(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 451) M. Dubus procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.
- La séance est ouverte.
M. Troye lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces adresses à la chambre
« Plusieurs maîtres de forges et propriétaire.; de hauts fourneaux, dans l'arrondissement de Charleroy, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir le rétablissement de la prime accordée par l'ancien tarif des chemins de fer, en faveur de l'exportation des fontes, si le gouvernement n'abolit la surtaxe à laquelle les fontes sont assujetties par suite du nouveau tarif. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Drion, Limelette et Grothans, réclamant contre la surtaxe dont sont frappes les clous par le nouveau tarif des chemins de fer, demandent que l'administration des chemins de fer réduise à 4.40 par 1,000 kil. le prix du transport des clous de Gosselies à Bruxelles. »
- Même renvoi.
« Les sieurs Timmermans et Rombaut, maîtres d'équipage de la marine de l'Etat, qui, par suite du désarmement du brick le Duc de Brabant et des chaloupes canonnières, ont reçu l'ordre de demander un congé illimité, sans solde, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir un traitement d'attente. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Middelbourg présente des observations contre le projet de supprimer l'arrondissement d'Eecloo. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l'intérieur. »
« Les médecins et chirurgiens de l’arrondissement de Furnes demandent l'abolition de l'impôt patente sur les médecins. »
« Même demande des docteurs en médecine, en chirurgie et en accouchement à Willebroeck. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le tribunal de commerce de Bruxelles présente des observations contre le projet de loi sur la compétence en matière civile et commerciale. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
M. de Royer informe la chambre qu'une indisposition l'empêche d'assister à la séance. »
- Pris pour notification.
M. Jacques, en vertu de l'autorisation des sections, donne lecture de la proposition suivante :
« Art. 1er. Les vingt-six arrondissements administratifs dont les chefs-lieux ont des tribunaux de première instance, prennent ou conservent la même circonscription que ces tribunaux : les quinze autres arrondissements administratifs sont supprimés.
« Art. 2. L'article 4 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice est abrogé. Chaque canton de justice de paix forme un canton de milice : néanmoins, lorsque plusieurs justices de paix siègent dans la même ville, leurs cantons ne forment qu'un canton de milice.
« Art. 3. Les électeurs des communes qui appartenaient aux arrondissements supprimés par l'article premier de la présente loi, continuent à se réunir dans les chefs-lieux supprimés pour élire leurs représentants et leurs sénateurs suivant le tableau inséré dans la loi du 51 mars 1847. Lorsque l'arrondissement supprimé est fractionné entre deux ou trois arrondissements, le collège électoral est divisé également en sections, de manière que chaque section ne comprenne que des communes réunies au même arrondissement. Le bureau principal siège à la section qui comprend les électeurs du chef-lieu d'élection.»
« Art. 4. Les commissaires d'arrondissement jouissent du même traitement que les présidents des tribunaux. Une somme annuelle de 65.000 francs est répartie par le gouvernement entre les 26 commissaires d'arrondissement à titre d'abonnement pour frais de bureau.
« Art. 5. Les commissaires d'arrondissement dont les emplois sont supprimés, jouissent d'un traitement d'attente de 2,500 francs par an, jusqu'à ce qu'ils puissent obtenir une nouvelle destination ou leur admission à la retraite.
« Une somme de 15,000 francs est mise à la disposition du gouvernement pour être distribuée entre les employés des quinze commissariats supprimés à titre d'indemnité une fois payée. »
« Art.6. La présente loi est exécutoire le 1er avril. 1849. »
M. le président. - Quand M. Jacques désire-t-il développer cette proposition ?
M. Jacques. - Je suis à la disposition de la chambre ; si elle veut m/entendre maintenant, je présenterai mes développements à l'instant même.
- La chambre décide qu'elle entendra immédiatement les développements de la proposition.
M. Jacques. - L'on a déjà proposé deux fois, dans cette enceinte, de rendre aux commissariats d'arrondissement la même circonscription qu'aux tribunaux : d'abord vers 1835, lors de la discussion au chapitre de la loi provinciale qui concerne les commissaires d'arrondissement, et ensuite en 1845, lors de la discussion sur l’augmentation des traitements et abonnements des mêmes fonctionnaires.
Mais à ces deux époques, les idées d'économie et de simplification des rouages administratifs n'étaient pas en faveur : l'on s'occupait plutôt à doter la Belgique de diverses institutions nouvelles, à compléter et à développer les institutions existantes. Dans cette disposition des esprits, l'on ne pouvait guère s'arrêter à la proposition de supprimer plusieurs emplois de commissaires d'arrondissement, et l'on se borna, pour la faire rejeter, à indiquer la perturbation que cette suppression pourrait amener dans les opérations électorales. Personne ne s'aperçut, ou ne voulut s'apercevoir, que l'on peut très bien supprimer des commissariats d'arrondissement sans toucher en rien au système électoral.
Maintenant que les embarras financiers ont ramené forcément les chambres et le gouvernement aux idées d'économie, il m'a paru que le moment était favorable pour appeler de nouveau l'attention de la chambre sur la question des commissaires d'arrondissement, sur l'utilité de leur appliquer partout la circonscription judiciaire.
Vous savez, messieurs, comment on est parvenu à établir des circonscriptions différentes pour les commissariats d'arrondissement et les tribunaux. En 1815, lorsque le gouvernement des Pays-Bas étendit son administration sur la Belgique, il chercha, par divers moyens, a se concilier les bonnes grâces des notables du pays. Une des mesures qu'il prit à cette fin, fut de laisser aux états provinciaux le soin de fixer la division des provinces en districts administratifs. Les états d'Anvers, du Brabant et du Limbourg eurent le bon esprit de ne pas toucher aux circonscriptions existantes, qui étaient les mêmes pour le service administratif et pour le service judiciaire; mais dans les autres provinces, diverses localités ou peut-être des individus eurent assez d'influence dans les états provinciaux pour faire morceler des arrondissements et faire établir de petits districts. Quelques-uns de ces petits districts furent supprimés quelques années plus tard, lors de la révision des règlements provinciaux, en 1825 ; mais il en reste encore 15 aujourd’hui, savoir : dans la Flandre occidentale 4 : Ostende, Dixmude, Roulers, Thielt ; dans la Flandre orientale, 3 : Eecclo, Saint-Nicolas, Alost ; dans le Hainaut, 3 : Soignies, Ah, Thuin ; dans la province de Liège, 1 : Waremme ; dans le Luxembourg, 2 : Bastogne et Virton; dans la province de Namur, 1 : Philippeville. A ces quatorze petits districts il (page 452) est venu s'en joindre un quinzième en 1839, lorsqu'on a morcelé le Limbourg; on a réuni alors les débris de l'arrondissement de Ruremonde aux arrondissements judiciaires de Hasselt et de Tongres, mais sous le rapport administratif l’on s'est laissé aller à créer le petit arrondissement de Maeseyck. Voilà les quinze arrondissements que mai proposition a pour objet de supprimer, afin de rétablir l'uniformité entre les circonscriptions administratives et les circonscriptions judiciaires.
Ce n'est pas seulement pour les districts administratifs que l'on a adopté une circonscription différente de la circonscription judiciaire. Lorsqu'en 1817 on décréta la loi sur la milice, on confia encore aux états députés de chaque province le soin de diviser la province en cantons de milice d'une force d'environ 10,000 âmes chacune; de là, encore une nouvelle divergence de circonscriptions, car presque nulle part le canton de milice ne correspond au canton judiciaire.
Mais, messieurs, il y a bien d'autres différences; il existe pour ainsi dire une circonscription particulière pour chacun des grands services de l'Etat. On peut compter jusqu'à 13 circonscriptions diverses. Ainsi nous avons pour le département de l'intérieur la circonscription des arrondissements administratifs et des cantons de milice, la circonscription des ressorts d'inspection d'écoles, la circonscription des districts agricoles.
Pour les finances, il y a la circonscription des contributions, la circonscription cadastrale, la circonscription de l'enregistrement et la circonscription forestière.
Pour la justice, nous comptons, outre la circonscription judiciaire, la circonscription ecclésiastique.
Pour les travaux publics il y a trois circonscriptions différentes, celle des postes, celle des ponts et chaussées, celle des mines. Enfin pour le département de la guerre, nous avons la circonscription de la gendarmerie, qui présente aussi des différences avec les autres. De manière que de ces 13 circonscriptions des divers services publics dans le même pays, il n'y en a presque pas qui soient entièrement d'accord. Il résulte de là une grande gêne, lorsqu'on veut reconnaître, pour les divers services publics, à quel canton ou à quel arrondissement chaque commune appartient.
