(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)
(page 541) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
La séance est ouverte.
M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Luesemans présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Les échevins, conseillers communaux et plusieurs habitants de Warneton transmettent des renseignements sur la question de délimitation entre Warneton et Ploegsteert. »
M. Rodenbach. - La pétition dont on vient de faire l'analyse a été adressée à la chambre par les conseillers et échevins de Warneton. Il y avait un différend entre Warneton et le hameau de Ploegsteert; mais il paraît que ce différend n'existe plus, car les conseillers et les habitants de Warneton demandent qu'on s'occupe promptement de la séparation du hameau de Ploegsteert. Il y a vingt ans que ce hameau a demandé cette séparation; les habitants ont plusieurs lieues à faire par des chemins impraticables en hiver, pour se rendre à Warneton; il est plus que temps de faire droit à leur demande.
J'appuie le renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à cet objet, et je prie les membres de cette commission de faire en sorte que le rapport soit promptement déposé.
Tout retard peut être considéré par les habitants de cette localité comme un déni de justice.
On ne comprend pas comment on a pu aussi longtemps empêcher une séparation qu'ont obtenue beaucoup de hameaux qui étaient beaucoup moins éloignés du chef-lieu de la commune que celui de Ploegsteert,
M. Peers. - Je suis chargé de faire le rapport sur le projet de séparation du hameau de Ploegsteert; je le déposerai dans le courant de la semaine ; s'il ne l'a pas encore été, c'est à cause de quelques difficultés qui ont surgi.
- Le renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'érection de la commune de Ploegsteert est ordonné.
M. le président. - La proposition de M. Rodenbach devient sans objet.
M. Rodenbach. - Je suis satisfait.
« Quelques habitants de Berlaere demandent que la garde civique soit divisée en deux bans, et que le premier ban, composé de jeunes gens et de veufs sans enfants, de 21 à 36 ans, soit seul astreint en temps de paix aux obligations imposées par la loi sur la garde civique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs membres du conseil communal de Bouillon demandent qu'il soit ordonné une enquête sur les faits indiqués dans les considérants de l'arrêté royal du 12 janvier, qui décrète une nouvelle traverse dans la ville de Bouillon. »
— Même renvoi.
« Plusieurs habitants de Wavre réclament contre la répartition des charges pour le service des patrouilles. »
- Même renvoi.
« Quelques habitants de Leke demandent que le chef-lieu des arrondissements administratifs de Dixmude et de Furnes soit établi à Dixmude. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur.
« Le sieur Smedt, appelant l'attention de la chambre sur des soustractions qui auraient été faites dans les dépôts de livres et de manuscrits du gouvernement, demande que des poursuites soient dirigées contre l'auteur de ces soustractions.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. de Perceval. - J'ai l'honneur de déposer un rapport sur des demandes en naturalisation adressées à la chambre.
- Ces rapports seront imprimés, distribués et placés à la suite des objets à l'ordre du jour.
« Art. 19. Honoraires fixes des avocats de l'administration : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art, 20. Suppléments de traitements dans les cas prévus par l'arrêté organique : fr. 25,000. »
- Adopté.
M. le président. - Nous arrivons à un article sur lequel je dois prendre la parole. M. le président et M. le vice-président n'étant pas présents, j'invite M. Destriveaux, qui, je crois, est doyen d'âge, à vouloir bien venir occuper le fauteuil.
- M. Destriveaux remplace M. Delfosse au fauteuil.
« Art. 21. Traitements temporaires des fonctionnaires et employés non replacés : fr. 500,000. »
- La section centrale propose une réduction de 50,000 fr.
M. Delfosse. - Messieurs, le gouvernement se propose de fixer les traitements temporaires à la moitié au moins et aux deux tiers au plus des traitements dont les fonctionnaires auront joui pendant l'année 1848. Dans la pensée du gouvernement, le minimum serait augmenté dans une certaine mesure, à raison des années de service. Les fonctionnaires qui auraient dix années de service obtiendraient le maximum.
Je ne puis, messieurs, dans la situation actuelle, consentir à ce qu'on donne les deux tiers du traitement d'activité aux fonctionnaires dont l'emploi serait supprimé, et qui pourront en conséquence disposer librement de tout leur temps jusqu'au jour où ils seront appelés à de nouvelles fonctions.
L'état de nos finances n'autorisant pas, selon moi, une telle largesse, je demande que les traitements d'attente ne puissent dépasser de moitié du traitement d'activité. Nous devons, messieurs, administrer les finances de l'Etat comme nous administrerions les nôtres.
Quel est celui d'entre vous, industriel ou commerçant, qui, réduit par les circonstances à renvoyer une partie de ses employés, ne croirait pas faire beaucoup en leur accordant la moitié de leurs appointements, pendant tout le temps où ils resteraient sans emploi ! Quel est l'employé qui ne serait heureux et reconnaissant d'un procédé aussi généreux, et, je puis malheureusement ajouter, aussi rare?
On nous a toujours dit (c'est surtout le gouvernement qui a tenu ce langage) que l'état militaire, à cause des privations qu'il impose et des dangers qu'il fait courir, doit être entouré de plus de garantes, de plus de sollicitude que la carrière des emplois civils. Eh bien, pour l'armée le traitement de non-activité ne dépasse jamais la moitié de la solde. Il n'est même que des deux cinquièmes pour les officiers généraux et supérieurs.
Il y a, je le sais, pour l'armée, la position de disponibilité, qui donne droit aux deux tiers de solde.
Mais remarquez-le bien, messieurs, la disponibilité est la position spéciale de l'officier général ou supérieur. Tous les autres officiers, à partir du grade de colonel, dont le corps est licencié ou l'emploi supprimé, sont mis, non pas en disponibilité, cette position n'existe pas pour eux, mais en non-activité ; et, comme je viens de le dire, ils n'ont droit qu'à la moitié de la solde.
Il est encore, messieurs, d'autres positions aussi dignes d'intérêt, plus dignes d'intérêt même que celles des fonctionnaires dont il s'agit en ce moment, auxquels la loi n'accorde pas même la moitié du traitement d'activité.
Si, par exemple, un capitaine se trouve dans l'impossibilité de rester au service par suite de blessures ou d'infirmités graves, il n'a droit, après 20 années de service, qu'à une pension de 850 fr. Le lieutenant qui se trouve dans le même cas, n'a droit qu'à une pension de 600 fr. ; les sous-lieutenants qu'à une pension de 500 fr. La pension accordée à ces officiers qui sont dignes de toute la sollicitude du pays, qui ont des litres sa reconnaissance, ne va pas même au tiers du traitement d'activité.
Dans l'ordre civil, le fonctionnaire qui doit se retirer par suite de blessures ou d'accidents survenus dans l'exercice ou à l'occasion de l’exercice de ses fonctions, n'a droit, après dix années de service, qu'au tiers du traitement d'activité ; et ce qui est beaucoup plus fort, j'appelle sur ce point toute l'attention de la chambre, si ce fonctionnaire, qui doit se retirer pour blessures ou accidents, a donné des preuves de courage et de dévouement extraordinaires, il n'a droit, après dix ans de service, qu'aux cinq douzièmes du traitement d'activité.
Ces exemples que je viens de citer, et je pourrais en citer d'autres, me paraissent, messieurs, concluants en faveur de ma proposition. Vous penserez sans doute, comme moi, que les fonctionnaires civils peuvent se contenter de la position qui est faite, dans des cas identiques, aux officiers de l'année pour lesquels le législateur a toujours montré une sollicitude toute particulière. Vous penserez, sans doute, comme moi, que si celui qui se retire des fonctions publiques, après avoir donné des preuves d'un courage et d'un dévouement extraordinaires, qui à la suite de ce dévouement est devenu infirme et incapable de travail, n'obtient que les cinq douzièmes du traitement d'activité, les fonctionnaires dont l'emploi est supprimé, qui sont encore valides et en état de pourvoir à leurs besoins par le travail, auraient mauvaise grâce de se plaindre, si on leur accordait la moitié du traitement d'activité.
Ma proposition, messieurs, est non seulement fondée en raison et en justice; elle présente, en outre, cet avantage que les fonctionnaires (page 542) auxquels on n'accorderait qu'un traitement d'attente équivalent à la moitié du traitement d'activité, seraient beaucoup plus stimulés, que s'ils en avaient les deux tiers, à faire des démarches actives pour obtenir de nouvelles fonctions. Les charges qui pèseront sur le pays seront ainsi plus tôt allégées.
En 1839, on a accordé à plusieurs fonctionnaires des parties cédées des traitements d'attente très élevés. Qu'en est-il résulté ? C'est que quelques-uns de ces fonctionnaires, trouvant la position fort bonne, fort commode, ont presque toujours, lorsqu'il y avait des places vacantes, laissé le champ libre aux solliciteurs. A l'heure qu'il est, il y a encore de ces fonctionnaires qui ne sont pas replacés et qui vivent depuis dix ans, sans rien faire, aux dépens du trésor public. C'est là, messieurs, un abus dont il faut, autant que possible, prévenir le retour.
Le chiffre porté au budget pour les traitements d'attente est de 500,000 fr. Si ce chiffre paraît suffisant à M. le ministre des finances, pour l'exécution de son système, le chiffre de 450,000 fr., proposé par la section centrale, peut paraître suffisant pour l'exécution du système de la section centrale, et à plus forte raison pour l'exécution du mien, qui est le moins onéreux pour le trésor. La section centrale admet le maximum de 2/3 pour la partie des traitements qui n'excède pas 2,000 fr.; ce n'est que pour l'excédant, que la section centrale réduit le maximum à la moitié.
Je ne puis me rallier au système de la section centrale, que je trouve trop compliqué; je ne puis admettre qu'il y ait deux règles d'appréciation pour un même traitement; qu'il y ait un maximum pour la partie d'un traitement jusqu'à 2,000 francs, et un autre maximum pour la partie de ce même traitement qui dépasse 2,000 francs. Lorsque j'ai proposé une retenue sur les traitements, j'avais établi une distinction entre les traitements au-dessous de 2,000 francs, et ceux qui excèdent cette somme.
