(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 529) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart. La séance est ouverte.
M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Luesemans présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Fayon, préposé des douanes, à Signeulx, prie la chambre de conserver aux employés du service actif de la douane les avantages de la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Bonniot, receveur de l'enregistrement à Arlon, demande que les employés de l'enregistrement, salariés par remises, ne soient pas frappés d'une retenue particulière pour subvenir aux besoins de la caisse des pensions. »
- Même renvoi.
« Le sieur G.-F. de Bast prie la chambre de lui faire accorder la traversée gratuite aux Etats-Unis d'Amérique. »
- Même renvoi.
Par dépêche du 20 janvier, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre un exemplaire du troisième volume de l'Inventaire des archives du royaume.
- Dépôt à la bibliothèque.
M. H.de Brouckere, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé.
- Le congé est accordé.
M. Rousselle, au nom de la section centrale qui a examiné la proposition de M. Jacques, relative à la circonscription administrative, dépose le rapport. La section conclut au renvoi d'une partie aux conseils provinciaux et d'une autre partie à la décision du gouvernement.
- La chambre met la discussion de cette proposition à l'ordre du jour, après la discussion sur le budget des finances.
M. le président. - La chambre est parvenue à l'article 13.
M. Mercier. - Pardon, M. le président, on n'a voté hier que sur le premier littera de l'article 12.
M. le président. - C'est une erreur. On a voté non sur le littera, mais sur l'article.
M. Mercier. - Il y avait beaucoup de conversations au moment du vote. On avait demandé le renvoi à demain. J'ai compris que l'on n'avait voté que sur le littera a.
M. le président. - J'en ai fait l'observation. On a répondu que l'on votait non pas sur le littera, mais sur l'article. On a voté sur le chiffre le plus élevé qui est le chiffre du gouvernement.
M. Mercier. - Je demande alors que la chambre revienne sur son vote. Il est impossible que l'on n'ait voulu discuter que le littera relatif au traitement des directeurs, lorsqu'il y a dans cet article d'autres points d'une grande importance.
(page 540) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je ne m'oppose pas à ce que l'on discute toutes les parties de l'administration. Mais il est certain que le chiffre de 331,400 fr. a été mis aux voix très lentement, après diverses observations. L'honorable M. Loos avait proposé un amendement, qui conservait ce chiffre. J'ai fait observer que je pouvais adopter l'amendement, puisqu'il impliquait l'adoption du chiffre du gouvernement.
Ensuite est venu l'amendement de l'honorable M. Jullien. J'ai présenté la même observation ; j'ai dit que l'amendement devait se transformer en réduction de chiffre. J'ai fait observer à M. Jullien qu'on ne votait pas les littera de manière à en faire des articles de loi, que l'allocation est en un chiffre unique au budget. J'ai même cité, si je ne me trompe, le chiffre de 331,400 fr. qui figure de ce chef au budget, et immédiatement après on a passé au vote. Le chiffre du gouvernement a été mis aux voix et adopté.
Mais, je le répète, je ne m'oppose pas le moins du monde à ce que des explications aient lieu. Je pense que l'honorable M. Mercier n'a pas de proposition à faire sur le chiffre même. {Interruption de M. Mercier.)
Si l'on veut remettre aux voix ce qui a été voté, la chambre décidera. Mais comme je supposais qu'il s'agissait de faire des observations générales sur les réformes qui ont été opérées, j'acceptais bien volontiers la discussion. Du reste, je l'accepte dans toute hypothèse.
(page 529) M. Mercier. - Je demande qu'on suive les littera. Il s'agit d'un objet important, d'une organisation complète, toute nouvelle.
M. le président. - J'ai proposé hier de discuter les littera. On s'y est opposé et on a demandé le vote de l'article.
M. Mercier. - La question avait été autrement posée. On voulait que la chambre s'occupât de l'organisation administrative du service. Moi-même j'ai appuyé l'opinion de M. le ministre des finances sur ce point, qu'on ne pouvait voter sur la classification des directeurs. Mais il a été admis qu'on pouvait faire des observations sur chaque littera et proposer des réductions qui, si elles étaient adoptées, viendraient en déduction ou augmentation du chiffre global de l'article.
C'est encore ce que je demande. Je n'entends pas qu'on vote de nouveaux articles de loi. Si des amendements sont adoptés sur les littera, on en tiendra compte dans le vote de l'article.
(page 540) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il s'agit de bien s'entendre. La chambre a à voter sur le tableau annexé à la loi du budget. Ce sont les articles compris dans ce tableau qui forment la loi.
M. Mercier. - Je sais bien cela.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Vous savez bien cela. Mais d'autres membres paraissaient hier ne pas le savoir, puisqu'on a prétendu qu'il y avait lieu de voter sur les littera et de les transformer en articles limitatifs pour le gouvernement. S'il s'agit simplement de discuter sur les littera, je ne m'y oppose nullement. C'est l'intention du gouvernement d'appeler l'attention sur chacun des points renseignés dans le budget. Mais on ne peut transformer les littera en articles de la loi; on ne peut voter séparément sur chaque littera pour limiter l'action du gouvernement. En voici le motif : C'est qu'avec ce système, il y aurait une grande complication d'écritures. Plus vous étendez les divisions, plus vous augmentez le travail de l'administration.
(page 529) M. le président. - Il s'agit d'abord de savoir si la chambre veut rouvrir la discussion sur l'article 12. On verra ensuite comment se réglera cette discussion.
- La chambre décide que la discussion sera de nouveau ouverte sur l'article 12.
M. le président. - Il faut bien s'entendre. M. Mercier prétend-il qu'il doit y avoir un vote sur chacun des littera? S'il le prétendait, je pense qu'il y aurait controverse sur ce point.
M. Mercier. - Je ne prétends pas qu'il doit y avoir un vote sur chaque littera. Mais souvent, pour simplifier les délibérations, on a suivi dans la discussion les littera des développements, sauf à voter ensuite sur l'ensemble de l'article. Je demande qu'on adopte encore cette marche. On comprend que si dans une même discussion un orateur vient parler des directeurs, un autre des inspecteurs, un autre des contrôleurs, etc., il y aura confusion.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'admets cela. Mais je demande que les littera ne soient pas transformés en articles de loi.
M. le président. - Il ne s'agit donc que d'ouvrir successivement la discussion sur chacun des littera, sauf à voir ensuite quelle sera la conséquence définitive de cette discussion quant à l'ensemble de l'article.
M. Delfosse. - Il est de droit que les membres de la chambre puissent demander la discussion séparée de chaque littera.- Ils peuvent aussi proposer des amendements sur chaque littera. Si ces amendements sont admis, on les prend en considération pour modifier le chiffre de l'article. Mais l'article n'en reste pas moins un article unique, et le gouvernement conserve la faculté d'opérer des transferts d'un littera à l'autre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ainsi que je l'entends.
Article 12 Littera b et littera c
M. le président. - Ainsi, la discussion est ouverte sur le littera b, ainsi conçu :
« Traitement des inspecteurs, 3 inspecteurs de première classe à 5,000 francs, 3 de deuxième classe à 4,600 fr., et 3 de troisième classe à 4,300 francs, ensemble 41,700 fr. »
- Personne ne demandant la parole sur ce littera, la chambre passe au littera c, ainsi conçu :
« Traitement des contrôleurs, 11 contrôleurs de première classe à 3,500 fr., 10 de deuxième classe à 3,100 fr., et 22 de troisième classe à 2,700 fr., ensemble 128,900 fr. »
M. Vanden Branden de Reeth. - Dans une note préliminaire qui se trouve en tête du budget des finances, il est parlé de la suppression de 5 inspections de quatrième classe, et dans le rapport de la section centrale, je vois que les cinq inspections supprimées sont celles de Nivelles, Huy, Furnes, Philippeville et Malines.
Je ne puis pas m'expliquer la suppression de l'inspection de Malines, et j'ai hâte de dire qu'il ne s'agit pas du tout ici, pour moi, d'une question de localité, mais que ce sont avant tout les intérêts du trésor et les nécessités du service qui me préoccupent.
Les considérations que j'ai à faire valoir n'ont de l'importance que par suite de la position nouvelle qui est faite aux inspecteurs d'arrondissement.
Dans une note fournie par M. le ministre des finances à la section centrale, et dont l'analyse figure dans son rapport, il est dit que, par suite de la suppression des contrôles spéciaux des accises, les inspecteurs seront appelés à diriger personnellement ce service, au moyen des sections ambulantes.
M. le ministre reconnaît que l'action de ces agents, placés sous la direction immédiate et personnelle de l'inspecteur, est nécessaire pour compléter le service des usines.
Il y aura donc un rapport intime entre l'action de l'inspecteur chargé de donner l'impulsion à ce service, la surveillance à exercer par les employés des sections ambulantes et le nombre et l'importance des usines à surveiller.
Je demanderai maintenant, en tenant compte des considérations qui précèdent, où la présence de cet agent supérieur de l'administration des finances semble-t-elle surtout nécessaire? Mais évidemment là où se trouve le plus grand nombre d'usines.
Voyons si l'application de ce système, qui me paraît bien rationnel, a été faite par M. le ministre des finances.
Je bornerai mes investigations à la province d'Anvers. Il y a aujourd'hui dans cette province trois inspections : celles d'Anvers, de Malines et de Turnhout.
L'inspection d'Anvers, qui comprend l'arrondissement du même nom, est maintenue. Elle comprend, d'après le rapport administratif de la province d'Anvers de l'année 1846, 109 usines réparties comme suit : Anvers 8 fabriques de vinaigre, 86 brasseries. 9 distilleries, 6 salines. Total 109.
(page 530) Restent maintenant les inspections de Malines et de Turnhout. L'arrondissement de Malines compte 144 usines : 1 fabrique de vinaigre, 112 brasseries. 22 distilleries. 9 salines.
Celui de Turnhout (ville et communes rurales comprises), 53 seulement : 46 brasseries. 6 distilleries. 1 saline.
Eh bien, malgré cette différence énorme dans le nombre d'usines, car remarquez-le bien, l'arrondissement de Malines compte, à lui seul, à peu près autant d'usines, à une légère différence près, que les arrondissements d'Anvers et de Turnhout réunis ; c'est l'inspection de Malines qui est supprimée.
Je ne prétends pas dire qu'il eût fallu supprimer l'inspection de Turnhout, mais ce que je cherche à établir, c'est que celle de l'arrondissement de Malines n'eût pas dû l'être en présence des faits que je signale.
Voilà, messieurs, pourquoi je disais, en commençant, que je ne m'expliquais pas cette singulière préférence donnée à l'arrondissement de Malines, alors que son importance ne pouvait être contestée.
Avant les changements opérés dans l'administration des finances, et notamment avant la suppression des contrôleurs des accises, j'aurais pu, jusqu'à un certain point, me rendre compte de ce changement ; mais aujourd'hui la position me parait toute différente.
En effet, précédemment, l'on eût pu soutenir que les inspecteurs d'arrondissement étant les intermédiaires entre les directeurs établis aux chefs-lieux des provinces, et les receveurs et les contrôleurs résidant dans les arrondissements, sa présence dans telle ou telle localité n'était pas indispensable; les états des recettes et dépenses des receveurs qui leur sont envoyés pour recevoir une première vérification, ainsi que les autres pièces qui leur sont transmises, pouvaient l’être de tel endroit à tel autre sans que jamais il en pût résulter le moindre inconvénient.
Mais aujourd'hui que vous avez ajouté à ses attributions une surveillance qui doit être active, incessante et de tous les instants, si vous ne voulez faire éprouver au trésor des pertes notables, il est évident que sa présence est nécessaire, indispensable, là où elle doit s'exercer sur une plus grande échelle. Et où le service des accises, dont vous avez donné la direction personnelle à l'inspecteur, doit-il être le plus actif. Mais, encore une fois, là où se rencontrent le plus d'usines. Cette activité peut-elle être imprimée sans la présence du chef? Je ne le crois pas.
Je le répète donc en terminant, je ne puis me rendre compte des motifs qui ont pu déterminer M. le ministre des finances à supprimer l'inspection de Malines, et je crois que cette suppression n'a pu avoir lieu que par suite d'une fausse appréciation de l'importance du service des accises dans cet arrondissement.
M. Mercier. - Messieurs, le gouvernement propose de prendre deux mesures à l'égard des inspecteurs d'arrondissement. La première tend à ranger les inspecteurs dans trois classes, au lieu de quatre, et celle-là, je ne puis que l'approuver, car elle doit, comme le fait observer la section centrale, faciliter l'accès aux emplois supérieurs, des fonctionnaires qui se distinguent par leur zèle et leur capacité. Mais je ne puis pas donner mon approbation à celle qui a pour objet de supprimer cinq inspections d'arrondissement, qui seraient réparties entre les arrondissements voisins.
Naguère, dans cette enceinte, un honorable membre, dans les développements qu'il a donnés à une proposition, due à l'exercice de son droit d'initiative, s'est plaint de l'extrême divergence qui existe dans les circonscriptions des différents services administratifs du pays. Il a fait valoir les inconvénients qui résultaient de ce défaut d'unité.
Un membre du gouvernement après avoir entendu ces développements, sans se prononcer sur le fond de la question, a cependant reconnu que plusieurs des vues indiquées par l'honorable M. Jacques méritaient une sérieuse attention. D'un autre côté la section centrale qui a été chargée de l'examen de la proposition de cet honorable membre, a également invité le gouvernement à mettre la proposition à exécution partout où il serait possible d'introduire cette amélioration. Les avantages de l'unité de circonscription ont paru évidents à tous.
C'est en présence de cet état de choses que le gouvernement a proposé une nouvelle altération au principe. Plusieurs arrondissements très importants n'auront plus d'inspection pour une administration qui embrasse trois services, les contributions directes, les douanes et les accises. Cependant leur importance doit faire considérer ces inspections comme généralement nécessaires.
D'abord les attributions d'inspection d'arrondissement, comme l'a fait observer, dans son rapport, la section centrale en défendant cette institution, sont considérables ; les personnes qui doivent se rendre pour d'autres affaires au chef-lieu d'arrondissement traitent en même temps celles qui concernent les finances. A l'avenir elles devront se rendre dans des localités souvent très éloignées l'une de l'autre ; s'il résulte des mesures projetées quelques économies au budget, elles occasionneront d'un autre côté plus de frais pour les particuliers. Ainsi les habitants de certaines localités telles que Huy et Nivelles par exemple devront faire sept lieues pour se rendre près de l'inspecteur chaque fois qu'il auront une affaire à traiter avec lui. Ces frais équivaudront peut-être à une somme plus forte que l'économie obtenue, mais ils retomberont sur quelques personnes seulement.