Je vous citerai, par exemple, les communes de Grandmenil, de Malempré et de Vauxchavanne, dans la province de Luxembourg; ces communes ont 7 chefs-lieux de canton différents : Erezée pour la justice de paix, les contributions, le district agricole et l'inspection d'école; Laroche pour le canton de milice et pour les forêts ; Barvaux pour le bureau de poste; Durbuy pour l'enregistrement et pour le cadastre ; Melreux pour le canton ecclésiastique; Manhay pour la gendarmerie et Bastogne pour les ponts et chaussées.
Je vous citerai aussi le canton de Sibret dans le Luxembourg. Ce canton a quatre différents chefs-lieux d'arrondissement : Bastogne pour l'administration; Neufchâteau pour le tribunal et les hypothèques; Saint-Hubert pour les contributions et pour les accises; Marche pour l'enregistrement et pour les poids et mesures.
Vous concevez combien cette diversité de circonscriptions présente de gêne et pour les services publics eux-mêmes et surtout pour les habitants.
Il est temps de faire cesser ce dédale de circonscriptions diverses et de ramener tous les services publics à une circonscription uniforme, à la circonscription judiciaire qui est la plus ancienne, qui est entrée le plus profondément dans les habitudes et qui a éprouvé le moins de modifications, depuis qu'elle a été établie dans les premières années du siècle.
Lorsque les divers services publics auront le même chef-lieu d'arrondissement et le même chef-lieu de canton, les fonctionnaires qui y sont préposés pourront, dans leurs rapports journaliers, dans des conversations officieuses, faire beaucoup plus pour les services qui leur sont confiés, qu'ils ne peuvent faire maintenant avec une longue correspondance.
L'avantage serait encore plus grand pour le public qui trouverait réunis dans le même chef-lieu de canton ou d'arrondissement, les divers fonctionnaires et employés avec lesquels il aurait à traiter. Vous avez que chacun a souvent à régler plusieurs affaires à la fois, et que la même affaire ressortit souvent à divers services publics, eh bien! lorsqu'on se transporterait au chef-lieu d'arrondissement, l'on pourrait traiter le tout à la fois. Je vous citerai à cette occasion une affaire où il s'agissait d’expropriation pour construction de route. Il fallait se concerner avec l'ingénieur des ponts et chaussées qui dirigeait les travaux, avec le commissaire d'arrondissement qui était chargé de l'acquisition des terrains à l'amiable, et en définitive avec le tribunal où l'affaire devait être vidée.
Eh bien, si le commissaire d'arrondissement et l'ingénieur avaient eu leur résidence dans la ville où se trouve le tribunal, je pense que l'affaire se serait arrangée sans procédure, mais comme il aurait fallu se transporter dans plusieurs villes pour s'entendre avec ses divers fonctionnaires compétents; le particulier intéressé a préféré plaider afin d'obtenir une solution du tribunal.
Je crois utile d'entrer maintenant dans quelques explications pour établir qu'il ne sera pas difficile d'appliquer la circonscription judiciaire à tous les services publics. Ma proposition fait le premier pas dans ce sens, elle applique la circonscription judiciaire aux commissariats d'arrondissement et aux cantons de milice. Mais si je dis que c'est le premier cas, je puis ajouter que c'est le seul pas à faire par la législature, car toutes les autres circonscriptions ont été réglées par des arrêtés du gouvernement, et de simples arrêtes suffisent pour rétablir l'uniformité qui n'aurait jamais dû être détruite.
Cependant il sera bon peut-être que je présente quelques observations sur la facilité qu'il y aurait pour les divers services publics autres que les commissariats d'arrondissement dont je m'occuperai tout à l'heure, lorsque j'en viendrai à l'examen des articles ; que je présente quelques observations, dis-je, sur la facilité qu'il y aurait pour ces autres services, à rétablir l'uniformité des circonscriptions, en prenant pour base la circonscription judiciaire.
Je vais passer successivement en revue les divers services qui embrassent dans leurs circonscriptions toutes les communes du royaume et examiner les mesures qui seraient à prendre pour mettre leurs circonscriptions d'accord avec la circonscription judiciaire.
Nous avons à l'intérieur les ressorts d'écoles : ceux-là sont organisés d'après les circonscriptions des cantons judiciaires, de manière qu'il n'y a rien à faire. Pour les districts agricoles, les cantons judiciaires ont encore servi de base dans toutes les provinces, à l'exception de la Flandre occidentale où les districts agricoles ont pour base les cantons de milice. Il y aurait là une mesure fort simple à prendre pour établir sous ce rapport l'uniformité dans cette province comme elle existe déjà dans les autres.
L'administration des finances a quatre services dont les circonscriptions sont tantôt d'accord avec les circonscriptions judiciaires, tantôt différentes. L'administration des contributions directes et accises pourrait très bien adopter pour son service la même circonscription que les tribunaux et avoir un inspecteur d'arrondissement à chaque siège de tribunal. Il est vrai qu'il en faudrait 26 au lieu de 20 que nous avons maintenant; mais comme ces fonctions sont sédentaires, rien n'empêcherait que l'inspection des contributions ne fût au chef-lieu de la province réunie à la direction où le premier commis en exercerait les fonctions, de manière que l'on aurait un nombre suffisant d'inspecteur et qu'il n'y aurait pas d'augmentation de dépense.
Quant aux contrôles, rien ne s'oppose à ce qu'on ne morcelle pas les cantons comme on l'a fait jusqu'ici : il n'est pas d'ailleurs nécessaire d'avoir autant de contrôleurs que de cantons judiciaires ; rien n'empêche qu'on assigne 3 ou 4 cantons judiciaires à un même contrôleur.
On peut en dire autant pour les bureaux de recettes, il convient d'en établir un par chaque chef-lieu de canton; s'il en faut plusieurs dans certains cantons trop étendus, il faut avoir soin de ne pas réunir dans le même bureau de recette des communes de cantons différents, ainsi que cela existe maintenant.
Si je passe au service de l'enregistrement, je trouve au budget de 1849, douze inspecteurs. Le gouvernement veut sans doute faire faire le service par le directeur dans l'arrondissement chef-lieu; cependant les inspecteurs d'enregistrement ont des tournées à faire; pour ce service il faut un fonctionnaire spécial par arrondissement ; mais rien ne s'oppose à ce que les vérificateurs, qui ont un traitement moindre qu'un inspecteur, soient chargés du service de l'arrondissement; de cette manière il n'y a ni augmentation de personnel, ni augmentation de dépense.
Le service forestier n'existe que dans quelques provinces. Je voudrais que dans celles où il y a une administration forestière, chaque inspecteur ou sous-inspecteur forestier fût chargé du. service d'un arrondissement pour toute la circonscription judiciaire. Je voudrais aussi que le garde général eût sous sa surveillance un, deux ou trois cantons, mais sans morceler de canton comme cela existe maintenant. Dans les arrondissements où il n'y a pas de forêts importantes, s'il y a quelques boqueteaux, quelques coins de bois, le service pourrait été confié à l'inspecteur de l'enregistrement.
J'arrive maintenant aux circonscriptions ressortissant au département de la justice. Là, puisque je prends la circonscription judiciaire pour base, il n'y a rien ç changer.
La circonscription ecclésiastique ne dépend pas du gouvernement, il est vrai. Mais, dans le temps, elle était en parfaite harmonie avec la circonscription judiciaire. Pour revenir à cette parfaite harmonie, il suffirait d'établir dans cette circonscription les légers changements introduits dans notre circonscription judiciaire, depuis le régime français.
Au département des travaux publics, je disais tout à l'heure que nous avions trois services organises en circonscriptions différentes.
Dans les ponts et chaussées, il y a assez d'ingénieurs pour qu'on puisse placer un ingénieur au chef-lieu de chaque arrondissement judiciaire, en lui donnant tout l'arrondissement judiciaire pour ressort. Les arrondissements différents qu'on leur a donnés aujourd'hui ne font que compliquer les relations des divers services entre eux, et gêner davantage les habitants.
Quant aux conducteurs, il n'y en a pas assez pour qu'il y en ait un pour chaque canton. Ce n'est pas nécessaire non plus. Mais on pourrait, comme pour les contrôleurs des contributions, donner pour ressort à chaque conducteur 2 ou 3 cantons, selon que le service le permettrait, mais sans qu'il soit besoin de fractionner les cantons judiciaires.
L'administration des mines n'existe que dans quelques provinces. Elle n'est nécessaire, je crois, que dans les provinces de Liège et le Hainaut. Il n'y a guère que trois arrondissements (Liège, Charleroy et Mons) où il y a des mines d'une grande importance. Dans ces deux provinces il faudrait un ingénieur en chef avec la résidence qu'il a aujourd'hui, et des ingénieurs dans les trois arrondissements.
Dans les arrondissements où il n'y a que des carrières, des ardoisières, des exploitations de peu d'importance, on pourrait très bien confier le service des mines aux agents des ponts et chaussées.
