(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. H. de Brouckere.)
(page 287) M. T'Kint de Naeyer fait l'appel nominal à 11 heures et quart et lit le procès-verbal de la séance précédente; la rédaction est approuvée.
M. Dubus présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Un grand nombre d'habitants de Gand demandent que la garde civique soit divisée en deux bans et que le premier ban, composé de célibataires et veufs sans enfants de 21 à 36 ans, soit seul astreint, en temps de paix, à toutes les obligations de la loi sur la garde civique. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les instituteurs communaux et adoptés du canton de Fosses proposent des modifications à la loi sur l'enseignement primaire, dans le but d'améliorer la position et l'avenir des instituteurs. »
- Même renvoi.
« Plusieurs armateurs et négociants à Anvers présentent des observations contre la demande de proroger la loi exceptionnelle du 19 mai dernier qui assimile les arrivages dans les ports intermédiaires aux arrivages directs. »
M. Coomans. - Il y a quelques jours, messieurs, vous avez reçu une pétition d'un certain nombre de négociants et de raffineurs d'Anvers qui demandent la prorogation de la loi exceptionnelle du 19 mai dernier, laquelle assimile les entrepôts flottants aux arrivages directs, au lieu de les considérer comme entrepôts d'Europe. La pétition que j'ai déposée tout à l'heure sur le bureau, et dont vous venez d'entendre l'analyse, proteste contre les conclusions de la pétition précédente. Certains négociants anversois sont d'avis que la loi des droits différentiels doit subir une modification radicale; d'autres (et ce ne sont pas les moins intéressés dans la question) désirent que l'exception décrétée le 19 mai dernier soit annulée et que les grands principes de la loi des droits différentiels restent intacts; je n'entrerai pas aujourd'hui dans de longues considérations à ce sujet, bien que la question soit de la plus haute importance, et je me bornerai à demander que la requête dont vous êtes saisis soit renvoyée à la commission des pétitions qui a déjà reçu la précédente, et que le rapport soit fait en même temps sur les deux pétitions.
J'ajouterai seulement que cette pétition-ci n'aurait pas été adressée à la chambre si l'autre ne lui avait pas été envoyée, car nous pensons qu'il n'y a pas lieu de discuter dans la chambre la question dont il s'agit, puisque la loi du 19 mai expire de fait le 31 décembre, et que personne dans cette enceinte n'a proposé de la proroger. Si donc une discussion s'élève à cet égard, ce sera la faute de certains négociants et raffineurs d'Anvers qui ont considéré la loi des droits différentiels exclusivement au point de vue commercial, point de vue fâcheux et erroné, car la loi a aussi un caractère industriel très important.
M. de Haerne. - Je voulais faire, messieurs, la demande que vient de faire l'honorable M. Coomans, et comme il est entré dans des considérations qui me paraissent suffisantes, je renonce à la parole en me bornant à déclarer que j'appuie la proposition de l'honorable membre, tendant à ce que la requête soit renvoyée à la commission des pétitions, avec prière de l'examiner en même temps que celle qui lui a été renvoyée il y a quelques jours, et de faire son rapport le plus promptement possible.
- La proposition de M. Coomans est mise aux voix et adoptée.
« Le sieur Andries demande que la loi sur les patentes étende au transport de cendres, moellons, etc., en matière de navigation mixte, la faveur accordée à la chaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi qui modifie les lois sur les patentes.
« Le sieur Wasseige, docteur en médecine à Liège, demande l'abolition de la patente des médecins. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les patentes.
« Même demande de plusieurs médecins de l'arrondissement de Louvain. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux patentes.
« Le sieur Baillieux prie la chambre de lui accorder la concession d'un chemin de fer reliant les charbonnages du couchant de Mons à la Dendre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les propriétaires de forgeries au bois, riverains de la Meuse, demandent à être dégrevés de tout impôt sur leurs usines qui chôment depuis plusieurs années. »
- Même renvoi.
« Plusieurs cultivateurs dans l'arrondissement d'Alost demandent le rétablissement de la loi de 1834 sur les céréales. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
« Le conseil communal d'Arendonck demande l'abrogation de la loi du 10 février 1843 relative à la canalisation de la Campine. »
M. Dubus. - Messieurs, plusieurs pétitions de même nature, adressées à la chambre, ont été renvoyées à la commission des pétitions. J'ai même demandé qu'il soit fait un prompt rapport sur celles des communes de Casterlé et de Lichtaert.
Je crois que la commission des pétitions a déjà désigné celui de ses membres qui doit faire un rapport à la chambre sur ces réclamations. La pétition nouvelle dont je viens de donner l'analyse, ainsi que toutes celles qui pourront encore nous arriver, doivent, il me semble, avec les premières arrivées, faire l'objet d'un seul rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs débitants de boissons distillées et distillateurs de la ville de Louvain demandent que le droit de consommation sur les boissons distillées soit remplacé par un droit sur les distilleries. »
M. de Luesemans. - Messieurs, je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens. Je demanderai en outre le renvoi à M. le ministre des finances... (Interruption.) Alors, je proposerai, indépendamment du dépôt sur le bureau, le renvoi à la commission des pétitions avec prière de présenter un prompt rapport. Cette pétition se rattache également au projet de loi qui a été annoncé par M. le ministre des finances.
- La double proposition de M. de Luesemans est mise aux voix et adoptée.
« Le sieur Vanden Bossche présente des observations sur les propositions de loi relative à l'accise sur le sucre. »
M. de Luesemans. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée d'examiner les projets de loi relatifs aux sucres.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
La discussion continue sur l'article Chemin de fer.
M. de Theux. - Messieurs, au point où la discussion est arrivée, je serai nécessairement court. Je me permettrai seulement de présenter à la chambre quelques considérations qui me semblent être la conclusion des débats auxquels elle s'est livrée.
Il m'a paru qu'on n'était pas parfaitement d'accord sur le principe qui doit servir de base à la fixation des tarifs, non seulement sur le chemin de fer, mais sur les canaux et sur les routes pavées. Le produit de ces diverses communications constitue une grande partie de notre budget des voies et moyens. Il est donc de la plus haute importance que le gouvernement les fasse valoir autant qu'il dépend de lui.
Ainsi, messieurs, je considère que la plus haute somme de revenus à tirer, par suite de l'établissement des péages, soit sur le chemin de fer, soit sur les canaux, soit sur les barrières, doit être le point de départ; qu'il ne peut y avoir d'exception à ce principe que dans des cas très rares, et lorsqu'il s'agit d'un intérêt tout à fait majeur à ménager certaines branches d'industrie et de commerce.
Ce principe me paraît d'autant plus incontestable que notre trésor se trouve dans une situation gênée, et que le gouvernement propose, pour améliorer cette situation, de recourir à des moyens qui rencontrent beaucoup de répugnance dans cette chambre, et je dirai dans le pays.
Ainsi, messieurs, pour moi il ne s'agit pas de savoir si la mesure qui a été prise par le département des travaux publics aura pour résultat de diminuer la navigation sur le canal de Charleroy au détriment des propriétaires de bateaux ; à mes yeux, la question est de savoir si le gouvernement, étant tout à la fois propriétaire du canal de Charleroy et du chemin de fer, aura une recette plus considérable sur le chemin de fer, déduction faite des dépenses, que celle qu'il perçoit actuellement sur le canal de Charleroy.
Si, tout à la fois, le gouvernement doit obtenir, par son nouveau tarif sur le chemin de fer, et une recette plus forte, et un mouvement commercial plus considérable, sa mesure sera justifiée ; si, au contraire, les recettes du canal de Charleroy diminuent, et que la recette du chemin de fer, déduction faite des dépenses, ne compense pas les pertes qu'il a éprouvées ou qu'il éprouvera sur le canal de Charleroy, alors sa mesure est condamnée, et il doit d'autant plus se hâter de la modifier, que, sous l'empire du tarif actuel du chemin de fer, il se crée des (page 288) intérêts nouveaux qui seraient prochainement froissés, lorsque tardivement on reviendrait de cette mesure.
Messieurs, on a dit : Mais les adversaires des impôts sont ceux qui demandent une élévation des péages du chemin de fer; or les péages du chemin de fer sont un véritable impôt.
D'autre part, on a ajouté : Le service du chemin de fer est un service public, comme le service de la magistrature, qui ne doit pas être payé exclusivement par ceux qui se servent de cette voie de communication.
La comparaison fait complètement défaut.
Pour le prouver, je m'en rapporte aux exemples que nous ont donnés tous les autres pays où les chemins de fer ont été construits. Excepté en Belgique, partout, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en France, en Amérique, les chemins de fer sont construits par voie de concession.
Pourquoi ? Parce que ce moyen de construction ne grève jamais le trésor de l'Etat, que ceux qui usent de cette voie de communication en supportent les frais, comme ils en retirent les avantages.
Je crois que ce principe est vrai, et que si, en Belgique on a construit le chemin de fer aux frais de l'Etat, ce n'est pas en vue de constituer le trésor en perte, mais uniquement pour se réserver le maniement du tarif, surtout en concurrence avec la Hollande, pour le commerce avec l'Allemagne.
Ce que je dis est tellement vrai, que la loi du 1er mai 1834, qui n'a été votée qu'à la suite de longues discussions, stipule formellement que les revenus du chemin de fer devaient payer les intérêts et l'amortissement des capitaux employés à sa construction. Aussi la législature, en 1834, n'a pas eu la pensée de faire du chemin de fer une charge publique. Bien loin de là, on s'imaginait qu'après un certain nombre d'années, les capitaux étant amortis, les recettes du chemin de fer viendraient suppléer et, en quelque sorte, remplacer une grande partie des autres impôts. Certes, nous sommes loin d'être arrivés à ce point. Toujours est-il que la loi du 1er mai 1834 a décidé que le chemin de fer ne devait pas porter préjudice aux intérêts du trésor. Il résulte de là pour nous l'obligation de faire produire au chemin de fer tout ce qu'il peut produire.
Je n'entends pas dire qu'il faille élever le tarif. C'est une question qui reste à examiner ; car il est possible qu'en élevant le tarif les recettes diminuent, au lieu d'augmenter.
Tout ce que je demande, c'est que le gouvernement, en présentant le projet de loi tendant à fixer les péages du chemin de fer, parte de ce principe : les plus fortes recettes possibles! et qu'il ne déroge à ce principe que lorsque les intérêts majeurs de l'industrie et du commerce l'exigeront impérativement. Mais pour que cette loi qui a été réclamée du gouvernement, qui a été promise par lui, et qui est le devoir constitutionnel du gouvernement, puisse être discutée et votée par la chambre, en pleine connaissance de cause, il faut que le projet soit accompagné d'une foule de renseignements qui nous manquent encore pour asseoir notre opinion.
Il faut que l'on fasse voir que le tarif qu'on nous propose, est celui qui sera le plus productif ; cette démonstration doit être faite par l'expérience, par les faits autant que par le raisonnement. D'autre part, il faut qu'on nous fasse voir en même temps quelles sont les conséquences quant aux recettes des canaux et des routes pavées parallèles ou aboutissant au chemin de fer ; car la ligne du chemin de fer ne peut être considérée isolément, mais concurremment avec les routes pavées et les canaux ; il faut considérer l'ensemble et voir si le tarif qu'on propose procure une augmentation de recettes sur cet ensemble ou amène une diminution. Il faut distinguer autant que possible par ligne d'exploitation pour qu'on puisse mieux apprécier, parce que des calculs sur l'ensemble de nos voies de communication ne peuvent pas suffisamment éclairer la chambre. C'est surtout par ligne que les comptes ou aperçus doivent être établis.
Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics en répondant aux premières observations que j'ai communiquées à la chambre, a dit que, d'après mon opinion, c'était surtout un fonds de réserve qu'il faudrait constituer pour parer à certaines éventualités; mais M. le ministre, en ajoutant que les dépenses relatives à l'entretien du chemin de fer sont annuellement portées au budget, a cru par là répondre suffisamment aux observations que j'avais faites ; il n'en est pas ainsi, car indépendamment des dépenses annuelles, il faut s'attendre, à certaines époques, à des dépenses extrêmement fortes. J'avais signalé en outre les circonstances calamiteuses dans lesquelles les recettes éprouveraient une diminution énorme et constitueraient le budget annuel eu déficit de plusieurs millions quand les recettes devraient être augmentées pour faire face aux besoins extraordinaires que ces circonstances amènent toujours à leur suite. La conséquence de ceci est que, s'il était possible d'y arriver, il faudrait avoir un fonds de réserve assez considérable d’une part pour suppléer aux réductions de recettes qui pourraient résulter des circonstances et pourvoir aux dépenses extraordinaires que le renouvellement des rails et d'une partie considérable du matériel pourrait exiger.
Je bornerai ici mes observations; elles tendent à appeler l'attention du gouvernement et des chambres sur le point de départ du projet que nous serons appelés à discuter et sur les renseignements dont la chambre devrait être munie pour pouvoir se livrer avec fruit à l'examen de ce projet.
- Plusieurs voix - La clôture ! la clôture !
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere.
M. H. de Brouckere. - Si la chambre veut clore la discussion, je renonce à la parole.
M. Cools. - Je crois qu'il est dans les usages que le rapporteur ait un instant la parole.
Il y a, des débats qui viennent d'avoir lieu, une conclusion à tirer qui peut être utile au pays. C'est pour la présenter que je demande la parole; du reste, je promets de n'être pas long.
M. Vilain XIIII - J'aurais une interpellation à adresser à M. le ministre des finances pour lui demander un simple renseignement.
- La demande de clôture est mise aux voix et n'est pas adoptée.
M. le président. - La parole est à M. H. de Brouckere.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, la moitié de la chambre, à peu près, vient de témoigner son désir de clore la discussion, il m'est extrêmement désagréable de parler devant un auditoire qui est pressé d'en finir et qui ne m'écoutera qu'avec impatience. J'aime beaucoup mieux renoncer à la parole.
Je comptais revenir sur la question du canal de Charleroy mise eu rapport avec celle des tarifs du chemin de fer. Cette double question me paraît importante. Mais, je le répète, je préfère renoncer à la parole qu'être écouté avec impatience.
Je crois, d'ailleurs, sérieusement qu'il est temps d'avancer dans la discussion. Je ne veux pas qu'elle soit prolongée par mon fait. On vous l'a dit hier, et on vous l'a dit avec raison, le sénat est réuni ; il attend le budget des voies et moyens, et si vous voulez vous rappeler les discussions qui ont eu lieu l'année dernière dans cette assemblée à l'occasion du budget des voies et moyens, vous ne pourrez méconnaître qu'il y a convenance à lui laisser quelques jours pour examiner un budget que nous trouvons convenable d'examiner aussi longtemps.
Je ne le cache pas : j'aurais beaucoup désiré parler; mais je fais le sacrifice de mon discours, et je désire que les autres membres inscrits fassent le même sacrifice que moi.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, j'avais demandé hier la parole pendant le discours de l'honorable ministre des finances, pour faire remarquer que la discussion s'égarait énormément. Peut-être n'aurais-je pas fait cette observation, s'il ne m'avait pas paru que le débat avait dévié encore un peu plus qu'auparavant pendant le discours auquel je venais de prêter attention.
Quel était, en effet, le point de départ de toute la discussion ? C'est cette observation faite par la section centrale que, dans sa manière de voir, les tarifs du chemin de fer avaient été fixés à un taux trop minime pour le transport des matières pondéreuses. La section centrale ne s'est pas occupée des tarifs pour les marchandises en général et encore moins pour les voyageurs. Reconnaissant ce fait, elle a cru qu'il fallait que le gouvernement revînt sur la décision prise en ce qui concerne le transport des matières pondéreuses pour ne pas être amené à abaisser les péages sur les canaux.
La discussion s'est engagée. On a parlé des recettes, des frais de construction, des produits du chemin de fer en général, et il est évident que la discussion, s'égarant dans un champ aussi vaste, ne pouvait arrivera aucun résultat.
M. le ministre des finances, renchérissant encore sur ceux qui avaient parlé avant lui, a présenté la question sous un point de vue social. Faisant apparaître en quelque sorte le chemin de fer dans un milieu vaporeux, très favorable, je le reconnais, pour l'effet qu'il voulait produire, il l'a présenté comme une vaste entreprise nationale où les recettes et les dépenses se confondent dans un tout compacte, où tout est pour le mieux quand exploitants et usagers se payent mutuellement.
Il y avait dans cette manière de présenter les faits, à l'insu de M. le ministre, je me hâte de le dire, un reflet de certaines théories qui ont donné naissance à une folle entreprise tentée dans un pays voisin, reflet très éloigné, j'en conviens, mais qui, cependant, a dû frapper d'autant plus que ce rapprochement, j'en ai l'intime conviction, est tout à fait éloigné de la pensée du ministre.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - De quoi s'agit-il ?
M. Cools. - Des ateliers nationaux.
M. le ministre, persévérant dans le même système, et comme pour rendre la question principale de plus en plus insaisissable, a parlé, à l'occasion du chemin de fer, d'une foule de choses, de l'armée, de la police, de la magistrature, institutions fort utiles, je le reconnais, mais qui ne me paraissent pas avoir un rapport très intime avec le tarif du transport du charbon.
Il faut, dit M. le ministre, voir dans le chemin de fer et dans, les péages, une question d'impôts. Oui, messieurs, il faut y voir avant tout une question d'impôt ou plutôt non, car il ne faut rien exagérer, il faut y voir une question de produits; mais je crois qu'il importe d'en écarter cette espèce de brouillard au moyen duquel on veut la dérober à nos regards. Il faut y voir une question de produits, et c'est pour cela que nous pensons qu'un abaissement excessif des tarifs doit être nuisible aux intérêts du trésor. Le gouvernement le conteste, mais je crois qu'on peut lui demander : Qu'en savez-vous? Est-ce que l'expérience de 3 ou 4 mois peut être tenue pour concluante? Il est possible qu'en ce moment-ci, la recette du trésor, du chef du transport des matières pondéreuses, ne soit pas encore diminuée; mais si elle n'est pas diminuée encore en sera-t-il de même d'ici à quelque temps ?
(page 289) Savez-vous si l'année prochaine, par exemple, par cela seul qu'il y aura eu plus de transports, les frais de traction et l'usure du matériel n'auront pas augmenté dans une proportion telle que le gouvernement soit plus fortement en perte que maintenant? D'ailleurs, messieurs, l'expérience faite jusqu'à présent prouve déjà une chose, c'est que l'abaissement du tarif du chemin de fer constitue le canal de Charleroy en perte. Il est évident que le chemin de fer transporte à des prix inférieurs à ceux pour lesquels on transporte par le canal de Charleroy, et dès lors, à moins de décréter la ruine d'un grand nombre d'industries, vous vous trouvez dans la nécessité d'abaisser de nouveau les péages des canaux ou d'augmenter le tarif du chemin du fer. C'est pour cela que la section centrale a déclaré formellement que, dans son opinion, le moment était inopportun pour abaisser le taux des péages, et je voudrais que sur cette question-là le gouvernement eût exprimé une opinion aussi formelle que l'a été celle de la section centrale.
La section centrale n'a pas entendu qu'il fallût élever d'une manière générale les péages des canaux, comme certains organes de l'opinion publique cherchent à l'accréditer, d'une manière fort peu charitable, seulement elle a pensé qu'il n'y a pas lieu, dans la situation actuelle du trésor, d'opérer une nouvelle réduction de péages.
A cet égard, j'ai saisi avec bonheur la déclaration de M. le ministre des travaux publics, que pour lui la question n'est pas tout à fait décidée, que loin d'en faire une question d'amour-propre il l'instruira de nouveau, et que s'il arrive à la conclusion que la situation est réellement mauvaise, il avisera.
Eh bien, il est démontré pour tout le monde que si la situation n'est pas mauvaise en ce qui concerne le chemin de fer, pris isolément, elle renferme évidemment un vice dans ses rapports avec les canaux. Dès lors il faut que nous agissions avec beaucoup de prudence. Je ne puis qu'engager M. le ministre des travaux publics à donner suite à la promesse qu'il a faite à la chambre d'étudier de nouveau la question, et je suis persuadé qu'il arrivera à la conclusion qu'il y a quelque chose à faire, qu'il y a surtout lieu d'établir plus d'égalité pour les canaux, en rétablissant les tarifs du chemin de fer dans des conditions de concurrence convenable.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, en présence du désir manifesté par la chambre de clore cette discussion, je n'ai pas l'intention de répondre au discours que vous venez d'entendre et à celui qui a été prononcé par l'honorable M. de Theux, mais on me permettra de faire observer que les regards de l'honorable M. Cools ont été obscurcis par le nuage, la vapeur ou le brouillard dont il vient de vous parler, et je dois attribuer à cette circonstance les erreurs dans lesquelles il est tombé.
Il a eu l'intention de faire briller un rayon de lumière pour dissiper ce brouillard, mais l'honorable membre n'y a pas réussi, et il est le seul à découvrir dans le brouillard les énormités qu'il a jugé à propos de me reprocher.
Qu'est-ce qu'il y a de commun, messieurs, entre ce que je vous ai dit de l'impôt et des péages, et les ateliers nationaux? Quel rapport, quelle analogie y a-t-il entre ces deux choses ? J'ai dit que les péages que l'Etat impose et perçoit ont le caractère et les effets des impôts. Le péage perçu sur une chose exploitée par l'Etat ne tient-il pas, en réalité, de la nature de l'impôt? Qu'est-ce donc que la taxe postale? Évidemment c'est un impôt. Eh bien, la taxe des transports par le chemin de fer est également un impôt.
- Un membre. - Volontaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Eh ! mon Dieu ! volontaire, oui, mais cela ne change pas sa nature d'impôt. (Interruption.) Quand on m'accuse de faire du socialisme par le temps qui court, apparemment comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir, il faut bien me permettre de prouver que les objections que l'on fait sont....., je ne trouve pas d'expression convenable pour les qualifier.
J'ai dit que les péages ont le caractère d'impôts. On répond : « C'est un impôt volontaire, » eh bien je dis que tous les impôts, dans les Etats représentatifs, sont réputés volontaires. Ils sont votés par les représentants des contribuables, votés volontairement, librement, pour faire face aux dépenses publiques.
Les publicistes et les économistes tiennent compte des péages perçus pour connaître quels sont les impôts qui grèvent un pays.
Aux Etats-Unis et en Angleterre, les péages des chemins de fer et des canaux sont perçus par des compagnies ; eh bien, les économistes et les publicistes font remarquer que dans ces pays un impôt considérable grève la production, surtout en Amérique, où les péages sont souvent d'une extrême élévation.
Après avoir indiqué ce caractère des péages, je me suis gardé de soutenir que l'on doit transporter avec perte ou sans bénéfice ; je me suis borné à prétendre qu'il faut chercher un point juste où tout en transportant au plus bas prix possible, tout en rendant la plus grande somme de services possible, on obtient cependant le plus grand produit possible pour les tarifs du chemin de fer, comme pour les tarifs de la poste; c'est là toute la question.
Je me suis appliqué, en étudiant les tarifs du chemin de fer, à déterminer comment, en rendant la plus grande somme de services possible, j'obtiendrai le résultat le plus favorable, au point de vue financier.
Messieurs, on attaque d'une manière doublement injuste le chemin de fer, quant aux recettes qu'il procure au trésor. On ne veut pas remarquer que le chemin de fer n'a pas dit son dernier mot ; depuis 1843, il y a, chaque année, progression, dans les produits, de plus d'un million. Encore une fois, un peu de patience ; en supposant qu'il y ait aujourd'hui un déficit de 8 millions, comme l'allègue l'honorable M. Dumortier avec une extrême exagération, nous verrons dans quelques années si le chemin de fer ne donnera pas tout ce qu'on est en droit d'en attendre.
Voilà exclusivement ce que j'ai dit, et je pense qu'il y a là-dedans fort peu de communisme et de socialisme.
- Plus de 10 membres demandent la clôture.
M. Mercier (contre la clôture). - Je désire répondre quelques mots à ce que vient de dire M. le ministre des finances sur cette théorie de l'impôt ; il me semble qu'on ne doit pas admettre sa distinction.
M. Dumortier (contre la clôture.) - Messieurs, c'est une question très importante. Il s'agit de savoir si nous voulons, tout en sacrifiant les industries parallèles, amener un préjudice énorme pour le trésor public. Je désire donc que cette discussion continue ; je tiens aussi à prouver à M. le ministre des finances qu'il n'y a aucune exagération dans les chiffres que j'ai avancés hier.,
M. Dechamps (sur la clôture.) - Si la chambre ne prononcé pas la clôture, je demanderai à pouvoir parler avant l'honorable M. Dumortier qui a déjà pris la parole dans cette discussion. Du reste, le débat devant se reproduire dans une autre circonstance, je n'insiste pas pour que la discussion continue.
- La clôturé est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix le chiffre :
Travaux publics
« Chemin de fer : fr. 15,500,000. »
- Adopté.
« Produit des cartes de circulation dans les stations et sur les chemins de fer : fr. 25,000. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, mon honorable collègue, M. le ministre des travaux publics, m'a fait connaître qu'on pouvait comprendre dans ce libellé les mots et pour prix de vente des tarifs du chemin de fer, et augmenter de ce chef, de 6,000 fr., la somme proposée, ce qui porterait le chiffre à 31,000 fr.
- L'article, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, la section centrale, d'après la décision prise dans la séance d'hier, s'est réunie ce matin pour examiner la proposition de M. Delfosse, qui tend à frapper d'une retenue de 5 p. c. tous les traitements supérieurs à 2,000 francs, pour la période comprise entre le 1er mai et la fin de l'année 1849.
