(Annales parlementaires de la Chambre, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 558) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 2 heures un quart.
M. T'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Luesemans présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Domenet, arpenteur à Liège, prie la chambre d'améliorer la position des employés de l'Etat dont le traitement est inférieur à 2,000 fr. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Cheval frères et Delescluze, distillateurs à Bruxelles, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir l'autorisation de faire emploi de l'acide sulfurique à l'effet d'épuiser les jus de betteraves. »
M. Van Iseghem. - Messieurs, cette pétition a quelque rapport avec la loi des sucres ; je proposerai de la renvoyer à la section centrale chargée de l'examen des propositions de MM. Mercier et Cools ainsi qu'à la commission des pétitions.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs habitants de la commune de Crombeke présentent des observations contre la demande qui tend à transférer à Dixmude le tribunal de première instance de Furnes. »
« Mêmes observations de plusieurs habitants de la commune de Westvleteren. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. le président. - Nous avons à l'ordre du jour des naturalisations et des pétitions; ne serait-il pas convenable de commencer par les pétitions? (Adhésion.) Ainsi nous commencerons par le feuilleton de pétition n' 6.
M. de T’Serclaes (pour une motion d’ordre). - A l'occasion du rapport de pétitions, j'appellerai l'attention de la chambre sur diverses requêtes qui ont été renvoyées aux ministres avec demande d'explications. Je remarque que le gouvernement ne se presse pas, en général, pour fournir à la chambre les renseignements qu'elle est en droit d'exiger.
Ainsi, dans la séance du 17 mars dernier, la chambre a adressé à M. le ministre des finances un mémoire par lequel la famille Veydt, de St-Nicolas, réclame les arriérés d'une pension inscrite au grand-livre d'Amsterdam, mise à charge du gouvernement belge par les traités ; cette requête avait été fortement appuyée par votre commission des pétitions, et la chambre a témoigné le désir de recevoir des explications qui n'ont pas été données jusqu'à présent. Je demande que M. le ministre des finances s'explique à cet égard, afin que, s'il y a lieu, cette affaire puisse recevoir une solution avant la présentation du prochain budget de ce département.
Une réclamation à charge du département de la guerre a été également favorablement accueillie par la chambre, c'est celle d'un grand nombre d'habitants de la rive gauche de l'Escaut, qui sollicitent une indemnité du chef d'arbres abattus et de dégâts causés dans leurs propriétés lors de la prise Je la citadelle d'Anvers. La chambre s'est plusieurs fois occupée de ces réclamations, entre autres dans les séances du 9 décembre 1847 et 12 février 1848. Jusqu'à présent le gouvernement ne s'est pas mis en devoir de pétitionner les crédits nécessaires. Cependant il y a là des intérêts en souffrance depuis nombre d'années, et je voudrais que cette question pût aussi être décidée à l'occasion du prochain budget.
Je demanderai que la chambre veuille bien prendre une résolution sur les deux objets dont je viens de parler.
M. le président. - La commission des pétitions a terminé son mandat quant à ces pétitions, en proposant le renvoi aux ministres avec demande d'explications. Du reste, l'attention du gouvernement sera suffisamment attirée sur cet objet par les observations quo M. de T'Serclaes vient de présenter.
M. Toussaint, rapporteur. - Messieurs, la première pièce qui figure au feuilleton, est une requête du conseil communal d'Heverlé, concernant la nomination du bourgmestre de cette commune. La commission conclut à l'ordre du jour. Je pense que la chambre, pour se rendre bien compte de la proposition de la commission, désirera que je lui donne lecture de la requête. (Adhésion.)
Cette pièce est ainsi conçue :
« Messieurs,
« En notre nom et au nom des électeurs dont nous sommes les mandataires, nous prenons la confiance de soumettre à votre jugement l'acte que M. le ministre de l'intérieur s'est cru en droit de poser, en faisant nommer, dans notre commune, le bourgmestre pris hors du conseil.
« Vous savez, messieurs, que la loi du 1er mars 1848, qui a été discutée et votée dans les séances de la chambre des représentants, des 23 et 24 février 1848, n'accorde plus au pouvoir la faculté de nommer le bourgmestre hors du conseil que pour des nécessités administratives, c'est-à-dire pour le cas où il n'y aurait pas dans le conseil un seul homme qui pût ou voulût remplir les fonctions de bourgmestre.
« Cette loi, en déterminant ces cas, détermina en même temps les limites de la prérogative du pouvoir, limites que le gouvernement ne pouvait plus franchir sans violer la loi même. Cela est évident et ne laisse aucun doute.
« Cependant, malgré cette évidence et sans le moindre motif administratif quelconque, M. le ministre de l'intérieur a nommé le bourgmestre en dehors du conseil.
« Cet acte, grave sous tous les rapports et attentatoire à nos libertés communales, nous venons vous le dénoncer, messieurs, et vous prier d'ordonner une enquête à cet égard, afin que justice soit rendue à qui de droit.
« Confiants dans votre équité et votre patriotisme éclairé, nous vous supplions, messieurs, d'agréer l'hommage respectueux de vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« (Suivent les signatures.) »
Il s'agit d'une demande d'enquête sur la nomination qui vous est dénoncée. La commission des pétitions a eu à examiner si le gouvernement, en posant cet acte, s'est renfermé dans l'exercice d'un droit légal. Tout doute sur ce point est écarté par l'arrêté de la députation permanente, qui a émis un avis favorable à la nomination, avis favorable sans lequel l'acte du gouvernement n'aurait pas pu être posé.
Messieurs, comme vous venez d'entendre la lecture de la pétition des habitants d'Héverlé, et que les habitants d'Héverlé en font une grosse affaire, je pense que la chambre voudra bien m’autoriser à faire lecture de l'arrêté de la députation permanente. (Oui !) Voici cet arrêté.
« La députation permanente du conseil provincial du Brabant :
« Vu la loi du 1er mars 1848 ;
«Vu les pièces du dossier relatif à la composition du collège des bourgmestre et échevins de la commune d'Héverlé, arrondissement de Louvain ;
« Vu l'arrêté royal en date du 7 décembre dernier, par lequel le roi nomme M. Brullemans bourgmestre de ladite commune et M. M.Boogaerts (G«), et Vanorshoven (Jean), échevins ;
« Vu la démission adressée par ces trois conseillers des fonctions qui leur étaient conférées ;
« Vu le rapport de M. le commissaire d'arrondissement à Louvain, annonçant que, d'après les renseignements positifs qu'il a pris, toute nomination ultérieure dans le sein du conseil sera également suivie d'un refus, jusqu'à ce que le roi nomme le sieur Decoster bourgmestre, tous les conseillers s'étant concertés à cet effet ; attendu que ce fait est de notoriété publique à Heverlé et se trouve confirmé par des membres de notre collège.
« Attendu, d'autre part, que le gouvernement paraît d'autant plus opposé à la nomination du sieur Decoster, que, l'an passé, ayant sollicité de tous les commissaires voyers du pays un rapport sur la voirie vicinale, le sieur Decoster seul, en cette qualité, a opposé à la demande du ministère un refus positif conçu en ces termes peu convenables; puisqu'il disait dans sa réponse du 7 octobre 1847, « que c'était là un examen par écrit qu'on voulait lui faire subir, qu'il ne pouvait accepter la position d'écolier qu'où lui faisait, ne voulant plus se placer sur les bancs scolaires pour y mériter le renouvellement d'un certificat de capacité et cela pour un traitement d'aide-maçon. »
« Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'à moins de transporter au conseil le choix du bourgmestre et de considérer comme dérisoire la nomination de ce fonctionnaire par le roi, il est impossible de ne pas permettre que, dans ce cas tout à fait exceptionnel, le gouvernement fasse choix du bourgmestre en dehors du conseil.