(page 453) Aujourd'hui pour la province de Luxembourg il y a un ingénieur des mines à Arlon qui doit parcourir toute la province, et cela pour quelques carrières, pour quelques ardoisières. Si le service était confié, pour chaque arrondissement, à l'ingénieur des ponts et chaussées de l'arrondissement, le service ne se ferait que mieux.
L'administration des postes n'a pas d'autorité d'arrondissement. Mais je voudrais qu'il y eût un bureau de poste dans chaque chef-lieu de canton. Si un seul bureau ne suffit pas dans certains cantons, l’on peut en conserver deux ou trois, mais en ayant soin de ne faire desservir par chaque bureau que des communes d'un même canton judiciaire.
Je crois d'ailleurs qu'avec les modifications introduites dans le service et dans la législation des postes, modifications qui permettent maintenant d'affranchir les lettres sans se rendre aux bureaux et de recevoir les lettres chargées à domicile, un seul bureau, pourvu que le nombre des facteurs fût assez considérable, pourrait faire le service de tout un canton judiciaire.
Il me reste à dire un mot de la circonscription de la gendarmerie. Nous avons bien un officier de gendarmerie au chef-lieu de chaque arrondissement judiciaire. Mais l'arrondissement n'est pas le même pour la gendarmerie que pour le tribunal, et je crois cependant que les exigences du service permettent d'établir une uniformité parfaite.
Descendant des lieutenances aux brigades, je demanderai qu'il y ait une brigade au chef-lieu de chaque canton judiciaire. Si certains cantons sont trop étendus pour qu'une seule brigade puisse suffire, si l'on y établit deux ou trois brigades au moins, que ces brigades n'aient pas dans leur ressort des communes d'un autre canton.
Je crois inutile de m'étendre davantage sur ces détails. Je crois d'ailleurs avoir passé en revue la plupart de ces divers services qui embrassent dans leurs circonscriptions tout le royaume.
J'arrive maintenant aux articles de la proposition que j'ai déposée.
L'art. premier réduit les 41 arrondissements administratifs qui existent maintenant, à 20, afin de les mettre en harmonie avec les arrondissements judiciaires. Cette suppression de 15 arrondissements me paraît n'offrir aucune difficulté.
On pourrait dire peut-être que les arrondissements judiciaires sont trop étendus pour !e service d'un commissaire d'arrondissement. Mais il suffit de répondre que la chose existe en France, qu'elle existe encore dans deux de nos provinces, les provinces d'Anvers et de Brabant. Les arrondissements de Louvain et de Nivelles, par exemple , sont tout aussi grands que les autres arrondissements judiciaires de la Belgique, et cependant dans ces deux arrondissements, le commissaire étend son service sur tout le ressort judiciaire.
D'ailleurs le service d'un commissaire d'arrondissement me paraît pouvoir s'exercer sur un ressort aussi étendu que le service d'un procureur du roi. L'expérience prouve que 26 procureurs du roi suffisent en Belgique; je pense dès lors qu'il doit être bien démontré que 26 commissaires d'arrondissement y suffisent également. Car si le commissaire d'arrondissement doit surveiller la marche des opérations administratives jusque dans les plus petites communes, le procureur du roi, de son côté, doit rechercher les crimes et délits jusque dans les plus petites localités de l'arrondissement; et certes il n'est pas plus facile d'entretenir, pour la recherche des crimes et des délits, des rapports constants avec toutes les petites totalités éloignées du chef-lieu, qu'il ne l'est au commissaire d'arrondissement d'entretenir des relations suivies avec les administrations communales.
On pourrait dire aussi, contre la suppression des petits arrondissements, qu'elle gênerait le public qui doit se rendre au commissariat d'arrondissement. Mais à cela il est une réponse très simple : c'est que le public se rend en général au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire au moins trois fois aussi souvent qu'au chef-lieu de l'arrondissement administratif. L'on voit arriver à l'arrondissement judiciaire beaucoup de personnes pendant toute l'année. Les plaideurs et les témoins sont obligés d'y venir. Vous avez aussi les propriétaires, les créanciers et les débiteurs qui ont des opérations à faire à la conservation des hypothèques, tandis qu'au commissariat d'arrondissement presque tout se fait par la correspondance des bourgmestres avec les commissaires. Le public n'y vient guère qu'une fois par an ; ce sont les jeunes gens qui ont à se faire exempter de la milice ou à se faire remplacer.
Il y a enfin contre la suppression des petits arrondissements l'objection de la perturbation qu'elle pourrait produire dans les opérations électorales. Mais je crois que j'y ai pourvu complètement par l'article 3 du projet en stipulant que les électeurs des communes qui appartenaient aux arrondissements supprimés continueront à se réunir dans les chefs-lieux où ils se réunissent d'après les lois existantes, et pour élire le même nombre de représentants et de sénateurs que celui qui est assigné à ces arrondissements supprimés. Aucune perturbation n'est possible. L'intervention du commissaire d'arrondissement n'est pas liée au chef-lieu d'élection. Le commissaire d'arrondissement n'a pour les élections que trois attributions : la première de recevoir et de vérifier les listes; la deuxième de diviser les électeurs en sections ; la troisième de faire convoquer les électeurs. Après cela le rôle du commissaire d'arrondissement est entièrement terminé.
Eh bien ! pour recevoir et vérifier les listes, peu importe que le commissaire d'arrondissement soit placé à un chef-lieu ou à l'autre. Le commissaire d'arrondissement placé au chef-lieu de l'arrondissement judiciaire veillera aussi bien à ce que les listes soient exactes et complètes, que s'il était placé au chef-lieu où les élections doivent se faire.
Quanta la formation des électeurs en sections, l'article 3 du projet porte que les électeurs des communes réunies à chaque arrondissement forment une ou plusieurs sections distinctes, de manière que chaque commissaire d'arrondissement aura à former les sections pour les communes qui sont de son ressort. Il pourra dès lors veiller à la convocation régulière des électeurs, ainsi que la loi lui en fait un devoir.
Après cette convocation, il ne reste plus au commissaire d'arrondissement qu'à envoyer la liste de ces sections au président du collège électoral, c'est-à-dire au juge de paix du lieu où l'élection doit se faire. Eclaircissons la chose par un exemple, et voyons ce qui se fera pour le district de Roulers, district qui comprend des communes appartenant à trois arrondissements judiciaires et qui serait ainsi à morceler entre trois commissariats d'arrondissement, Courtray, Ypres et Bruges. Voici la marche qui sera suivie si le projet est adopté : les commissaires de chacun de ces arrondissements recevra et vérifiera les listes électorales des communes de son ressort qui doivent voter à Roulers, il divisera ses électeurs de ces mêmes communes en sections, et il veillera à ce qu'ils soient convoqués pour aller voter à Roulers ; enfin il enverra les listes des sections au juge de paix de Roulers. Le juge de paix de Roulers qui aura reçu les listes des sections des trois commissaires d'arrondissement présidera le collège électoral, et l'élection se fera avec la même facilité que si les listes des sections lui avaient été envoyées par un seul commissaire d'arrondissement, par un commissaire résidant à Roulers. Sous ce rapport donc il n'y a aucune objection à faire contre le projet.
Dans les observations qui précèdent, je me suis occupé tout à la fois de l'article premier et de l'article 3; il me reste à parler de l'article 2. Par l'article 2 du projet, je propose d'abroger l'article 4 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice. Je crois avoir expliqué tout à l'heure comment l’on est arrivé à avoir des cantons de milice qui ne correspondent pas aux cantons de justice de paix. Il n'y a rien, absolument rien qui exige pour les cantons de milice une circonscription moins étendue que celle des justices de paix. Nous avons, par exemple, à Bruxelles le canton de milice le plus populeux du royaume ; il renferme les quatre justices de paix de la capitale ; eh bien ! si on peut réunir en un seul canton de milice les quatre cantons de justice de paix de Bruxelles, on peut, certes, partout ailleurs, n'avoir qu'un seul canton de milice par canton de justice de paix. Il est évident qu'il n'y a pas à cela la moindre difficulté.
Il ne me reste plus, messieurs, qu'à donner quelques explications sur la partie financière du projet.
Par l'article 4 je propose d'accorder aux commissaires d'arrondissement le même traitement qu'aux présidents des tribunaux. C'est ce qui existe déjà maintenant ; seulement il est quelques commissaires d'arrondissement qui résident au siège du tribunal de quatrième classe et qui ont le traitement d'un président de tribunal de troisième classe. Je crois qu'il convient de faire cesser cette exception à la règle générale. Quant aux frais de bureau, j'en ai calculé le chiffre moyen à raison de 2,500 fr.; dans quelques arrondissements il faudra aller jusqu'à 3,000 ou 3,500 fr.; mais dans d'autres 2,000 fr. suffiront. Je laisse ceci à la décision du gouvernement.