D'ailleurs, si on augmente la circonscription des inspections d'arrondissement, on s'expose à compromettre la bonne gestion des affaires. L'inspection de Bruxelles est assez importante par elle-même pour qu'on n'y adjoigne pas la moitié d'un autre arrondissement. Je ferai la même observation pour l'inspection d'Anvers. Mon expérience m'a appris que ces inspections sont déjà surchargées de besogne, et j'ai la conviction que leur extension ne pourra qu'être nuisible au service.
C’est là encore une considération puissante qui milite pour le maintien de ce qui existe; les circonscriptions actuelles d'inspection sont les mêmes que celles des arrondissements judiciaires, sauf en ce qui concerne l'arrondissement de Philippeville ; le principe de l'unité de circonscription entraînerait donc la suppression de cette inspection. Pour les quatre autres la circonscription administrative est la même que la circonscription judiciaire.
Quant à l'arrondissement de Philippeville, le projet d'en supprimer l'inspection existait avant l'entrée du ministre actuel aux affaires. Ce qui l'avait fait établir, c'est l'étendue du ressort, l'éloignement du chef-lieu judiciaire ; mais au point de vue de son importance on ne trouvait aucun inconvénient à la supprimer.
Mais comme on admet en principe l'unité de circonscription, je dis que celui-là ne rentrant pas dans cette unité pourrait être supprimé, tandis que les quatre autres, au contraire, devraient être maintenus.
Je comprends que, dans la section centrale, on ait soulevé la question de savoir si l'inspection est bonne, si elle doit être maintenue. Je suis d'avis que l'inspection doit être maintenue. Mais je ne puis donner mon adhésion à une organisation irrégulière, basée sur l'organisation judiciaire et qui détache une partie d'un arrondissement pour la donner à un fonctionnaire surchargé de besogne. Cette organisation me paraît présenter un caractère d'irréflexion.
S'il ne s'agissait que de supprimer les circonscriptions sans égard aux circonscriptions existantes, je demanderais la suppression des directions des contributions directes, de l'enregistrement, de l'administration du trésor et leur réunion aux directions de la province de Liège. Après cette réunion, ces directions ne seraient pas plus importantes que les directions de même nature à Bruxelles et à Gand.
Mais le gouvernement ne veut pas déroger à ce point à l'unité administrative; je lui conseille fortement de n'y pas déroger non plus, pour les inspections d'arrondissement, qui ont leur importance. Pour ne pas s'appeler provinces, les arrondissements n'en sont pas moins des circonscriptions importantes. Il y a des arrondissements dont on propose de supprimer l'inspection et qui ont, au point de vue financier, plus d'importance qu'une province, par exemple que les provinces de Limbourg et de Luxembourg, où il y a des inspections d'arrondissement et des directions.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Quel est cet arrondissement?
M. Mercier. - L'arrondissement de Nivelles, au point de vue financier, au point de vue des accises, a évidemment plus d'importance que la province de Luxembourg. J'excepte naturellement le service des douanes.
Par ces diverses considérations, on pourrait maintenir l'unité des anciennes circonscriptions, se rapprocher de ce système, au lieu de s'en éloigner.
Je demande que M. le ministre des finances ne donne pas suite à son projet de supprimer l'inspection de cinq arrondissements.
M. de Baillet-Latour. - Après avoir chaudement défendu les intérêts de l'arrondissement de Nivelles, l'honorable M. Mercier a fait bon marché de l'arrondissement de Philippeville, qui a cependant le droit d'invoquer le bénéfice de ses observations; car si les habitants de Nivelles trouvent que Bruxelles est trop éloigné, que diront les habitants de Philippeville si l'on supprime l'inspection de cet arrondissement? Ils devront, lorsqu'ils auront affaire à l'inspecteur, faire un voyage beaucoup plus long que les habitants de Nivelles; ils devront se rendre à Dinant, qui est à six lieues de Philippeville. Il est vrai (et c'est un de leurs griefs) qu'ils doivent faire ce voyage lorsqu'ils ont affaire au tribunal. Quoi qu'il en soit, si l'on conserve l'inspection de Nivelles, je ne vois pas pourquoi l’on ne conserverait pas celle de Philippeville ; car, de part et d'autre, les considérations sont les mêmes. Je me trompe : Philippeville peut invoquer une considération toute spéciale; c'est un arrondissement frontière ; il y a, par suite, des transactions en matière de douanes. Eh bien, la ville de Philippeville n'a pas même d'inspecteur de douanes ; Dinant est le siège de l'inspection à laquelle ressortit l'arrondissement de Philippeville. Comme on le démontre parfaitement dans une pétition qui a été adressée à la chambre, et dont M. le ministre des finances doit avoir eu connaissance, si l'on supprime l'inspection des contributions de Philippeville, il y a convenance d'imposer, par compensation, à l'inspecteur des douanes qui réside aujourd'hui à Dinant, la résidence de Philippeville.
Puisque j'entends chacun défendre son clocher , je crois pouvoir aussi défendre le mien. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, à entendre conclure contre nous l'honorable M. Mercier qui, je le répète, a présenté des observations dont nous sommes fondés à invoquer le bénéfice. Je recommande donc avec confiance à la sérieuse attention de M. le ministre des finances la pétition des habitants de Philippeville.
(page 531) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - La chambre comprendra que je ne suis pas disposé à faire une bien vigoureuse résistance aux observations critiques qui viennent d'être présentées, et que si, à la rigueur, on veut m'imposer la conservation des cinq inspections d'arrondissements dont j'ai proposé la suppression, je n'en éprouverai point une trop vive contrariété.
Il en est de la mesure qui vous est actuellement proposée, comme il en est à peu près de toutes les mesures d'économie que vous aurez à examiner.
Les administrations dont nous nous occupons, dont nous nous sommes déjà occupés, dont nous nous occuperons encore, pour les modifier, les changer, les supprimer, sont-elles absolument inutiles? On répondra certainement que non ; elles ont toutes un certain degré d'utilité , et s'il n'y avait pas nécessité absolue de faire des économies, on pourrait les conserver. Mais nous n'avons plus à nous poser la question de savoir si cela est utile, si cela peut présenter certains avantages; nous avons à nous demander si l'institution est indispensable, parce que nous ne devons plus faire que ce qui est absolument indispensable.
La question ainsi posée, je réponds à mon honorable contradicteur: Dans les arrondissements de Malines, Philippeville, Huy, Nivelles et Furnes, des inspecteurs ne sont pas indispensables. C'est par ce motif que nous en demandons la suppression.
Le gouvernement ne pouvait se laisser arrêter par l'idée de constituer l'unité administrative, même pour la perception des contributions et de faire converger vers la même unité tous les services publics. Ce but est peut-être chimérique et, en tous cas, il est fort éloigné. Lorsqu'on examine, en effet, cette question avec attention, on est bientôt tenté de croire à l'impossibilité d'arriver à un résultat satisfaisant. En effet, dans ce système, quelle unité admettra-t-on pour la perception des contributions? L'unité communale, l'unité cantonale ou l'unité d'arrondissement. Qu'on veuille bien me le dire. Quelle unité adoptera-t-on pour le contrôle des contributions ? Ne sera-t-on pas obligé de conserver ce qui a été jugé nécessaire pour ces services?
Du reste, je passe sur ces considérations absolument sans importance en ce moment. En effet, l'honorable M. Mercier qui a demandé le maintien des inspections actuelles, voyant que l'inspection de Philippeville ne répond pas à l'unité qu'il voudrait faire consacrer sur-le-champ, ne trouve rien de mieux que d'en demander la suppression. Mais l'arrondissement de Philippeville peut faire valoir des considérations aussi puissantes que celles que l'honorable M. Mercier a fait valoir en faveur de l'arrondissement de Nivelles. L'honorable M. de Baillet vient de le dire, l'éloignement du chef-lieu obligera les contribuables qui auront à traiter avec l'inspecteur d'arrondissement à des déplacements plus considérables que ceux qu'ils avaient à faire auparavant.
Mais c'est la conséquence inévitable des diverses suppressions qui sont motivées uniquement par la raison d'économie, uniquement par les réductions indispensables dans les dépenses de l'Etat.
La même chose se présentera pour les receveurs de contributions. Je suis obligé de réduire d'une manière notable le nombre des receveurs. Il est incontestable que dans certains cas, il en résultera des inconvénients. Les contribuables auront à faire des courses plus longues, auront à supporter par cela même plus de dépenses qu'ils n'avaient à en supporter auparavant. Mais il faut opter, ou faire peser ces inconvénients sur les particuliers, ou imposer des charges à l'Etat.
L'honorable député de Malines a fait quelques critiques qui se résument ainsi : J'admets à la rigueur la suppression d'une inspection d'arrondissement; mais pourquoi avoir supprimé l'inspection de l'arrondissement de Malines? pourquoi ne pas avoir supprimé l'inspection de l'arrondissement de Turnhout?
D'honorables députés de Malines, à la première nouvelle de la suppression projetée, l'honorable M. de Perceval et ses amis ont adressé une note très détaillée au ministère, dans laquelle ils faisaient valoir exactement les considérations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Vanden Branden. Ils disaient : L'arrondissement de Malines est, sous le rapport des usines, beaucoup plus important que celui de Turnhout.
M. de Perceval. - C'est vrai.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est très vrai. Mais ce qui est très vrai aussi, c'est ce que j'ai répondu et ce que je vais répéter. Vous n'avez envisagé que !a moitié de la question et je vous ai répondu par l'autre moitié. La voici : Vous n'avez considéré que les usines ; mais vous n'avez pas pris garde que si l'arrondissement de Turnhout est moins important que celui de Malines , quant aux usines , il l'est beaucoup plus au point de vue de la douane. Voilà précisément ce qui a décidé le gouvernement à la conservation de l'inspection de Turnhout et à la suppression de l'inspection de Malines. L'arrondissement de Malines est en dehors du rayon de la douane. L'arrondissement de Turnhout est dans le rayon de douane. Il est impossible de supprimer l'inspection de Turnhout ; on peut supprimer celle de Malines. C'est par cette considération que l'on a fait disparaître celle-ci en conservant celle-là.
Je pense que ces motifs convaincront la chambre qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter aux observations qui qui été présentées.
Messieurs, au fond et dans toutes ces matières, il faut, je crois, s'en rapporter principalement à l'administration. J'écouterai sans doute toujours avec la plus grande attention, j'examinerai avec bienveillance, avec intérêt toutes les observations qui me seront présentées.
Mais des mesures de cette nature ne peuvent être convenablement décrétées que par l'administration. L'administration, qui en a la responsabilité, ne présenterait pas à la légère des suppressions qui pourraient compromettre des services publics. C'est après des enquêtes, après avoir examiné attentivement, après avoir approfondi, après avoir consulté les diverses autorités, après avoir pesé leurs avis que l'organisation qui a été définitivement adoptée, se trouve maintenant formulée au budget.
M. Jacques. - Comme je n'ai pas l'intention d'engager la chambre à intervenir dans l'administration ; que je crois, comme M. le ministre des finances vient de le dire, que l'organisation de l'administration des contributions ne peut se faire d'une manière convenable que par l'administration elle-même, si M. le ministre avait pris une résolution définitive, comme il a paru le dire en terminant son discours, les observations que j'aurais à présenter seraient tout à fait inutiles. Mais je crois que M. le ministre des finances n'a pas encore mis à exécution son projet de nouvelle circonscription et qu'il pourra dès lors examiner le peu d'observations que j'ai à présenter à la chambre et en faire son profit s'il croit que ces observations sont de nature à modifier la résolution qu'il a l'intention de prendre.
Je reconnais, comme M. le ministre, qu'en présence des besoins de l'Etat, il est impossible de maintenir tous les emplois qui existent. Aussi, je ne viens pas demander à la chambre de maintenir plus d'inspecteurs d'arrondissement que le gouvernement ne le propose. Mais je désire que les inspecteurs soient placés de manière que chaque arrondissement judiciaire ait son chef d'administration des contributions.
J'ai indiqué, dans les développements de la proposition que je vous ai faite dernièrement, comment il était possible, avec vingt inspecteurs d'arrondissement, d'avoir cependant un chef d'administration dans chaque arrondissement judiciaire.
Ce serait, dans les chefs-lieux de province qui correspondent aux arrondissements les moins étendus, de confier le service d'inspection d'arrondissement, soit au directeur des contributions lui-même, soit au premier commis de la direction, auquel M. le ministre des finances pourrait donner le titre d'inspecteur, tout en lui accordant une légère augmentation de traitement; dans les arrondissements les moins importants parmi les chefs-lieux de province, c'est-à-dire à Bruges, Mons, Hasselt, Liège, Namur et Arlon, le service d'inspecteur d'arrondissement pourrait très bien être réuni au bureau de la direction, et comme je le disais, le premier commis, soit qu'on lui laisse son titre, soit qu'on lui donne celui d'inspecteur, pourrait faire ce service sous la surveillance immédiate du directeur.
De cette manière on obtiendrait l'uniformité des circonscriptions sans amener de nouvelles charges pour l'Etat.
J'ajouterai à ce que disait l'honorable M. Mercier, quant à cette uniformité de circonscriptions, que souvent le chef de service des contributions dans l'arrondissement doit porter des affaires devant le tribunal, lorsqu'il ne parvient pas à les terminer par la conciliation soit en matière de douanes, soit en matière d'accises, soit même en matière de patente et de contribution personnelle; il conviendrait donc que le chef du service des contributions se trouvât dans la ville où siège le tribunal.
Il y aurait à cela de grands avantages pour le service lui-même et surtout pour le public. En effet, lorsque le contribuable a une contestation en matière d'impôts, si lorsqu'il va consulter un avocat au chef-lieu d'arrondissement, il y trouve l’inspecteur, il peut aller trouver ce chef du service et arranger l'affaire à l'amiable. Il n’en est plus de même si vous n'avez pas l'unité d'arrondissement. Je citerai pour exemple ce qui se passera dans l'arrondissement de Malines. Lorsqu'il y aura une contestation de ce genre, le contribuable qui aura été consulter un avocat à Malines, devra ensuite se transporter à Anvers, s'il veut s'entendre avec l'inspecteur d'arrondissement. Ce serait une très grande gêne pour le contribuable.
Je pense que si M. le ministre des finances veut examiner de nouveau la question, il se convaincra qu'il est possible, sans augmentation de charges pour l'Etat, d'avoir un chef de service pour les contributions dans chaque arrondissement judiciaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs , j'ai peu de choses à répondre aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. Jacques.