Elle a cru devoir examiner, en premier lieu, si la position qui est faite aux fonctionnaires en Belgique permet de frapper cette classe de citoyens d'une manière générale et aussi fortement que le propose l'honorable député de Liège. Elle a été d'avis que les traitements belges ne sont pas fixés, en général, à un taux trop élevé. Elle a aussi été frappée de cette circonstance, que les fonctionnaires sont déjà atteints ou menacés de retenues assez fortes, pour les caisses de veuves et orphelins et pour les pensions.
Elle s'est dès lors demandé si un nouvel impôt sur cette catégorie spéciale de citoyens n'aurait pas pour résultat de refroidir leur zèle.
Le découragement parmi les fonctionnaires pourrait avoir pour conséquence, entre autres, de nuire notablement aux intérêts du trésor ; car, parmi ces fonctionnaires, il en est un grand nombre dont le zèle constitue, pour l'Etat, une garantie de recettes nombreuses et de la rentrée prompte et exacte des impôts.
On a prétendu que les emplois publics sont trop recherchés, et qu'il n'y aurait pas d'inconvénient à ce qu'on les rendît moins attrayants. La section centrale a admis qu'on se porte avec trop d'ardeur vers la carrière des fonctions publiques, mais elle n'a pas cru que la proposition de l'honorable représentant de Liége porterait remède au mal. Des traitements, établis à un taux insuffisant, pourraient bien empêcher les capacités de s'offrir, mais ils n'éloigneraient pas les nullités.
Enfin, une considération a surtout frappé la section centrale : c'est que la retenue proposée constitue un impôt sur le revenu, et que, si on veut entrer dans ce système, il faut l'appliquer d'une manière générale à tous les citoyens.
La section a d'ailleurs pensé que si la proposition devait être accueillie par la chambre, il faudrait, de toute manière, ne faire porter la retenue sur tous les traitements, qu'à partir de la partie des traitements dépassant le chiffre de 2,000 francs, qu'on a voulu exempter, et ne pas l'appliquer aux fonctionnaires qui ont déjà été atteints par des votes de la chambre. L'économie qu'on a en vue serait ainsi notablement réduite.
Ces considérations ayant été émises, la proposition de l'honorable représentant a été mise aux voix et elle a rejetée par 4 voix contre 2 abstentions.
« Produit du quart des salaires des conservateurs des hypothèques sur les transcriptions des actes de mutations : fr. 25,000 fr. »
(page 290) M. Mercier. - Messieurs, je sais qu'en général on n'est guère disposé à accueillir avec faveur les observations qui tendent à écarter des réductions de traitements des fonctionnaires publics, alors surtout que ces réductions sont proposées par le gouvernement lui-même. Cependant je ne puis m'empêcher d'accomplir un devoir de conviction, en soumettant à la chambre quelques considérations au sujet de la retenue qu'on propose de faire sur les émoluments des conservateurs des hypothèques.
Cette retenue est fixée à 25 p. c. des salaires que les conservateurs perçoivent sur la transcription des actes de mutations.
Une autre mesure doit encore atteindre plus fortement ces fonctionnaires : c'est celle qui doit abaisser d'une manière uniforme leurs remises à 2 p. c, sans distinction aucune entre les conservateurs qui jouissent de traitements élevés et ceux qui ne reçoivent qu'une rétribution modérée.
On se rappelle que ces mêmes employés sont en outre frappés dans leur avenir par la loi des pensions.
Je crois qu'en faisant ces diverses propositions, on n'a pas suffisamment pris en considération l'immense responsabilité attachée aux fonctions des conservateurs.
Qu'on songe que la moindre négligence de leur part peut compromettre toute leur fortune ; que les intéressés ont recours contre eux pour les erreurs et omissions qu'ils peuvent commettre ; que ce recours, aux termes de la loi du 21 ventôse an VII, leur est conservé dix ans après que les conservateurs ont cessé d'exercer leurs fonctions. De sorte que, pendant dix ans, ils sont sous le coup de ce recours et par conséquent d'une ruine complète peut-être.
Il est à ma connaissance que des conservateurs ont essuyé des pertes considérables, qui ne sont pas toujours divulguées, parce que loin d'avoir intérêt à les faire connaître, ils ont plutôt des motifs de les cacher pour ne pas perdre la confiance qu'ils doivent toujours conserver dans leurs fonctions.
C'est à cause de cette responsabilité si grande et si incontestable que les salaires des conservateurs, jugés insuffisants, ont été augmentés par décret du 21 septembre 1810.
Outre cette grave responsabilité, on doit encore considérer les frais de bureau considérables qui sont à charge des conservateurs; il leur faut des locaux d'un loyer élevé pour leurs archives et pour le personnel qu'ils occupent ; ils ont à solder des employés qu'ils doivent bien rémunérer parce que leur fortune est en quelque sorte entre leurs mains.
Si vous leur imposez une réduction, ils ne pourront à leur tour en opérer une sur les commis qu'ils ont aujourd'hui ; ils seront tenus aux mêmes sacrifices, parce qu'ils ne peuvent pas employer le premier venu ; il faut, comme je l'ai déjà dit, que ce soient des hommes investis de toute leur confiance.
C'est en raison de cette responsabilité si étendue et des frais de bureau qu'ils ont à supporter, que l'on a fixé les traitements de ces agents, ou plutôt d'une partie d'entre eux, à un taux plus considérable que ceux des autres fonctionnaires publics.
On a voulu qu'ils puissent faire quelques économies pour subvenir aux pertes éventuelles auxquelles ils sont exposés. Si nous diminuons trop sensiblement leurs traitements, nous ne leur laisserons rien pour couvrir ces risques et nous nous écartons ainsi de tout ce que le précédent législateur s'était proposé.
Je disais tout à l'heure que ces fonctionnaires ont été frappés par la loi du 21 juillet 1844 sur les pensions. En effet, leurs pensions étaient antérieurement liquidées d'après les mêmes bases que celles des autres fonctionnaires de l'Etat, sans être soumises à un maximum; en raison du traitement élevé de quelques-uns d'entre eux, elles pouvaient s'élever jusqu'aux chiffres de 10 ou 12 mille francs et même au-dessus. C'était encore en considération des pertes qu'ils pouvaient essuyer, qu'on avait ainsi réglé le taux de leurs pensions. Qu'a fait la loi du 21 juillet 1844? Elle a fixé le maximum de leurs pensions à 4 mille francs; elle veut, en outre, que la pension ne soit plus liquidée à l'avenir que sur les 3/4 du traitement soumis à la retenue, au lieu de l'être sur la totalité.
Aujourd'hui, de nouvelles propositions nous sont faites qui doivent avoir pour effet de frapper encore, sous ce rapport, ces mêmes fonctionnaires. Le maximum des pensions serait réduit de 4 mille à 3,500 fr. La liquidation se ferait non pas sur les 3/4 mais sur les 2/3 de leurs salaires et remises soumis à la retenue. Ainsi des conservateurs des hypothèques seraient très vivement atteints et dans leur position actuelle et dans leur avenir. Les mesures proposées me paraissent d'ailleurs peu équitables, en ce qu'elles affectent, sans égard aux différences de position, tous les fonctionnaires du même service.
Puisque des réductions, des économies sont inévitables, il me semble qu'on aurait pu prendre d'autres dispositions et faire une distinction entre des conservateurs qui n'ont pas un traitement trop élevé et d'autres qui pourraient être réduits dans une certaine proportion, il me semble que l'on aurait pu diviser les conservateurs en deux ou trois catégories, par exemple, et fixer un maximum de traitement pour la première ou les deux premières catégories ; la position des conservateurs de la troisième catégorie, qui n'ont que l'indispensable, resterait intacte; ce mode serait plus juste que celui qui consiste à imposer indistinctement à tous ces fonctionnaires une retenue proportionnelle et à atteindre ainsi dans bien des cas le strict nécessaire.
M. Jullien. - J'ai à diverses reprises, en dehors de cette enceinte , entendu diriger contre cette chambre l'accusation de vouloir jeter la perturbation parmi les fonctionnaires, en compromettant leur sort et celui de leur famille. Cette accusation ne peut atteindre aucun de nous : tous, nous voulons que le fonctionnaire puisse vivre d'une manière honorable, d'une manière indépendante. Tous nous voulons que le fonctionnaire trouve dans son traitement une large rémunération de son travail. Par contre, nous voulons tous aussi qu'il n'y ait plus d'impôts nuisibles, qu'il n'y ait plus de sinécures, qu'il n'y ait plus de traitements excessifs.
Dégrever le trésor de charges exorbitantes, c'est un devoir inséparable de notre mandat. Reculer devant l'accomplissement de ce devoir, ce serait faillir à notre mission.
Partout où nous trouvons de justes et équitables réductions à opérer, nous devons les frapper, dussent-elles atteindre nos amis.
La situation du trésor, la situation du contribuable nous en font une loi.
Ne nous faisons pas illusion sur cette double situation, et du trésor et du contribuable.
Le découvert du trésor est une de ces plaies qu'il faut guérir, non pas à l'aide de nouveaux impôts, mais à l'aide d'une administration plus économique du manège de l’Etat.
Le contribuable, quoi qu'en ait dit M. le ministre des finances, dans la séance du 16, n'est pas une mine à toujours exploitable, et il n'existe pas moins de malaise dans le pays, bien que cependant la classe ouvrière ne soit pas réduite à la triste nécessité de recourir à l'humiliante ressource des monts-de-piété.
Prenons-y garde : évitons d'affaiblir par de nouveaux impôts le bon esprit public, qui a préservé nos populations de toute tourmente révolutionnaire. Sachons maintenir ce bon esprit mille fois plus fort, mille fois plus puissant que notre armée ; sachons le maintenir en allégeant les charges du trésor, en introduisant dans les dépenses de l'Etat des économies intelligentes, en veillant à ce qu'en fait de traitements, il ne soit distrait du trésor que ce qui doit en être distrait pour rémunérer les fonctionnaires.
Je reconnais que M. le ministre des finances a été guidé par cette pensée en proposant d'opérer une retenue d'un quart sur les salaires perçus par les conservateurs pour les transcriptions des actes de mutation. Mais ce système, pour être fructueux, devrait être beaucoup plus large, beaucoup plus complet.
Si vous admettez qu'une partie des salaires des conservateurs doive entrer dans les caisses de l'Etat, pourquoi n'y feriez-vous pas entrer la totalité de leurs émoluments et remises, en salariant ces fonctionnaires par des traitements et des frais de bureau fixes, selon l'importance des bureaux ?
J'engage M. le ministre des finances à faire étudier cette question, à faire rechercher s'il ne serait pas utile d'étendre ce système de traitements fixes à tous les comptables de l'Etat en général, car j'ai la conviction qu'en l'adoptant on ferait entrer dans le trésor un capital assez élevé dont il se trouve aujourd'hui frustré au moyen de traitements déguisés sous le titre d'émoluments, de remises, de salaires.
Quoi qu'il en soit, en attendant que cette mesure puisse être prise, j'ai été amené, à l'inverse de l'honorable M. Mercier, à proposer une majoration de la retenue d'un quart introduite au budget. Cette majoration consisterait à porter la retenue, non au quart, mais à la moitié des salaires perçus par les conservateurs à raison des transcriptions; j'ai été amené à vous faire cette proposition en consultant un tableau officiel des traitements dont jouissent les conservateurs sous le régime actuel. Ce document que j'ai consulté est le tableau des remises et des salaires des conservateurs destinés à servir de base aux retenues en matière de pension aux termes des n°1 et 2 de l'article 15 des statuts de la caisse des veuves et orphelins.
Dans ce document, et en défalquant l'année la plus forte et la plus faible des cinq dernières années, j'ai découvert qu'entre autres conservateurs , celui du bureau d'Audenarde jouissait d'un traitement de 15,697 fr., celui de Verviers de 17,378 fr., celui de Louvain de 18,215 fr., celui de Termonde de 18,366 fr., celui de Gand de 21,034 francs, celui de Charleroy de 21,671 fr., celui de Tournay de 21,803 fr., celui de Mons de 26,571 fr., celui de Liège de 29,363 fr. et celui de Bruxelles de 40,745 fr.
Il y a dans ces traitements, il faut bien l'avouer, de véritables prodigalités gouvernementales.
On objecte l'immense responsabilité de la catégorie des fonctionnaires dont nous nous occupons; on objecte, en second ordre, qu'ils sont astreints à supporter des frais de bureau assez considérables. Il est vrai que la responsabilité des conservateurs est ordinairement assez importante ; il est vrai que beaucoup d'entre eux doivent supporter des frais de bureau assez notables ; mais ce qu'il y a de vrai aussi, ce que nous savons tous, c'est qu'il y a cinquante fonctionnaires probes, intègres, capables, laborieux qui, eux, voudraient se soumettre au fournissement du cautionnement exigé, qui consentiraient à supporter les frais de bureau et s'estimeraient heureux de toucher un traitement bien inférieur à celui dont jouissent les titulaires actuels.
L'argument que les conservateurs ont été atteints par la loi sur les pensions ne touche peu. Cette loi assure dans tous les cas une pension assez élevée aux conservateurs qui ont rempli leurs fonctions pendant le délai qu'elle détermine ; elle assure à leurs veuves une pension assez forte eu égard au montant des retenues qu'ils subissent. Sous ce rapport donc, messieurs, nous ne devons pas rejeter le principe de la (page 291) réduction des traitements des conservateurs, si nous trouvons qu'en réalité, cette réduction est commandée par l'exorbitance de ces traitements.
Dans le système que j'ai l'honneur de présenter à la chambre, les conservateurs, tout en supportant la retenue que le nouveau tarif leur impose et qui consiste à fixer à 2 p. c. les remises précédemment portées à 5, les conservateurs, dis-je, continueront encore à jouir de traitements comparativement très élevés, si on les met en regard avec les traitements alloués aux autres fonctionnaires.
Ainsi, messieurs, d'après les calculs auxquels je me suis livré, et pour ne citer que quelques exemples, les conservateurs de Mons, de Liège et de Bruxelles percevraient encore des traitements de 20, 22 et 29,000 fr.
Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue, messieurs, que le renouvellement décennal des inscriptions procure aux conservateurs souvent au-delà de la moitié des salaires d'une année, d'où dérive une compensation assez ample de la retenue que je propose d'opérer. C'est ainsi, messieurs, que vous pourrez acquérir la conviction qu'en 1844, époque du renouvellement des inscriptions, le conservateur de Liège qui n'avait perçu en salaire, en 1843, que 27,756 fr., a reçu de ce seul chef en 1844, 44,336 fr. C'est ainsi encore que le conservateur de Charleroy qui en 1843 n'avait touché en salaires qu'une somme de 15,661 fr., a perçu en 1844, 26,822 fr.
Il est une autre considération, messieurs, c'est qu'en France les conservateurs des hypothèques ne reçoivent que la moitié des salaires sur les transcriptions. Pourquoi en serait-il autrement chez nous? On ne saisit pas la raison de différence.
Il est enfin, messieurs, une dernière observation qui me paraît de nature à déterminer le vote de la chambre : c'est que les conservateurs vont trouver une nouvelle source de revenus dans la loi nouvelle qui soumettra à la nécessité de l'inscription les hypothèques légales qui, jusque-là, en ont été affranchies.
Si donc nous réduisons les traitements, cette réduction deviendra prochainement moins sensible; c'est là encore un motif d'adopter l'amendement que j'ai l'honneur de déposer, amendement qui repose sur des bases infiniment équitables, n'atteint pas d'une manière trop forte, trop dure les conservateurs et leur ménage des traitements suffisamment élevés.
M. le président. - L'amendement de M. Jullien est ainsi conçu:
« J'ai l'honneur de proposer à la chambre de modifier l'article 2 du projet de loi comme suit :
« A partir du 1er janvier 1849, la moitié des salaires alloués aux conservateurs des hypothèques par le décret du 21 septembre 1810 pour les transcriptions d'actes de mutations sera portée en recette pour le compte du trésor.
« Et d'insérer au tableau du budget un article qui sera ainsi conçu :
« Produit de la moitié des salaires des conservateurs des hypothèques sur les transcriptions d'actes de mutations : fr. 50,000. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable préopinant a cru devoir faire précéder les développements qu'il a donnés à sa proposition, de quelques considérations générales, sur la position des contribuables, sur la marche qu'il faut suivre pour améliorer l'état de nos finances. Je n'aurais pas répondu aux observations qu'il a présentées à ce sujet, si l'honorable membre ne m'avait prêté fort gratuitement des paroles, qu'assurément je n'ai pas prononcées. Voici comment s'est exprimé l'honorable membre : « Le contribuable, quoi qu'en ait dit M. le ministre des finances, dans la séance du 16 décembre, n'est pas une mine à toujours exploitable. »
Il me semble, messieurs, que la loyauté qui doit présider à nos débats, les convenances que l'on doit observer les uns vis-à-vis des autres, devraient engager les honorables membres qui prennent la parole dans la discussion, non seulement à ne pas incriminer les intentions de leurs adversaires, mais à ne pas leur attribuer surtout des paroles que l'on semble citer textuellement et qu'ils n'ont point prononcées. Je n'ai pas dit un seul mot, à aucune époque, en aucune circonstance, qui ait l'ombre de rapport, l'ombre d'analogie avec ce que je dois appeler l'invention de l'honorable préopinant.
Dans ma pensée, messieurs, comme dans celle de mes honorables collègues, il faut être ménager au plus haut point des ressources du trésor. Il faut que le contribuable paye le moins possible pour rémunérer tous les services publics.
Le gouvernement a donné la preuve que telle était sa pensée. Car volontairement, sans y être contraint, assurément, il a fait plus que ce qui a été fait à aucune époque ; il a fait beaucoup plus que ce que la chambre pourra faire après avoir scruté tous les budgets avec le plus grand soin.
Il me semble donc, messieurs, qu'il eût été au moins convenable de reconnaître, comme d'autres membres l'on fait d'ailleurs dans des séances précédentes, que le gouvernement avait courageusement accompli la mission qu'il avait à remplir dans ces temps difficiles.
C'est, en effet, messieurs , une tâche extrêmement pénible que celle qui consiste à réviser l'administration, à faire tant de mal individuel, à réduire les traitements d'un certain nombre de fonctionnaires, en reconnaissant que ces traitements étaient peut-être trop élevés, en reconnaissant, si vous voulez, que quelques-uns étaient excessifs.
Mais il nous était impossible d'oublier que cette position leur avait été faite pendant un grand nombre d'années, que c'était la position à l'abri de laquelle ils avaient vécu, d'après laquelle ils avaient réglé toutes leurs dépenses, et que la douleur n'est pas moins grande parce qu'elle va frapper ceux qui se trouvent dans les rangs élevés de la société.
Je rentre, messieurs, dans la question qui nous est soumise.
Le gouvernement propose de faire verser dans les caisses de l'Etat le quart de la rétribution qui jusqu'à présent a été perçue directement par les conservateurs des hypothèques et qui est qualifiée de salaire, pour la transcription d'actes de mutations.
Un honorable membre vous a dit tout à l'heure que le gouvernement a été trop loin, que le gouvernement fait un prélèvement trop considérable sur ces salaires, que tout au moins il aurait dû distinguer, qu'il aurait dû ménager quelques conservateurs dont la situation n'est pas extrêmement favorable. Un autre membre vous a dit, au contraire, que le gouvernement n'a pas été assez loin, qu'il fallait faire davantage, qu'il fallait doubler la retenue.
Nous sommes naturellement amenés à conclure que le gouvernement a fait ce qui était juste, ce qui était raisonnable, en se tenant également éloigné des deux extrêmes. Le gouvernement a pensé que la retenue d'un quart des salaires des conservateurs, en enlevant 26,000 fr. à 26 conservateurs, c'est-à-dire mille francs, en moyenne, à chacun, était une retenue suffisante. L'honorable M. Jullien ne paraît pas tenir compte de la position exceptionnelle des conservateurs.
Les conservateurs ne sont pas des fonctionnaires ordinaires ; les conservateurs des hypothèques ont une responsabilité personnelle vis-à-vis des citoyens; s'ils commettent une faute, une erreur, une omission, si cette faute, cette erreur, cette omission cause du préjudice à quelqu'un, le conservateur peut être traduit en justice et condamné à des dommages-intérêts. C'est, messieurs, à raison de cette position exceptionnelle que, dans tous les pays, qu'en France comme en Belgique, la position des conservateurs a été établie d'une manière entièrement différente de celle qui est attribuée à tous les autres fonctionnaires. Il faut bien qu'ils soient indemnisés des dangers qu'ils courent, de la responsabilité à laquelle ils s'exposent. Il faut bien que les conservateurs soient payés à raison du plus grand risque qu'ils ont à courir. Si quelques-uns, comme vient de le dire M. Jullien, ont des émoluments considérables, c'est que la responsabilité est en raison même de la perception qu'ils ont faite.
L'honorable M. Jullien voudrait que la position des conservateurs fût entièrement changée ; il voudrait que les conservateurs fussent placés sur la même ligne que les autres fonctionnaires, que le gouvernement se chargeât de tous leurs frais de bureau et leur allouât un traitement fixe; mais le gouvernement se chargerait-il aussi de la responsabilité des fautes, des erreurs, des omissions que ces fonctionnaires pourraient commettre dans l'exercice de leurs fonctions?
L'honorable membre ne nous a, au surplus, montré, quant à la position des conservateurs, qu'un seul côté de la question : il vous a donné le relevé des perceptions faites par quelques-uns, et peut-être dans des circonstances plus ou moins exceptionnelles. Je n'ai point le tableau sous les yeux pour vérifier l'exactitude des chiffres; mais l'honorable membre vous a montré un produit brut seulement; quel est le produit net? C'est ce qu'il fallait faire connaître à la chambre. Quels sont les frais que doivent payer les conservateurs des hypothèques? Quelles sont les charges qui pèsent sur eux? Combien doivent-ils rétribuer de commis? Quels sont leurs frais de bureau? Quels sont les loyers plus considérables qu'ils doivent supporter pour occuper des habitations vastes, où ils puissent loger toute leur administration? Quels sont les frais de toute espèce qu'ils doivent supporter: feu, lumière, etc. ? C'est ce que l'honorable membre ne dit pas. Conclure de ce qu'un conservateur des hypothèques touche 40,000 francs brut, qu'il a peut-être 50 ou 55,000 francs net, ce serait là, messieurs, une erreur extrêmement grave; s'il a 40,000 francs brut, je m'étonnerais peu qu'il n'eût que 25,000 francs net. Je ne suis pas à même de vérifier ce qui en est, mais si vous voulez sur ce traitement de 25,000 francs supposé net, par pure hypothèse et que je considère comme élevé, si vous voulez en déduire une somme quelconque .pour la responsabilité du fonctionnaire, pour les dommages qu'il peut essuyer dans un espace de temps donné, si vous voulez répartir ces dommages par année, et c'est ainsi qu'il faut opérer, vous trouverez qu'il reste, en définitive, une somme qui n'est certes pas trop élevée.
Eh bien, messieurs, cette position va être considérablement amoindrie. Ainsi, le conservateur des hypothèques à Bruxelles, dont a parlé l'honorable préopinant et qui a des remises de diverses natures, assez élevées, va supporter, du chef de la réduction d'un quart, une perte de 2,562 fr. Il me semble que pareille réduction est suffisante. Portez-la à 5 000 fr. comme le propose l'honorable membre, c'est faire tomber le traitement du conservateur des hypothèques à un taux qui ne sera plus en rapport avec la responsabilité qui pèse sur ce fonctionnaire.
Messieurs, ce n'est pas tout, le gouvernement ne se borne point à faire verser au trésor de l'Etat le quart des salaires des conservateurs ; le gouvernement opère une diminution notable sur le tarif des remises. Les remises sont, comme vous le savez, la seule indemnité qui figure au budget pour être attribuée aux conservateurs des hypothèques; les salaires sont perçus par eux ; c'est le contribuable qui paye directement au conservateur le prix de la transcription. De ce chef le conservateur va subir encore une perte.
Je n'ai point le chiffre sous les yeux, mais cette perte est considérable. Je persiste donc à penser, messieurs, qu'il faut se maintenir dans la limite équitable qui a été proposée par le gouvernement et que la retenue fixée au quart est suffisante.
(page 292) Il est vrai, messieurs, qu'en France, depuis 1810 la moitié des salaires des conservateurs, résultant des transcriptions, est perçue par le trésor de l'Etat, mais nous n'avons pas pensé qu'on pût opérer, de ce chef, une réduction aussi considérable sur les traitements des conservateurs des hypothèques, en même temps que l'on opérait une forte réduction dans le tarif des remises.
M. Tesch. - Messieurs, il y a quelques jours, j'ai demandé la parole pour prier la chambre de renvoyer à la section centrale la proposition de l'honorable M. Toussaint, parce que je n'aimais à improviser des impôts. Je suis dans le cas de demander encore aujourd'hui un semblable renvoi pour la proposition de l'honorable M. Jullien; je ne pourrais voter sur cette proposition, sans qu'elle eût été préalablement examinée avec une certaine maturité.
L'honorable M. Jullien vous a fait connaître les traitements des divers conservateurs; je suis amené à croire que l'honorable membre a cité principalement les bureaux les plus élevés. Or, il y a des conservateurs qui jouissent de traitements qui, dans mon opinion, ne sont pas exagérés. Eh bien, ces conservateurs, par l'amendement qu'on propose, seraient frappés de la même retenue que ceux qui ont un traitement de 16,000, 20,000 ou 25,000 fr... (Interruption.) Je sais que les traitements sont proportionnels à la responsabilité ; mais dans le traitement, il n'y a pas seulement la question de responsabilité, il y a encore la question de nécessité de vivre, si je puis m'exprimer ainsi.