« Est unanimement d'avis qu'il y a lieu de choisir le bourgmestre de la commune d'Héverlé en dehors du conseil communal. »
Messieurs, il résulte de cette pièce que le gouvernement, en nommant le bourgmestre d'Héverlé en dehors du conseil, n'a fait qu'user d'une prérogative qui lui est conférée par la loi, et dans le cas spécial qu'elle formule.
Votre commission n'a pas eu à examiner les questions de convenances relatives à la nomination, attendu que ces questions de convenances rentrent dans les droits et dans la responsabilité du gouvernement.
(page 559) M. le président. - La commission propose l'ordre du jour. La discussion est ouverte. La parole est à M. Jullien.
M. Jullien. - Messieurs, la nomination des bourgmestres dans le sein des conseillers élus appartient au pouvoir exécutif d'une manière absolue; s'agit-il de nommer les bourgmestres en dehors des conseils, le droit de la Couronne n'a d'autres limites que l'avis préalable et conforme de la députation permanente.
Du moment que cette condition légale est accomplie, la nomination échappe au contrôle des chambres.
Lorsque je dis que la nomination échappe au contrôle des chambres, j'entends parler d'un contrôle qui puisse amener dans ses résultats, l'annulation de la nomination elle-même ; car je reconnais que les chambres ont le droit, et que c'est même pour elles un devoir d'examiner les actes du pouvoir exécutif, et de demander compte des abus qui pourraient se glisser dans les nominations qui auraient lieu dans les corps administratifs.
A mon avis la chambre n'a, sous aucun rapport, à se prononcer sur la nomination du bourgmestre d'Heverlé, non seulement parce que comme l'a dit l'honorable rapporteur, la nomination a été environnée de toutes les conditions de légalité voulues, mais en outre parce que le conseil communal d'Heverlé, contrairement à sa mission, a voulu forcer la main au pouvoir exécutif pour le choix du bourgmestre.
La décision remarquable de la députation permanente du Brabant fait pleine foi sur ce dernier point ; cette décision a fait bonne justice de cette prétention d'un corps électif qui voulait peser sur le pouvoir exécutif. Il ne faut pas que les corps électifs puissent se substituer à l'action du pouvoir exécutif, et lui enlever les prérogatives que nos institutions communales lui confèrent.
Vous passerez donc à l'ordre du jour sur la pétition du conseil communal d'Heverlé, comme vous avez fait dernièrement, lorsque vous avez écarté la pétition de plusieurs membres du conseil communal de Villers sur Semois qui se plaignaient de ce que le bourgmestre avait été choisi ailleurs que dans le chef-lieu de la commune. Il est pour moi une autre considération pour passer à l'ordre du jour. Les notes transmises à la chambre à l'appui de la réclamation du conseil communal d'Heverlé renferment des imputations malveillantes contre des personnes très honorables. Ces mêmes notes signalent M. le ministre de l'intérieur comme ayant forfait à son devoir pour se courber devant l'influence de la maison d'Arenberg.
La chambre doit respecter le droit de pétition, elle doit en accueillir l'exercice avec faveur. Mais les injures, mais la diffamation ne doivent jamais recevoir d'accueil dans cette enceinte. A ce point de vue encore, je voterai pour l'ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.
- Plusieurs membres. - C'est inutile.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'aurais voulu donner quelques explications...
- De toutes parts. - Non ! Non !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Puisque la chambre le désire et que personne ne combat les conclusions de la commission, je laisserai à part la pétition ; mais permettez-moi de vous donner quelques explications sur la marche générale que j'ai suivie en cette matière.
Je dirai à la chambre que le gouvernement s'est fait une loi rigoureuse de ne choisir le bourgmestre en dehors du conseil, que lorsqu'il y est en quelque sorte forcé par la nécessité. Dès le mois d'août, j'ai recommandé à MM. les gouverneurs de faire en sorte que toutes les propositions qui seraient faites au gouvernement pour la nomination des bourgmestres se renfermassent dans le sein des conseils communaux.
Voilà quelle a été la théorie du gouvernement. Quelle en a été l'application ?
Le voici :
Sur 2,500 nominations de bourgmestres, le Roi n'a été dans la nécessité de recourir à l'application du principe de la nomination en dehors du conseil que dans deux communes, la commune d'Heverlé et une commune de la province de Liège. Partout ailleurs, messieurs, nous avons pu choisir le bourgmestre dans le sein du conseil.
Ce résultat, messieurs, prouve de nouveau l'excellent esprit qui, en général, a présidé à nos élections communales, comme il avait présidé aux élections provinciales et aux élections qui vous ont amenés dans cette enceinte.
Lorsque la chambre veut passer à l'ordre du jour sur la pétition d'Heverlé, et je pense qu'elle a raison de le faire, elle n'entend pas, et je ne voudrais pas qu'il fût entendu que les actes administratifs du gouvernement dussent être soustraits à son contrôle. Je crois qu'il entre parfaitement dans le droit et les attributions de la chambre de demander compte au gouvernement, sinon dans tel ou tel cas donné, mais en règle générale, de demander compte au gouvernement de la manière dont il use de ses attributions. Sous ce rapport, j’ai toujours dit que j'étais prêt à répondre aux observations qui pourraient être faites dans cette enceinte. Quelques nominations ont été reprochées au gouvernement. Ou aurait bien voulu, dans certaine presse, donner à entendre que le gouvernement avait procédé avec une partialité systémique à la nomination des bourgmestres. J'appelle également la discussion sur cette partie de mon administration.
D'ici à deux ou trois jours, le budget de l'intérieur sera discuté, et je supplie MM. les représentants des différentes localités de vouloir bien, s'ils croient que certains griefs articulés contre moi sont fondés, les reproduire dans cette enceinte; je serai heureux de pouvoir y répondre.
M. Delfosse. - Le gouvernement fera très bien de continuer à être très sobre de nominations de bourgmestres en dehors du conseil. Rien ne nuit à un droit comme l'abus qui en est fait. La loi sur la pension des ministres a été abrogée surtout à cause de l'abus qui en a été fait. La loi qui conférait au gouvernement le droit illimité de nommer les bourgmestres en dehors du conseil a été abrogée surtout à cause de l'abus politique que certains ministres en ont fait ; la loi qui subordonne ce droit de nomination en dehors du conseil, à l'avis conforme de la députation permanente, finirait par avoir le même sort, si le gouvernement ne continuait pas à en faire un très sobre usage, et cela serait fâcheux, parce qu'il y a des cas où l'application de cette loi peut être utile, nécessaire même.
Je ne connais pas assez les faits qui se sont passés dans la commune d'Heverlé pour apprécier l'acte posé par M. le ministre de l'intérieur. Mais il m'est impossible de ne pas me prononcer pour les conclusions de la commission, lorsque je vois que la députation permanente du Brabant, composée d'hommes qui présentent des garanties incontestables d'intelligence et d'impartialité, a été unanime pour engager M. le ministre de l'intérieur à poser cet acte.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je crois devoir ajouter que le gouvernement a commencé par nommer un bourgmestre et deux échevins dans le sein du conseil, mais que ces trois nominations ont été vaines.
Restaient six membres parmi lesquels le choix pouvait s'exercer. Dans ces six membres, deux donnent, au lieu de leur signature, une croix, ce qui fait supposer qu'ils ne savent pas même signer.
Je ne pense pas que ces deux membres puissent aspirer à l'honneur de présider le conseil de leur commune. Le choix du gouvernement aurait donc dû se porter sur quatre membres seulement. Voilà la situation qui était faite au gouvernement.
- L'ordre du jour est mis aux voix et adopté.
Personne ne se lève contre.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée d'Anvers, le 10 janvier 1849, le sieur Vermeulen, fabricant de meubles, à Anvers, demande que le gouvernement accorde à sa femme et à ses enfants, ainsi qu'à lui, le passage gratuit, soit au Brésil, soit à Guatemala.