Mais cette distinction ne portait pas sur les parties d'un même traitement; et elle n'a pas été admise par la chambre, bien qu'elle soit plus applicable au système des retenues qu'à celui des traitements d'attente. Je ne pense pas, en effet, que les petits employés trouveront plus de difficultés à se placer que les employés d'un rang supérieur.
Je propose aussi un système plus simple que celui de la section centrale, je demande que les traitements temporaires, à part les cas formellement exceptés par la loi, ne puissent dépasser la moitié des traitements d'activité.
Je ne tiens pas infiniment à ce qu'on réduise le chiffre du budget, qui n'est qu'éventuel et approximatif; je tiens plutôt à ce qu'on modifie les bases de répartition. Ce n'est pas en réduisant le chiffre, c'est en modifiant les bases de répartition que nous obtiendrons une économie réelle.
Je ne terminerai pas, messieurs, sans répondre à une objection qui a été produite plusieurs fois dans cette enceinte et qui s'est encore retrouvée avant-hier dans le discours de l'honorable M. de Denterghem. Cette objection consiste à dire que ces économies dont on fait tant de bruit et qui sont si dures pour ceux qu'elles frappent, n'apportent, en définitive, qu'un léger soulagement aux contribuables. Ce n'est, dit-on, que quelques centimes par habitant. Mettons-nous en garde, messieurs, contre cette manière de raisonner, car si vous rejetez les économies proposées par ce motif que chacune d'elles, prise isolément, n'apporte qu'un léger soulagement aux contribuables, vous finiriez par imposer aux contribuables des charges très lourdes, sous le poids desquelles ils pourraient bien plier.
M. le président. - Voici l'amendement déposé par M. Delfosse.
« Je propose d'insérer ce qui suit dans la colonne d'observations :
« Hors les cas formellement exceptés par la loi, les traitements temporaires ne pourront pas dépasser la moitié des traitements d'activité. »
M. Osy. - Messieurs , nous avons maintenant trois systèmes, celui du gouvernement, celui de la section centrale et celui de l'honorable M. Delfosse.
Le gouvernement se propose de fixer les traitements temporaires au minimum, à la moitié, pour les fonctionnaires ayant moins de 10 années de service, et au maximum, aux deux tiers des traitements, pour ceux qui auront plus de 10 années de service.
La section centrale propose d'allouer les deux tiers du traitement normal, pour les deux premiers milliers de francs, et la moitié pour l'excédant, s'il y en a.
Enfin, l'honorable M. Delfosse propose d'autoriser le gouvernement à allouer la moitié du traitement à tous les fonctionnaires. Je réserve mon vote sur ces propositions.
Mais je voudrais qu'on adoptât des garanties contre l'accroissement de la charge qu'on va imposer au trésor. Je voudrais que les divers ministres prissent tous la résolution de ne plus accorder d'emplois à des personnes étrangères à l'administration, avant que les fonctionnaires qu'on est obligé de mettre au traitement d'attente, soient replacés dans un grade équivalent; je voudrais, en outre, qu’il fût expressément stipulé que tout fonctionnaire de cette catégorie, à qui le gouvernement offrirait un poste équivalent, dans une résidence quelconque, fût rayé du budget, s'il ne consent pas à accepter ce poste.
Voici pourquoi je fais cette observation : Aux affaires étrangères, on paye aussi des traitements d'attente aux diplomates qui ne sont pas replacés. Eh bien, on m'a assuré qu'on a offert à un diplomate, dont la résidence a été supprimée ; qu'on lui a offert en vain deux résidences différentes avec son ancien grade; et nonobstant on continue de lui payer son traitement d'attente. C'est un abus qui ne doit pas se renouveler.
Je voudrais que le gouvernement donnât la préférence aux fonctionnaires nés belges sur les fonctionnaires naturalisés, pour les tenir en activité de service. Je connais aux travaux publics des fonctionnaires belges qui, après dix ans de services, sans avoir obtenu toutefois une commission définitive, sont purement et simplement renvoyés, tandis qu'il y a des étrangers que l'on conserve, quoiqu'ils n'aient pas non plus de commission définitive. Je le répète, les fonctionnaires nés Belges doivent avoir la préférence sur les fonctionnaires naturalisés. Quant aux étrangers non naturalisés, ceux-là ne doivent plus surtout figurer au budget.
L'honorable M. Delfosse vient de rappeler qu'en 1839 on a mis au traitement d'attente beaucoup de fonctionnaires de l'ordre judiciaire qui ne sont pas replacés jusqu'ici, tandis que nous voyons tous les jours, des nominations, dans l'ordre judiciaire, de personnes qui sont étrangères à l'ordre judiciaire. Pourquoi ne pas donner la préférence à ceux qui attendent depuis 10 ans? C'est encore un abus.
Messieurs, le système des traitements d'attente nous vient du gouvernement hollandais; au moment de la révolution nous avions pour 80 mille francs de traitements d'attente ; à l'heure qu'il est nous en avons encore pour 37 mille francs au budget de la dette publique. Vous voyez que depuis 18 ans on n'a pas rappelé ces employés à l'activité. Je sais que dans le commencement plusieurs n'ont pas voulu servir le gouvernement belge; mais alors on n'aurait pas dû leur continuer le traitement d'attente. J'engage M. le ministre, si cela se représentait, à prendre des mesures sévères. Car je ne doute pas que M. le ministre ne replace les anciens fonctionnaires avant d'en nommer de nouveaux. Je l'invite en outre à employer des Belges de préférence. Il aurait été plus convenable de fixer les traitements d'attente par une loi, nous aurions pu y insérer certaines stipulations.
- M. Verhaegen remplace M. Destriveaux au fauteuil.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, un traitement d'attente doit être donné aux fonctionnaires publics momentanément sans emploi. C'est un point sur lequel tout le monde est d'accord. Le gouvernement fait figurer au budget qui vous est actuellement soumis une somme de 500 mille francs pour faire face au payement de ces traitements aux employés du département des finances. La section centrale propose de réduire cette allocation d'une somme de 50 mille francs. Mais la section centrale reconnaît qu'elle n'a aucune base d'appréciation pour proposer une telle réduction.
D'un autre côté le chiffre du gouvernement n'a été fixé que d'une manière approximative parce qu'il était impossible de calculer exactement à l'avance quelle serait la somme nécessaire pour faire face à toutes les éventualités. Que l'on maintienne intégralement le chiffre du gouvernement, qu'on le réduise de 50 mille fr., cela est sans valeur, au surplus, il n'en résultera ni avantage ni préjudice pour l'Etat. Ce qui est à examiner, c'est le système à appliquer pour la répartition d'un fonds quelconque mis à la disposition du gouvernement. Mais il est important qu'on ne suppose pas qu'on fait une économie parce qu'on réduit le chiffre de cinquante mille francs. Quel est le système qu'il convient d'adopter? Trois systèmes sont en présence : celui du gouvernement qui veut allouer aux fonctionnaires ayant moins de dix ans de service la moitié du traitement dont ils jouissent actuellement, et les deux tiers à ceux qui ont plus de dix années de service; celui de la section centrale qui propose d'allouer les deux tiers du traitement, à tous les fonctionnaires qui jouissent d'un traitement de deux mille francs et la moitié de ce qui excède deux mille francs, et le troisième proposé par M. Delfosse, qui veut qu'en tout cas, soit que les fonctionnaires aient 2, 10 et 20 ans de service, on leur alloue la moitié du traitement actuel. (Interruption.) Encore, y a-t-il aggravation, d'après l'observation que me fait l'honorable M. Delfosse, car la moitié du traitement c'est le maximum ; le gouvernement pourra, c'est-à-dire que, dans la pensée de l'honorable membre, le gouvernement devra allouer une somme moindre à ceux qui auront moins de dix ans de service.
Pour être juste même il devra le plus souvent allouer une somme moindre; il ne devra pas allouer indistinctement à tous les fonctionnaires la moitié du traitement; on considérerait avec raison comme inique l'allocation de la moitié de leurs traitements aux fonctionnaires ayant 20 ou 25 ans de service comme à ceux qui n'ont que quelques années de services.
Le système de la section centrale doit-il être suivi? Je ne le pense pas. D'abord, veuillez remarquer qu'il n'est pas de nature à avoir pour résultat une dépense moindre que celui du gouvernement. La différence sera insignifiante. En voici la raison : Du moment qu'on porte l'allocation aux deux tiers pour tous les traitements indistinctement de 2,000 fr. ou au-dessus, on est d'accord sur l'application du principe conformément aux vues du gouvernement.
Or, combien y a-t-il de traitements au-dessus de deux mille francs? Très peu. La moyenne du traitement des employés supprimés ne représente pas peut-être deux mille francs, de telle sorte que, soit que l'on adopte le principe de la section centrale ou celui du gouvernement, le même crédit, selon toutes les vraisemblances devra, être alloué. Comme la section centrale ne paraît pas faire de distinction entre les années de service, comme elle laisse toute latitude au gouvernement, qu'elle ne pose pas de règle précise d'après laquelle ou devrait tenir compte des années de service; il en résulte qu'on allouerait plus souvent 2/3 que la moitié des traitements et que peut-être ce système deviendrait plus onéreux que celui du gouvernement. Ce système conduirait en outre à une véritable injustice.
Prenons pour exemple un traitement de 8 mille francs. Dans le (page 543) système du gouvernement celui qui a moins de 40 ans de service a un traitement d'attente de 4 mille et celui qui a plus de 10 ans a 5,333 francs ; dans le système de la section centrale le premier a 4 mille francs et le second 4,333 fr. 33 c. cela serait-il juste? Serait-il juste d'allouer 4 mille francs à celui qui n'a que quelques années de service et 4,333 francs seulement à celui qui a un nombre d'années de service beaucoup plus considérable? Je cite un traitement élevé pour faire sentir plus vivement l'effet du système de la section centrale. Mais, du reste, l'observation capitale est que ce système n'a pas pour résultat de réduire la dépense qui incomberait à l'Etat.
Le système de l'honorable M. Delfosse est-il équitable ? L'honorable membre argumente de ce qui se passe à l'égard des militaires. Il dit : Tout militaire mis en non-activité n'a droit qu'à la demi-solde. Pourquoi un fonctionnaire mis en non-activité aurait-il droit à un traitement supérieur?