Voici quel serait le résultat des dispositions du projet :
Il y aurait 4 traitements de 6,000 fr., 7 de 5,250, 8 de 4,650 et 7 de 4,200 francs, formant ensemble une dépense de 127,350 fr., tandis que le projet de budget présenté par le gouvernement pour 1849, quoique renfermant déjà une réduction de 25,000 fr. sur le budget de 1848, porte encore un chiffre de 166,000 fr.
Il y aurait dans une économie de 39,000 fr. sur le chiffre proposé par le gouvernement.
Quant aux frais de bureau, le gouvernement a dû calculer sur 35 arrondissements, nombre qu'il propose de maintenir, et il a demandé en conséquence, une somme de 80,000. Comme je propose de réduire le nombre des arrondissements à 26, en fixant le chiffre total des abonnements à 65,000 francs, j'élève encore la moyenne de l'allocation par arrondissement.
Or, de 65 à 80,000 fr. il y a une économie de 15,000 fr., ce qui avec les 39,000 d'économie sur les traitements, ferait une économie totale de 54,000 sur les chiffres proposés par le gouvernement. Si vous comparez mes propositions au chiffre de la dépense faite l'année dernière, l'économie totale sera de 111,522 francs.
A la vérité, par l'article 5 de ma proposition, je fixe à 2,500 fr. par an le traitement d'attente des commissaires d'arrondissement dont l'emploi serait supprimé. De ce chef, il y a 22,500 fr. à retrancher de l'économie que je viens d'indiquer, et comme je propose, en même temps, d'accorder une indemnité, une fois payée, aux employés des commissariats d'arrondissement supprimés, indemnité qui s'élèverait à 15,000 fr. Il en résulte, en définitive, que, pour l'année 1849, il n'y aurait plus entre ma proposition et celle du gouvernement qu'une différence de 17,150 fr. ; mais, dès l'année suivante, cette économie serait augmentée des 15,000 fr. dont je viens de parler; de sorte que pour 1850 l'économie serait de 32,150 fr. Ce chiffre s'élèverait ensuite d'année en année, jusqu'à ce qu'elle fût arrivée au chiffre de 54,150 francs.
Enfin, par l'article 6, je propose de fixer l'exécution de la loi au 31 mars 1849. Cette époque me paraît la plus convenable, parce que d'ici là on aura le temps d'examiner le projet, et que de cette manière il n'y aurait pas de morcellement de trimestre, ce qui pour la comptabilité est toujours une chose à éviter quand il est possible de le faire.
Je crois, messieurs, avoir donné des explications suffisantes à l'appui de ma proposition. Il pourrait arriver cependant, comme je n'ai parlé (page 454) que sur de simples notes, qu'il n'y eût pas beaucoup d'ordre dans ce que j'ai dit à la chambre; mais si j'ai omis quelque chose d'important, je pourrai le rétablir dans la discussion, si tant est que ma proposition soit discutée devant la chambre, comme je l'espère.
La discussion est ouverte sur la prise en considération.
M. de Renesse. - Je n'ai pas demandé la parole pour m'opposer à la prise en considération de la proposition qui vient d'être développée ; mais je pense, lorsqu'il s'agit de modifier l'une de nos lois organiques, la loi provinciale, il faut qu'une pareille proposition soit soumise à une enquête. Lorsqu'il s'agit d'adjoindre une commune à une autre, de changer leurs limites, on consulte les conseils provinciaux qui, plus spécialement, sont chargés d'examiner les différents intérêts des localités de leurs provinces. Par la proposition déposée par notre honorable collègue, il s'agit de supprimer plusieurs commissariats d'arrondissement, de porter une atteinte à beaucoup de localités; je crois donc que la chambre devrait demander à M. le ministre de l'intérieur de faire une enquête sur ce projet de loi, et d'en communiquer le résultat à la chambre, avant que la proposition de l'honorable M. Jacques soit examinée en sections.
M. le président. - Si personne ne demande plus la parole sur la prise en considération, je la mettrai aux voix ; c'est seulement après la prise en considération que nous aurons à nous occuper de la proposition de M. de Renesse.
- La proposition de M. Jacques est prise en considération et renvoyée à l'examen des sections.
M. le président. - Voici la proposition de M. de Renesse :
« J'ai l'honneur de proposer à la chambre d'inviter M. le ministre de l'intérieur à ouvrir une enquête sur la proposition qui vient d'être déposée par M. Jacques, et d'en communiquer le résultat à la chambre avant l'examen de cette proposition dans les sections. »
M. Delfosse. - La note qui précède le budget de l'intérieur nous apprend que le gouvernement a examiné le système proposé par l'honorable M. Jacques. Je suis porté à croire que cet examen a été précédé de l'enquête demandée par l'honorable M. de Renesse ; dans ce cas M. le ministre de l'intérieur pourrait communiquer le dossier de l'enquête à la chambre ; il serait ainsi fait droit à la demande de l'honorable M. de Renesse.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, en recherchant les différents moyens d'introduire des économies dans les budgets, on s'est attaché à celles qui pourraient résulter d'une réduction dans le nombre des commissaires d'arrondissement. Le gouvernement a successivement examiné ces trois questions :
1° Faut-il réunir les circonscriptions administratives aux circonscriptions judiciaires et n'avoir qu'une seule circonscription judiciaire et administrative?
Des inconvénients pratiques très graves se sont présentés , qui nous ont déterminés à ne pas proposer cette modification à la chambre.
2° Un second système consistait à supprimer les commissaires d'arrondissement aux chefs-lieux de province. Ce système a été également examiné avec beaucoup de soin. Nous y avons renoncé, parce qu'il nous a paru présenter aussi des inconvénients pratiques assez graves.
3° Enfin il est un troisième système auquel nous nous sommes arrêtés, que nous avons proposé à la chambre et sur lequel nous nous expliquerons lors de la discussion du budget de l'intérieur. Il consiste à remettre aux mains d'un commissaire d'arrondissement deux circonscriptions administratives, au lien d'une.
De ce chef, une économie pourra être introduite dans les dépenses. Une seconde économie résultera d'une nouvelle base adoptée pour les traitements et émoluments des commissaires d'arrondissement. On les a divisés en 4 classes ; on a affecté 9,000 fr. à la première classe, 8,000 à la seconde, 7,000 à la troisième et 6,000 a la quatrième.
Voilà le système auquel nous avons cru devoir nous rattacher, comme présentant le plus d’avantages au point de vue économique et le moins d'inconvénients au point de vue administratif.
Messieurs, nous ne nous sommes pas opposés à la prise en considération de la proposition de l'honorable M. Jacques. Cette proposition sera imprimée et distribuée; il est difficile, à une première lecture, de saisir toutes les vues de l'honorable membre ; il est possible qu'il y en ait de bonnes qui méritent d'être adoptées par la chambre et par le gouvernement.
Pour le moment, nous nous renfermons dans les propositions formulées dans le budget de l'intérieur.
M. Mercier. - Je voulais présenter les observations qui ont été faites par l’honorable M. Delfosse.
M. de Theux. - Messieurs, je pense que la loi provinciale fait un devoir de soumettre cette question aux conseils provinciaux ; il est évident qu'à la différence de la proposition de M. le ministre de l'intérieur, la proposition de l’honorable M. Jacques renferme des changements à la circonscription des arrondissements administratifs. Or, l'article 83 de la loi provinciale est formel ; le conseil donne son avis sur les changements proposés pour la circonscription de la province, des arrondissements et des communes, et pour la désignation des chefs-lieux. Ainsi il est évident que la chambre ne pourrait statuer qu’après avoir reçu les avis des conseils provinciaux. Au reste, la proposition de l'honorable M. de Renesse pourra trouver sa place lorsqu'on examinera la proposition au fond.
M. Bruneau. - Je pense aussi que la chambre doit la première donner l'exemple de l'exécution des lois organiques et qu'il y a lieu de se conformer à l'article 83 de la loi provinciale.
M. Jacques. - Messieurs, je ne pense pas que les deux propositions qui viennent d'être faites soient de nature à empêcher la chambre de délibérer sur ma proposition.
Quant à l'enquête, lorsque le gouvernement a proposé dans le budget de l'intérieur de réunir certains commissariats d'arrondissement à d'autres, il a en quelque sorte procédé à l'enquête que l'honorable M. de Renesse propose. Ces renseignements pourraient nous être communiqués, Au surplus, nous sommes ici les représentants de tout le pays, et il n'y a pas de meilleure enquête à faire que celle qui se fera dans les sections de la chambre.
Quant à la disposition de la loi provinciale qui prescrit de consulter les conseils provinciaux sur les circonscriptions, sur la désignation des chefs-lieux des arrondissements, je répondrai qu'en 1839 l'on a fixé les circonscriptions du Limbourg et du Luxembourg sans consulter les conseils provinciaux. La loi provinciale est une loi ordinaire qui eut être modifiée par les chambres, chaque fois qu'elles le jugent nécessaire.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point. Je pense que la chambre laissera suivre la proposition dans les sections; là, toutes les objections, pourront être présentées et débattues; enfin viendra la section centrale qui examinera quelle proposition il y a lieu de faire à la chambre.