Il est à ma connaissance que des conservateurs , déduction faite des frais de bureau, n'ont pas plus qu'il ne faut pour entretenir leur famille.
Je demande que l'amendement soit renvoyé à la section centrale.
M. Delfosse. - Je regrette de devoir m'opposer à la proposition de l'honorable M. Tesch. Le renvoi à la section centrale retarderait indéfiniment le vote du budget des voies et moyens. Je comprendrais la demande de renvoi, si les faits qu'il s'agit d'examiner étaient nouveaux; mais la section centrale, pour apprécier la proposition du gouvernement, a dû examiner tous les faits relatifs à la situation des conservateurs ; chaque membre de la chambre, étant saisi de la proposition du gouvernement, a dû faire le même examen ; on a donc eu tout le temps d'examiner cette question et les faits qui s'y rattachent. Je pense que le renvoi n'aurait d'autre résultat que de retarder nos travaux.
- La discussion est close.
M. Tesch. - Je n'insiste pas sur ma proposition.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Jullien.
- Cet amendement n'est pas adopté.
La chambre adopte ensuite le chiffre de 25,000 fr. proposé par le gouvernement.
M. le président. - Nous revenons à l'article Timbre.
Les amendements suivants ont été présentés par M. Toussaint : « Timbre, fr. 3,200,000.
« Les timbres de dimension de 45 et 90 c, et de 1 fr. 20 c, sont portés respectivement à 50 c, 1 fr. et 1 fr. 30 c.
« Le droit de timbre sur les permis de chasse est porté à 32 fr. »
La section centrale a fait un rapport sur cet amendement.
M. Moncheur. - Messieurs, notre honorable collègue, M. Toussaint, auteur de la proposition, et atteint d'une extinction de voix, m'a prié de lire à sa place les observations qu'il avait à présenter à la chambre.
« Messieurs, la section centrale du budget des voies et moyens s'est, en principe, déclarée favorable à ma proposition d'augmenter le droit de timbre de dimension. Mais elle a pensé qu'il fallait laisser au gouvernement l'initiative des propositions relatives à l'impôt. En même temps elle a émis l'opinion qu'il y aurait lieu à créer un timbre spécial pour les procédures contentieuses. Trois de ses membres sur six pensent même qu'il y aurait peut-être lieu d'établir un impôt spécial sur les annonces par la voie des journaux.
« Si peu de développements que la section centrale ait donnés à son rapport, ils me prouvent qu'elle a attribué à ma proposition une portée systématique qu'elle n'a pas. En effet, ma proposition a uniquement pour but d'augmenter le timbre de dimension de 10 p. c, en arrondissant les chiffres, mais nullement d'introduire une modification quelconque aux principes de la législation actuelle sur le timbre.
« La section centrale est loin, elle, de cette simplicité, quand elle parle d'établir des timbres spéciaux pour les actes judiciaires (idée que je n'hésite pas à déclarer malheureuse), et, plus loin encore, de vouloir maintenir l'ensemble des lois sur le timbre, quand elle parle de l'établissement d'un droit de timbre sur les annonces par la voie des journaux (idée non moins malheureuse, eu égard à la mission civilisatrice de la presse). Dans ces deux cas, il y aurait un changement profond dans notre système légal au sujet du timbre, et je conçois que la section centrale soit d'avis qu'il convient de laisser au gouvernement l'initiative et la responsabilité de propositions semblables.
« Je me permettrai de faire remarquer cependant que, à l'exemple de notre collègue pour le district de Nivelles, l'honorable rapporteur de la section centrale, en saisissant directement la chambre d'une proposition sur la législation sucrière n'a pas eu les scrupules dont il se fait l'organe aujourd'hui au nom de la section centrale.
« Dans un moment, messieurs, où tous nous convenons qu'il faut accroître les ressources du trésor, en améliorant les impôts existants, et en l'absence d'un système financier quelque peu raisonné chez le chef du département que la chose concerne, je crois devoir persister dans ma modeste proposition.
« Je lui donnerai la rédaction définitive suivante :
« Droits, additionnels et amendes.
«Timbre, fr. 3,200,000
« Note à insérer dans le texte du budget, ou à la colonne des observations.
« Le droit de timbre de dimension de 45, 90 centimes, 1 fr. 20 c. et 1 fr. 60 c, est respectivement porté à 50 centimes, 1 fr., 1 fr. 30 c et 1 fr. 75 c.
« Le timbre des permis de ports d'armes de chasse est porté de 30 à 32 francs.
« Le gouvernement déterminera l'époque de la mise en vigueur, et arrêtera les dispositions et mesures relatives à l'exécution. »
« Encore une fois, messieurs, ma proposition ne change rien à la législation actuelle sur le timbre, si ce n'est pour décimaliser l'échelle des droits. Cependant, de l’avis même de M. le ministre des finances, elle donnera pour le timbre de dimension un produit nouveau de 190,000 fr. Les permis de chasse compléteront les deux cent mille francs. Mon expérience dans la partie du timbre et de l'enregistrement me permet de vous garantir que ce que je propose à la chambre n'occasionnera pas la moindre difficulté d'exécution. J'ai rempli mon devoir en formulant et en défendant ma proposition. La chambre remplira le sien en décidant selon son droit et ses inspirations. »
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, les observations que j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre subsistent. Comme je l'ai fait remarquer, l'honorable M. Toussaint s'est rendu à une partie de mes observations, en ne frappant de l'accroissement que le seul timbre de dimension ; il en exempte le timbre proportionnel. Il eût été en effet irrationnel de la part de la chambre de voter une aggravation du droit de timbre proportionnel, alors que, depuis peu de temps, on avait cru nécessaire, dans l'intérêt même du trésor, d'opérer une réduction sur ce timbre.
Maintenant, il y aurait une certaine bizarrerie à avoir un même impôt qui se fractionne en timbre proportionnel et en timbre de dimension, un même impôt accru, d'une façon spéciale, par des additionnels, l'autre partie s'en trouvant exemptée.
Je crois que l'opinion exprimée par la section centrale est la plus sage en cette matière. Que l'objet soit soumis à l'attention du gouvernement, il examinera si, par une révision générale du tarif, il ne serait pas possible d'améliorer les ressources du trésor. Mais quant à présent, je ne pense pas qu'il y ait lieu d'adopter les propositions de l'honorable M. Toussaint.
A cette occasion, je communiquerai les renseignements qui ont été demandés par l'honorable M. Osy dans une séance précédence; il a désiré savoir quel était le produit des droits de timbre sur les effets de commerce.
En 1847, le droit de timbre a été pour toute l'année de fr. 198,842 75
La moyenne par mois a donc été de fr. 16.570.
En 1848, depuis l'application de la nouvelle loi, le produit a été au mois d'août de fr. 104,947 76
En septembre, de fr. 44,560 73
En octobre, de fr. 34,110 80
En novembre, de fr. 30,114 53
Ainsi nous avons, pour les mois d'août et de septembre réunis, 149,508 fr. 49 c.
Pour les mois d'octobre et novembre, de fr. 64,225-15
D'après l'article 6 de la loi du 20 juillet 1848, tous les effets de commerce crées antérieurement sur un timbre insuffisant ont pu pendant deux mois être visés pour timbre sans amende. Le délai d'affranchissement pour le passé a expiré le 30 septembre 1848.
Pour apprécier le mérite de la loi nouvelle quant aux produits qu'elle doit donner à l'avenir , il faut nécessairement partir du mois d'octobre. Or je viens d'indiquer que les recettes se sont élevées pour les mois d'octobre et novembre à 64,225 fr. 15 c. La moitié représente une moyenne par mois de fr. 32,112 86
Ce qui donne pour l'année fr. 385,330.
Les recettes se sont élevées à fr. 198,842 75, de sorte que l'on peut porter à fr. 186,507 25 c. l'augmentation annuelle du produit du timbre sur les effets de commerce
Je crois qu'on peut espérer encore une amélioration plus considérable de la recette, et que la loi nouvelle procurera une ressource de 200,000 à 250,000 fr. de plus que la loi ancienne.
M. Toussaint. - La section centrale n'a pas trouvé d'autre objection à ma proposition que de prétendre que l'initiative des lois d'impôt doit toujours appartenir au gouvernement.
- Un membre. - Elle n'a pas dit cela!
M. Toussaint. - A peu près ; mais il ne s'agit pas d'un nouvel impôt, personne ne conteste que ma proposition ne touche en rien aux lois organiques du timbre, elle ne fait qu'augmenter les additionnels comme on l'a fait souvent et arrondir les sommes. Il est évident que cette proposition ne présente pas d'inconvénient, M. le ministre n'en a du moins allégué aucun, (page 293) il n'a rien trouvé à objecter si ce n'est la singularité qu'il y a d'augmenter le droit pour le timbre de dimension, tandis que tout récemment on a diminué le droit proportionnel sur le timbre des effets de commerce.
Vous reconnaîtrez que le timbre de dimension et celui sur les effets de commerce n'ont rien de commun que le nom. L'un est un impôt perçu à raison de la surface, en ne tenant aucun compte de l'importance du contrat écrit sur le timbre, tandis que le droit proportionnel sur les effets de commerce est un droit sur la valeur et sur la chose actée sur le papier timbré.
Si j'ai retiré la partie de ma proposition relative aux effets de commerce, c'est que j'ai pensé qu'elle aurait dépassé le point juste où le taux de l'impôt peut s'élever sans faire diminuer les produits. C'est parce que j'ai pensé que l'augmentation du droit diminuerait l'emploi.
Je le répète, ma proposition se borne à une augmentation d'additionnels sur le timbre de dimension. J'y pense parce qu'il s'agit de 200,000 fr. à percevoir en plus sans que cela dérange en rien les transactions ou grève sensiblement le contribuable.
- La discussion est close.
La division est demandée; la première partie de la proposition concernant le timbre de dimension est mise aux voix. Elle n'est pas adoptée.
La seconde partie, ayant pour objet de porter à 32 fr. le timbre des permis de chasse, est adoptée.
Le chiffre de 3 millions proposé par le gouvernement est ensuite adopté.
M. le président. - Nous passons au Trésor public, n° 2.
« Intérêts de 13,458 obligations de l'emprunt de 30,000,000 de francs à 4 p. c, provenant de l'emploi de l'encaisse de l'ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 537,520 »
M. de Pouhon a fait une proposition qui se rattache à cet article, mais il a consenti à ce qu'elle fît l'objet d'un projet spécial.
M. Osy. - Je voulais faire une proposition dans le sens de celle de M. de Pouhon, mais comme il se réserve d'en faire l'objet d'un projet spécial, je me réserve de faire connaître mon opinion quand vous serez appelés à discuter ce projet. Mais je profite de l'occasion pour demander à M. le ministre quelques renseignements au sujet de l'amortissement. Lorsque nous avons fait les emprunts de 1840 et 1842 on a garanti au bailleur des fonds que l'amortissement ne se ferait pas avant 6 ans si les fonds se tenaient au-delà du pair.
Pour l'emprunt de 1840, ils sont restés pendant ce temps au-dessus du pair; on n'a pas amorti. Pour l'emprunt de 1842, l'échéance des six années est venue maintenant; mais les fonds ayant toujours été au-dessous du pair pendant la dernière année, on aurait dû amortir. Aujourd'hui l'amortissement se fait régulièrement, mais vous voyez que le gouvernement, dans l'exposé des budgets, dit : Il y a une réserve de 5 millions 700 mille francs ; le gouvernement compte employer cette somme à la réduction de la dette flottante. J'ai lu les conventions faites, je reconnais qu'il y a beaucoup de vague; mais à l'occasion d'un exposé de situation financière, est-ce au gouvernement à trancher la question? Si le gouvernement décidait que ces 5,700,000 francs doivent servira diminuer d'autant la dette flottante, il fallait en faire l'objet d'une allocation portée au budget.
Nous avons le chapitre des domaines où se trouvent portés les fonds qui servent à l'extinction de la dette flottante. Si l'opinion de M. le ministre est que cette somme doit servir à diminuer la dette flottante, il faut la porter au budget des voies et moyens comme ressource définitive. Mais M. le ministre n'est pas certain de son fait, car il ne porte cette somme qu'à son exposé de situation. Je propose à M. le ministre de soumettre cette question à la commission de la caisse d'amortissement qui est compétente ; si elle est d'accord avec M. le ministre, au prochain budget on pourrait régulariser l'affaire. Il est impossible qu'une somme aussi considérable reste dans l'indécision ; il faut savoir si elle doit être comprise dans les voies et moyens ou si elle appartient à la caisse d'amortissement. Si elle appartient à la caisse d'amortissement, nous ne pouvons pas la considérer comme une ressource pouvant servir à couvrir un déficit. S'il y a dissentiment entre le gouvernement et la caisse d'amortissement, le gouvernement pourrait nommer une commission composée de trois financiers et de trois jurisconsultes pour décider si cette somme appartient ou non à l'amortissement. Car si elle appartient à l'amortissement, nous ne pouvons pas la conserver; si elle appartient à la dette flottante, il faut régulariser l'affaire.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'ai eu l'occasion d'examiner la question qui vient d'être indiquée par l'honorable M. Osy. J'ai eu à l'étudier lorsque j'ai établi la situation du trésor. Dès ce moment mon opinion a été formée sur cette question, mais je ne l'ai pas cependant tranchée, comme le suppose l'honorable préopinant. C'est à tort qu'il invoque la mention que j'ai faite, dans la situation du trésor. J'y lis ce qui suit :
« Aux termes de l'article 8, paragraphe 4 de la loi du 21 mars 1844, es fonds de la dotation de l'amortissement, des emprunts de 86,940,000 fr. et de fr. 28,621,716-40 à 5 p. c, autorisés par les lois du 26 juin 1840 et du 9 septembre 1842, qui, en conformité des stipulations des contrats passés avec les bailleurs, n'ont pas été employés au rachat de la dette ou ut le seraient pas à l'avenir, seront tenus en réserve jusqu'à l'époque à laquelle il sera loisible au gouvernement d'opérer le remboursement du capital. »
Cette réserve s'élève à la somme que j'ai indiquée. Je l'ai déduite d'une manière provisoire, puisque je ne fais aucune proposition dans un exposé de situation du trésor, je l'ai déduite de la dette flottante, dont j'ai fixé le chiffre à 30,219,576 fr. 6 c.
Cette question ne me paraît pas avoir été nettement posée par l'honorable M. Osy. Cet honorable membre a fait confusion entre l'amortissement et le rachat éventuel de la dette.
Aux termes des divers contrats et de la loi du 21 mars 1844 sur la conversion dont je viens d'entretenir la chambre, les fonds qui ne sont pas employés à l'amortissement, parce que les fonds sont au-dessus du pair, sont destinés, non plus à l'amortissement, mais à l'emploi que peut faire éventuellement le gouvernement, par exemple, au rachat de la dette.
Le terme stipulé dans les conventions, après lequel seulement on peut opérer le rachat de la dette, est différent du terme de l'amortissement.
L'amortissement opère immédiatement après l'emprunt; mais le rachat ne peut être opéré qu'après le terme stipulé dans les conventions.
M. Cools. - Je demande la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je sais que l'opinion contraire a été exprimée dans une brochure émanée de l'honorable membre qui demande en ce moment la parole. Mais je crois être en mesure de démontrer son erreur. Et comme cette question touche au crédit public, comme il importe de ne pas laisser supposer que le gouvernement refuserait de faire emploi des fonds destinés à l'amortissement conformément aux stipulations des contrats, il convient que cette question soit décidée brièvement.
D'après les dispositions des lois d'emprunt du 26 juin 1840 et du 29 septembre 1842, il a été affecté à l'amortissement des emprunts 1 p. c. du capital nominal.
Le premier des contrats qui ont été faits relativement à ces emprunts est du 21 septembre. Il y a été disposé :
« Art. 1er. Que le fonds de l'amortissement sera employé au rachat semestre par semestre, à partir du 1er novembre 1840; que l'amortissement pourra être suspendu lorsque les obligations seront au pair ou au-dessus ; que pendant la durée de la suspension , les valeurs antérieurement acquises à l'amortissement porteront intérêt de 5 p. c. à son profil ; que l'amortissement annuel ne sera réduit que dans la proportion du nombre de mois entiers pendant lesquels le cours des obligations aura dépassé le pair ; et que le droit de remboursement est suspendu pendant 6 ans (article 7), c'est-à-dire jusqu'au 1er novembre 1846. »
Il me paraît, messieurs, que cette disposition prouve clairement que le gouvernement ne peut pas être tenu d'employer- la réserve de l'amortissement. Autoriser la réduction du fonds de l'amortissement, n'est-ce pas permettre qu'on donne à une partie de ce fonds une autre destination? Cette interprétation d'ailleurs, messieurs, est conforme aux principes généraux du droit.
Le contrat du 10 novembre n'est pas aussi explicite, je le reconnais. Voici comment il s'exprime :
« En cas d'élévation du cours au-dessus de ladite proportion (le pair net), l'action de l'amortissement sera suspendue jusqu'au moment où elle pourra avoir lieu à des taux équivalents ou inférieurs au pair net. »
Ce contrat garde le silence sur la réduction du fonds d'amortissement. Mais serait-il possible de l'interpréter autrement que le contrat du 21 septembre précédent? Non seulement, messieurs, je dois interpréter le contrat du 10 novembre par le contrat du 21 septembre. Mais je vois dans le dernier contrat du 8 octobre 1842, passé avec le même prêteur, c'était M. Rothschild, une clause qui, selon moi. lève toute difficulté :
« En cas d'élévation du cours au-dessus du pair, l'action de l'amortissement sera suspendue jusqu'au moment où elle pourra avoir lieu à des taux équivalents au pair net.
« Cependant les fonds affectés à l'amortissement qui, pendant une année, seraient restés sans application possible, par suite de l'élévation du cours au-dessus; de la proportion fixée, peuvent recevoir une autre destination.
« Le gouvernement aura de plus la faculté d'augmenter l'importance de l'amortissement lorsque les rachats peuvent s'effectuer dans la proportion fixée.
« La faculté de rembourser au pair est interdite pendant six ans. »
Après ce contrat est intervenue la loi du 21 mars 1844. Cette loi sert en quelque sorte de commentaire aux contrats; elle les explique ; elle en fait l'application. Eh bien, cette loi porte :
« Art. 6. L'exercice du droit de remboursement au pair est suspendu pendant 8 ans. »
« Art. 8. L'amortissement sera suspendu lorsque les obligations seront cotées au-dessus du pair.
« Les fonds de la dotation de cet amortissement qui, par suite de la disposition qui précède seront restés sans emploi, seront tenus en réserve et affectés au rachat d'une partie du capital, après l'époque déterminée par l'art. 6. »
Vous voyez donc, messieurs, qu'il est très clairement décidé par la loi du 21 mars 1844, que la réserve de l'amortissement n'est pas applicable à l'amortissement, mais est applicable au rachat éventuel après le temps fixé pendant lequel le remboursement au pair est interdit.
La même loi contient une disposition analogue sur les emprunts (page 294) contractés en vertu des lois du 20 juin 1840 et du 29 septembre 1842 :
« Ces fonds seront également tenus en réserve jusqu'à ce qu'il sera loisible au gouvernement d'opérer le remboursement du capital. »
Ainsi, messieurs, le droit de disposer de la réserve autrement que pour la réserve ne peut pas être contesté.
Le gouvernement avait, dès 1844, lors de la discussion de la loi, proposé d'employer ces fonds à la réduction de la dette flottante. Cette proposition n'a pas été admise, parce qu'il a été jugé préférable, c'est ce qui résulte de la discussion, de se servir de ce fonds, pour faciliter une conversion ultérieure. C'est ce que nous devons induire des paroles du ministre des finances, dans cette discussion :
« L'extinction d'une partie de la dette flottante, au moyen des fonds antérieurement réservés restera un fait accompli. Chaque année on portera au budget le fonds d'amortissement, comme on l'a toujours fait, et on l'emploiera au rachat d'obligations, si nos emprunts viennent à descendre au-dessous du pair. »
Ainsi, il y a une distinction bien formelle à faire entre le fonds de l'amortissement qui doit toujours continuer à figurer au budget, et la réserve de l'amortissement, c'est-à-dire les fonds non employés, parce que le cours de la dette a toujours été au-dessus du pair, réserve qui est applicable à toute autre destination qu'à l'amortissement, et, par exemple, au rachat éventuel, au remboursement de la dette.
Je disais tout à l'heure que l'honorable M. Cools avait exprimé une opinion contraire, mais c'est toujours en faisant confusion entre l'amortissement et le rachat.
Il ne faut pas confondre l'amortissement avec le rachat, avec le remboursement. Ce sont des choses essentiellement distinctes. Le fonds annuel porté au budget et qui est destiné à l'amortissement, doit être employé dans le cas déterminé par les contrats, c'est-à-dire lorsque le fonds est au-dessous du pair. Si le fonds reste au-dessus du pair, pendant un temps déterminé, alors, conformément aussi aux contrats, la somme disponible est tenue en réserve pour être employée ultérieurement à toute autre destination; éventuellement, elle peut être employée aux rachats ; en d'autres termes, elle peut être employée à faire une nouvelle conversion, si on la juge utile.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, la discussion qui vient de s'engager soulève une question très importante. Je désire en dire quelques mots.
Je dois déclarer que je suis d'accord avec M. le ministre des finances sur la plupart des faits qu'il a allégués. Cependant j'arrive à une conclusion entièrement opposée à la sienne. Il s'agit de savoir, de déterminer, quelle est la valeur de ces mots qui se trouvent dans la loi du 21 mars 1844 : « Les fonds seront tenus en réserve jusqu'au moment où ils serviront à l'amortissement du capital. » Je n'ai pas la loi sous les yeux, mais je crois reproduire exactement les expressions dont s'est servi M. le ministre des finances.
Messieurs, on prétend qu'il y a une grande différence à faire entre l'amortissement et le rachat. Oui, jusqu'à un certain point, non sous d'autres rapports. Certainement il ne faut pas confondre le rachat de la dette avec l'amortissement de la dette.
Sous ce rapport M. le ministre des finances a bien fait de faire ses réserves, mais dans le langage ordinaire des fonds destinés au rachat de la dette sont envisagés comme appartenant à l'amortissement, et c'est pour ce motif que, dans d'autres circonstances, je me suis servi d'une locution employée par le gouvernement lui-même qui donne à ce fonds le nom de réserves de l'amortissement.
Mais il n'en résulte pas non plus que lorsque la loi dit que ces fonds seront tenus en réserve, on puisse s'en servir pour d'autres usages. La loi dit : Les fonds seront tenus en réserves. Remarquez que la loi dit cela pour les emprunts de 1840 et de 1842, et non pour le grand emprunt de conversion, l'emprunt contracté à l'occasion de la négociation avec la Hollande. Pour ce dernier emprunt, elle se sert de termes tout différents; elle dit : (erratum, page 3326) « Les fonds pourront servir à la réduction de la dette flottante. » La somme de 5 millions et quelque chose, provenant des emprunts de 1840 et 1842, doit donc être tenue en réserve; mais il s'agit de savoir à quel usage on peut l'appliquer provisoirement. Il est évident que si vous vous en servez pour les besoins courants, elle n'existera plus quand le moment sera venu d'en faire l'application, c'est-à-dire de l'employer soit au rachat soit à la conversion de l'emprunt. Ne vaudrait-il pas mieux l'appliquer à l'achat de fonds publics qui serviraient à faire de l'argent au moment donné? Tout en reconnaissant avec M. le ministre qu'il y a une distinction à faire entre le rachat et l'amortissement, ce qui n'est contesté par personne, il n'en est pas moins vrai que le législateur, en disant que les fonds doivent être tenus en réserve, a fait quelque chose de sérieux. Eh bien, je le demande, peut-on prétendre qu'on ait bien fait d'épuiser ces fonds, et n'en résultera-t-il pas qu'à un moment donné on se trouvera dans une position fâcheuse?
(page 326) M. Mercier. - L'explication donnée tout à l'heure par M. le ministre des finances est bien conforme à l'intention du législateur. J'ai proposé la loi relative à cet emprunt, ainsi que celle qui concerne l'amortissement; j'ai passé le contrat et, aux termes de la loi, il faut que le fonds de l'amortissement soit tenu en réserve. On demande si l'on pourrait lui donner une autre destination, par exemple le faire servir à l'amortissement ordinaire.
Je répondrai à cette question : Oui, si une nouvelle loi intervenait dans ce sens; oui, parce que dans le contrat on a prévu cette éventualité; mais d'après la loi actuelle ces fonds doivent nécessairement être réservés pour le moment où par exemple on ferait une nouvelle conversion, et alors on l'emploierait au remboursement d'une partie du capital. Mais remarquez, messieurs, que la question en elle-même, et dans l'état où nous nous trouvons, n'a véritablement pas de portée. Nous avons une dette flottante ; eh bien, tout et naturellement cette réserve diminue la somme de la dette flottante.
Nous ne nous donnons pas le plaisir d'avoir là une réserve métallique ; nous nous réglons d'après notre encaisse et par conséquent nous émettons d'autant moins de bons du trésor. Ainsi se trouve atteint le but que l'on avait en vue, c'est-à-dire la réduction de la dette publique, puisque le chiffre de la dette flottante est atténué de tout le montant de la réserve.
(page 294) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je crois, messieurs, que l'observation que je vais présenter aura pour effet de terminer la discussion sur ce point. L'honorable M. Cools est maintenant d'accord avec moi sur les principes. La discussion à laquelle je me suis livré l'a, je pense, convaincu; il veut seulement réserver l'amortissement, ne pas l'employer aux besoins courants, afin que si, ultérieurement, on veut opérer le rachat, le remboursement ou la convention, l'on puisse trouver ces fonds disponibles. Eh bien, c'est précisément ce qui existe, ainsi que l'honorable M. Mercier vient de le faire remarquer. Les fonds existent, mais nous avons une dette flottante, qui se trouve réduite des 5 millions 700 mille francs dont il s'agit. Si on veut ultérieurement disposer de cette somme, la dette flottante s'augmentera précisément d'autant par de nouvelles émissions qui deviendraient alors nécessaires.