Dans l'armée, il y a quatre positions particulières pour l'officier sans emploi d'activité :
La position de disponibilité.
de non-activité,
de réserve,
de réforme.
La disponibilité, comme l'a fait observer l'honorable M. Delfosse, ne s'applique qu'à l'officier supérieur. En cas de mise en disponibilité, l'officier supérieur a droit aux deux tiers de sa solde.
En cas de non-activité, position dans laquelle doit être placé l'officier subalterne, la moitié de la solde doit être allouée.
Il est alloué une somme moindre dans le cas de mise au traitement de réforme.
Mais dans le cas de mise à la réserve, cette position est beaucoup plus favorable.
Les officiers généraux mis dans la section de réserve ont droit aux trois cinquièmes de leur traitement ; les officiers subalternes ont les deux tiers. C'est la disposition de l'article 4 de la loi du 19 mai 1845.
En règle générale, la position de non-activité n'est donnée à l'officier que par suite de mesure disciplinaire.
M. Delfosse. - C'est une erreur.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas une erreur. Si vous voulez bien ne pas m'interrompre, vous comprendrez que je suis dans la vérité.
Je sais que l'on peut placer les officiers en non-activité pour quatre causes :
Suppression d'emploi ;
Licenciement du corps dont l'officier fait partie;
Etat de santé de l'officier ;
Et enfin mesure disciplinaire.
Dans ces divers cas, en droit, cette position peut être attribuée à l'officier. Mais, en fait, la position de non-activité étant très dure n'est presque jamais attribuée que par mesure disciplinaire. C'est là ce qu'il faut considérer.
Mais il y a, à égard de l'officier, des raisons particulières qu'on ne peut faire valoir à l'égard des fonctionnaires civils. L'officier est presque toujours célibataire. Ou bien, s'il n'est pas célibataire, il a quelque revenu par sa femme. La présomption légale est contre lui; il faut qu'il y ait eu fraude pour qu'il n'en soit pas ainsi. Il est censé avoir par sa femme un revenu assez notable eu égard à son traitement. Ce qui n'existe pas pour les fonctionnaires civils. Les fonctionnaires civils, à la différence des militaires, sont presque tous mariés. Presque aucun n'a de ressources autres que son traitement. Ainsi l'assimilation ne serait pas juste.
Aussi, lorsque les chambres ont eu à statuer, en diverses circonstances, sur la position qu'elles devaient faire à des fonctionnaires civils dont les emplois étaient supprimés, ont-elles été beaucoup plus libérales que l'honorable M. Delfosse. Les chambres ont alloué, en 1839, par une loi formelle, l'intégralité du traitement pendant la première année, et les deux tiers pendant l'année suivante aux employés des territoires cédés. C'est de ce précédent législatif que je me suis armé pour soutenir qu'il faut attribuer aux fonctionnaires dont les emplois sont supprimés les deux tiers de leur traitement.
Je ne sais, au surplus, si la question n'a pas été jugée par cette chambre. La discussion a été soulevée sur ce point lors de l'examen du budget des affaires étrangères.
L'honorable M. Delfosse fait un signe négatif. Mais je vois, aux développements du budget des affaires étrangères : « Art. 43. Réserve aux deux tiers de solde. » On a déclaré à la section centrale que le traitement de mise en disponibilité serait des deux tiers de la solde, et la chambre a voté l'allocation. Il n'y a pas eu de débat ; je l'admets, (interruption.) La question a été réservée au budget de la justice, mais je ne me souviens pas que l'on ait fait la même observation au budget des affaires étrangères.
M. Delfosse. - J'ai fait la même réserve dans la discussion du budget des affaires étrangères.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quoi qu'il en soit, la question a été soulevée dans les sections, lors de l'examen du budget des affaires étrangères, et la section centrale qui a nécessairement recherché avec le plus grand soin, avec le plus grand scrupule toutes les économies possibles, a voté l'allocation, après avoir entendu les explications qui ont été données par mon honorable collègue des affaires étrangères. Je puis me prévaloir de l'opinion de cette section centrale.
On argumentait alors comme aujourd'hui. Il s'agissait là de quelques fonctionnaires qui sont officiers, auxquels on pouvait opposer la loi de 1836. On a répondu ainsi :
« On propose d'allouer seulement la moitié de la solde aux officiers placés dans la réserve et momentanément sans emploi.
« La loi du 16 juin 1836 sur la position des officiers stipule que la disponibilité est la position de tout officier supérieur momentanément sans emploi. La solde de cette position est fixée aux 2/3 du traitement d'activité. En présence de ces stipulations, il paraît difficile de mettre un officier supérieur de la marine à la demi-solde, lorsque la loi du 16 juin 1836 lui en garantit en quelque sorte les deux tiers.
« Pour les officiers subalternes, la loi ne stipule pas la position de disponibilité; mais peut-on, sans une rigueur inouïe, mettre à la demi-solde des officiers dont la solde entière est de 2,520 francs, de 2,100 fr. ou même de 1,260 francs?
« Il est impossible qu'un officier puisse vivre, comme le prescrit son rang, avec une somme aussi minime.
« Du reste, l'économie que l’on obtiendrait en mettant à la demi-solde les officiers subalternes serait bien faible. Les officiers supérieurs, comme nous l'avons dit plus haut, ont droit, d'après la loi, aux 2/3 de solde. »
Suit un calcul d'où il résulte que les économies à obtenir seraient insignifiantes, puisqu'elles ne s'élèveraient pas à plus de 7,600 fr. et l'on poursuit ainsi :
« Les officiers d'infanterie qui, par suite de la loi sur l'organisation militaire votée, il y a trois ans, ont été mis dans la position de réserve, ont reçu les 2/3 de leur solde.
« La non-activité, position dans laquelle l'officier ne reçoit que la moitié du traitement du grade correspondant dans l'infanterie, est une punition pour les officiers valides. C'est l'état dans lequel se trouve normalement l'officier qui ne peut continuer son service par suite d'infirmités. »
En effet, c'est en réalité ce qui s'est présenté, à de rares exceptions près. On ne place dans la position de non-activité que des officiers auxquels il y a quelque reproche à adresser. C'est une véritable punition, car la moitié d'un traitement qui n'est pas trop élevé (il en est de même pour les fonctionnaires civils) est en réalité insuffisant pour vivre.
Qu'en serait-il surtout à l'égard des fonctionnaires civils, presque toujours chargés de famille ? Ce serait les réduire à la misère. Les économies qui devraient en résulter ne seraient pas non plus fort notables. Je ne puis déterminer dès à présent la différence qui pourrait en résulter.
Mais l'économie, qui ne serait pas fort notable, n'est pas d'ailleurs de nature à être prise en considération par la chambre ; les traitements d'attente que nous proposons aujourd'hui disparaîtront dans un espace de temps fort rapproché. J'ai déjà annoncé à la section centrale que le fonds de 500,000 fr. sera très probablement réduit de 300,000 fr. au budget de 1850.
Certes, messieurs, comme le dit l'honorable M. Osy, il y aura accroissement du fonds des pensions. Ces deux choses sont corrélatives. Mais en thèse générale la pension sera encore moins onéreuse que le traitement proposé par l'honorable M. Delfosse. C'est ce qu'il y a de moins onéreux pour l'Etat ; autant que possible, du moment où les fonctionnaires se trouveront dans les conditions déterminées par la loi, on les admettra à la pension.
Il y aura accroissement du fonds des pensions et réduction des traitements de non-activité. Mais il y aura réduction par d'autres causes. Il y aura réduction, parce que le gouvernement se hâtera de donner des positions aux fonctionnaires qui seront momentanément sans emploi.
On ne nomme plus personne dans l'administration. J'ai passé déjà un espace de temps assez long dans deux ministères, et c'est à peine si j'ai eu le bonheur de faire une seule nomination. C'est très exceptionnellement que depuis que je suis au ministère, j'ai pu faire quelque chose pour un fonctionnaire.
Dans tous les ministères il en est ainsi. Il n'y a plus eu d'introduction de personnes nouvelles dans l'administration. Il y a maintenant un nombre assez considérable d'emplois vacants, principalement au département des finances, parce que le nombre des fonctionnaires y est considérable, et c'est ce qui explique, comment, dès 1850, la somme de 500,000 fr. pourra être ramenée, je l'espère, du moins, à 200,000.
Je crois, messieurs, qu'il n'est pas juste, qu'il n'est pas prudent, qu'il n'est pas d'une bonne politique, pour une économie qui n'est pas importante, de jeter le trouble parmi les fonctionnaires qui seront déjà assez malheureux de se trouver momentanément privés de leur emploi. La réduction du tiers de leur traitement pour les uns, de la moitié pour les autres, c'est bien assez. Il me semble qu'on ne doit pas aller au-delà.
(page 544) L'honorable M. Osy a demandé que le gouvernement prit l'engagement de replacer, aussitôt que possible, le gouvernement dont les emplois sont supprimés. J'ai déjà dit que les membres du cabinet prenaient bien volontiers cet engagement, et cet engagement sera tenu. Il n'aura pas égard aux sollicitations que redoute l'honorable M. Osy, ni aux velléités des fonctionnaires qui se croiraient autorisés à ne pas accepter des fonctions pour jouir de leur traitement d'attente. Les fonctionnaires accepteront les fonctions que l'administration croira devoir leur indiquer dans l'intérêt du service et ils n'en seront exemptés sous aucun prétexte.
Quant à employer les Belges de préférence aux étrangers, c'est une obligation que le gouvernement remplira. Il y a fort peu d'étrangers dans l'administration. Je ne sais s'il en existe un seul au département des finances. Ainsi, pour ce qui me regarde, il me sera très facile de répondre au vœu de l'honorable membre.
L'honorable M. Osy nous a dit qu'il y avait des étrangers au département des travaux publics. Je ne sais si tous ne sont pas naturalisés. Mais il en est qui sont entrés au service de l'Etat, appelés par le gouvernement, et envers qui l'on est lié par des contrats. Ceux-là sont dans une position qui doit être respectée.