M. de Theux. - Messieurs, il est évident que la chambre peut modifier la loi provinciale, et alors l'obstacle que j'ai signalé vient à tomber. Mais je soutiens, contrairement à l'honorable M. Jacques, qu'aussi longtemps que la loi provinciale existe, la chambre ne peut pas méconnaître l'article 83 de cette loi ; sinon vous tomberiez dans une situation véritablement intolérable.
Ce système n'est pas soutenable devant la chambre. Voyez où cela vous conduirait; vous modifieriez, sans consulter les conseils provinciaux, toutes les circonscriptions d'arrondissement, et vous n'oseriez pas toucher à la circonscription d'un hameau sans prendre l'avis du conseil provincial. Ce seul fait suffit pour faire tomber les objections de l'honorable membre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'ignore quel sera dans les sections le sort de la proposition dont il s'agit; mais avant de la transformer en loi, il faudra consulter les conseils provinciaux, la loi provinciale est formelle à cet égard.
M. de Renesse. -Je modifie ma proposition, je demande que. le projet présenté par M. Jacques soit renvoyé aux conseils provinciaux, pour qu'ils donnent leur avis et que cet avis soit communiqué à la chambre avant l'examen du projet en sections.
M. Delfosse. - La proposition de l'honorable M. de Renesse neutralise le droit des sections. Les sections sont saisies de la proposition de l'honorable M. Jacques par suite de la décision que la chambre vient de prendre sur la prise en considération. C’est aux sections à se prononcer sur toutes les questions que la proposition de l'honorable M. Jacques peut soulever; je pense, avec l'honorable M. Jacques, contre l'avis de l'honorable M. de Theux, que nous ne sommes pas rigoureusement liés par la loi provinciale; nous pouvons changer cette loi comme toute autre loi.Notre droit n'est pas douteux. Faut-il en user? Est-il plus utile, plus convenable de consulter préalablement le» conseils provinciaux? Telle est la question à résoudre. Laissons aux sections le soin de l'examiner.
M. Toussaint. - J'appuie la proposition de l'honorable M. de Renesse pour qu'il soit fait un examen spécial pour chacune les provinces.
Il y en a où le projet pourra s'appliquer sans difficulté; mais il est telle province où cela présenterait des inconvénients très graves, et où le gouvernement et la chambre ne voudraient pas prendre la responsabilité de la diminution de l’action administrative.
Il s'agit de l'exécution d'une loi qui reste debout, et d'un examen qui est indispensable. Il est toujours utile d'examiner les faits sur lesquels il s'agit de statuer ; il peut s'agir d'intérêts excessivement graves ; i! est telle localité où l'action administrative doit être infiniment plus active que dans d'autres arrondissements.... (C'est le fond !)
Je me résume en disant qu'il y a nécessité d'examiner les besoins locaux au point de vue indiqué par la loi provinciale citée par l'honorable M. de Theux.
M. Cools. - Je crois qu'il est inutile de prolonger davantage cette discussion ; le but qu'on se propose est atteint par la discussion même ; une enquête aura lieu: en vertu d'une disposition formelle de la loi provinciale, un changement de circonscription ne peut pas être voté sans que les conseils provinciaux aient été entendus.
La proposition suivra son cours ; quand elle arrivera en section centrale, la section centrale demandera au gouvernement quelle est l'opinion des conseils provinciaux : le gouvernement est averti, et quand le moment sera venu la section centrale se mettra eu rapport avec le gouvernement qui lui fera connaître l'avis des conseils provinciaux. Inutile d'insister sur la décision à prendre sur la proposition de M. de Renesse.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il me semble que c'est donner beaucoup d'importance à la proposition, que de la renvoyer sans autre examen au gouvernement pour une enquête devant les conseils provinciaux. Avant d'en venir à cette mesure qui a un côté grave, il est nécessaire que les sections s'expliquent. Quand !a section centrale aura été saisie de la proposition, elle fera son rapport; peut-être conclura-t-elle à une enquête; si la chambre la prescrit, je la ferai; mais la (page 455) prescrire après une simple lecture d'une proposition qui n'a pas été discutée, ce serait aller beaucoup trop vite.
M. Mercier.- En 1839 on n'a pas cru qu'il fût nécessaire de consulter les conseils provinciaux. Il s'agit aujourd'hui d'une mesure générale que la chambre est à même d'apprécier; s'il fallait consulter les conseils provinciaux, le gouvernement ne pourrait pas pourvoir à une place vacante de commissaire d'arrondissement, pour les arrondissements dont il a annoncé la réunion par mesure d'économie.
- Un membre. - Les circonscriptions ne sont pas changées.
M. Mercier. - Les attributions des arrondissements sont changées. Il est facile de prévoir quels sont les avis qui seront donnés ; il n'est pas un conseil qui consente à la suppression d'un seul commissariat. Comme il s'agit d'une mesure générale, nous sommes compétents pour décider si elle peut être prise oui ou non. Nous sommes plus compétents pour juger la question avec impartialité.
M. de Renesse. - Je retire ma proposition, je la reproduirai si je le trouve nécessaire.
M. le président. - La proposition de M. Jacques est renvoyée aux sections.
« Art. 12. Cour militaire, personnel : fr. 27,111 84. »
M. Delfosse. - La question des traitements d'attente est une question grave qui se rattache à plusieurs budgets; il conviendrait, pour économiser le temps de la chambre et pour amener l'unité dans ses résolutions, qu'il n'y eût sur ce point qu'une seule discussion; on pourrait s'occuper spécialement de cette question au budget des finances. C'est là qu'elle a le plus d'importance ; vous savez, messieurs, qu'un chiffre de 500,000 fr. figure a ce budget pour les traitements d'attente. Je dois faire connaître à la chambre que la section centrale chargée de l'examen du budget des finances propose, dans son rapport qui est sous presse, de modifier, pour les traitements d'attente, les bases qui semblent avoir été arrêtées par le gouvernement. La chambre pourrait voter aujourd'hui les chiffres demandés par M. le ministre de la justice, sans indication de la quotité à laquelle les traitements d'attente pourraient être portés ; MM. les ministres ne trouveront sans doute aucune difficulté à ce que cette marche soit suivie.
- La proposition de M. Delfosse, à laquelle le gouvernement se rallie, est adoptée.
- L'art. 12 est adopté avec le chiffre de 27,111 fr. 84 c.
« Art. 13. Matériel de la cour : fr. 2,500. »
- Adopté.
« Art. 14. Auditeurs militaires et prévôts : fr. 32,297 46. »
- Adopté.
« Art 15. Frais de bureau des auditeurs : fr. 3,540. »
- Adopté.
La chambre passe à l'article unique formant le texte du budget qui est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère de la justice est fixé, pour l’année 1849, à la somme de 12,153,200 fr. 16 c, conformément au tableau ci-annexé.
- Cet article est adopté.
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du budget du département de la justice, qui est adopté à l'unanimité des 73 membres qui prennent part au vote; un membre (M. Cools), s'étant abstenu, parce qu'il n'a pas assisté à la discussion.
Ont pris part au vote : MM. Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom ( Alphonse), Vandenpeereboom | (Ernest), Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, de Brouckere (Henri), Dechamps, de Chimay, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delescluse, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Pouhon, de Renesse, Desoer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dubus, Dumortier, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Mascart, Mercier, Moxhon, Orts, Osy, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Sinave, Thibaut, ! Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint et Verhaegen.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban) déclare qu'il fera connaître, dans la discussion sur les articles, les modifications proposées par la section centrale auxquelles le gouvernement se rallie.
M. le président. - La discussion s'établit en conséquence sur le projet du gouvernement.
- La discussion générale est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer. - La section centrale qui a examiné le budget des finances a engagé le gouvernement à s'assurer s'il n'y aurai pas avantage à centraliser toutes les pensions au département des finances, comme cela existait avant la loi de 1844.
L'article 38 de la loi générale des pensions porte :
« Les crédits nécessaires au service des pensions seront portés au budget du département auquel les intéressés ressortissent. Chaque année, le ministre, lors de la présentation du budget de son département, y joindra une liste nominative et détaillée des personnes admises à la pension dans le courant de l'année. »
Et l'article 24 de la loi sur les pensions militaires du 24 mai 1838 porte :
« Les pensions et les secours annuels seront inscrits comme dette de l'Etat, au livre des pensions du trésor public et payés par trimestre sur certificat de vie des personnes qui les auront obtenus, au chef-lieu d'arrondissement de leur domicile. »
N'est-ce pas, messieurs, placer les pensions militaires dans une position; plus favorable que les pensions civiles et ecclésiastiques? Les unes font partie de la dette publique, les autres dépendent du rejet d'un crédit.