M. Cools. - Il est très naturel que l'honorable M. Mercier vienne en aide sur ce point à M., le ministre des finances, puisque les faits dont il s'agit sont antérieurs et de beaucoup à l'entrée en fonctions de M. le ministre actuel ; mais je ne puis pas admettre que je sois d'accord avec M. le ministre sur les principes, comme il le prétend. Je suis en désaccord complet avec lui, notamment sur ce point-ci, c'est qu'on puisse employer ces fonds à un usage autre que celui pour lequel ils doivent être tenus en réserve. Vous dites : Les fonds existent, mais on émet d'autant moins de dette flottante; non ils n'existent pas, car vous vous en êtes servi pour vous dispenser d'émettre une plus grande quantité de bons du trésor; il en résulte que lorsque vous voudrez les employer à l'usage pour lequel ils doivent être réservés, vous serez obligé de créer d'autres ressources et vous vous trouverez dans l'embarras.
M. de Man d'Attenrode. - Je pense, messieurs, que la question soulevée par l'honorable M. Osy, quant à l'amortissement, est épuisée; je me permettrai donc d'appeler un instant votre attention sur une note comprise dans le rapport de la section centrale, à la suite de l'article Trésor public. J'ai lu cette note avec une grande attention, et, je vous le déclare, il m'a été impossible d'en comprendre la signification. Je l'ai lue une seconde fois, et grâce à l'avis de la cour des comptes qui m'est venu en aide, j'ai fini par en débrouiller le sens ou plutôt le non-sens. Voici ce dont il s'agit :
La section centrale a posé une question au gouvernement; elle consistait à lui demander où en sont les comptes de gestion que le caissier de l'Etat est obligé de transmettre à la cour pour être apurés; M. le ministre des finances a répondu « que la provision du caissier de l'Etat a été arrêtée jusqu'à la fin de 1842, et que les comptes des exercices suivants jusqu'à l'année 1840 inclusivement sont transmis à la cour des comptes. »
Et la section centrale, satisfaite de cette réponse de dire qu'elle voit par là que tous les comptes ne sont pas apurés, mais qu'il y en a quelques-uns qui le sont. Eh bien, il y a là un véritable malentendu et l'on pourrait croire vraiment qu'il y a là une espèce de mystification, ce qui est impossible, je me hâte de le dire, entre la trésorerie et la section centrale ; je persiste donc à croire qu'il n'y a eu que malentendu.
La section centrale désire savoir si le caissier de l'Etat a transmis ses comptes à la cour. Eh bien, je suis à même de lui apprendre que le caissier est en retard d'envoyer ses comptes, que la cour n'en a pas reçu un seul, qu'elle n'a pu en apurer aucun depuis 1830. Ne vous semble-t-il pas, messieurs, que le gouvernement devrait prendre des mesures pour que ces comptes fussent rendus? J'ai lieu de croire que si les comptes n'ont pas été transmis à la cour, c'est parce qu'ils ne sont pas rendus dans la forme indiquée par elle. La cour des comptes désire des comptes précis, des comptes clairs, des comptes appréciables.et il paraît que le caissier général a, jusqu'à présent, refusé d'en présenter de semblables.
Vient ensuite, messieurs, la question de la provision. La provision, c'est le tantième que l'Etat paye à son caissier, son receveur, pour les services qu'il lui rend.
Vous savez, messieurs, que tous les ans le budget des finances porte un crédit d'environ 250,000 fr. pour solder la provision du caissier. Eh bien, chose bizarre ! le gouvernement ne fait pas usage de ce crédit, et je vous avoue que je ne comprends pas bien le motif qui le fait agir de la sorte, à moins que ce ne soit afin de rendre le résultat des exercices un peu plus favorable. C'est ainsi qu’un projet de loi de crédit supplémentaire a été présenté eu 1842, afin de permettre au gouvernement de disposer de ces crédits qui étaient périmés, parce que les exercices auxquels ils appartenaient étaient clos. Ce crédit s'élevait à fr. 1,505,560-86, et il était destiné à solder les provisions des exercices de 1832 à 1837 inclusivement. Ce projet de loi, renvoyé à la commission permanente des finances, fit l'objet d'un rapport de l'honorable M. Dumonceau, et le rapporteur conclut à son adoption en faisant une réserve conçue en ces termes :
« Somme nécessaire, d'après le gouvernement et la commission des finances, pour que la cour des comptes puisse régulariser la comptabilité, mais sans que, de la part de la commission, l'on puisse invoquer son appui pour justifier une liquidation, qui dans l'opinion de la cour ne serait pas conforme aux lois et règlements sur la matière. »
Ainsi la commission des finances n'a proposé l'adoption du crédit qu'à la condition formelle, que la question de l'apurement des comptes serait réservée.
Je recommande à l'administration la convenance d'entrer dans une voie plus régulière pour l'avenir, de manière à éviter la nécessité de demander des fonds pour son caissier tous les sept ou huit ans, au moyen d'un crédit supplémentaire, mode qui introduit plus ou moins le désordre dans la comptabilité, et de disposer annuellement du crédit qui est alloué à cet effet.
La dernière fois que le gouvernement a eu recours à ce mode de crédits supplémentaires, date du commencement de la présente année; l'honorable M. Veydt a demandé alors un crédit de 1,029,002 fr. 65 c, et c'est l’honorable M. Cogels qui a fait le rapport. Ce crédit supplémentaire était destiné à solder la provision des exercices 1841 à 1844 inclus.
(page 295) Cette manière de procéder établit une disproportion considérable, quant aux charges que les divers exercices ont à supporter. C'est ainsi que certains exercices se clôturent en apparence d'une manière avantageuse, tandis que d'autres se trouvent grevés de charges, qui leur sont étrangères. Il suffira, sans doute, d'avoir indiqué ce manque d'ordre, pour en prévenir le retour.
Maintenant, messieurs, qu'il me soit permis, puisque votre attention est fixée sur une question concernant les comptes, de vous dire un mot de la mise à exécution de la loi de comptabilité.
Ce que j'ai à vous dire se rapporte d'ailleurs à la discussion sérieuse du projet de loi des voies et moyens qui nous occupe.
La loi qui tend à régler la comptabilité publique a été réclamée au moins pendant dix années; elle a été enfin votée en 1846. Mais il ne suffisait pas que cette loi fût adoptée pour qu'elle fût mise à exécution. Un règlement d'application était indispensable. Il y a environ trente articles, dont l'application exige d'être réglée de la sorte; eh bien, messieurs, le croiriez-vous il en est trois seulement qui ont été rendus applicables. Ce retard ne peut être attribué qu'au nombre trop considérable dont est composée la commission chargée du soin de rédiger les règlements ; cette commission est composée de dix-sept membres; des commissions trop nombreuses ne travaillent pas : ceci en est une nouvelle preuve.
Examinons quels sont les articles qui ont dé rendus applicables par suite de l'arrête royal du 27 décembre 1847. C'est d'abord l'article 2, qui détermine la durée de l'exercice. Mais, messieurs, je m'empresse de vous le faire remarquer, ce qu'il y a d'étrange dans cet arrêté, c'est que bien que l'article 59 de la loi énonce que toutes les dispositions de la loi seront obligatoires à partir du 1er janvier 1848, cet arrêté d'application dispense le gouvernement de rendre l'article 2 applicable à l'exercice 1848, et cela par le motif futile, étrange que les budgets n'ont pas été présentés dix mois à l'avance. Ce que je désire savoir maintenant, c'est si le gouvernement entend en agir de même pour l'exercice 1849, car il pourrait invoquer le même prétexte que pour l'exercice 1848.
En effet, les budgets de 1849 n'ont pas été présentés dans les délais que la loi de comptabilité a fixés. '
Messieurs, veuillez le remarquer, cette question est d'un immense intérêt pour la discussion sérieuse du budget des voies et moyens. Pourquoi la discussion de ce budget est-elle si dépourvue d'intérêt? C'est parce que nous sommes dépourvus du compte du dernier exercice clos, nous sommes dépourvus des moyens de connaître quelles sont les charges que nous a léguées le passé.
Voulez-vous connaître les charges du passé le plus tôt possible? Exigez la mise à exécution de l'article 2 de la loi de comptabilité, quant à l'exercice 1848 et suivants. Alors l'exercice, au lieu d'avoir une durée de 5 années, n'aura qu'une durée d'une année et de 10 mois pour parfaire les opérations. Le compte rendu des actes posés par le gouvernement pourra vous être soumis plutôt ; et c'est alors seulement que vous connaîtrez les charges que le passé vous a léguées, et auxquelles vous avez à pourvoir.
Passons à un autre article qui est aussi d'une importance très grande, et qui a été rendu également applicable par l'arrêté royal du 27 décembre 1847.C'est celui qui oblige le gouvernement à déposer les budgets dix mois avant l'ouverture de l'exercice.
Eh bien, messieurs, c'est l'exécution de cette disposition qui est destinée à vous faire connaître les charges de l'avenir, en vous permettant de voter les budgets des dépenses avant le budget des recettes destinées à les couvrir. Il est facile à concevoir, messieurs, que tant que ces deux articles ne seront pas mis à exécution, vous ne pouvez connaître les charges auxquelles le budget des recettes doit pourvoir; vous ne connaissez exactement ni les charges du passé ni celles de l'avenir. Sans l'exécution de ces articles, la discussion des voies et moyens ne tend qu'à examiner des évaluations, et à fixer des recettes, qui peuvent être ou inférieures ou supérieures aux besoins des services publics.
Je vous engage donc, messieurs, à insister pour que les budgets vous soient présentés dans les délais voulus par la loi de comptabilité.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est ce qui a été fait.
M. de Man d'Attenrode. - M. le ministre de l'intérieur m'interrompt pour me rappeler que cela a été fait.
Je conviens que quelques lambeaux du budget de 1849 nous ont été présentés au commencement de l'année. Mais je ne sais ce qu'ils sont devenus ; on les a inscrits au registre d'ordre de la chambre, et ils ont disparu aussitôt que déposés sur le bureau ; il se trouve que le numéro qui les concerne est resté en blanc dans la suite des documents parlementaires. Il me semble qu'il eût été plus conforme aux égards dus à la législature et à la dignité du gouvernement d'accompagner leur retrait d'un arrêté royal, puisqu'on voulait leur substituer d'autres projets de dépenses. De toute façon je pense que les projets présentés étaient la propriété de la chambre, il était inutile de les lui enlever.
M. Vilain XIIII. - On ne retire jamais matériellement des projets de loi.
M. de Man d'Attenrode. - L'honorable membre qui m'interrompt est tout à fait dans le vrai, le retrait matériel des projets de lois était inutile, il suffisait de rapporter les arrêtés royaux qui les accompagnaient.
J'en viens à une dernière réclamation en faveur du trésor public; nous nous ingénions tous à lui créer des ressources. On a recours même à des moyens qui, je le crains, sont de nature à nuire aux services publics ; dans des circonstances semblables il importe d'exiger que les débiteurs du trésor ne diffèrent plus à acquitter ce dont ils lui sont redevables.
Eh bien, messieurs, le caissier doit à l'Etat 14 à 15 cent mille fr. du chef des intérêts de l'encaisse de 1830, qu'il a refusé de mettre à la disposition du gouvernement belge. Ces intérêts sont dus au pays depuis le jour où son gouvernement a mis le caissier en demeure de mettre son encaisse à sa disposition, jusqu'au jour où l'encaisse a été convertie en actions du 4 p. c. en faveur de l'Etat belge ; une commission a unanimement été d'avis que ces intérêts étaient la propriété du gouvernement belge. Un rapport remarquable fait par M. Fallon a conclu à ce qu'ils fussent remboursés au gouvernement.
Je demande que M. le ministre des finances prenne des mesures actives pour sauvegarder les intérêts de l'Etat, et qu'il fasse rentrer dans les caisses publiques cette somme importante.
Messieurs, je me résume.
Les observations qui précèdent tendent à demander à M. le ministre des finances, s'il entend faire l'application de l'article 2 de la loi de comptabilité concernant la durée de l'exercice, à celui dans lequel nous allons entrer.
L'honorable M. Veydt a pris l'engagement formel de réduire l'exercice 1848 à la durée que détermine l'article 2 ; il n'a fait là que prendre l'engagement de respecter la loi ; mais l'arrêté royal rendu le 27 décembre 1847 a arrêté les effets de cet engagement, je le constate à regret ; cela me donne le droit d'avoir quelque défiance.
Ces observations tendent encore à provoquer une explication concernant la présentation des budgets.
M. le ministre se propose-t-il de présenter les budgets de 1850 au mois de mars prochain ?
Enfin je demanderai que le gouvernement s'explique sur les mesures qu'il compte prendre pour faire mettre à la disposition du trésor public les intérêts qui lui sont dus par son caissier général. Il est constant que nous avons un besoin pressant d'argent; il est juste que nous fassions rentrer les sommes qui nous sont dues de la manière la plus incontestable. De plus, j'ajouterai qu'il est étrange que lorsqu'il s'est agi de provisions à payer à la Société Générale, on n'ait pas agi à son égard, comme on l'eût fait à l'égard d'un simple comptable, en faisant une retenue sur son traitement.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. de Man demande beaucoup de choses au gouvernement. Il désire connaître l'opinion du gouvernement sur l'exécution de certaines dispositions de la loi de comptabilité; il demande si les budgets de 1850 seront présentés dans le délai voulu par la loi de comptabilité; il demande l'opinion du gouvernement sur les intérêts de l'encaisse, dus, selon lui, par la Société Générale ; il demande enfin l'opinion du gouvernement sur les comptes de gestion que le caissier aurait dû soumettre à la Cour des comptes.
En ce qui touche l'exécution de la loi de comptabilité, il est notoire pour tout le monde qu'elle a été paralysée par les événements et non par le mauvais vouloir du gouvernement. (Interruption.) Qu'est-ce que les événements ont pu faire à cela? Je vais le dire.
Les événements ont mis obstacle à la discussion des budgets de 1849. Les budgets de 1849 ont été déposés dans la séance du 20 février; le gouvernement a exécuté la loi de comptabilité; la chambre a été dans l'impuissance de discuter ces budgets. Les budgets déposés ont été retirés par le gouvernement; mais, d'ailleurs, par suite de la dissolution des chambres, la chambre actuelle n'était saisie d'aucune des propositions soumises à la chambre ancienne. De nouveaux projets devaient être présentés.
Le gouvernement, à l'ouverture de cette session, a déposé en conséquence les projets de budgets de 1849, modifiés comme il convenait qu'ils le fussent après les événements qui venaient de s'accomplir. Le gouvernement exécutera encore cette année la loi de comptabilité. Les budgets de 1850 seront présentés dans les délais déterminés par la loi. Sous ce rapport, l'honorable membre doit être d'autant plus satisfait, qu'il pourra probablement compulser les budgets de 1850 avant que ceux de 1849 soient votés.
Quant à la question.de l'intérêt de l'encaisse, elle est pendante entre le gouvernement et la Société Générale depuis fort longtemps. Le gouvernement a prétendu et continue à prétendre que les intérêts sont dus ; le caissier prétend le contraire ; c'est un procès ; il y aura probablement de ce chef une contestation judiciaire. Je pense que la question ne pourra être vidée que devant les tribunaux.
Tout ce que je puis dire, c'est que j'ai trouvé la question dans cet état ; elle est à déférer aux tribunaux; il y a résistance de la part du caissier qui à aucune époque n'a consenti à payer ces intérêts. Il y a encore d'autres questions à décider entre le gouvernement et le caissier de l'Etat, entre autres la question de savoir à qui incombe la perte résultante de l'enlèvement de la caisse de Turnhout ; c'est encore une contestation qu'il faudra faire vider par les tribunaux. Tout cela est en litige depuis dix-huit ans.
M. Vilain XIIII. - Quand l'action sera-t-elle intentée?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je viens à peine d'entrer au département des finances. Je tâcherai de faire un peu plus de diligence que mes devanciers.
Reste la question relative au compte de gestion du caissier de l'Etat. Depuis 1830 aucun compte n'a été présenté par le caissier de l'Etat. Le seul compte antérieur à 183, et qui dès lors ne concerne pas la gestion actuelle, a été remis à la cour. Depuis il n'en a plus été déposé. Mais y a-t-il lieu d'en présenter? On ne le pense pas. Je ne me prononce pas d'une manière formelle, mais je dis qu'on ne le pense pas ; mes prédécesseurs, depuis 1830, semblent avoir eu la même opinion sur ce (page 296) point. Voici les raisons qui font incliner à croire qu'il n'y a pas lieu pour le caissier de l'Etat de présenter un comble de gestion; qu'est-ce, que le caissier de l'Etat? C'est un simple dépositaire, c'est un banquier.
M. Cools. - C’est un receveur!
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Nous allons voir si on peut le considérer comme un comptable dans le sens de la loi. Il reçoit tous les fonds qu'on vient lui présenter, sans aucun examen, pour le compte du trésor; de même il paye pour le compte du trésor toutes les assignations qu'on lui présente, il ne sait pas pourquoi la dépense se fait; il n'a pas à examiner si la dépense doit ou non être faite; quelle espèce de comptable serait-ce que celui qui aurait à répondre des dispositions faites sur sa caisse, alors qu'il n'aurait ni les moyens ni le droit d'examiner pourquoi la dépense doit être faite? J'ajoute que le compte de ce banquier, de ce dépositaire se résume en un simple compte courant entre l'Etat et lui; de ce qu'il reçoit d'une part, de ce qu'il paye de l'autre.
Mais la raison pour laquelle la recette ou la dépensé se fait, cette raison lui est tout à fait étrangère. Il y a plus, il ne paraît pas possible de vérifier un pareil compte d'une manière approfondie; les pièces qui seraient à produire ne sont pas, à proprement parler, au pouvoir du comptable. (Plusieurs membres demandent la parole.)
Je ne voudrais pas prolonger cette discussion. J'ai formellement annoncé que je n'avais pas d'opinion arrêtée; je ne fais qu'exposer les objections administratives faites depuis 18 ans; j'explique par quels motifs on n'a pas agi. Un pareil exposé ne devrait pas provoquer un débat; je m'arrête donc, et j'examinerai si le caissier de l'Etat peut être considéré comme comptable dans le sens de la loi, et s'il doit soumettre sa gestion à la cour des comptes.
M. de Theux. - Comme la chambre est pressée d'en finir avec le budget des voies et moyens, je me bornerai à réserver la réclamation que nous avons élevée l'an dernier avec l'honorable M. Nothomb, à propos de cet article. En vertu de la convention de 1833 avec la Société Générale, le gouvernement a perçu les intérêts des fonds provinciaux du Limbourg et du Luxembourg jusqu'en 1845, époque de la restitution des capitaux. Nous croyons que le gouvernement n'a pas le droit de retenir ces intérêts et qu’il doit les restituer aux provinces. Nous reviendrons sur cette question quand la chambre discutera le budget des remboursements. Le prédécesseur de M. le ministre avait promis de faire examiner ces réclamations. Ayant reçu une députation, il a dit que la question avait été soumise à un comité de jurisconsultes. La question est trop claire pour que ce comité ait pu donner un avis contraire aux droits des provinces. Nous prions M. le ministre d'examiner la question avant la discussion du budget des remboursements. Plusieurs membres se proposent de la traiter à cette époque.
M. Veydt. - Répondant d'abord à l'honorable comte de Theux, je dirai que ce que j'ai promis je l'ai fait. Je me suis occupé d'un nouvel examen de la question qu'il avait soulevée l'an dernier. J'ai demandé l'avis de jurisconsultes. Il est vrai qu'à ma sortie du ministère, la question n'était pas résolue, mais l'examen se poursuivait, et si la question n'a pas été tranchée, c'est que d'autres intérêts sont venus réclamer l'attention et les soins de l'administration des finances.
En ce qui concerne l'honorable M. de Man d'Attenrode, il me semble qu'il a pris à tâche de trouver en défaut, pour me servir d'une expression adoucie, les ministres passés et présents.
En vérité, si ses observations ne sont pas mieux fondées qu'en cette occasion , ii court risque, qu'il me permette de le lui dire, de voir diminuer la confiance que beaucoup de membres de cette chambre se plaisent à avoir en lui, notamment quand il traite des questions de comptabilité.
Il n'est pas exact que les premiers budgets de 1849 n'ont pas été présentés dans le délai fixé par la loi. Ils l'étaient tous avant la fin de février. Et ce n'étaient pas des lambeaux de budgets, comme l'a dit l'honorable membre. J'ai en mains le relevé de tous les chiffres. Comparativement à l'ensemble des budgets de l'exercice courant, il y avait réduction, je me plais à le constater, de 1,653,990 fr.
C'était le premier pas dans la voie des réductions et des économies, c'était le commencement de la résolution qu'avait prise le ministère du 12 août en arrivant aux affaires Peu de jours après, des événements, dont la gravité a frappé l'Europe, ont imposé l’obligation de marcher plus vite et d'aller plus loin. Le cabinet a compris cette nécessité, et il a formulé des budgets nouveaux. Certes personne ne songe à lui en faire un reproche; nous devons tous lui en savoir gré; et je me préoccupe peu de la question de savoir s'il y avait lieu de remplir une formalité pour retirer ou plutôt pour regarder comme non avenus les premiers budgets. Mais ce qui est essentiel à constater, et ce que l’honorable membre ne peut nier, c'est qu'il avait été satisfait à la loi de comptabilité dans le délai qu'elle détermine, et cela d'une manière sérieuse.
Quant aux observations du même membre sur la marche suivie relativement à la provision due au caissier général, j'en ai fait part moi-même à la chambre dans un projet de loi déposé le 2 février 1848 (documents, n. 102).
Je disais que les crédits alloués pour ce service sont toujours restés disponibles, parce que la cour des comptes mettait obstacle à la liquidation, ce qui cessera d'avoir lieu lorsque la loi de 1846 aura reçu s m entière exécution. Par suite de cette circonstance, j'ai été obligé de demander un crédit supplémentaire de 1,020,002 fr. pour les années 1841 y compris 1844, et les chambres l'ont voté sans aucune observation, au mois de mai suivant. Ce n'était, en effet, que la régularisation d'une dépense déjà effectuée.
Je me rappelle que toutes les quinzaines le caissier général envoie au département des finances le compte de ses recettes et dépenses, en double expédition, avec toutes les pièces à l'appui. Il lui en est accusé réception, après vérification, à la trésorerie.
Le compte général de l'année est envoyé à la fin de chaque exercice.
Je me borne à ces observations, que je crois essentielles, afin de ne pas retarder davantage la marche de la discussion.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, je ne traiterai pas la question du compte de gestion du caissier général au point de vue des principes, puisque M. le ministre, et je lui en sais gré, a dit qu'il se réservait de l'examiner de nouveau. Mais je crois devoir dire qu'il est nécessaire en fait que le compte de gestion du caissier agissant comme receveur de l’État soit régulièrement arrêté tous les ans. On dit que ce n'est qu'un compte courant; oui, mais dans toutes les maisons de commerce, les comptes courants sont arrêtés à des époques déterminées. Il est évident que si les recettes et les payements se succèdent et se superposent toujours sans que jamais un compte soit arrêté, la liquidation doit à la fin devenir extrêmement difficile.
A cet égard on me permettra de rappeler une particularité qui n'est pas assez connue et qui contient un enseignement.
Chacun sait qu'un des mérites, je devrais dire une des gloires de l'homme qui a dirigé les destinées de la France au commencement de ce siècle, c'est d'avoir organisé le système administratif; non pas précisément ce système tel qu'il fonctionne maintenant, mais du moins sur les bases qu'il a conservées depuis.
Eh bien, sous le consulat et dans les premières années de l'empire, la comptabilité était extrêmement vicieuse, extrêmement confuse; il y avait autant de caisses que d'administrations différentes. C'est en 1808 qu'on a arrêté un ordre un peu plus régulier. Mais qu'est-il arrivé ? Lorsqu'il a fallu arrêter les comptes de ces centaines de caisses répandues sur la surface de la France, lorsqu'on a fait l'addition et la soustraction de leur actif et de leur passif, on est arrivé à un petit poste de 25 millions de déficit, dont personne ne savait indiquer ni l'origine, ni la nature. Des recherches ont été faites. Il paraît que les résultats n'ont pas été prompts. Car dans le premier compte de la restauration de 1814, on voit toujours ce déficit de 25 millions figurant comme déficit inconnu antérieur à 1808. Je ne sais si plus tard on s'est découragé ou si les résultats des recherches n'ont pas été plus heureux, mais j’ai trouvé dans un compte se rapportant à l'exercice 1840 et faisant une revue rétrospective sur les années passées, ce même déficit de 25 millions figurant toujours comme déficit antérieur à 1808.
Je me borne à rappeler ces faits. Je suis convaincu qu'à aucune époque ils ne se reproduiront en Belgique, mais j'ai cependant cru qu'il n'était pas hors de propos de les faire connaître; car, ainsi que je le disais tout à l'heure, ils contiennent un enseignement.
M. de Man d'Attenrode. - Je ne dirai que deux mots.
L’honorable M. Veydt vient de déclarer d’une manière un peu absolue que dans tout ce que je viens de dire, il n’y a rien de fondé e que si je continue me conduire de la sorte, je perdrai la confiance dont mes honorables collègues ont bien voulu m’honorer.