« Par pétition datée d'Oostroosebeke, le 20 décembre 1848, quelques habitants d'Oostroosebeke prient la chambre de leur procurer les moyens de se transporter sans frais aux Etats-Unis d'Amérique. »
- La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 17 décembre 1848, le sieur Thibou prie la chambre d'ordonner une enquête sur des faits graves qui se seraient passés au régiment des guides. »
- La commission propose l'ordre du jour.
La pétition a pour objet, en premier lieu, de demander une enquête sur des délits commis au régiment des guides et, en second lieu, de jeter un blâme sur le déplacement de deux officiers de ce régiment et sur la conduite personnelle du commandant de ce corps.
L'autorité militaire a statué disciplinairement sur les faits dénoncés; et le ministre de la guerre a expliqué, par un ordre du jour adressé à l'armée, le déplacement des officiers du régiment.
Au fond, les deux objets appartiennent exclusivement à la juridiction de l'autorité militaire. Et votre commission hésite d'autant moins à proposer l'ordre du jour que, d'après des renseignements pris à la police de Bruxelles, la signature Thibou, apposée au bas de la requête, paraît être un pseudonyme ou une signature fausse.
M. Vilain XIIII. - Il ne fallait pas faire de rapport.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Dans le cas dont il s'agit il n'y avait pas, en réalité, de pétitionnaire; par conséquent, pas de rapport à faire.
M. Toussaint, rapporteur. - On a demandé un prompt rapport à la commission des pétitions; elle n'a pas cru pouvoir se dispenser de le faire.
M. de Mérode. - Je demande que le fait qui vient de nous être signalé soit pris en considération pour qu'on examine les signatures des pétitionnaires. On envoie à la chambre des pétitions avec un nom quelconque, sans adresse, sans indication au moyen de laquelle on puisse s'assurer de l'existence de l'individu dont la pétition porte le nom.
J'espère que désormais on voudra bien faire une attention sérieuse aux signatures des pétitions et qu'on ne s'occupera que de celles dont la signature aura été constatée.
M. le président. - J'ai déjà, dans une autre circonstance, fait droit à l'observation de l'honorable préopinant. Une pétition signalant des faits graves et signée Smedt, avait été, il y a quelques jours, adressée à la chambre; j'avais lieu de croire que la signature n'était pas réelle, et que le nom de Smedt cachait un anonyme; j'ai donc fait insérer dans le Moniteur un avis par lequel j'invitais le signataire à se présenter dans mon cabinet pour me fournir les renseignements qu'il croirait utiles. Personne ne s'est présenté, mais une lettre anonyme confirmant les faits que signalait la pétition, m'a été adressée ce matin. J'ai pensé dès lors, messieurs, que je ne pouvais pas livrer cette pétition à la publicité et à la discussion aussi longtemps que le signataire ne se ferait (page 560) pas connaître et n'assumerait pas, par sa présence, la responsabilité des faits graves qu'il avait articulés.
Voilà, messieurs, les précautions que j'ai cru devoir prendre et que je prendrai chaque fois que les mêmes doutes surgiront sur la réalité de signatures figurant sur des pétitions.
M. de Luesemans. - Par la nature des fonctions auxquelles la confiance de la chambre m'a appelé, je fais chaque jour la lecture de l'analyse des pétitions ; vous comprendrez qu'il est très difficile de scruter la personnalité des signataires. Ainsi, pour les pétitions inoffensives le bureau n'a jamais cru nécessaire de recourir à des mesures pour s'assurer de l'existence des individus.
Mais en présence des observations qui viennent d'être présentées, la chambre aura peut-être à examiner si, à l'avenir, il n'y aurait pas à prendre une mesure autre que celle qu'a prise M. le président, quand il s'agit de faits graves, pour constater l'identité du signataire. Cette mesure pourrait consister, par exemple, à exiger la légalisation de la signature.
Il est plus d'une circonstance, beaucoup moins importante que celle d'une pétition adressée à la chambre, où des légalisations sont exigées. Quel est le pétitionnaire qui trouverait un obstacle à son droit dans l'obligation de faire légaliser sa signature par le bourgmestre de sa commune? Je n'en connais aucun.
Par ce moyen on ne serait plus exposé à faire des rapports sur des pétitions sans signatures sérieuses.
M. Delehaye. - Je ne puis admettre la proposition de l'honorable préopinant dans les termes où elle est faite.
Nous devons avoir, messieurs, des égards pour le droit de pétition. Je comprendrais parfaitement qu'on ne fît aucune mention d'une pétition portant une signature douteuse, lorsque cette pétition ne porterait que sur un fait personnel; mais si une semblable pétition signalait un fait d'une importance générale, si elle signalait un abus dont tout le monde eût à souffrir, je ne vois pas alors pourquoi l'on se montrerait si difficile. Je suppose qu'un pétitionnaire ne veuille pas se faire connaître, s'il signale un fait réellement important, il me semble qu'on doit chercher à l’éclaircir. Je ne demande pas que, même dans ce cas, il soit fait rapport sur la pétition, mais je demande que le bureau prenne des renseignements pour s'assurer si le fait est vrai ou non.
M. de Luesemans. - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour protester, dans cette enceinte, de tout mon respect pour le droit de pétition et c'est précisément parce que je désire que ce droit soit toujours respecté comme il doit l'être, que je demande qu'on prenne des mesures pour s'assurer de la réalité des signatures. Je considère ces mesures comme étant d'une application extrêmement facile, extrêmement simple et comme devant donner le cachet de l'authenticité aux demandes que l'on adresse à la chambre pour obtenir le redressement d'un grief. Du reste, je n'insiste pas; j'ai fait ma proposition dans l'intérêt des pétitionnaires, dans l'intérêt du droit de pétition et aussi un peu dans l'intérêt du bureau, car il lui serait extrêmement difficile de distinguer la limite où un fait commencerait à devenir assez grave pour mériter une enquête.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, je n'entends ni appuyer ni combattre la proposition de l'honorable M. de Luesemans; à coup sûr, elle a son bon côté, mais elle constitue une telle dérogation à nos habitudes, à ce qui a été invariablement pratiqué jusqu'ici, qu'elle devrait être présentée comme disposition nouvelle à insérer dans le règlement. La proposition me paraît, au moins, assez sérieuse pour être l'objet d'une discussion. Je demande donc que la chambre ne prenne aucune décision en ce moment et qu'elle attende qu'une proposition formelle lui soit faite tendant à consacrer la mesure dont nous a entretenus l'honorable M. de Luesemans.
Quant à la proposition de l'honorable M. Delehaye, je ne pense pas que la chambre soit disposée à y faire un accueil favorable, car elle ne tend à rien moins qu'à faire du bureau de la chambre un véritable bureau d'enquête.
Vous l'avez entendu, messieurs, quand une pièce arriverait à la chambre, sans être revêtue d'une véritable signature, l'honorable M. Delehaye voudrait que le bureau examinât si le fait signalé d'une manière en quelque sorte anonyme, si ce fait mérite d'être soumis à l'attention de la chambre, oui ou non.
Eh bien, je dis que ce serait faire du bureau un véritable bureau d'enquête, et telle n'est nullement sa mission. Quand un fait grave se passe dans le pays, soyez persuadés qu'il ne manquera jamais de citoyens pour signaler ce fait à la chambre. La chambre n'est-elle pas d'ailleurs composée de représentants de toutes les parties du pays? Eh bien , lorsqu'un fait grave se passe dans le pays, si aucune pétition ne venait le signaler à la chambre, pense-t-on qu'il manquerait de députés pour le faire connaître? Il est impossible qu'il en soit ainsi. La proposition de M. Delehaye ne peut donc pas recevoir un accueil favorable. Quant à celle de M. de Luesemans, je le répète, il faudrait qu'elle fût déposée sous la forme d'un article additionnel au règlement.
M. Delehaye. - Je n'ai fait aucune proposition formelle. J'ai déclaré que lorsqu'une pétition, revêtue d'une signature illisible ne signalait qu'un fait personnel, il n'y avait pas lieu de s'en occuper, mais que lorsqu'une semblable pétition présentait un caractère réel d'intérêt général, il serait bon que le bureau pût prendre des renseignements.
