près de 56,000 fr. On veut renvoyer le tout aux conseils provinciaux; on veut demander au conseil provincial de Hasselt s'il convient de supprimer le commissariat de Maeseyck, et au conseil provincial de la Flandre occidentale s'il convient de supprimer le commissariat d'Ostende. On veut même aller plus loin : on veut consulter les conseils provinciaux sur la convenance d'attribuer tel ou tel traitement à tel ou tel commissariat. Il est facile de connaître dès à présent la réponse des conseils provinciaux. Quand nous voyons l'influence que l'arrondissement exerce même dans cette chambre, dans l'assemblée nationale, je vous demande quelle ne sera pas cette influence dans le conseil provincial. Il est évident que l'arrondissement sera beaucoup plus fort, quand il se défendra dans le conseil qu'il ne l'est (et il l'est déjà assez) dans la chambre représentative.
Ainsi l'avis des conseils provinciaux, soyez-en bien persuadés, sera qu'il n'y a pas lieu de supprimer les arrondissements. De même, il portera qu'il n'y a pas lieu de réduire les traitements des commissaires.
Ainsi ces avis, je les considère comme acquis à ceux qui pensent qu'il ne faut pas supprimer les commissaires, qu'il ne faut pas toucher aux traitements des commissaires, dont les traitements se trouvent atteints par la nouvelle classification.
Certes, nous devons avoir beaucoup de respect pour nos institutions communales et provinciales. Cependant il ne faut pas que la chambre abdique ses droits, ses prérogatives devant ces corps inférieurs; il faut qu'elle sache, au besoin, trancher un peu énergiquement certaines questions. Voulez-vous introduire des économies dans l'administration des commissariats d'arrondissement? Voilà la question à examiner. Le renvoi aux conseils provinciaux, ce serait le rejet des économies. Il faut bien s'entendre sur les conséquences de ce renvoi : depuis plusieurs mois je suspends la nomination de certains commissaires dans les districts vacants, parce que, en vue de faire des économies, je désire que les commissaires appartenant aux commissariats à réunir à d'autres passent dans des commissariats ouverts. Mais un tel état de choses ne pourrait se prolonger sans nuire à l'action administrative.
Il importe à l'administration supérieure de remplir les places vacantes. Nous ne pouvons laisser ces places ouvertes encore une année; de manière que quelle que soit la décision de la chambre, je dois la prévenir que mon intention, comme mon devoir, est de pourvoir aux vacances dans les commissariats d'arrondissement. Les conseils provinciaux ne peuvent être convoqués tout exprès pour ce seul avis à donner. Ils se réuniront au mois de juillet. Nous n'aurons leur délibération que vers le mois d'août. La chambre ne sera donc pas à même de prendre une résolution avant un an. Or, les commissariats vacants ne peuvent pas rester plus longtemps dans un état provisoire. Il y a urgence de pourvoir aux nominations. J'ai suspendu ces nominations, je le répète, dans des vues d'économie, afin de ne pas créer de nouveaux droits en nommant de nouveaux titulaires. Mais, je le répète, il est impossible de continuer plus longtemps cet état de provisoire qui offre des inconvénients pour l'administration.
M. Rodenbach. - Messieurs, je persiste dans l'opinion que j'ai j énoncée hier, que le gouvernement, avant d'opérer la fusion des districts de Roulers et de Thielt et de ceux de Dixmude et de Furnes, aurait dû consulter le conseil provincial. Cela me paraît clair. Je crois qu'on ne peut soutenir que l'article 83 de la loi provinciale ne dit pas formellement que l'on doit, en cas semblable, demander préalablement l'avis du conseil provincial.
Eh bien, lorsqu'il y a quelques années, on a fait cette fusion des commissariats de Roulers et de Thielt, a-t-on consulté le conseil provincial? Non. Dès lors, la mesure qui a été prise ne me paraît pas légale. Je sais bien que, malgré l'avis du conseil provincial, le gouvernement restait maître, qu'il pouvait agir selon son bon plaisir; mais le fait est qu'on a commis une illégalité, et je dois la signaler.
Si, messieurs, on avait consulté le conseil provincial, on aurait pu savoir s'il n'était pas utile, au lieu de fixer la résidence du commissaire d'arrondissement à Thielt, de le fixer à Roulers, qui est le centre de la nouvelle industrie linière, où elle amène un commerce considérable, qui a un grand nombre de fabriques, un conseil des prud'hommes et une chambre de commerce. Je demande si, alors que la résidence du commissariat d'arrondissement avait été depuis plus de quinze années à Roulers, il fallait la fixer à plusieurs lieues de là; s'il fallait forcer les populations de communes importantes, telles que celles de Moorslede, etc. à faire quatre à cinq lieues chaque fois qu'il s'agit de consulter le commissaire de district. Un pareil état de choses amène des retards et des entraves de toute espèce.
Je sais qu'il y a un bureau à Roulers et que le commissaire d'arrondissement s'y rend hebdomadairement pendant quelques heures. Mais il paraît qu'à Dixmude, il n'y a pas même de secrétaire ni de bureau. Je dis que ce n'est pas la de la bonne administration.
Je comprends, messieurs, la nécessité de faire des économies. Mais il ne faut pas, pour faire des économies, violer les articles de la loi provinciale.
L'article 132 de la loi provinciale me paraît également clair. Il dit que dans chaque chef-lieu d'arrondissement, il doit y avoir un commissaire d'arrondissement. Eh bien ! pour les districts de Roulers et de Thielt, il n'y a qu'un commissaire d'arrondissement et il devrait y en avoir deux.
Je le répète, messieurs, on ne doit pas faire des économies, non seulement en froissant les intérêts d'un arrondissement, mais en violant la loi. Or, je maintiens qu'on a violé la loi, et je crois qu'on me prouvera difficilement le contraire.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, l'honorable représentant de Roulers perd de vue que l'état de choses qu'il critique comme illégal existe depuis plusieurs années pour les arrondissements de Thielt et de Roulers, et que Thielt et Roulers ont été mis entre les mains d'un même commissaire d'arrondissement sans que le conseil provincial de la Flandre occidentale ait été consulté. Il est étonnant que l'honorable représentant de Roulers ne se soit pas aperçu de cette illégalité. Il est vrai que le commissaire d'arrondissement siégeait à Roulers; cette circonstance a-t-elle jusqu'à un certain point engagé l'honorable préopinant à user de tolérance à l'égard de l'illégalité? Mais le fait est que la prétendue illégalité existe depuis un assez grand nombre d'années ; le fait est, en outre, que s'il y a illégalité, il faudra qu'elle cesse pour les faits accomplis, du moment où elle est signalée au sein de cette chambre, qu'elle sera, en outre, implicitement constatée par le renvoi de la proposition et aux conseils provinciaux.
En ce cas il va de soi que je serai obligé de demander au budget le rétablissement des traitements de nouveaux commissaires pour les arrondissements maintenant réunis de Thielt et Roulers et de Furnes et Dixmude, au moins jusqu'à ce que le conseil provincial de la Flandre occidentale ait été consulté sur la convenance de la réunion des arrondissements dont il s'agit.
Je crois, messieurs, avoir démontré qu'il n'y a pas illégalité, et jusqu'à présent personne n'a songé à invoquer des motifs d'illégalité pour critiquer ce qui s'est passé en ce qui concerne la réunion de Dixmude et Furnes et la réunion de Roulers et Thielt. Eh bien, nous demandons simplement de faire pour quatre autres districts ce qui a été opéré sans contestation pour deux districts dans la Flandre occidentale.
M. Rousselle. - Messieurs, la préoccupation des économies ne me presse pas moins vivement que les honorables membres qui combattent la motion d'ordre de M. Van Hoorebeke, mais cette préoccupation est balancée dans mon esprit par le désir de ne voir toucher à notre organisation administrative que par une loi positive, portée après l'accomplissement des formalités que nos lois exigent. Jusqu'à présent, je n'ai pas entendu présenter d'argument très solide pour renverser l'argumentation de l'honorable M. Van Hoorebeke. On a d'abord invoqué deux précédents, mais je me demande si ces précédents doivent lier la chambre actuelle dans le cas où ils auraient été posés contrairement à une loi. Ce point, pour moi, n'est pas douteux. Les précédents dont il s'agit ont été posés contrairement aux articles 83 et 132 de la loi provinciale.
L'honorable rapporteur, dans la séance d'hier, nous a adressé cette question :
« Dans le cas de la réunion de deux commissariats d'arrondissement entre les mains du même titulaire, y a-t-il changement de délimitation de l'arrondissement, y a-t-il changement de chef-lieu ?»
Evidemment, messieurs, il n'y a point de changement dans la délimitation d'un arrondissement, lorsque l'on confie deux arrondissements à un même titulaire ; mais je ne puis partager l'opinion qu'il n'y a pas de changement de résidence ou, en d'autres termes, de chef-lieu. Le (page 675) commissaire à qui l'on confie deux arrondissements doit demeurer quelque part; eh bien, là où il demeure là est le chef-lieu. L'honorable rapporteur a invoqué l'article 126 de la loi provinciale; il a dit que la loi provinciale n'a pas déterminé le chef-lieu d'arrondissement comme elle a déterminé le chef-lieu de province.
M. Prévinaire, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Rousselle. -Vous avez invoqué l'article 126 de la loi provinciale. Du reste, j'ai ici le Moniteur sous la main et voici, messieurs, ce qu'a dit l'honorable rapporteur :
« Toute la question est de savoir si une disposition de la loi s'oppose à un tel changement administratif. Nous voyons bien par l'article 132 de la loi provinciale qu'il y a pour chaque arrondissement administratif un commissaire du gouvernement. Mais la loi est silencieuse, en ce qui concerne la résidence obligée de ce fonctionnaire au chef-lieu. L'article 126 est par contre explicite au sujet du gouverneur ; il l'obligea résider au chef-lieu de la province. Je crois qu'il faut tenir compte de cette distinction. »
Eh bien, messieurs, la loi provinciale devait, évidemment, pour le gouverneur de la province, déterminer dans quelle ville il tiendrait sa résidence, où se trouverait le chef-lieu de la province ; mais pour les arrondissements, c'était inutile, car, enfin il fallait bien dire que le gouverneur du Brabant, par exemple, résiderait à Bruxelles. Mais quand la loi a établi les arrondissements administratifs, elle leur a donné le nom de leur chef-lieu, ainsi l'on a dit : « Arrondissement de Louvain, arrondissement de Malines, etc. » Evidemment en indiquant le lieu dont l'arrondissement portait le nom, l'on avait indiqué la résidence du commissaire d'arrondissement, c'est-à-dire le chef-lieu. Or aujourd'hui on propose de changer le chef-lieu ; cela ne me paraît pas douteux : le commissaire qui aura deux arrondissements à administrer, résidera dans l'un des deux chefs-lieux.
Le chef-lieu n’est pas établi dans l'intérêt du fonctionnaire, il est établi dans l'intérêt des administrés.
L'honorable ministre de l'intérieur nous a dit tout à l'heure qu'on n'avait pas démontré que de grands inconvénients résulteraient du changement proposé; mais, messieurs, ce n'est pas à nous de faire cette démonstration : le conseil provincial est le défenseur naturel et légal des intérêts administratifs de la province; ce sera à lui de signaler les inconvénients qui pourront résulter du changement de chef-lieu et nous devions les apprécier. Peut-être prétendra-t-on que pour des nécessités administratives, le gouvernement devrait pouvoir autoriser le commissaire d'arrondissement à résider dans une autre commune que celle qui donne son nom à l'arrondissement, la loi ne portant pas de défense sur ce point ; mais ce devrait toujours être dans une des communes de l'arrondissement lui-même.
Sous l'ancienne législation, les juges de paix pouvaient résider dans une commune de leur canton ; mais la chambre a trouvé des inconvénients à ce que ces fonctionnaires ne résidassent point au chef-lieu de leur ressort et la loi nouvelle sur les justices de paix oblige les juges de paix à résider au chef-lieu du canton. Ce précédent de la chambre me paraît repousser toute idée de laisser la résidence des commissaires d'arrondissement hors de chefs-lieux fixés, sans au préalable avoir entendu les conseils provinciaux.
Ainsi, messieurs, je voterai pour la motion de l'honorable M. Van Hoorebeke.
Mais je ne puis également voter pour la motion qui a été présentée par l'honorable M. Dedecker, parce que l'honorable membre veut toucher à des choses qui ont déjà été sanctionnées par la loi.
Je ne puis pas non plus approuver la proposition, en ce qui concerne le renvoi aux conseils provinciaux du classement des arrondissements administratifs et de la fixation des traitements et des frais de bureau. Cette classification et cette fixation des traitements ont eu lieu par un arrêté royal. Je sais que cet arrêté a soulevé beaucoup de réclamations, qu'il est susceptible de modifications importantes, mais je crois que c'est au gouvernement seul qu'il appartient d'introduire ces modifications.
M. Jacques. - J'ai demandé la parole pour m'opposer tout à la fois et à la motion d'ordre de l'honorable représentant d'Eecloo et à l'amendement de l'honorable représentant de Termonde.
Ces deux propositions ont pour but, si je ne me trompe, de faire adopter deux mesures par la chambre ; la première de renvoyer à l'avis préalable des conseils provinciaux la proposition qui vous est faite par le gouvernement, de supprimer quatre emplois de commissaires d'arrondissement; la seconde, de maintenir au budget de 1849, pour les commissariats d'arrondissement, les mêmes allocations qu'au budget de 1848.
Pour la première de ces mesures, la proposition ne me parait avoir rien de sérieux, et voici comment j'explique cette manière de voir : c'est que déjà, par une décision précédente, vous avez renvoyé la même matière à l'avis des conseils provinciaux.
Messieurs, vous savez tous que la proposition que je vous ai soumise récemment et que vous avez renvoyée aux conseils provinciaux, est beaucoup plus large que celle du gouvernement ; qu'elle l'absorbe entièrement; que dans ma proposition il s'agit de supprimer non seulement quatre places de commissaires d'arrondissement, mais bien quinze places de commissaires ; de supprimer à la fois les arrondissements et les chefs-lieux auxquels ces places sont attachées. Or, comme vous avez déjà renvoyé cette proposition à l'avis des conseils provinciaux, il n'y a plus lieu à renvoyer aux mêmes conseils la proposition, bien moins large, du gouvernement.
Il ne sera pas difficile de démontrer que la proposition du gouvernement ne tombe pas, comme la mienne, sous l’application de l'article 83 de la loi j provinciale. Cet article est ainsi conçu :
« Le conseil donne son avis sur les changements proposés pour la circonscription de la province, des arrondissements, cantons et communes, et pour la désignation des chefs-lieux. »
Eh bien, il ne me sera pas difficile de faire comprendre que la proposition du gouvernement ne change rien à la circonscription des arrondissements ni à la désignation des chefs-lieux.
Sous l'empire de notre législation, que peut-on entendre par la circonscription d'un arrondissement administratif? Quant à moi, après toutes les recherches auxquelles je me suis livré, je n'y ai trouvé que trois caractères.
Le premier, c'est la réunion d'un certain nombre de communes dont les électeurs se forment en un seul collège électoral, pour nommer les membres de la chambre des représentants et du sénat. A ce caractère, la proposition du gouvernement n'enlève rien.
Le second caractère, c'est la réunion d'un certain nombre de communes dont les jeunes gens doivent paraître devant le même conseil de milice pour faire statuer chaque année sur les exemptions, remplacements et substitutions. A ce caractère encore la proposition du gouvernement n'enlève rien.