Je tiens d'abord à constater que l'honorable M. Veydt n'a rien répondu à ce que j'ai avancé.
En effet, il s'est borné à déclare que les budgets ont été présentés à l'époque voulue par la loi de comptabilité. Eh bien ! si la confiance de M. Veydt est à ce prix, je lui concède volontiers ce fait, auquel je n'attache aucune espèce d'importance; mais je tiens à constater, je la répète, que tout ce que j'ai avancé ensuite est resté debout.
Je ne discuterai pas avec M. le minière des finances, le moment est inopportun, la question de savoir si le caissier de l'Etat a le caractère de comptable. C'est une question ardue, qui a été longuement débattue lors de la discussion de la loi de comptabilité, la question de savoir si une société anonyme, être insaisissable peut revêtir le caractère de comptable et offrir les garanties qui en sont la suite.
Voulut-on lui imposer ce caractère, le fait est constant, qu'une société anonyme a les moyens de se soustraire à la responsabilité qui en est la conséquence. Ce qui le prouve, c'est la difficulté qu'éprouve l'Etat à recouvrer les intérêts que lui doit la compagnie qui fait le service de sa caisse, du chef de l'encaisse de 1830, pour le laps de temps pendant lequel elle a soustrait les valeurs qui nous appartenaient à la disponibilité du gouvernement; il en est de même de la caisse d'un agent, qui a été enlevé par les troupes hollandaises à Turnhout.
Voilà ce que c'est que d'avoir, pour faire le service de la recette, une société anonyme.
Je rappellerai au reste, en terminant, au gouvernement le devoir qui lui incombe par suite d’un paragraphe de l’article 58 de la loi sur la comptabilité publique, de déposer dans un délai rapproché un projet de loi destiné à organiser le service de son caissier général. Ce paragraphe est conçu en ces termes :
« Le service du caissier de l'Etat sera organisé par une loi spéciale avant le 1er janvier 1850. »
Or, pour que ce service important soit organisé dans un an, il importe que ce projet soit déposé dans un court délai, de manière à ce qu'il puisse être examiné et voté pendant la session présente.
J'insiste sur cette observation, car si le dépôt de ce projet est (page 297) renvoyé à l'ouverture de la session prochaine, il sera impossible de la discuter avant l'époque déterminée.
Il est inutile de vous rappeler que la session ne s'ouvre que le second mardi de novembre, et c'est tout au plus si l’on a le temps d'examiner les projets qu'il est indispensable de voter avant le 1er de l'an. Vous en avez la preuve dans ce moment.
M. Veydt. - Que l'on soit Etat ou simple citoyen, nous ne sommes pas dans un pays où l'on se fait justice à soi-même, et fort heureusement.
L'honorable M. de Man émet cependant l'avis que le gouvernement aurait dû passer outre et retenir ce qu'il croit lui être dû. Il est impossible qu'on agisse de la sorte. La question en litige est du ressort des tribunaux, et en attendant qu'elle leur soit déférée, s'il n'existe aucun autre moyen de la résoudre, il n'y avait qu'à faire des réserves pour la garantie de tous les droits de l'Etat. C'est ce qui a été fait dans toutes les occasions et récemment encore dans la convention, qui est une annexe de la loi du 20 mars 1848, autorisant la première émission de billets comme monnaie légale. L'article 3 de cette convention, insérée au Moniteur avec la loi, porte : « Les parties contractantes font» respectivement réserve expresse de tons leurs droits, actions et prétentions, en ce qui concerne le montant de l'encaisse et notamment quant aux intérêts réclamés. » Que l’on pousse à la solution dit différend, je n'ai rien à y objecter, mais qu.'on ne fasse pas bon marché de la légalité.
- La discussion est close.
L'article est mis aux voix et adopté.
« Intérêts attribués au trésor, sur les émissions de billets de banque de la Société Générale pour favoriser l'industrie nationale (loi du 22 mai 1848) : fr. 400,000. »
M. Delfosse. - Dans la discussion générale, j'ai demandé au gouvernement des explications sur la question de savoir s'il ne conviendrait pas d'exiger un intérêt pour la première émission de billets de banque ayant cours forcé, comme on en a exigé un pour la deuxième émission. J'ai annoncé en même temps que je subordonnerais à ces explications la résolution que j'aurais à prendre.
Je reconnais qu'un amendement à cet article n'aurait pas de grandes chances dans un moment où la chambre a hâte de terminer le vote du budget, et qu'il serait préférable de procéder par voie de proposition spéciale. J'examinerai donc s'il y a lieu de déposer cette proposition.
Je désirerais cependant que M. le ministre des finances donnât sur ce point les explications que j'ai demandées, s'il n'y voit pas d'inconvénient.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, le gouvernement ne pense pas qu'il y ait lieu de modifier les lois qui ont été portées non pas seulement en faveur de certains établissements, mais qui ont été prises aussi dans un intérêt public.
Ces lois ont déterminé les conditions auxquelles auraient lieu les émissions de billets. Prendre de nouvelles dispositions après coup, non pour faire cesser ces lois, ce que l'on peut toujours faire, mais pour modifier les conditions qui ont été faites, me paraîtrait une espèce d'atteinte à un contrat.
Je me hâte de dire qu'en principe, qu'en thèse générale, je ne pense pas que le gouvernement doive autoriser une circulation qui procure un crédit considérable soit à des particuliers, soit à des établissements, sans en retirer un avantage, un profit quelconque. Lorsque cette circulation est purement volontaire, je suis d'avis qu'il doit en être ainsi; et à plus forte raison lorsque cette circulation est forcée, comme dans le cas qui nous occupe.
Mais, lorsqu'une fois les conditions de la circulation ont été réglées, lorsque certaines stipulations onéreuses ont été imposées, changer ces conditions purement et simplement pour les aggraver au détriment de ceux avec lesquels le gouvernement a été amené à traiter, c'est ce que le gouvernement ne croit pas possible, c'est ce qu'il ne peut admettre surtout dans les circonstances actuelles.
Au surplus le moment n'est pas opportun, selon nous,, pour prendre de nouvelles dispositions. Dans un temps qui, je l'espère, ne sera pas très éloigné, il faudra bien que des mesures d'une autre nature, et plus efficaces, soient prises quant à la situation du crédit; et c'est seulement alors qu'il y aura lieu d'examiner d'une manière approfondie la proposition que se réserve de faire l'honorable M. Delfosse. Comme l'a fait observer, en terminant, l'honorable membre, nous courrions risque de prolonger ce débat, si nous voulions examiner la question. Il n'y a pas d'inconvénient à la réserver pour la discussion de la proposition spéciale que nous annonce l'honorable M. Delfosse, si toutefois il persiste à la présenter.
M. Delfosse. - J'admets avec M. le ministre des finances que le moment n'est pas favorable pour soulever cette question. Mais je ne puis être d'accord avec lui lorsqu'il dit que la mesure que j'indique serait une atteinte portée aux contrats. Non, ce ne serait pas une atteinte portée aux contrais, la concession accordée à la Société Générale et à la Banque de Belgique est une concession temporaire que le gouvernement s'est réservé de retirer lorsqu'il le voudrait. Le gouvernement peut donc modifier les conditions primitives et dire aux banques: Si vous n'acceptez pas les nouvelles conditions que je vous impose, la concession sera retirée. Il est bien entendu qu'il ne le peut qu'avec le concours des chambres.
M. le président. Si personne ne s'y oppose, le chiffre de 400,000 fr. est adopté.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Permettez, M. le président. A l'occasion de cet article, la section centrale a énoncé dans son rapport une opinion que je ne puis laisser passer sans la contredire.
La section centrale a d'abord fait remarquer, sur la foi d'une note remise par le gouvernement même, que la circulation autorisée aujourd'hui au profil de la Société Générale et portant intérêt, étant à cette date, .des 13,500.000 fr., l'intérêt qui devait figurer au budget serait non pas des 400,000 fr., mais de 550,000 francs. J'ai dit à la section centrale quelles avaient été les raisons du gouvernement de maintenir uniquement ce chiffre de 400,000 fr. C'est qu'il est incertain de savoir si la circulation sera maintenue pendant toute l'année à ce taux de 13 500,000 fr.
J'ai cru que, d'après les dispositions de la loi du 22 mai 1848, on ne pouvait contester à la Société Générale le droit d'amortir partiellement des billets, lorsque les besoins de la caisse d'épargne n'exigeaient pas qu'ils fussent maintenus en circulation.
Le but de la loi est d'amener aussi promptement que possible un amortissement total des billets. Il sera donc établi à l'administration du trésor un compte courant et d'intérêts entre la Société Générale et le gouvernement, relativement à l'émission autorisée pour le service de la caisse d'épargne.
Il se peut que par suite du mouvement d'entrée et de sortie des billets on atteigne uniquement la somme de 400,00 fr.
Mais la section centrale ne s'est pas arrêtée à une simple observation, quant aux intérêts. Elle a énonce l'opinion que les ressources qui avaient été mises à la disposition du gouvernement auraient servi à la caisse d'épargne, auraient profilé à la Société Générale.
La section centrale ayant remarqué que le chiffre des remboursements à la caisse d'épargne concordait à peu près avec le. chiffre des émissions autorisées au profit de la société, ou le chiffre de 13,500,000 francs, augmenté des 6 millions mis à la disposition du gouvernement, en a conclu que ces 6 millions, qui avaient été créés pour le service de l'Etat, pour faire face aux remboursements des bons du trésor, avaient été en quelque sorte cédés gratuitement à la Société Générale.
C'est là, messieurs, une erreur, et une erreur contre laquelle je me hâte de protester. Lorsque mon honorable prédécesseur, a autorisé une émission de 6 millions sur les 12 millions mis à la disposition du .gouvernement par la loi du 22 mai 1848, la situation du trésor l'exigeait impérieusement ; les remboursements de bons du trésor étaient considérables. Les 6 millions de billets ont été affectés à cette destination.
Comment la section centrale n'a-t-elle pas remarqué qu'il devait en être nécessairement ainsi, que nous n'avions pas la puissance magique de faire servir ces billets mis à la disposition de l'Etat à la fois pour payer les bons du trésor qui bien décidément sont payés, et de les employer ensuite au profit de la Société Générale ?
Je ne crois pas, messieurs, devoir entrer dans d'autres détails, ni donner jour par jour la situation du trésor. La seule observation que je viens de faire est péremptoire. J'ai montré qu'il n'est pas été possible de faire face à toutes les nécessités sans les 6 millions dont il a disposé jusqu'à présent. Je certifie de plus qu'à aucune époque la caisse ne s'est trouvée dans un étal tel qu'il fût possible d'en distraire les 6 millions précédemment affectés au remboursement des bons du trésor.
M. Cools, rapporteur. - Messieurs, il y a dans cette question deux points à examiner. Il y a la question de savoir si les 13,500,000 fr. suffisent pour le service auquel la loi les a destinés. Il y a ensuite à savoir à quelle époque la Société Générale doit cesser de payer les intérêts de ces billets.
Je dois dire que ce qui m'a déterminé à avoir des doutes, car nous n'avons jusqu'à présent exprimé que des doutes, c'est un passage que j'avais trouvé dans le rapport de la commission qui a été chargée de se livrer à un examen approfondi de la situation de l’établissement auquel je fais allusion, avant que n'eût été portée la loi qui autorisait une nouvelle émission de billets. J’ai trouvé dans le rapport dont je viens de parler, un passage que je vais avoir l'honneur de vous lire. Je vous dirai d'abord que la commission était composée de MM. Delfosse, de Brouckere, Desmanet fe Biesme, Loos, Paquet et Malou, rapporteur.
Voici ce passage:
« La commission, après avoir terminé l'enquête à laquelle elle avait procédé, s'est demandé en premier lieu si l'émission de 20 millions de billets ayant cours forcé et garantis par l’Etat, mesure réclamée par la Société Générale, la mettait à même de continuer ses opérations, et de faire face à ses obligations sans devoir recourir ultérieurement à l'intervention du gouvernement.
« La caisse d'épargne est déjà réduite par les remboursements effectués depuis le mois de janvier; 9 millions à peu près appartiennent à des établissements publics ; 12 millions en somme ronde sont nécessaires pour les remboursements demandés jusqu'au 24 juin, si tous sont exigibles. A cette époque, les dépôts ne s’élèveraient plus qu’à 32,219,000 francs.
« En accordant à la Société Générale une émission totale, mais successive, de 20 millions, on pourvoit à la fois aux remboursements demandés et même, à concurrence de 8 millions, aux retraits futurs et éventuels. »
Ainsi, messieurs, cette commission estimait qu'en accordant le 20 millions de billets demandés, on mettait la société en état de rembourser encore 8 millions, après que la situation de la caisse serait descendue au chiffre de 32 millions. Ainsi, dans l'opinion de cette commission, du moment que la caisse serait réduite à 24 millions, la totalité des 20 millions de billets y aurait passé.
(page 298) Maintenant la caisse est réduite en ce moment, non pas à 34 millions mais bien à 22,978,896 fr.
On dit que la société a pu faire face à ces remboursements au moyen de ses propres ressources. J'ai examiné la situation que la société publie tous les trois mois; je ne ferai pas ici le bilan de l'établissement, ce qui serait peu convenable ; mais je dois dire que je n'ai pas pu me rendre compte des ressources au moyen desquelles la Société Générale a pu faire face à l'insuffisance des billets. Il est vrai que des trois états il n'y en a qu'un seul, le dernier qui ait paru au Moniteur. Les deux premiers ont été insérés dans un journal non officiel.
Je me suis demandé si peut-être le gouvernement n'a pas trouvé les premiers états si défectueux, renfermant si peu de renseignements, qu'il n'a pas voulu accepter la responsabilité de leur publication dans le Moniteur.
Vous voyez, messieurs, que je me pénètre parfaitement de mon rôle de rapporteur puisque je m'exprime sous la forme du doute.
Le gouvernement prétend qu'à aucune époque le service de la caisse de l'Etat n'a pu se faire sans les 6 millions dont il s'agit et qui auraient servi indirectement à la caisse d'épargne; je dois à cet égard accepter la déclaration de M. le ministre des finances; je dois supposer aussi que tous les états de situation de la caisse de l'Etat ont été parfaitement examinés par l'administration, qu'ils ont été arrêtés d'après une règle uniforme et ne livrant prise à aucune critique. Mais il reste toujours alors une deuxième question, celle de savoir à quelle époque la Société Générale pourra cesser de payer les intérêts des billets émis. Le gouvernement dit : En 1849, nous pourrons peut-être consentir à un amortissement partiel.
Je vois par cette déclaration que le gouvernement reconnaît au moins, conformément à l'opinion exprimée dans le rapport de la section centrale, qu'il faut, non pas un retrait provisoire, une mise sous clef des billets, mais un amortissement réel. Maintenant c'est au gouvernement à prendre, sons sa responsabilité, telles mesures qu'il jugera convenable en ce qui concerne cet amortissement. Je crois cependant à cette occasion devoir appeler l'attention du gouvernement sur les conséquences qui découleront de ces mesures. La Société Générale a contracté différentes obligations vis-à-vis de l'Etat. Pour les premiers 20 millions de billets, elle s'est obligée à mettre le plus tôt possible l'Etat à même de faire cesser leur cours forcé. Pour la seconde émission, elle a contracté la même obligation, et de plus elle s'est engagée à mettre sa caisse d'épargne promptement en état de ne plus avoir besoin de l'assistance du gouvernement.
Si maintenant le gouvernement consent trop vite à l'amortissement des 20 millions de la deuxième émission, il se trouvera dans une position fausse vis-à-vis de la Société Générale pour les 20 premiers millions, Si cette société peut porter toutes ses ressources sur sa caisse d'épargne, et s'il en résulte qu'après avoir satisfait seulement à ce devoir-là, elle peut amortir les billets pour lesquels elle paye un intérêt, formant la deuxième émission, alors elle s'occupera le plus tard possible de réunir les fonds pour les 20 premiers millions, et la conséquence sera qu'il est impossible de prévoir l'époque où ces billets-là pourront être retirés de la circulation ; le cours forcé de ces billets se prolongera à l'infini.
A cet égard encore, je dois laisser l'affaire à la responsabilité du gouvernement. Il reconnaît que les billets à intérêt ne peuvent pas être retirés sans un amortissement ; c'est à lui de décider si le moment sera venu de consentir à cet amortissement même avant que la Société Générale n'ait rempli ses obligations à l'égard des premiers billets, qui pèsent si lourdement sur le crédit du pays.
M. Veydt. - Messieurs, les explications si précises, les assurances si formelles que M. le ministre des finances vous a données tout à l'heure au sujet du doute que tendait à faire naître un passage du rapport de l'honorable M. Cools, vous ont convaincus que l'émission de six millions de billets, autorisée en vertu de la loi du 22 mai dernier, a servi tout d'abord et a continuée servir exclusivement aux besoins du trésor. La réplique de l'honorable M. Cools semble indiquer qu'il ne se rend pas à ce qui a été si clairement expliqué.
Jetons les yeux sur l'état de situation de la Société Générale du 30 septembre 1848, qui a été inséré au Moniteur. À cette date, le montant des billets employés au remboursement de la caisse d'épargne s'élevait à 11,145,000 fr. Et cependant, d'une part, les émissions spécialement autorisées pour cette caisse s'élevaient dès le 7 septembre à 13,500,000 fr., ce qui laissait 2,355,000 fr. disponibles, dont l'intérêt à 4 p. c. est payé du jour de l'autorisation de les émettre; et, d'autre part, les dépôts de la caisse d'épargne étaient descendus de 42.000,000 de francs, qui a été le point de départ, lors de la discussion de la loi du 22 mai 1848, à 25,610,919 fr., de manière qu'il y a un excédant de 6,254,000 fr., qui ont été fournis par les ressources propres de la Société Générale. Cela est de toute évidence.
La somme des billets autorisés restés sans emploi au 30 septembre a même suffi, à une légère différence près, pour tous les remboursements demandés jusqu'à ce jour; et, suivant les probabilités, il serait imprudent de rien dire de positif à ce sujet, alors même que la situation ne deviendrait pas meilleure qu'elle ne l'est à présent, cette émission de 15,500,000 ne sera pas dépassée. Je m'appuie sur ces chiffres pour détruire jusqu’à l'ombre d'un soupçon qu'on aurait eu recours à des moyens détournés, illicites, pour assurer le service de la caisse d'épargne, en frustrant le trésor d’une part quelconque de l'intérêt que la loi du 22 mai a entendu lui procurer.
M. Jacques. - Je demande la parole pour faire une seule observation : c'est que M. le ministre des finances a pris pour une conclusion de la section centrale, ce qui n'était qu'une observation isolée d'un de ses membres. La section centrale n'a pas voulu entrer dans ce système ; mais elle a laissé insérer dans son rapport l'observation dont il s'agit ; la conclusion de la section centrale est l'admission pure et simple du chiffre du gouvernement, avec toutes réserves.
Comme membre de la section centrale, j'ai cru devoir dire ce peu de mots.
- Le chiffre de 400,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Produit de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et remises, fr. 240,000. »
M. Delfosse a déposé la proposition ci-après :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre d'insérer au tableau du budget des voies et moyens l'article suivant :
« Produit d'une retenue temporaire sur les traitements et pensions mentionnés à l'article 3 de la loi : fr. 600,000.
« Et d'ajouter au projet de loi du même budget après l'article 2, un article nouveau qui deviendrait l'article 3 et qui serait ainsi conçu :
« A partir du 1er mai jusqu'au 31 décembre 1849, il sera opéré sur les traitements et remises de 2,000 francs et au-dessus, ainsi que sur les pensions de toute nature, s'élevant au même chiffre, une retenue définitive de 5 p. c.
« Les traitements des officiers, en activité de service, ayant au moins le grade de capitaine, seront passibles de la même retenue.»
M. Lelièvre a présenté le sous-amendement ci-après auquel M. Delfosse déclare se rallier :
« Sont exceptés de la mesure qui précède tous traitements qui devraient subir une réduction en vertu d'une disposition spéciale adoptée dans le cours de la session actuelle. »
M. de Man d'Attenrode - Je voulais présenter pour la cour des comptes un amendement semblable à celui de l'honorable M. Lelièvre; mais je me rallie au sien, qui a un caractère général.
- La chambre consultée décide qu'elle discutera d'abord la proposition de M. Delfosse et le sous-amendement qui s'y rattache.
M. Delfosse. - Messieurs, les conclusions de la section centrale, quoique défavorables à ma proposition, ne m'empêcheront pas d'accomplir jusqu'au bout ce que j'ai considéré, ce que je considère encore comme un devoir.
Si je croyais, comme M. le ministre des finances, qu'au point de vue des intérêts matériels, notre situation est plus satisfaisante qu'elle ne l'a été dans l'espace des dix-huit dernières années, je me serais abstenu de proposer la mesure sur laquelle vous êtes appelés à délibérer.
Mais je suis d'un avis tout à fait contraire. Je pense, comme je l'ai dit, qu'il y a en ce moment dans le pays trop de gêne pour qu'il puisse facilement supporter de nouveaux impôts.
Mon intention, qu'on le sache bien, n'est pas, en exprimant cette pensée, de me joindre à ceux qui ont pris le parti de tout dénigrer, d'imputer au gouvernement tout ce qui nous arrive de fâcheux. Ce n'est pas une voix hostile qui se fait entendre, c'est une voix amie qui avertit d'un danger, et qui ne devrait pas paraître importune.
M. le ministre des finances nous disait l'autre jour :
« Ce n'est pas par des lamentations que l'on vient au secours d'un malade; il faut au contraire relever son énergie, il faut lui dire : Tu peux aller, encore, tu marcheras, tu vivras ! Et s'il n'est sauvé, il vivra plus longtemps, car la force de la volonté peut aller jusque-là. »
Tout cela est fort beau et fort éloquent. Moi, je dis dans un langage plus simple: Pour sauver un malade, il faut le ménager et non lui imposer un surcroit de fardeau.
Si vous dites à un malade : « Tu le portes bien, travaille, travaille encore, » vous ne le sauvez pas, vous le tuez.
Deux signes de prospérité ont apparu à M. le ministre des finances, c'est d'abord le produit de nos impôts de consommation que M. le ministre des finances trouve excellent ; c'est ensuite l'état des monts-de-piété.
Voyons d'abord quel est le produit des impôts de consommation, sur lequel M. le ministre des finances appuie son affirmation, qu'il y aurait prospérité dans le pays.
Impôt sur le sel; la moyenne des cinq dernières années a été de 4,491,679 fr. 11 c; l'année 1848 produira, d'après les documents fournis par le gouvernement, 4,752,935 fr. 90 c. C'est à la vérité une augmentation d'environ 250,000 fr. Mais je le demande à M. le ministre des finances : Peut-on admettre que l'accroissement du produit de l'impôt sur le sel soit un indice de prospérité? Plus l'aliment du pauvre est grossier, plus il faut de sel pour leur donner quelque saveur. Le pauvre, qui n'a que des pommes de terre pour nourriture, consomme peut-être plus de sel que le riche qui se nourrit de mets recherchés. L'accroissement du produit de l'impôt sur le sel est plutôt un indice de misère qu'un signe de prospérité.
Impôt sur les vins étrangers ; la moyenne, pendant les cinq dernières années, a été de 2,169,334 fr. 45 c.
L'année 1848 produira fr. 2,155,335-81. C'est à peu près le même chiffre, mais il faut tenir compte de cette circonstance que les marchands de vin viennent en Belgique vers la fin de l'année; c'est donc avant la révolution de février que l'on a fait ces achats de vin pour lesquels il a fallu payer les droits; les événements n'influeront-ils pas sur les achats ultérieurs et ne diminueront-ils pas, en 1849, le produit de l'accise sur les vins ? Je le crains fort. L'argumentation de M. le ministre des finances (page 299) ne serait admissible que si les vins pour lesquels les droits ont été perçus avaient été achetés après la crise du mois de février.
Le produit de l'accise sur les eaux-de-vie indigènes a été en moyenne pour les 5 dernières années de 3,622 668 fr. Il est tombé en 1848 d'à peu près 500,000 francs, c'est là certes une preuve de malaise et non un indice de prospérité.
Il en est de même du produit de l'accise sur les bières et vinaigres qui est tombé de 6,339 mille fr. à 6 millions 118 mille francs. Nouvel indice de malaise. Il y a, il est vrai, un léger accroissement sur le produit des sucres, mais ne provient-il pas de la crainte que les raffineurs ont eue de voir apporter des changements à la législation sur les sucres ? N'est-ce pas là ce qui les aurait déterminés à faire produire à l'accise sur le sucre, le chiffre de 3 millions? Beaucoup de personnes le pensent non sans apparence de raison.
Le deuxième indice de prospérité signalé par M. le ministre des finances, vous venez de voir que le premier n'est pas très concluant, c'est la situation des monts-de-piété. Les monts-de-piété, messieurs, sont des établissements qui n'existent que dans quelques villes; et l'on a déjà répondu à M. le ministre des finances, que si les dépôts ont diminué, c'est que beaucoup d'ouvriers n'avaient plus rien à déposer. Il y a eu, a dit M. le ministre des finances, plus de dégagements ; et c'est là une preuve de prospérité. Mais M. le ministre n'a parlé que du mont-de-piété de Bruxelles, et j'avais moi-même indiqué qu'il y a plus de prospérité à Bruxelles que dans le reste du pays.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Et Liège?
M. Delfosse. - Avez-vous vu la statistique des monts-de-piété de Liège et d'autres villes ?
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - J'ai dit qu'il en était de même pour les autres.