Messieurs, la question, comme vous le voyez, n'a pas une grande importance. Le département où se trouve le plus grand nombre d'employés qui devront être mis en non-activité, c'est le département des finances. C'est au budget de ce département que se trouve l’allocation la plus forte; mais cette allocation sera rapidement réduite. Il y aura 300 mille francs de moins au budget de 1850, selon toutes les prévisions. C'est vous donner la mesure de ce que le gouvernement accomplira. Il est probable qu'avant un court espace de temps, ces traitements d'attente auront disparu.
Il y a exceptionnellement un ou deux fonctionnaires qui jouiront d'un traitement d'attente, quoiqu'ils aient très peu d'années de service. Ils sont dans le cas d'obtenir la moitié de leur traitement. On pourra dire plus tard que pour ceux-là l'état de non-activité se prolonge indéfiniment ; qu'on n'a pas trouvé à les employer; mais c'est qu'il sera impossible de le faire. J'en avertis la chambre.
Cela s'appliquera notamment à un fonctionnaire du département des finances. J'ai presque la certitude, dès ce moment, qu'en raison de son âge, il serait impossible de lui donner de nouvelles fonctions. Il jouira donc probablement, pendant un espace de temps assez long, d'un traitement d'attente. Mais encore une fois, c'est là et ce sera une rare exception.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a reconnu, comme M. le ministre des finances vient de le rappeler, qu'il était impossible d'invoquer aucun élément positif pour déterminer dès à présent le chiffre du crédit nécessaire pour indemniser les employés qui seront mis en disponibilité. La section centrale, en vous proposant une réduction de 50,000 fr., n'a pu évaluer qu'approximativement les résultats que l'application de son système pourra amener.
C'est à tort que M. le ministre des finances a pensé que la section centrale avait écarté, d'une manière absolue, la condition de durée des services. Si elle n'a pas fait de proposition formelle à cet égard, c'est qu'elle a cru qu'une large part devait être laissée à l'appréciation de M. le ministre des finances ou plutôt à l'équité. Elle n'avait pas à formuler un projet de loi spécial sur la matière.
La section centrale, messieurs, a voulu concilier, autant que possible, les intérêts légitimes des fonctionnaires, avec l'urgence du moment, avec les nécessités du trésor. On a dit que l'intérêt particulier devait céder à l'intérêt public; mais chaque individu est une partie de la nation. L'intérêt public représentant la masse des intérêts individuels, ceux-ci doivent tous entrer en ligne de compte.
Outre la question d'humanité et de justice, il y a une considération, c'est celle de prudence. Il ne faut pas, messieurs, qu'à l'avenir les économies deviennent pour ainsi dire impossibles, par les résistances qu'elles rencontreront de toutes parts.
Ce sont ces considérations, messieurs, qui ont déterminé la section centrale à rejeter la proposition que l'honorable M. Delfosse vient de reproduire. Elle s'est surtout préoccupée de la position d'un grand nombre de petits employés. Leur traitement réduit à moitié, bien loin de leur offrir des moyens suffisants d'existence, serait à peine un secours. Pour ne citer qu'un exemple, messieurs, je vous demanderai si un douanier pourra vivre, en attendant qu'il soit replacé, avec un subside d'environ 500 francs.
Il importe de remarquer d'ailleurs que les employés qui jouiront d'un traitement temporaire, ne pourront pas s'occuper d'autres travaux, puisqu'ils resteront à la disposition de M. le ministre des finances.
Le système de la section centrale est un terme moyen ; la section centrale a tenu compte des circonstances exceptionnelles qui avaient amené les réformes et qui ont empêché, comme cela avait eu lieu jusqu'à présent dans des circonstances analogues, d'introduire les réformes successivement, en profitant du mouvement occasionné par les places devenues vacantes.
La section centrale a pensé aussi, messieurs, qu'il était impossible d'assimiler les fonctionnaires civils aux militaires. M. le ministre des finances a fait valoir à cet égard des considérations que nous nous abstiendrons de reproduire. Nous croyons qu'il faut autant que possible, et c'est là le but que la majorité de la section centrale s'était proposé, concilier les nécessités du trésor avec la position pénible qui sera faite aux fonctionnaires dont les emplois seront supprimés. Nous croyons qu'il serait difficile de prescrire des règles absolues pour tous les cas qui se présenteront; nous nous sommes bornés à poser des limites que le gouvernement ne pourra point franchir. Ce qui a préoccupé la majorité de la section centrale et ce qui doit encore vous préoccuper, messieurs, c'est la position des petits fonctionnaires, que nous ne devons pas jeter dans un état voisin de la mendicité.
M. Delfosse. - Messieurs, je répondrai d'abord à ce que vient de dire l'honorable rapporteur de la section centrale. L'honorable rapporteur a signalé à votre attention la position malheureuse qui serait faite aux petits employés si on ne leur accordait que la moitié de leur traitement. Ils seraient, dit l'honorable rapporteur, dans un état voisin de la mendicité. Je lui ferai remarquer que dans bien des cas ces petits employés n'auront, dans le système du gouvernement lui-même, que la moitié du traitement d'activité; la plupart de ceux qui n'ont pas dix années de service se trouveront dans ce cas. Cependant l'honorable rapporteur ne combat pas cette partie de la proposition du gouvernement. L'honorable rapporteur est tombé dans une erreur complète lorsqu'il a soutenu que les employés dont l'emploi sera supprimé resteront à la disposition du gouvernement; ils ne seront à la disposition du gouvernement qu'en ce sens que le gouvernement pourra les appeler à d'autres fonctions; mais aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas usé de ce droit, ils seront entièrement libres, ils pourront employer leur temps comme ils le jugeront convenable.
M. le ministre des finances ne me paraît pas avoir répondu d'une manière plausible à la comparaison que j'ai faite entre la position des militaires en non-activité et celle que l'on veut donner aux employés dont l'emploi sera supprimé. M. le ministre a dit que les militaires peuvent être mis en non-activité pour quatre causes, pour motif de santé, pour licenciement de corps, pour suppression d'emploi et par mesure disciplinaire.
M. le ministre a ajouté que cette dernière cause est celle qui agit le plus fréquemment. Je ne sais, messieurs, si cela est bien exact. Lorsque les officiers commettent des fautes graves, ils doivent être punis par la mise à la réforme plutôt que par la mise en non-activité. Quoi qu'il en soit, M. le ministre des finances a reconnu que la mise en non-activité peut avoir lieu pour suppression d'emploi, et cela suffit pour que mon argument conserve toute sa force. (Interruption.)
La loi de 1836 porte que la mise en non-activité peut avoir lieu pour suppression d'emploi. Voyez l'article 12 de cette loi.
Je ne suppose pas qu'on fasse des lois pour ne pas les exécuter. La loi, je le répète, porte que la mise en non-activité peut avoir lieu pour suppression d'emploi, et, dans ce cas, elle n'accorde que la moitié du traitement d'activité. En quoi, s'il vous plaît, la position des fonctionnaires dont nous nous occupons, est-elle différente de celle des officiers dont on supprime l'emploi? Je n'admets pas la comparaison que M. le ministre des finances a faite entre ces fonctionnaires et les officiers de la réserve. L'officier qui est dans la réserve fait réellement partie de l'armée; il est constamment à la disposition du ministre de la guerre, il peut être appelé chaque jour à faire un service.
On ne peut évidemment comparer le fonctionnaire civil dont on supprime l'emploi, à l'officier de la réserve; ce fonctionnaire doit, si l'on veut rester vrai, être comparé à l'officier mis en non-activité, pour suppression d'emploi. Eh bien, si vous n'accordez que la moitié du traitement d'activité aux officiers de cette catégorie, vous ne pouvez, sans être inconséquents et injustes, accorder davantage aux fonctionnaires civils dont l'emploi est supprimé. M. le ministre des finances a trouvé cette raison de différence que les officiers sont célibataires ou mariés à des femmes ayant une certaine fortune, parce que l'on n'autorise qu'à cette condition le mariage des officiers. M. le ministre des finances n'a pas remarqué qu'en soutenant cette thèse il se mettait en opposition avec M. le ministre de la guerre, qui a toujours prétendu qu'il faut accorder des avantages particuliers aux officiers de notre armée, afin que cette carrière, qui expose à tant de privations et à tant de dangers, ne soit pas abandonnée.
Si les officiers se trouvent dans une position meilleure, parce qu'ils sont célibataires ou mariés à des femmes riches, pourquoi donc leur accordez-vous, dans bien des cas, une pension qui dépasse le maximum assigné aux pensions civiles ? Que le gouvernement soit conséquent ; qu'il ne vienne pas, lorsqu'il défend l'armée, soutenir qu'il y a quelque chose de plus à faire pour les officiers, et lorsqu'il défend les fonctionnaires civils, soutenir que ceux-ci doivent être les mieux traités.
M. le ministre des finances a invoqué une fin de non-recevoir, tirée d'un vote que la chambre a émis sur le budget des affaires étrangères. Je regrette que M. le ministre des finances ait eu recours à ce moyen. Lorsque nous avons voté l'article du budget des affaires étrangères, dont M. le ministre des finances a parlé, l'heure était avancée, la chambre était impatiente de finir le budget, il était impossible d'ouvrir une discussion sérieuse sur la grave question des traitements d'attente. J'ai demandé alors que la question fût réservée.
- Un membre. - C'est au budget de la justice que cette déclaration a été faite.
M. Delfosse. - J'ai fait cette déclaration dans la discussion du budget de la justice, mais je l'avais faite aussi dans la discussion du budget des affaires étrangères; le moment est maintenant venu d'examiner et (page 545) de résoudre la question. Qu'on ne vienne donc pas nous opposer une fin de non-recevoir.
En proposant de fixer le maximum à la moitié du traitement d'activité, j'ai entendu laisser une certaine latitude au gouvernement ; le gouvernement pourra aller jusque-là, mais il pourra rester en deçà. Il faut qu'il en soit ainsi ; je ne pense pas, en effet, qu'un fonctionnaire qui ne serait, par exemple, au service de l'Etat que depuis quelques mois, qui pourrait retrouver seulement la position qu'il aurait abandonnée; je ne pense pas, dis-je, qu'on doive donner à ce fonctionnaire la moitié du traitement d'activité. Ce serait trop.
