(Annales parlementaires de Belgique, chambre des représentants, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 175) M. Dubus procède à l'appel nominal à une heure un quart.
- La séance est ouverte.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.
M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le conseil communal d'Oostroosebeke demande que la résidence du commissaire des arrondissements réunisse Thielt et de Roulers soit maintenue à Thielt. »
« Même demande du conseil communal de Wacken. »
- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
« Le sieur Brohé, ancien militaire, prie la chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Blaude prie la chambre de statuer sur sa demande, tendant à obtenir un emploi de garde-convoi dans l'administration des chemins de fer. »
- Même renvoi.
« La députation permanente du conseil provincial du Brabant demande que les électeurs des cantons de Wavre, Jodoigne et Perwez puissent se réunir à Wavre pour la nomination des membres des chambres législatives. »
- Même renvoi.
« Le sieur Frère, voiturier et fermier de barrières à Corbais, prie la chambre de modifier les dispositions relatives aux ponts à bascule et demande que le poids des bascules soit le même pendant toute l'année. »
- Même renvoi.
« Le conseil communal de Gerdingen présente des observations contre un projet de partage de biens communaux entre les communes de Reppel, Gerdingen, Beeck et Brée et demande que ce partage, s'il était décrété, soit précédé du payement d'une indemnité à payer à la commune de Gerdingen par celle de Brée. »
- Même renvoi.
Il est fait hommage à la chambre:
1° par MM. Coomans, ainé, représentant, et Mathyssens, de 108 exemplaires d'une brochure intitulée : « Etudes sur les questions d'intérêt matériel à l'ordre du jour. »
2° Par M. le Hardy de Beaulieu, de 110 exemplaires d'une brochure intitulée : « Aperçu historique de la dette belge. »
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Première section
Président : M. Delehaye
Vice-président : M. de Brouwer de Hogendorp
Secrétaire : M. David
Rapporteur de pétitions : M. Toussaint
Deuxième section
Président : M. Osy
Vice-président : M. de Renesse
Secrétaire : M. Vandenpeereboom (E.)
Rapporteur de pétitions : M. Vanden Brande de Reeth
Troisième section
Président : M. Dolez
Vice-président : M. Tesch
Secrétaire : M. Thibaut
Rapporteur de pétitions : M. Van Grootven
Quatrième section
Président : M. Destriveaux
Vice-président : M. Tremouroux
Secrétaire : M. Pierre
Rapporteur de pétitions : M. Vanden Berghe de Binckum
Cinquième section
Président : M. Le Hon
Vice-président : M. Lelièvre
Secrétaire : M. T’Kint de Naeyer
Rapporteur de pétitions : M. Deliége
Sixième section
Président : M. Rousselle
Vice-président : M. Moreau
Secrétaire : M. Van Iseghem
Rapporteur de pétitions : M. Mascart
M. le président. - M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre les tableaux de l'emploi des fonds alloués pour l'instruction primaire en 1847.
Ces tableaux, au nombre de 8, forment des annexes au budget de l'intérieur ; ils seront imprimés et distribués.
M. Van Iseghem dépose un rapport de la commission spéciale qui a examiné le projet de loi tendant à proroger la loi sur le transit. Il annonce que la commission propose de réduire à 6 mois le terme d'un an qui se trouve dans le projet du gouvernement.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et décide qu'elle le discutera à la suite des objets à l'ordre du jour.
M. le président. - Nous en sommes restés hier à l'article 18 (chapitre II) relatif à la légation de Turquie. Vous avez rejeté hier l'amendement de M. Osy, qui tendait à la suppression de cet article.
Il vous reste à vous prononcer sur ce chiffre. Le gouvernement propose 30,000 fr; la section centrale, 27,000 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je crois, M. le président, qu'il conviendrait de reprendre l'ordre établi dans le budget. La chambre avait décidé qu'elle statuerait d'abord sur l'amendement de M. Osy, c'est-à-dire sur la suppression de la légation de Turquie, parce que l'honorable M. Osy combinait cette suppression avec l'augmentation d'autres chiffres du budget.
Cet amendement ayant été rejeté, il me semble qu'il y a lieu maintenant de commencer par l'article relatif aux missions d'Allemagne.
- La chambre décide qu'elle suivra l'ordre indiqué par M. le ministre des affaires étrangères.
M. le président. - La section centrale propose de réunir les articles 8, 9 et 14 en un seul. Ces articles sont relatifs à l'Autriche, à la Confédération germanique et à la Prusse. Le nouvel article serait libellé : « Missions d'Allemagne », et porterait, suivant la section centrale, le chiffre de 75,000 fr. Le gouvernement se rallie à la réunion des trois articles en un seul, mais il insiste pour le maintien de son chiffre, qui est de 91,000 fr.