M. Delfosse. -Vous avez dit : Probablement; vous n'avez fourni aucune preuve.
Je suis heureux, messieurs, que la ville de Bruxelles, qui a donné tant de gages d’attachement à l'ordre et à la nationalité en soit récompensée par la prospérité dont elle jouit ; mais je ne veux pas que l'on conclue de cette prospérité à celle des autres parties du pays. Aux indices peu concluants signalés par M. le ministre des finances pour démontrer cette prétendue prospérité, je puis en opposer d'autres qui révèlent un état de malaise trop certain. Les droits d'entrée qui avaient produit en moyenne dans les 5 dernières années: 10,425,221 fr. n’ont donné en 1848 que 8,801,404 fr. La diminution est de plus de seize cent mille francs. Il y a eu également, décroissance dans les produits de l'enregistrement, pour les 5 dernières années, la moyenne avait été de 10,426,000 fr. le produit de 1848 ne sera que de 9,657,174 fr., nouvelle perte pour le trésor de plus de 800,000 fr. Voilà des signes de prospérité ?
Ne voyons-nous pas tous les jours dans le Moniteur des arrêtés royaux qui accordent des sursis ?
Un autre fait significatif, c'est que la plupart des bureaux de bienfaisance sont épuisés.
Si je ne me trompe, le bureau de bienfaisance de Liège a déclaré que si le conseil communal ne lui accordait un subside considérable, il serait dans la dure nécessité de retirer en partie les secours qu'il distribue à un grand nombre de familles pauvres. Il y a d'autres faits encore que MM. les ministres ne récuseront pas, des industriels qui donnent du travail à des milliers d'ouvriers ont fait connaître au gouvernement que s'il ne venait pas à leur aide par de fortes commandes, ils devraient sous peu renvoyer leurs ouvriers. Les actions industrielles ont considérablement baissé de valeur; plus d'une société a suspendu le payement des intérêts ; les maisons dans les villes ont perdu un quart, un tiers même de leur valeur ; la propriété foncière a aussi été atteinte par suite des événements et du bas prix des céréales; les baux qui sont à renouveler doivent subir des réductions. Voilà, messieurs, ce que j'oppose aux indices trompeurs invoqués par M. le ministre des finances.
Si la situation est telle que je viens de l'indiquer, et malheureusement les faits prouvent que je n'ai rien exagéré, il est impossible que l'on songe à charger le pays de nouveaux impôts. Ce ne serait pas, comme le pense M. le ministre, sauver le malade, ce serait le tuer.
Il n'y a pas moyen de penser à des impôts nouveaux, et cependant il faut des ressources. Comment faire? Le bon sens n'indique-t-il pas qu'il faut d'adresser avant tout aux classes qui n'ont pas souffert par suite des événements, aux classes dont les revenus sont restés intacts ? Avant de s'adresser à ceux qui souffrent, avant de rendre leurs souffrances plus vives, c'est à ceux dont les revenus sont demeurés intacts qu'il faut demander une part de sacrifices.
Les traitements des fonctionnaires sont en général restés les mêmes depuis la révolution de février. Il en est quelques-uns que nous avons réduits ; nous en réduirons peut-être quelques autres qui sont trop élevés. Eh bien ! ceux-là seront abrités par le sous-amendement de M. Lelièvre auquel je me suis empressé de me rallier, et que j'aurais proposé moi-même s'il ne l'avait fait.
On a dit que j'en voulais beaucoup aux fonctionnaires, que je faisais une guerre acharnée aux fonctionnaires. Je n'en veux pas le moins du monde aux fonctionnaires. Il y a parmi eux des hommes que j'estime et que j'aime,; mais les considérations d'amitié ne m'empêcheront jamais d'accomplir mes devoirs.
Il y a des fonctionnaires qui comprennent la situation et qui sont venus me dire : « Nous applaudissons à la proposition que vous avez faite. Nous sommes convaincus que dans les circonstances actuelles il est nécessaire que nous fassions un sacrifice. » Plusieurs fonctionnaires m'ont tenu ce langage.
La retenue que je propose est-elle donc si exorbitante, qu'elle puisse légitimer les attaques dont ma proposition a été ou pourrait encore être l'objet. Mais le congrès national qui doit nous inspirer une entière confiance, qui a fait cette Constitution qui a été dans des temps difficiles notre ancre de salut, a eu recours à la même mesure dans des temps difficiles aussi; et il a porté la retenue à un taux beaucoup plus élevé que je ne propose de la porter. Il n'en a exempté que les 500 premiers florins, le premier millier de francs. Moi je ne frappe d'une retenue que ceux dont le traitement s'élève au moins à 2,000 francs Le congrès national avait adopté une retenue progressive que je peux appeler énorme, si je la compare à la retenue très modérée que je propose. Cette retenue allait jusqu'à 40 p. c. sur certains traitements.
Nous avons nous-mêmes senti l'année dernière que la classe des fonctionnaires devait supporter une part de sacrifices. Nous leur avons imposé une retenue, à titre d'emprunt, il est vrai; mais cette retenue équivalait à un impôt. Car à l'époque où nous avons frappé les fonctionnaires de cette retenue les fonds publics étaient très bas; l'impôt était dans la différence entre le pair auquel nous forcions à contracter l'emprunt et le taux des fonds publics. Il y avait, sous l'apparence d'un emprunt, un impôt réel. Vous avez alors porté la retenue jusqu'à 25 p. c. pour les traitements élevés. Cette retenue, si l'on fait attention au taux des fonds à l'époque où elle a été imposée, était beaucoup plus forte que celle que je propose aujourd'hui.
La section centrale fait valoir contre ma proposition quelques raisons que je trouve, qu'elle me permette de le dire, extrêmement faibles, ce que je dois attribuer à la précipitation avec laquelle elle a dû rédiger son rapport. Je regrette que ma proposition qui a été déposée au début de la discussion générale, il y a plusieurs jours, n'ait pas été alors renvoyée à la section centrale. La section centrale aurait pu m'entendre et faire un rapport plus approfondi.
La section centrale dit qu'en général les traitements en Belgique ne sont pas fixés à un taux trop élevé.
Je n'ai jamais prétendu le contraire. Il y a des traitements qui sont trop élevés ; il y en a qui sont suffisants, il y en a d'autres peut-être qui ne sont pas assez élevés. C'est une révision à faire. Mais en attendant cette révision qui ne peut être l'œuvre d'un jour, qui ne peut être l'œuvre de la chambre, il faut pourvoir aux besoins urgents. Si j'avais proposé une retenue permanente de 5 p. c. qui réduirait définitivement les traitements, je comprendrais la raison que la section centrale n'oppose. Je ne soutiens pas que les traitements sont en général trop élevés. Ce n'est pas le motif sur lequel je base ma proposition.
Je suppose que tous les traitements sont à un taux convenable; tant qu'il n'y a pas de révision, je dois le supposer. Mais je dis qu'alors que toutes les classes de la société souffrent et supportent cependant les mêmes charges que par le passé, il faut faire peser aussi quelques charges sur la classe dont les traitements n'ont pas été atteints. Je propose uniquement une mesure temporaire fondée sur les circonstances, légitimée par les circonstances.
La section centrale dit encore que les fonctionnaires sont déjà atteints d'une retenue pour la caisse des veuves ; qu'ils sont en outre menacés d'une nouvelle retenue proposée par le gouvernement lui-même. Mais j'ai pris ces faits en considération. Si je n'en avais pas tenu compte, j'aurais proposé une retenue plus forte; j'aurais, à cause des circonstances, proposé une retenue d'un dixième.
Remarquez, messieurs, que la retenue que je propose ne porte que sur huit mois. Comme les fonctionnaires sont frappes d'une retenue à titre d'emprunt jusqu'au mois de mai, je ne fais commencer la retenue nouvelle qu'à partir de cette époque.
Ou dit que les charges que je veux imposer aux fonctionnaires sont trop fortes. Mais savez-vous qu'en France les fonctionnaires sont assujettis à une retenue permanente de 5 p. c.
En Angleterre, il y a aussi sur les traitements une retenue permanente; elle est de 2 1/2 p. c. pour les traitements au-dessous de 2,500 fr., et de 5 p. c. pour les traitements au-dessus de ce chiffre.
En Autriche, la retenue est bien plus forte encore pour les traitements de 2,500 à 5,000 fr., elle est de 5 p. c. et pour les traitements ou dessus de 5,000 fr. de 10 p. c.
La section centrale pense que ma proposition va décourager les fonctionnaires et que les recettes pourront se ressentir du défaut de zèle. Je comprendrais ce raisonnement de la section centrale, si la retenue que je propose était permanente; ou pourrait à ce titre l'invoquer contre le gouvernement, et contre la section centrale elle-même. Si une retenue doit décourager les fonctionnaires, pourquoi le gouvernement propose-i-il une retenue permanente de 1 p. c? Pourquoi la section centrale propose-t-elle de porter cette retenue à 2 p. c, nonobstant les charges imposées aux fonctionnaires pour la caisse des veuves ?
C'est du reste là le raisonnement qu'on a toujours employé pour faire augmenter les traitements. On disait : Ne découragez pas les fonctionnaires; donnez-leur un traitement convenable.
Sans doute, messieurs, il faut donner aux fonctionnaires un traitement convenable ; mais la question est de savoir où l'on doit s'arrêter. Un fonctionnaire qui manquerait de zèle, qui compromettrait le service public, parce qu'on lui aurait, à cause des circonstances, imposé une retenue temporaire, ne serait pas digne de conserver ses fonctions ; je n'hésite pas à dire qu'il faudrait les chasser des rangs de l'administration.
La section centrale a fait encore une autre observation ; c'est que si (page 300) cette retenue était adoptée, ce serait un impôt sur le retenu et qu’il faudrait alors, pour être équitable, frapper le revenu de toutes les classes de la société. J'avoue que je ne comprends pas cette observation de la section Centrale.
Une retenue temporaire sur les traitements est un impôt sur le revenu? Mais pourquoi la section centrale ne disait-elle pas à M. le ministre des finances : Votre retenue permanente est un impôt sur le revenu, vous devez frapper toutes les classes de la société d'un impôt sur le revenu.
La section centrale, qu'elle me permette de le lui dire, a été beaucoup trop indulgente pour M. le ministre des finances et trop sévère pour moi. Je ne suppose pas cependant qu'elle ait voulu flatter le pouvoir. Je suis convaincu que la section centrale aurait le courage de dire la vérité aux ministres comme aux simples membres de la chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - C'est un courage très facile.
M. Cools, rapporteur. - La section centrale du budget des voies et moyens n'a pas été chargée de l'examen du projet de loi sur les pensions.
M. Delfosse. - La retenue figure au budget des voies et moyens. Messieurs, la section centrale dit, et cette fois je suis entièrement de son avis, qu'il faudrait exempter de la retenue les traitements qui ont déjà été réduits. C'est ce que nous proposons. C'est ce que l'honorable M. Lelièvre propose, et je me suis rallié à son sous-amendement, il est donc fait droit à cette observation de la section centrale.
La section centrale dit enfin qu'il faudrait, si ma proposition était admise, exempter les deux premiers mille francs du traitement de tous les fonctionnaires, de ceux qui n'ont que 2,000 francs comme de ceux qui ont plus. Ainsi le fonctionnaire qui aurait un traitement de 3,000 francs ne serait frappé de la retenue que pour le troisième mille.
Je ne puis admettre ce système. Ce système peut être admis lorsqu'on établit une retenue s'élevant progressivement à mesure que les traitements s'élèvent. Mais il ne s'accorde pas bien avec la retenue proportionnelle.
Ce système est en outre en opposition avec nos lois. Lorsque la loi sur la contribution personnelle a exempté les maisons dont le loyer ne va pas à 20 florins, elle n'a pas dit que pour les maisons dont le loyer est plus élevé, on ne commencerait à payer qu'à partir du 21ème florin.
Pourquoi la section centrale veut-elle introduire dans notre législation ce système entièrement nouveau? C'est sans doute pour avoir occasion de soutenir que ma proposition serait très peu productive. En effet, si tous les traitements étaient exemples de la retenue sur les deux premiers mille francs, les 600,000 francs que j'indique, comme le produit probable de sut-proposition, seraient extrêmement réduits. Mais je le répète, ce système est inadmissible.
On a dit dans une autre discussion et on dira peut-être encore que les fonctionnaires sont soumis aux mêmes charges que les autres citoyens, qu'ils payent la contribution personnelle, qu'ils payent leur part de contributions indirectes. Mais les autres classes quoique atteintes par les événements, ont aussi continué à supporter les mêmes charges. La différence entre la classe des fonctionnaires et les autres classes, c'est que le revenu des fonctionnaires n'a pas été atteint, tandis que les autres revenus ont été la plupart considérablement réduits.
Peut-être y a-t-il quelques catégories de citoyens qui sont dans une position aussi bonne que les fonctionnaires, on a indiqué des avocats. Eh bien ! s'il en est ainsi, qu'on les appelle à prendre part aux charges politiques. Il ne faut pas faire peser des charges nouvelles sur ceux qui plient déjà sous le poids du fardeau. Il faut faire supporter ces charges par ceux qui ne souffrent pas, qui sont dans une situation relativement bonne.
Messieurs, la proposition que j'ai eu l'honneur de vous soumettre est tellement, juste, elle est tellement dictée par la raison et le bon sens, qu'il était peut-être inutile de se livrer à de longues considérations pour la justifier, pour démontrer la nécessité de l'admettre. Permettez-moi, en terminant, un retour sur le passé.
Il y a neuf ans que je fais partie de cette chambre. Chaque année, lorsque j'arrivais à l'ouverture de la session, j'entendais la plupart de mes collègues prononcer bruyamment, énergiquement le mot « économie ». Ils arrivaient de leurs provinces, de leurs districts, pénétrés d'idées qui étaient celles de leurs commettants. Mais bientôt séduits par les paroles mielleuses, éloquentes de MM. les ministres qui s'entendaient à merveille à opérer des conversions: séduits peut-être aussi par l'atmosphère de luxe qui règne dans la capitale. (Interruption) Vous pouvez rire, M. le ministre de l'intérieur cela est ainsi... Séduits peut-être aussi par l'atmosphère de luxe qui règne dans la capitale, ces représentants, ces partisans des économies, convertis tout à coup, croyaient bientôt que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et au lieu d'économie, ils votaient des augmentations de dépenses.
Voilà ce que j'ai toujours vu, j'en appelle à mes collègues de l'ancienne Chambre. Toujours, dans les sections, à l'ouverture des chambres, on fallait retentir bruyamment le mot économies, et ces économies ne se réalisaient jamais L'honorable M. Osy l'a dit l'autre jour, en répondant à l'honorable M. Dechamps. Ceux qui ne se sont pas bornés prier d'économies dans les sections, ceux qui ont conforme leurs votes au vœu du pays, ont été réélus. La plupart des autres ont été éliminés par les électeurs.
Messieurs, savez-vous ce qui est arrivé de cet accroissement continuel de dépenses, alors qu'il eût fallu des économies? Il en est résulté des déficits successifs et un recours fréquent aux bons du trésor. Ces bons du trésor étaient une plaie qui a failli nous perdre lorsque la révolution de février a éclaté ; nous n'avons pu, dans ce moment terrible, nous sauver qu'à l'aide des emprunts forcés et du papier-monnaie, autre plaie.
Si vous tombez, messieurs, dans la même faute que vos prédécesseurs, vous vous laissez aussi aller aux discours éloquents de MM. les ministres, si au lieu d'économies vous votez des dépenses, si vous ne cédez pas complètement au vœu du pays qui veut des économies plus fortes que celles que le ministère a proposées (je n'accuse pas les intentions, je constate les faits), vous aurez un accroissement continuel de déficit ; et si, ce qu'à Dieu ne plaide, une crise survenait encore, vous n'auriez peut-être plus la ressource des emprunts forcés. Vous n'auriez certainement plus la ressource du papier monnaie, car vous avez déjà pour 50 millions de ce papier en circulation; cette ressource qui vous a tiré d embarras, ne vous sauverait plus. Alors la nationalité serait en péril, alors le sort de tous les fonctionnaires serait compromis ; ce ne serait plus une retenue de 5 p. c. qui les frapperait; ils perdraient peut-être leur position et leur traitement.
Voyez, messieurs, ce qui se passe en Portugal et en Espagne ! Que ces peuples nous servent d'exemples! Il n'y a pas la déposition plus précaire, moins assurée que celle des fonctionnaires publics, il est rare qu'on les paye intégralement, quelquefois on ne les paye pas du tout, pourquoi? Parce qu'un n'a pas su dans ce pays mettre à temps un terme à ces déficits qui sont la plaie des sociétés modernes.
Messieurs, fermement attaché à la nationalité, fermement attaché à nos institutions, je voudrais écarter le seul péril qui me semble les menacer.
C'est là le motif qui explique l'insistance peut-être un peu vive avec laquelle je défends mes propositions. Je sais bien qu’on n'attaque jamais une classe nombreuse et influente sans s'exposer à de rudes attaques et à d'injustes calomnies, mais cette considération ne m'a jamais arrêté. J'ai vote, moi troisième, contre la loi sur l'instruction primaire; on m'a accusé alors d’être systématiquement hostile au clergé ; cette accusation ne m'a pas arrêté. Eli bien, si cette loi était encore à faire, elle n'aurait pas pour elle 30 membres dans cette enceinte.
M. le comte de Mérode. - Vous n'avez rien appris,
M. Delfosse. - Et vous, M. le comte, vous n'avez rien oublié.
J'étais aussi du petit nombre de ceux qui, il y a quelques années, réclamaient la réforme électorale. On me traitait alors d'anarchiste, de révolutionnaire; eh bien, il y a quelques mois, sous la pression des événements, le gouvernement est venu proposer une réforme électorale beaucoup plus large que celle que j'avais réclamée, et je l'en félicite, car c'est une de ces mesures qui ont sauvé le pays.. Aujourd'hui parce que je veux l'application d'un système qui seul peut, selon moi, sauver le pays, parce que je demande de sérieuses économies, on m'accuse de vouloir désorganiser les services publics; c'est là, messieurs, une pensée qui a toujours été loin de moi et, je m'en remets au temps, pour faire justice de cette accusation comme il a fait justice des autres.
M. Lelièvre. - Messieurs, les motifs qui appuient la proposition de l'honorable M. Delfosse me paraissent démontrer la .nécessité de la mesure qu'elle provoque. Le déficit qui nous menace à la fin de l'exercice, la certitude qu'on ne réalisera pas des économies de nature à couvrir l'insuffisance que l’on prévoit, et le rejet probable de l'impôt sur les successions en ligne directe, objet partout de tant d'impopularité, prouvent qu'il faut recourir à d'autres moyens pour chercher à rétablir autant que possible l'équilibre entre les recettes et les dépenses.
Mais la réduction dont on veut frapper les traitements des fonctionnaires et les pensions est-elle juste? Messieurs, lorsqu'on atteint la propriété et l'industrie, je ne vois pas pourquoi fou ne pourrait pas frapper des traitements et des pensions qui constituent un véritable revenu, et qui, sous ce rapport, au moins lorsqu’il s'agit d'une mesure temporaire, doivent leur contingent au trésor public. D'ailleurs, les personnes que l’Etat rétribue subissent, selon moi, avec justice, une réduction justifiée par notre situation financière, et qui dans l'occurrence actuelle n'a rien de trop onéreux.
L'Etat, du reste, n'est pas lié pour l'avenir vis-à-vis de ses fonctionnaires, et rien ne l'astreint envers eux à une rétribution irrévocablement fixée. Cette rémunération, il a droit de la régler d'après les circonstances et la position où il se trouve.
Quant aux pensions, elles sont d'autant plus justement frappées qu'évidemment elles sont empreintes d'un caractère de libéralité qui les soumet plus directement, en cas de nécessité, à la réduction dans l'intérêt et du trésor.
Nous pourrions ajouter que jusqu'au moment de la révision annoncée par l'article 139 de la Constitution, elles n'ont qu'une existence provisoire qui ne donne pas même aux titulaires un droit irrévocablement acquis.
Il ne s'agit, du reste, dais l'espèce que d'une disposition momentanée; or ne perdons pas de vue que nous nous trouvons réellement dans des circonstances exceptionnelles. Tous les citoyens en subissent les conséquences désastreuses, n'est-il pas juste que ceux-là surtout qui ont des rapports plus intimes avec le gouvernement, qui reçoivent du trésor public des rémunérations de certaine valeur sachent de leur côté même et les premiers, se résigner à des sacrifices devenus indispensables ? A quel la loi les émoluments qu'ils reçoivent de l’Etat seraient-ils soustraits à titre commun de l'impôt ?
Messieurs, diverses mesures adoptées ou qui le seront incessamment diminuent nos ressources financières ; il faut cependant bien y pourvoir par d’autres moyens. Or, l’un de ces moyens est la disposition qui vous est proposée.
(page 301) Soyez du reste bien convaincus que les réductions proposées ne sont pas de nature à porter atteinte à la marche des services publics et au zèle es fonctionnaires. C'est une nécessité généralement sentie et on saura l'accepter dans l'intérêt général.
Contre l'opinion du ministère, nous avons réduit les traitements des membres de la cour des comptes. Avons-nous rencontré de la part d'hommes honorables moins d'empressement à rechercher ces fonctions depuis qu'elles ne sont plus aussi largement rétribuées? Non certainement. Ce n'est donc pas une réduction peu importante et passagère qui donnera lieu, dans l'espèce, à des inconvénients sérieux.
A mon avis, la proposition de l'honorable M. Delfosse, en procurant un avantage important au trésor, n'a rien de contraire à la justice et à l’équité. Je crois en conséquence devoir lui donner mon assentiment. Et moi aussi, messieurs, je suis sincèrement attaché à nationalité belge et à nos institutions, et c'est surtout parce que j'entends les maintenir que je tiens à cœur qu'on emploie les moyens qui, dans ma conviction intime, peuvent seuls les assurer.
(Voir page 301.) M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, dans une discussion récente, surpris par quelques lamentations, je répète le mot dont je me suis servi alors, surpris par quelques lamentations que je considérais comme empreintes de la plus souveraine exagération, j'ai exprimé l'opinion que la situation de la Belgique était relativement très bonne, et qu'en considérant l'état entier de l'Europe, on ne pouvait pas hésiter à reconnaître que cette situation était en réalité prospère. J'ai été plus loin. Jetant un coup d'œil rapide sur la plupart de nos industries, faisant une exception pour la grande industrie des fers, j'ai demandé à quelle époque, depuis dix-huit ans, l'état de la Belgique avait été meilleur qu'en ce moment. Je n'avais point, messieurs, sous la main des documents nombreux recueillis par mon collègue, M. le ministre de l'intérieur et qui sont destinés à établir, quelle est, en vérité, en toute vérité, la situation du pays; je ne les possède point encore aujourd'hui; car je ne devais point m'attendre qu'à l'occasion de cette discussion on viendrait, après mûre réflexion, tenter la réfutation d'un discours qui avait passé alors sans rencontrer de contradicteur. Le temps viendra, il est prochain, où une discussion complète, approfondie sur cette affirmation, que je maintiens, pourra se produire utilement, et nous ne reculerons point devant cette affirmation. Oui, la situation de la Belgique est excellente aujourd’hui, au milieu de l'ébranlement général de l'Europe.
Messieurs, j'ai indiqué à la chambre alors les arguments qui se présentaient les premiers à mon esprit. J'ai dit d'abord, pour faire apprécier la situation du pays, ce que produisent, cette année, les impôts de consommation qui, aux yeux de tout le monde, révèlent, par des signes certains, le bien-être ou le malaise des populations ; car, aux époques de souffrance, ces impôts subissent une dépression énorme. Eh bien, messieurs, ce que j'ai dit alors était entièrement exact. L'honorable M. Delfosse prend, article par article, le chapitre des impôts de consommation, et parce qu'il trouve ici 50,000 fr., là 100,000 fr. de différence avec telle situation antérieure, il en induit résolument que mes arguments n'ont aucune valeur. Je les maintiens, messieurs, et nous verrons au 31 décembre, lorsque les comptes des impôts de consommation seront enfin arrêtés, nous verrons si, chose étrange, inouïe, à laquelle nul ne devait s'attendre, s'il n'est pas vrai que ces impôts de consommation ont rendu ce qui avait été prévu avant les événements de février, ce que l'on avait osé espérer en décembre 1847 ! Et ces impôts rentreront au milieu de la révolution que nous subissons. Oser proclamer que ce n'est pas là pourtant le signe d'une situation satisfaisante, c'est nier l'évidence.
J'ai cité ensuite l'état des monts-de-piété. Je n'ai pas certes en ce moment des documents à présenter sur ce point; mais de toutes parts d'honorables membres me viennent en aide pour fournir des arguments, des faits, contre l'affirmation hasardée de mon honorable contradicteur. A Tournay, si vous ne voulez pas Bruxelles, ville d'exception, qui vit dans le luxe; à Tournay, où l'on avait des craintes sur la situation malheureuse de la classe ouvrière dans ces derniers temps, le mont-de-piété avait réservé un fonds de 10,000 fr. destiné, en petits prêts, à la classe ouvrière. Eh bien, ce fonds n'a pas trouvé d'emploi. A Bruxelles, au surplus, il ne s'agit pas exclusivement de la population de cette ville; le mont-de-piété de Bruxelles sert aux populations environnantes, il sert aux populations de Wavre, de Louvain, de Malines.
- Des membres. - C'est vrai ! c'est vrai !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Or, les preuves que j'ai tirées du mouvement du mont-de-piété de Bruxelles, n'indiquent pas exclusivement la situation de la population de cette ville; elles attestent aussi l'état des populations de beaucoup d'autres localités; car on n'est pas venu au mont-de-piété de Bruxelles, comme on a coutume de le faire dans les temps calamiteux, réclamer de plus forts emprunts. Encore une fois, n'est-ce pas un signe de la situation plus satisfaisante de la classe ouvrière?