M. le ministre des finances a soutenu que la différence qui résulterait de ma proposition et de celle du gouvernement serait peu importante. Cette observation n'est vraie que pour la proposition de la section centrale. L'adoption de ma proposition amènerait, au contraire, une économie considérable; cette économie irait, au moins, à 60,000 francs; ce n'est certes pas une économie à dédaigner dans les circonstances actuelles ; elle est d'autant moins à dédaigner, que, pour réaliser des économies qui ne seront pas aussi importantes, le gouvernement touche à des institutions que beaucoup de personnes ont à cœur de conserver.
M. le ministre des finances nous a fait espérer que les traitements d'attente disparaîtront dans un espace de temps fort court. Je le désire, mais quand je me rappelle ce qui s'est passé en 1839, quand je vois que des fonctionnaires, mis alors au traitement d'attente, ne sont pas encore replacés, j'ai quelque inquiétude. Il n'est pas certain, bien que je le désire fort, que M. le ministre des finances reste assez longtemps au ministère pour pouvoir replacer tous les fonctionnaires dont les emplois vont être supprimés; et je crains que ses successeurs ne soient pas aussi fermes que lui. On sait ce qui arrive; quand une place est vacante, une foule de solliciteurs se mettent en mouvement pour l'obtenir; loin de faire des démarches pour l'emporter, les fonctionnaires qui jouiront d'un traitement d'attente élevé ne laisseront-ils pas le champ libre aux solliciteurs? Ne feront-ils pas même des démarches indirectes pour que ces derniers soient préférés ?
M. le ministre des finances a terminé par une considération qui se rapproche de celle qui a été présentée par l'honorable rapporteur et à laquelle j'ai déjà répondu : c'est que les fonctionnaires seront assez malheureux de perdre un tiers de leur traitement. Cela serait vrai sans doute, si on leur enlevait ce tiers sans compensation ; mais ne perdons pas de vue qu’ils reprendront leur liberté, jusqu'au moment où ils seront replacés; qu'ils pourront jusque-là utiliser leur temps, et que, s'ils ont quelque capacité, ils trouveront facilement le moyen de compenser la perte du tiers et même de la moitié de leur traitement; ne perdons surtout pas de vue nos embarras financiers.
M. de Mérode. - Messieurs, on a fait une comparaison entre les officiers et les fonctionnaires de l'ordre civil. Pourquoi les officiers peuvent-ils être réduits à la moitié du traitement, sans en éprouver un aussi grand préjudice que les fonctionnaires de l'ordre civil? C'est que l'état d'officier est un état où il y a une sorte de parade qui est nécessaire dans cette profession. Ainsi l'officier, en état de service, use beaucoup d'uniformes et d'objets d'équipement; il est ensuite obligé de vivre en commun avec ses camarades; et voilà pourquoi l'officier qui est mis en non-activité, devenant tout à fait libre dans sa manière de vivre, peut beaucoup mieux se tirer d'embarras avec la moitié de sa solde, que l'employé de l'ordre civil.
L'employé de l'ordre civil a la même position, lorsqu'il est en activité, que lorsqu'il n'est pas en activité. Prenez un magistrat. Un magistrat n'est tenu à aucune espèce de dépenses obligatoires ; il s'arrange et il se loge comme il le veut; aucune obligation de ce chef ne lui est imposée comme au militaire en activité de service.
Voilà pourquoi le gouvernement, qui ne s'occupe pas du mariage des employés de l'ordre civil, s'oppose à ce qu'un officier se marie, lorsque la femme qu'il épouse ne lui apporte pas des moyens d’existence pour elle-même, parce que l'on considère qu'un officier est obligé d'employer toute sa solde pour son propre usage, lorsqu'il est en activité de service, ce qui n'a pas lieu pour l'employé de l'ordre civil. L'observation qu'a faite l'honorable M. Delfosse, relativement au mariage, prouve donc précisément le contraire de ce qu'il voulait démontrer.
Mais quant à l'observation qu'a présentée le même honorable ministre sur l'inconvénient qu'il y aurait à ne pas replacer les employés dont la position serait la non-activité, je reconnais que si le gouvernement n'exige pas absolument que l'employé de cette catégorie accepte la place qui se trouvera vacante, il en résultera une charge inutile pour le trésor. Et ici j'abonde dans le sens de l'honorable M. Osy, quand il a dit tout à l'heure que les divers ministres devraient tomber d'accord sur ce point que quand il y aura des places vacantes, elles seront données aux employés mis en non-activité par suite de suppression d'emplois. Si cela est ainsi entendu, je ne vois pas qu'on doive modifier en quoi que ce soit 1 les propositions de M. le ministre des finances.
M. Jullien. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour prier, soit M. le ministre des finances, soit M. le rapporteur de la section centrale, de vouloir bien faire connaître à la chambre le chiffre approximatif des traitements inférieurs à 2,000 fr. ainsi que des traitements supérieurs à 2,000 fr., dont jouissent maintenant les employés du département des finances qui devront être mis en non-activité.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J’ai déjà eu l'honneur de dire à la chambre que nous ne pouvons pas donner une statistique exacte des traitements des fonctionnaires dont les emplois seront supprimés; mais en prenant la moyenne des traitements du département des finances, on arriver à cette conclusion que la moyenne est inférieure à 2,000 francs.
M. Le Hon. - Messieurs, entre les trois propositions qui sont soumises à la chambre, pour fixer les traitements d'attente des titulaires des fonctions qu'on va supprimer, je me prononcerai pour celle du gouvernement. J'en dirai les motifs en peu de mots.
J'applaudis sans réserve à l'esprit de fermeté et de résolution qu'a porté M. le ministre des finances dans l'examen des services de son département; conformément au vœu du pays et de la chambre, il a puisé l'économie à sa véritable source, dans le système d'organisation.
L'exemple qu'il a posé est bien rare; il est unique peut-être dans nos annales administratives. Comment se fait-il que le ministre des finances actuel soit le premier qui ait osé prendre la responsabilité de changements aussi sérieux, aussi essentiels dans l'organisation des services de son département? Je n'en trouve qu'ici un seul motif : c'est que tous ses prédécesseurs se sont arrêtés devant l'écueil des positions acquises : qu'il leur a répugné de blesser profondément l'individu et la famille pour satisfaire au vœu général et au besoin, même impérieux, d'économie dans les dépenses de l'Etat.
Cette préoccupation que je ne blâme pas dans les ministères précédents, agit fortement sur beaucoup d'esprits. Il est nécessaire d'en affranchir l'action ministérielle.
Je crois que c'est entrer dans une excellente voie, c'est-à-dire, marcher vers l'économie sérieuse et réelle dans les choses, que de supprimer les rouages inutiles, les emplois superflus, tout en accordant aux positions personnelles le respect que l'équité commande.
C'est sur ce dernier point que je suis en dissentiment, à certains égards, avec ceux qui veulent faire peser sur les fonctionnaires un système de réduction des traitements d'attente qui les porterait, eux et leurs familles, à déplorer ou à combattre incessamment les progrès de la chambre dans les voies de la véritable économie.
Nous devons encourager M. le ministre des finances et ses collègues à rechercher sans hésitation, comme sans crainte, les parties défectueuses ou inutiles des rouages administratifs dont ils ont la direction.
Ces fonder, pour l'avenir, les améliorations introduites dans son administration, par M. le ministre des finances, que de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'atteintes trop profondes portées à l'existence des individus et des familles. Je pense que la moitié du traitement pour les fonctionnaires ayant moins de dix ans de service, et les deux tiers pour ceux dont les services excèdent ce terme, sont dans la mesure d'une équitable indemnité.
Mais je déclare aussi m'associer complètement aux observations qu'a présentées l'honorable M. Osy, et je les prends en considération tellement sérieuse que je fais des engagements pris à ce sujet par M. le ministre, la condition tacite de mon vote.
J'ai été étonné d'apprendre par les révélations de l'honorable M. Delfosse, qu'il existait encore des fonctionnaires pourvus de traitement d'attente par suite des réformes de 1839. Je ne puis partager l'opinion, de l'honorable membre qu'il faut donner un stimulant aux fonctionnaires privés d'emploi pour les pousser à solliciter leur rentrée dans l'activité de service.
Ce n'est pas à eux à faire des démarches pour cesser d'être à charge au trésor de l'Etat; c'est au ministre à ne pas oublier qu'ils attendent une nomination , qu'elle leur est due, et que cette attente coûte au pays; le ministre seul serait répréhensible s'il conférait les emplois vacants à des hommes nouveaux avant d'avoir épuisé la liste des titulaires de fonctions supprimées. C'est donc pour affranchir les ministres de la préoccupation des questions de personnes dans la tâche si pénible et si épineuse des mesures d'économie, que je voterai pour la proposition du gouvernement.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La recommandation par laquelle l'honorable préopinant vient de terminer son discours, paraît complètement inutile aux yeux du gouvernement. L'intention formelle du ministère tout entier est bien de replacer successivement, à mesure que des vacatures se présenteront, les employés mis en traitement d'inactivité ; pour qu'il agît autrement, il faudrait qu'il se montrât inconséquent. La mesure qu'il propose a pour but d'introduire des économies dans les dépenses de l'Etat ; nous marcherons dans ce système aussi loin qu'il pourra nous conduire sans péril pour la chose publique; nous continuerons à chercher à simplifier l'administration tout en la fortifiant.
Mais une observation qui nous sera utile à tous, et que je me permets d'adresser aux membres de cette chambre, c'est de vouloir bien encourager le gouvernement dans cette résolution de ne donner de fonctions publiques qu'aux anciens fonctionnaires qui jouiraient d'un traitement d'inactivité; c'est de prendre chacun de nous la résolution de ne pas appuyer les sollicitations de candidats qui auraient été jusque-là étrangers à l'administration.