Le troisième caractère se trouve dans les articles 137 et 138 de la loi provinciale, articles d'après lesquels le commissaire d'arrondissement doit adresser à la députation permanente un rapport sur les améliorations à introduire dans l'arrondissement, sur ses besoins, sur tout ce qui est de nature à être soumis au conseil provincial. Eh bien, sous ce rapport encore, la proposition du gouvernement ne déroge en rien à ce qui existe.
Je crois avoir suffisamment établi par les observations qui précèdent que sous le rapport des divers caractères qui s'attachent à ce que l'on doit entendre par la circonscription d'un arrondissement administratif, la proposition du gouvernement reste complètement en dehors, ne change absolument rien à la circonscription existante.
Par une argumentation analogue, il est facile d’établir que ce qui concerne les chefs-lieux se trouve place sur la même ligne. Dans notre législation actuelle, qu'est-ce que le chef-lieu d'un arrondissement administratif? C'est la localité où se réunissent les électeurs pour nommer les représentants et les sénateurs; c'est le lieu où siège le conseil de milice; c'est une localité qui, en vertu de la loi, a le privilège de correspondre avec l'autorité provinciale sans passer par la filière du commissaire d'arrondissement. Je n'ai trouvé dans la législation aucun autre signe auquel on puisse reconnaître le chef-lieu d'un arrondissement administratif. Eh bien, ces trois signes distincts ne subissent aucune altération par la proposition du gouvernement.
Quant à la résidence du commissaire d'arrondissement au chef-lieu, la loi ne dit nulle part qu'elle soit obligatoire ; et personne ne peut soutenir que le déplacement d'un commissaire d'arrondissement change la circonscription, ou le chef-lieu d'arrondissement, pas plus que le déplacement d'un inspecteur des contributions, ou d'un inspecteur de l'enregistrement, ou d'un ingénieur des ponts et chaussées. Ce sont tous agents du pouvoir exécutif dont la résidence est fixée par ce pouvoir, alors que la loi n'a rien statué à cet égard.
Pour faire écarter la proposition du gouvernement, on a aussi invoqué l'article 132 de la loi provinciale. Cet article est ainsi conçu :
« Il y a, pour chaque arrondissement administratif, un commissaire du gouvernement portant le titre de commissaire d'arrondissement. »
Ici je reconnais volontiers qu'à l'époque où cette loi a été portée, cette loi signifiait que chaque arrondissement administratif existant alors, devait avoir son commissaire particulier; je fais donc là une large concession. Il y avait alors en Belgique 44 arrondissements administratifs et 44 commissaires d'arrondissement; il devait en être ainsi pour l'exécution de l'article 132 de la loi provinciale sainement interprété.
Mais cette disposition de la loi a subi depuis lors deux modifications, également consacrées par la loi, et qui ne laissent plus entier le principe que l'article 132 de la loi provinciale avait établi. La première modification législative a été introduite lorsque, par une loi de 1839, vous avez sanctionné le traite avec les Pays-Bas. Alors les arrondissements administratifs de Luxembourg, de Diekirch et de Grevenmacher ont disparu entièrement du territoire belge, et l'arrondissement de Ruremonde a été transformé par une loi spéciale dans l'arrondissement de Maeseyck.
Après cette modification, il en est arrivé une autre qui justifie entièrement la proposition qui a été faite par le gouvernement. Cette modification se trouve dans la loi du 13 mars 1845. A cette époque, après une longue discussion dans cette enceinte, l'on a admis, pour faire partie de la loi de budget de 1845, cette disposition qui reste permanente, quoique insérée dans une loi annuelle de budgets. Ce principe n'est pas contestable, je pense ; il a toujours été reconnu que les dispositions permanentes insérées dans les lois du budget, subsistaient encore après l'expiration de l'année à laquelle le budget s'applique.
Or, l'article 11 de cette loi de 1845 porte ce qui suit :
« Il pourra y avoir quatre commissaires d'arrondissement à 6,000 fr.; 10 à 5,250; 12 à 4,650; 13 à 4,200.
En réunissant ces quatre nombres, vous avez pour résultat un nombre total de 39 commissaires d'arrondissement. Vous voyez qu'on ne pouvait plus exécuter la loi de 1836 telle qu'elle avait été portée; comme il est de principe qu'une loi postérieure déroge à une loi antérieure quand il y a désaccord entre leurs dispositions, on ne peut plus soutenir qu'on doit avoir un commissaire dans chaque arrondissement, puisque d'après la loi de 1845, que je viens de citer, il ne peut plus y avoir que 39 commissaires d'arrondissement tandis que le nombre des arrondissements existant en Belgique lors de la promulgation de cette loi était de 41, comme il l'est encore maintenant.
(page 676) Il résulte d'ailleurs des divers développements donnés lors de la discussion de cette loi qu'en adoptant cette disposition : « il pourra y avoir », l'intention de la législature était de permettre au gouvernement d'en établir un nombre moindre, si le service n'exigeait pas un nombre aussi considérable. Je crois avoir fait pleine justice des arguments de ceux qui prétendent que la proposition du gouvernement contrevient à la loi provinciale.
Reste la question d'utilité, question très grave. Nous sommes arrivés ici à la suite d'une élection faite sous l'empire de cette pensée que l'économie était la seule voie à suivre si on voulait éviter à la Belgique de nouvelles perturbations.
J'espère que nous resterons fidèles au mandat que nous avons accepté des électeurs qui nous ont envoyés dans cette enceinte, en votant l'économie de 57 mille francs, qui nous est proposée par le gouvernement, alors surtout qu'il est démontré que cette économie peut se faire sans gêner en rien le service public et sans toucher à des positions personnelles ; car on ne peut pas considérer comme détruisant des positions personnelles la faible réduction des traitements attachés aux commissariats. Je remercie donc le gouvernement d'avoir saisi le moment favorable pour proposer cette économie, et je serais désolé qu'elle ne fût pas adoptée par la chambre. J'espère d'ailleurs que quand les conseils provinciaux auront examiné le projet de loi que j'ai déposé, quand la chambre pourra s'en occuper au mois de novembre prochain, nous arriverons à des économies plus larges que celles proposées maintenant ; mais en attendant je m'en contente, je crois qu'elles sont d'une réalisation d'autant plus facile qu'il y a, je pense, en ce moment huit places vacantes. Si le gouvernement veut bien examiner les nécessités du service, il pourra, outre les quatre suppressions qu'il propose, en opérer encore deux autres.
En parcourant le tableau des commissariats, tableau qui a été présenté par le gouvernement à l'appui des développements du budget, je trouve que Saint-Nicolas et Termonde y occupent les deux derniers rangs. L'importance de Termonde est représentée dans ce tableau par le nombre 49, et l'importance de Saint-Nicolas par le nombre 50. Ainsi en réunissant les nombres sous lesquels ces commissariats figurent au tableau, l'on aurait, pour représenter l'importance des deux arrondissements réunis, le chiffre de 99 tandis que beaucoup d'autres arrondissements actuels sont cotés à un chiffre plus élevé. Si vous réunissez les chiffres de 60 et 54 qui représentent l'importance des arrondissements de Marche et de Bastogne , vous aurez un total de 114, ce qui ne placerait encore ces deux arrondissements réunis qu'au 7e rang des commissariats. C'est du reste une simple observation que je soumets à l'appréciation du gouvernement. Je me borne à demander à la chambre de repousser la motion d'ordre de MM. Van Hoorebeke et Dedecker, motion qui n'a aucun fondement dans la législation existante, et je propose d'adopter le chiffre demandé par le gouvernement.
M. Ch. de Brouckere. - Je demande la parole parce que je suis effrayé de la différence que je remarque entre les projets que nous avions tous en arrivant dans cette enceinte et le résultat que promet la session au pays. Nous sommes tous venus pour faire des économies. Or toutes les économies proposées, sans en excepter une, rencontrent des contradicteurs et presque toujours une majorité pour les repousser.
D'un autre côté, la chambre témoigne de sa confiance dans le ministère; or si vous avez confiance dans le ministère et que vous rejetiez les économies qu'il propose, il est impossible d'arriver à aucun résultat satisfaisant pour le pays.
J'ai demandé la parole non seulement pour combattre la motion, parce qu'en l'adoptant nous serions infidèles au mandat que nous croyons avoir tous accepté ; mais encore parce que cette motion ne tend pas à autre chose qu'à aggraver la situation. En effet, on ne se borne plus à demander qu'on renvoie aux conseils provinciaux l'examen de la suppression de quatre arrondissements, je ne dirai pas administratifs, parce que, je le démontrerai tout à l'heure, il n'y a pas d'arrondissement administratif en Belgique, mais la suppression de quatre commissaires d'arrondissement; on demande de plus que les conseils provinciaux classent tous les commissaires et décident de leurs traitements. Si la motion était admise, je ferais une autre proposition qui en est la conséquence logique : c'est qu'on biffe du budget tout ce qui concerne les commissaires d'arrondissement et que les provinces nomment autant de commissaires qu'il leur conviendra et qu'elles les payent. (Interruption.)
Vous riez ! On vous a parlé de la Flandre occidentale, mais on ne vous a parlé que de faits récents ; il n'y a pas que les commissaires de Roulers et de Dixmude qui aient été supprimés, il y en a bien d'autres. Il fut un temps où il y avait dans la Flandre occidentale douze, non pas arrondissements, mais districts; on a reconnu l'abus et petit à petit, à mesure des vacatures on en a supprimé plusieurs. Les conseils provinciaux disposant des fonds de l'Etat, en prendront le plus qu'ils pourront ; cela est dans la nature des choses.
La Flandre occidentale demandera le maintien du district d'Ostende et la résurrection du district de Roulers ; moi je viendrai demander le rétablissement de celui de Thourout où je suis propriétaire. J'ai autant d'intérêt à avoir là un commissaire que M. Rodenbach à en avoir un à Roulers. J'ai dit qu'on avait fait un singulier abus des mots et du caractère des fonctionnaires qu'on veut supprimer. Le commissaire de district n'administre rien, et n'a jamais eu la qualité d'administrateur.
Ce n'est pas une autorité publique; c'est simplement un fonctionnaire ; c'est un inspecteur ; on lui a donné un titre qui ne lui appartient pas. Du reste, vous le savez, le titre de commissaire ne veut rien dire. En France, il y a des sous-préfets; mais ils sont administrateurs ; ils font acte d'autorité ; ils ratifient certains actes des conseils communaux, les préfets en ratifient d'autres.
Lorsqu'on 1818 , le gouvernement a fait sur les commissaires de district le règlement que vous a rappelé l'honorable M. Van Hoorebeke, dans sa pensée, il n'a jamais voulu faire d'eux autre chose qu'un intermédiaire actif entre les communes et l'autorité provinciale ; c'est-à-dire, un homme qui, étant sur les lieux, examine chaque affaire litigieuse, pour pouvoir éclairer le conseil provincial, la députation permanente.
J'ai eu l'honneur de remplir, pendant une année, les fonctions de commissaire de district, sous l'empire de ce règlement de 1818. C'était en 1822. Je n'ai jamais compris ma mission autrement. Il n'y a que deux manières de la comprendre : le commissaire est un fonctionnaire nomade ou c'est une simple boite de poste, un commissaire qui réside, comme on l'a dit, dans son chef-lieu ne fait pas autre chose que transmettre des lettres; c'est un embarras, un rouage inutile de l'administration. Le gouverneur lui écrit une lettre, le commissaire la fait copier autant de fois qu'il y a de communes ; les communes répondent, on met les lettres des communes sous enveloppe, et on les renvoie.
Vous me direz : On donne un avis. Est-ce que l'avis d'un commissaire qui reste tranquillement au chef-lieu est plus éclairé que celui de la députation permanente, corps composé de sept personnes, qui ont autorité sur lui? Cet avis peut être éclairé, mais c'est à une seule condition (et pour cela il n'est pas besoin de résidence), c'est à la condition que toutes les fois qu'il y a une affaire litigieuse entre un conseil communal et un conseil de fabrique, entre un bourgmestre et un bureau de bienfaisance, entre deux corps quelconques d'une même commune, le commissaire de district se rendra sur les lieux, examinera, s'interposera entre les personnes, cherchera à calmer les passions, l'irritation, à amener la paix dans la commune. Alors, il fera ce qu'on appelle un rapport intelligent. Le seul avantage qu'ait son avis sur l'instruction que pourrait faire la députation permanente, c'est que le commissaire d'arrondissement a vu les choses sur les lieux.
Je le répète, le commissaire d'arrondissement n'administre rien; il éclaire ; mais il n'éclaire qu'à une condition, c'est de se promener de commune en commune.
La loi provinciale n'a fait que reproduire quelques-uns des articles de ce règlement de 1818, dont on vous a parlé. La loi provinciale envisage les fonctions du commissaire de district, comme je viens de les expliquer. Elle leur prescrit de visiter au moins une fois par an toutes les communes du district, non pas pour les affaires spéciales, mais pour toutes les affaires générales. « Ils prennent inspection dans la commune, au moins une fois par an, des registres de l'état civil, et donnent connaissance à la députation du conseil des irrégularités ou inexactitudes qu'ils y découvrent (article 135.) » Ainsi de suite.
Voilà une tournée pour la vérification des registres de l'état civil, qui est obligatoire, chaque année, dans toutes les communes. Indépendamment de cette tournée, je le répète, toutes les affaires spéciales exigent le déplacement du commissaire de district.
Comme on vous l'a dit avec beaucoup de raison et de sens, le district, l'arrondissement n'existe pas sous le rapport administratif. Il existe 1° comme district électoral; adoptant la proposition du gouvernement, on n'y touche pas. Les élections n'exigent pas la résidence d'un commissaire; 2° comme chef-lieu d'arrondissement de milice : la milice n'exige pas plus la présence d'un commissaire au chef-lieu de l'arrondissement qu'au chef-lieu de chaque canton de milice. L'arrondissement, vous le savez, est subdivisé en cantons. Il y a dans chaque canton de milice un chef-lieu de canton. Viendra-t-on dire qu'on ne peut l'appeler chef-lieu, parce qu'il n'y a pas là un fonctionnaire spécial? On est venu avec une définition qu'on a été chercher, je présume, dans le Dictionnaire de l’Académie.
M. Van Hoorebeke. - Je l'ai prise dans le Répertoire de MM. Tielemans et Ch. de Brouckere.
M. Ch. de Brouckere. - Quant à moi, je fais bon marché de tout ce que vous pouvez m'imputer sur ce sujet. Ce ne serait pas ma première erreur, si c'est moi qui ai écrit cette définition.
Les définitions ne prouvent rien en matière de droit.
Je ne comprends pas que l'on puisse ôter à une localité le nom de chef-lieu, parce qu'il n'y résiderait pas quelqu'un qui représentât l'autorité ; mais dites-moi, dans votre système, qui vous voulez mettre au chef-lieu du canton de milice.
On a voulu se prévaloir d'autres considérations. On nous a dit que toutes les subdivisions des provinces doivent être réglées par la loi, en vertu de l'art. 2 de la Constitution. Eh bien, sous le rapport administratif, je ne reconnais pas de subdivision administrative dans les provinces. Il n'y a pas d'action ni d'autorité administrative entre la commune et la province.
Vous supprimeriez toutes les circonscriptions d'arrondissements ; vous adopteriez la proposition de M. Jacques, que je n'y trouverais absolument rien à dire. Je ne connais d'arrondissements que sous le rapport électoral, sous le rapport de la milice; car, sous tout autre rapport, le commissaire d'arrondissement n'a aucun caractère d'autorité, n'administre rien; je ne vois aucune difficulté à le supprimer.