M. Dumortier. - Messieurs, le système de la section centrale consiste à réunir les trois postes diplomatiques d'Allemagne en un seul chiffre, de manière qu'au lieu de trois ministres plénipotentiaires, nous n'aurions à l'avenir en Allemagne qu'un seul ministre plénipotentiaire à Francfort ou ailleurs, au choix du gouvernement, et deux chargés d'affaires dans les deux autres postes diplomatiques.
Cette disposition repose sur cette pensée, que le parlement de Francfort va centraliser toute l'Allemagne, et que dès lors un seul ministre plénipotentiaire belge suffira. A la vérité, si toutes les puissances de l'Allemagne consentaient à s'anéantir, au point de ne plus avoir d'ambassadeurs, de corps diplomatique, comme la chose est provisoirement décidée à Francfort, je concevrais parfaitement l'inutilité de l'envoi, de notre côté, d'agents diplomatiques dans les cours qui n'en enverraient plus chez nous. Mais veuillez remarquer que cela est fortement en question, et que jusqu'ici rien ne prouve que les grandes puissances d'Allemagne cesseront d'être représentées elles-mêmes et directement par un corps diplomatique ; rien ne nous prouve que l'unité allemande, qui est dans la pensée d'un très grand nombre d'habitants de ce pays, sera réalisée, au point que la Belgique n'ait plus besoin d'agents près des cabinets de Vienne et de Berlin, ou près de l'un d'eux.
Le maintien d'un seul ministre plénipotentiaire repose donc sur la pensée de l'unité germanique.
Ici, je me demande : Cette unité germanique est-elle donc tellement dans l'intérêt de la Belgique que nous devions la désirer et émettre par anticipation un vote qui semblerait y donner une tacite approbation?
Au point de vue politique, c'est une question fort controversable; vous conviendrez avec moi que nous n'avons pas intérêt à admettre tout d'abord un système qui pourrait plus tard être jugé peu favorable aux intérêts de la Belgique.
Nous sommes au commencement d'une grande crise politique. Il est impossible de prévoir quelle en sera l'issue. Ce qui est certain, c'est que cette crise durera pendant plusieurs années. Dans la péripétie des événements qui se préparent, n'est-il donc pas possible que la Belgique ait besoin de recourir à ces puissances près desquelles nous n'aurions plus de ministre plénipotentiaire accrédité ?
Nul de vous ne saurait le dire, et pour mon compte je regarde comme excessivement dangereuse la suppression des ministres plénipotentiaires près des cours d'Allemagne auxquelles nous ne savons pas si nous aurons oui ou non besoin de recourir. Personne ne peut lire dans les événements ; il faut donc conserver toutes les chances de négociations dans l'intérêt de notre nationalité, pour laquelle nous avons fait tant de sacrifices et que nous voulons tous maintenir.
Prenons garde de toucher à des questions d'une aussi haute importance. Je pense que M. le ministre des affaires étrangères a été aussi loin que nous pouvions désirer quand nous demandions des économies.
Nous avons, au mois de juillet dernier, demandé de larges économies et nous n'avons été en cela que l'expression du vœu de nos mandants. Si le gouvernement s'exécute d'une manière tellement large que, si nous avions eu le budget à faire, il nous eût été difficile d'aller aussi loin, il faut être juste et ne pas porter les exigences plus loin. Je n'entends pas prendre d'engagement à l'égard des autres budgets; mais quand je vois (page 176) dans celui-ci, sur les traitements diplomatiques, une réduction de 250,000 francs, je dis que c'est là une réduction très importante et , que nous devons savoir gré au gouvernement d'être venu la proposer.
Cette réduction, justifiée par l'opinion publique, n'entravera pas les services pendant cette année, car aujourd'hui, comme on vous l'a dit, il n'y a plus de cours ou du moins il n'y a plus que des cours qui ne représentent pas. Hier, c'était le jour des salons, maintenant les agents diplomatiques devront se mettre en rapport avec les députés des diverses puissances constitutionnelles; leurs dépenses seront diminuées. Nous devons admettre les allocations proposées ; je verrais avec peine la suppression des légations d'Allemagne dans les circonstances actuelles.
Ne perdez pas de vue que, depuis plusieurs années, nous avons demandé des réductions sur les traitements du corps diplomatique, sans pouvoir les obtenir; la grande réponse qu'on opposait était que le jour peut venir où l'Europe soit dans une telle situation que vous ayez besoin d'un corps diplomatique fortement constitué. Ce jour est arrivé; est-ce, je vous le demande le moment de demander la suppression de deux plénipotentiaires en Allemagne? Je suis partisan des économies, mais non de la désorganisation; et la suppression qu'on propose serait la désorganisation d'une des branches les plus importantes de l'administration du pays.