L'honorable membre a un troisième système à placer à côté de celui du gouvernement et de celui des honorables préopinants. Ce système consiste à faire remplir les fonctions d'inspecteur d'arrondissements, dans certains cas, par les premiers commis de direction.
Mais l'honorable membre suppose-t-il que les premiers commis de direction n'ont rien à faire? S'ils n'ont rien à faire, ils sont inutiles. S'ils sont inutiles, il faut les supprimer. Si au contraire ils sont nécessaires, si leur service est indispensable, alors ils seront dans l'impossibilité de remplir les fonctions d'inspecteurs d'arrondissements, et le système de l'honorable M. Jacques aurait pour unique effet de faire transférer l'inspection d'arrondissement à la direction.
Mais il faudrait un autre personne à qui l'on donnerait le titre que l'on jugerait bon de lui attribuer et qui remplirait à la direction les fonctions que remplit chez lui l'inspecteur d'arrondissement. Il n'y aurait donc rien de changé.
(page 532) Je suis convaincu, à la simple audition de l'exposé de ce système, qu'il serait impossible de le mettre en pratique.
Sous d'autres rapports encore, il présenterait manifestement des inconvénients.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, la deuxième section avait proposé la suppression des inspecteurs, et la section centrale elle-même avait voté cette suppression par 3 voix contre 1, et 3 abstentions; mais elle est revenue ensuite sur cette décision, principalement à cause de l'importance que les fonctions des inspecteurs auront dans la nouvelle organisation, en ce qui concerne le contrôle des accises. M. le ministre des finances ayant proposé, sous sa responsabilité, la suppression d'un certain nombre d'inspecteurs, il serait étrange de lui accorder un renfort de surveillance qu'il ne demande point. Si nous entrons dans cette voie, messieurs, nous serons arrêtés chaque fois qu'il sera question de modifications administratives; il est toujours facile de produire quelques arguments en faveur d'un système qui a existé pendant un certain nombre d'années.
M. Vanden Branden de Reeth. - Messieurs, j'ai demandé la parole uniquement pour rectifier l'opinion que M. le ministre des finances m'a attribuée. M. le ministre des finances a dit que je demandais le maintien de l'inspection de Malines au moyen de la suppression de l'inspection de Turnhout ; je n'ai rien dit de semblable, je reconnais au contraire que l'inspection de Turnhout est très utile. Je n'ai jamais cherché à relever l'importance d'un arrondissement, d'un tribunal, etc., en diminuant l'importance d'un autre arrondissement, d'un autre tribunal. Procéder de cette manière ce serait établir une lutte entre les différentes localités, et c'est ce que je ne ferai jamais. J'envisage les questions au point de vue général, et c'est en me plaçant sur ce terrain que j'ai fait ressortir l'importance de l'inspection de Malines, et que j'ai exprimé mon étonnement de sa suppression.
M. le président. - Voici un amendement qui vient d'être déposé par MM. Mercier et de Perceval :
« Nous proposons d'augmenter de 22,100 fr. le chiffre de l'article 12. »
M. Mercier. - Messieurs, j'ai déjà développé cet amendement tout à l'heure, quand j'ai pris la première fois la parole. Je répondrai cependant quelques mots à M. le ministre des finances. Pour combattre l'unité de circonscription que je réclame, il a demandé comment le principe de l'unité pouvait s'établir partout ? Comment les circonscriptions de recettes et de contrôle pourraient être basées sur ce système?
Quant aux recettes, on est parvenu jusqu'aujourd'hui à renfermer toujours leurs circonscriptions dans un seul arrondissement, et ce qui a été possible jusqu'à présent doit encore l'être.
Ce serait une modification assez fâcheuse que d'établir les circonscriptions de telle manière qu'une commune fût réunie à une recette faisant partie d'un autre arrondissement que celui dans lequel elle est située. Ainsi, par exemple, l'élément de comparaison qui a existé jusqu'à présent entre les divers arrondissements, ce point de comparaison viendrait à manquer.
Ce n'est pas là, sans doute, un très grave inconvénient ; le vice consisterait dans la modification de la circonscription des arrondissements administratifs eux-mêmes.
Je ferai observer en passant que je n'ai pas demandé qu'on supprimât l'inspection de Philippeville ; j'ai dit seulement qu'on ne pouvait pas réclamer le maintien de cette inspection , en vertu du principe de l'unité de circonscription qu'il est désirable d'établir partout où elle est possible.
Je partage, messieurs, cette opinion exprimée par un honorable membre que si la mesure proposée impose aux particuliers des charges plus considérables que celles qu'ils subissent maintenant, il faut mettre cette augmentation de charges en regard de l'économie que le trésor pourrait réaliser; si la charge nouvelle que vous imposez aux particuliers , à ceux qui payent les droits d'accises est aussi grande que celle dont vous dégrevez le trésor, vous n'avez pas fait une économie , vous avez tout simplement déplacé la dépense ; vous la faites payer directement pas certains contribuables tandis qu'auparavant elle était payée par la généralité.
M. le ministre ajoute qu'il faut s'en rapporter à l'administration. Personne n'est plus disposé que moi à s'en rapporter à l'administration ; mais il faut considérer aussi dans quelle position les chefs de l'administration se trouvent placés. Lorsqu'on leur dit : Il faut des économies, il en faut absolument, il est tout naturel que ces agents nous indiquent certaines mesures qui, bien que renfermant des inconvénients et probablement des dangers réels, sont cilles qui, à leurs yeux, en présentent le moins.
Si M. le ministre des finances n'a pas un dessein arrêté, je lui demanderai, dans l'intérêt de l'administration, de suspendre encore la suppression dont il s'agit. La section centrale a indiqué une circonstance qui doit se produire d'ici à un an; je veux parler du service de la caisse générale de l'Etat, qui entraînera peut-être une profonde modification dans les attributions de l'administration du trésor public, et qui pourra offrir l'occasion d'apporter aussi des changements dans la position des inspecteurs d'arrondissement eu général.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne me lève pas pour combattre l'amendement proposé par les honorables MM. Mercier et de Perceval. Il serait, en effet, assez étrange de voir le gouvernement combattre une proposition tendant à lui accorder plus d'argent qu'il n'en demande pour administrer. Je laisse à la chambre le soin d'apprécier cet amendement. J'ai seulement pris la parole pour répondre quelques mots à l'honorable préopinant.
Je n'ai point examiné s'il fallait ramener les recettes à l'unité d'arrondissement administratif ou judiciaire; j'ai dit seulement que l'honorable membre me paraissait pousser le fanatisme pour l'unité beaucoup trop loin, et qu'il a été obligé de s'arrêter lui-même dans la voie où il était entré sous ce rapport. Je demande ce que l'on fera lorsqu'il s'agira des recettes de contributions? Admettrez-vous l'unité communale, l'unité cantonale? Non, ce sera donc une toute autre unité, ce sera une unité spéciale, ce sera une circonscription d'un genre tout particulier. Eh bien, il en est de même pour le contrôle. L'unité que vous cherchez vous échappe donc immédiatement. Il est désirable, sans doute, que l'on cherche à faire concorder autant que possible les divers services publics pour faciliter ainsi aux contribuables les relations qu'ils doivent entretenir avec l'administration; mais il faut que cela soit dans les limites du possible.
Dans l'ordre de choses ancien, dont l'honorable M. Mercier fait l'éloge, sous prétexte qu'il y avait concordance entre les diverses unités, il y avait divergence comme aujourd'hui ; car vous rencontrez sur-le-champ une exception à votre principe, c'est l'arrondissement de Philippeville, et vous êtes forcé d'en demander la suppression.
Les fonctions d'inspecteur d'arrondissement sont, sans doute, très utiles ; j'en ai indiqué la raison dans les notes que j'ai communiquées à la section centrale, et qui ont ramené la majorité de cette section à une opinion contraire à celle qu'elle avait d'abord admise; cependant, au point de vue des contribuables, il ne faut pas non plus exagérer l'importance de ces fonctions.
Au surplus, l'on a constaté quels étaient les arrondissements où la suppression de ces inspections présentait le moins d'inconvénients quant aux particuliers. Pour ne citer que Malines, c'est un arrondissement dans lequel il n'y a presque pas de contraventions ; les particuliers n'y ont presque rien à traiter avec l'inspecteur d'arrondissement, c'est fort honorable pour l'arrondissement de Malines ; il est fâcheux que ces louables sentiments justifient la suppression de l'inspection d'arrondissement dans cette localité.
Je persiste donc à soutenir que la mesure qui a été prise par le gouvernement est bonne et qu'elle doit être sanctionnée.
Messieurs ,je n'ai pas, comme paraît le supposer l'honorable M. Mercier, mis à l'ordre du jour de l'administration : « Il faut des économies à tout prix; » j'ai dit à l'administration : « Il faut réviser tous les services publics; il faut qu'on supprime tout ce qui n'est pas indispensable. » Je n'ai pas dit : « Vous suivrez tel avis, » j'ai dit : « Appréciez, jugez, motivez vos résolutions. » Et ces résolutions ont été prises aux divers degrés de l'administration ; elles ont été ultérieurement approuvées en conseil d'administration, et je crois ne pas me tromper en énonçant que c'est pour ainsi dire à l'unanimité que les diverses mesures qui j'ai ensuite sanctionnées m'ont été proposées.
M. le président. - La parole est à M. de Perceval.
M. de Perceval. - J'y renonce; car la chambre paraît vouloir fermer cette discussion. Je ne pourrais, du reste, que répéter les considérations que mon honorable collègue, M. Vanden Branden de Reeth, a fait valoir, dans le but de maintenir à Malines l'inspection des contributions directes, douanes et accises.
Je pense, en effet, messieurs, qu'une inspection qui s'étend sur 145 usines, a droit à quelque sollicitude de la part du gouvernement, dans l'intérêt du trésor et des contribuables, et que dès lors il est indispensable de maintenir un inspecteur à Malines. Je ne conçois pas cette suppression que veut faire le gouvernement à Malines, et je me demande quels sont les puissants motifs qui le portent à l'adopter pour l'avenir. Du reste, la chambre est saisie de l'amendement que je propose sur ce littera, conjointement avec l'honorable M. Mercier; elle décidera.
- L'amendement est appuyé.
M. Delehaye. - Messieurs , j'ai assez l'habitude de m'incliner devant l'expérience et surtout devant l'expérience d'un ancien ministre ; mais quand je vois cet ancien ministre qui a eu longtemps dans ses attributions le service dont il s'agit en ce moment, être réduit, pour défendre son opinion , à invoquer la localité qu'il représente , il doit m'être permis d'en conclure que ses arguments ne sont pas très fondés.
Messieurs, on demande de toutes parts des économies ; cette fois-ci, le gouvernement va au-devant de ce désir ; il vient nous proposer une suppression d'emplois. Eh bien, le gouvernement supprime une place, et par cela seul qu'on est attaché à une localité pour laquelle on a une prédilection plus grande, on réclame contre la mesure. Je ne veux faire la leçon à personne, mais qu'il me soit permis de rappeler à l'honorable M. Mercier que, quand il était ministre des finances , il m'est arrivé souvent de demander la suppression d'emplois dans la localité à laquelle j'appartiens.
Dans le cas actuel, je laisse la responsabilité de la suppression au gouvernement ; lorsque le gouvernement, qui est le premier intéressé à ce que l'administration marche bien, vient lui-même nous demander la suppression d'un emploi , nous ne pouvons que l'approuver. Alors que nous avons constamment réclamé une réduction dans les dépenses, nous repousserions aujourd'hui une mesure qui tend à ce but, nous mettrions à la disposition du gouvernement une somme qu'il ne demande pas. Je conçois que l'on combatte les allocations proposées au (page 533) budget par le gouvernement ; mais lui imposer des sommes dont il ne veut pas, cela dépasse mon intelligence, alors surtout que c'est un ancien ministre qui est l'auteur de cette proposition.
Admettons que la chambre adopte cette proposition ; admettons ensuite que le gouvernement persiste à croire que ce qu'il a proposé est ce qu'il y a de plus utile pour l'administration ; il ne fera pas usage de la somme qu'on veut lui imposer. Pourquoi, dès lors, mettre à sa disposition une somme dont il ne fera pas emploi?
Je suis heureux que l'honorable M. Mercier ait demandé la parole ; il dissipera peut-être le doute que sa proposition a fait naître dans mon esprit. Ce n'est pas agir parlementairement que de mettre à la disposition du gouvernement une somme qu'il ne demande pas, qui représente des dépenses qu'il déclare ne pas vouloir faire.
Il est inutile, je pense, messieurs, que je vous dise que mes observations ne s'appliquent pas au développement présenté par M. de Perceval. Cet honorable membre ne combat pas les suppressions en général; seulement, il pense que l'on ferait mieux de supprimer un autre arrondissement que celui de Malines, qui compte le plus grand nombre d'usines.
M. Mercier (pour un fait personnel). - Messieurs, je crois que lorsqu'un député cherche à prouver que le gouvernement a pris une mesure qui, à ses yeux, est un acte de mauvaise administration, ce n'est pas seulement pour lui un droit, mais encore un devoir de combattre cette mesure et d'indiquer les moyens nécessaires pour qu'elle soit évitée. Voilà comment je comprends mon devoir. Libre à l'honorable M. Delehaye de le comprendre d'une autre manière.
Quant au reproche qu'il me fait de n'avoir parlé que d'une seule inspection d'arrondissement, il est tout à fait gratuit de sa part : je me suis appuyé sur des considérations générales et nombreuses; j'ai cité l'inspection de l'arrondissement d'Anvers, qui me paraissait avoir déjà trop de travail et à laquelle on veut adjoindre une partie de celle de Malines; j'ai cité aussi l'arrondissement de Bruxelles, qui est dans le même cas et auquel on veut adjoindre une partie de l'arrondissement de Nivelles. C'est donc, je le répète, tout à fait gratuitement que l'honorable préopinant allègue que je n'aurais parlé que d'un arrondissement.
M. De Pouhon. - J'appuie l'amendement de l'honorable M. Mercier. Je parlerai, comme lui, pour blâmer la suppression de cinq inspecteurs d'arrondissement. J'aurais compris cette suppression aux chefs-lieux des provinces, où les attributions des inspecteurs pourraient être déférées aux directeurs ; mais dans des arrondissements éloignés des directions, tels que Nivelles, Huy, Furnes, Philippeville, Malines, je ne vois qu'embarras pour les agents et de grands préjudices pour les localités.
Vous ne contesterez pas, messieurs, que cette réforme entravera les rapports nécessaires entre les receveurs et contrôleurs avec le chef d'arrondissement, l'inspecteur, et que le service devra en souffrir.