Je citerai un exemple :
Je suppose que quelque temps avant le grand malheur arrivé au tunnel de Cumptich, une personne qui eût désiré ne pas se faire connaître, eût signalé à la chambre les vices de construction qui ont occasionné la chute de ce tunnel; eh bien ! je le demande, n'eussiez-vous pas eu égard à une semblable pétition? N'eussiez-vous pas cherché à éclaircir le fait? Mais si vous n'aviez pas pris des renseignements, ne voyez-vous pas quelle grave responsabilité vous eussiez assumée?
Je ne demande pas que le bureau s'érige en quelque sorte en juge d'instruction; mais il me semble que lorsqu'un fait grave est signalé, un fait qui soit de nature à compromettre des intérêts publics, il conviendrait que le bureau s'entendît avec l'un ou l'autre ministre pour éclaircir la chose.
Du reste je n'ai pas fait de proposition; j'ai seulement combattu la proposition de M. de Luesemans. Tout ce que je demande, c'est que la chambre ne prenne aucune résolution.
M. H. de Brouckere. - Je n'ai qu'une seule observation à faire : Si la chambre adoptait l'opinion de l'honorable M. Delehaye, elle ne ferait rien de moins qu'encourager les pétitions anonymes et pseudonymes.
M. le président. - Aucune proposition n'est déposée. Jusqu'à ce qu'il en soit fait une, le bureau prendra les précautions qui lui paraîtront nécessaires pour s'assurer de la réalité des signatures apposée sur les pétitions.
La chambre n'a à voter que sur les conclusions de la commission, qui tendent à l'ordre du jour.
M. Vilain XIIII. - Puisque, d'après l'exposé de M. le rapporteur, la pétition est anonyme, je demande que la chambre n'adopte pas même l'ordre du jour, mais que l'instruction soit anéantie et que la pétition soit considérée comme non avenue.
M. Toussaint, rapporteur. - Je me rallie à la proposition de l'honorable M. Vilain X1I1I tendant à ce que la pétition soit considérée comme n'existant pas.
- La proposition de M. Vilain XIIII est mise aux voix et adoptée.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Malines, le 26 décembre 1848, les docteurs en médecine, en chirurgie et en accouchements à Malines, demandent l'abolition de l'impôt patente sur ceux qui exercent la profession médicale.
« Même demande de plusieurs docteurs en médecine, en chirurgie et en accouchements à Anvers et à Willebroeck, dans les arrondissements d'Ypres et de Fumes, et dans la province de Luxembourg. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des finances.
- Adopté.
M. Toussaint, rapporteur. - « Par pétition datée de Dixmude, le 13 décembre 1848, plusieurs habitants de Dixmude demandent que le tribunal de première instance de Furnes soit transféré à Dixmude. »
«. Même demande de plusieurs habitants de Merckem, Wercken, Eessen, Zarren, Bovekerke, Vladsloo, Beerst, Woumen, Clercken, Saint-Jacques-Cappelle, Oudecappelle. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.
« Par pétition datée de Lombartzyde, le 19 janvier 1849, le conseil communal de Lombartzyde demande que le tribunal de première instance de Furnes soit transféré à Nieuport, s'il ne devait être maintenu à Furnes. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.
« Par pétition datée de Loo, le 5 janvier 1849, le conseil communal de Loo prie la chambre de rejeter la demande tendant à faire transférer à Dixmude le tribunal de première instance de Furnes. »
« Même demande de plusieurs habitants de Proven et de Nieucappelle et des conseils communaux de Furnes, Watou, Haringhe et Leysele. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.
M. de Breyne. - Messieurs, un grand nombre d'habitants de plusieurs communes de l'arrondissement de Dixmude se sont adressés à la chambre pour demander que le tribunal de première instance établi à Furnes soit transféré à Dixmude.
Des pétitionnaires appuient principalement les motifs de ce transfert sur la position topographique des deux villes. Furnes est située sur l'extrême frontière, sur la mer, et dans une contrée où la population est clairsemée.
Dixmude, au contraire, se trouve au centre de l'arrondissement et au milieu d'une population compacte.
Les pétitionnaires assurent que ce transfert doit produire pour les justiciables moins de frais de déplacement, et pour l'Etat moins de frais de justice.
Ils trouvent que c'est injuste, illibéral et inconstitutionnel que la majorité soit sacrifiée à la minorité.
Pour tous ces motifs, messieurs, je me joins aux pétitionnaires, et je prie la chambre de vouloir accueillir les conclusions de la commission des pétitions, tendant au renvoi de toutes ces requêtes à M. le ministre de la justice.
M. Clep. - Messieurs, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de le dire devant la chambre, décidément la manie du pétitionnement a fait invasion dans la ville et les environs de Dixmude. Je dirai quelques mots sur l'origine de ces pétitions.
Le 14 novembre une requête fut adressée à la chambre, prétendument datée de Merckem, village près de Dixmude, et signée du nom de (page 561) Ovreel. Elle réclamait en faveur de la ville de Dixmude le transfert du tribunal de première instance de Fumes. J'ai pris des informations sur cette pétition, et la vérité est que l'on ne sait d'où elle provient, qu'elle porte une fausse signature et que le véritable Ovreel, demeurant à Merckem, n'en a jamais eu connaissance.
Plus tard, c'est-à-dire le 14 décembre, un journal qui s'imprime a Dixmude fit savoir parmi ses annonces, il répéta le 21 du même mois et peut-être encore par après, que des pétitions se signaient à Dixmude et dans les communes voisines, pour demander au gouvernement le transfert à Dixmude du tribunal de première instance de Furnes.
Voilà l'origine, le commencement de ce pétitionnement et des contre-pétitions qui ont abondé à la chambre, les unes demandant que le tribunal de première instance de Furnes soit transféré à Dixmude, d'autres tendant à faire rejeter ces demandes et à maintenir à Furnes le tribunal; une entre autres encore du conseil communal de Coxyde, demandant que le tribunal de Furnes soit transféré à Nieuport plutôt qu'à Dixmude s'il ne peut être maintenu à Furnes.
C'est vraiment curieux! La plupart des communes voisines de Dixmude demandent le transfert audit Dixmude du chef-lieu du tribunal, tellement cela ressemble à une plaisanterie; chacun ne songe qu'à avoir à sa porte et pour sa grande commodité, le chef-lieu du tribunal de première instance, sans s'inquiéter le moins du monde des inconvénients graves que le transfert du tribunal de Furnes occasionnerait à la grande majorité des autres justiciables de cet arrondissement judiciaire dont la population s'élève à environ 78,000 habitants.
Ce sont cependant là, messieurs, des prétentions si elles sont sérieuses qui sont exorbitantes, et dont je me réserve de vous démontrer le non fondement, s'il arrive jamais que la chambre se trouve régulièrement saisie d'un projet de loi à cet égard.
Il faut en convenir, messieurs, quelques habitants de la ville et des environs de Dixmude mettent un trop grand empressement dans leurs réclamations. Pétitionner ne leur coûte rien, et si leur ardeur ne se ralentit pas, nous devons nous attendre à les voir réclamer bientôt pour Dixmude le transfert du siège du gouvernement provincial établi encore à Bruges. Tellement la passion du pétitionnement s'est emparée d'eux.
Mais enfin, messieurs, les pétitionnaires n'ont fait qu'user d'un droit constitutionnel, et puisque la commission des pétitions conclut au renvoi de toutes ces pétitions et contre-pétitions à M. le ministre de la justice; j'appuie ces conclusions.