De cette manière, le gouvernement sera affermi dans sa marche, et les représentants seront affranchis de sollicitations qui les gênent autant qu'elles peuvent gêner l'administration. Notre engagement est formel, et il nous coûte d'autant moins, qu'il n'est que la conséquence de ce que nous avons fait jusqu'ici. Qu'il me soit permis de le rappeler, il nous est arrivé très fréquemment, très récemment de repousser des demandes d'emploi faites par des personnes qui pouvaient présenter des titres, mais qui étaient étrangères à l'administration. Je ne pense pas que depuis (page 546) l'installation du cabinet, tous les ministres réunis aient introduit six fonctionnaires nouveaux dans l'administration. Quant à moi, je n'en ai pas appelé un seul à l'administration centrale. Pas un emploi nouveau n'a été créé ni dans l'administration centrale, ni dans aucune administration ressortissant à mon département. Je pense que la même marche a été suivie par mes collègues. Le ministère a cru qu'il devait trouver ses moyens d'influence ailleurs que dans la collation de tel ou tel emploi, ou la distribution de faveurs.
Ainsi, messieurs, que ce soit bien entendu entre nous, le gouvernement doit d'abord la préférence, lorsqu'il s'agira de conférer des emplois nouveaux, aux employés qui se trouvent pour le moment sans emploi. If fera ainsi cesser les traitements de non-activité.
Ce sera la règle. Ce qui ne veut pas dire que dans telles circonstances données, si un candidat se présente, avec beaucoup de titres, comme capable de desservir utilement un emploi, le gouvernement se croie obligé de repousser, sans exception, toute espèce de candidats.
Il peut arriver qu'il se présente un candidat convenant tellement à une place, que le gouvernement n'hésite pas à lui donner la préférence sur les fonctionnaires qui n'auraient d'autres titres à invoquer que d'avoir été fonctionnaires.
Il faut tenir compte de quelques nécessités administratives. Tout en disant que la règle sera le replacement des fonctionnaires en non-activité, il faut réserver certains cas exceptionnels.
M. Mercier. - Il y a une considération que l'honorable M. Delfosse a fait valoir, et qui serait de nature, si elle était vraie, à exercer une grande influence sur le vote de la chambre.
L'honorable M. Delfosse prétend que les fonctionnaires mis au traitement d'attente pourront s'occuper d'autres travaux. S'il entend qu'ils seront libres de le faire, oui! S'il entend qu'ils trouveront du travail, non ! Car, un employé qui pourra être rappelé à chaque instant ne pourra entreprendre aucune profession. Y aura-t-il un établissement qui consente à le recevoir, à lui donner du travail, lorsque le chef de l'établissement saura qu'à chaque instant, au moment peut-être où il commencera à lui rendre d'utiles services, l'employé pourra lui être retiré?
Ainsi cette considération qui serait concluante, si elle était vraie, manque de fondement. S'il était vrai que l'employé en non-activité pût se créer un supplément de moyens d'existence, la moitié du traitement suffirait. Mais je le répète, cette supposition ne peut être admise.
Quanta d'anciens traitements d'attente qui existeraient encore, ils sont en très petit nombre, et ce ne sont en général que des traitements de membres de l'ordre judiciaire pour lesquels on a fait valoir des motifs puisés dans leur position spéciale.
Quant aux autres employés, notamment ceux du cadastre, qui ont été mis en non-activité il y a peu d'années, après l'achèvement des opérations cadastrales, par suppression d'emploi, ils ont été tous replacés en un courte espace de temps.
Du reste, les déclarations qui viennent d'être faites par différents organes du gouvernement doivent rassurer la chambre sur l'intention bien prononcée de faire cesser le plus promptement possible les nouveaux traitements d'attente qu'il s'agit de conférer.
M. Deliége. - Je propose à la chambre d'adopter un sous-amendement à l'amendement de mon honorable ami M. Delfosse. Je propose à la chambre de décider que les traitements d'attente pourront être, pendant la première année, des deux tiers du traitement, que, pendant les années suivantes, ils seront de la moitié du traitement.
Voici les raisons qui motivent mon sous-amendement. Ma proposition a un précédent : en 1837, on a accordé pendant les deux premières années, le traitement entier des fonctionnaires belges des parties cédées et les trois quarts pour les années suivantes.
Remarquez que cette position était tout à fait exceptionnelle. Il a fallu alors prendre une mesure très large. Le traité était un traité odieux pour nous. Je ne crains pas de le qualifier ainsi ; le traité nous était imposé; il fallait donc donner aux fonctionnaires frappés par ce traité une grande compensation.
Ici la mesure que propose mon honorable ami M. Delfosse ne frapperait pas longtemps les fonctionnaires. M. le ministre des finances nous en a donné la certitude; il a dit que, déjà, pour l'année 1850, 200,000 fr. au moins seraient retranchés de l'ancienne somme. Pendant l'année, on a l'espoir de voir replacer un certain nombre de fonctionnaires. Parmi les fonctionnaires qui seront renvoyés par suite de la mesure qu'il nous est bien pénible de prendre, il y en a qui ont quelque revenu, et qui pourront se placer ailleurs. Ceux-là on pourra leur donner, pendant un certain temps, la moitié de leur traitement.
Quant aux autres, ils seront replacés; ils auront eu, pendant la première année, les deux tiers de traitement que M. le ministre des finances propose de leur accorder.
L'honorable M. Le Hon a rendu hommage à la fermeté, à la résolution qu'a montrées l'honorable ministre des finances dans les mesures qu'il a prises. Les éloges ne sortiront pas souvent de ma bouche. Mais je crois pouvoir adresser le même éloge au ministère tout entier. Je crois que le ministère est entré dans la bonne voie, qu'il a fait tout son possible en ce moment pour trouver des économies. Mais je crois que chaque membre de la chambre pourrait en trouver d'autres, que certaines économies peuvent paraître justes à chaque membre de la chambre, et que c'est un devoir impérieux pour nous d'en présenter, pour ne pas faire peser sur le ministère seul cette responsabilité qu'il assume et devant laquelle il ne reculerait pas, j'en suis certain.
M. Delfosse. - Je me rallie à ce sous-amendement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Delfosse pour soutenir son amendement qu'il vient d'abandonner....
M. Delfosse. - Pardon, je ne l'abandonne pas. Je me rallie seulement à une légère modification proposée par l'honorable M. Deliége.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Delfosse pour soutenir son amendement qu'il vient d'abandonner, comme je vais tout à l'heure le démontrer, n'avait trouvé qu'un seul motif à faire valoir. Ce motif était tiré de l'analogie prétendue qui existerait entre les fonctionnaires de l'ordre civil et les militaires mis en non-activité. La raison n'était pas bonne, l'analogie n'existait pas; l'honorable M. de Mérode en a donné quelques motifs particuliers tirés de ce qu'il y a des dépenses auxquelles les militaires sont assujettis, et auxquelles les fonctionnaires civils ne sont pas soumis.
J'en ai donné un autre motif qui subsiste: c'est celui que les fonctionnaires de l'ordre civil, à la différence des fonctionnaires de l'ordre militaire, sont presque tous mariés, et que les fonctionnaires de l'ordre militaire, qui sont mariés, sont généralement dans une position pécuniaire beaucoup meilleure que les fonctionnaires de l'ordre civil.
Ainsi, ce qui est possible dans un cas, ne le serait pas dans l'autre. Ce qui serait juste dans une hypothèse, serait injuste dans une autre hypothèse.
L'honorable membre, dont je dois réfuter les objections, quoiqu'il ait abandonné son amendement, prétend que je me suis mis en contradiction avec M. le ministre de la guerre; que M. le ministre de la guerre soutient que les fonctionnaires de l'ordre militaire sont dans une position toute spéciale, toute particulière, qui exige qu'on leur fasse certaines faveurs, certains avantages, compensation légitime des charges qu'ils ont à supporter.
Mais en quoi y a-t-il contradiction? De ce qu'il serait vrai et de ce qu'il est réellement vrai, de ce qu'il a été reconnu toujours, ici et dans les autres pays, qu'il fallait faire aux militaires une position exceptionnelle à raison des sacrifices qui leur sont imposés, en résulte-t-il qu'il soit faux que le fonctionnaire de l'ordre militaire qui épouse une femme qui lui donne 1,200 fr. de rente , puisse mieux supporter la suppression de la moitié de la solde, que le fonctionnaire civil chargé d'enfants et ayant épousé une femme sans fortune? Et si ce fait est certain, n'est-il pas évident que vous ne pouvez traiter les fonctionnaires civils, lorsque vous voulez les placer en disponibilité, comme les fonctionnaires militaires mis en non-activité?
L'honorable M. Delfosse dit qu'il n'abandonne pas son amendement, que c'est une simple modification. Mais cette modification est une transformation complète. Elle a pour résultat d'allouer les deux tiers du traitement d'activité pour la première année, la moitié pour les années suivantes ; et l'on sait déjà que les années suivantes ne seront pas un temps extrêmement long, d'après l'engagement qui a été pris par le gouvernement de replacer tous les fonctionnaires aussitôt qu'il sera possible. Or, la rigueur de la proposition de l'honorable M. Delfosse ressortait surtout de ce qu'il réduisait subitement de moitié le traitement des employés.
Pour justifier le second amendement présenté par l'honorable M. Deliége, on cherche encore une analogie et l'on s'autorise de qui a été fait en 1839. Mais appliquez ce qui s'est passé alors; agissez comme on l'a fait en 1839, et nous serons d'accord. Mais vous vous trompez si vous croyez faire ce qui a été fait en 1839. Vous n'allouez que les deux tiers du traitement d'activité pendant la première année. En 1839, on a alloué, la première année, l'intégralité du traitement. Vous allouez, pour les années suivantes, la moitié du traitement. En 1839, on a alloué, pour les années suivantes, les deux tiers du traitement.
Eh bien, nous avons cru que, dans les circonstances où nous nous trouvons, il ne fallait pas aller aussi loin qu'en 1839, il ne fallait pas accorder l'intégralité du traitement même pour la première année. Nous avons proposé de n'allouer que les deux tiers du traitement, et encore avons-nous fait une différence à raison des années de service. Cette différence n'a pas été faite en 1839.
Nous avons donc été moins loin qu'en 1839, et ce précédent doit avoir pour vous une certaine importance. Ajoutez à cela qu'il s'agit, en règle générale, de traitements qui sont extrêmement minimes, que les réduire outre mesure, c'est placer les fonctionnaires publics dans une situation déplorable. Vous ne pouvez, en définitive, par des motifs d'économie, par des raisons qui sont justes sans doute, mais qui ne sont pas imputables aux fonctionnaires, vous ne pouvez pas les frapper de manière à les réduire à la mendicité! Vous ne voulez pas qu'eux et leur famille meurent de faim, parce qu'il est nécessaire de faire des économies! Il faut être juste, il faut être équitable. Leur accorder les deux tiers du traitement, c'est certainement ne faire que ce qui est juste, que ce qui est humain. Leur allouer moins pour des traitements qui, en moyenne, ne s'élèvent pas à 2,000 fr., c'est leur faire une condition vraiment misérable.