Les inconvénients pour les populations seront bien autrement graves. Portons notre attention sur les contribuables de l'arrondissement de Nivelles, par exemple, et considérons les pertes de temps et d'argent qu'ils auront à supporter. Ils doivent se rendre fréquemment chez l'inspecteur à l'occasion des différentes branches d'impôts :
Pour les contributions personnelles, ce sera pour une servante, un domestique, un cheval déclaré mixte ou en moins ;
Patentes. Un ouvrier déclaré en moins, une profession omise.
Accise. L'omission d'une déclaration de brasser ou de distiller, un retard dans les travaux, le défaut de documents dans le transport d'un objet quelconque.
Dans les arrondissements de Philippeville et de Furnes, qui sont dans le rayon des douanes, ce sera pour une déclaration erronée, tant à l'importation qu'à l'exportation.
Tous ces contribuables doivent se rendre chez l'inspecteur pour transiger: l'inspecteur étant sur les lieux ou en étant plus rapproché, est plus à même de connaître la moralité des contrevenants.
Les contrevenants de Nivelles devront se rendre chez l'inspecteur à Bruxelles s'ils ne transigent point, ils retourneront à Nivelles pour plaider. Avant l'audience ils se décideraient peut-être à subir les conditions de l'inspecteur, mais il sera trop tard pour éviter le procès.
Je pense que les inconvénients que je vous signale ne sont pas les seuls qui résulteront de la réforme projetée. Un fonctionnaire des contributions et accises vous en ferait une plus longue énumération.
M. Jacques. - Je demande à dire quelques mots en réponse à ce qu'a dit M. le ministre des finances de la difficulté de coordonner les circonscriptions supérieures avec les circonscriptions inférieures. Il a parlé des contrôles et des recettes. Je conçois qu'on ne peut pas adopter l'unité pour les contrôles et les recettes, mais on peut admettre l'uniformité, ce qui présente à peu près le même avantage.
Un contrôle ne peut pas se borner à comprendre un seul canton judiciaire; mais si un canton est trop peu, donnez-en deux, trois à un même contrôleur, mais ne les morcelez pas.
De même il y a beaucoup de cantons judiciaires qui ont trop d’étendue pour en former une recette, formez-en deux, trois ou quatre s'il le faut, mais ne composez pas une recette de communes appartenant à des cantons différents. Vous pouvez donc encore là observer l'uniformité.
Quant à l'amendement proposé par deux honorables collègues pour augmenter le chiffre demandé au budget, je pense que nous ne devons pas mettre à la disposition du gouvernement des fonds dont il ne veut pas disposer. Mais je ferai observer que si le gouvernement demande 300 et des mille francs pour un certain nombre de fonctionnaires, il demande dans un autre article 500 mille fr. pour les traitements d'attente des fonctionnaires qui vont se trouver sans emploi. On pourrait prendre sur ces 500 mille fr. la somme nécessaire pour conserver dans chaque arrondissement judiciaire un fonctionnaire supérieur des contributions. Il est inutile d'apporter une modification au chiffre en discussion puisqu'on laisse au ministre la faculté de transférer d'un de ces articles à l'autre.
La chambre me paraissant vouloir en finir, je n'en dirai pas davantage. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Il a paru convenu qu'on ne voterait pas par littera, cependant voilà un amendement qui porte sur un littera.
M. Mercier. - Si l'amendement était adopté, il faudrait augmenter le chiffre de l’article de la différence qui en résulterait ; si d'autres amendements étaient encore introduits ultérieurement sur d'autres littera, ils concourraient également à modifier le chiffre de l'article, sans que celui-ci puisse être subdivisé.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le vote spécial sur cet amendement et sur les littera ne fait pas partie de la loi; ce n'est qu'un vote provisoire. (Adhésion.)
- L'amendement proposé par MM. Mercier et de Perceval est mis aux voix.
Il n'est pas adopté.
La chambre vote par division les divers littera de l'article 12 ainsi conçus
Surveillance générale.
Art. 12.
« a. Traitement des directeurs:
« 3 de première classe, à 8,000 fr. : fr. 24,000
« 3 de deuxième classe, à 8,000 fr. : fr. 24,000
« 3 de deuxième classe, à 8,000 fr. : fr. 24,000.
« b. Traitement des inspecteurs en chef :
« 3 de première classe , à 6,000 fr. : fr. 18,000
« 3 de deuxième classe, à 5,700 fr. : fr. 17,100
« 3 de deuxième classe, à 5,400 fr. : fr. 16,200
« c. Traitement des inspecteurs d'arrondissement :
« 7 de première classe, à 5,000 fr. : fr. 35,000
« 11 de deuxième classe, à 4,500 fr. : fr. 49,500
« 3 de deuxième classe, à 4,000 fr. : fr. 12,000
« d. Traitement des premiers commis de direction :
« 3 de première classe, à 3,500 fr. : fr. 10,500
« 3 de deuxième classe, à 3,000 fr. : fr. 9,000
« 3 de deuxième classe, à 2,500 fr. : fr. 7,800.
« e. Traitement des seconds commis de direction :
« 6 de première classe, à 2,200 fr. : fr. 13,400.
« 9 de deuxième classe, à 1,800 fr. : fr. 16,200.
« 9 de deuxième classe, à 1,400 fr. : fr. 12,600.
« f. Traitement des troisièmes commis de direction :
« 9 de première classe, à 1,200 fr. : fr. 10,800
« 15 de deuxième classe, à 1,000 fr. : fr. 15,000. »
g. Traitement des commis d'inspection d'arrondissement :
« 21 à 800 fr. : fr. 16,800. »
- L'ensemble de l'art. 12 avec le chiffre de 331,400 fr. est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 13. Service de la conservation du cadastre ; traitement : fr. 304,700. »
- Adopté.
« Art. 14. Service des contributions directes, des accises et de comptabilité. »
M. De Pouhon. - Les réformes projetées dans l'administration des contributions directes, douanes et accises dans les provinces, consistent principalement à supprimer les contrôles spéciaux des accises, à diminuer le nombre des receveurs et des inspecteurs. La question des inspecteurs vient d'être vidée, et je n'en parlerai plus.
Si je n'avais à combattre ces réformes qu'au point de vue des agents de l'administration, je me bornerais à leur opposer mon vote négatif, car la cause des fonctionnaires et employés de l'Etat doit succomber devant le système stérilisant des économies exagérées. Mais il est d'autres intérêts, messieurs, qui vous toucheront davantage, ce sont ceux des contribuables et du trésor lui-même. Permettez-moi de vous présenter quelques observations à cet égard.
En examinant le plan qui se développe en partie dans le rapport de la section centrale, je suis frappé d'une chose : c'est que les réductions n'atteignent que les fonctionnaires et employés qui ont des rapports directs avec les contribuables. Cette remarque me fait croire que ces fonctionnaires n'ont pas été consultés, ni appelés, par conséquent, à faire la démonstration pratique de la nécessité de leur conservation. Je suis, en outre, porté à douter de la réalité de l'assurance donnée par M. le ministre des finances « que la nouvelle organisation n'affaiblira la surveillance sur aucun point et permettra ainsi au gouvernement de garantir (page 534) comme par le passé, la perception régulière des impôts. » Cela me paraît tout uniment impossible.
Vouloir, en supprimant les contrôleurs des accises, confier la surveillance de et service aux contrôleurs des contributions directes et de comptabilité, c'est méconnaître l'utilité de l'expérience qui paraît, du reste, avoir perdu toute valeur aux yeux de la politique actuelle à en juger par l'empressement que l'on met à se défaire des anciens fonctionnaires; c'est rétablir ce qui existait en 1830, et qui n'a probablement pas été détruit sans raison.
La plupart des contrôleurs des contributions directes nommés depuis 1830 ne peuvent avoir les connaissances spéciales très difficiles, très longues à acquérir et si nécessaires cependant pour bien surveiller des industries qui ne prospèrent souvent qu'à l'aide de la fraude.
Des contrôleurs des contributions directes qui n'ont pas servi dans les accises, ne sont pas plus aptes que tout employé qui ne serait jamais sorti des ministères. Envoyez un de ces employés manquant de cette aptitude, de cette expérience des détails de la fabrication que donne seule une longue pratique, envoyez-le en surveillance dans des raffineries de sucre indigène ou exotique, dans des brasseries, distilleries, sauneries, vinaigreries, etc., et vous pourrez apprécier l'étendue du dommage qu'éprouvera le trésor avant que cet employé ait pu apercevoir et surtout surprendre l'industriel en contravention.
Je veux supposer pour un moment la connaissance suffisante aux contrôleurs des contributions directes, mais le temps leur manquera pour s'acquitter des nouveaux services simultanément avec ceux dont ils sont chargés aujourd'hui. Et si les soins qu'exige d'eux l'assiette des contributions personnelles, des patentes, des mutations cadastrales en matière de contribution foncière ne peuvent se concilier avec la surveillance des accises, ce sera cette dernière branche du service qu'ils négligeront, car l'absence de cette surveillance échappera davantage à la vigilance de l'administration supérieure. On ne peut constater des fraudes consommés dont il ne reste point de traces.
Permettez-moi, messieurs, de vous le faire remarquer en passant; c'est là le côté faible des économies que nous faisons; après les avoir consacrées, nous pouvons dire que nous avons allégé les dépenses publiques d'une somme fixe, et personne ne sera plus tard à même de démontrer avec la même précision les dommages qui en seront résultés. A mes yeux, il est évident que l'Etat recevra en moins, sur les services généraux, une somme plus importante que celle des économies, et ce ne sera pas le moindre mal du système.
Je reviens au sujet que j'ai un instant interrompu, et je rencontre une objection. On dit que les contrôleurs des contributions directes ayant moins de bureaux à vérifier par suite de la réunion de plusieurs recettes, ils auront du temps disponible pour leurs nouveaux services.
A cela je répondrai qu'en réunissant des recette, on ne réduit pas le nombre des communes ni des contribuables et que l'assiette des impôts présentera le même travail.
J'aborde la question de réduction du nombre des recettes des contributions directes et des accises.
Je ne m'appesantirai pas sur cette considération, que c'est condamner beaucoup de comptables à ne plus rendre de service dans une situation d'attente; que c'est fermer la perspective qui se présentait à d'anciens employés du service actif des douanes et des accises, d'obtenir une petite recette ; que c'est ruiner l'avenir de surnuméraires qui travaillent depuis plusieurs années ; que le receveur maintenu, dont on augmentera le nombre de recettes, ne sera pas seulement obligé à beaucoup plus de courses, de dépenses et de responsabilité, qu'il devra encore fournir un supplément de cautionnement; prendre un commis particulier qui absorbera le produit de l'accroissement de recettes soumises aux remises réduites, et auquel il devra, sous sa responsabilité, confier une partie de ses attributions.
Mais j'insisterai, messieurs, sur la gêne et les déplacements intolérables que vous imposez aux contribuables.
Celui qui n'aura pas l'argent disponible pour payer le douzième échu le jour de séance du percepteur dans sa commune, devra faire une ou deux lieues pour se rendre au bureau afin de prévenir les frais de poursuites ; le brasseur, le distillateur, devront faire la même course pour chaque déclaration, pour chaque document de transport. Les cultivateurs, les industriels, les négociants des communes qui touchent au rayon des douanes, devront faire pareilles courses chaque fois qu'ils auront du bétail ou une marchandise à diriger vers ce rayon de douanes.
Au nombre des mutations projetées dans les bureaux de recettes, il en est une que je citerai parce que je connais les localités et que je suis ainsi à même d'apprécier les entraves de toute espèce dont leurs habitants sont menacés.
A Ensival il existe un bureau de recette dont les attributions s'étendent jusqu'à Stembert, distant d'une lieue. C'est déjà très gênant pour les contribuables de Stembert. Eh bien, il s'agit, si je suis bien informé, de transférer ce bureau de recettes à une lieu plus loin, à Soiron, de telle sorte que la commune de Stembert sera éloignée de deux lieues du bureau de perception et que les négociants, brasseurs, tous les contribuables d'Ensival qui ont à présent le bureau sous la main, devront faire une lieue de chemin pour l'atteindre.
Je déclare qu'une pareille perturbation dans les habitudes et les besoins de plusieurs, communes de certaine importance me paraît impraticable, et que la quote-part dans un emprunt forcé de 100 millions serait moins redoutable pour ces contribuables, qu'une mesure permanente appelée à leur occasionner des pertes de temps, des dépenses infinies.
Dans ces agglomérations de communes en une recette, il y aura encore des mécomptes pour le trésor; car les receveurs ne pourront rechercher, suivre les matières imposables, et le nombre des cotes irrécouvrables devra augmenter considérablement.
Si vous admettez néanmoins ce système absolu de réductions des bureaux de recettes, est-il donc si urgent qu'il doive être réalisé tout d'un trait en renonçant aux enseignements utiles qui résulteraient d'une application successive au fur et à mesure de la mort ou de la retraite volontaire des receveurs actuels? L'économie que ce système présente est-elle si considérable qu'il y ait hâte d'en jouir incontinent?
L'article : Services des contributions directes, des accises et de comptabilité, présente au budget, sur les traitements et remises, une réduction de 524 agents et de 446,400 francs. Mais de combien la somme sera-t-elle réduite pour les pensions et les traitements d'attente? Je crois qu'il n'y a pas d'exagération à l'estimer à mille francs par agent, et alors il resterait une réduction de 122,000 francs. Et c'est pour une semblable économie qu'il faut jeter la perturbation dans un très grand nombre d'existences, troubler les habitudes et soumettre à des gènes intolérables les populations d'une grande quantité de communes !
Je n'ose pas blâmer, mais je plains les hommes de cœur et de talent appelés à gouverner dans des circonstances qui ne leur permettent pas de se maintenir dans les régions d'où le pouvoir devrait toujours envisager les intérêts généraux d'un pays. Je crois, messieurs, que si M. le ministre des finances avait été libre de diriger sa belle intelligence vers d'autres améliorations ; que si le gouvernement entier, et nous tous avions été moins exclusivement préoccupés d'économies immédiates, absolues, il serait résulté, du concours sincère de tous, des combinaisons bien autrement utiles et plus dignes du pays.
M. Mercier. - Quoique je ne mette pas en doute que l'article ne soit adopté avec les réductions proposées par le gouvernement, je ne puis me dispenser de présenter quelques considérations sur les mesures que le gouvernement a projetées au sujet du service des accises.
Jusqu'ici le contrôleur des accises a été considéré comme l'âme de ce service.
Si on le remplace par des contrôleurs des contributions directes et de comptabilité, l'effet ne sera pas le même. Jamais ces agents, qui n'auront qu'un nombre trop restreint d'usines dans leurs circonscriptions, ne seront assez familiarisés avec le service des accises pour le bien contrôler. L'expérience de ce système a été faite. C'est après 1830 qu'il a été modifié sur la proposition de l'homme le plus compétent en cette matière. C'était le chef de l'administration à cette époque.