- Les conclusions de la commission des pétitions sont adoptées.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Gesves, le 1er janvier 1849, plusieurs habitants de Gesves et d'Ohey demandent la révision de la loi sur l'enseignement primaire. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Moxhon. - Messieurs , sans me prononcer aujourd'hui sur les graves questions que soulève cette pétition, je dois cependant reconnaître que les modifications réclamées par les pétitionnaires ont déjà été soumises à la commission spéciale, qui, dans un pays voisin, s'occupe de la rédaction d'un projet de loi relatif à la matière et ont été admises par cette commission.
Les motifs allégués par les pétitionnaires me paraissent mériter un sérieux examen; c'est pourquoi tout en appuyant son renvoi à M. le ministre de l'intérieur, je dois le prier de vouloir ne pas perdre de vue qu'une loi nouvelle sur l'enseignement primaire est impatiemment attendue.
M. Orts. - Messieurs, puisqu'il paraît être dans les intentions de quelques membres de la chambre d'attirer l'attention du gouvernement sur la réforme de la loi de l'instruction primaire, je crois que la pétition pourrait être également déposée sur le bureau de la chambre pendant la discussion du budget de l'intérieur. En effet, il résulte du rapport de la section centrale dont je faisais partie, que le vœu d'une révision de la loi a été émis par cette section centrale; cela procurera au gouvernement l'occasion de se prononcer et sur le vœu de la section centrale et sur les pétitions.
- La chambre, consultée, décide que la pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur et qu'elle sera ensuite renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Merckem, le 17 décembre 1848, le sieur Marchant demande un changement dans le système des inspections des écoles primaires, la réduction des traitements des gouverneurs de province et des chefs diocésains, la substitution de jetons de présence à l'indemnité dont jouissent les représentants, le transfert du tribunal de première instance de Furnes à Dixmude ou la suppression de ce tribunal, moyennant un changement de circonscription des arrondissements judiciaires de Bruges et d'Ypres. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur, et ensuite renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Fosses, le 10 décembre 1848, les instituteurs communaux et adoptés du canton de Fosses proposent des modifications à la loi sur l'enseignement primaire, dans le but d'améliorer la position et l'avenir des instituteurs. »
« Même demande des instituteurs primaires du canton de Beaumont. »
- Même décision.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition sans date, les instituteurs des cantons d'Uccle, Anderlecht et Assche, et plusieurs instituteurs dans la Flandre orientale demandent que leur traitement soit à la charge de l'Etat. »
M. Toussaint. - J'appelle l'attention du gouvernement sur un point important. On m'a signalé des communes qui accordent des traitements ostensibles à leurs instituteurs et qui ne leur payent pas ces traitements ostensibles; par là, elles ont l'air d'avoir accompli les obligations pécuniaires que leur impose la loi de l'instruction primaire, et elles font valoir alors leur droit aux subsides de la province et de l'Etat.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je prierai l'honorable M. Toussaint de vouloir bien m'indiquer ces communes. L'abus signalé ne durera pas longtemps, si réellement il existe.
M. de Luesemans. - Messieurs, l'abus qui a été signalé par l'honorable M. Toussaint me semble difficile. Je ne veux pas dire que les fonctionnaires de l'administration n'aient pas été trompés par de faux renseignements ; mais je ne le comprendrais pas, car il ne suffit pas d'avoir porté une allocation au budget communal pour obtenir un subside de I l'Etat; d'après les instructions que le gouvernement a données aux inspecteurs et aux autorités communales, il faut qu'on justifie aussi de la dépense. (Interruption.)
Il y aurait alors un faux; l'accusation doit aller jusque-là, je le soutiens, car il y a faux dans la mention qu'une dépense a été faite quand elle ne l'a pas été.
M. Toussaint. - Il n'y a pas de faux commis ; l'instituteur signe le mandat qu'il ne touche pas ; je ne dis pas qu'on affecte la somme à un usage non communal ; souvent le montant du mandat est donné au bureau de bienfaisance ; c'est comme si l'instituteur avait remis lui-même la somme au bureau de bienfaisance ; mais il n'y a pas moins privation pour l'instituteur.
M. Cools. - Messieurs, à cette occasion, j'appelle l'attention du gouvernement sur ce qu'il y a de défectueux dans la comptabilité générale des communes. Je crois qu'il y a une surveillance, un contrôle à exercer à cet égard. Le gouvernement doit s'occuper de cette question sans retard.
Je connais beaucoup de faits analogues à ceux que vient de citer l'honorable M. Toussaint. La dépense de l'instruction primaire a l'air d'être faite et elle ne l'est pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je prierai également l'honorable M. Cools de vouloir bien indiquer les communes où de semblables abus se passent. Je sais que dans certaines communes on alloue et on liquide à contrecœur le traitement de l'instituteur.
Ou a indiqué un moyen de faire cesser ces difficultés, ce serait d'établir une caisse centrale où les communes verseraient les traitements, et où la quote-part de chaque instituteur serait imputée. Mais en attendant qu'une mesure générale puisse porter remède au mal, si réellement le mal existe, je prie les honorables membres de me signaler les communes ; où l'on commet ces abus ; nous aviserons au moyen de les faire cesser immédiatement.
M. Cools. - Messieurs, les faits ne sont pas venus à ma connaissance, comme représentant; je ne suis donc pas à même de les certifier. Ils ne concernent pas la partie du pays que je représente spécialement dans cette enceinte. Quoi qu'il en soit, il y a de graves abus dans la comptabilité générale des communes. Je ne vois pas jusqu'à présent qu'on liquide des dépenses qu'on n'a pas été autorisé à faire ; mais on fait souvent ce que l'on appelait des transferts sous le gouvernement précédent; on impute des dépenses étrangères sur des allocations qui présentent un excédant. Il y a là un vice qu'il faut déraciner.
- La chambre, consultée, décide que la pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur, et puis renvoyée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Straimont, le 26 novembre 1848, les membres du conseil communal de Straimont prient la chambre de rapporter la loi sur l’enseignement primaire, ou d'obliger le gouvernement à subvenir aux frais de l'instruction primaire, suivant les prescriptions de l'article 23 de la loi. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur, et ensuite renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
- Adopté.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Lille-St-Hubert, le 16 janvier 1848, les membres du conseil communal de Lille-Saint-Hubert demandent que la langue flamande soit enseignée dans les établissements d'instruction publique; qu'elle fasse partie du programme de tous les examens; que, dans les provinces flamandes, les tribunaux et les administrations soient obligés d'en faire usage et que tous les fonctionnaires publics soient tenus de la comprendre et puissent la parler. »
« Même demande des conseils communaux d'Achel, Caulille et Hamont. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Vilain XIIII. - Je demande que la pétition dont il s'agit soit de plus renvoyée à M. le ministre des finances. Je connais les différentes (page 562) communes auxquelles appartiennent les signataires. Je crois savoir qu'elles ont été froissées par la présence de douaniers wallons qui ne savaient pas un mot de flamand. Ces quatre communes sont dans le rayon réservé, les habitants ne comprennent pas le français; on leur a envoyé des douaniers originaires de la province de Liège ou du Hainaut qui ne savaient pas un mot de flamand ; je vous laisse à juger de l'attitude de douaniers wallons, ne comprenant pas le flamand et des habitants flamands ne comprenant pas le français qui se rencontrent dans les champs; réduits à engager une conversation par signes, ils répondent le plus souvent à autre chose qu'à ce qu'on leur demande. C'est une comédie fort peu réjouissante pour les habitants du pays.
Je demande le renvoi à M. le ministre des finances, afin de l'inviter à ne plus placer dans les localités flamandes des douaniers qui ne connaissent pas le flamand.
- Le double renvoi est ordonné.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Laplaigne, le 12 décembre 1848, le sieur Basiez instituteur communal à Laplaigne, prie la chambre de lui accorder la remise du droit d'enregistrement qui lui a été réclamé pour son acte de naturalisation ordinaire. »
La commission propose l'ordre du jour.
-Adopté.