Seulement j'insiste pour écarter la motion d'ordre, parce qu'elle a une funeste portée. Nous sommes tous arrivés ici, en demandant des économies; et nous arriverons à la fin de la session sans en avoir réalisé aucune ; et nous devrons, à l'ouverture de la session prochaine, aviser aux moyens de créer de nouvelles ressources.
Je vais plus loin : je demanderai au gouvernement s'il n'y aurait pas lieu de supprimer les commissariats d'arrondissement des chefs-lieux de province. Je vais dire pourquoi. Une très petite majorité a soutenu qu'il (page 677) fallait conserver (contrairement à l'opinion du gouvernement que j'ai défendue) les six membres des députations permanentes. Si l’on veut enlever à cette majorité ceux qui n'ont été mus que par ce mobile qu'ils ont expliqué, qu'il fallait que les arrondissements fussent tous représentés, on verra que, dans la majorité, il y a beaucoup de membres qui, sous le rapport du travail, n'ont pas cru à la nécessité des six membres de la députation. Si le commissaire de district n'est utile que pour autant qu'il instruit les affaires sur les lieux, les membres de la députation, trop nombreux pour l'expédition des affaires, pourront se rendre dans les communes et particulièrement dans celles de l'arrondissement du chef-lieu de la province, où doit être leur résidence.
Je demande donc au gouvernement, alors qu'il aura obtenu l'économie dont il s'agit aujourd'hui, d'examiner s'il n'y aurait pas lieu, pour en réaliser une autre, de supprimer les commissariats d'arrondissement des chefs-lieux de province.
M. Julliot. - Je voterai la proposition de l'honorable M. Van Hoorebeke avec les amendements présentés.
Mon opinion repose sur une considération qui me paraît devoir être décisive et pour la chambre et pour le ministère, et cette considération vient d'être fortifiée encore par les considérations émises par l'honorable M. Ch. de Brouckere. C'est la question d'opportunité.
Les modifications à l'organisation des commissariats de district qui nous sont proposées par le gouvernement, ne reposent, il faut bien le dire, sur aucune base déterminée ni bien appréciable, elles ne pourront par conséquent être décidées que par l'appréciation arbitraire de chacun de nous.
Mais, messieurs, alors que le gouvernement a élaboré son travail, il ne pourrait s'attendre à voir surgir la proposition de l'honorable M. Jacques, et je pense que M. le ministre de l'intérieur doit avoir accepté avec bonheur le concours que lui a apporté cet honorable collègue. Cette proposition du moins repose sur deux principes bien définis et dont nous recherchons tous l'application, à savoir : la concordance, la régularité dans les administrations et l'économie la plus large, surtout alors qu'elle se concilie avec un perfectionnement.
Or, il est à prévoir, messieurs, que le projet de M. Jacques sera bien accueilli par la chambre, et alors que devient la réforme partielle à laquelle le gouvernement se propose de passer immédiatement? Elle devient un provisoire de quelques mois, une perturbation de plus dans les déclassements des districts actuels, un déplacement inutile des archives, en un mot une mauvaise opération administrative.
M. le ministre de l'intérieur lui-même doit, me semble-t-il se rallier à ces considérations, car il comprend mieux que qui que ce soit combien cette instabilité dans les relations administratives est préjudiciable à la bonne gestion des affaires.
Il y a plus, messieurs, la proposition de l'honorable M. Jacques est la consécration implicite du travail présenté par le ministre; seulement il est régularisé par une application uniforme, partant, plus large, plus économique.
A ce point de vue encore, messieurs, le gouvernement doit se trouver satisfait, car je pense qu'à la session prochaine la chambre s'empressera d'adopter le principe de la concordance entre les districts administratifs et les arrondissements judiciaires, principe dont l'application me semble un progrès sérieux dans l'organisation du pays, tout en produisant une économie d'un chiffre fort élevé. Je demande donc le renvoi de ces questions à l'avis des conseils provinciaux, et je me plais à croire que la chambre restera à la hauteur de sa mission, quels que soient les avis que ces corps émettront.
M. Pierre. - Je suis vraiment étonné, messieurs, que la motion de notre honorable collègue, M. Van Hoorebeke, ait donné lieu, hier, à une discussion aussi longue et aussi controversée, qui se prolonge encore aujourd'hui. J'étais porté à croire que la chambre n'aurait point perdu de vue le précédent qu'elle a admis tout récemment dans une circonstance parfaitement identique.
En effet, que voulait M. Jacques en sa proposition? Harmoniser les circonscriptions administratives avec les circonscriptions judiciaires. Toutefois, ce n'était là que la question de forme, si je puis m'exprimer ainsi, car, si l'on examine la proposition au fond, en la dégageant des termes dans lesquels elle est conçue et qui, cependant, n'en amoindrissent pas la portée, quel doit en être le résultat? La suppression de seize commissariats.
Je me demande dès lors quelle différence il y a réellement entre cette proposition et celle faite au projet de budget par le gouvernement, si ce n'est que d'une part l'initiative émane d'un membre de la chambre et de l'autre du ministère? Je n'en vois absolument aucune autre, au moins pour ce qui concerne la plus grande partie des arrondissements, puisqu'il faut en excepter uniquement ceux qui ressortissent à deux ou plusieurs arrondissements judiciaires différents, et c'est assurément le plus petit nombre qui appartient à cette catégorie.
Ici, il s'agit de la suppression de quatre commissariats, là il s'agissait de la suppression de seize.
Les chiffres diffèrent, quant au fait, il est exactement le même, sauf la seule exception que je viens de signaler. Les motifs de légalité qui ont été déduits par l'auteur de la motion et par l'honorable M. de Renesse, me paraissent très concluants. Néanmoins, admettons pour un instant qu'il puisse seulement y avoir doute à cet égard.
Voudriez-vous, dans cette incertitude, accorder moins de garantie d'examen et de maturité pour votre décision à ces quatre arrondissements que vous en avez accordé aux douze autres ?
En ne point sauvegardant les intérêts de ceux-là de la même manière que vous avez sauvegardé les intérêts de ceux-ci, ne serait-ce point avoir deux poids et deux mesures? Cela est évident. Le vote de la chambre, pour être rationnel et surtout conséquent, ne peut être que le corollaire de celui qu'elle a émis, en renvoyant à l'avis des conseils provinciaux la proposition analogue.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, après les développements dans lesquels les précédents orateurs sont entrés, je serai très court.
C'est aussi la question d'opportunité que je voulais examiner.
J'appuie la motion de l'honorable M. Van Hoorebeke par ce motif qui me paraît concluant : c'est que, adoptez ou n'adoptez pas la proposition du gouvernement, vous ne ferez que du provisoire, parce que la chambre restera toujours saisie de la proposition de l'honorable M. Jacques.
Nous ne pouvons, dès à présent, préjuger quel sera le résultat des délibérations des conseils provinciaux. Nous ne pouvons pas connaître non plus quelles seront les propositions qui seront faites par suite de ces délibérations. Il est toujours certain que, dans la session prochaine, la chambre devra s'occuper de nouveau de la question des commissariats d'arrondissement. N'est-il pas convenable dès lors de renvoyer toute modification à cette époque? On ne peut pas, messieurs, remettre tous les ans en question la position des commissaires d'arrondissement.
Lorsque M. le ministre de l'intérieur a présenté son projet de budget, la proposition de l'honorable M. Jacques n'existait pas encore. Dès lors la proposition faite par le gouvernement pouvait être considérée comme quelque chose de définitif. Aujourd'hui elle n'a plus ce caractère. Je pense que ce motif devrait engager M. le ministre à se rallier à la motion de l'honorable M. Van Hoorebeke.
Je n'ajouterai rien aux arguments qu'a fait valoir avec beaucoup de talent l'auteur de la motion. Cependant, quoi qu'en ait dit hier M. le rapporteur de la section centrale, ce n'est pas son talent qui m'a séduit, mais c'est le fondement de son raisonnement qui m'a convaincu.
Messieurs, si la proposition qui vous est faite n'était pas adoptée, comme elle concerne simplement la question de savoir si l'avis des conseils provinciaux est nécessaire pour la réunion des commissariats que le gouvernement propose, et qu'elle ne préjuge rien quant à la classification des arrondissements d'après les bases proposées par le gouvernement, je me réserve, lorsque l'incident sera vidé, de reprendre mon tour de parole pour présenter des objections relativement au projet qui vous est soumis.
M. le président. - La parole est à M. Vilain XIIII.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. Vilain XIIII. - Si l'on demande à aller aux voix sur la question de forme, je renoncerai à la parole, mais c'est à la condition qu'on puisse parler sur la question du fond.
M. le président. - La clôture n'est pas demandée par dix membres. Vous avez la parole.
M. Vilain XIIII. - J'y renonce.
M. Dedecker. - Comme auteur d'une des deux motions qui vous sont soumises, je demande à présenter quelques observations, parce que je ne me place pas, pour la défense de ma motion, sur le terrain choisi par l'honorable M. Van Hoorebeke.
Pour moi, il ne s'agit pas ici d'une question de légalité. Quel que soit le talent déployé dans la séance d'hier par l'honorable M. Van Hoorebeke, je ne puis admettre que le gouvernement doive, en droit, consulter les conseils provinciaux pour la suppression d'arrondissements administratifs. A plus forte raison ne le doit-il pas, pour établir une classification nouvelle de commissariats d'arrondissement.
Je le répète donc; il ne s'agit pas pour moi d'une question de légalité, mais il s'agit d'une question d'opportunité, d'utilité, de convenance. Est-il utile, est-il opportun, lorsqu'il s'agit d'opérer un tel bouleversement dans certains commissariats, de consulter les corps qui sont censés connaître le mieux les besoins des différents arrondissements?
Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, nous connaissons d'avance quel sera l'avis des conseils provinciaux. Cet avis n'est pas douteux, c'est possible, mais enfin l'avis des conseils provinciaux sera motivé. Ce sera au gouvernement, qui ne peut avoir la prétention d'être infaillible, à juger de la valeur des arguments que les conseils provinciaux émettront pour la défense de leur opinion.
Que doit vouloir en définitive le gouvernement ? Il doit vouloir poser de bons actes administratifs. Eh bien ! si les bases de la mesure qu'il propose sont rationnelles, si la combinaison qu'il soutient mène à une juste classification des commissariats d'arrondissement, les conseils provinciaux l'adopteront, et vous donneront de nouveaux renseignements à l’appui des propositions du gouvernement.
Messieurs, le gouvernement et les chambres ont intérêt à ce que les conseils provinciaux donnant leur avis et à ce que la question ne soit décidée qu'en parfaite connaissance de cause.
Mais, a dit encore M. le ministre de l'intérieur et après lui l'honorable M. de Brouckere, nous sommes venus ici pour faire des économies. Messieurs, je distingue. Nous sommes venus ici non pour faire des économies à tort et à travers, mais pour faire des économies judicieuses, des économies compatibles avec les besoins des différents services. C'est ainsi que cela a toujours été entendu, dans les différentes discussions auxquelles se sont rattachées des questions d'économie.
Nous sommes venus ici, dit-on, avec une espèce de mandat impératif de faire des économies. Mais les conseils provinciaux sont aussi des corps dont l'origine est élective aussi bien que celle de la législature à laquelle nous (page 678) avons l'honneur d'appartenir. Si vous consultez les conseils provinciaux, il« obéiront aussi au besoin d'économies. On doit d'autant plus s'y attendre, que les cris d’économie sont partis plutôt des provinces que de la capitale.
La véritable économie à faire sur le chapitre des commissaires d'arrondissement, c'est, a dit l'honorable M. de Brouckere, la suppression des commissariats des chefs-lieux de province. Cette idée, qui a trouvé un certain écho dans cette chambre, est une raison de plus pour renvoyer la question à l'avis des conseils provinciaux et pour ne pas prendre une décision aujourd'hui.
Il ne s'agit, messieurs, que d'un retard d’une année. Dans la session prochaine, nous pourrons aviser à un système mieux combiné et qui pourra conduire à de notables économies mais à des économies, rationnelles et judicieuses.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dois, messieurs, faire une courte observation.
Les divers systèmes qui ont été mis en avant dans cette discussion ont été examinés déjà par le gouvernement ; j'ai eu occasion de le dire.
Le gouvernement a eu à examiner ces trois systèmes.
D'abord la suppression des commissaires d'arrondissement des chefs-lieux de province. Eh bien ! il y a eu un grand nombre de raisons pratiques pour ne pas opérer cette suppression. Je me réserve, si l'on insiste, de faire valoir ces raisons.
En second système, l'uniformité de l'arrondissement administratif et de l'arrondissement judiciaire ; c'est le système de l'honorable M. Jacques. Il a aussi été examiné et il a rencontré beaucoup d'objections pratiques. Voilà pourquoi nous ne nous y sommes pas arrêtés.
Troisième système qui était déjà en pratique, c'est-à-dire accouplement sous le même fonctionnaire de deux arrondissements administratifs. C'est à ce troisième système, qui déjà avait des antécédents, que nous avons cru devoir nous arrêter.
Il y a, dit-on, inopportunité à introduire ce nouveau système en présence de la proposition de l'honorable M. Jacques. Mais pourquoi? Si la proposition de l'honorable M. Jacques est adoptée, la mesure que nous proposons n'aura été qu'une mesure préparatoire, un pas en avant fait dans ce système, un commencement d'exécution. La proposition de l'honorable M. Jacques ne peut donc exercer qu'une influence décisive sur l'adoption de la proposition que nous faisons.
Il faut se dessiner dès maintenant, messieurs, sur cette proposition. Il y a en ce moment six commissariats vacants et il est impossible, je le répète, de laisser plus longtemps ces commissariats sans titulaires ; il faut leur donner de nouveaux titulaires, si on maintient les arrondissements dont l'accouplement est proposé, il faut que le gouvernement donne six nouveaux titres. Au point de vue de l'influence politique, je ne demande pas mieux que d'avoir six nouveaux titulaires à nommer; mais au point de vue de l’économie il faut décider immédiatement la question de la suppression, parce que, si cette suppression est décidée on donnera les places vacantes aux commissaires dont l'arrondissement aura été réuni à un autre. C'est là, je pense, une raison pratique qui doit être accueillie par la grande majorité de cette chambre.
- La discussion est close sur les motions d'ordre.
Le sous-amendement de M. Rodenbach est d'abord mis aux voix; il n'est pas adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant l'amendement de M. Dedecker.
M. Lebeau. - Il y a lieu de voter séparément sur la première partie de l'amendement de M. Dedecker qui se confond avec la motion de M. Van Hoorebeke.
M. Dedecker. - Je ferai remarquer que ma proposition ne repose pas sur des motifs de légalité; elle repose sur des motifs d'opportunité et de convenance.
M. Lebeau. - Je demanderai une nouvelle lecture de l'amendement de M. Dedecker.
- M. le président lit l'amendement.
M. Lebeau. - Je demande formellement la division. Dans la première partie de l'amendement quelques membres voient une question de légalité, bien que ce ne soit pas le sens qu'y attache l'honorable M. Dedecker. Je demande que l'on vote séparément sur cette première partie.