D'un autre côté il y a à l'administration de la dette publique un bureau spécialement charge du service des pensions. Il a été impossible de diminuer le personnel de ce bureau, parce que le nombre des pensionnés qui a passé aux différents départements ministériels n'était pas assez considérable pour permettre cette diminution.
On a été obligé d'adjoindre à chaque département ministériel des employés chargés du service des pensions.
Il y a un autre inconvénient dans le système actuel : Avant la loi de 1844, M. le ministre des finances délivrait tous les brevets des pensions. Lorsqu'un pensionné venait à décéder, (erratum, page 468) les gouverneurs étaient à même de transmettre immédiatement à ce seul ministre le nom du pensionné décédé. Aujourd'hui il ne sait souvent pas si le titulaire ressortissait au département de l'intérieur, ou au département de la justice, ou au département des travaux publics ; il en résulte des demandes de renseignements et une correspondance qu'il serait facile d'éviter.
Il me semble, messieurs, que dans un but d'économie, et afin d'amener plus d'uniformité dans le service des pensions, il conviendrait d'en revenir à la centralisation qui existait avant la loi de 1844.
Cependant avant de soumettre une proposition formelle à la chambre, j'attendrai les explications que M. le ministre des finances voudra bien nous donner à cet égard.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, autrefois le crédit nécessaire pour le payement des pensions figurait, en effet, au seul budget de la dette publique. Sur les vives réclamations des chambres, souvent répétées, on a décidé que chaque budget présenterait l'état des pensions avec le crédit nécessaire au payement des pensions des fonctionnaires de chaque département. On en a fait l'objet d'une disposition qui se trouve dans la loi de 1844.
Aujourd'hui, des réclamations en sens contraire se produisent. Elles ont été formulées dans les sections, à l'occasion de l'examen du budget des finances. Elles ont été également émises dans les sections, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les pensions.
J'ai, en conséquence, examiné cette question, et je ne vois pas, pour ma part, d'inconvénient à ce que, sous certaines conditions que j'indiquerai ultérieurement, lorsque je déposerai une proposition dans ce sens, le crédit nécessaire au payement de toutes les pensions soit porté au budget de la dette publique.
Mais les raisons d'économie qu'on fait valoir sont sans valeur. Il n'y a ni économie, ni surcharge à laisser le service des pensions dans. les divers départements ministériels. Ce n'est pas pour chaque département une affaire fort importante. On n'a pas dû accroître le nombre d'employés parce que ces liquidations ont été remises à chaque département; et de même il n'y aura pas lieu de le réduire, lorsque le service des pensions sera fait par le bureau de la dette publique.
Vous comprenez d'ailleurs que, quel que soit le système qu'on adopte, la liquidation proprement dite d'une pension doit se faire toujours par le département auquel le fonctionnaire appartient. Pour bien apprécier cette pension, le département des finances serait obligé d'avoir des renseignements qui lui manquent complètement. Il procédera sans économie, mais j'espère aussi sans accroissement de frais, à l'égard de tous les pensionnes, comme on procède aujourd'hui à l'égard des pensionnés militaires. Pour les pensions militaires, la liquidation s'opère par le département de la guerre. Le crédit nécessaire au payement du premier trimestre figure au budget de ce département, le crédit pour les échéances postérieures figure au budget de la dette publique. Il en serait de même pour les autres départements.
J'ai une proposition préparée dans ce sens. Je la déposerai ultérieurement.
M. T’Kint de Naeyer. - L'expérience démontrera s'il n'y a pas économie, il y aura dans tous les cas simplification de la comptabilité et amélioration du service des pensions.
J'ajouterai, messieurs, que le but que la législature s'était proposé en introduisant l'article 38 dans la loi de 1844, a été de connaître le nombre des pensions accordées par chaque ministre. La chambre pourrait exercer son contrôle avec la même facilité, si l'on continuait à produire comme pièce à l'appui de chaque budget, la liste nominative des fonctionnaires qui ont été admis à la pension.
M. Mercier. - Comme l'a fait observer M. le ministre des finances, (page 456) la mesure qu'on propose n'a qu'une très faible portée. Car la liquidation des pensions se fera toujours dans les départements auxquels les employés ressortissent. Il est évident que le travail sera le même. Il ne restera que l'inscription du chiffre de la pension, et la formation des états de payement, ce n'est pas là un travail.
Mais du moment où l’on maintient la disposition existante en vertu de laquelle chaque chef de département est tenu d'indiquer à la suite des budgets les pensions qu'il a accordées dans le cours de l'année, le but qu'on s'était proposé en demandant la division reste atteint. Dès lors je me réunirais volontiers à la proposition de centraliser non pas tout le service, mais l'inscription et le payement des pensions.
M. Toussaint. - Je crois que ce n'est pas le moment de vider la question, et qu'il y aura lieu de l'examiner à l'occasion de l'article 3 du budget. Par ce motif, je renonce à combattre l'opinion qui vient d'être émise par l'honorable M. Mercier, sur l'insignifiance de la mesure qu'on réclame.
Lorsque nous en viendrons à l'article 3, nous établirons que la mesure est très importante, d'abord à raison de l'économie qu'elle apportera dans la dépense, et ensuite à raison de l'examen plus sérieux, plus efficace des demandes de pensions. Sans cela ai mesure serait indigne de l'attention de la chambre, et quant à moi, je ne l'appuierais pas.
- La discussion générale est close.
« Art. 1er. La loi du 21 juillet 1844 (Bulletin officiel, n° 157), sur les pensions civiles et ecclésiastiques, est modifiée comme suit :
« § 1. L'âge et la durée de service, dont parle l'article 2, sont respectivement portés à 60 et à 30 ans.
« § 2. Les services militaires, mentionnés au § B de l'article 6, ne seront admis que pour le temps de présence réelle au corps, et à partir de 19 ans révolus.
« Néanmoins les hommes qui ont contracté un engagement volontaire, les miliciens faisant partie de l'armée à la date du 1er janvier 1830, et ceux qui y ont été admis postérieurement à cette date, mais avant le 1er janvier 1840, pourront faire valoir leurs services d'après le mode actuel, à partir de 19 ans.
« Tout autre service militaire, commencé antérieurement à la présente loi, sera compté pour un terme moyen de trois ans, ou, s'il excède ce terme, pour la durée réelle constatée.
« § 3. La base de 1/60, mentionnée aux articles 8, 9 et 17, est réduite à 1/65 et celle de 1/50, dont parle l'article 8, à 1/55.
« §4. Le maximum de 6,000 fr., fixé par les articles 13, 18 et 21, et ceux des 3/4 du traitement et de 4,000 fr., établis par l'article 13, sont respectivement réduits à 5,000 fr., aux 2/3 du traitement et à 3,500 fr.
« § 5. La faculté accordée par l'article 59 est restreinte dans les limites fixées au § 4 ci-dessus. »
M. Mercier. - Messieurs, la loi générale des pensions, du 21 juillet 1844, ainsi que le gouvernement le reconnaît, dans deux exposés des motifs, a fait cesser les critiques sérieuses dont la législation précédente avait été l'objet ; elle a fait disparaître beaucoup d'abus auxquels cette législation donnait lieu; enfin elle renferme des dispositions qui sont de nature à réduire les charges du service des pensions. En effet, messieurs, cette loi introduit différentes améliorations qui toutes tendent à atténuer les pensions des fonctionnaires publics. Ainsi, elle a porté de 60 à 65 ans l'âge auquel un employé qui compte 30 années de service, au moins, peut être admis à la retraite sans autre justification; elle a réduit de 25 p. c. les pensions de tous les comptables, en général; la base de ces pensions était, précédemment, le traitement intégral et depuis la loi de 1844, elles ne sont plus établies qu'en raison de-trois quarts des émoluments.
La loi a fixé, en outre, le maximum des pensions des agents comptables à 4,000 fr., tandis qu'auparavant ces agents étaient placés, sons ce rapport, sur la même ligne que les autres fonctionnaires, c'est-à-dire qu'il n'y avait aucun maximum déterminé. pour plusieurs d'entre eux la pension pouvait atteindre le chiffre de 10,000 fr. et plus; de telle sorte que sous l'empire de la législation précédente ils avaient souvent intérêt à solliciter leur mise à la pension lorsqu'ils étaient encore en état de bien remplir leurs fonctions. Cet intérêt, ils ne l'ont plus aujourd'hui, si ce n'est dans une circonstance telle que celle qui se présente en ce moment, qu'ils ont à craindre de voir réduire de nouveau le chiffre des pensions qui seront accordées à l'avenir, sous le double rapport de la base générale et du maximum. La loi de 1844 a, en outre, abaissé le maximum des pensions des autres fonctionnaires civils au chiffre de 6,000 fr. Enfin, elle renferme d'autres dispositions encore dont le but est d'alléger la charge des pensions.