M. Jacques, rapporteur. - « Par pétition datée de Termonde, le 20 décembre 1848, les sieurs de Ceuleneer et Peeters, président et secrétaire de la société de médecine à Termonde, proposent des mesures qui ont pour but d'améliorer la situation du corps médical. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Vanden Branden de Reeth, troisième rapporteur. - « Par pétition datée de Desschel, le 9 décembre 184S, le conseil communal de Desschel demande l'abrogation de la loi du 10 février 1843, qui met à charge des riverains une partie des frais de canalisation de la Campine. »
« Même demande des conseils communaux de Gheel, Oevel, Norderwyk, Lommel, Merxplas et Rethy. »
M. Vanden Branden de Reeth, rapporteur. - « Par pétition datée de Lichtaert, le 25 novembre 1848, l'administration communale de Lichtaert demande que cette commune soit exemptée de contribuer dans les dépenses de la canalisation de la Campine. »
« Même demande de l'administration communale de Casterlé. »
Messieurs, vous avez envoyé à votre commission, avec demande d'un prompt rapport, des pétitions adressées à la chambre par les conseils communaux d'un grand nombre de communes de la Campine qui toutes demandent l'abrogation de la loi du 10 février 1843 imposant aux propriétés riveraines des canaux de la Campine un concours dans les frais de leur construction.
Les pétitionnaires font ressortir les inconvénients graves qui résultent des dispositions de la loi ; ils sont tels que, loin de favoriser le défrichement des bruyères, auquel le creusement du canal devait donner une grande impulsion, ils paralysent au contraire les efforts que l'on serait tenté de faire pour l'amélioration des terrains aujourd'hui incultes et improductifs et contrarient ainsi le but que la canalisation de la Campine devrait atteindre.
Si les réclamations nombreuses des conseils communaux, des particuliers et des conseils provinciaux d'Anvers et du Limbourg ont arrêté jusqu'à ce jour l'exécution de la loi, elle n'en subsiste pas moins, et la crainte de son application éloigne tout projet de défrichement.
Le concours exigé par la loi de la part des riverains du canal n'existe nulle part, et la Campine, cette contrée si pauvre et si malheureuse, ne doit pas être traitée avec plus de rigueur que les autres localités de la Belgique où des travaux d’utilité publique ont été exécutés. Les pétitionnaires établissent que ce concours s'élève à plus de trois fois la contribution foncière; ils signalent en outre les vices de la loi en ce qu'elle ne tient aucun compte de la différence des propriétés qui se trouvent imposées uniformément par zone.
Les calculs que l'on a fait valoir, poursuivent les réclamants, lors de la discussion de la loi, ne se sont point vérifiés, et comme ils en formaient la base, du moment où ils sont reconnus inexacts, la loi ne peut plus recevoir d'application juste.
Tous ces motifs, longuement énumérés dans les pétitions dont nous nous occupons, ont paru à votre commission de nature à attirer l'attention toute spéciale de la chambre; ils lui semblent même assez sérieux pour motiver le retrait de dispositions législatives si préjudiciables au défrichement des bruyères dans la partie de la Campine à laquelle appartiennent les pétitionnaires. Mais comme elle n'a pas mission de vous faire aucune proposition à cet égard, elle a conclu au renvoi de toutes les réclamations à MM. les ministres des finances et des travaux publics avec prière d'examiner, le plus tôt qu'il leur sera possible, s'il n'y a pas lieu de proposer à la législature d'abroger la loi du 10 février 1843.
M. Dubus. - Je viens appuyer les conclusions de la commission des pétitions.
Si les renseignements qui m'ont été fournis sont exacts, une commission aurait été nommée par M. le ministre des travaux publics, il y a déjà plusieurs mois, pour examiner tout ce qui est relatif à l'exécution de la loi du 10 avril 1843. Cette commission, après plusieurs réunions, n'aurait pas terminé son travail et aurait décidé de se rendre dans la Campine au printemps prochain, pour connaître l'état des choses sur les lieux mêmes. Je pense donc que les craintes des pétitionnaires sont exagérées, et que le gouvernement n'a nullement l'intention d'appliquer pendant l'exercice 1849 les dispositions relatives à l'impôt-concours. Je suis même persuade que la perception de cet impôt n'aura pas lieu. En effet, elle est impossible en ce moment, à la suite de deux années calamiteuses, et des crises financière et politique qui ont tari les sources de la fortune publique.
Quand de tous côtés le numéraire manque, on viendrait en vain réclamer des riverains du canal le montant de la taxe spéciale; ils sont à peine en étal de payer leurs contributions ordinaires, l'impôt-concours serait pour certaines communes et certains particuliers plus élevé que le montant de la contribution foncière même.
On objectera que ceux qui ont à payer la plus grande part de l'impôt-concours à cause de la grande étendue de leurs propriétés, peuvent se libérer de l'impôt sans argent, en abandonnant au gouvernement une partie de leurs propriétés jusqu'à concurrence du montant de l'impôt capitalisé.
Or, ce mode de recouvrement n'est plus praticable aujourd'hui, car le gouvernement ne pourrait se défaire des bruyères qu'il aurait ainsi acquises.
Si les biens-fonds très productifs, les bonnes terres cultivées ont considérablement baissé de valeur depuis quelque temps, les bruyères, les terrains incultes n'en ont plus aucune.
Pour ce qui concerne le retrait de la loi de 1843, je pense que lorsque la commission, dont j'ai parlé plus haut, se sera rendue sur les lieux et qu'elle aura une parfaite connaissance de l'état des choses, elle fournira des renseignements qui permettront au gouvernement de proposer l'année prochaine le retrait de cette loi.
L'impôt-concours ne peut sans injustice être appliqué à la Campine pas même aux terrains incultes de cette contrée. Les premiers travaux de tout défrichement exigent des frais considérables ; si vous y ajoutez l'impôt du concours vous ne trouverez plus d'agriculteurs ni de capitalistes disposés à acquérir, pour les défricher, les bruyères situées dans les zones à proximité du canal ; de sorte que le canal aura sur ce point un effet tout contraire au but pour lequel il a été créé, et vous irez à l'encontre de la loi sur les défrichements. La bruyère restera bruyère, et les villes d'Anvers et de Liège auxquelles le concours n'est pas imposé profiteront seules des avantages du canal. La loi de 1843 me paraît avoir lésé envers la Campine les principes de la justice distributive.
Je n'abuserai pas des moments de la chambre, mais il me serait facile de démontrer, à l'aide de la discussion même qui eut lieu à ce sujet, en 1843, combien la chambre de cette époque connaissait peu la Campine et combien étaient exagérés les calculs qu'ont mis en avant, non seulement les défenseurs de cette loi, mais même des députés de la Campine.
J'appuie, messieurs, le renvoi de ces pétitions à MM. les ministres des finances et des travaux publics, en les priant d'examiner attentivement la question et de présenter, à la session prochaine, un projet de loi qui mette un terme aux inquiétudes des riverains du canal de la Campine.
Le retrait de la loi de 1843 n'étant pas à l'ordre du jour de la chambre, je n'en dirai pas davantage pour le moment. Toutefois je me réserve de démontrer ultérieurement combien cette loi serait fatale à la prospérité de la Campine, à cause des singulières dispositions qu'elle renferme.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. le président. - L'ordre du jour appelle le vote sur la prise en considération de demandes en naturalisation ordinaire.
Des membres ont demandé la parole sur les feuilletons à l'ordre du jour.
Un membre demande pour cette discussion le comité secret; mais cette demande doit être signée de 10 membres, pour qu'il y soit donné suite.
M. Osy. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
J'apprends que le rapport sur le budget de l'intérieur ne sera distribué que demain soir. Je fais la proposition d'en fixer la discussion à mardi.
M. Delfosse. - Il est entendu qu'on aura séance publique afin de pouvoir continuer en sections l'examen du budget des travaux publics.
M. Bruneau. - Demain nous n'avons à l'ordre du jour que la proposition de M. Jacques, je crains que nous ne soyons pas en nombre.