Je ne veux pas discuter davantage aujourd'hui cette question ; elle se représentera, et mon honorable collègue, M. le ministre de l'intérieur, sera en mesure de fournir à la chambre les éléments d'une véritable enquête sur l'état du pays. Je ne m'y serais pas même arrêté aussi (page 304) longtemps, si l'honorable M. Delfosse n'avait cherché la justification de sa proposition, dans une situation qu'il représente comme fort alarmante pour tous les contribuables, à l'exception des fonctionnaires publics, contribuables aussi. Cette situation, à la prendre en général, ne me paraît donc pas de nature à faire admettre la proposition de l'honorable membre. Mais l'opinion de l'honorable M. Delfosse fût-elle vraie, qu'il n'y aurait pas lieu à accueillir sa proposition. Je la repousse, en effet, par des considérations d'un ordre entièrement différent; je la repousse parce qu'elle m’a semblé injuste, parce qu'elle me paraît naître d'un sentiment que je ne puis admettre à l'égard des fonctionnaires publics ; je la repousse, parce que cette proposition tend à accréditer la pensée que les fonctionnaires publics, fastueusement rétribués, dévorent le budget de l'Etat, que les fonctionnaires publics sont avec le gouvernement ces ogres qui absorbent les forces vives de la société.....
Il faut que de pareilles idées disparaissent; il faut apprécier la position des fonctionnaires publics avec dignité ; il faut se demander si les fonctionnaires publics sont nécessaires. S'ils sont nécessaires, il faut les maintenir; s'ils sont inutiles, il faut les supprimer. Il faut rechercher si les fonctionnaires sont convenablement rétribués; s'ils sont rétribués au-delà des services qu'ils rendent, c'est un abus qu'il faut faire cesser ; mais si le nombre des fonctionnaires n'excède pas ce qui est indispensable pour assurer les services publics ; s'ils n'ont que la stricte rémunération qui leur est due, vous abuseriez de votre force , vous commettriez un acte de violence, un acte injuste, inique, en leur enlevant une partie du prix des services qu'ils vous rendent.
La seule question à examiner, c'est celle de savoir si les fonctionnaires publics reçoivent la juste rémunération à laquelle ils ont droit. Et à cet égard, je crois que le moment est venu, d'éclairer la chambre et le pays sur la position des fonctionnaires publics, et de montrer enfin que le chapitre des traitements du budget de l'Etat, n'est pas absorbé par une foule de traitements exagérés.
Voyons donc, d'une manière approximative, mais qui approche cependant aussi près que possible de la vérité, comment se répartit cette somme de 24 millions qui a été destinée jusqu'à ce jour à rétribuer les agents de l'Etat.
Au 31 décembre 1847 nous avions 18,620 fonctionnaires civils et ecclésiastiques ; 16,228 fonctionnaires ont des traitements inférieurs à 2,000 fr.; de 2 à 3,000 fr. on compte 1,161 fonctionnaires de 3 à 6,000 fr., 947 de 6 à 9,000 fr., 188 seulement de plus de 9,000 fr. 96, ministres, diplomates, archevêque, évêques, premiers magistrats de nos cours souveraines, voilà les quatre-vingt-seize privilégiés qui jouissent d'un traitement supérieur à 9,000 fr.
Telle était la situation au 31 décembre 1847. Mais nous réformons l'administration; nous n'aurons plus, autant que je puis le constater dès à présent, que 17,562 fonctionnaires publics. Les fonctionnaires ayant un traitement au-dessous de 2,000 fr. seront au nombre de 15,328, ceux de 2 à 3,000 fr. 1,089, ceux de 3 à 6,000 988, ceux de 6 à 9,000 194, ceux de plus de 9,000 fr. 63.
Le nombre des fonctionnaires de la catégorie de 3 à 6 et de 6 à 9,000 fr., est naturellement augmenté de toutes les réductions que nous avons fait subir aux traitements les plus élevés.
Et si nous écartions de ces chiffres les fonctionnaires publics qui sont dans une situation exceptionnelle, qui, de l'aveu de tous, ne peuvent pas être réduits, à un traitement maximum de 9,000 fr.; si des fonctionnaires qui ont été compris dans les indications précédentes, nous éliminions les ministres, les diplomates, les gouverneurs, quelques rares fonctionnaires du rang le plus élevé, les agents aussi dont le traitement comprend des frais de bureau, et ils sont assez nombreux au département des finances, que trouvons-nous ? Nous trouvons qu'il ne resterait au traitement de 3 à 6 mille fr., que 910 employés, au traitement de 6 à 9 mille f r. 150, et de plus de 9 mille fr. sept.
Sept fonctionnaires pour tout le pays. (Interruption). J'écarte la catégorie qui est dans une situation exceptionnelle, nul ne peut avoir la pensée de rétribuer les fonctions les plus élevées par un traitement de neuf mille francs. Je fais la part également des traitements qui comprennent soit des frais de bureau, soit des frais de représentation.
Il resterait donc sept fonctionnaires pour la Belgique entière, ayant un traitement supérieur à neuf mille francs. Je m'arrête là, quant au traitement ; je pourrais donner des détails plus étendus ; j'ai fait dresser des statistiques ; elles sont à la disposition de la chambre ; si on le désire, je les ferai imprimer. Je dois ajouter cependant que la somme de 24,055,356 fr. destinée en 1848 aux traitements des fonctionnaires civils et ecclésiastiques, est réduite à 22,086,332 fr. au budget de 1849, et l'on n'oubliera pas que les réductions de traitement n'ont porté que sur les traitements élevés.
Voilà donc sous le rapport des traitements la position des fonctionnaires publics en Belgique. Il ne serait pas inutile de la comparer à la position des fonctionnaires dans d'autres pays, car on vient d'invoquer, quant aux retenues sur les traitements, l'exemple de la France, de l'Angleterre et de l'Autriche. On a dit que là les fonctionnaires étaient soumis à des retenues très fortes, mais on n'a pas dit quels étaient les traitements de ces fonctionnaires, pour des emplois analogues à ceux qui existent en Belgique. L'organisation de l'administration en France et en Belgique a beaucoup d'affinités. Voyons ce qui existe dans les deux pays pour des services identiques.
En France, l'administration des contributions comprend trois administrations distinctes : l'administration des contributions directes, l'administration des contributions indirectes et l'administration des douanes.
Il n'existe ici pour les mêmes services qu'une seule et même administration. L'administration qui est triple au centre se répète dans ces trois divisions aux extrémités ; dans tous les départements frontières, il y a trois directeurs pour les services remplis en Belgique par une seule personne. Quels sont les traitements de ces fonctionnaires en France?
12 mille, 10 mille francs, et au minimum, 8 mille fr.
Ici le maximum, quoique les trois services soient réunis en une seule main, est de huit mille fr. Que des fonctionnaires dans cette position subissent des retenues comme celles qui ont été indiquées par l'honorable M. Delfosse, soit; mais qu'on veuille les infliger aux fonctionnaires de notre pays qui ne reçoivent que la juste rémunération des services qu'ils rendent, cela ne se comprend pas. Que serait-ce si je citais les traitements fabuleux de l'Angleterre, des traitements de 20, 25, 30 et 40 mille francs, mis en regard des traitements de nos fonctionnaires ! que signifierait cette argumentation de l'honorable M. Delfosse ?
Je passe aux pensions. Je pense que la chambre me permettra d'entrer dans quelques détails à ce sujet, puisque l'on propose de frapper également les pensions d'une retenue.
L'honorable M. Toussaint, appelant l'attention de la chambre sur l'accroissement continuel du fonds des pensions, s'exprimait ainsi dans une séance précédente :
« Depuis 1834 les pensions se sont élevées de trois millions à cinq millions six cent mille francs, c'est-à-dire à près du 12ème de la totalité des traitements qui figurent au budget. Anciennement 5 p. c. sur les traitements était considéré comme pouvant suffire à payer toutes les pensions, aujourd'hui il faudrait douze p. c. sur la totalité des traitements. Et remarquer que nous ne sommes arrivés qu'à la 18ème année de notre existence politique, ce ne sera qu'à la 30ème année que nous serons arrivés à une époque normale, c'est-à-dire à une époque où les pensions extinctives correspondront aux pensions nouvelles qui surgiront. »
Cette opinion était déjà plus favorable que celle qui avait été exprimée dans la courte session du mois de juin ; on s'était écrié alors que les pensions s'étaient élevés de 5,000,000 de francs à plus de 10 millions depuis 1832. Mais cette opinion n'est pas non plus exacte ; le fonds des pensions ne s'est pas élevé, de 1834 à 1848, de 3,000,000 à 5 millions 600,000 fr.
Les pensions, si j'y ajoute celles de la caisse de retraite, atteignaient en 1854 à peu près quatre millions et toutes les pensions ne s'élèvent pas aujourd'hui à cinq millions six cent mille francs, (Interruption.)
Je comprends l'erreur de l'honorable membre, il me dit : j'ai consulté les budgets ! les budgets présentent des approximations, des suppositions, mais non le chiffre des pensions liquidées.
Le fonds varie souvent, il a été vraisemblable de supposer d'ailleurs qu'il y aurait accroissement de pensions en 1849, puisque nous étions obligés de placer un plus grand nombre de fonctionnaires à la retraite. Je donnerai la situation exacte du fonds des pensions au 31 mars dernier.
Les pensions n'ont pas 18 ans de date ; deuxième erreur dans laquelle l'honorable membre est tombé ; nous en avons de semi-séculaires, telles que les pensions ecclésiastiques tiercées, les pensions militaires de toutes les époques, de tous les régimes. Le chiffre des pensions allouées avant 1844 s'est accru des pensions de la caisse de retraite qui ont été reprises par l'effet de la loi de 1844.
A entendre l'honorable M. Lelièvre, les pensions devraient aussi être soumises à une révision scrupuleuse; il pense que l'on découvrirait ainsi d'immenses abus. Ce n'est pas moi qui viendrai prétendre devant la chambre que jamais aucun abus n'a été commis dans la collation des pensions, que jamais un traitement n'a été fixé à un chiffre trop élevé. Nos réformes attestent assez quelles sont nos idées à cet égard. Mais je suis prêt à déclarer que ce sont là d'infimes exceptions. Vous en serez convaincus par un simple exposé de la liste des pensions. Je rétablis à la date du 31 mars dernier. Toutes les pensions à charge de l'Etat étaient de 9,524. Combien y en a-t-il qui dépassent la somme de 5 mille francs?'
Cent quatre vingt-dix !
Les pensions militaires sont au nombre de 5,497 ; les pensions civiques au nombre de 407 ; les pensions civiles au nombre 3,620.
Savez-vous, messieurs, combien il y a de pensions au-dessous de cinq cents fr.? 7,146, qui absorbent une somme de 1,785,443 fr., c'est-à-dire 75 p. c. de la somme destinée à faire face à toutes les pensions.
C'est donc encore, messieurs, une classe malheureuse de la société que la Belgique secourt ainsi.
Les pensions de 500 à 1,000 fr. sont au nombre de 1,342
Les pensions de 1,000 à 1,500 fr. sont au nombre de 378
Les pensions de 1,500 à 2,000 fr. 236, de 2,000 à 3,000 fr. 2, de 3,000 à 4,000 fr. 81, de 4,000 à 5,000 fr. 30 et de 5,000 à 6,000 fr. et au-dessus 79.
Parmi ces pensions, un grand nombre nous ont été léguées par les gouvernements précédents. Elles s'élèvent à une somme fort notable. La plupart de ces pensions ne doivent grever le trésor que d'une manière temporaire : telles sont, par exemple, les pensions que je citais tout à l'heure, les pensions ecclésiastiques tiercées, les pensions des veuves de l'ancienne caisse de retraite, qui ont été mises à la charge du trésor public, les pensions des Indes, les pensions de l'ordre militaire de Guillaume et les pensions civiques.
Il est aussi à propos de remarquer que pour les pensions de l'ancienne caisse de retraite qui ont été reprises par la loi du 21 juillet 1844, une somme a été versée au trésor de l'Etat. En vertu de la convention d'Utrecht, (page 305) une somme de 1,057,896 fr. a été versée de ce chef dans les caisses de l'Etat.
Si l'on compare le budget de l'exercice de 1832 avec le budget de l'exercice 1848 sous le rapport des pensions, on trouve qu'en 1832 le nombre des pensions était de 7,764, non compris les pensions civiques ; et que le crédit alloué pour les pensions était de 1,540,000 florins. En y ajoutant les pensions de la caisse de retraite qui étaient au nombre de 1,051 et absorbaient une somme de 261,651 florins 87 cents, on arrive à ce résultat qu'il existait alors 8,815 pensions absorbant une somme de 1,801,651 fl. 87 cents soit 3,813,000 fr.
En 1848 les pensions étant au nombre de 9,524 et absorbant une somme de 4,966,666 fr. la différence en plus est de 709 pensions et de 1,153,666 fr. Voilà la différence entre la situation d'aujourd'hui et la situation de 1832.
Mais il faut tenir compte, messieurs, du plus grand développement qui a été donné à nos administrations depuis cette époque. Il est des administrations qui ont été accrues par la force des choses, par suite du développement que l'on a donné h nos institutions. Il est d'autres administrations qui ont été créées entièrement à nouveau. Oh a donc augmenté le nombre des fonctionnaires publics et cela a dû augmenter le nombre des pensions qui incombent à charge de l'Etat. Ainsi, citons l'administration des travaux publics, le chemin de fer, les ponts et chaussées, les postes, les prisons, la marine, le pilotage, les administrations de l'instruction publique et des beaux-arts, de la douane et de la magistrature. Voilà toutes institutions ou nouvellement créées ou notablement accrues en Belgique.
Ce n'est donc pas par suite d'abus multipliés que le nombre des pensions s'est élevé de 1832 à 1848 et que nous trouvons aujourd'hui au budget une somme de 1,100,000 fr. en plus pour faire face à ces pensions. Puisque l'on a invoqué l'exemple des pays voisins à l'appui de l'opinion que je combats, que l'on me permette, relativement aux pensions, d'invoquer aussi ce qui existe chez nos voisins.
En Hollande, pays qui compte moins de 3 millions d'habitants, les pensions de toutes les catégories qui figurent au budget de 1848, exigent une somme de 7,202,528 fr. Ainsi on supporte annuellement en Hollande du chef des pensions, 2,235,862 fr. de plus qu'en Belgique, où la population est notablement plus considérable.
J'ai tout à l'heure parlé des pensions de 5 à 6,000 fr. Voici, messieurs, leur nombre, leurs catégories, les sommes qu'elles absorbent.
Les pensions de 5 à 6,000 fr. sont au nombre de 36. Elles absorbent une somme de 191,331 fr. Ce sont des pensions de toute nature : des pensions civiles, civiques, ecclésiastiques et militaires. Si l'on déduit les pensions militaires et les pensions civiques (il y a une seule pension civique qui s'élève à 10,000 fr.), pensions qui sont au nombre de 12, il restera 24 pensions civiles et ecclésiastiques de 5 à 6,000 fr., absorbant une somme de 129,548 fr.
Les pensions de toute nature, civiles, civiques, ecclésiastiques et militaires de 6,000 à 6,400 fr., absorbent une somme de 180,000 fr. Les pensions militaires y figurent pour 24,000 fr. ; les pensions des ministres pour 36,000 francs. Restent 120,000 francs pour les pensions d'autres catégories.
Les pensions de 6,000 fr. et plus, sont au nombre de 43, important une somme de 271,299 fr. Les pensions militaires y figurent au nombre de 15 et exigent 103,359 fr.
Ces éclaircissements donnés à la chambre, nous avons à nous demander quel serait le produit de la retenue que propose l'honorable M. Delfosse. Il l'a estimée à 600,000 fr. Ce chiffre est trop élevé. Il ne serait pour les traitements civils, ecclésiastiques et militaires, et pour les pensions également de toutes les catégories, que de 520,000 fr., en appliquant la retenue à tous les traitements sans distinction. Mais s'il faut retrancher du calcul les traitements déjà atteints par des réductions, et ce sont toujours des traitements au-dessus de 2,000 fr., la somme espérée sera beaucoup plus faible que celle indiquée.
Quoiqu'il en soit, la retenue serait-elle juste ?
J'avais quelque lieu de penser, messieurs, que l'honorable M. Delfosse lui-même n'aurait pas fait une proposition de cette nature. J'avais tout lieu de le croire, quand mes souvenirs se reportaient à la discussion récente de la loi décrétant l'emprunt forcé.
A cette époque l'honorable M. Lys fil une proposition extrêmement radicale. Il proposait une retenue progressive sur les traitements et pensions et il poussait la progression jusqu'à 40 p. c. L'honorable M. Lys, pour le dire en passant et en répondant à un argument cherché un peu loin par mon honorable contradicteur sur les membres de la chambre éliminés pour n'avoir pas suffisamment répondu au vœu des électeurs; l'honorable M. Lys, nonobstant sa proposition, rejetée d'ailleurs à la presque unanimité par la chambre, l'honorable M. Lys, quoiqu'ayant voté contre les emprunts forcés, a été éliminé par les électeurs.
Mais à cette occasion que nous disait l'honorable M. Delfosse?
« Il y a, disait-il, dans l’amendement de l'honorable M. Lys, une pensée qui est la mienne et qui sera aussi, je l'espère, celle de la majorité de la chambre. »
L'honorable membre s'est trompé. Il ajoutait : « Le ministère nous a annoncé qu'il voulait entrer franchement, largement, dans la voie des économies, qu'il voulait opérer des réformes radicales dans les dépenses de l'Etat, Eh bien, c'est le moment de commencer. Assez de paroles. Des faits.
« Je propose, comme commencement d'économies, comme commencement d'exécution des promesses qui ont été faites, une retenue, non pas à titre d'emprunt, mais à titre d'impôt sur les fonctionnaires. Dans les circonstances actuelles, alors même que l'on ferait une forte retenue à titre d'impôt, les fonctionnaires seraient encore, relativement aux autres classes de la société qui souffrent beaucoup, dans une position favorable. »
Ainsi messieurs, vous le remarquerez, ce qui justifiait alors la proposition de l'honorable membre, c'était qu'il voulait commencer par faire des économies; on n'avait encore que les promesses du gouvernement, il voulait commencer à les réaliser ! C'était la justification de sa proposition, II ajoutait que même en faisant une retenue élevée sur les fonctionnaires, ils seraient encore dans une position relativement meilleure que celle de la plupart des contribuables qui souffraient beaucoup. Mais nous étions alors au mois d'avril 1848, époque très rapprochée du 24 février, et certes les circonstances n'étaient pas alors ce qu'elles sont aujourd'hui. Cependant, quoique les circonstances soient notablement changées, l'argument, quant à lui, n'a pas varié; les fonctionnaires sont encore, même frappés d'une retenue énorme, dans une position favorable.
Mon honorable ami, M. le ministre de l'intérieur, combattait la proposition appuyée par l'honorable M. Delfosse, et il disait avec raison : Pourquoi traiter les fonctionnaires publics comme des parias, alors que vous appelez tous les contribuables à fournir leur contingent dans l'emprunt et que vous considérez l'Etat comme obligé vis-à-vis d'eux à titre d'emprunt? Pourquoi placer les fonctionnaires dans une catégorie exceptionnelle et les frapper à titre de contribution? Il avait paru comprendre que, dans la pensée de l'honorable M. Delfosse, cette retenue devait avoir en quelque sorte un caractère permanent. L'honorable M. Delfosse prend la parole et répond :
« Il ne faut pas croire que je demande un état de choses définitif: M. le ministre de l'intérieur s'est trompé, lorsqu'il a dit que je voulais établir dès aujourd'hui les bases d'un ordre de choses permanent, en ce qui concerne la classe des fonctionnaires. Non ; telle n'a pas été ma pensée. Je reconnais avec M. le ministre de l'intérieur, et je l'ai dit à plusieurs fois, qu'il ne faut pas tant s'attacher à réduire les traitements u qu'à diminuer le nombre des fonctionnaires. Que l'on ait moins de fonctionnaires, qu'on exige d'eux plus d'intelligence et d'activité, et qu'on les rétribue ; voilà ce que je veux. Mais en attendant que vous puissiez faire cette réforme, que j'appelle de tous mes vœux, mais qui n'est pas l'œuvre d'un jour, posez un acte de justice, entrez dans la pensée du pays qui demande que la classe des fonctionnaires prenne,, comme toutes les autres, sa part des souffrances que les événements nous imposent à tous. »
Voilà donc, messieurs, ce qui justifiait la proposition. La proposition fut rejetée. Et que s'est-il passé d »puis lors? Est-ce que le gouvernement a été sourd aux conseils de l'honorable membre ? le gouvernement n'a-t-il pas fait exactement ce qu'il demandait? Le gouvernement n'a-t-il pas, à la fois, réduit le nombre des fonctionnaires et réduit les traitements qui pouvaient être considérés comme trop élevés? L'honorable membre ne demandait pas autre chose. C'était temporairement, c'était pour commencer l'exécution de ce plan qu'il proposait alors une retenue à titre d'impôt. Aujourd'hui que les circonstances sont meilleures et que la réforme est faite, que le nombre des fonctionnaires est réduit, que les traitements sont diminués, il fait exactement la même proposition; il propose de nouveau de frapper les fonctionnaires publics d'une retenue temporaire de 5 p. c. L'honorable membre est-il conséquent aux principes qu'il avait posés?
Quelles sont, messieurs, les charges qui pèsent sur les fonctionnaires publics? Je ne parle point des chargés qui pèsent sur les fonctionnaires publics comme sur les autres citoyens, car apparemment ils sont contribuables, comme les autres citoyens, mais quels sont les prélèvements opérés sur leurs traitements? Ils sont fort nombreux. Il y a une retenue fixe et permanente dont le taux varie en raison des traitements. Pour le déparlement des finances, qui compte le plus grand nombre de fonctionnaires et employés, cette retenue est fixée à 2 1/2: p. c. pour la caisse des veuves et orphelins, sur les traitements de 1,200 fr. et au-dessous, et à 3 p. c. sur les traitements supérieurs à 1,200 fr.
Pour les fonctionnaires des autres départements, elle est également de 2 1/2 p. c, mais sur les traitements de 3,000 francs et au-dessous, et de 3 p. c. sur ceux excédant 3,000 francs.
11 existe une retenue, à prélever pendant dix années, à charge de ceux qui se marient et qui, mariés, entrent dans l'administration; elle est de 1 1/2 p. c.
Il existe une retenue de 1 p. c, 1 1/2 ou 2 p. c., dans le ca où le mari est plus âgé que sa femme de 20 à 35 ans , cette retenue ne cesse que dans le cas du décès de la femme.
Il existe une retenue sur les traitements des fonctionnaires et employés qui comptent des services militaires ; elle est de 2 p. c.
Il existe une retenue sur les traitements des fonctionnaires qui comptent des services comme surnuméraires.|La durée de ces retenues corres-jpond à celle des services; elle est de fi p. c.
On fait encore une retenue égale au montant du premier mois ou à la moitié du premier mois de traitement des magistrats , fonctionnaires et employés nouveaux , selon que ce traitement est supérieur ou inférieur à 1,200 fr.
On fait encore une retenue des deux premiers mois de toute augmentation de traitement.
Ainsi qu'on vient de le voir , la nomenclature de toutes les retenues que doivent ou que peuvent subir aujourd'hui les fonctionnaires de l'Etat, est étendue, et les charges qui pèsent sur eux sont considérables.
Il est vrai qu'une partie de ces retenues n'est que temporaire ; mais (page 306) pendant toute la durée du prélèvement, elle n'en est pas moins une charge extrêmement onéreuse.
Veut-on quelques exemples de ce qui arrive parfois? l'on verra que sur le traitement de fonctionnaires de certaines catégories déterminées, la retenue va à 11 et même à 15 p. c. (Interruption). Ce sont des cas exceptionnels; soit, mais ces cas se présentent et même plus fréquemment qu'on ne paraît le supposer.
J'ai énuméré les retenues qui grèvent les traitements, mais il y a aussi des retenues qui grèvent les pensions ; je parle au moins des pensions accordées depuis 1844. Cette retenue opérée au profit de la caisse des veuves, est fixée à 2 p. c. si la pension est de 2,000 fr. et au-dessus; ainsi sur ces pensions, si la proposition était adoptée, on ferait une retenue de 7 p. c. La retenue dont je viens de parler atteint les fonctionnaires mariés ou veufs avec enfants de moins de 18 ans, mais vous remarquerez que ce sont précisément ceux qui ont les besoins les plus étendus.
Quant aux militaires, que l'on veut également atteindre, les militaires ont aujourd'hui des traitements réduits. Depuis 1831 les traitements ont été réduits, pour les colonels de toute arme, de plus de mille francs, pour les lieutenants-colonels de toute arme, de près de 900 francs, pour les majors de 849 francs dans l'état-major, la cavalerie, l'artillerie, le génie ; de 450 francs, dans l'infanterie ; pour les capitaines de 1ère classe ; de 429 fr., dans l'état-major, la cavalerie, l'artillerie ; de 829 francs, dans le génie ; pour les capitaines de 2ème classe de 486 francs dans l'infanterie. Ces traitements ainsi réduits par rapport à ce qu'ils étaient en 1831, sont tous soumis à une retenue considérable que je ne puis estimer à moins de 5 1/2 p. c.