Je pense, messieurs, que le gouvernement s'est exagéré les réclamations qui ont été faites à ce sujet et n'a pas bien apprécié la nature des plaintes qui se sont élevées relativement aux pensions; ces plaintes concernaient principalement quelques pensions que l’on prétendait avoir été accordées contrairement aux prescriptions de la loi; mais, en général, je n'ai guère entendu critiquer les bases mêmes de la loi de 1844; je pense qu'il aurait suffi que le gouvernement donnât des explications sur les pensions auxquelles on faisait allusion ; que l'article 37 de la loi lui donnait des pouvons suffisants pour prévenir de nouveaux abus et qu'il eût pu s'abstenir de toucher aux bases générales de la loi de 1844, comme il l'a fait, non seulement en modifiant les maxima. mais encore en n'accordant plus pour la fixation de la pension que 1/65 du traitement annuel pour les employés en général au lieu de 1/60, et que 1/55 pour les employés du service actif au lieu de 1/50; et en réduisant, en outre, aux 2/3 des remises et émoluments la base des pensions dus comptables.
Quelle est, messieurs, l'administration qui comprend le plus de fonctionnaires et d'employés? C'est évidemment l'administration financière.
Eh bien, dans cette administration, les fonctionnaires du rang le plus élevé n'ont qu'un traitement de 9,000 fr. (Interruption.)
Je sais bien qu'il existe encore, par exception, quelques traitements anciennement accordés, qui sont plus élevés; mais nous devons prendre pour règle de notre appréciation les arrêtés organiques qui ont établi les traitements d'une manière définitive. Eh bien, d'après ces arrêtés organiques, qui remontent à 1834, les traitements des plus hauts fonctionnaires sont de 9,000 fr. Ainsi il y a un directeur général nommé en 1835 et un autre fonctionnaire du même grade, nommé en 1843, qui n'ont eu que le traitement de 9,000 fr. Quant aux traitements de 10,500 francs, dont on vient de parler en m'interrompant, ils n'ont été conservés que pour respecter des positions acquises.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les receveurs!
M. Mercier. - Pour ceux-là le maximum de la pension n'est que de 4,000 francs. Je parle des fonctionnaires qui peuvent prétendre au maximum de 6,000 francs. Je sais très bien que des receveurs et surtout les conservateurs des hypothèques touchent plus de 9,000 francs. Pour les autres fonctionnaires, sauf les directeurs du trésor dont la position doit être régularisée, le maximum du traitement est de 9,000 francs et dès lors pour arriver à une pension de 6,000 francs, qui est le maximum général, il faut 40 années de service à ces fonctionnaires qui sont, je le rappelle, le plus haut placés dans la hiérarchie.
Jusqu'ici une certaine harmonie a existé entre les pensions militaires et celles des magistrats et employés de l'ordre civil ; cette harmonie est complètement détruite par le projet qui nous est présenté.
La pension du plus haut fonctionnaire civil peut s'élever au maximum de 6,000 francs; celle du lieutenant-général portée au maximum 6,300 fr. peut atteindre le chiffre de 7,560 francs lorsque cet officier général a dix années de grade ; pourquoi ne pas laisser subsister le rapport existant ? Pourquoi établir une disproportion aussi choquante entre l'une et l'autre. Pourquoi fixer la pension d'un premier président de la cour de cassation et de tous les fonctionnaires les plus élevés dans l'ordre hiérarchique, non seulement au-dessous de celle du lieutenant-général, mais même- au-dessous de celle d'un général-major? Je ne vois point là de la justice distributive.
Il est un principe que l'on invoque souvent en faveur d'autres intérêts, et que l'on semble abandonner si facilement lorsqu'il s'agit des employés de l'Etat, c'est le principe de stabilité dans les lois; c'est sur ce principe que l'on s'est fondé lorsqu'on a voulu maintenir la législation des mines qui, pendant longtemps a distrait, chaque année, plus de trois millions du trésor public pour mes distribuer en primes d'exportation, et aujourd'hui encore sacrifié plus de deux millions, selon moi, et 1,500 mille fr. selon M. le ministre des finances, pour le même objet. Qu'il me soit permis de faire aussi appel à ce principe en faveur des fonctionnaires publics, et de demander le maintien de la législation actuelle sur les pensions ; je crois être d'autant plus fondé à le faire, que l'économie qui doit résulter des dispositions de l'article qui est en discussion et qui forme en quelque sorte la loi tout entière n'équivaudra peut-être pas aux intérêts du capital prodigué en une seule année en primes d'exportation du sucre raffiné.
Une des dispositions les plus fâcheuses du projet de loi, est celle qui réduit la base des pensions des employés du service actif, c'est-à-dire des proposés des douanes, des commis des accises, des pilotes, matelots et autres employés à petits traitements. En vertu de la loi de 1844, ces pensions étaient, pour de justes motifs, calculées à raison de 1/50 du traitement par année de service: je ne crois pas me tromper en disant que les sept huitièmes au moins des pensions qui tombent sous l'application de cette disposition sont des pensions d'employés dont le traitement varie de 700 à 1,400 fr. et dont, par conséquent, la pension n'est jamais que de 400 à 800 fr. Il y a bien quelques agents d'un grade plus élevé qui jouissent du bénéfice de cette disposition, mais ils sont relativement en très petit nombre, et je le répète, ce sont principalement les employés à faible traitement qui se trouvent atteints par la mesure qui est proposée au paragraphe 3 de l'article premier, et que je considère comme très regrettable.
Les diverses considérations dans lesquelles je viens d'entrer ne me permettront pas de donner un vote favorable au projet qui est actuellement soumis à nos délibérations.
M. Thiéfry. - Messieurs, j'ai demandé la parole, quand j'ai entendu l'honorable M. Mercier faire une comparaison entre les pensions militaires et les pensions civiles. Je ne trouve pas cette comparaison juste. Le fonctionnaire civil occupe son poste aussi longtemps que son état de santé le lui permet, tandis que le militaire, arrivé à un âge peu avancé, est obligé de se retirer; et on le met à la pension, lorsqu'il peut encore rendre des services. Les pensions militaires peuvent être considérées comme des récompenses nationales. Il est des circonstances où le militaire expose sa vie en même temps que l'existence de toute sa famille, tandis que le fonctionnaire civil occupe tranquillement sou poste, sans qu'on puisse le lui ôter. Je ne pense donc pas qu'on puisse comparer la retraite du fonctionnaire civil à celle du fonctionnaire militaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Mercier pense que le gouvernement s'est trompé sur le sens des (page 547) réclamations qui se sont élevées contre la loi des pensions. L'honorable membre n'est-il pas à cet égard dans l'erreur? Divers griefs ont été articulés; les uns portaient sur la trop grande facilité avec laquelle les pensions étaient accordées et les charges qui pesaient de ce chef sur le pays, Les autres tendaient à signaler des abus dans la collation des pensions. Le gouvernement a examiné ces griefs ; il a cherché à diminuer la charge des pensions, à entourer de garanties sérieuses leur collation. Il s'est donc conformé au vœu qui avait été exprimé par l'opinion publique et par la chambre.
Je dois croire que l'honorable M. Mercier, et non pas le gouvernement, est dans l'erreur ; car le projet du gouvernement a été très favorablement accueilli dans les sections ; j'en ai pour preuve l'excellent rapport que vous avez sous les yeux.
Au surplus, l'honorable M. Mercier ne fait que deux critiques, l'une portant sur ce qu'on réduit le maximum des pensions, l'autre sur ce qu'on change la condition des employés du service actif.
Messieurs, pour diminuer la charge des pensions, quel moyen y avait-il , si ce n'était d'empêcher qu'à l'avenir des pensions d'un chiffre aussi considérable que celui qui a existé jusqu'ici, ne fussent encore allouées dans la suite? Il fallait donc réduire le maximum des pensions. L'avons-nous réduit dans une mesure peu équitable ? Je ne le pense pas. Le maximum des pensions avait été fixé à 6,000 francs, nous proposons de le ramener à 4,000 ; et j'estime que quel que soit le grade qu'on ait occupé dans l'administration, une pension de 5,000 francs est une rémunération convenable pour le fonctionnaire public.
Quant aux employés du service actif, il me semble que l'honorable M. Mercier aurait dû justifier l'exception qui existe en leur faveur dans la loi du 21 juillet 1844. Cette loi portait que ces employés seraient admissibles à la pension, à l'âge de 55 ans et après 25 années de services ; la règle générale pour tons les autres fonctionnaires exigeait, au contraire, 65 ans d'âge et 35 années de services.
Quel peut être le motif de cette différence? De deux choses l'une : ou les fonctionnaires du service actif étaient encore, à l'âge de 55 ans et après 25 ans de services, en état de servir le pays, et alors, leur donner le droit de demander leur retraite constituerait un véritable abus ; ou bien ils étaient incapables de rendre encore des services par suite d'infirmités ou de blessures contractées ou reçues dans l'exercice de leurs fonctions, et alors ils étaient admissibles à être pensionnés, en vertu de l'article qui prévoit le cas des infirmités.