M. le président. - Si on n'était pas en nombre pour la séance publique, on ne travaillerait pas en sections à l'examen du budget des travaux publics qu'il est important de terminer.
M. Delfosse. - Il faut avoir séance publique afin d'assurer le travail en sections.
M. Delehaye. - On ne peut pas fixer une séance publique pour discuter une proposition dont les sections sont décidées à ne pas s'occuper.
M. Delfosse. - S'il y avait séance demain, on pourrait déposer le rapport sur le projet de loi relatif à la suppression du conseil des mines.
M. Delehaye. - Je suis du reste désintéressé dans la question ; car je dois demander un congé pour demain. J'ai des fonctions importantes à remplir à Gand : je suis membre du conseil communal ; on doit y discuter une des questions les plus importantes sur lesquelles nous ayons à statuer : la question des octrois.
(page 563) Mais ne serait-il pas déplorable que l'on ne fût pas en nombre, parce qu'il n'y aurait à l'ordre du jour qu'un objet sans importance?
Je ne crois pas que la séance publique soit nécessaire, pour qu'on travaille en sections. Déjà dans la section que je préside, nous avons commencé l'examen du budget des travaux publics. Nous étions très-nombreux. Les sections remplissent leur devoir, et elles continueront de le remplir.
- La chambre est consultée sur la question de savoir s'il y aura séance demain à 2 heures pour la discussion de la proposition de M. Jacques. L'épreuve est douteuse. Après la déclaration faite par M. Jacques qu'il se rallie aux conclusions de la section centrale, et que le gouvernement s'y ralliant également, il n'y aura probablement pas de discussion, l'épreuve est renouvelée. La question est résolue négativement.
A la demande de M. Orts, la chambre passe immédiatement à la discussion de la proposition de M. Jacques.
M. Vilain XIIII. - Je demande la parole pour une motion d'ordre.
La chambre a pu remarquer dans le rapport de M. Rousselle, que les quatre arrondissements que M. le ministre de l'intérieur propose, dans son budget, de supprimer sont compris dans la nomenclature des arrondissements dont la suppression est renvoyée à l'avis des conseils provinciaux. Ce sont les arrondissements d'Ostende, Eecloo, Maeseyck et Virton.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il se rallie à cette proposition, et s'il veut bien consentir à ce que la question des quatre arrondissements compris dans son budget soit également renvoyée à l'avis des conseils provinciaux.
M. Prévinaire. - En qualité de rapporteur de la section centrale du budget de l'intérieur, je répondrai que les conclusions de cette section sont d'accord avec les propositions ministérielles. La section a motivé la résolution qu'elle soumet à la chambre sur ce que la suppression des arrondissements proposée par M. le ministre de l'intérieur ne tombe pas sous l'application de l'article 83 de la loi provinciale. Par conséquent la section centrale conclut à l'adoption de la proposition du ministre.
La proposition de M. Vilain XIIII me paraît dès lors ne pas avoir d'objet.
M. Vilain XIIII. - Je fais la motion d'ordre formelle que la question qui concerne ces quatre arrondissements soit jointe à la proposition de M. Jacques.
A mon avis, les questions sont identiques. Il y a peut-être une différence légère dans la forme, en ce que M. le ministre de l'intérieur a l'air de conserver les quatre arrondissements, tandis que M. Jacques ne les conserve pas même de nom. Mais au fond, c'est absolument la même chose ; car l'essence de l'arrondissement administratif est dans la présence du commissaire d'arrondissement. Plus de commissaire, et il n'y a plus d'arrondissement administratif. (La question des élections est toujours mise à part ; elle est réservée dans la proposition de M. Jacques, comme dans la proposition de M. le ministre de l'intérieur.)
En effet, un commissariat d'arrondissement n'existe pas par lui-même, comme une commune, comme une province. S'il s'agissait d'une commune, d'une province, je comprendrais la différence qui pourrait exister entre la proposition de M. le ministre de l'intérieur et la proposition de M. Jacques. Une commune, c'est un territoire délimité, dont les habitants ont des intérêts à défendre en commun. Pour les défendre, il y a un conseil communal, un secrétaire, un receveur, un budget, un compte annuel des recettes et des dépenses. Que le bourgmestre soit pris dans la commune, ou dans une commune voisine, la commune existera toujours.
Pour la province, c'est absolument la même chose. Elle existe, indépendamment du gouverneur. Il y a le conseil provincial, la députation permanente, le budget, les comptes. Le gouverneur serait pris dans une autre commune ; cela pourrait paraître drôle ; mais la province continuerait à exister. Pour un commissaire d'arrondissement, c’est tout à fait différent. Les communes d'un commissariat d'arrondissement n'ont aucune espèce de lien ni d'intérêt commun. Elles n'ont pas de députation de l'arrondissement; elles n'ont pas de budget de l'arrondissement. Elles n'ont absolument d'autre intérêt que de posséder leur chef administratif au milieu d'elles. Cette présence du commissaire constitue le chef-lieu, constitue l'arrondissement. Il n'y a aucune autre espèce d'intérêt administratif que la présence, plus ou moins éloignée des communes, du commissaire de l'arrondissement, de son délégué et de ses bureaux. Otez les commissaires d'arrondissement et les bureaux, il ne reste plus rien; il n'y a plus d'arrondissement. On a beau dire que le chef-lieu reste nominativement, c'est possible; mais la réalité cesse.
Je fais la motion d'ordre formelle que la proposition de M. le ministre de l'intérieur soit jointe à la proposition de M. Jacques et qu'elle soit renvoyée à l'avis des conseils provinciaux des différentes provinces.
M. le président. - Plusieurs orateurs ont demandé la parole.
Je dois faire une observation : c'est que la question que soulève la motion de M. Vilain XIIII, a donné lieu à une longue discussion au sein de la section centrale qui a été chargée d'examiner le budget de l'intérieur.
Si l'on veut discuter immédiatement cette question, si d'honorables membres proposent de le faire, je crois qu'il y aurait lieu de remettre cette discussion à demain.
La chambre n'a décidé qu'il n'y aurait pas séance demain, que parce qu'on avait annoncé que la proposition de M. Jacques ne donnerait lieu à aucune discussion.
M. Delfosse. - Il est impossible que la proposition de l'honorable vicomte Vilain XIIII soit jointe à celle de l'honorable M. Jacques. La question soulevée par l'honorable vicomte concerne le budget de l'intérieur ; elle est traitée dans le rapport de la section centrale. On ne peut la résoudre avant d'avoir pris communication de ce rapport. Il n'y a pas d'ailleurs la moindre urgence, les conseils provinciaux ne seront réunis qu'en été. Statuons aujourd'hui sur la proposition qui est à l'ordre du jour et attendons la discussion du budget de l'intérieur pour statuer sur l'autre proposition.
M. Cools. - Je ne m'occuperai ni de la proposition de l'honorable vicomte Vilain XIIII, ni de celle de l'honorable M. Delfosse. Mais je ferai remarquer à la chambre qu'elle a été tout à l'heure trompée dans ses prévisions, lorsqu'elle s'est occupée de la question de savoir si elle pouvait mettre quelque chose à l'ordre du jour de demain. Si la majorité s'est prononcée pour qu'il n'y ait pas séance, c'est que tout le monde a cru qu'il n'y aurait pas de discussion sur la proposition de l'honorable M. Jacques. Voilà maintenant qu'on entame une discussion.
M. Vilain XIIII. - Je vais me rallier à la proposition de l'honorable M. Delfosse.
M. Cools. - Je demande que la discussion soit renvoyée à demain.
M. Vilain XIIII. - Messieurs, je me rallie à la proposition de l'honorable M. Delfosse. Je retire pour aujourd'hui ma motion, en faisant toutes mes réserves que la question reste entière pour la discussion du budget de l'intérieur.