Indépendamment des contrôleurs des douanes et accises, on propose la suppression de 133 commis. Je crains que cette double réduction de personnel, bien loin d'amener une véritable économie, n'ait en définitive des résultats défavorables au trésor public, qu'ils n'aboutissent à un déficit, sinon la première année parce que les habitudes de fraude ne s'introduisent pas tout de suite, au moins quand ce système aura été mis en pratique pendant quelque temps.
Je sais que la chambre acceptera toutes les réductions qui lui sont soumises, et qu'elle abandonne la responsabilité de la nouvelle organisation au gouvernement. Cependant la conviction que j'ai de l'insuffisance des moyens de surveillance qui sont conservés ne me permet pas de garder le silence.
La centralisation des services des contributions, des douanes et des accises est très bonne au sommet. Mais on a jugé très sagement que les attributions devaient être divisées chez les fonctionnaires d'un ordre secondaire ou inférieur. On a cru qu'il était indispensable d'avoir des agents spéciaux pour le service des accises qui offre une certaine difficulté et exige surtout des connaissances pratiques. Les contrôleurs de ce service étant supprimés, les contrôleurs qui ont d'autres attributions qui sont pour eux les principales, ne mettront jamais assez de soin à ce service. L'expérience l'a prouvé, et c'est pour ce motif qu'on a renoncé à ce système aussitôt que la suppression des impôts mouture et abatage permit de modifier les circonscription de contrôle.
Une autre considération c'est qu'en général l'éducation administrative des contrôleurs de comptabilité ayant eu lieu dans un autre sens, ces employés ont une extrême répugnance pour ce genre de service, c'est-à-dire pour la visite dans les usines. C'est un fait que l'on peut condamner mais qui n'en est pas moins réel.
Je ne présenterai pas de plus longues observations; je m'abstiendrai de formuler aucune proposition. Le désir extrême d'introduire des économies semble dominer toute autre considération ; un amendement tendant à maintenir le contrôle des agents spéciaux n'aurait pas la moindre chance de succès, puisqu'il nécessiterait une augmentation de dépense au budget.
M. T'Kint de Naeyer, rapporteur. - La section centrale avait été saisie d'une proposition qui tendait à maintenir les contrôleurs spéciaux des accises. Ce n'est qu'après un mûr examen, après avoir pris les renseignements que nous avons cru de nature à nous éclairer, que nous nous sommes ralliés à la proposition du gouvernement.
L'honorable M. De Pouhon a émis des doutes sur les garanties que la nouvelle organisation présentera ; il a dit que c'était revenir au système de 1830. Jusqu'à un certain point, la proposition du gouvernement est un retour vers le système de 1821.
A partir du 1er janvier 1823, époque à laquelle le système financier, consacré par la loi du 12 juillet 1821, a été mis en vigueur, les contrôleurs des accises et les commis à cheval ont été supprimés. Les commis à cheval ont été remplacés par des commis à pied. On a confié, à la même (page 535) époque, les attributions des contrôleurs des accises aux contrôleurs des contributions directes et de comptabilité.
La proposition du gouvernement se rapproche donc, comme le disait l'honorable M. De Pouhon, du système qui a été en vigueur depuis 1823 jusqu'en 1830. Mais à cette époque le contrôle était beaucoup plus étendu, parce qu'il embrassait la mouture et l'abatage ; l'exercice des distilleries était aussi plus compliqué qu'il ne l'est aujourd'hui.
Avant 1830, les sections ambulantes n'existaient pas. Or, les sections ambulantes seront les chevilles essentielles du service des accises. En vertu de l'arrêté organique du 31 décembre 1846, les commis de première et de deuxième classe qui commandaient les sections ambulantes ont été nommés commis en chef, et leur traitement a été porté à 1,400 francs.
Les commis en chef placés dans une position plus élevée que les commis des sections sédentaires, ont été à même d'exercer sur eux un certain contrôle. Le service y a considérablement gagné. Lorsque les commis commandant les sections ambulantes se trouvaient sur le même rang que les commis commandant les sections sédentaires, ils ne pouvaient pas exercer sur ces dernières une action aussi énergique; il leur était presque impossible de signaler les déviations ou les irrégularités du service sédentaire.
Vous voyez, messieurs, que la surveillance exercée par les sections ambulantes sous la direction des inspecteurs, sera très-active sur tous les points, et que le contrôle sera plus facile, parce que la circonscription, d'après la nouvelle organisation, sera moins étendue.
L'honorable M. Mercier redoute que le plus souvent les contrôleurs chargés d'un triple service (douanes, comptabilité et accises), n'aient pas des connaissances suffisantes, principalement dans cette dernière matière. Ce point doit être, me semble-t-il, laissé entièrement à l'appréciation du ministre des finances; c'est à lui à choisir des agents capables : nous n'avons pas de doute que dans la nouvelle organisation, il ne donne la préférence à ceux qui réuniront les conditions nécessaires pour assurer le service d'une manière convenable.
Nous persistons à croire que la section centrale ne devait pas aller plus loin que le gouvernement lui-même pour les inspections d'arrondissements comme pour les contrôleurs ; nous avons admis les suppressions qui ont été proposées, parce que, lorsqu'il s'agit d'assurer la meilleure partie du revenu de l'Etat, il est impossible que M. le ministre des finances ait pris une décision avant d'être complètement convaincu qu'il ne pouvait en résulter aucun inconvénient.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable M. De Pouhon proteste avec beaucoup d'énergie contre toutes les modifications, contre toutes les innovations qui sont proposées. La chambre n'a pas entendu une seule fois l'honorable membre approuver la moindre modification, la moindre réduction dans les dépenses de l'Etat. C'est un parti pris. Il veut ce qui existe. Ce qui existe est bon, excellent, parfait ; dès qu'on y touche, on commet, selon lui, un acte qui nuira nécessairement au trésor.
L'honorable membre a sans doute d'excellentes raisons pour penser ainsi. Mais il nous eût été impossible, quant à nous, de mettre ses idées en pratique. Nous ne poussons pas l'amour de la conservation jusque-là.
Nous avons recherché dans tous les services publics ce qu'il était possible de modifier sans nuire à aucun intérêt réel, et nous croyons, messieurs, avoir atteint notre but. Nous n'avons désorganisé aucune administration ; tous les services sont complètement assurés. Nous avons pourtant réussi à opérer des économies qui atteindront un chiffre assurément très notable.
Il n'en résultera pas pour le contribuable, comme le suppose l'honorable membre, des inconvénients d'une extrême gravité. L'exagération a été poussée assurément fort loin par l'honorable membre, lorsqu'il vous a dit tout à l'heure qu'un emprunt forcé de 100 millions nuirait moins aux contribuables que les changements que nous proposons de réaliser dans les services publics. (Interruption.)
L'honorable membre m'interrompt pour me faire remarquer qu'il y aura un très grand préjudice pour les contribuables qui se trouveront éloignés du receveur des contributions. C'est donc de cette circonstance qu'il fait surtout ressortir les graves difficultés qui l'effrayent. Il préfère aux inconvénients que produirait un emprunt de 100 millions, le mal problématique résultant de ce que les particuliers seront obligés éventuellement de faire une course un peu plus longue pour aller trouver le receveur des contributions.
Je suis le premier à reconnaître que plus le fonctionnaire sera à portée du contribuable, et plus celui-ci aura de facilité à traiter avec celui-là. Mais je ne puis admettre que pour les habitants des campagnes, et c'est d'eux qu'il s'agit, faire parfois une lieue de plus ou une lieue de moins, soit un objet d'une très haute importance.
Les contribuables d'ailleurs, messieurs, ont, en ce cas, à s'imputer à eux-mêmes la course plus longue qu'ils sont obligés de faire. Cette observation n'a pas échappé à l'honorable membre. Les receveurs vont dans les diverses communes opérer leurs recettes à des jours préalablement déterminés. Il dépend des contribuables d'opérer immédiatement leurs versements sans déplacement. Que s'ils en sont empêchés ou s'ils ne le veulent pas, ils feront volontairement une course un peu plus longue.
Voilà le seul inconvénient, et, en vérité, il n'est pas trop à redouter. L'honorable membre a fait une critique en ce qui concerne les contrôleurs des accises. Il a supposé que les traitements de ces fonctionnaires seraient réduits. Il n'en est rien. Tout au contraire, les traitements des contrôleurs de troisième classe sont augmentés. Mais nous avons cru pouvoir charger les contrôleurs de comptabilité de faire le service des accises. Nous avons cru que cela était possible ; nous l'avons décidé.
Y a-t-il quelque péril à craindre de ce côté ? Devez-vous vous laisser effrayer par les considérations qui ont été présentées par l'honorable M. De Pouhon et l'honorable M. Mercier? Mais lorsqu'on veut consulter les faits, lorsqu'on veut se reporter à quelques années en arrière, on est bientôt convaincu qu'une pareille mesure ne présente pas le moindre danger. N'est-il pas vrai que les contrôleurs des accises ont été supprimés en 1823?
Quel était l'état de l'administration à cette époque ? Quelles étaient les attributions des contrôleurs des accises? Quelles étaient les exigences de la législation sur la perception des droits d'accises? Mais elles étaient autrement rigoureuses qu'elles ne le sont aujourd'hui. Mais on avait soumis à l'accise de plus qu'aujourd'hui la mouture et l'abatage. Mais la législation qui régissait les distilleries était tout différente de ce qu'elle est aujourd'hui. La surveillance devait être incessante dans les usines. Aujourd'hui la surveillance n'est plus commandée de la même manière; bien loin de là.
A cette époque, pas un seul objet soumis à l'accise ne pouvait circuler sans être couvert d'un document. La surveillance devait être beaucoup plus grande, beaucoup plus rigoureuse.
Rien de pareil n'existe aujourd'hui. A l'exception du sel, il n'y a plus d'objet qui exige une surveillance particulière de la part des employés des accises.
Si l'on a cru à cette époque qu'il était possible de supprimer les contrôleurs des accises, si on l'a fait sans en ressentir de fâcheux effets jusqu'en 1830, aujourd'hui que les conditions sont singulièrement améliorées, que le service n'a plus les mêmes exigences, comment n'est-on pas convaincu que l'on peut supprimer les contrôleurs des accises?
L'administration n'a pas hésité sur ce point un seul instant. Elle est profondément convaincue qu'à l'aide du service tel qu'on le propose les droits du trésor seront parfaitement garantis.
Veuillez remarquer que les honorables membres sont dans l'erreur, lorsqu'ils supposent que l'on chargera nécessairement des contrôleurs de comptabilité de faire le service des accises, lorsqu'ils affirment que les contrôleurs de comptabilité éprouvent la plus grande répugnance pour la surveillance des usines et que, de ce chef, on éprouvera des embarras sérieux.
De ce que les contrôles d'accises sont supprimés, il n'en résulte pas que les contrôleurs d'accises actuels ne pourront faire à la fois le service des accises et le service de la comptabilité. La question de personnes sera appréciée par le gouvernement. Il choisira parmi les contrôleurs soit de comptabilité soit d'accises ceux qui lui paraîtront donner le plus de garanties pour assurer le service public
Il n'y a donc aucun motif fondé à opposer à la proposition du gouvernement.
- Le littera a est adopté.
« b. Traitement des entreposeurs :
« 2 de première classe, à 3,500 fr. : fr. 7,000
« 1 de deuxième classe, à 3,100 fr. : fr. 3,100.
« 2 de troisième classe, à 2,700 fr. : fr. 5,400.
- Adopté.
« c. Traitement des receveurs ayant les douanes dans leurs attributions, lorsque les remises proportionnelles, eu égard à leur travail, constituent une rémunération insuffisante ou trop élevée :
« 1 de première classe, à 9,000 fr. : fr. 9,000
« 2 de deuxième classe, à 7,000 fr. : fr. 14,000
« 1 de troisième classe, à 6,000 fr. : fr. 6,000
« 2 de quatrième classe, à 5,000 fr. : fr. 10,000
« 5 de cinquième classe, à 4,000 fr. : fr. 20,000
« 4 de sixième classe, à 3,500 fr. : fr. 14,000
« 4 de septième classe, à 3,000 fr. : fr. 12,000
« 6 de huitième classe, à 2,500 fr. : fr. 15,000
« 7 de neuvième classe, à 2,000 fr. : fr. 14,000
« 29 de dixième classe, à 1,500 fr. : fr. 43,300
« 48 de onzième classe, à 1,.200 fr. : fr. 57,600 »
M. Hyacinthe de Baillet. - Messieurs, il me semble que le tarif des traitements fixes des receveurs n'est pas toujours en rapport avec l'importance des recettes, avec le travail et la responsabilité qui incombent aux receveurs.
En effet, des receveurs des douanes et des accises, dont la recette s'élève à environ 5 millions et qui doivent fournir un cautionnement de 50,000 fr., ont des traitements qui ne s'élèvent qu'à 9,000 fr. ; et de l'aveu du gouvernement lui-même, il y a à déduire de ces 9,000 fr. 2,000 fr. pour frais de bureau ; de sorte que le traitement se réduit à 7,000 fr.
Il est à remarquer qu'outre la responsabilité qui pèse sur le receveur, par suite du maniement des espèces, il est encore responsable des erreurs qui peuvent se commettre par les employés de son bureau, quoique ces employés ne soient pas à sa nomination, mais à celle du gouvernement.
Dans un travail aussi multiplié, il doit se glisser des erreurs et, comme on ne les découvre souvent que longtemps après, il n'y a pas moyen pour le receveur d'exercer son recours contre le tiers qui les a commises.
(page 536) Elles retombent donc sur lui, et il n'y a pas de receveur qui ne subisse des pertes de ce chef. D'après cela, on peut compter que les receveurs dont la recette s'élève à 5 millions, ont à peine, au taux actuel, 6,000 francs de traitement. Il me semble que cette rémunération est trop minime quand on fait attention à leur travail, aux services qu'ils sont appelés à rendre, et à la grave responsabilité qui pèse sur eux.
Je ne citerai, messieurs, qu'une seule position. Le receveur que j'ai en vue jouissait d'un traitement de 12,000 fr.; on vient de le réduire à 9,000; année commune, il ne lui restera guère que 6,000 fr. net. Il me parait qu'une semblable rémunération ne suffit pas pour que le gouvernement puisse toujours rencontrer des employés offrant toutes les garanties nécessaires.