Mais nous avons conservé pour les employés du service actif le calcul des bases de la pension. Nous avons pensé qu'ici il était juste d'insérer une disposition un peu plus favorable pour eux. La raison principale, mais non l'unique, a été donnée par l'honorable M. Mercier; c'est qu'en général ces employés ont de faibles appointements, et que par suite la pension serait fort minime.
L'honorable M. Mercier a fait une comparaison entre les charges qui grèvent l'Etat du chef de la loi des sucres et du chef de la loi des pensions ; selon lui, la loi des sucres fait peser sur l'Etat des charges autrement lourdes que la loi des pensions.
Je ne comprends pas trop bien la comparaison. Il est certain que l'Etat paye une foule de dépenses plus considérables que celles qui résultent de la loi des pensions. Le tout est de considérer l'utilité de ces dépenses. Je ne puis incidemment discuter le point de savoir si c'est à bon droit ou non que l'Etat fait un sacrifice de 1,500,000 à 2 millions de francs, distribués en primes pour favoriser les exportations; je ne puis aborder maintenant ces questions favorites de l'honorable M. Mercier; mais je ne comprends pas la portée de l'argument qu'il a voulu en tirer, relativement à la loi des pensions.
Quant aux pensions militaires, l'honorable M. Thiéfry a déjà répondu à l’honorable membre. Nous n'avons pas proposé de modifications à la loi sur les pensions militaires, parce qu'il n'y a pas eu de critiques contre les bases de cette loi, et je pense que si des critiques se produisaient aujourd'hui, elles seraient injustes.
Il est bien vrai que quelques fonctionnaires militaires peuvent obtenir une pension. même supérieure au maximum fixé pour les pensions civiles.
Mais cela est infiniment rare, c'est dans des cas tout à fait exceptionnels, c'est quand ces militaires ont fait des campagnes et qu'ils sont criblés de blessures; ces militaires sont dans des conditions où ne peuvent jamais se trouver les fonctionnaires civils. C'est là le motif de l'exception; mais en général, la pension militaire s'arrête à un chiffre qui n'est pas fort élevé. Il n'y avait donc pas, sous ce rapport, à modifier la loi sur les pensions militaires. Maintenant, en ce qui regarde les pensions civiles, je crois que nous nous sommes tenus dans des limites équitables; nous avons été modérés, nous avons cherché à concilier les intérêts très respectables des fonctionnaires et les intérêts du trésor.
M. le président. - Voici un amendement présenté par M. Toussaint.
« Néanmoins le taux des 1/60 et des 1/50 dont il s'agit au paragraphe 3, est maintenu pour les années de service écoulées avant la promulgation de la présente loi.
« Le maximum de 6,000 fr. dont il s'agit au paragraphe 4 est maintenu pour les fonctionnaires qui, par leurs années de service antérieur à la présente loi, auraient acquis droit à ce maximum.»
M. Toussaint. - Messieurs, en réclamant la réforme de la loi sur les pensions, l'opinion publique a surtout eu en vue le résultat : elle a voulu une réduction de dépenses dans le présent et surtout une réduction des dépenses de l'avenir; mais, dans l'ensemble des idées émises à cet égard, généralement on était disposé à respecter les droits acquis. Les droits acquis ont été respectées par la loi de 1844 que nous voulons réformer. L'article 59 de cette loi dit :
« Les fonctionnaires et employés ressortissant au ministère des finances ou à l'administration des postes actuellement en fonctions conservent la faculté de faire liquider éventuellement leur pension d'après les bases de l'arrêté royal du 29 mai 1822. Toutefois les services postérieurs à la présente loi ne seront pas pris en considération pour dépasser les limites établies par l'article 13 ci-dessus.
« Ceux qui ont des services admis aux termes de l'article 60 du règlement du 29 mai 1822, ou admissibles de plein droit suivant l'article 59 du même règlement, sont maintenus dans la jouissance des droits qu'ils ont acquis de ce chef. Néanmoins aucune pension ne pourra dépasser la somme de 6,000 fr. »
L'article 61 de la même loi contient une disposition semblable pour le professorat.
L'amendement que je dépose n'a pas d'autre objet que d'introduire dans la loi nouvelle le principe de la loi de 1844, et de ne pas abolir en 1849 une réserve qu'on a trouvée équitable, il n'y a pas cinq ans. J'ai annoncé la pensée d'élever la retenue permanente à charge des fonctionnaires pour les pensions au taux de ce qui est perçu au profit de la caisse des veuves et orphelins. Je crois donc qu'il m'appartient plus qu'à un autre de déposer l'amendement que je suis appelé à développer. C'est surtout quand on veut entrer timidement, comme le proposait le gouvernement, par une retenue de 1 p. c, un peu plus hardiment comme la section centrale qui porte la retenue à 2 p. c. et d'une manière plus complète comme je le propose en retenant 2 1/2 p. c. c'est surtout quand on veut entrer dans la voie de faire acquérir aux fonctionnaires leur pension, c'est surtout alors qu'il faut respecter les droits acquis. Il y a, dans certaines administrations, des fonctionnaires qui pendant 30 et 40 ans ont subi des retenues, et qui ont acquis depuis longtemps des droits à la pension d'après les lois existantes. Il ne faut pas que la loi nouvelle les mette dans la position d'avoir une pension moindre dans dix ans qu'aujourd'hui. Il ne faut pas qu'elle ait pour effet de provoquer dès à présent les demandes de retraite d'un grand nombre de fonctionnaires qui, sans cela, pourraient servir encore longtemps et utilement l'Etat.
Je pense que l'œuvre de la chambre ne sera comprise que quand elle sera faite avec un entier respect des droits acquis.
Quand nous arriverons à l'article 3, le gouvernement a annoncé qu'il proposerait de centraliser, dans une certaine mesure, le service des pensions. L'honorable M. T'Kint et moi, nous irons plus loin; nous voulons l'un et l'autre un examen plus sérieux afin que les pensions scient plus respectées dans l'avenir, plus justes dans la liquidation , plus justes dans les motifs qui les feront accorder, plus justes enfin par la participation du fonctionnaire à la formation de sa pension.
Nous ferons ainsi une œuvre complète qui un jour sera l'objet de la reconnaissance du public et des fonctionnaires eux-mêmes.
Je ne crois pas devoir entrer en ce moment dans de plus longs développements : car je sais qu'il est dans la pensée d'une grande partie de la chambre d'entrer dans la voie que je propose.
M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre des finances si ce n'est pas par erreur que l'on a mis dans le paragraphe 2 le chiffre 60. Les raisons que le gouvernement donne pour assimiler, quant à l'âge, le service sédentaire au service actif me portent à croire qu'il faut 65 au lieu de 60.
M. le président. - C'est une erreur d'impression.
M. Osy. - Je demande l'impression de la proposition de M. Toussaint et le renvoi aux sections.
- Un membre. - La question est traitée dans le rapport.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Ce n'est pas exactement la question traitée dans le rapport de la section centrale. La section centrale s'est occupée de la question de rétroactivité. La proposition de M. Toussaint a une portée différente. Il s'agit de maintenir pour les fonctionnaires en exercice les bases du calcul des pensions d'après le système ancien. Je fais remarquer la différence ; je ne me prononce pas. C'est une proposition qui mérite d’être examinée par la section centrale.
- Le renvoi à la section centrale est ordonné.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Le gouvernement a inséré dans le projet de loi une disposition ainsi conçue : « Aucune pension ne sera accordée pour cause de blessures, accidents ou infirmités, et en dehors des conditions d'âge et d'années déterminées par la loi, si la demande n'est pas appuyée d'un certificat de deux médecins désignés par la députation permanente attestant la réalité des blessures, accidents ou infirmités, et si elle n'est vérifiée par une commission spéciale instituée par arrêté royal pour tous les départements ministériels. »
La section centrale a désiré atteindre d'une manière plus complète le but que s'est proposé le gouvernement par la disposition qu'il a présentée. Elle a modifié le projet du gouvernement ; mais le projet de la section centrale me paraît inexécutable, et partant inacceptable. J'ai formulé quelques dispositions nouvelles pour concilier autant que possible les idées de la section centrale avec les miennes.
Puisque la section centrale doit s'occuper d'une autre disposition, je crois utile de déposer dès à présent mon amendement à l'article 3.
(page 458) - La chambre ordonne l'impression de cet amendement et le renvoie à la section centrale.
M. le président. - La section centrale se réunira demain matin pour l'examen de ces amendements.
La section centrale du budget de la guerre qui a eu un grand nombre de séances, même des séances du soir. Il est nécessaire qu'elle puisse terminer son travail. Elle se réunira demain matin.
Les sections se réuniront pour l'examen de la proposition de M. Christiaens et Lelièvre.
Il convient donc que la séance publique soit fixée à deux heures.
- La séance est levée à 4 heures.