M. Jacques. - Je demande la parole pour faire aussi des réserves ; c'est que si la proposition de l'honorable M. Vilain XIIII devait avoir pour résultat d'empêcher que plusieurs commissariats fussent confiés à la même personne et que l'on fît des économies au budget de l'intérieur, je me croirais autorisé à demander que ma proposition ne fût pas renvoyée aux conseils provinciaux et que la chambre s'en saisît de nouveau pour la discuter au fond.
M. le président. - Voici les conclusions de la section centrale sur la proposition de M. Jacques. La section centrale propose à la chambre :
« 1 De renvoyer à M. le ministre de l'intérieur la proposition de M. Jacques, relativement à l'uniformité du ressort des arrondissements administratifs et des arrondissements judiciaires, avec invitation de la soumettre aux délibérations des conseils provinciaux dans leur première réunion et de faire un rapport général à la législature dans la session prochaine.
« 2° D'appeler l'attention du gouvernement sur la partie des développements présentés par l'honorable membre, qui concerne les circonscriptions et ressorts, pour la fixation desquels une loi n’est pas nécessaire, et de l'inviter à y statuer autant que les exigences du service le permettront, et cela dans le but d'assurer l'unité des divers ressorts, la simplification dans le travail de bureau et toute la célérité désirable dans les rapports réciproques des chefs de service. »
M. Jacques se rallie-t-il à ces conclusions?
M. Jacques. - Comme je n'ai pas l'espoir de faire adopter par la chambre une autre manière de procéder, je dois bien me rallier à ces conclusions.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement adhère également à ces conclusions.
M. le président. - Nous passons au vote sur la prise en considération des demandes en naturalisation ordinaire comprises dans les feuilletons n. 2 et 3.
M. De Pouhon. - Je demande à la chambre de bien vouloir ajourner le vote sur la demande du sieur Guillaumot. Je cite le nom, pour ne pas faire planer de soupçons sur d'autres pétitionnaires. Je demande l'ajournement, afin d'avoir le temps de faire connaître à la commission des naturalisations des faits qui seront peut-être de nature à lui faire modifier ses conclusions.
M. Delehaye. - Messieurs, la commission des naturalisations a fait son rapport sur la demande du sieur Guillaumot, comme pour toutes les autres demandes ; elle vous a indiqué les renseignements qui lui avaient été communiqués.
Si aujourd'hui vous renvoyez cette pétition à la commission des naturalisations, elle devra nécessairement persister dans ses conclusions.
Je conçois le renvoi avec demande d'un plus ample informé. Mais tel n'est pas le but de M. De Pouhon. Cet honorable membre pense que cette demande ne doit pas être prise en considération.
M. De Pouhon. - Certainement!
M. Delehaye. - L'honorable membre s'en explique franchement. Ce qu'il y a à faire, dans ce cas, c'est de voter contre la prise en considération.
M. Le Hon. - Il me semble qu'il y a quelque chose de bien grave dans cette demande d'ajournement du vote de la chambre sur use naturalisation dont l'instruction est complètement achevée. On fait ainsi (page 564) planer sur une personne fort honorable des doutes et des soupçons qui peuvent compromettre sa réputation en égarant l'opinion publique. On a cité un nom propre ; ce nom appartient à un officier supérieur de notre armée, qui s'est distingué par de longs travaux et d'importants services. Son honneur ne peut rester en question sous le coup d'un ajournement, surtout quand l'accusation qui s'élève contre cet officier ne repose sur aucun fait précis que la chambre puisse apprécier.
Je pense qu'il est dans les devoirs de notre justice, de statuer immédiatement sur la demande de M. le lieutenant-colonel Guillaumot comme sur toutes les autres.
L'honorable auteur de l'incident est libre, ainsi que chacun de nous, de rejeter ou d'admettre la prise en considération, selon la conviction qu'il s’est formée.
M. Dolez. - Je me joins à l'observation que vient de faire l'honorable comte Le Hon. Mais je demande à contrebalancer, par un témoignage contraire, le témoignage défavorable que vient de donner M. De Pouhon sur le lieutenant-colonel Guillaumot, récemment décoré de l'ordre national. J'ai l'honneur de connaître M. le lieutenant-colonel Guillaumot, et les relations nombreuses que j'ai eues avec cet honorable officier me permettent d'affirmer qu'il est digne en tous points de la faveur qu'il sollicite. Ceux de mes collègues qui connaissent cet honorable militaire (il en est plusieurs qui sont dans ce cas) joindront, j'en suis convaincu, leur témoignage au mien.
Je demande donc à la chambre de voter séance tenante. Je prie mes honorables collègues d'être convaincus qu'en votant pour que le lieutenant-colonel soit Belge de droit, comme il est Belge de cœur, ils ne feront que se donner un concitoyen digne de ce titre à tous égards.
M. De Pouhon. - Les accusations que j'ai à porter contre le lieutenant-colonel Guillaumot sont très graves. J'ai des faits à produire qui viendront à rencontre du témoignage de M. Dolez.
Je demande que la chambre se forme en comité secret.
M. le président. - Il faut que la demande émane de dix membres ou du président, qui n'entend pas, dans cette circonstance, user de son droit.
M. Lesoinne. - Je viens joindre mon témoignage à celui des honorables MM. Dolez et Le Hon.
Je connais particulièrement le lieutenant-colonel Guillaumot ; je puis attester à la chambre que c'est un homme honorable et qui jouit, à juste titre, de l'estime des officiers de l'armée qui le connaissent, ainsi que de celle des nombreux amis que ses qualités distinguées lui ont valus.
M. de Luesemans. - Je crois que la chambre ne doit pas se former en comité secret ; en présence de l'accusation formulée, et des témoignages donnés à M. le colonel Guillaumot, il importe que les questions soulevées soient vidées publiquement, dans l'intérêt de la vérité et plus encore dans l'intérêt de M. Guillaumot.
Si la chambre se formait en comité secret, on considérerait ce fait comme un jugement anticipé.
Je regretterais que le règlement fît une règle du secret dans cette occasion.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La question ne peut rester indécise; il faut qu'elle soit vidée immédiatement.
Je n'ai pas l'honneur de connaître personnellement le lieutenant-colonel Guillaumot. Je regrette beaucoup que mon honorable collègue de la guerre ne soit pas présent. Tout ce que je puis dire, c'est qu'il m'a souvent parlé de M. le lieutenant-colonel Guillaumot dans les termes les plus favorables.
Cet officier, ayant rendu des services signalés dans son arme, a été choisi par le gouvernement pour une expédition transatlantique, qui a présenté certains côtés fâcheux, dont on a voulu le rendre en partie responsable. Mais il jouissait tellement de la confiance du gouvernement qu'il avait été désigné pour accomplir cette mission difficile.
Je demande que la chambre ne repousse pas la demande en naturalisation. J'engage l'honorable auteur de la motion à vouloir bien la retirer. Il s'agit d'un officier de l'armée. Vous ne pouvez lui imprimer une pareille tache.
M. Liefmans. - Quelle que soit la décision à prendre par la chambre, nous sommes dans une position extrêmement gvare. Il s'agit d'abord, comme l'a dit l'honorable comte Le Hon, d'une personne spécialement déterminée par un membre de cette assemblée. Les témoignages de MM. Dolez et Le Hon détruisent, j'en conviens, l'effet de la déclaration de M. De Pouhon. Quoi qu'il en soit, comme il s'agit d'une question personnelle, ne conviendrait-il pas qu'elle fût vidée en comité secret ?
M. le président. - Voici une proposition qui vient d'être déposée :
« Les membres soussignés demandent que la chambre se forme en comité secret, avant de procéder au vote sur les naturalisations mises à l'ordre du jour de la présente séance :
« David, Delescluze, Ansiau, de Renesse, Osy, Thibaut, Reyntjens, De Pouhon, de Bocarmé, de Breyne. »
En conséquence, la chambre se forme en comité secret.
Il est 4 heures et quart.
Le comité s'est prolongé jusqu'à 5 heures et quart.