J'insiste donc pour que la proposition du gouvernement soit adoptée. Elle a été attentivement pesée par le ministère. Ce n'est qu'après mûre délibération que nous nous sommes mis d'accord pour porter aux (page 547) budgets des divers départements une allocation basée sur les mêmes principes.
M. Delfosse. - C'est à tort que M. le ministre des finances soutient que j'ai abandonné mon amendement. Je me suis rallié au sous-amendement de mon honorable ami, M. Deliége. Ce sous-amendement ne modifie mon amendement que pour la première année. Pour les autres années, mon amendement reste entier. Mon honorable ami, M. Deliége, a, au fond, la même pensée que moi. En me ralliant à sa proposition, je n'ai en aucune manière abandonné l'idée fondamentale de la mienne.
M. le ministre des finances, répondant à l'honorable M. Deliége, rappelle qu'on a été beaucoup plus loin en 1839. Pourquoi, messieurs, a-t-on été beaucoup plus loin ? Parce qu'il s'agissait alors d'un petit nombre de fonctionnaires. Il ne s'agissait pas de porter au budget des finances seul, un crédit de 500,000 fr. Il fallait aussi tenir compte des vives répugnances manifestées contre le traité. Si nous faisions aujourd'hui ce que l'on a fait alors, nous serions sans excuse.
M. le ministre des finances repousse la comparaison entre les officiers mis en non-activité et les fonctionnaires civils dont on supprime l'emploi, et il s'appuie cette fois sur l'avis de l'honorable comte de Mérode, qu'il trouve excellent.
Je soutiens que s'il y avait une différence à faire, elle devrait être en faveur des officiers mis en non-activité. Car les officiers de cette catégorie ne reprennent pas leur liberté. Ils restent sous l'action du ministre de la guerre qui peut leur assigner une résidence.
Voilà certes un motif qui plaide en faveur des officiers en non-activité. Il y en a d'autres : ce sont ceux que M. le ministre de l'intérieur a fait valoir plus d'une fois dans cette enceinte.
A-t-on répondu à ce que j'ai dit de ces fonctionnaires qui doivent se retirer par suite de blessures ou d'accidents survenus dans l'exercice de leurs fonctions, et qui, lors même qu'il ont donné des preuves d'un courage et d'un dévouement extraordinaires, n'obtiennent que les cinq douzièmes de leur traitement? Lorsque vous traitez ainsi ces fonctionnaires, qui ont tant de titres à la reconnaissance du pays, pouvez-vous raisonnablement prétendre que pour des fonctionnaires valides, encore capables de travail, la moitié du traitement n'est pas suffisante?
J'ai dit encore que jamais, ou au moins presque jamais, un industriel ou un commerçant, obligé de congédier ses employés, ne leur accordait plus de la moitié de leur traitement.
Il est même très rare qu'un industriel ou un commerçant pousse la générosité aussi loin envers les employés qu'il renvoie. Qu'a-t-on répondu à cela? Rien.
Le dissentiment qui existe entre M. le ministre des finances et moi provient de ce que je suis plus préoccupé que lui de la position des contribuables, et de ce qu'il est plus préoccupe que moi de celle des fonctionnaires. Cela se conçoit. M. le ministre, entouré de fonctionnaires, est plus exposé que je ne le suis, à subir, sans s'en douter, leur influence.
Je ne conteste pas les intentions loyales de M. le ministre des finances. Je rends hommage, comme les honorables préopinants, à sa fermeté. J'apprécie les réformes qu'il a introduites dans l'administration. Mais je ne puis me placer au même point de vue que lui; je ne puis me préoccuper aussi fortement que lui de la position des fonctionnaires. Je me préoccupe davantage de celle des contribuables. Je crois que les contribuables ne souffrent que trop, et que nous devons chercher à alléger les charges qui pèsent sur eux. Plus tard, lorsqu'on viendra leur demander de nouveaux impôts, comment sera-t-on accueilli, si l'on ne peut dire que l'on a réalisé toutes les économies possibles? Que diront les contribuables auxquels vous imposerez de nouvelles charges, alors que des fonctionnaires qui ne feront rien, qui ne rendront aucun service, recevront les deux tiers de leur traitement? Je crains fort qu'ils ne considèrent ce fait comme un scandale.
M. le président. - Voici un amendement qui a été déposé par M. Rousselle :
« Les traitements d'attente pourront s'élever pour les deux premières années aux deux tiers; après ces deux ans ils ne pourront s'élever qu'à la moitié.
« Le gouvernement déterminera le taux du traitement d'attente, en prenant égard au traitement d'activité, à l'âge du fonctionnaire et au temps de service. »
M. Rousselle. - Messieurs, je me suis particulièrement préoccupé de la question d'équité sur laquelle M. le ministre des finances a appelé tout à l'heure l'attention de la chambre. Je désire que le gouvernement puisse lui-même apprécier toutes les considérations d'équité qui doivent déterminer le taux du traitement d'attente. Le gouvernement n'avait envisagé la question, dans son projet, que sous un rapport; le temps de service cependant, la quotité du traitement d'activité doit aussi peser sur la fixation du traitement d'attente. Mon amendement tend à abandonner entièrement cet objet au gouvernement. Je rencontre de cette manière encore l'amendement de M. Deliége, et celui de la section centrale; mais c'est une faculté seulement que je donne au gouvernement. Le gouvernement appréciera tout ce qu'il faut faire pour satisfaire entièrement à l'équité,
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je rends hommage aux intentions de l'honorable M. Rousselle. La proposition qu'il formule se rapproche singulièrement de la proposition du gouvernement; mais la faculté qu'il veut nous accorder présenterait, je crois, de véritables inconvénients. Le gouvernement n'aurait plus aucune espèce de règle fixe pour se déterminer. Il faudrait apprécier, pour chaque personne, les années de service, la position, l'âge, la situation de famille. Toutes ces considérations ouvriraient la porte à une masse de sollicitations et donnerait lieu peut-être à des injustices, peut-être à des abus. Je crois que la règle fixe, bien déterminée, annoncée d'avance, invariablement appliquée est ce qu'il y a de mieux en cette matière. Le système du gouvernement me paraît donc le plus juste, le plus rationnel.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je déclarerai la discussion close.
La proposition qui s'éloigne le plus de la proposition du gouvernement est celle de M. Deliége.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement propose le chiffre de 500,000 francs. La section centrale propose de réduire ce chiffre de 50,000 fr. Le chiffre du gouvernement doit donc être mis aux voix le premier. Quant aux amendements des honorables MM. Deliége et Rousselle, ils n'impliquent pas nécessairement une réduction de chiffre. Ces amendements ne s'occupent même pas du chiffre. C'est une mention à faire dans la colonne d'observations, et je crois dès lors que nous pourrons nous en occuper après avoir voté l'allocation proposée.
M. Delfosse. - J'ai déjà dit, messieurs, que je ne tiens pas à une réduction du chiffre; je tiens surtout à modifier les bases de la répartition. L'amendement de l'honorable M. Deliége doit, comme tout amendement, être mis aux voix avant la proposition principale; la marche indiquée par M. le ministre des finances devrait être suivie s'il n'y avait à voter que sur des chiffres.
- L'amendement de M. Deliége est mis aux voix; il n'est pas adopté.
L'amendement de M. Rousselle est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - Nous avons maintenant à voter sur le chiffre. Je vais mettre aux voix le chiffre du gouvernement qui est le plus élevé.
M. Delfosse. - Il y a aussi un amendement de la section centrale qui porte sur les bases de la répartition.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La section centrale propose une réduction de 50,000 francs. Cette réduction est fondée sur ce qu'il faudrait n'allouer les deux tiers du traitement que sur les deux premiers mille francs et la moitié sur le surplus de leur traitement. Je rappelle à la chambre que j'ai combattu cet amendement qui n'amènera pas de réduction de dépense et qui peut éventuellement être plus onéreux à l'Etat que la proposition du gouvernement, et entraînerait des injustices pour les fonctionnaires.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, je n'avais pas demandé la parole sur la position de la question, parce qu'il me semblait que le vote sur le chiffre impliquait l'adoption ou le rejet du système de la section centrale. Malgré les observations que M. le ministre des finances vient de présenter, il est évident que si vous accordez deux tiers sur les premiers deux mille francs seulement et la moitié sur le reste, il y aura plus d'économie que dans le cas où vous admettriez que l'on pourra accorder les deux tiers sur le traitement intégral. Cela est incontestable.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je mets maintenant aux voix le libellé de l'article 21 qui est ainsi conçu :
« Art. 21. Traitements temporaires des fonctionnaires et employés non replacés. »
- Ce libellé est adopté.
« Art. 22. Frais de bureau et de tournée :fr. 64,640. »
- Adopté.
« Art. 23. Indemnités, primes et dépenses diverses : fr. 298,900. »
La section centrale propose une diminution de 7,000 fr. qui porte sur le littera k. Ce littera est ainsi conçu :
« Littera k. Indemnités aux receveurs de l'enregistrement, pour les déclarations d'actes translatifs : fr. 7,000. »
La section centrale propose le rejet de cette allocation.
Personne ne demandant la parole sur un des litteras précédents du même article, le débat s'ouvre sur le littera k.
M. T’Kint de Naeyer. - Messieurs, chaque année, M. le ministre des finances fixe l'indemnité à accorder aux receveurs de l'administration de l'enregistrement pour les extraits des actes qu'ils ont dressés et envoyés aux géomètres en service actif.
A la rigueur, on pourrait considérer ce travail comme extraordinaire, mais il faut bien reconnaître qu'il n'est pas très important et qu'il ne donne lieu à aucune augmentation de frais de bureau.
On nous a assuré que le moindre expéditionnaire peut faire le travail de toute l'année en 15 jours.