M. le président. - La première partie, c'est la motion de M. Van Hoorebeke.
M. Delfosse. - Du moment que la division est demandée, elle est de droit; mais il est évident, comme M. le président vient de le dire, que la première partie de l'amendement de M. Dedecker n'est pas autre chose que la motion d'ordre de M. Van Hoorebeke. MM. Dedecker et Van Hoorebeke sont d'accord sur un point, ils demandent le renvoi aux conseils provinciaux. On pourrait donc mettre aux voix la proposition de M. Van Hoorebeke, qui se confond avec la première partie de la proposition de M. Dedecker; la deuxième partie de cette dernière proposition serait l'objet d'un vote spécial, conformément à la demande de l'honorable M. Lebeau.
M. Ch. de Brouckere. - Il y a dans les deux propositions deux choses tout à fait différentes. La proposition de M. Van Hoorebeke repose sur des motifs de légalité, celle de M. Dedecker repose sur des motifs de convenance. Vous ne pouvez pas confondre les deux propositions, car les membres qui ont des scrupules de légalité voteront la proposition de M. Van Hoorebeke tandis que ceux qui ont des scrupules de légalité et de convenance voteront la proposition de M. Dedecker.
M. Delfosse. - Il est évident que les deux propositions doivent être confondues, puisqu'elles ne diffèrent en rien. Peu importent les motifs qui ont pu guider les honorables MM. Dedecker et Van Hoorebeke; nous ne votons pas sur des motifs, nous votons sur des propositions. Il est clair comme le jour que la première partie de l'amendement de M. Dedecker est absolument la même chose que la motion d'ordre de M. Van Hoorebeke.
Il y a sans doute des membres qui voteront sur ces propositions par des motifs de légalité, d'autres par des motifs de convenance ; mais le vote seul sera constaté ; il suffit que les deux propositions soient les mêmes, pour qu'elles ne soient pas séparées ; nous voterons deux fois sur la même question.
M. H. de Brouckere. - Je partage entièrement l'avis de l'honorable M. Delfosse; il est bien évident que l'amendement de M. Dedecker ne constitue rien autre chose qu'un sous-amendement à celui de M. Van Hoorebeke; en d'autres termes l'amendement de M. Dedecker est une disposition additionnelle à la proposition de M. Van Hoorebeke. Au fond les deux propositions sont les mêmes; peu importent les motifs qui les ont dictées.
M. Ch. de Brouckere. - La distinction entre les deux propositions est fort tranchée : dans l'opinion de M. Van Hoorebeke, il faut une loi expresse pour réformer les arrondissements, dans l'opinion de M. Dedecker il ne faut pas une loi, et l'honorable membre demande simplement que les conseils provinciaux soient consultés pour éclairer le gouvernement. (Interruption.) J'en appelle à l'honorable M. Dedecker lui-même; il l'a dit formellement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Les honorables MM. Van Hoorebeke et Dedecker demandent la même chose quant aux propositions du gouvernement, c'est-à-dire le renvoi aux conseils provinciaux de la question de savoir s'il y a lieu de supprimer quatre commissariats d'arrondissement.
Voilà la proposition qui est commune à l'honorable M. Van Hoorebeke et à l'honorable M. Dedecker. M. Van Hoorebeke demande ce renvoi parce qu'il pense que la loi le veut; M. Dedecker le demande parce qu'il pense que les convenances le veulent ; ils le demandent tous deux, mais pour des motifs différents ; ils sont parfaitement dans leur droit. Les membres de la chambre peuvent aussi, par des motifs, différents, adopter ou rejeter la proposition.
Maintenant l'honorable M. Dedecker demande quelque chose de plus que l'honorable M. Van Hoorebeke, il demande que la question de la classification soit également renvoyée aux conseils provinciaux.
Il y a donc lieu à diviser et je pense qu'il faudrait commencer par voter sur la question qui résulte de la deuxième partie de la proposition de M. Dedecker: Renverra-t-on aux conseils provinciaux ce qui est relatif au classement des commissariats d'arrondissement? Et voter ensuite sur cette deuxième question qui résulte de la première partie de l'amendement de M. Dedecker et de la proposition de M. Van Hoorebeke : Renverra-t-on aux conseils provinciaux ce qui concerne la suppression de quatre commissariats d'arrondissement ?
M. le président. - Je crois qu'au moyen de cette observation, on peut être d'accord; la seconde partie de la proposition de M. Dedecker sera considérée comme un amendement à la motion de M. Van Hoorebeke. (C'est cela !)
Je mets donc aux voix cette seconde partie de la proposition de M. Dedecker.
- Plus de cinq membres demandent l'appel nominal. Il est procédé à cette opération.
En voici le résultat :
93 membres ont répondu à l'appel nominal.
76 ont répondu non.
17 ont répondu oui.
En conséquence, la seconde partie de la proposition de M. Dedecker n'est pas adoptée.
Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Renynghe, Veydt, Allard, Ansiau, Boedt, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep , Coomans , Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Chimay, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Pitteurs, de Royer, Desoer, Destriveaux, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte et Verhaegen.
On répondu oui : MM. Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Anspach, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Dedecker, de Perceval de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, Jullien, Julliot, Pierre, Rodenbach et Vanden Branden de Reeth.
M. le président. - Reste maintenant la première partie de la proposition |de M. Dedecker, qui se confond avec la motion d'ordre de M. Van Hoorebeke. Je la mets aux voix.
- Plus de cinq membres demandent l'appel nominal.
Il est procédé à cette opération.
(page 670) 93 membres répondent à l'appel nominal.
75 ont répondu non.
18 ont répondu oui.
En conséquence, la première partie de la proposition de M. Dedecker, qui se confond avec la motion d'ordre de M. Van Hoorebeke, n'est pas adoptée.
Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Renynghe, Veydt, Allard, Ansiau, Boedt, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, de Chimay, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Pitteurs, de Royer, Desoer, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jour et, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Loos, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Schumacher, Sinave, Tesch, Thibaul, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum et Verhaegen.
Ont répondu oui : MM. Van Hoorebeke, Van Iseghem, Vermeire, Vilain XIIII, Anspach, de Baillet-Latour, de Breyne, Dedecker, de Perceval, de Renesse, Destriveaux, de Theux, de T Serclaes, Jullien, Julliot, Pierre, Rousselle et Van den Branden de Reeth.
M. le président. - Reste l'article 39, traitements des commissaires d'arrondissement.
Le gouvernement avait proposé le chiffre de 166,350 fr. La section centrale propose de porter ce chiffre à 166,800 fr.
Le gouvernement se rallie à cette proposition.
L'amendement proposé par M. Jacques est retiré.
M. Pierre propose de fixer la résidence du commissaire d'arrondissement à Virton au lieu d'Arlon.
M. Pierre a la parole pour développer son amendement.
M. Pierre. - Dans l'espoir de voir la chambre adopter la proposition de notre honorable collègue M. Van Hoorebeke, je me suis borné tout à l'heure à vous parler de la suppression des quatre commissariats de Maeseyck, Eecloo, Ostende et Virton, en général. Je ne m'attendais point alors à devoir produire l'amendement que je viens de faire déposer sur le bureau et dont vous venez d'entendre la lecture ; mais le rejet de cette proposition, déjouant ma prévision, m'y oblige.
Je vais donc entrer dans quelques considérations particulières en ce qui concerne Virton, afin de justifier, autant qu'il me sera possible, mon amendement. Néanmoins, avant d'aborder cette tâche, qui me sera du reste assez facile, j'éprouve le besoin de vous prémunir contre l'idée que pourrait faire naître dans vos esprits, en cette circonstance toute spéciale, ma position de représentant de Virton. Il serait en effet, je dois en convenir, assez naturel de penser que je me prépare à faire une offrande en faveur d'exigences électorales ou d'intérêts de clocher.
Eh bien, messieurs, si telle était votre pensée, pour y faire trêve, je déclare ici, de la manière la plus formelle, que non seulement aujourd'hui, mais aussi longtemps que j'aurai l'honneur de siéger dans cette enceinte, vous ne me verrez jamais me placer exclusivement à un point de vue aussi mesquin. Il faudra toujours, pour que je me décide à défendre des intérêts particuliers, quels qu'ils soient, que j'aie acquis l'intime conviction de la légitimité des droits sur lesquels ils reposent. Ce sera toujours la condition indispensable, la condition de rigueur pour qu'ils obtiennent mon concours, dussé-je en agir ainsi aux dépens de mes intérêts électoraux eux-mêmes.
Si donc je vais défendre la cause de Virton, c'est que je suis parfaitement convaincu de ses droits et de la légitimité de ses titres à conserver le siège du commissariat des deux arrondissements réunis. Et j'espère, messieurs, être assez heureux pour vous faire partager ma manière de voir à cet égard. Veuillez, je vous prie, m'accorder en conséquence un moment d'attention et d'indulgence tout à la fois.
Je cherche en vain dans le projet de budget, dans ses annexes et dans le rapport de la section centrale, l'indication même la plus sommaire, des motifs qui ont pu déterminer le gouvernement à proposer et celle-ci à admettre la fixation des sièges des quatre commissariats que vous voulez réunir. On n'en rencontre un mol nulle part. L'absence absolue de cette indication me porte nécessairement à penser que l'on ne s'est aucunement préoccupé de cette question; cependant, il faut bien reconnaître qu'il ne suffit pas d'envisager une affaire de l'espèce sous un seul point de vue, qu'il faut la voir et l'examiner sous toutes ses faces, qu'il ne suffit pas de protéger l'intérêt général; qu'il faut aussi, en semblable cas, sauvegarder les intérêts particuliers des localités respectives, dans la limite de leur droit et de leurs titres, de telle sorte qu'elles ne puissent élever aucune réclamation fondée contre la mesure à prendre, leur fût-elle même préjudiciable, car il leur serait démontré qu'il ne pouvait en être autrement. Le mode que l'on a suivi à ce sujet me paraît d'autant plus étonnant que précisément dans la même matière, pour ce qui concernait la nouvelle classification, les éléments d'appréciation ont été fournis par trois ordres de faits divers : la population, le nombre des communes et l'étendue territoriale de chaque arrondissement. Pourquoi n'a-t-on pas eu recours aux mêmes éléments d’appréciation pour ce qui regardait la fixation des nouveaux chefs-lieux des commissariats à réunir? Il est évident que c'est là une lacune regrettable. Ma principale tâche consistera donc à la combler, en ce qui touche ceux d'Arlon et de Virton. Toutefois, je ne me bornerai pas, pour établir mes comparaisons, aux trois ordres de faits qu'indique la note n°4 annexée au budget et que je viens de citer ; ils me paraissent insuffisants pour baser une appréciation qui ne laisse rien à désirer, sous aucun rapport; c'est pourquoi j'essaierai de mettre ces deux arrondissements en parallèle d'une manière beaucoup plus complète.
- Plusieurs membres. - C'est là une question d'administration.
M. le président. - M. Pierre, je pense, que la question que vous soulevez est du ressort de l'administration.
M. Ch. de Brouckere. -Je demande la parole pour une motion d'ordre.
M. Pierre. - On ne peut pas, je pense, m'empêcher de continuer les développements de mon amendement.
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere pour une motion d'ordre.
M. Ch. de Brouckere. - J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre parce que la chambre n'est pas appeler à décider si le commissaire d'arrondissement résidera à Arlon ou à Virton.
L'amendement de l'honorable membre n'est pas conçu diaprés la décision de la chambre. Il porte : J'ai l'honneur de proposer que le chef-lieu réuni des deux arrondissements d'Arlon et de Virton soit fixé à Virton. La chambre n'a pas réuni d'arrondissements, la seule chose dont la chambre s'occupe c'est la suppression de quelques fonctionnaires.
Il ne s'agit de supprimer aucun chef-lieu, toute la question se réduit à savoir si le commissaire du gouvernement résidera à Arlon ou à Virton, cela ne regarde pas la chambre c'est une question d'administration.
L'auteur de l'amendement l'a si bien compris, qu'il ne propose pas une modification au budget, mais à une note du budget; or les notes ne font pas partie de la loi, nous ne sommes pas appelés à voter sur la résidence de tel ou tel fonctionnaire. Le gouvernement fera résider les fonctionnaires là où il le trouvera plus utile et pour le service public et pour les administrés. Je prie l'honorable membre de ne pas entretenir la chambre de pareilles discussions, nous devrions entendre les députés d'Arlon et un débat s'établirait ici entre Arlon et Virton sur une question sur laquelle la chambre ne peut pas prendre de décision.
M. Orts. - Il y a chose jugée quant à la compétence de la chambre relativement à la résidence des commissaires de district, et la chambre ne sanctionnera la décision qu'elle a prise en renvoyant au ministre de l'intérieur, et non à l'examen de la section centrale, toutes les pétitions relatives au déplacement des commissaires de district, en se fondant sur ce que cela regardait les convenances administratives du ministre dont elle n'avait pas à se mêler. Je ne pense pas que la chambre reviendra sur ce qu'elle a décidé.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'avais à présenter des observations analogues à celles que vous venez d'entendre; cependant je pense que l'honorable député de Virton est dans son droit quand il demande à développer son amendement. Je l'engage cependant à restreindre les considérations qui lui font penser que le commissaire d'arrondissement doit résider à Virton plutôt qu'à Arlon, bien que ce soit une question sur laquelle la chambre n'a pas à prononcer, car elle n'a pas à s'occuper de la résidence des fonctionnaires publics ; quand la loi fixe la résidence le gouvernement s'y conforme; en dehors des prescriptions légales, le gouvernement est libre de faire résider le fonctionnaire où il le juge à propos, suivant les convenances des administrations et du gouvernement.
M. Pierre. - J'accepte les observations de M. le ministre de l'intérieur. Mais je demande à continuer mes développements pour démontrer au gouvernement que c'est à Virton et non à Arlon que le commissaire d'arrondissement doit résider.
- Plusieurs voix. - Non ! non !
M. H. de Brouckere. - Il résulte de ce que vient de dire M. Pierre, qu'il retire son amendement; mais il est dans son droit quand il fait valoir des considérations pour engager le gouvernement à établir la résidence du commissaire d'arrondissement à Virton plutôt qu'à Arlon.
M. le président. - La parole est continuée à M. Pierre.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je demande le parole pour une motion d'ordre.
M. le président. - Je ne puis vous l'accorder. Veuillez, M. Pierre, continuer vos développements.
M. Pierre. - Permettez-moi d'abord, messieurs, de vous dire quelques mots sur la situation de chacune des deux localités chefs-lieux actuels. Arlon, qui en 1830 n'était pas plus important que Virton, est devenu tout à coup, à la faveur des événements politiques d'alors, le chef-lieu de la province et de toutes les administrations qui en dépendent, ce qui a doublé d'une manière fort heureuse, à laquelle du reste je me plais à applaudir du meilleur cœur, la population, le commerce, l'industrie et en un mot la richesse de cette ville. Cependant Virton pouvait à bon droit, au moins dans ce premier moment où Arlon n'avait point encore de locaux en suffisance pour loger toutes les administrations, pouvait, dis-je, en revendiquer quelqu'une. C'est ce qui fut fait, et outre plusieurs autres démarches dans ce but, une députation se rendit auprès du ministère, qui, par l'organe d'un de ses membres, qu'un certain sentiment de délicatesse et de convenance ne me permet pas de nommer, reçut les plus jolies promesses, dont l'unique défaut a été de ne point se réaliser. Vous croiriez peut être que c'est la seule déception dont Virton ail à se plaindre? Non, messieurs, une autre plus amère encore lui était réservée. Cette ville possédait de temps immémorial un (page 80) collège dont sont sortis plusieurs hommes célèbres, entre autres deux des plus belles illustrations militaires de l'empire.