Je prie M. le ministre de vouloir examiner ultérieurement la question des traitements fixes des receveurs, comme il a promis d'examiner ultérieurement la position financière des directeurs.
M. Osy. - Messieurs, je viens appuyer les observations de l'honorable M. de Baillet. Effectivement le receveur qui a la plus grande comptabilité du pays, on le réduit de 12,000 à 9,000 fr. sur lesquels encore il a 2,000 fr. de frais de bureau à supporter, d'après une note que nous trouvons dans le rapport de la section centrale. Ainsi pour une recette de 5 millions, il n'aura qu'un traitement de 7,000 fr.
Je ne viens pas proposer une augmentation du budget; au contraire je remercie beaucoup M. le ministre des finances d'avoir pris l'initiative des économies ; nous devons lui en laisser la responsabilité avec nos remerciements ; mais je crois qu'ici, il a été trop loin. Hier l'honorable M. Mercier, en parlant des fonctionnaires de l'administration centrale, a fait remarquer qu'il y a des fonctionnaires qui touchent 10,500 fr. bien que leur traitement normal ne soit que de 7,000 fr. ; M. le ministre des finances a répondu : Ce sont des positions acquises qu'il ne faut pas changer. On a donc deux poids et deux mesures et cela ne doit pas être : si l'on trouve convenable de réduire les receveurs de 12 à 9 mille francs, je ne vois pas pourquoi les employés des bureaux du ministère ne seraient pas réduits à leur traitement normal. On dira peut-être que c'est voté, mais je répondrai qu'il y a encore un article 20 sur lequel on prendra probablement le supplément de traitement des fonctionnaires dont il s'agit; eh bien, si l'on maintient la réduction pour les receveurs, je pense qu'il faudra également opérer sur cet article 20 une réduction qui ramène les traitements des fonctionnaires dont je viens de parler à leur taux normal.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai été mal compris dans les observations que j'ai présentées hier pour répondre à l'honorable M. Mercier. L'honorable M. Mercier a demandé s'il n'existait pas certains fonctionnaires dont le traitement était supérieur à 9,000 fr., maximum décrété par l'arrêté organique de 1846. J'ai dit alors que parmi les 8,000 fonctionnaires du département des finances, il en existe en effet deux qui jouissent d'un traitement de 10,500 fr. et qui doivent être ultérieurement réduits à 9,000 fr. Mais j'ai fait remarquer qu'au point de vue de la chambre, la question est sans intérêt, attendu que le chiffre de 472,000 fr. qui a été voté, comprend tout ce qui est nécessaire pour rémunérer tous les employés de l'administration centrale conformément à l'arrêté organique. Seulement, messieurs, parmi ces employés il en est quelques-uns qui ne jouissent pas, quant à présent, du traitement normal affecté à leur grade, d'après l'arrêté organique, et cela balance ce que les deux fonctionnaires dont on a parlé, reçoivent au-delà de leur traitement de 9,000 fr.
La chambre n'a donc voté que la somme nécessaire pour payer les traitements tels qu'ils sont fixés par l'arrêté d'organisation. Mais il y a, en quelque sorte une assurance mutuelle entre les fonctionnaires : les uns n'ont pas exactement ce qu'ils peuvent espérer, les autres ont un peu plus que leur traitement normal, parce qu'on a respecté chez eux une possession fort ancienne et dont les besoins de l'administration n'exigeaient pas le sacrifice.
En ce qui touche les receveurs dont les deux honorables préopinants ont parlé, il était impossible de procéder de la sorte. Je devais immédiatement appliquer l'organisation ; le traitement normal a été fixé à 9,000 francs. Il était supérieur auparavant, cela est vrai, mais il s'est trouvé forcement ramené au chiffre de 9,000 francs. Ce fonctionnaire faisait une recette fort importante; elle variait entre 4 et 5 millions; il a fourni un cautionnement de 50 mille francs, mais nous avons pensé que 9,000 francs étaient un traitement suffisant. Sur ce traitement s'imputent certains frais s'élevant à environ 2,000 francs, et qui laissent net une somme de 7,000 francs.
L'honorable M. Osy s'est trompé lorsqu'il a supposé que sur le crédit de 25,000 fr., porté à l'article 20 pour supplément de traitement on devait prélever une somme pour les fonctionnaires dont le traitement dépasse le taux normal; cet article concerne des suppléments de traitement à allouer à certains fonctionnaires, qui sont chargés de remplir intérimairement des fonctions et qui ne pourraient pas le faire s'ils n'en étaient pas indemnisés. J'ai donné à cet égard d'amples explications à la section centrale qui, en effet, avait d'abord l'intention de supprimer cet article, mais qui l’a ensuite maintenu d'après les renseignements que je lui avais fournis.
M. Osy. - Je remercie M. le ministre des finances des explications qu'il vient de donner, mais je persiste à croire que s'il applique dès aujourd'hui le taux normal aux receveurs, il serait juste de l'appliquer également aux fonctionnaires de l'administration communale. En 1846, nous avions élevé le traitement des membres de la cour des comptes à 8,000 francs; nous avons jugé convenable de le réduire à 7,000 francs et ces fonctionnaires ont subi immédiatement la réduction; je ne sais pas pourquoi il n'en n'est pas de même des fonctionnaires dont le traitement normal est de 9,000 francs et qui continuent à toucher 10,000 francs. Il me semble que nous devons suivre la même marche pour tous les fonctionnaires, et que si nous continuons à opérer des réductions il faudra, pour être juste, revenir sur l'article premier et le réduire aussi de 3,000 francs. Tout au moins, si l'on trouve convenable de ne pas ramener, pour cette année, le traitement des deux fonctionnaires dont il s'agit, au taux normal, je demande que, sinon cette année, au moins dans le budget de 1850, on en revienne au chiffre normal pour tous les fonctionnaires.
M. Hyacinthe de Baillet. - Messieurs, un mot seulement. D'après le rapport de la section centrale, le receveur dont je parle a prélevé au-delà de 2,000 fr. pour ses frais de bureau. Si j’ai indiqué 3,000 fr., j'ai eu en vue les pertes qu'il éprouve et qui ne sont pas tout à fait insignifiantes. Année commune, le produit de sa place ne va pas au-delà de 6,000 fr.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Osy persiste dans la même erreur relativement à l'allocation de 472,000 fr. ; il n'y a pas lieu de réduire cette somme ; elle représente exactement celle qui est nécessaire pour faire face à tous les services de l'administration centrale, d'après le règlement organique et en comptant le traitement maximum de 9,000 francs. On ne peut pas porter au budget de 1850 moins de 472,000 francs.
J'ai oublié de dire, quant au receveur qui a donné lieu à ces observations, que son travail a été diminué ; un second bureau a été établi à Anvers pour la perception des droits sur les marchandises sortant de l'entrepôt. C'est aussi ce qui justifie la réduction de traitement que l'on signale. L'insistance que mettent les honorables membres à vouloir conserver pour ce fonctionnaire le traitement dont il jouissait autrefois nous conduirait très loin ; il faudrait suivre la même règle à l'égard de tous les autres fonctionnaires, et partant nous n'aurions aucune économie.
-La discussion est close.
Les lifteras d, e, f, g ne donnent lieu à aucun débat.
Le chiffre de l'art. 14, 1,120,700 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 15. Service des contributions directes, des accises et de comptabilité. Remises proportionnelles et indemnités : fr. 1,385,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Service des douanes et de la recherche maritime : fr. 3,999,050. »
M. Mercier. - Messieurs, le gouvernement propose sur cet article une réduction de 227,000 fr. qui provient de la suppression de 233 employés de la douane. Je me bornerai à faire une seule observation : c'est que jusqu'ici ce sont en général les chambres qui ont engagé le gouvernement à augmenter le personnel de la douane; les honorables députés de Gand surtout se plaignaient de ce que le gouvernement ne faisait pas assez à cet égard. Maintenant la force numérique de la douane va être réduite de 233 hommes; je ne m'y oppose pas, mais j'aime à croire que le gouvernement aura pris toutes les mesures propres à atténuer le mal que cet affaiblissement du personnel de la douane pourrait occasionner à l'industrie du pays, si la fraude parvenait à s'exercer à notre frontière.
M. Julliot. — Messieurs, je demande à dire quelques mots sur le chapitre Douanes.
Je ne viens pas critiquer l'élévation du chiffre en discussion, qui monte à près de 4 millions.
Il n'est pas donné aux membres de la chambre de se fixer sur la question de savoir s'il y a dans cette administration trop de personnel, assez de personnel ou trop peu de personnel ; le gouvernement, dans ces questions d'application et de détail, est beaucoup plus à même que la chambre d'étudier ces besoins.
Mais comme la dépense, en fait de douane, se lie étroitement à la recette, je me permettrai d'appeler l'attention de M. le ministre des finances sur cette partie de nos ressources. Je me demande si la recette de nos douanes ne serait pas plus productive, alors que, dans le tarif des droits d'entrée, on prendrait pour point de vue principal les intérêts du trésor en ramenant graduellement tous les droits protecteurs à un maximum de 20 p. c. à la valeur.
Il n'entre pas dans ma pensée, messieurs, de vous prêcher le « free-trade », je n'en suis pas partisan. Mais je crois que le moment est venu de réduire ces droits protecteurs, prohibitifs, à des taux modérés, qui auront pour résultat de stimuler nos industriels à mieux faire, et de remplir nos caisses par des droits payés à l'entrée, sans augmenter les frais de surveillance.
Messieurs, quand il s'est agi de sauvegarder nos produits agricoles contre la concurrence ruineuse que peuvent leur faire le Nord et l'Amérique, vous avez tout au plus consenti à accorder quelques centimes par cent kilogrammes, non pas comme protection, mais comme ressource fiscale ; à cette occasion le travail national n'a pas le moins du monde ému la chambre.
Pouvez-vous, messieurs, après avoir adopté un principe sur une des productions essentielles du pays, renier ce même principe quand il s'agit d'autres produits? Pouvez-vous admettre qu'un tarif, qui pouvait avoir son côté utile il y a vingt-cinq ans, et qui favorise quelques-unes de nos (page 537) productions d'une protection outrée de 40, 50, et même 100 p. c, soit encore appropriée nos besoins actuels. Le pays est-il donc resté complètement stationnaire? D'ailleurs l'expérience nous démontre que les droits exagérés ne produisent pas l’effet qu'on en attend.
Les nombreux assureurs de l'introduction frauduleuse à nos frontières sont là pour attester que trop de protection ne protège plus.
J'engage donc M. le ministre des finances, 1° à étudier notre système douanier au point de vue fiscal; j'ai la conviction qu'un tarif des droits d'entrée, bien coordonné dans cette direction, grossirait de quelques millions nos recettes et stimulerait en même temps les perfectionnements dont notre industrie est susceptible, l'activité et le génie du Belge ont peu à redouter de ses voisins.
2° Je recommanderai au gouvernement de saisir toutes les occasions favorables d'étendre nos relations commerciales avec la Hollande; ce pays ne donne pas de produits similaires aux nôtres, et se trouve, sons ce rapport, dans les conditions d'échange les plus avantageuses aux deux pays.
M. Delehaye. - Messieurs, il est vrai que bien de fois la chambre a demandé qu'on augmentât le personnel de la douane. Il ne suffit pas, en effet, de donner au travail national des lois protectrices, il faut encore les faire respecter. Je pense avec l'honorable M. Mercier que, dans les circonstances actuelles surtout, il y aurait imprudence à affaiblir notre ligne de douanes. Vous savez qu'en France, on a alloué des primes pour l'exportation de certains produits; tout récemment encore on y a diminué le droit sur le sel. Toutes ces mesures doivent avoir pour conséquence d'exercer une très grande influence sur l'infiltration qui se fait de France en Belgique.
Peut-il être prudent dès lors d'affaiblir notre ligne de douanes? Je doute que le gouvernement, en examinant de près la situation des choses, puisse prêter la main à ce que le personnel douanier soit fortement diminué.
Il est très vrai, comme l'a dit l'honorable M. Mercier, que mes honorables amis et moi, nous avons toujours insisté pour qu'on renforçât le personnel de la douane; mais je crois savoir aussi, sans pouvoir toutefois l'affirmer, que jamais ce personnel n'a été porté au chiffre qui avait été indiqué par le gouvernement, de sorte qu'il est très possible qu'en demandant une réduction du nombre des douaniers, le cabinet actuel conserve le personnel qui existait quand il est entré aux affaires ; dès lors, nous ne devrions pas nous effrayer des conséquences que pourraient avoir pour l'infiltration, les mesures prises en France, et principalement la réduction de notre personnel douanier. Je désirerais que M. le ministre des finances donnât quelques explications à cet égard. Je pense que moins que jamais, sans doute, le gouvernement veut permettre qu'il soit porté atteinte à la légitime protection due au travail national.
L'honorable M. Julliot, à l'occasion de l'article douanes, a examiné la question de la protection à accorder aux travailleurs en général.
Messieurs, depuis que j'ai eu l'honneur de prendre place parmi vous, je n'ai cessé de réclamer protection pour le travail national ; et quoique je sois allé loin, l'expérience ne m'a pas démontré que je me fusse trompé. J'ai la conviction intime que ce n'est que quand vous aurez accordé une protection réelle au travail national que vous pourrez rivaliser avec les nations voisines.
Gardez-vous d'imiter les nations qui semblent abandonner le système protecteur; n'oubliez pas que c'est au système protecteur que l'Angleterre est redevable du développement de sa prospérité. Si elle a semblé d'écarter de ce principe, ce n'a été que pour les produits pour lesquels elle n'avait pas de concurrence à craindre. Du reste elle a constamment maintenu le système protecteur. Si vous faites une attention sérieuse vous verrez que l'Angleterre maintient ce système pour tous les produits sur lesquels elle a quelque concurrence à redouter.
Je n'en dirai pas davantage ; je n'ai pris la parole que parce que l'opinion émise par l'honorable membre, si elle n'avait pas rencontré de contradicteur, aurait pu être considérée comme partagée par la chambre; on aurait pu croire que la chambre abandonne le principe protecteur auquel le pays a tant de fois applaudi, puisqu'elle l'a toujours soutenu jusqu'ici. Si vous ne maintenez pas le travail partout, la Belgique ne pourra conserver le rang qui lui appartient.
On a parlé de convention à conclure avec la Hollande. Une convention semblable peut être pour nous la source d'immenses avantages. La Hollande commerciale et la Belgique industrielle peuvent se tendre une main amie. Que le gouvernement profite de cette heureuse situation. Si, comme on le dit souvent, la Belgique a grandi dans l'opinion .des puissances étrangères, exploitons cette opinion. (Interruption.)