M. de Luesemans, rapporteur. - J'ai demandé la parole quand l'honorable M. Dumortier a fait observer que le ministère était entre dans une voie d'économie très large, pour faire remarquer que nous reconnaissions que nous avions toujours reconnu que le ministère était entré dans une voie d'économie très large ; si nous avons cru devoir ajouter quelques réductions, c'est que nous avons pensé qu'elles étaient possibles sans amener de désorganisation. Le rapporteur reçoit le mandat de défendre les opinions formées dans la majorité de la section centrale; c'est encore pour le remplir que j'ai pris la parole. L'année dernière, plusieurs membres qui font encore partie de la chambre ont déclaré qu'ils votaient pour la dernière fois le budget des affaires étrangères , à cause de quelques articles qui s'y trouvaient.
L'honorable M. Osy, entre autres, disait dans cette enceinte :
« Il y a quelques années, nous n'avions que des chargés d'affaires à Vienne et à Constantinople; les titulaires ont sollicité et obtenu des grades plus élevés ; eh bien, au lieu de voter 18,000 à 20,000 fr. pour ces légations, vous en avez voté 40,000.
« Je prie M. le ministre de prendre l’engagement, quand il y aura des vacatures ou des mutations dans les légations, de revenir aux grades et aux traitements primitifs. Nous n'avons pas beaucoup d'affaires à Vienne et à Constantinople; dans cette dernière résidence, un bon consul est plus utile qu'un ministre plénipotentiaire, d'autant plus que notre légation est presque toujours en guerre avec le divan. »
Devant une déclaration faite par un homme aussi bien posé dans le commerce, il était permis, je le répète, de croire que le moment d'opérer une économie sur les légations de Vienne, de Berlin et de Francfort était enfin venu.
La section centrale était encore mue par le souvenir de la discussion qui s'est établie au sénat sur le même objet. Là, la discussion a été beaucoup plus vive encore.
Je pourrais citer plusieurs honorables orateurs qui réclamaient les uns après les autres, les uns des chargés d'affaires partout, les autres le remplacement de plusieurs ministres plénipotentiaires, notamment celui de Vienne, par des chargés d'affaires.
L'honorable M. Dumortier a commencé le discours que vous venez d'entendre par supposer à la section centrale l'intention de reconnaître, dès à présent, l'existence de l'unité germanique. Je ferai remarquer à l'honorable membre ce que M. de Brouckere, l'honorable président de la section centrale, a déjà fait remarquer à la chambre; c'est que la section centrale ne s'est pas préoccupée le moins du monde de la consolidation de l'unité germanique. Cet événement appartient à l'avenir; et il ne nous appartient pas de prédire ce que l'avenir nous réserve.
La meilleure preuve que la section centrale, pas plus que le gouvernement, n'a cru que l'unité germanique fût un fait acquis, c'est que nous avons conservé trois agents diplomatiques, alors qu'il n'en faudrait qu'un, si l'unité allemande était définitivement fixée. Sauf les chiffres, nous sommes parfaitement d'accord avec le ministère , et certes on n'accusera pas le ministère d'avoir politiquement, dès à présent, reconnu l'existence de l'unité germanique. La section centrale ne l'a pas reconnue davantage. Si elle a cru que parmi les trois résidences, il y en a une, sur laquelle elle ne s'est pas prononcée, mais que chacun de nous devine, qui, dans les circonstances actuelles, n'a plus la même importance politique et commerciale que les deux autres, la section centrale a cru qu'elle devait faire un sacrifice au besoin d'économies (je dois le répéter; car ce besoin n'a pas cessé d'exister), elle a cru que le ministère à qui on laissait d'ailleurs une marge assez grande, puisqu'il pouvait accréditer deux ministres plénipotentiaires et un chargé d'affaires, aurait pu se contenter du chiffre que lui alloue la section centrale.
Nous avons donc cru qu'il fallait trois agents diplomatiques en Allemagne et non pas un. Nous ne devons pas entrer plus avant dans cette discussion. L'honorable M. de Brouckere vous l'a dit hier, elle ne présente pas un intérêt vivace pour le pays et pourrait présenter certains dangers.
M. le ministre des affaires étrangères a cru pouvoir supprimer à Vienne un secrétaire de légation, ce qui, d'après la définition donnée hier par l'honorable comte Le Hon, qui est certes expert dans la matière, équivaut à une réduction de l'envoyé au rôle de simple chargé d'affaires. Nous avons cru qu'il ne fallait pas déguiser l'acte que l'on posait, et qu'il fallait en venir à un système réel.