Il n'existait point encore d'athénée dans le Luxembourg, et tous les yeux se tournaient avec raison vers cet ancien établissement dont je viens de vous parler, pour le désigner à l'attention du gouvernement, comme devant être transformé en athénée. Son importance, sa vieille renommée remontant à plus d'un siècle et diverses autres considérations également très puissantes militaient en faveur de Virton. L'équité distribuée elle seule aurait dû lui assurer cet avantage, mais les choses se sont passées tout autrement. Les exigences électorales, en présence desquelles se trouvait un homme d'Etat, qui était alors au pouvoir, ont pesé dans la balance, sans y rencontrer le contrepoids sur lequel Virton devait aussi avoir le droit de compter et, malgré tous les titres de cette localité, lui ont enlevé cet avantage pour le donner à Arlon, qui en jouit depuis plusieurs années. L'injustice eût, semble-t-il, été assez loin en s'arrêtant là. Il n'en a point été ainsi. La création d'un athénée à Arlon nuisait au collège de Virton, sans cependant l'empêcher de conserver encore quelque prospérité, et il fallait à tout prix, pour achever de satisfaire à ces mêmes exigences électorales, l'anéantir, l'annihiler complètement.
On n'a point fait défaut à la tâche, l'œuvre inique a été consommée et cela au moyen des machinations les plus déplorables et les plus déloyales, que je ne saurais trop stigmatiser et auxquelles sont venues en aides des influences d'un autre ordre.
Je m'abstiendrai de vous en entretenir plus longuement ici, me proposant de le faire quand arrivera la discussion du projet de loi sur l'enseignement moyen, que j'attends avec impatience.
De ce qui précède, nous devons conclure qu'Arlon, depuis 1830, a constamment grandi et prospéré, à la faveur des avantages immenses qui lui ont été dévolus à partir de cette époque, tandis que Virton, non seulement n'a reçu aucun avantage, mais, qu'au contraire, il a été à peu près dépouillé du seul établissement qui pouvait lui donner quelque vie et quelques éléments de prospérité.
Ces motifs me paraîtraient déjà assez déterminants pour vous engager, messieurs, à mérite égal d'ailleurs, à maintenir le chef-lieu des deux commissariats réunis à Virton, plutôt qu'à Arlon. Toutefois, s'il pouvait rester à cet égard quelque doute, quelque hésitation dans nos esprits, mes efforts tendront à les faire disparaître, en mettant, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire tout à l'heure, les deux arrondissements en parallèle sous un jour exact et vrai.
Pour établir ainsi précisément leur importance respective, je suis obligé d'entrer dans différents détails, reposant sur des chiffres, qui pourront vous paraître fastidieux peut-être ; veuillez m'en excuser à l'avance, car ils m'ont paru indispensables.
Nombre de chefs-lieux et cantons. Virton, 3 ; Arlon, 2. Différence, un tiers en plus en faveur de Virton,
Nombre de communes. Virton, 36 ; Arlon, 16. Différence, le double, plus 1/4 en faveur de Virton, 20.
Etendue territoriale. Virton, 82,474 hectares, Arlon, 28,004 hectares. Différence, cinquante-quatre mille quatre cent soixante et dix hectares, 54,470, c'est-à-dire, qu'à 1,538 hectares près, ce qui est sans doute ici une fraction fort minime, l'arrondissement de Virton a une étendue territoriale trois fois aussi grande que celui d'Arlon; oui, messieurs, une étendue territoriale formant le triple de celui d'Arlon.
Richesse territoriale
Revenu imposable en 1847
Virton 1,579,026 fr. 38. Arlon, 701,538 fr. 70. Différence représentant le double, avec 175,948 fr. 95 c. en sus,
Terrains livrés à la culture des céréales lors du recensement général en 1846. Virton 16,187 hectares 30 ares. Arlon, 9,318 hectares 33 ares. Différence qui dépasse les 2/3 de l'étendue totale des propriétés employées à la culture des céréales dans l'arrondissement d’Arlon.
Population au 1er janvier 1847.
Virton, 40,825. Arlon 22,005. Différence qui, à 3,185 âmes près, fait le double, 18,820.
Ressources communales dans les deux arrondissements
Budget pour 1848
Virton, recettes de toute nature : 712,816 fr. 04. Arlon, recettes de toute nature : 205,584 fr. Différence énorme de laquelle il résulte qu'il y a près de trois fois la moitié autant de recette communale dans l'arrondissement de Virton que dans celui d'Arlon.
Il serait inutile de vous parler des dépenses, elles sont exactement dans la même proportion.
Miliciens inscrits en 1847. Virton, 400, Arlon, 240. Différence, 160 faisant le double, si l'on retranche seulement quarante à Arlon.
Listes électorales
Electeurs pour les chambres : Virton, 625, Arlon, 560. Différence au profit de Virton, 165
Electeurs communaux. Virton 2,181, Arlon 1,297. Différence, 884 qui constate que le nombre de ces électeurs, dans l'arrondissement de Virton, n'est pas loin d'atteindre le double de celui existant dans l'arrondissement d'Arlon.
Ecoles communales, mixtes et particulières. Virton, 99. Arlon 43. Différence 56 qui, à elle seule, dépasse encore de treize le chiffre total des écoles dans l'arrondissement d'Arlon.
Cette statistique dont je vous garantis, messieurs, la plus scrupuleuse exactitude, puisque je l'ai puisée dans des documents publiés par le gouvernement, aura, je pense, suffi pour vous démontrer que l'arrondissement de Virton a une importance au moins double de celle de l'arrondissement d'Arlon.
En posant cette assertion, il est certain que je suis même en dessous de la réalité, car il est constaté que le nombre de communes dépasse le double d'un quart, que l'étendue territoriale, à la faible fraction de 1,538 hectares près, est trois fois aussi grande, que la richesse territoriale, sous le rapport du revenu imposable, est plus que double, que les ressources communales sont pour ainsi dire trois fois et demi aussi élevées et qu'enfin il y a encore beaucoup plus du double d'écoles publiques.
Quant à toutes les autres branches de statistique que j'ai énumérées, telles que le nombre des chefs-lieux de cantons, les terrains livrés à la culture des céréales, la population, la milice et les listes des électeurs communaux, nous trouvons également, à des fractions assez faibles près, que j'ai signalées, le double.
Il n'y a absolument qu'une exception, c'est en ce qui concerne les électeurs pour les chambres. Cette différence moins considérable provient de ce que la population d'Arlon lui-même étant trois fois aussi forte que celle de Virton, et le commerce y étant dans une proportion encore plus grande, la ville d'Arlon fournit, à elle seule, une quantité assez élevée d'électeurs, au moyen des patentes et des personnelles, ce qui explique comment il n'y a pas, uniquement sous ce rapport, une différence plus forte au profil de Virton entre le nombre de cette catégorie d'électeurs pour chacun des deux arrondissements.
Après toutes ces données, il me reste cependant, messieurs, à appeler et fixer votre attention sur un point très essentiel, c'est la question des distances.
Comme les explications dans lesquelles je devrais entrer seraient assez difficiles à saisir, si l'on n'avait point sous les yeux la carte topographique des deux arrondissements, j'ai cru convenable de vous la faire distribuer, en vous priant de bien vouloir y jeter un coup d'œil.
J'établirai le calcul des distances par lieues métriques et, pour en donner une précision irréprochable, j'indiquerai ces distances, en les prenant à vol d'oiseau, afin qu'à première vue, à l'aide d'un compas, l'on puisse sur-le-champ vérifier mes chiffres.
Je vais d'abord indiquer les distances qui existent entre Arlon et les localités les plus éloignées des deux arrondissements qu'il s'agit de réunir. (détail non repris dans la présente version numérisée)
(page 681) Toute la partie du canton de Virton située à l'ouest et au midi, et c'est la partie la plus importante et la plus populeuse des deux arrondissements, n'est distante, en moyenne, de Virton que d'une lieue et demie, tandis qu'elle est éloignée d'Arlon, aussi en moyenne, de six lieues.
Vous le voyez, messieurs, cette statistique topographique est encore excessivement avantageuse à Virton.
Je vous ai cité les différentes localités les plus éloignées d'Arlon ; parmi elles se trouve un chef-lieu de canton, et vous avez remarqué que ces communes sont distantes d'Arlon de 7,8, 8 1/2 et 10 lieues, et, qu'au contraire, parmi les localités les plus éloignées de Virton, il n'y en a que deux qui soient à 6 lieues, deux à 3 1/2 lieues, deux autres à 5 lieues, et le restant à des distances graduellement moindres.
Je pense au surplus que ces détails géographiques n'étaient point rigoureusement indispensables, la vue de la carte aurait peut-être pu suffire pour vous convaincre. En effet, vous remarquerez que l'arrondissement d'Arlon forme, à l'est, en quelque sorte une ellipse assez rétrécie, tandis que l'espace se trouve réellement à l'ouest, dans celui de Virton. Aussi, veuillez arrêter un moment vos regards sur les deux cercles que j'ai fait tracer en couleur bleue sur la carte qui vous est soumise. L'un a pour point central Virton, sa circonférence passe par les deux localités les plus éloignées des deux arrondissements, qui sont Muno et Martelange, et cependant son rayon ne présente qu'une distance de six lieues. L'autre, au contraire, a pour point central Arlon, et sa circonférence, passant aussi par ces deux mêmes localités, n'enserre pas dans sa courbe la presque totalité du canton de Florenville, qu'elle laisse à l'écart. De là provient le grand éloignement d'Arlon pour la majeure partie des communes de ce canton.
Il résulte de cet examen et de ces combinaisons, qu'à part l'intérêt de chacune des deux villes, chefs-lieux actuels d'arrondissement, à en conserver le siège, la grande majorité des populations et des administrations communales, est encore plus intéressée à voir ce chef-lieu des deux arrondissements réunis placé à Virton, dont elles sont beaucoup plus rapprochées que d'Arlon. Les chiffres et la carte ne laissent plus le moindre doute à cet égard.
Ainsi donc, du moment où il est démontré que des deux arrondissements que vous voulez réunir, celui de Virton est sans contredit le principal, puisqu'il a trois fois autant d'étendue que l'autre et que son importance est encore, sous presque tous les divers autres rapports, plus que double de celui d'Arlon, qui ne peut dès lors être regardé que comme l'accessoire, il ne nous reste plus, messieurs, qu'à faire l'application d'un principe, dont personne ne contestera l'exactitude et qui consiste à faire suivre le principal par l'accessoire. Ne serait-ce point poser un fait opposé à toutes les idées reçues, je dirai même au plus simple bon sens, que d'en agir autrement? Aussi, j'ai la persuasion intime que cette question n'en sera vraiment point une pour vous, et qu'elle sera résolue aussitôt que posée.
Je n'ai plus qu'un mot à dire en finissant. Diverses autorités communales appartenant aux autres commissariats d'arrondissement, dont la suppression est proposée, ont adressé des pétitions à la chambre et le rapport vient d'en être distribué.
Il pourrait paraître étrange qu'aucune pétition de l'espèce n'ait été faite dans l'arrondissement de Virton, et ce silence pourrait être pris en quelque sorte pour un assentiment tacite à la suppression qui le concerne ; je dois, par conséquent, messieurs, vous en dire les motifs.
Les administrations communales de la plupart des localités les plus importantes de l'arrondissement, et celle de Virton en première ligne, voulaient recourir aussi à la voie du pétitionnement. Je les ai engagées à s'en abstenir, et elles ont suivi mes conseils. Je leur ai donné l'assurance positive que, malgré l'initiative prise par le gouvernement, en proposant la suppression qui figurait au projet de budget, elles pourraient, fortes de leur bon droit, être entièrement rassurées et compter sans réserve aucune sur la justice et l'impartialité de la chambre. C'était, à mon avis, leur garantir à 'avance le succès.
Votre vote prouvera, j'ose l'espérer, messieurs, que je ne me suis point trompé. D'ailleurs, j'ai trop de confiance dans la haute équité du gouvernement pour douter un seul instant que, reconnaissant son erreur et se rendant à l'évidence, il ne se rallie à mon amendement.
(Erratum, p. 709) M. le président. - M. Pierre insiste-t-il dans sa proposition, comme amendement?
M. Pierre. - Je m'en réfère à l'appréciation du gouvernement.
M. Tesch. - L'honorable M. Pierre n'a pas dignement couronné l'œuvre ; il aurait dû proposer qu'Arlon fût rasé.
J'ai trop de respect pour la chambre pour entrer dans cette guerre de localités. L'amendement étant retiré, je ne le discuterai pas. Mais j'engagerai la chambre à appuyer de son influence le chef-lieu d'Arlon près de M. le ministre de l'intérieur. Quant aux arrondissements, il s'agit moins d'examiner ce qu'ils sont aujourd'hui que ce qu'ils seront après leur réunion.
On voit sur une carte l'étendue territoriale. Mais il faut voir aussi quels sont les moyens de communication et où il y a le plus de densité de population ; ce sont tous éléments qu'il faut prendre en considération et pour lesquels je m'en rapporte entièrement à M. le ministre de l'intérieur.
M. Vanden Branden de Reeth. - Je viens présenter à la chambre, comme je l'ai annoncé tout à l'heure, des observations relativement à la nouvelle classification des commissariats d'arrondissement. Cet objet me semble d'une importance assez majeure, puisque déjà précédemment des discussions ont eu lieu à cet égard, à diverses reprises, et que les propositions qui ont été faites ont été plus d'une fois combattues et même repoussées par un grand nombre de membres de cette assemblée.
L'année dernière, lors de la discussion du budget de l'intérieur, plusieurs membres de la chambre avaient attiré l'attention de M. le ministre sur la répartition du crédit alloué pour les commissaires d'arrondissement ; ils avaient signalé des inégalités, des anomalies qu'ils disaient exister entre la position respective de plusieurs de ces fonctionnaires.
Aujourd'hui M. le ministre de l'intérieur, pour faire en partie droit à ces réclamations, nous soumet le projet d'une nouvelle classification des commissaires d'arrondissement, et appelle ainsi notre examen sur les bases qui ont servi d'éléments d'appréciation pour arriver à cet établissement.
Puisqu'il s'agit d'un projet entièrement nouveau, puisqu'il s'agit de redresser des irrégularités, de remédier à un mal, il faut que le remède appliqué soit réellement efficace et ne donne pas lieu à des inconvénients tout aussi graves que ceux que l'on signale : il importe donc que la chambre examine avec soin si le but proposé a été atteint.
Eh bien, messieurs, je crois pouvoir dire que les bases adoptées dans le travail du gouvernement, comme étant d'une importante, décisive pour fixer le rang des commissaires d'arrondissement, n'exercent souvent qu'une influence accessoire sur le travail et la position de ces fonctionnaires. Ainsi, le point de départ ayant été mal choisi, il en est résulté plusieurs erreurs, et par suite des intérêts légitimes me semblent avoir été méconnus.
Ces bases ayant été considérées d'une manière absolue et transformées en fractions proportionnelles, l'on est arrivé à des résultats que je considère comme justes, sous le rapport mathématique ; mais qui, sous le rapport administratif, laissent infiniment à désirer pour être exacts, parce que dans ce travail, tout de chiffres, l'on n'a pas tenu compte d'une foule de circonstances très essentielles.
Nous voyons, messieurs, d'après la note explicative jointe au projet du budget, que les éléments d'appréciation ont été demandés à trois ordres de faits : la population, le nombre des communes et l'étendue territoriale de chaque arrondissement, sans tenir compte d'aucune autre considération.