Je me trompe, profitons de cette position. Il est très vrai que la Belgique, par l'altitude qu'elle a conservée au milieu des événements qui se sont passés autour d'elle, a montré la puissance qu'elle trouvait dans sa Constitution.
La haute opinion que nous avons donnée de nous aux puissances étrangères doit les engager à entrer en relations avec nous. Le gouvernement ferait bien de négocier avec la Hollande. Quand le gouvernement fera voir quels sont les intérêts respectifs de la Hollande et de la Belgique, la Hollande s'empressera d'accueillir la proposition qu'on lui fera.
J'engage vivement le gouvernement à augmenter nos relations d'amitié avec nos anciens frères, je suis sûr que ses efforts ne seront pas inutiles. C'est sur ce terrain que j'engage mes collègues à seconder le gouvernement. Il n'est pas de pays en Europe qui nous offre des ressources plus considérables et qui soit en meilleure position pour profiter de la situation.
M. Lesoinne. - Je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion ; mais je n'ai pu garder le silence en entendant l'honorable préopinant soutenir le principe de la prétendue protection du travail national. Cet honorable membre qui défend la cause des Flandres avec beaucoup de cœur, je le reconnais, se trompe sur les moyens par lesquels on peut leur venir en aide; il aurait dû voir, par la trop longue expérience qui en a été faite, que la détresse des Flandres provient, en grande partie, du système protecteur qu'il vient préconiser.
L'honorable député de Gand vient de citer l'Angleterre. C'est une opinion que j'ai entendu, à différentes reprises, énoncer dans cette enceinte que l'Angleterre doit sa prospérité au système protecteur.
Quand un pays possède les avantages naturels dont l'Angleterre a été dotée, quand ce pays se trouve habité par une population intelligente et énergique, il prospérera toujours ; l'Angleterre a une position géographique admirable, elle a des rivières navigables pour les navires du plus fort tonnage, des mines de houille, des minerais de fer et de cuivre, et autres en abondance ; c'est à ces avantages naturels, et non au système protecteur, que l'Angleterre doit en grande partie les progrès qu'elle a fait dans l'industrie.
Nous possédons aussi ces avantages naturels, nous avons une population laborieuse ; pourquoi certaine partie du pays est-elle tombée dans la détresse? Précisément à cause de ce système protecteur.
Si vous aviez laissé libre l'entrée des fils de coton et des fils de lin l'industrie linière et l'industrie cotonnière auraient prospéré. Je le prouverai par un exemple.
Pour le fil servant à faire la toile à voiles, un fabricant avait obtenu d'en introduire la quantité nécessaire aux besoins de son établissement, en franchise de droit, parce que ce fil ne se faisait pas dans le pays; il a renoncé, il y a je crois un an ou deux, à cette faculté qui lui avait été accordée, parce qu'il a trouvé le moyen de le faire faire dans l'intérieur du pays à meilleur compte qu'il ne pouvait le retirer de l'étranger, et cela a eu lieu parce que l’on a trouvé que ce produit avait dans le pays même un écoulement régulier et facile.
Il en sera de même pour les fils de lin pour toiles ordinaires ; on a fait venir du fil étranger que l'on a fait travailler dans les prisons, et maintenant 600 tisserands flamands travaillent du fil étranger et même du fil du pays, que l’on fabrique à aussi bas prix à peu près que le fil étranger, et ces toiles se placent très bien à Londres et à Hambourg.
On a cité l'Angleterre comme ne recevant rien de ce qui se fabrique à l'étranger ; c'est une grande erreur. Indépendamment de beaucoup de produits de notre agriculture, nous y envoyons des draps et même du coton, et je pense que l'Angleterre deviendra le marché le plus favorable pour les produits belges. Nous sommes voisins, nos relations sont quotidiennes ; ce qui manque à la Belgique ce sont des relations faciles et donnant des rentrées promptes. Nos négociants et nos commerçants n'ont pas l'esprit hardi d'entreprise; ils aiment à faire les affaires le plus commodément possible. Ce sont les relations de pays à pays que vous devez surtout chercher à développer si vous voulez sauver les Flandres.
Comme je ne comptais pas prendre la parole dans cette discussion qui du reste ne peut aboutira aucun résultat, je me bornerai à ces quelques mots de réponse à l'honorable M. Delehaye, et je me joindrai à l'honorable M. Julliot, pour engager M. le ministre à modifier notre système de douane de manière à en faire un moyen de recettes au lieu d'un moyen de protection. Car le système protecteur n'a été qu'un système menteur, promettant à nos ouvriers un travail convenablement rémunéré, tandis qu'il tendait à faire baisser constamment les salaires par la concurrence intérieure qui s'établissait bientôt entre les fabricants protégés.
M. de Haerne. - Je rends hommage aux convictions de l'honorable membre qui vient de se rasseoir. Quand il parle du libre-échange, il le fait avec conviction. C'est le langage qu'il a toujours tenu, dans cette enceinte. Mais, tout en rendant hommage aux bonnes intentions de l'honorable membre, je ne puis aucunement partager son opinion.
Je suis d'avis, avec l'honorable préopinant, que le travail national, en Belgique, a besoin d'une protection, non d'une protection exagérée et équivalente à la prohibition, comme on a souvent l'air de le dire, mais d'une protection raisonnable, proportionnelle surtout aux droits dont nos produits similaires sont frappés à l'étranger. .
Voilà la grande question.
On a dit que les Flandres sont tombées dans la détresse, dans le malheur qui les désole, à cause de l'excès de protection. C'est là une fatale erreur ; et ce serait un malheur pour les Flandres si la chambre partageait l'opinion de l'honorable préopinant. Comment ! ce serait par excès de protection que les Flandres seraient dévorées par le chômage et par la misère, qui en est la conséquence ! Oh ! depuis dix ans que nous luttons contre la concurrence étrangère, les barrières de France et d'Espagne, ces deux pays qui nous étaient ouverts autrefois, ne se sont-elles pas hérissées contre nous, de manière à devenir impénétrables à nos produits !
Voilà la vraie cause de la décadence des Flandres. Lorsqu'en France on a doublé les droits, lorsqu'en Espagne on a établi des droits prohibitifs montant à 75 et 80 pour cent, vous dites que c'est par suite de la (page 538) protection et de défaut d'énergie que nous sommes tombés dans la misère! C'est une grande erreur. C'est parce que nous avons eu contre nous des droits contre lesquels il est impossible de lutter.
Malgré cela, nous exportons encore beaucoup de produits en France. Mais après les pertes dont je viens de parler, il n'est pas étonnant que l'exportation de nos produits ait subi un si grand décaissement.
Je conçois que l'honorable membre prône les idées du libre-échange, en présence de la protection dont jouissent les produits de la province à laquelle il appartient. Je suis loin de prétendre qu'en défendant les avantages du libre-échange, l'honorable membre ne veuille pas les étendre jusqu'à un certain point aux produits du pays wallon. Je sais qu'à cet égard il est conséquent en poussant les principes jusqu'au bout. Mais l'opinion des membres de la chambre n'est pas l'opinion d'une province entière. J'ai la conviction que cette opinion ne serait pas adoptée par la province à laquelle appartient l'honorable membre. Peut-être accordera-t-on une légère réduction de droits sur les fers, sur les houilles, diminution qui nous sera favorable à nous autres Flamands, et qui, alimentant nos usines, fera grand bien aux populations pauvres des Flandres. Je crois que l'honorable membre rentrera jusqu'à certain point dans ce système. Mais j'ai la conviction qu'il ne serait pas suivi dans ses principes par ceux qu'il représente.
En parlant ici d'une opinion qui n'est pas celle de l'honorable membre auquel je réponds, mais l'opinion de la protection à laquelle on tient dans les provinces wallonnes, je dois dire que je comprends très bien pourquoi dans ces provinces on ne se soucie pas des droits protecteurs : c'est parce que ces provinces ont tous leurs apaisements, et qu'elles ont tout lieu de craindre que si en faveur des Flandres, dans l'intérêt de l'industrie manufacturière, on venait à augmenter la protection, les pays étrangers, par mesures de représailles, n'augmentent les droits sur les produits qui leur arrivent des provinces wallonnes. Je conçois très bien cette opinion. J'y trouve un intérêt réel de la part de ces provinces.
Ce n'est pas ainsi qu'on doit agir, lorsqu'on veut défendre les intérêts du pays. On doit se placer à un point de vue plus élevé, embrasser tous les intérêts, faire pencher la balance tantôt à droite, tantôt à gauche, de manière à pondérer tous les intérêts, à imposer de légers sacrifices à certaines provinces pour venir au secours de celles qui souffre il le plus.
Voilà comment je comprends la protection due au travail. Je comprends qu'une nation forme une seule famille dont tous les membres doivent s'aider les uns les autres.
M. Lesoinne. - J'ai demandé la parole lorsque l'honorable préopinant a dit que la province à laquelle j'appartiens ne serait pas disposée à renoncer aux lois douanières protectrices pour les articles qu'elle produit. J'aurai l'honneur de lui répondre que, depuis plusieurs années, la chambre de commerce de Liège a demandé une diminution de droits sur les houilles, sur les fers, que l'établissement de Seraing a demandé la libre entrée des fers et des mécaniques étrangères.
D'ailleurs cette protection dont on a favorisé certaines industries du pays qu'a-t-elle produit chez nous? Cette protection en faveur de l'industrie métallurgique qui a fait ériger une grande quantité de hauts fourneaux, à quoi a-t-elle servi? Le prix des fers est aujourd'hui inférieur au prix des fers anglais. Je vous demande, après cela, de quelle utilité lui a été le système protecteur. La liberté est toujours invariablement vraie, juste. Ce n'est que par la liberté que vous obtiendrez la production à bon marché qui vous permet de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers.
Donnez à l'industrie et au commerce des voies de communication économiques , facilitez les transports, et avec une population courageuse comme nous en avons une dans notre pays, l'industrie saura se tirer d'affaire elle-même. Vous n'aurez plus de ces industries factices basées sur un écoulement restreint qui tend à se restreindre de jour en jour. Vous n'aurez que des industries vivaces ayant des relations qui tendent toujours à s'accroître. Voilà les industries qu'il faut encourager.
Par la protection, vous obtiendrez exactement l'effet contraire. Vous n'aurez nécessairement qu'un marché restreint ; s'il arrive une crise ou une commotion, tous vos ouvriers manquent d'ouvrage et sont dans la misère. Si, au contraire, les relations sont étendues, si elles rayonnent vers des marchés divers et nombreux, il y a toujours du travail soit d'un côté, soit d'un autre.
J'espère que le gouvernement voudra bien entrer dans la voie qui lui a été indiquée par l'honorable M. Julliot, bien que je ne puisse admettre que l'on aille jusqu'au droit de 20 p. c. Il s'agit de combiner un système qui fournisse des ressources à l'Etat ; le moyen est de ne pas porter les droits à un taux trop élevé, et seulement sur un nombre assez limité d'articles.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Il me semble, messieurs , qu'il est temps de revenir à l'objet en discussion. Il s'agit de savoir si le sort de la douane sera compromis par la suppression d'un petit nombre d'employés. L'administration ne l'a pas pensé. Les choses marcheront comme elles ont marché jusqu'à présent. La surveillance sera complète. Les lois seront exécutées.
Nous n'avons pas à nous occuper, quant à présent, du système douanier qu'il convient d'adopter. Nous n'avons pas à rechercher s'il vaut mieux suivre les principes du libre-échange que les idées qui ont fait naître le régime protecteur. La pensée du gouvernement sur cette grave matière sera exposée en temps plus opportun.
Mais je dois rappeler à la chambre que le ministère, à son début, a marqué un temps d'arrêt dans le système qui avait été précédemment suivi. Il a proclamé bien haut qu'il n'y aurait plus d'aggravations dans les lois de douane.
C'était, messieurs, un point essentiel. Il fallait, d'abord, que l'on s'arrêtât dans la voie où l'on était entré, afin de pouvoir améliorer successivement et revenir à un système plus rationnel, plus conforme aux véritables intérêts du pays.
Il est incontestable, messieurs, que le système qui tend à repousser les produits étrangers, s'il est bon, doit être appliqué par les nations étrangères aussi, et alors la Belgique, comme les autres nations, serait obligée de se borner au commerce intérieur.
M. de Mérode. - C'est ce qu'elles font.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est ce qu'elles ne font pas du tout. Elles cherchent toutes à échapper à de pareilles entraves, tout en protestant de la nécessité de maintenir les barrières dans l'intérêt prétendu du travail national.
L'intérêt prétendu du travail national, à quoi se réduit-il en définitive? Après un certain nombre d'années, lorsque les industries primitivement protégées ont prospéré, et ont enrichi quelques propriétaires d'usines, il arrive que le pays lui-même a un trop grand nombre de fabricats, et dès ce moment il y a pléthore, l'industrie expire sous l'abondance des produits.
C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons pour beaucoup de nos industries.
Je ne vois réellement d'industries, en Belgique, dans une situation entièrement satisfaisante que celles qui ne sont pas protégées. Celles qui le sont le moins sont celles qui se trouvent dans les meilleures conditions. Celles qui sont protégées, et je signale particulièrement les industries de la province à laquelle j'appartiens, pour répondre à l'honorable M. de Haerne, sont celles qui sont précisément dans la plus grande gêne.
Ainsi, pour l'industrie des fers, si l'on avait eu la concurrence anglaise, les conditions seraient-elles différentes de celles qu'on trouve aujourd'hui sur le marché? Nullement; nous serions exactement dans la même situation ! Or, autant avoir la concurrence anglaise que la concurrence des fabricants entre eux. Seulement, on aurait empêché un très grave inconvénient, celui d'avoir surexcité la production à l'intérieur, d'avoir dirigé des capitaux dans une fausse voie, d'avoir augmenté outre mesure la population ouvrière portée vers une certaine industrie, ce qui crée de grandes pertes pour les uns, et de grands embarras pour l'Etat.
Au surplus, je n'ai pas besoin de dire qu'en toutes ces matières on doit agir avec la plus grande prudence, la plus grande circonspection. Des intérêts se sont établis à l'abri d'une législation sans doute vicieuse, mais ces intérêts sont respectables, et on ne doit y porter atteinte qu'avec d'extrêmes ménagements.
M. de Mérode. - On pourrait être à peu près d'accord, si l'on adoptait le principe qu'a indiqué comme bon l'honorable M. Lesoinne. Si l'on veut, dit-il, considérer les douanes comme un moyen fiscal, je ne m'y oppose pas. Messieurs, c'est précisément là le but principal que doivent avoir les douanes ; c'est d'être d'abord un moyen fiscal. Car si vous établissez des droits que l'Etat ne perçoit pas, s'ils sont tellement excessifs que la fraude empêche le payement des droits, il en résulte que l'Etat ne perçoit rien ou presque rien et que l'industrie n'est pas protégée, puisque la fraude lui fait le même tort que lui ferait la libre entrée.