Voilà, messieurs, quelle a été la pensée de la section centrale. Je crois que je l'ai fidèlement interprétée.
J'ai, messieurs, devant moi le tableau du mouvement commercial avec l'Autriche, qui se fait, comme on sait par les ports de Trieste et de Venise. Nous avons cru que ce mouvement n'était pas assez important pour conserver à Vienne un ministre plénipotentiaire, et que le ministère, au moyen d'un chiffre global dont il accepte d'ailleurs le principe, pouvait maintenir sur un pied convenable les trois légations, en assignant à chacun de ses agents la résidence qu'il croirait le mieux convenir aux intérêts de la Belgique.
M. Delehaye. - Messieurs, je ne puis admettre l'opinion, professée hier, que le budget dont nous nous occupons en ce moment doive avoir un caractère provisoire ou transitoire, qui se modifierait dans la suite au détriment du trésor; pour moi je ne lui donne ce caractère, qu'avec l'intention de réduire encore les chiffres portés au budget quand le gouvernement aurait eu le temps de modifier le système suivi, dans des vues d'économies plus larges.
Messieurs, mes honorables amis et moi avons depuis longtemps soutenu dans cette enceinte l'opinion que le rôle de la diplomatie belge devait consister principalement dans la conclusion de conventions industrielles ou commerciales, que sous le rapport politique, nous pouvions agir sagement à nous effacer.
La neutralité, comme j'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire, n'importe pas à la Belgique seule. Les puissances qui nous avoisinent sont aussi intéressées au maintien de notre neutralité que la Belgique elle-même.
Soyez bien convaincus que si vos agents ont la mission de défendre votre neutralité à l'étranger, les puissances étrangères vis-à-vis les unes des autres sont tout autant intéressées à ce qu'aucune atteinte n'y soit portée.
Partant de ce point de vue, je me demande ce que peuvent faire en Allemagne, à Vienne et à Francfort, des agents du premier rang. Selon moi, sous le rapport politique, les agents envoyés par la Belgique dans ces deux pays ne peuvent y jouer aucun rôle politique. En effet, de quelle utilité ont été pour vous les missions de Vienne et de Francfort ? Voilà bien des années que vous avez dans ces deux localités des agents du premier rang. Je demande aux partisans les plus dévoués de la diplomatie de quelle utilité ont été pour la Belgique soit notre envoyé à Vienne, soit notre envoyé à Francfort.
Un honorable membre nous a dit dans une séance précédente que le ministre actuellement à Francfort eût été tout aussi utile à la Belgique en qualité de chargé d'affaires qu'en qualité de ministre. Je partage cette opinion. J'ai la persuasion intime que votre ministre à Francfort, dont nous avons pu évaluer le mérite et l'intelligence, et personne de nous qui avons eu l'occasion de l'entendre développer ses vues sur la politique extérieure, ne le contesterait, serait aussi capable d'assurer le bonheur de la Belgique, en qualité d'agent d'affaires, qu'en sa qualité de ministre plénipotentiaire.
Je dis donc, messieurs, que, de quelque manière que vous envisagiez les missions de Francfort et de Vienne, un chargé d'affaires dans ces capitales nous sera tout aussi utile qu'un ministre. Dans mon opinion, nos agents à l'extérieur, sauf peut-être auprès de quelques grandes puissances, n'ont besoin d'autre caractère que de celui d'agents commerciaux. Sous le rapport commercial, je reconnais que des agents à l'étranger peuvent nous être de quelque utilité, mai 'jusqu'à présent vous n'avez fait aucune convention commerciale sans l'intervention d'agents spéciaux. Je sais bien, comme on nous l'a dit hier, que l'envoi de ces agents spéciaux présente certains inconvénients : d'abord, il en résulte souvent des froissements d'intérêts pour les agents accrédités d'une manière permanente. Il ne doit pas être agréable pour ces agents de recevoir tout à coup, à côté d'eux, des agents spéciaux; mais il n'en est pas moins vrai que c'est ainsi que les choses se sont toujours passées.
Il s'agit, messieurs, de satisfaire aux exigences du pays, c'est-à-dire de réaliser toutes les économies possibles. Je vous ai dit, il n'y a pas longtemps encore, que les économies se feraient avec vous si vous le vouliez et qu'elles se feraient sans vous si vous vous y opposiez. (Interruption.) L'honorable membre qui m'interrompt ne doit pas voir dans mes paroles une menace. Lui aussi a fait des prophéties, mais elles ne se sont jamais réalisées ; ce qui s'est réalisé, c'est le contraire de ce qu'il avait annoncé.