Ces trois éléments ont-ils l'importance qu'on leur suppose, et sont-ils les seuls qui méritent d'être pris en considération ? C'est ce que je me propose d'examiner, car là est toute la question.
Et d'abord l'étendue territoriale.
Il est évident, messieurs, que les arrondissements qui renferment des landes, des bruyères, des marais ou des terrains vagues seront, sous ce rapport, les plus importants.
Mais en résulte-t-il pour les commissaires d'arrondissement un surcroît de besogne ou de dépenses? Je ne le pense pas.
Je ne parle pas des frais de route qui certainement seront plus considérables; mais comme les commissaires d'arrondissement reçoivent de ce chef une indemnité, et une indemnité suffisante, je ne crois pas devoir m'arrêter à cette considération que, dans leurs tournées administratives, ils auront une plus grande étendue de territoire à parcourir.
Si maintenant ces fonctionnaires correspondent avec des communes situées à une ou deux lieues du chef-lieu, ou avec d'autres situées à huit ou dix lieues, leur travail n'est-il pas le même? y a-t-il pour eux augmentation de frais?
Certes, si un jour ces terrains incultes et inhabités, venaient à se couvrir de villages populeux, à être sillonnés de routes comme le pays de Waes, l'importance de ces arrondissements ne pourrait plus être contestée; mais il s'agit ici de l'avenir, et nous devons, pour le moment, ne tenir compte que du présent, que de ce qui existe en réalité aujourd'hui.
Messieurs, je citerai un exemple pour faire ressortir davantage la fausse appréciation qui résulte de l'importance donnée à cette première base que j'examine. Je prendrai cet exemple dans la province que j'habite, la province d'Anvers; c'est par conséquent celle que je connais le mieux, et je choisirai pour points de comparaison les arrondissements de Turnhout et de Malines.
Sous le rapport de la population, l'arrondissement de Malines l'emporte sur celui de Turnhout. Malines compte 116,000 habitants, Turnhout 100,000 seulement.
Sous le rapport du nombre des communes, au contraire, c'est l'arrondissement de Turnhout qui l'emporte. Turnhout 50 communes, Malines 39. Remarquez, messieurs, que je suis les chiffres indiqués au tableau, (page 682) puisque c'est d'après ces chiffres que les fractions proportionnelles ont été établies.
Jusqu'ici il y a donc parité entre ces deux arrondissements, puisque si Malines l'emporte pour la première base, la population, Turnhout contrebalance cet avantage par la seconde, le nombre des communes.
Mais voici que tout à coup, en appliquant la troisième base, l'étendue territoriale, Turnhout va figurer au tableau au douzième rang, tandis que Malines descend au trente-deuxième.
Et pourquoi cette énorme différence s'établit-elle entre ces deux arrondissements? Parce que l'étendue territoriale de l'arrondissement de Turnhout est plus que double de celui de Malines. Mais en quoi consiste une grande partie de ce territoire? Vous le savez tous, messieurs, en bruyères, en marais, en terrains et vagues.
Voilà donc cette grande cause de supériorité due uniquement à 60,000 ou 70,000 hectares de bruyères.
Un pareil résultat, il suffit de le signaler, pour en faire ressortir toute l’absurdité.
Ce qui prouve encore surabondamment que l'étendue territoriale n'a aucun rapport avec l'importance d'un arrondissement, c'est qu'en Belgique, ce sont précisément les arrondissements les plus étendus qui sont les moins populeux. Je n'examine pas si c'est là une cause de plus ou moins de prospérité, de plus ou moins de richesse, mais ce qui est évident c'est qu'une administration qui comprend 100,000 ou 150,000 administrés doit être plus importante que celle qui n'en compte que 50,000 à 60,000. C'est cette vérité banale que méconnaît le travail qui nous est soumis, en contrebalançant, dans une proportion égale, la population, véritable cause de supériorité, avec l'étendue territoriale, qui ne représente rien ou presque rien.
C'est par suite de l'application de ce faux système que je vois des arrondissements d'une population peu élevée figurer parmi les premiers du tableau, en grande partie à cause de leur étendue territoriale, tandis que j'en vois d'autres, renfermant une population nombreuse, placés dans les derniers rangs parce que leur territoire est restreint.
Enfin, messieurs, il suffit de jeter les yeux sur le tableau joint au budget pour s'assurer à l'instant que les arrondissements qui figurent au premier rang, sous le rapport de l'étendue territoriale, n'ont certes pas l'importance relative qu'on veut bien leur attribuer.
Après avoir cherché à démontrer l'insuffisance de cette première base, je passe, messieurs, aux deux autres, le nombre des communes et la population.
Lors de la présentation du budget de 1811, le gouvernement avait proposé de fixer le rang et le traitement des commissaires d'arrondissement d'après les deux bases que je viens d'énoncer.
Cette proposition examinée en sections, reçut l'accueil le plus défavorable et la section centrale, par l'organe de son rapporteur, s'exprima ainsi :
« La section centrale a mûrement examiné le projet de M. le ministre, la note explicative et le tableau synoptique joints au budget, ainsi que les observations émises par les sections. Elle a été d'avis à l'unanimité de ses membres moins un, que la fixation du traitement des commissaires d'arrondissement, basée uniquement sur la population et le nombre des communes dont se compose chaque arrondissement, était essentiellement vicieuse.
« Pour apprécier le travail qui peut incomber à un fonctionnaire de l'espèce, et partant le nombre des employés à salarier, dont il doit avoir besoin, il convient no -seulement de prendre en considération le nombre des communes et la population, mais encore, comme le fait observer fort bien la troisième section, l'importance de ces communes sous le rapport de l'industrie et du commerce ; et d'un autre côté, pour la fixation de leurs traitements, il est indispensable d'avoir égard à la localité dans laquelle ils sont obligés de résider. Il est, en effet, connu de tout le monde que les dépenses varient considérablement d'une ville à l'autre ; et ce qui est vrai, sous ce rapport, pour le chef de l'administration, l'est également des employés qui doivent être rétribués dans la même proportion. »
La chambre partagea cette manière de voir, et ces bases ne furent pas admises.
Permettez-moi, messieurs, de les apprécier à mon tour. J'examinerai d'abord quelle peut être l'influence du nombre des communes sur le travail du commissaire d'arrondissement lorsque l'on fait abstraction de l'importance et de la population de ces communes.
Ici encore une fois je ne puis pas donner mon approbation à l'application absolue qui a été faite de ce second élément d'appréciation.
Au premier coup d'œil, et en n'examinant les choses qu'à la surface, il semble tout naturel de dire qu'un arrondissement qui renferme 100 communes, par exemple, est plus important que celui qui n'en compte que 50.
Eh bien ! messieurs, c'est là une erreur et une erreur très grande; c’est «ne erreur que je dirai très préjudiciable à plusieurs de nos provinces.
Il suffit de jeter les yeux sur la carte du pays pour voir, comme je l'ai déjà fait observer tout à l'heure, combien la population se répartit inégalement eu égard à l'étendue territoriale.
Dams les deux Flandres notamment, dans une partie du Brabant et de la province d'Amers, les populations se trouvent agglomérées et les villages, la plupart très populeux, se touchent; dans d'autres provinces, au contraire, la population est disséminée et répartie en petits groupes qui forment des villages d'une très minime importance.
Par le système qui nous est proposé, l'on tranche la question de prééminence ou de supériorité des provinces ou des arrondissements à l'égard les uns des autres d'une manière qui me semble bien peu favorable aux intérêts des grands centres de population.
Assurément, messieurs, si l'on envisage le travail des commissaires d'arrondissement sous un point de vue purement matériel, l'on pourra soutenir que le fonctionnaire qui a sous sa juridiction cent communes aura, jusqu'à un certain point, plus de besogne qui celui qui n'en a que cinquante. Sans doute, s'il s'agit, par exemple, de l'envoi de circulaires il y aura plus de travail matériel s'il faut en faire expédier cent copies que si le nombre n'est que de cinquante ; mais ici le plus ou le moins de besogne matérielle ne forme qu'un côté de la question et c'est le petit côté ; il faut examiner aussi la nature de cette besogne, l'importance des madères traitées et des décisions prises.
Or, messieurs, il est impossible de prétendre que des communes de 6, de 8, de 10 et 12,000 habitants, comme l'on en rencontre, notamment dans l'arrondissement de Termonde qui figure au tout dernier rang, ne donnent pas lieu à des affaires d'une tout autre importance que des communes de 200, 300 ou 400 habitants dont se composent, en très grande partie, les arrondissements qui se distinguent par le grand nombre de communes. «
Voici, messieurs, la population moyenne des communes de plusieurs arrondissements qui figurent au quatrième rang (chiffres ronds).
Arrondissement de Termonde 4,500 habitants, de St-Nicolas 3,300 habitants, de Malines 2,900 habitants, d’Ypres 2,500 habitants.
Voici maintenant celle de plusieurs arrondissements qui figurent au troisième rang, par conséquent dans un rang supérieur. Dans un arrondissement la moyenne est de 500 habitants, dans un autre de 600 habitants, dans un autre de 800, dans un autre enfin de 1,000 habitants.
Ici, messieurs, je n'ai cité que des chiffres, parce que je ne veux pas que les observations que je présente paraissent dictées par un esprit d'hostilité envers l'un ou l'autre arrondissement que le projet favorise singulièrement au détriment d'autres; mais en mettant des chiffres en présence, je vous laisse, messieurs, à apprécier la conséquence à tirer de la différence notable qu'ils accusent.
Vous voyez, messieurs, que là où le nombre des communes est inférieur il y a par contre une population plus forte ; il y avait donc une sorte de compensation, et sous ce rapport ces arrondissements auraient dû au moins figurer au même rang. Car si d'une part l'on peut soutenir que le travail est ici plus divisé par suite du nombre des communes, d'autre part l'on peut prétendre aussi que des centres de population plus considérables donnent lieu à une besogne bien plus forte.
Messieurs, il ne faudrait pas de grands efforts pour le démontrer; mais je veux épargner à la chambre des détails administratifs qui la fatigueraient.
Reste une troisième base, la population, celle-ci d'une importance réelle, mais elle n'exerce qu'une influence secondaire sur le résultat général, parce que les deux autres bases dont je viens de vous entretenir l'effacent complètement par le motif qu'elles représentent deux tiers dans le travail d'appréciation.
Aussi, voyez les résultats :
Des arrondissements qui comptent 117,000 habitants, comme l'arrondissement de Termonde, 116,000, comme l'arrondissement de Malines, 106,000, comme l'arrondissement d'Audenarde, 103,000, comme l’arrondissement d'Ypres, etc., figurent au même rang que des arrondissements dont l'un renferme 32,000 habitants, un autre 37,000. Voilà une différence de 80,000 à 90,000 habitants dont il n'est tenu aucun compte.
D'autres arrondissements, où l'on trouve à peine 50,000 habitants, figurent au contraire dans une classe plus élevée.
Voilà les résultats contradictoires auxquels on est parvenu; voyons-en une des conséquences.
Ces arrondissements populeux qui figurent au dernier rang ont sept, huit neuf cantons de milice ; plusieurs des arrondissements qui se trouvent au même rang n'en comptent que deux ou trois. Il n'y a pas là, me semble-t-il, parité; mais ce qui est plus étrange, c'est que plusieurs arrondissements, placés dans un rang supérieur, n'ont que trois et quatre cantons de milice
J'insiste sur ce fait, messieurs, parce que la milice est une des besognes principales des commissaires d'arrondissement ; avant l'organisation de 1845, ils touchaient de ce chef une indemnité proportionnée à son importance; à cette époque l'indemnité et le traitement ont été réunis et l'on a eu égard en fixant le rang et le traitement des commissaires à cette partie de leurs attributions. Aujourd'hui cette considération est mise de côté.
Après avoir passé en revue le travail du gouvernement et avoir cherché à démontrer qu'il laissait à désirer sous plus d'un rapport, je dois vous signaler une lacune que j'y trouve et qui consiste dans l'absence d'une base très essentielle; je veux parler de l'importance du chef-lieu de l'arrondissement, résidence du commissaire.
Messieurs, la loi provinciale n'établit aucune distinction entre les commissaires d'arrondissement ; ils sont tous sur la même ligne sous le rapport du rang et des attributions. Cependant l'on a cru devoir allouer des traitements et des frais de bureau plus élevés à ceux d'entre ces fonctionnaires qui étaient tenus à des dépenses et à un travail plus considérables. De là la nécessité d'une classification, mais de là aussi l'obligation de tenir compte de toutes les circonstances qui contribuent à augmenter les dépenses de ces fonctionnaires.
A l'appui de l'opinion que j'émets, je me permettrai de citer les paroles prononcées par d'honorables membres de cette chambre, anciens gouverneurs (page 683) de province, Je me plais à invoquer leur longue expérience et en vous citant leurs paroles je suis heureux de pouvoir suppléer ainsi à l'autorité qui manque aux miennes.
Lorsqu'il s'est agi, il y a trois ans, en 1845, de fixer comme aujourd'hui la position des commissaires d'arrondissement et de discuter les bases qui devaient servir d'éléments d'appréciation quant au rang que devaient occuper, ces fonctionnaires, l'honorable M. H. de Brouckere disait :
« Ce n'est pas seulement au travail qu'il faut s'attacher pour régler la reparution à faire, c'est aussi à la localité qu'habite le commissaire d'arrondissement, à la considération de savoir si la vie y est plus ou moins chère, si le logement peut s'y procurer plus ou moins facilement, enfin à une foule d'autres considérations qu'il est inutile de développer ici. »
L'honorable M. de Muelenaere reconnaissait aussi que l'on devait prendre en considération l'étendue des arrondissements, la population du chef-lieu de district, le nombre et surtout l’importance des communes.
Ce fut à la suite d'une discussion longue et approfondie à laquelle prirent part les hommes les plus compétents, que le rang qu'occupent aujourd'hui les commissaires d'arrondissement fut arrêté. Ce n'est donc pas sans motif que je m'étonne qu'une base essentielle ait été omise dans le travail qui nous est soumis aujourd'hui, ou plutôt, pour m'exprimer plus régulièrement, que l'application n'en ait été faite que par exception et à l'égard seulement de quelques localités que, par ce motif, je dois considérer comme privilégiées.
C'est ainsi que les arrondissements de Liège et d'Anvers qui figurent au tableau litt. A. au 6ème et au 9ème rang, sont néanmoins portés au tableau litt. B. dans la première classe, ce que j'approuve complètement. Mais pourquoi occupent-ils ce rang supérieur à celui qui devrait leur être assigné si l'on appliquait à leur égard les conséquences rigoureuses dont d'autres arrondissements sont victimes ?
Parce que l'on a tenu compte de l'importance du chef-lieu. L'on a agi de même à l'égard des arrondissements de Tournay et de Mons qui également sont portés dans une classe supérieure à celle où ils devraient se trouver, si l'on avait suivi dans toute sa rigueur le travail mathématique fourni par le gouvernement.
Mais arrivé au numéro 14 du tableau litt. A. jusqu'au numéro 53 qui termine la liste, il n'est plus tenu compte d'aucune exception, d'aucune considération ; là les chefs-lieux de 1,500 et de 2,000 habitants l'emportent souvent sur des villes de 20,000 et même de 30,000 âmes.