On a constamment réclamé du gouvernement qu'il cherchât dans les droits de douane un moyen d'alimenter le trésor. C'est pourquoi j'avais insisté pour que les céréales étrangères payassent des droits proportionnés à ceux que supporte l'agriculture nationale par l'impôt foncier. Nous n'avons obtenu qu'un droit insignifiant sur les céréales qui arrivent par voie maritime ; l'Etat n'a pas profité de ce moyen qu'on préconisait tout à l'heure, de faire des douanes un moyen de recettes pour le trésor public.
J'insiste, messieurs, pour qu'on en revienne à ce moyen, alors surtout qu'on reconnaît la nécessité de créer de nouvelles recettes pour le trésor.
Quant à la diminution des employés des douanes, j'ai peine à croire qu'elle ne nuise pas plus ou moins à la surveillance. Moins il y aura d'employés sur les frontières, moins il sera difficile de se soustraire aux droits. Si le nombre des employés était double, évidemment les moyens d'éviter les droits seraient beaucoup moindres. Je ne suis pas persuadé que les 200,000 fr. d'économie qu'on vous propose ne se transformeront pas en une perte de 3 à 400,000 fr. pour le trésor public.
Puisque M. le ministre des finances croit le contraire, je ne puis m'opposer à sa proposition. Mais, je le répète, je ne suis pas persuadé que ce soit là une véritable économie.
M. Mercier. - Je n'ai demandé fa parole que pour répondre à une question qui a été faite tout à l'heure par l'honorable M. Delehaye.
La dernière augmentation d'allocation qui a été accordée par la chambre pour le service de la douane, date de 1844. C'était une somme de 100,000 francs.
Immédiatement après le vote de !a chambre, la répartition du personnel que cette somme permettait de créer, a été faite entre les différentes provinces. J'ajouterai que plusieurs directeurs se sont plaints de ce que (page 539) l'augmentation ne fût pas assez considérable pour satisfaire à toutes les exigences du service.
Cependant, messieurs, comme il arrive chaque année, de nombreuses vacances d'emploi dans un personnel aussi considérable que celui de la douane, une faible partie de l'allocation reste toujours disponible. C'est ce que l'administration ne peut pas éviter, bien que toutes les instructions aient été données pour que les places restent vacantes le moins de temps possible.
- « Littera a. Traitement de l'inspecteur en chef du service actif sur les chemins de fer : 1 agent à 6,000 fr. »
- Adopté.
« Littera b. Traitement des inspecteurs : 3 de première classe, à 5,000 fr. : fr. 15,000 ; 3 de deuxième classe à 4,600 fr. : fr. 13,800 ; 3 de troisième classe à 4,300 fr. : fr. 12,900. »
M. Van Iseghem. - Messieurs, il parait que l'intention de M. le ministre des finances est de supprimer l'inspection des douanes à Ostende. D'après le rapport de la section centrale les fonctionnaires locaux auraient même été unanimes pour réclamer cette mesure.
Il y a environ 12 ans, la chambre de commerce de la ville que j'ai l'honneur de représenter dans cette enceinte, avait demandé avec instance l'envoi d'un chef supérieur de la douane. M. le ministre des finances d'alors ayant trouvé cette demande juste, très fondée, y a fait droit, et depuis cette époque un inspecteur se trouve sur les lieux.
Je crains que la suppression qu'on propose de faire ne sera pas seulement défavorable et nuisible au commerce, mais encore aux intérêts du service public et du trésor. Je ne présenterai aucun amendement, mais je prierai M. le ministre des finances de vouloir donner quelques explications. Le port d'Ostende a une importance réelle ; entre autres la plus grande partie du sel brut qui entre dans le pays est importée par ce port; en outre, presque tous les voyageurs qui nous arrivent d'Angleterre débarquent à Ostende, souvent il y a de ces personnes qui ne connaissent ni la langue ni les habitudes de notre pays et qui négligent de déclarer tel ou tel objet qu'ils ont parmi leurs bagages ; il en résulte de petites difficultés, et vous voyez, messieurs, qu'aussi bien pour le commerce que pour le mouvement des voyageurs qui procurent des recettes à notre railway, il faut qu'un fonctionnaire supérieur se trouve sur les lieux, qui ait le pouvoir de faire des transactions, aplanir et souvent prévenir des difficultés, qui sont on ne peut plus désagréables pour le commerce franc et loyal; il faut avoir aussi un fonctionnaire qui peut réprimer l'excès de zèle des employés de la douane. En ce moment le commerce d'Ostende se plaint beaucoup de certaines tracasseries qui ont souvent lieu après 11 heures du matin ; je ne dois pas traiter ici des questions personnelles, mais je suis prêt à donner à M. le ministre des finances, en particulier, tous les renseignements qu'il pourra désirer à cet égard.
Il y a en outre, messieurs, la pêche et par conséquent les dépôts de sel, qui exigent une attention toute spéciale, pas sous le rapport de fraude, mais sous un rapport de protection, c'est-à-dire que l'agent supérieur de la douane ne peut pas envisager cette malheureuse branche d'industrie comme une affaire fiscale, et plus qu'on est élevé en grade, plus on tâche de se montrer homme équitable.
Prenez qu'il n'y ait qu'un seul contrôleur pour la douane et accises à Ostende, qu'il devient malade ou qu'il est occupé ailleurs, soit pour échouement de navires ou pour toute autre cause, par conséquent momentanément dans l'impossibilité de remplir ces fonctions, par qui sera-t-il remplacé? Le service ordinaire restera en souffrance, le commerce sera arrêté dans ses expéditions. Vous comprenez, messieurs, que si une telle situation se prolonge pendant un certain nombre de jours, il peut en résulter des inconvénients très sérieux.
Nous ne vivons pas dans un temps où on peut arrêter les affaires commerciales ; au contraire, on doit les rendre faciles, et le gouvernement est obligé de prendre des mesures efficaces contre les entraves et tracasseries.
J'espère que M. le ministre des finances nous donnera des explications satisfaisantes et qui seront à même de tranquilliser le commerce ostendais et qu'on pourra continuer à terminer dans ce port de mer toutes les affaires de douane sans avoir recours à une autre ville.
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs , si quelques termes impropres se sont glissés dans mon rapport, il faut l'attribuera la rapidité avec laquelle j'ai dû le rédiger pour me conformer aux désirs de la chambre.
Il ne s'agit pas ici en effet des fonctionnaires locaux, mais des fonctionnaires supérieurs de l'administration financière de la Flandre occidentale.
J'aurai encore une rectification à faire à l'article 17.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les fonctionnaires supérieurs ont été unanimes pour reconnaître qu'il n'y avait pas nécessité de maintenir à Ostende un inspecteur des douanes dont la mission est de surveiller la ligne et d'empêcher la fraude. Il ne résultera, ce me semble, aucun inconvénient pour le commerce de ce que le contrôleur fera le service autrefois dévolu à un inspecteur. Il n'y aura aucune espèce de changement dans les relations des contribuables avec les fonctionnaires, et les craintes que l'on a manifestées à cet égard sont absolument sans fondement.
- Les autres litt. de l'article ne donnent lieu à aucune observation. L'article est mis aux voix et adopté.
« Art. 17. Service des poids et mesures : fr. 53,400. »
M. T’Kint de Naeyer, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour rectifier une erreur de chiffres qui s'est glissée dans cette partie de mon rapport.
Si le gouvernement transfère le service des poids et mesures au département de l'intérieur, il faudrait supprimer au budget des finances non seulement la somme qui figure à l'article 17 mais encore les abonnements, article 22, soit 6,150 francs, plus les frais de tournée 11,850 fr. et enfin la somme de 2,000 francs reprise à l'article 25 (matériel), ensemble 71,400 francs.
M. le ministre des finances ne nous a pas encore fait connaître s'il est décidé à opérer, pendant le cours de l'exercice, le transfert du service des poids et mesures.
M. Mercier. - Je crois pouvoir engager le gouvernement à réfléchir encore mûrement avant de transférer ce service au département de l’intérieur. On sait avec quelle difficulté le système des poids et mesures métriques s’introduit dans le pays, et je crains que le département de l’intérieur n’exerce, à cet égard, une action moins efficace que le département des finances; si, comme on l'a dit, les vérificateurs des poids et mesures n'ont pas assez de travail qu'on avise sur ce point, et qu'on multiplie leurs tournées; mais je suis persuadé que la surveillance de l'application du système se fera avec plus de succès par le département des finances que par celui de l'intérieur, surtout si l'on adoptait l'idée émise dans le rapport de la section centrale et qui consiste à charger accessoirement de cet objet les employés des commissariats d'arrondissement. D'abord un travail qui se fait accessoirement, s'exécute très mal, et ensuite les commissaires d'arrondissement sont des fonctionnaires politiques, qui exerceraient une action très faible sur un service de cette nature.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - L'honorable rapporteur a fait remarquer que si le service des poids et mesures est transféré au département de l'intérieur, il faut supprimer au budget des finances toutes les sommes qui sont relatives à ce service. Cela est tout simple. Quant à l'observation qui a été faite par l'honorable M. Mercier, elle me paraît peu fondée. Le gouvernement sait que le système métrique s'introduit avec beaucoup de difficulté dans le pays, mais c'est précisément à cause de cette difficulté qu'il faut transférer le service au département de l'intérieur. Pourquoi le service des poids et mesures a-t-il été mis dans les attributions du département des finances?! Parce que dans l'origine ce service avait un caractère fiscal. Mais pour étendre plus facilement le système métrique, ce caractère fiscal a été supprimé et il ne s'agit plus aujourd'hui que de simples mesures de police. Or je le demande, à quel propos des mesures de police s'exerceraient-elles par le département des finances? Le département des finances doit rester étranger à ce service, parce que les vérificateurs des poids et mesures n'ont pas d'action sur les agents qu'ils doivent requérir pour les aider dans leurs fonctions. Si le département de l'intérieur avait les poids et mesures dans ses attributions, il pourrait beaucoup mieux coordonner le service et le faire remplir d'une manière plus complète et plus efficace.
Une correspondance entre le département des finances et celui de l'intérieur est déjà engagée depuis assez longtemps sur ce point, et une résolution définitive sera prise incessamment.
M. de Mérode. - Messieurs, on parle des poids et mesures, et de la difficulté qu'on a d'introduire le système dans les habitudes du pays. Je crois que la cause de cette difficulté, c'est que le système décimal, très commode dans les calculs des hautes sciences mathématiques, n'est pas commode du tout quand il s'agit de l'usage ordinaire. Il est presque impossible de se figurer, dans l'imagination, ce que c'est que tant de décimètres, tant de centimètres. C'est pour cela qu'on a éprouvé tant de résistance dans l'introduction du système des poids et mesures, et qu'on devrait tolérer dans l'usage ordinaire une autre manière de compter, et l'emploi des mots moitié, quart, huitième, qui sont infiniment plus commodes pour celui qui n'est pas à l'observatoire et qui est simplement dans une boutique.
M. Mercier. - Messieurs , l'honorable ministre de finances disait tout à l'heure que le transfert du service des poids et mesures au département des finances avait été opérée comme mesure fiscale. Cela n'est pas bien exact : le produit des poids et mesures était tellement insignifiant qu'au point de vue fiscal, la chose n'avait aucune portée. Mais on a cru que le département des finances ayant un très grand nombre d'agents disséminés dans les différentes localités du royaume, l'exécution du système métrique serait plus rigoureusement surveillée.
D'ailleurs, M. le ministre des finances n'ignore pas que beaucoup d'administrations communales mettent la plus grande mollesse dans cette partie du service de la police. M. le ministre le sait tellement bien que dans les vues exposées dans le rapport de la section centrale et qui sont probablement les siennes, il est spécialement fait la réserve que les employés des accises continueront à surveiller l'exécution du système métrique. Au reste, j'ignore quels sont les agents, ressortissant au département de l'intérieur, qui pourraient efficacemebt être chargés de ce service.
M. Veydt. - Messieurs, j'augure des paroles qu'a prononcées M. le ministre des finances que le service des poids et mesures sera transféré dans peu de temps du département des finances à celui de l'intérieur. Le désir de la section centrale sera accompli, et il y aura amélioration. Je ne puis partager l'opinion de l'honorable M. Mercier, qu'il y a encore lieu à réflexion. Les quelques mois que j'ai passés au ministère des finances ont suffi pour me convaincre que les poids et mesures seraient (page 540) mieux placés dans les attributions du ministre de l'intérieur. Comme on la dit, ce n'est plus un objet de recettes. Il s'agit de surveiller l'emploi des poids et mesures en conformité avec le système légal. C'est bien plus une affaire de police, et les relations du département de l'intérieur avec les administrations communales faciliteront cette surveillance et la rendront plus efficace et peut-être moins coûteuse. Il y a beaucoup à faire pour les poids et mesures en Belgique. Ce service laisse bien des choses à désirer. Il est vrai qu'il y a eu, pendant longtemps, un obstacle, qui a été levé par la loi, adoptée dans la session dernière, relativement aux étalons prototypes. Les opérations scientifiques, qui devaient précéder ce dépôt autorisé par loi, sont sans doute terminées. Le service des poids et mesures fera, je l'espère, l'objet d'une attention sérieuse du gouvernement, et les plaintes auxquelles il donne lieu auront bientôt un terme.
L'honorable comte de Mérode a cherché une cause de la défectuosité de ce service là où elle n'est pas. Je l'ai souvent trouvé ami des idées de progrès pour ne pas m’étonner de ses objections, de ses reproches contre le système décimal. Cette opinion n'est pas fondée, et ce serait certes rétrograder que de revenir aux anciennes divisions métriques. Si l'emploi du système décimal donnait réellement lieu à des difficultés, il faudrait s'efforcer de les surmonter. Mais comment en serait-il ainsi? Le système décimal est enseigné dans toutes les écoles; il marche de pair avec la lecture et l'écriture. On s'est appliqué à le rendre intelligible aux enfants. Il pénètre de plus en plus dans les masses, et je ne puis concevoir qu'il faille, après tant d'années, lui attribuer encore la situation fâcheuse du service des poids et mesures.
- La discussion est close.
Le chiffre de l'article 17 est mis aux voix et adopté.
« Art. 18. Service de la garantie des matières et ouvrages d'or et d'argent : fr. 47,900. »
- Adopté.
La chambre remet la suite de la discussion à demain.
La séance est levée à 4 heures 3/4.