Ces traitements, messieurs, et pour les fonctionnaires civils et pour les fonctionnaires ecclésiastiques et pour les militaires, sont-ils trop élevés? Ces traitements suffisent-ils toujours en toutes circonstances, quelles que soient les charges de la famille, suffisent-ils à tous les besoins? On vous parle, messieurs, des circonstances exceptionnelles dans lesquelles nous nous trouvons, et qui seraient prétendument favorables aux fonctionnaires publics ; mais a-t-on faille compte des circonstances calamiteuses que nous avons traversées et la législature a-t-elle accordé quelque chose aux fonctionnaires publics pour adoucir les souffrances qu'ils avaient alors à supporter? Vous dirai-je, messieurs, que pendant la crise alimentaire de 1846 et 1847, la position des fonctionnaires était réellement malheureuse? Vous dirai-je (et pourquoi, messieurs, le tairais-je puisqu'en définitive c'est à l'honneur des fonctionnaires publics dont le pays n'a pas entendu les plaintes) vous dirai-je qu'à cette époque, une circulaire confidentielle émanée du département de la guerre a du autoriser la délivrance à prix coûtant du pain de munition aux officiers mariés, parce qu'il leur était impossible de faire face à leurs besoins et à ceux de leur famille? Vous dirai-je, qu'au moindre revers, bien des fonctionnaires sont dans l'impuissance de faire face à toutes leurs obligations, et qu'il leur faut ensuite et longtemps, beaucoup de patience, beaucoup d'ordre, beaucoup d'économie pour rétablir l'équilibre dans leur budget? Vous dirai-je que sous le coup d'événements malheureux, des calamités des années précédentes, il est un certain nombre de fonctionnaires qui se trouvent dans une position gênée? Vous dirai-je le chiffre des créances connues au département de la guerre à charge de fonctionnaires? Certes, messieurs, si vous pouviez entrer dans les détails de la vie des fonctionnaires, vous verriez si, les uns ayant des enfants, d'autres de vieux parents, il leur reste quelque chose à la fin de l'année avec le traitement que vous leur allouez; vous verriez ce qu'il leur faut de peines et de soins pour élever convenablement leur famille et vous trouveriez, j'en suis sûr, plus d'une position qui n'est pas à envier.
Les fonctionnaires ne reçoivent donc rien, messieurs, dans les années calamiteuses; vous ne leur allouez point de supplément, point d'indemnité. Ils n'ont point, d'ailleurs, comme les autres hommes, la chance de faire fortune, comme le négociant, l'industriel, le médecin, l'avocat; pour eux, c'est toujours, c'est à toutes les époques exactement le même sort. Oh ! ils ont, je le reconnais, ils ont une chose favorable et désirable entre toutes, ils sont en sécurité ! ils savent que journellement ils recevront la rémunération de leur travail. Ils sont en sécurité ! Ils savent que lorsque l'âge viendra paralyser leurs forces, ils auront une pension équitablement accordée par l'État.
Je demande donc, messieurs, que la proposition de l'honorable M. Delfosse soit écartée. Nous avons fait, quant à nous, une autre proposition, qui nous a paru commandée par les circonstances, que nous aurions voulu éviter, mais qui est formulée du moins dans les termes d'une juste modération. Nous proposons une retenue de 1 p. c, dont le produit va servir d'allégement au fonds des pensions, c'est-à-dire qu'ici, si nous retenons quelque chose aux fonctionnaires publics, nous leur donnons aussi quelque chose en retour; nous consolidons, nous consacrons leurs droits à la pension.
- Plusieurs membres. - A demain.
- D'autres membres . - Continuons.
- La chambre, consultée, décide que la séance continue.
- Des membres. - La clôture !
(page 301) M. Delfosse. - Messieurs, quel que soit le résultat de la discussion, elle aura produit un effet, dont M. le ministre des finances pourra s'applaudir, elle lui aura concilié l'appui des fonctionnaires publics. M. le ministre des finances vient de les défendre avec une chaleur telle qu'elle lui fera pardonner les mesures de réforme qu’il a dû prendre contre eux ; M. le ministre des finances, ayant plus besoin que moi de leur concours, a compris le parti qu'il pouvait tirer de ma proposition; je ne l'en blâme pas.
M. le ministre des finances vous a dit, messieurs, que je n'avais pas répondu immédiatement aux idées qu'il a émises, l'autre jour, sur la situation, d'après lui prospère, du pays. M. le ministre des finances devrait savoir pourquoi je ne lui ai pas répondu alors ; si je ne l'ai pas fait, c'est que M. le ministre des finances lui-même avait laissé clore la discussion générale sans me répondre.
J'avais exposé dans la discussion générale cette opinion, que la situation de la Belgique, relativement bonne, comparée à celle d'autres pays, était cependant au fond peu satisfaisante. Eh bien, M. le ministre des finances, qui m'a en quelque sorte reproché d'être resté silencieux après son discours, est resté silencieux après le mien; ce n'est qu'après la clôture de la discussion générale que M. le ministre des finances, parlant sur l'article mines, est venu, incidemment, répondre à mes observations. Il ne me convenait pas de prendre la parole sur l'article mines; je n'ai pas l'habitude de reproduire, à l'occasion d'un article, des observations qui sont de nature à n'être présentées que dans la discussion générale. (Interruption, de M. le ministre des finances.)
J'ai prouvé tantôt qu'il résulte de divers faits que la situation n'est guère aussi bonne que vous l'aviez dit ; vous ne vous êtes pas borné à dire que la situation était bonne comparativement à celle d'autres pays, c'est ce que j'avais reconnu moi-même ; vous avez soutenu q e la situation de la Belgique est actuellement plus satisfaisante qu'elle ne l'a été pendant les 18 dernières années. Voilà ce qui a soulevé de justes réclamations.
M. le ministre des finances vient de reconnaître qu'il n'a pas les éléments nécessaires pour apprécier la situation. Je l'avais moi appréciée, d'après la notoriété publique. Il est de notoriété publique que les événements de février ont fortement aggravé notre situation au point de vue des intérêts matériels; pour contredire cette vérité, il aurait fallu des documents; M. le ministre des finances reconnaît qu'il n'en a pas; il les produira, dit-il, au 31 décembre; je les attends, mais jusque-là je maintiens que le pays est dans un état de malaise qui exige des mesures exceptionnelles.
M. le ministre des financés repousse la mesure que je propose, parce qu'elle tend, selon lui, à accréditer la pensée que les fonctionnaires publics dévorent le budget, que les gros traitements dévorent les budgets.
M. le ministre des finances se donne beau jeu pour répondre à ses contradicteurs ; il dénature leurs paroles, il grossit outre mesure leurs idées, ensuite il répond à ce qui n'est que l'œuvre de son imagination.
Je n'ai jamais dit que les fonctionnaires publics, que les gros traitements dévorent le budget; pas d'exagération, s'il vous plaît, je n'ai rien dit de semblable; j'ai dit que la situation des fonctionnaires publics, comparée à celle des autres classes de la société, est relativement bonne, et qu’on peut, à raison des circonstances, leur imposer un sacrifice momentané.
M. le ministre des finances considère ce sacrifice comme un acte de violence, comme un acte injuste, inique. « De quel droit, dit-il, réduiriez-vous le prix du service des fonctionnaires publics ? »
De quel droit? Du droit dont le congrès national a usé lorsque, se fondant sur des circonstances fâcheuses, il a réduit les traitements des fonctionnaires publics. Diriez-vous que le congrès national a commis un acte d'iniquité ? Vous ne l'oseriez.
Mais vous-même ne venez-vous pas nous proposer une retenue sur le traitement des fonctionnaires publics? C'est pour le fonds des pensions, dites-vous. Mais les pensions étaient accordées, par la loi, sans cette condition que vous voulez y mettre. C'est donc une aggravation et une aggravation permanente que vous proposez. Si l'aggravation temporaire que je demande est inique, l’aggravation permanente dont vous voulez frapper les fonctionnaires l'est à plus forte raison. Mais, rassurez-vous, votre proposition n'est pas inique, et la mienne non plus; je ne proposerai jamais rien d'inique, et je suis surpris que M. le ministre des finances, dont je n'ai fait que suivre l'exemple, vienne m'accuser d'injustice et d'iniquité.
J'ai invoqué, à l'appui de ma proposition, ce fait que l'on opère de fortes retenues sur te* traitements des fonctionnaires publics en France, en Autriche, en Angleterre. Qu'a répondu M. le ministre des finances? Que les' traitements, en France par exemple, sont plus élevés qu'en Belgique. Il est vrai qu'en France, il est quelques traitements d'un chiffre plus élevé; mais, en général, les traitements n'y sont pas plus forts qu'en Belgique. Si je compare les traitements de l'ordre judiciaire dans les deux pays, je trouve que les traitements de nos magistrats sont plus élevés que ceux des magistrats français ; en 1845, nous avons considérablement augmente les traitements de la magistrature, taudis qu'en France ils sont restés les mêmes.
M. le ministre des finances dit : Savez-vous quel est le nombre de ces gros traitements qui dévorent le budget ?
Je ne suis pas tombé, je le répète, et je ne tomberai jamais dans ces exagérations....
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai pas dit que vous eussiez prononcé de semblables paroles.
M. Delfosse. - Vous avez dit, en me répondant, que la proposition de M. Delfosse tend à accréditer cette idée, que les gros traitements dévorent le budget. Je n'ai jamais cherché à accréditer cette idée. J'ai dît, au contraire, qu'il faut bien rétribuer les fonctionnaires publics, et en réduire le nombre, j'ai dit qu'ils doivent être rétribués en raison de leur travail.
Mais en attendant que vous puissiez introduire ce changement de système dans l'administration, il convient, les circonstances l'exigent, d'imposer aux fonctionnaires publics un léger sacrifice. Si le nombre des gros traitements, des traitements au-dessus de 2,000 francs est peu élevé, relativement aux traitements inférieurs, tant mieux. Il y aura moins de fonctionnaires frappés par la mesure que je propose.
M. le ministre des finances croit que cette mesure ne donnerait que 520,000 fr. Pour établir le chiffre de 600,000 fr., je me suis appuyé sur les documents fournis dans le temps à la section centrale qui a été chargée d’examiner la loi d'emprunt. D'après ce document, le total des traitements et pensions au-dessus de 2,000 fr., serait d'environ 12 millions.
Les traitements des capitaines et des grades supérieurs à celui de capitaine, s'élèveraient à 4 millions et demi à peu près; la retenue pour l'année entière serait donc de 825,000 fr. S'il y a quelque exagération en plus dans l'évaluation de 600,000, il y a exagération en moins dans les chiffres de M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances a rappelé qu'au mois de mars dernier, j'ai appuyé une proposition de l'honorable M. Lys, qui tendait à frapper les fonctionnaires publics d'une retenue, non à titre d'emprunt, mais à titre d'impôt. M. le ministre a ajouté d'un ton triomphant : La proposition a été rejetée, et M. Lys a été éloigné de la chambre.
Je regrette que M. le ministre des finances ait fait intervenir ici le nom de l'honorable M. Lys. M. le ministre sait aussi bien que moi que si l'honorable M. Lys a été éliminé de la chambre, c'est pour de tout autres raisons que pour les votes d'économie qu'il a pu émettre dans cette enceinte. La preuve que ces votes n'ont pas été un titre d’exclusion, c'est que je fais encore partie de la chambre ; c'est que d'honorables collègues, qui ont toujours soutenu comme moi la cause des économies n'ont pas cessé non plus n'y siéger tandis que beaucoup d'autres collègues, partisans des grandes dépenses, s'en sont vus éliminés.
J'ai appuyé, au mois de mars, la même proposition. Cela ne prouve qu'une chose, c'est que je suis conséquent, c'est que j'ai des convictions persévérantes. La chambre alors n'a pas été de mon avis; j'ai été en minorité; mais aujourd'hui ce n'est plus la même chambre; c'est une chambre nouvelle ; et peu importe, car si vous rejetiez ma proposition, je la reproduirais probablement l'année prochaine, si les circonstances étaient encore les mêmes Quand j'ai une conviction, je ne l'abandonne pas facilement. J'ai voté, moi troisième, contre la loi de l'instruction primaire. Ne dois-je pas m'en applaudir?
Mais, dit M. le ministre des finances, pourquoi M. Delfosse n'est-il pas satisfait? Il demandait que le gouvernement entrât largement dans la voie des économies, c'est en attendant qu'il appuyait la proposition de M. Lys.
Le gouvernement, je le reconnais, est entré dans la voie des économies, mais il n'a pas été aussi loin que je l'eusse désiré. Je reconnais que les intentions sont loyales, que le gouvernement a fait ce qu'il a cru pouvoir faire sans désorganiser les services; mais je suis convaincu qu'il aurait pu aller plus loin sans rien désorganiser. Je me suis d'ailleurs rallié au sous-amendement de l'honorable Ml. Lelièvre, qui tient compte des réductions opérées par le gouvernement.
M. le ministre des finances m'a objecté les retenues qui sont opérées au profil de la caisse des veuves : elles s'élèvent au maximum à 3 p. c. M. le ministre a parlé en outre de retenues s'élevant jusqu'à 12 p. c. pour certains fonctionnaires. Ce sont là, messieurs, des cas extrêmement rares dont on ne doit pas tenir compte dans la confection des lois. Il y a aussi certaines pensions assujetties à une retenue de 2 p. c. mais c'est justement à cause de ces retenues, je ne parle pas des cas exceptionnels, que je n'ai pas porté la retenue temporaire au-delà de 5 p. c.
M. le ministre a encore invoque les circonstances calamiteuses que nous avons traversées , en 1846 et en 1847. Mais toutes les classes de la société en ont souffert; et il y a, outre cela, les circonstances calamiteuses provenant de la crise tic février qui ont affecté la plupart des revenus et laissé intacts ceux des fonctionnaires. Un mot maintenant, messieurs, sur les officiers. Les traitements de certaines catégories d'officiers ont été, nous a-t-on dit, diminués en 1830 ; mais d'autres traitements ont été augmentés et de ce nombre sont, si je ne me trompe, des capitaines de première classe.
(page 302) M. le ministre de la guerre (M. Chazal). - Ils ont été réduits, et en les réduisant on a dit que c'était momentanément, à raison des circonstances, qu'on leur faisait une retenue.
M. Delfosse. - Le congrès les a exemptés de la retenue dont il frappait les fonctionnaires civils. La guerre était alors imminente ; ceux qui trouvent que leurs traitements ne sont pas assez élevés en temps de paix, rejetteront cette partie de ma proposition.
Que l'on remarque bien que je propose la retenue pour tous les fonctionnaires civils, à partir de 2,000 francs, tandis que pour les officiers, je ne la propose qu'à partir du grade de capitaine, dont le traitement est d'environ 3,000 francs.
Je ne frappe en aucune manière ces malheureux sur le sort desquels M. le ministre des finances cherchait tantôt à vous apitoyer. Ces fonctionnaires, dit-on, n'ont pas la chance de faire fortune comme les médecins, comme les industriels et les avocats. Mais pour un avocat, pour un médecin, pour un industriel qui fait fortune, M. le ministre des finances en sait quelque chose, que d'avocats, que de médecins ne font rien, que d'industriels se ruinent!
J'aurais encore, messieurs, bien des considérations à présenter, mais la chambre paraît impatiente de voter le budget; je termine donc. Je persiste à croire que ma proposition est légitimée par les circonstances, et que la chambre fera une chose juste, une chose utile en l'adoptant.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - M. Delfosse s'étant rallié au sous-amendement de M. Lelièvre, il n'y a qu'une proposition à mettre aux voix.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal !
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je viens d'entendre pour la seconde fois la lecture de l'amendement de M. Lelièvre. On excepte les traitements réduits par suite d'une disposition spéciale prise dans le cours de la session. Entend-on par là les réductions qu'ont subies les traitements qui ne sont pas fixés par la loi et pour lesquels il y a des allocations globales au budget ?
M. Lelièvre. - C'est dans ce sens que j'ai rédigé ma proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Il faut savoir ce qu'on va voter, ce qu'on veut voler. Des traitements sont réduits par une loi, ceux de la cour des comptes, ceux-là échapperaient à la retenue bien qu'on doive les supposer suffisants ; d'autres traitements ont été réduits par voie administrative, ceux-là seront-ils soumis à la retenue ?
- Plusieurs voix. - Oui ! Oui.
- D'autres voix. - Non ! non.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - J'entends oui et non, il faut s'expliquer.
La chambre ne perdra pas de vue qu'en fait de retenue, le gouvernement en propose une nouvelle de 1 p. c.
M. le président. - Il y a trois parties dans la proposition.
- Plusieurs voix. - La division.
M. Delfosse. - Je demande la division. Il y a trois catégories de fonctionnaires passibles de la retenue; il y a d'abord les fonctionnaires civils; il y a ensuite les pensionnés, et enfin les officiers en activité de service à partir du grade de capitaine. On pourrait être de l'avis de l'auteur de la proposition pour une de ces catégories et non pour les autres.
M. Orts. - Il me semble que tout inconvénient pourrait être évité et qu'en même temps la chambre ménagerait son temps, en adoptant la marche que voici.
En réalité, les exceptions au principe que veut admettre l'honorable M. Delfosse ne doivent être discutées qu'après que la chambre se sera décidée sur la question de principe même : Y aura-t-il une retenue sur les traitements?
Qu'on vote d'abord sur cette question de principe, et toutes les difficultés seront levées. (Adhésion.)
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je désire que la question de principe soit posée telle qu'elle résulte de la proposition de l'honorable M. Delfosse : « Y aura-t-il une retenue de 5 p. c. ? »
M. le président. - Ainsi, la question que je mets aux voix est celle-ci :
« Y aura-t-il une retenue de 5 p.]c. ? »
Cette question est mise aux voix par appel nominal.
90 membres répondent à l'appel.
58 répondent non.
32 répondent oui.
1 (M. Toussaint) s'abstient.
En conséquence, la question est résolue négativement.
On répondu non : MM. A. Vandenpeereboom, E. Vandenpeereboom, Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem , Verhaegen , Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Anspach, Cans, Cools, Coomans, Dautrebande, H. de Baillet, de Baillet-Latour, de Breyne, Dechamps, Dedecker, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Pouhon, de Renesse, Desoer, Destriveaux, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Faignart, Frère-Orban, Le Hon, Lesoinne, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Orts, Osy, Peers, Prévinaire. Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Van den Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth.
Ont répondu oui : MM. Van Renynghe, Ansiau, Boedt, Boulez, Christiaens, Clep, Cumont. David, de Bocarmé, Debourdeaud'huy; de Haerne, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Luesemans, Dumont, Dumortier, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Lelièvre, Liefmans, Moxhon, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Sinave, Tesch, Tremouroux.
Le membre qui s'est abstenu est invité à faire connaître le motif de son abstention.
M. Toussaint. — Je me suis abstenu, parce que, voulant une retenue, je ne la voulais pas de 5 p. c, je ne la voulais pas comme une mesure, en quelque sorte, révolutionnaire et sans affectation spéciale. Je voulais une retenue pour alléger la charge des pensions, et je dépose à cet égard une proposition formelle.
M. le président. - Voici un nouvel amendement présenté par M. Toussaint :
« D'après les statuts organiques des caisses des veuves et orphelins, les fonctionnaires en grande majorité subissent une retenue de 2 1/2 p. c. au profit de la caisse spéciale des veuves et orphelins. Avant la loi de 1844, les fonctionnaires des finances subissaient une retenue de 5 p. c. du chef de leur propre pension et du chef de la pension de leur veuve.
« A l'exclusion de la proposition de M. Delfosse, j'ai l'honneur de proposer à la chambre de porter à 2 1 /2 p. c. la retenue proposée de 1 et de 2 p. c. sur les traitements pour former et en quelque sorte rendra sacrée la pension des titulaires eux-mêmes.
« La rubrique porterait par une légère variante avec le texte du budget :
« Produit d'une retenue de 2 1/2 p. c. sur les traitements et remises devant donner lieu à une pension civile ou ecclésiastique, 600,000 fr.
« Dans le cas où la chambre n'adopterait pas l'amendement, je la prierais de ne voter la somme de 240,000 francs portée au budget que sous réserve du sort de la loi nouvelle sur les pensions, dont la chambre est saisie. »
M. Pierre. - Je demande la parole.
M. Rousselle. - Je la demande pour une motion d'ordre.
M. Pierre. - C'est aussi pour une motion d'ordre que je la demande.
L'amendement proposé par M. Toussaint soulève, messieurs, une question de principe toute autre que celle qui vient de nous être soumise.
M. le président. - Cet amendement n'est pas en discussion. Jusqu'à présent il n' a pas été appuyé.
M. Pierre. - Je veux engager M. Toussaint à le retirer.
M. le président. - M. Rousselle a demandé la parole pour une motion d'ordre.
M. Rousselle. - Du moment que l'amendement n'est pas appuyé je n'ai rien à dire.
M. le président. - L'amendement de M. Toussaint est-il appuyé?
- L'amendement est appuyé par cinq membres.
M. Osy. - Je demande l'impression de l'amendement et la remise de la discussion à demain à 11 heures.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande s'il y a encore, quelques articles qui puissent donner lieu à discussion
M. le président. - C'est le dernier.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - En ce cas, je supplie la chambre, après une aussi longue discussion, de consacrer encore cinq minutes au vote du budget.
M. Toussaint. - Je retire mon amendement pour le représenter lors de la discussion de la loi spéciale sur les pensions.
M. le président. - Il reste à voter sur l'article :
« Produit de la retenue de 1 p. c. sur les traitements et remises : fr. 240,000. »
- Cet article est adopté.
La chambre passe à la discussion du budget des recettes pour ordre»
« Cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor public de Belgique, par des comptables de l'Etat, par des receveurs communaux, des receveurs de bureaux de bienfaisance, des préposés aux bureaux de station de l'administration du chemin de fer, etc., pour garantie de leur gestion, et cautionnements fournis par des contribuables, pour garantie du payement de droits en matière de douanes, d'accises, etc. : fr. 1,200,000. »
- Adopté.
« Caisse des veuves des fonctionnaires civils : fr. 1,000,000. »
- Adopté.
« Caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée : fr. 160,000. »
- Adopté.
« Caisse des pensions et de prévoyance des instituteurs primaires : fr. 150,000. »
- Adopté.
(page 303) « Masse d'habillement et d'équipement de la douane : fr. 250,000. »
- Adopté.
« Subsides offerts pour construction de routes : fr. 300,000. »
- Adopté.
« Parts des communes dans les frais de confection des atlas des chemins vicinaux : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Répartition du produit d'amendes, saisies et confiscations en matière de contributions directes, douanes et accises : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Frais d'expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000. »
- Adopté.
« Droits de magasin des entrepôts au profit des communes : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Recouvrements d'impôts au profit des provinces : fr. 2,680,000. »
- Adopté.
« Recouvrement d’impôts au profit des communes : fr. 2,320,000. »
- Adopté.
« Taxe provinciale sur les chiens : fr. 260,000. »
- Adopté.
« Amendes diverses et autres recettes soumises aux frais de régie : fr. 120,000. »
- Adopté.
« Amendes de consignation et autres recettes non assujetties aux frais de régie, 1,000,000
- Adopté.
« Recouvrements de revenus pour compte de provinces, déduction faite des frais de régie : fr. 470,000. »
- Adopté.
« Consignations de toute nature : fr. 1,500,000. »
- Adopté.
M. le président. - Nous passons aux articles du projet de loi.
« Art. 1er. Les impôts directs et indirects, existants au 31 décembre 1848, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profit de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, seront recouvrés, pendant l'année 1849, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assiette et la perception.
« Le principal de la contribution foncière est réparti entre les provinces, pour l'année 1849, conformément à la loi du 9 mars 1848. »
- Adopté.
« Art. 2. A partir du 1er janvier 1849, le quart des salaires alloués aux conservateurs des hypothèques, par le décret du 21 septembre 1810, pour les transcriptions d'actes de mutations, sera porté en recette pour le compte du trésor.
- Adopté.
« Art. 3. D'après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l'Etat, pour l'exercice 1849, est évalué à la somme de cent quinze millions huit cent quatre-vingt-dix-sept mille et vingt fr. (fr. 115,897,020); les recettes spéciales, provenant de ventes de bien domaniaux, autorisées en vertu de la loi du 3 février 1843, à la somme de neuf cent mille francs (fr. 900,000), et les recettes pour ordre à celle de onze millions six cent vingt mille francs (fr. 11,620,000). »
- Adopté.
« Art. 4. La vérification de la capacité des navires et bateaux assujettis au droit de patente, attribuée exclusivement au contrôleur des jaugeurs par l'article 28 de la loi du 19 novembre 1842, pourra, à partir du 1er janvier 1849, être confiée à d'autres agents, qui seront désignés par le gouvernement. »
- Adopté.
« Art. 5. Pour faciliter le service du trésor, pendant le même exercice, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l'Etat, mettre en circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de la somme de dix millions de francs. »
- Adopté.
« Art. 6. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1849. »
- Adopté.
La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif.
Les amendements adoptés au premier vote sont successivement remis aux voix et définitivement adoptés.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, il s'est glissé dans le projet une erreur matérielle à l'article Postes. On a imprimé : « Droit de cinq pour cent sur les articles d'argent. » Il faut effacer les mots : de cinq pour cent, et dire uniquement : « Droit sur les articles d'argent. Le droit n'est plus de cinq pour cent. »
- Cette rectification est adoptée.
Ont voté l'adoption : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Verhaegen, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boulez, Cans, Christiaens, Cools, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe) , de Bocarmé, Debourdeaud'huy , de Breyne , de Brouckere (Henri) , Dedecker, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, Deliége, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Pitteurs, de Renesse, Desoer, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Jacques, Jouret, Jullien, Lange, Le Hon, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Sinave, Tesch, Thibaut, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux et Vanden Berghe de Binckum.
M. David a voté le rejet.
- La séance est levée à 5 heures 1/2.