Je dois, à cette occasion, vous citer encore ce que disait l'honorable M. Lebeau, l'année dernière, lors de la discussion du budget de l'intérieur. Cet honorable membre s'exprimait ainsi :
« Il est certain que les éléments d'une bonne répartition de traitements et de frais de bureau des commissaires d'arrondissement, ce sont le travail, la population, l'importance des localités, la cherté de la vie animale, le loyer, etc. Sous ce rapport, je crois qu'on ne comparera pas, sans vouloir rien dire qui ressemble à quelque chose de personnel et d'agressif, car je prends mes arguments dans la nature des choses, je crois, dis-je, que sous le rapport de la vie animale, du prix des loyers, il est impossible de comparer Arlon à Mons ou à Namur. »
Voilà ce que disait l'honorable M. Lebeau. Permettez-moi, messieurs, de compléter la comparaison et de dire qu'il est impossible de comparer Malines, chef-lieu de 30,000 habitants, à d'autres qui n'en comptent que 1,500 à 2,000, et cependant non seulement ces derniers chefs-lieux ne figurent pas au même rang que Malines , comme Namur, Mons et Arlon, ce que l'honorable M. Lebeau critiquait; mais dans le système actuel c'est la localité importante, le grand centre de population qui figure au dernier rang.
Puisque j'ai été appelé à vous parler de Malines, permettez-moi, messieurs, d'attirer un instant votre attention sur la position qui est faite à cet arrondissement et sur le rang qui lui est assigné; vous avez d'ailleurs pu le remarquer, c'est celui qui est le plus maltraité.
Messieurs, je ne viens pas ici défendre étroitement ce que l'on pourrait appeler des intérêts de clocher. Je sais que nous sommes réunis dans cette chambre pour défendre les intérêts généraux du pays ; ce serait réduire les questions à de minimes proportions, ce serait s'isoler et se fermer en quelque sorte tout accès à votre bienveillante sympathie, que de borner sa vue aux limites du foyer natal ou de l'arrondissement qui nous a fait l'honneur de nous envoyer dans cette enceinte; ce serait plus encore, car ce serait méconnaître la portée du mandat qui nous a été confié.
Cependant, messieurs, dans des questions de détail, dans des questions d'appréciation, il appartient aux membres qui ont une connaissance plus parfaite des intérêts, soit d'une localité, soit d'un arrondissement, soit d'une province, de prendre en mains la défense de leurs intérêts, alors que, par suite d'une fausse appréciation, ils pourraient être ou méconnus ou froissés : je dirai plus, c'est ici leur devoir.
Voilà, messieurs, pourquoi, dans le cours de cette discussion, le nom de Malines s'est trouvé plusieurs fois dans ma bouche.
Cet arrondissement qui appartient aujourd'hui à la seconde classe, se trouve relégué à la quatrième d'après le travail qui vous est soumis, et cependant son chef-lieu, qui est la huitième ville du royaume, égale en importance et en population les villes de Tournay et de Louvain, et surpasse sous le rapport de la population, de plusieurs milliers d'habitants, les villes de Namur et de Mons qui figurent au second rang.
Non seulement cet arrondissement n'a pas l'avantage de conserver le rang qu'il occupe aujourd'hui, mais il n'a pas même celui d'être porté au troisième.
Voyez la position qui est faite au fonctionnaire de cette résidence, sous le rapport du traitement et des frais de bureau.
Les frais de bureau ont été fixés d'après les classes, ils sont de 1,800 fr. pour la quatrième : je dis qu'il sera impossible dans plusieurs arrondissements d'y faire face au moyen d'une somme aussi minime. A Malines, ces frais montent aujourd'hui à plus de 3,000 francs. Je suppose qu'il sera possible de diminuer ce chiffre en faisant des économies, et qui n'en fait pas, dans ce moment où nous vivons au milieu d'une atmosphère d'économies ? Mais toujours est-il qu'en n'allouant que 1,800 francs, le commissaire qui résidera dans cette ville devra prélever chaque année environ 1,000 francs sur son traitement, pour faire face à ses frais de bureau.
Ce traitement n'étant plus que de 4,200 fr. il lui en restera 3,200; en défalquant 1,000 à 1,200 fr. pour loyer d'une habitation et des locaux nécessaires pour les bureaux, vous arriverez à un chiffre de 2,000 fr. Si vous déduisez maintenant la retenue faite sur le traitement principal en faveur de la caisse des veuves et des orphelins et la retenue de 1 p. c. en faveur de la caisse des pensions, vous finirez par avoir à Malines un commissaire d'arrondissement qui touchera 5 francs par jour, soit 1,850 francs par an.
Je ne pense pas, messieurs, qu'il entre dans les vues du gouvernement et de la chambre qu'un fonctionnaire qui occupe dans l'administration uns rang élevé soit réduit à un traitement aussi mesquin!
Dans une note jointe au budget, M. le ministre nous dît que c'est pour faire cesser des inégalités choquantes qui résultaient de la classification précédemment adoptée, qu'un nouveau travail de répartition a été fait. Si des inégalités se rencontraient dans ce qui existait, il était juste de les faire cesser, mais ce redressement pouvait s'opérer par des changements partiels ; il n'était pas besoin de recourir à un remaniement complet, qui compromet la position d'un grand nombre de fonctionnaires, ce qui, selon moi, est déjà un résultat très fâcheux et que l'on pouvait facilement, éviter.
Au reste, messieurs, je pense que le rang qui est assigné à chaque arrondissement dans le projet qui nous est soumis ne l'est pas d'une manière définitive et irrévocable. Je prie M. le ministre de vouloir bien prendre mes observations en sérieuse considération; je compte trop sur sa parfaite connaissance des intérêts des divers arrondissements et je dirai aussi, sur son équité, pour ne pas être persuadé que des modifications importantes seront opérées dans la classification des commissariats d'arrondissement telle qu'elle figure au tableau joint au projet du budget, modifications qui auront pour but de faire disparaître les inégalités et les anomalies que j'ai signalées à la chambre et au gouvernement.
M. Dubus. - Je ne répondrai pas à ce que vient de dire l'honorable M. Van den Branden, lorsqu'il a comparé l'arrondissement de Turnhout à celui de Malines. On me reprocherait, et à juste, titre de parler dans un intérêt; de clocher. Je ferai remarquer à l'honorable membre que l'arrondissement de Turnhout, par les belles communes qu'il renferme, par les immenses travaux de défrichement qui s'y opèrent, par la construction de ses routes et de ses canaux, sera dans un avenir peu éloigné un des beaux arrondissements de la Belgique.
J'ai demandé la parole pour présenter à la chambre quelques considérations contre la réduction proposée par le gouvernement sur les frais de bureaux de quelques commissaires d'arrondissement.
Avant la loi du 30 mars 1836, les employés des commissariats d'arrondissement avaient un avenir. Il leur était permis de cumuler avec leur emploi des fondions communales , telles que celles de secrétaire ou de receveur. Ces ressources, qui pouvaient compléter leurs moyens d'existence, leur ont été enlevées par l'article 53 de la prédite loi qui leur interdit l'exercice de ces fonctions.
Les incompatibilités que la loi prononce à l'égard des employés des commissariats , les ayant placés sous ce rapport sur la même ligne que ceux des gouvernements provinciaux, ils avaient espéré que les bénéfices que la loi accorde à ces derniers, tels que la pension, leur seraient appliqués. Malheureusement pour eux, il n'en a pas été ainsi, et leur sort est vraiment pénible.
Les émoluments accordés jusqu'ici aux commissaires d'arrondissement sont insuffisants pour donner aux employés un traitement convenable, qui les mette à même de pourvoir à leur existence. Loin de diminuer le chiffre de ces émoluments, il serait à désirer qu'on put le majorer en considération du surcroît de travail que leur imposent les nombreuses statistiques que l'on réclame journellement et l'application de plusieurs lois nouvelles, notamment la loi électorale qui confère la révision des listes aux commissaires d'arrondissement, la loi sur l'instruction primaire, la loi sur la voirie vicinale, la loi sur la garde civique, l'institution des comices agricoles, et une foule d'autres dispositions qui m'échappent en ce moment.
La position des commissaires d'arrondissement n'est pas beaucoup meilleure. Fonctionnaires politiques, ils dépendent des événements politiques, et l'expérience prouve que leurs fonctions ne leur donnent que peu de chances d'avancement dans la carrière administrative. Toute fonction élective leur est interdite. Enfin il leur est défendu de s'occuper d'affaires commerciales ou industrielles.
Ne croyez pas, messieurs, que l'augmentation de leur traitement en 1848 fut pour eux d'un grand avantage.
Permettez-moi de citer un exemple. Je prends le premier arrondissement inscrit au tableau, l'arrondissement de Bruxelles, le plus bel arrondissement du pays.
Avant 1845, le commissaire de l'arrondissement de Bruxelles recevait (page 684) pour traitement et abonnement la somme de 8,435 fr. 68. La loi de 1845 lui donna une augmentation de 1,373 fr. 32. Total du traitement : 9,809 fr. 00.
Mais la législature avait mis pour condition de cette augmentation, que tout autre émolument, que tout autre avantage serait supprimé. Dans les Flandres, cet avantage consistait dans les sommes portées aux budgets communaux en faveur des commissaires d'arrondissement, pour l'inspection des chemins vicinaux. Dans la province de Brabant, cet avantage consistait dans le payement, par la province, d'une somme de 600 francs pour la rétribution d'un messager planton attaché à chaque commissariat d'arrondissement. Le conseil provincial a donc supprimé ce traitement, et l'augmentation s'est trouvée réduite à 773 fr. 32 c. pour le commissaire de l'arrondissement de Bruxelles.
Le traitement est donc de 9,035 fr. 68. Mais il est encore soumis, du chef de la loi sur la pension des veuves, à une retenue annuelle de 180 francs, et au profit de la caisse des pensions des fonctionnaires à celle de 60 fr.
Le gouvernement demande aujourd'hui de retrancher 809 francs imputables sur les frais de bureaux, de sorte qu'en définitive le traitement se trouve réduit à 7,986 fr. 68 c, c'est-à-dire qu'il sera de 450 fr. inférieur à celui alloué avant la loi de 1845.
La chambre ne votera, je l'espère, aucune réduction sur les émoluments des commissaires d'arrondissement, réduction qui frapperait directement leurs employés qui après 30 années et plus de service, n'ont pour unique récompense que les modiques économies qu'ils ont pu faire sur leurs traitements.
L'honorable M. Charles de Brouckere vous a dit, messieurs, qu'il n'y avait aucune similitude entre les fonctions de sous-préfet en France et celles de commissaire d'arrondissement en Belgique.
Je suis tout à fait d'accord sur ce point avec l'honorable membre. Mais je ne suis pas d'accord avec lui sur la conséquence qu'il a cru pouvoir en tirer. Il y a une grande différence entre l'organisation municipale, l'organisation départementale française et nos lois provinciale et communale belges. En France, le sous-préfet est l'agent secondaire administratif, chargé d'administrer la sous division territoriale, il remplit les fonctions qui étaient exercées autrefois par les administrations municipales et par les commissaires de canton. Ces fonctions correspondent donc dans l'arrondissement à celles qui sont confiées au préfet dans le département, mais il ne les exerce que sous la direction et l'autorité du préfet. En un mot, le sous-préfet administre et remplace le préfet dans la sous-préfecture.
En Belgique, les attributions du commissaire d'arrondissement sont toutes différentes de celles du gouverneur. Il exécute les instructions qui lui sont adressées par l'autorité supérieure; il n'administre pas comme administre le sous-préfet en France. Il est donc naturel que le sous-préfet en France soit inutile là où réside le préfet, puisqu'il y aurait double emploi. Mais en Belgique, le commissaire n'ayant pour ainsi dire aucune des attributions du gouverneur, n'étant, pour me servir des propres expressions de l'honorable membre, qu'un inspecteur, il ne fait pas double emploi avec le gouverneur de la province, et ce fonctionnaire est aussi indispensable à la bonne marche de l'administration dans le chef-lieu de la province que celui qui se trouve dans l'arrondissement le plus éloigné.
M. Van Hoorebeke. - Je comprends l'impatience de la chambre, mais je la prie de vouloir bien m'accorder quelques moments d'attention.
Je ne puis pas considérer la question au point de vue administratif, je veux seulement soumettre au gouvernement quelques-unes des raisons qui m'ont porté à considérer la mesure qu'il propose, comme mauvaise, comme détestable eu politique. Je la considère, en ce qui concerne l'arrondissement que j'ai l'honneur de représenter, comme le couronnement d'autres mesures prises depuis un demi-siècle, qui ont eu pour résultat de l'appauvrir. Eecloo était autrefois le chef-lieu d'une sous-préfecture, avait une chambre de notaires, un tribunal civil, une garnison nombreuse ; il s'y faisait un commerce considérable. La révolution de 1830 lui a porté un coup mortel; tous ses rapports avec la Zélande ont dû cesser ; d'un autre côté, il n'est pas une localité du pays qui ait moins profité que la ville d'Eecloo désavantages matériels et moraux que la Belgique a retirés de la révolution.
Le chemin de fer, qui a été un bienfait pour toutes les localités, a été une source de mécomptes pour ce malheureux pays; aussi, dans cet arrondissement la misère dont on vous faisait naguère un si triste tableau, a-t-elle exercé de terribles ravages. A Eecloo sur 1,700 ménages, 558 sont à la charge des bureaux de bienfaisance, et sur les 1,100 restant il y en a 700 qui ne peuvent pas contribuer aux charges de l'Etat.
Quand le gouvernement a tant de puissants motifs pour chercher à relever le moral des habitants, je vous demande si ce n'est pas une mesure mauvaise, désastreuse que l'éloignement du représentant du gouvernement.
Dans une précédente séance, un honorable membre disait qu'il n'était pas de pays constitutionnel qui eût plus franchement que la Belgique marché a la décentralisation du pouvoir, où l'indépendance des autorités communales fût mieux garantie, où l'action du pouvoir central fût moins décidée ; où en serons-nous si le gouvernement, qui manque d'auxiliaire auprès des populations, n'avait de rapports avec elles qu’au moyen d'un fonctionnaire isolé vivant au sein d'une grande ville, loin de ces populations qu'il devrait relever, encourager en se présentant à elles comme le symbole du pouvoir ?
M. le ministre de l'intérieur disait l'autre jour : Le devoir du gouvernement est d'accomplir auprès des classes pauvres une œuvre de patronage et de moralisation ; pour accomplir cette œuvre, vous avez besoin d'un agent, d'un patron qui représente les intérêts du gouvernement et puisse manifester la sollicitude dont le gouvernement est animé, étudier sur place les questions qui intéressent le bien-être matériel et moral des populations, s'inspirer en quelque sorte de leur souffle. Est-ce trop que le commissaire de district? Je ne le pense pas; je crois que le commissaire de district peut mieux que tout autre fonctionnaire prévenir, vaincre au besoin les résistances que peuvent rencontrer les améliorations que le gouvernement veut introduire.
L'honorable M. Bruneau a laissé entrevoir les résistances que le gouvernement rencontre quand il s'agit d'introduire des améliorations dans l'instruction primaire. Si vous voulez prévenir ou vaincre ces résistances, il faut avoir un homme qui puisse faire comprendre aux populations le bien qu'elles doivent retirer des mesures qu'on veut leur faire accepter.
Je considère donc la mesure, au point de vue politique, comme mauvaise, comme très mauvaise, au point de vue de sa légalité, je persiste dans l'opinion que j'ai exprimée.
Un autre motif, un motif puissant pour conserver au milieu de l'arrondissement d'Eecloo un agent permanent de l'autorité centrale, c'est la nécessité de vider les conflits que font naître chaque année les sinistres causés par les inondations.
Oui, messieurs, chaque année ces populations malheureuses sont exposées à des désastres que l'action tutélaire du gouvernement peut seule prévenir.