Si dans certaines localités ce travail est plus considérable, les remises sont par contre plus élevées et il y a ample compensation.
L'indemnité, lorsqu'elle est repartie entre les receveurs, se réduit à très peu de chose pour chacun d'eux ; en faisant disparaître cette indemnité du budget, on réaliserait une économie de 7,000 fr.
Lorsque M. le ministre des finances a augmenté les attributions des contrôleurs, en leur confiant désormais le service des accises, en même (page 548) temps que celui des contributions directes et de la comptabilité, il n'a pas été question de leur accorder de ce chef une augmentation de traitement.
En supposant que la transmission des extraits des actes translatifs n'eût pas été jusqu'à présent dans les attributions des receveurs de l'enregistrement , il paraît évident que la chambre et le gouvernement n'auraient pas hésité à leur imposer cette légère aggravation de travail, sans qu'il vînt à la pensée de personne de les rémunérer extraordinairement,
La section centrale persiste à croire qu'il n'y a aucun motif de maintenir une indemnité spéciale, à raison d'un travail qui paraît rentrer de droit dans les attributions des receveurs de l'enregistrement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, la petite question que vous aurez à examiner est une question d'équité. Il s'agit de savoir si l'allocation de 7,000 fr., qui figure au budget depuis un grand nombre d'années, doit continuer à y figurer.
Les receveurs de l'enregistrement ont été chargés, dans un intérêt général, de faire des extraits des actes translatifs ; il est évident que ce travail ne rentrait pas dans leurs attributions; on a donc trouvé juste de les rémunérer pour ce travail extraordinaire qui devait leur imposer un surcroît de dépenses.
Les remises ont été calculées pour les receveurs à raison des recettes qu'ils opèrent. On a jugé qu'au moyen d'un tantième déterminé sur les recettes, ils seraient indemnisés de leurs travaux, des frais de bureau qui peuvent leur incomber et de la responsabilité qui pèse sur eux. Parce que, je le répète, on a cru nécessaire, dans un intérêt général, de réclamer de ces fonctionnaires certains extraits, un travail extraordinaire, et, par conséquent, des frais de bureau plus considérables ; on a trouvé juste de les indemniser ; et il me semble que la chambre ne doit pas vouloir qu'on leur impose, sans rémunération, un travail tout à fait en dehors de leurs attributions.
L'objection qui a été faite tout à l'heure par l'honorable rapporteur, ne me paraît pas fondée; il a dit que lorsque le gouvernement a jugé à propos de supprimer les contrôleurs d'accises et de surcharger les contrôleurs de comptabilité, il n'a pas proposé d'augmenter les traitements des contrôleurs conservés. L'honorable rapporteur n'a pas remarqué que l'accroissement de besogne dans une certaine partie du service, concorde avec des suppressions de travaux dans d'autres parties.
Il eût été impossible de conserver le service tel qu'il était, de maintenir toutes les opérations qui se faisaient précédemment, et de les charger en outre du contrôle des accises. C'est parce qu'il y aura simplification du service, que le nombre des bureaux à contrôler sera moindre, car on a diminué le nombre des bureaux de recettes qu'il a été possible de charger d'un autre travail. Il y a là compensation; il n'y a pas lieu de les indemniser de ce chef; ils ne font là que rentrer dans leurs attributions; mais c'est en dehors des devoirs relatifs à l'enregistrement que les actes dont il s'agit sont réclamés. Quand les receveurs font de ces extraits pour des particuliers, le législateur a trouvé légitime de leur allouer une rémunération.
La loi de frimaire an VII, est positive. C'est la même raison d'équité qui a porté le gouvernement à les indemniser quand il s'agit de faire une chose entièrement en dehors de leurs fonctions. Quand ils opèrent comme receveurs de l'enregistrement, ils sont payés au moyen d'un tantième sur les recettes ; il serait contraire à l'équité d'exiger d'eux quelque chose au-delà de leur service sans les indemniser des dépenses qu'ils sont forcés de faire de ce chef.
M. Delfosse. - Ce n'est pas parce qu'un abus aurait existé longtemps qu'il y aurait équité à le maintenir. L'indemnité dont il s'agit n'est pas sans doute un droit acquis, comme les pensions accordées à certains ministres, en vertu de la loi que nous venons d'abroger aux applaudissements du pays.
Précédemment les abus s'introduisaient avec la plus grande facilité dans les administrations. Aussitôt qu'il y avait pour les employés une légère augmentation de travail, on s'empressait d'augmenter les traitements ou le personnel, mais quand les affaires diminuaient, on ne réduisait ni le personnel, ni les traitements; il résultait de là que le contribuable était toujours dupe. Les receveurs d'enregistrement, qui sont très bien payés pour enregistrer les actes, doivent en délivrer des extraits aux employés du cadastre; pourquoi faudrait-il leur accorder de ce chef une indemnité spéciale?
Cette indemnité figure au budget depuis bien des années; il en a été de même de beaucoup d'autres abus, qu'il est temps de faire cesser. C'est pour cela que les électeurs ont envoyé dans cette chambre des hommes nouveaux. Si vous accordiez des indemnités spéciales quand le travail augmente, vous devriez diminuer les traitements quand le travail diminue. Il faut être conséquent et ne pas avoir deux poids et deux mesures.
L'économie ne sera pas très considérable ; ce n'est rien à côté de celle que je proposais tantôt, elle n'est pas néanmoins à dédaigner.
M. Toussaint. - J'ai demandé la parole pour donner une simple explication de faits. L'indemnité dont il s'agit s'applique aux envois d'extraits pour le service du cadastre. Ces envois n'ont rien de commun avec les envois que les receveurs se font les uns aux autres pour les biens situés dans leurs ressorts respectifs ; ces derniers rentrent dans le but de l'enregistrement; les receveurs s'aident mutuellement pour les estimations, les expertises à faire ou à suivre ; les extraits faits pour le cadastre, au contraire, sont fournis à une administration étrangère à l'administration des finances. Ce qui fait considérer l'indemnité allouée de ce chef comme un abus, c'est que le cadastre se trouve dans les mains de l'administration de l'enregistrement, mais ce sont deux services distincts. L'indemnité est due parce qu'il ne s'agit pas de travail d'enregistrement.
Il y a lieu, ce me semble, de différer la décision sur la question dont il s'agit. Quand on aura résolu celle de la réunion du cadastre, de l'enregistrement et des hypothèques, on arrivera là. Celui qui enregistrera une mutation, la constatera sur le registre du cadastre qui sera la matrice du domaine des propriétés foncières du pays. Vous n'aurez à accorder qu'un seul salaire, qu'un seul traitement; mais dans la situation actuelle, les deux services sont distincts; vous avez à examiner si, payant le receveur par son tantième pour les enregistrements, il ne faut pas leur allouer, quand on leur demande un autre service, l'indemnité qu'on leur doit quand on va le leur demander comme particulier.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. Delfosse a pensé que l'allocation de 7,000,fr. dont il s'agit constituait un abus et que ce n'était pas une raison pour le maintenir, parce qu'il était ancien. Si j'avais pensé que ce fût un abus, je n'aurais pas hésité à le faire disparaître. En examinant la position des receveurs, j'ai fait une bien autre économie que celle que veut faire l'honorable M. Delfosse. Par le nouveau tarif que j'ai introduit, j'ai réduit leurs remises de 74 mille francs. Si j'ai conservé l'allocation de 7 mille francs, c'est que je l'ai trouvée équitable. La réduction des remises était d'ailleurs une raison de la conserver. Il est rigoureusement vrai qu'on demande aux receveurs de l'enregistrement une chose en dehors de leurs attributions pour laquelle ils ne sont pas rémunérés.
L'honorable membre a dit qu'il fallait diminuer la rémunération si le travail diminuait. Pour le receveur la rémunération est en raison de la recette qu'ils opèrent; le tantième de remise a pour but de les indemniser et du travail qu'ils font et de certaines dépenses; vous avez augmenter leurs dépenses si vous leur imposez certains actes qui ne rentrent pas dans leurs attributions et que vous les leur fassiez faire gratis.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Nous ne contestons pas les faits que l'honorable M. Toussaint a développés avec beaucoup de détails. Messieurs, la question est fort simple ; il s'agit de savoir s'il y a de graves inconvénients à imposer une légère aggravation de travail aux receveurs de l'enregistrement, sans leur allouer de ce chef une indemnité spéciale. Nous avons déjà eu l'honneur de vous faire observer que la somme se réduit à fort peu de chose lorsqu'elle est répartie entre les différents receveurs. Ce n'est pas, nous en convenons, un chiffre très important que vous retrancherez du budget : mais comme l'honorable M. Delfosse le disait, il y a quelques instants, une économie de 7 mille fr., si petite qu'elle soit, n'est pas à dédaigner.
M. Delfosse. - Il est bien certain que si M. le ministre des finances avait pensé qu'il y eût là un abus, il l'aurait fait disparaître. Mais nous pouvons voir un abus là où il n'y en a pas pour lui. M. le ministre des finances a opéré des réductions importantes sur les remises des receveurs de l'enregistrement, on l'en remercie, on lui en sait gré. Ces remises sont néanmoins encore assez fortes pour que les receveurs puissent faire, sans indemnité spéciale, le léger travail qui leur est imposé pour le cadastre.
- Le chiffre de 298,900 fr., proposé par le gouvernement, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 23 est adopté avec le chiffre de 291,900 fr. proposé par la section centrale.
« Art. 24. Police douanière : fr. 5,000. »
- Adopté.
« Art. 25. Matériel : fr. 142.000. »
- Adopté.
« Art. 26. Frais généraux d'administration de l'entrepôt d'Anvers : fr. 31,000. »
M. le ministre des finances propose à cet article une augmentation de fr. 51,784 25 c. pour travaux d'appropriation. Sur l'observation faite par MM. Delfosse (président de la section centrale), et T'Kint de Naeyer (rapporteur), que la section centrale à laquelle cet article avait été annoncé, ne l'a pas examiné, le croyant destiné à former un projet de loi spécial, l'article est renvoyé à l'examen de la section centrale.
La chambre se forme en comité secret à 4 heures 3/4 pour entendre un rapport de la commission de comptabilité.
Elle se sépare à 5 heures.