La commune d'Assenede, d'autres communes encore des environs sollicitent, depuis longtemps, l'achèvement des travaux décrétés pour le canal de Zelzaete. J'aurai l'occasion de revenir sur ces justes réclamations; mais dès à présent je dois protester contre les effets d'une mesure que je considère, au point de vue politique, comme du plus mauvais effet.
M. Vilain XIIII. - Quand on a le malheur de devoir parler après l'orateur que vous venez d'entendre, on ne trouve plus même à glaner sur le champ qu'il a moissonné. Je ne ferai donc pas valoir de considérations générales, je me bornerai à présenter quelques observations tout à fait particulières à l'arrondissement de Maeseyck, que je connais plus que les autres, puisqu'il m'a fait l'honneur de m'envoyer dans cette enceinte.
L'arrondissement de Maeseyck n'est pas d'aussi petite importance qu'on veut bien le dire. Il se compose de 37,000 âmes, de 36 communes et s'étend sur 84,000 hectares. Il possède une grande étendue de bruyères, et l'action d'une administration est bien plus importante sur des terrains à défricher que sur des terres cultivées.
La Campine commence à secouer le sommeil qui l'a comme engourdie pendant tant de siècles. Depuis dix ans son agriculture a fait d'immenses, de rapides progrès, et ce ne sont pas tant les propriétaires particuliers que les communes qui travaillent à cette résurrection. Dans l'arrondissement de Maeseyck, presque toutes les communes possèdent des milliers d’hectares de bruyères. Vous savez les préjugés, les intérêts particuliers qui s'opposent à la vente, à la mise en culture des bruyères communales. Eh bien, le commissaire de l'arrondissement de Maeseyck, par sa fermeté, sa ténacité, son intelligente administration, par la confiance qu'il a conquise et l'autorité qu'il a su prendre, est parvenu à déraciner une partie de ces préjugés. Les irrigations qui bordent le canal de la Campine sont une œuvre dont la Belgique peut être fière ; la richesse générale du pays en est considérablement accrue. Je n'hésite pas à dire que la suppression du commissariat de Maeseyck ralentira la transformation agricole de la Campine limbourgeoise : l'accroissement des recettes dans les bureaux de l'enregistrement de cette partie du pays s'arrêtera peut-être, et vous pourriez bien payer fort cher la mesquine économie de traitement que vous allez opérer.
Il existe une circonstance locale qui milite encore pour la conservation de l'arrondissement de Maeseyck. Cette ville se trouve à l'extrême frontière, à cheval sur la Meuse et sur le canal de Maestricht à Bois-le-Duc. Ces deux voies navigables sont fréquentées par des bateaux belges et par des bateaux hollandais. La Hollande tient à Maeseyck les deux bouts de la Meuse et du canal, et protège la navigation de ses régnicoles ; en cas de conflit, ne pensez-vous pas qu'il soit utile d'avoir sur les lieux un agent supérieur de l'administration? La protection qu'on serait obligé, en cas de besoin, d'aller chercher à Hasselt, à huit lieues de là, serait moins prompte, moins vive, moins efficace.
J'appellerai l'attention de la chambre sur un des côtés de la question, plus grave, plus sérieux, à mon avis ; je ferai un appel à la bonne foi du gouvernement et de la chambre.
Le commissariat d'arrondissement de Maeseyck n'a pas été érigé dans des vues de convenance administrative, je le prouverai tout à l'heure. C'est une compensation, bien légère sans doute, que la nation a accordée à cette partie du pays, lorsque l'impérieuse nécessité a forcé la Belgique à morceler son territoire en 1839. Le Luxembourg et le Limbourg ont payé les frais de la paix, mais aucune localité n'a autant souffert que la ville de Maeseyck Son canton a été mutilé, toutes ses relations détruites, le marché de grains, qui faisait sa richesse, anéanti sans espoir de retour, la ville est ruinée, Maeseyck a été sacrifié au salut du reste du pays. Le gouvernement et les chambres ont reconnu ce fait en 1839, et ils ont transporté le siège du commissariat de Ruremonde à Maeseyck par mesure de réparation nationale. Permettez-moi, messieurs, de vous (page 685) prouver la vérité de cette assertion par quelques citations très courtes de discours prononcés, à cette époque, dans cette chambre.
« M. Simons. - Le vote que vous allez émettre est en quelque sorte un vote politique. C'est un acte réparateur qui est vivement réclamé par les populations intéressées.
« M. de Renesse. - La ville de Maeseyck et ses environs souffriront beaucoup par le morcellement d'une partie du pays ; en outre, cette ville se trouvant dans le rayon de la douane, tout son commerce avec la rive droite de la Meuse sera anéanti ; l'établissement d'un commissariat de district serait une légère compensation pour la perte que cette contrée doit subir dans l'intérêt de la Belgique, et il me semble qu'il faut être un peu généreux: envers une province qui est si cruellement sacrifiée.
« M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne répondrai pas à la considération de la dépense d'un commissariat de district. Il n'est pas entré dans ma pensée d'avoir égard à une dépense aussi minime, mais nous avons considéré l'importance d'un administrateur comme stimulant dans un pays où beaucoup de choses peuvent être améliorées, et nous avons considéré encore la question comme un acte de justice, de réparation pour le district de Ruremonde. »
Et au moment de passer au voté de la loi. le ministre ajoute encore : « C'est uniquement une considération d'équité en faveur de la partie restante de l'arrondissement de Ruremonde qui nous a déterminé à présenter le projet. Je conçois fort bien que s'il s'agissait de créer un semblable arrondissement dans une autre province, nous n'en ferions pas la proposition. »
Est-ce clair, messieurs? Et le vote de la loi ne vous apparaît-il pas comme un acte d'équité nationale, réparant, autant que le pays pouvait le faire, un immense sacrifice? Si l'on vous proposait aujourd'hui de rapporter la loi, de la même époque, qui accorde les deux tiers de traitement aux fonctionnaires des parties cédées, vous vous récrieriez tous contre l'horreur d'une telle idée, vous parleriez d'engagements pris, de foi jurée. Eh bien ! les habitants de Maeseyck ont plus souffert que les fonctionnaires dépossédés et l'on vous propose cependant de leur enlever la compensation que le pays leur avait octroyée. Ne le faites pas, messieurs, ne nous donnez pas le droit de dire que, pour une misérable économie de 5,000 ou 6,000 fr., vous avez méconnu et comme renié la parole de vos prédécesseurs!
Encore un mot. La ville de Maeseyck a un droit tout particulier à la sympathie de la chambre et du pays. Il n'est aucune autre partie du territoire qui ait autant souffert des événements de 1830. Non-seulement la paix de 1839 lui enleva toutes ses relations commerciales, tous ses débouchés, tous ses moyens de travail; mais un événement de force majeure a ruiné les finances de la ville. Au commencement de 1831, Maeseyck venait de vendre ses biens communaux pour rembourser ses dettes ; les fonds venaient d'être encaissés; lorsque inopinément le prince de Saxe-Weimar, dans sa retraite de Maestricht vers Venloo, passa avec son armée par Maeseyck et enleva la caisse de la ville. Ni le gouvernement hollandais ni le gouvernement belge n'ont voulu indemniser la ville de cette perte, qui fut considérée comme un malheur de la guerre : Maeseyck n'a plus de biens et conserve ses dettes.
Aussi ses finances sont-elles dans l'état le plus déplorable ; à peine peut-elle faire face au payement des intérêts de son ancienne dette et aux besoins de son administration; aucun fonds ne peut être consacré ni à l'embellissement de la ville, ni à l'amélioration sociale et intellectuelle de ses habitants. Maeseyck ne possède pas de collège, pas même d'école primaire supérieure, et son église n'a pas de clocher. Si vous lui enlevez son commissariat d'arrondissement, le peu de vie qu'il provoque cessera, et d'ici à vingt-cinq ans la patrie de Jean Van Eyck descendra au rang d'une simple bourgade. Je conjure la chambre d'avoir égard aux considérations de loyauté et d'équité que je viens d'avoir l'honneur de développer devant elle.
- Plusieurs voix. - La clôture !
M. Dedecker. - Je demande la parole.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne sais si M. Dedecker se propose de parler longtemps; s'il doit être court, je le laisserai parler avant moi, mais il faut que cette discussion ait un terme; il n'y a pas de proposition faite. Je comprends les sentiments exprimés par les honorables membres plus directement intéressés dans la question ; je m'associe aux regrets qu'ils ont fait entendre, mais jusqu'ici il n'y a pas de proposition. Quant au tableau, il n'est qu'indicatif, il ne fait pas partie de la loi ; s'il y a lieu, il est susceptible de révision; j'ai écoulé avec plaisir les observations que peul suggérer la position particulière de quelques représentants, mais j'ai besoin de répondre à quelques considérations générales, je serai court.
M. Dedecker. - Après les paroles que vient de prononcer M. le ministre, je pourrais me dispenser d'insister sur les observations que je me proposais de présenter relativement à la classification nouvelle des arrondissements. Puisque M. le ministre dit que le tableau annexé au budget n'est qu'une simple indication et qu'il se réserve de le revoir, en tenant compte des observations présentées, il est inutile que j'insiste auprès de la chambre pour démontrer comment on est arrivé, pour quelques arrondissements tels que ceux de Termonde, Saint-Nicolas et Malines, aux résultats injustes, insoutenables consignés dans ce tableau. Que l'on prenne pour première base de la classification des arrondissements, la population, tout le monde le conçoit; mais que prenant pour deuxième base le nombre des communes, on ne fasse aucune distinction entre les populations agglomérées en grandes communes, et les populations éparpillées en petites communes; qu'en adoptant pour troisième base l'étendue territoriale, on établisse aucune différence entre les terrains en pleine culture, de haute valeur et les bruyères, je ne puis vraiment le concevoir.
On peut sans doute conserver ces trois bases que je viens d'examiner; mais je ne puis admettre que l'on donne la même importance aux deux dernières. Il faut évidemment tenir compte de certaines circonstances de i>08ition et d'administration : par exemple, l'importance de la résidence toit être considérée comme un élément d'appréciation. Dans des localités comme Saint-Nicolas, Termonde, Malines, les nécessités de position sont tout autres pour les commissaires d'arrondissement qu'à Dînant ou à Neufchâteau.
Les frais de bureau sont aussi bien plus considérables dans les premières de ces localités : les commis instruits et convenables s'y payent incomparablement plus cher.
Ce que je demande donc aujourd'hui, la fatigue de la chambre ne me permettant pas d'entrer dans des détails, c'est que M. le ministre, tenant compte de ces diverses considérations développées surtout par l'honorable M. Van den Branden de Reeth, soumette à un nouvel examen la classification présentée par lui, sous forme de tableau indicatif, et annexé au budget de l'intérieur.
Messieurs, je n'insiste donc pas davantage, puisque le gouvernement nous promet un nouvel examen. Je me borne, ne pouvant traiter la question comme j'eusse voulu la traiter, à en appeler à la justice, à l'impartialité de M. le ministre.
M. Moncheur renonce à la parole.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je répète que je tiens pour bonnes les bases qui ont servi au tableau indicatif du rang des arrondissements administratifs. J'ai écouté les observations qui ont été faites. Certainement s'il m'était démontré que la répartition a été faite d'une manière inégale, d'une manière injuste, je me réserverais d'y apporter les corrections nécessaires; mais les observations qui ont été faites ne m'ont pas paru nécessiter une révision de ce tableau. Pour fixer le rang des arrondissements administratifs, nous avons pris les trois bases suivantes : nombre des communes, population, étendue territoriale. Trouve-t-on qu'il y ait une quatrième base qui doive servir d'élément d'appréciation?
M. Dumortier. - Oui ; il y a l'importance des budgets communaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - L'importance de chaque commune : cela rentre dans une des trois bases générales. Vous n'êtes pas d'accord entre vous-mêmes sur les bases de la classification.
M. Dumortier. - Comment cela?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Vous n'avez pas parlé, M. Dumortier ; je ne sais pas ce que vous auriez dit; ce n'est donc pas à vous que je fais allusion.
L'honorable député de Malines pense qu'il ne faut pas donner trop d'importance à l'étendue territoriale et qu'il faut s'attacher à la qualité des terrains. L'honorable député de Maeseyck fait observer, au contraire, qu'il faut s'attacher à la qualité des terrains. Il dit qu'un arrondissement, ayant beaucoup de bruyères à défricher, exige beaucoup plus de soins administratifs que celui où il n'y a rien à défricher. Ainsi, vous voyez que ceux qui blâment les bases de la classification sont en contradiction entre eux.
La population est une base inattaquable, le nombre des communes une autre base non moins rationnelle.
L'honorable député de Malines a relevé la population de l'arrondissement de Malines comparativement à celle de l'arrondissement de Turnhout ; mais il a négligé de remarquer que la population de l'arrondissement de Malines comprend deux villes qui ne sont pas dans les attributions du commissaire d'arrondissement. Malines et Lierre sont dans ce cas, et cependant le chiffre du tableau renferme toute la population de l'arrondissement sans distinction des villes.
Arriver à des bases parfaitement justes pour chaque district, c'est un travail impossible, je le reconnais ; il restera toujours certaines inégalités, ce qu'on pourra appeler certaines injustices. Mais je crois que les trois bases sont très bonnes. Sont-elles mal appliquées, au contraire? On ne l'a pas dit ; on a trouvé qu'elles étaient bien appliquées.
Je dois répondre quelques mots à l'honorable représentant d'Eecloo. Il s'est placé, je le reconnais, à un point de vue élevé. Les considérations qu'il a fait valoir me touchent. Il n'est indifférent ni pour le gouvernement ni pour les administrés d'avoir ou de ne pas avoir sur certains points du territoire un représentant du pouvoir central. Il y a là un froissement pour les administrés, comme il y en a un, je le reconnais, pour l'administration ; mais c'est le résultat inévitable de toute économie. Chaque fois que vous supprimez une dépense, cette dépense répondant à un besoin quelconque; la suppression de cette dépense entraîne un froissement.
Mais nous devons nous placer à un point de vue général et dire qu'il résultera un grand bien pour le pays de ces froissements partiels. Ce grand bien résulte de la réduction des dépenses générales, de la réduction du budget et par suite de la réduction des contributions ou plutôt de la possibilité de ne pas les augmenter plus qu'il ne faut.
Voilà les observations générales que je suis obligé d'opposer à ceux qui (page 686) combattent des économies qui ont pour résultat d'opérer toujours certains froissements.
Mais je ne puis admettre avec l'honorable député d'Eecloo que la mort ou la vie d'une ville dépende de l'absence ou de la présence d'un fonctionnaire modeste après tout, si l'on a égard à son traitement.
D'ailleurs je suis bien décidé à saisir toute occasion qui se présentera d'accorder des compensations administratives aux localités privées de la présence d'un commissaire. Il sera spécialement recommandé aux commissaires qui auront à desservir deux arrondissements de donner des soins égaux à l'un et à l'autre.
Messieurs, je n'en dirai pas davantage pour aujourd'hui. Je répète (et je crois que cette déclaration est de nature à faire cesser l'espèce d'inquiétude qu'ont éprouvée les représentants de certaines localités), que le gouvernement veillera à donner, quand l'occasion se présentera, des compensations administratives aux localités qui seraient privées de la présence d'un commissaire.
M. Bruneau. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission permanente d'industrie sur une pétition de plusieurs habitants de Gand qui réclament des mesures de protection en faveur de la tannerie.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
La séance est levée à 5 heures.