Ne croyez pas, messieurs, que le pays se contentera de quelques réductions. Ce que le pays veut, ce n'est pas un déplacement d'impôts, c'est une réduction d'impôts. Pourquoi le pays veut-il une réduction d'impôts? Parce qu'il est accablé sous le poids des charges publiques. C'est ce que le ministère a parfaitement compris : il a proposé des économies considérables, et s'il n'est pas allé plus loin, c'est que dans son opinion le moment n'est pas venu. Mais, messieurs, le ministère a fait étudier la question des octrois; eh bien, savez-vous ce que c'est que la question des octrois? C'est une question de grandes économies; il faudra nécessairement que les octrois disparaissent; mais comme les villes ont besoin de ressources, il faudra bien remplacer les octrois par d'autres impôts. Or quels sont ces impôts? C'est d'abord la contribution personnelle; c'est, en second lieu, l'impôt des patentes. (Interruption.)
(page 177) Comment voulez-vous, messieurs, satisfaire aux réclamations du pays qui demande de toutes parts des économies, si vous maintenez des dépenses, évidemment inutiles, des dépenses qu'il est complètement impossible de justifier?
Je n'en dirai pas davantage, messieurs, je voterai toutes les réductions proposées, à moins qu'on ne me prouve que ces réductions peuvent tendre à désorganiser les services. Or, ici le service ne peut souffrir en rien; au contraire, les agents d'un rang inférieur, par cela seul qu'ils ont leur carrière à faire, sont beaucoup plus zélés, plus dévoués aux intérêts du pays que ceux qui ont obtenu leur bâton de maréchal ; une position à acquérir est un stimulant beaucoup plus actif qu'une position acquise. Je voterai donc toutes les propositions de la section centrale, et, je le répète, toutes les réductions qui seront proposées, à moins qu'elles ne concernent la France, l'Angleterre, la Hollande ou la Russie.
M. Lebeau. - Messieurs, si j'entendais la neutralité belge comme l'honorable préopinant, si je croyais qu'il suffit pour la sécurité extérieure de la Belgique, d'avoir recueilli l'avantage de voir écrite dans les fastes diplomatiques la reconnaissance de sa nationalité et de sa neutralité, je serais plus conséquent que l'honorable préopinant. Ce ne sont pas des réductions sur la diplomatie que je proposerais, j'en proposerais la suppression absolue, me reposant avec une quiétude égale à la sienne, derrière ce puissant bouclier que nous trouvons dans les archives des grandes puissances et dans les nôtres.
On tire parfois, messieurs, de la neutralité une autre conséquence qui me paraît aussi logique que celle que l'honorable préopinant vient d'en tirer, au sujet de notre représentation à l'extérieur; je veux parler de notre organisation militaire.
Je ne veux pas anticiper sur une discussion qui aura son cours et dans laquelle je compte bien ne pas faire défaut à l'opinion que je professe; mais on est arrivé, par la manière dont l'honorable préopinant entend la neutralité belge, à proclamer la nécessité, la possibilité, au moins, de la suppression presque absolue de l'armée, que l'on pourrait remplacer en doublant la gendarmerie.
Messieurs, je n'entends pas ainsi la neutralité; et, au risque de passer, aux yeux de l'honorable préopinant et aux yeux de quelques-uns de ses honorables collègues,, pour m'être enrôlé dans une sorte de croisade dirigée contre les partisans des économies, c'est-à-dire, entendons-nous bien, contre la cause que défendent certains de nos collègues, je continuerai à soutenir avec la même chaleur que ces honorables membres, une opinion diamétralement contraire à la leur.
Je ne sais s'il existe, comme on l'a dit hier dans cette chambre, avec peu de bienveillance pour ses adversaires, une croisade contre la cause que défend surtout un de nos honorables collègues. S'il y en a une, je déclare que je n'en fais pas partie, je ne la connais pas; si elle existait, ce serait un hommage rendu à la puissance oratoire du défenseur de cette soi-disant cause des économies. Mais quelle que soit la juste opinion que j'aie du latent de cet honorable membre, de l'appui qu'il prête à la cause qu'il défend, en vérité, dussé-je passer pour trop peu modeste, je ne saurais croire que, pour lutter contre lui, il faille nécessairement organiser une croisade, se transformer en une sorte de Godefroid de Bouillon ; je crois , quel que soit le talent de l'honorable membre, qu'il est encore plus facile, quand on défend une bonne cause, d'avoir raison de lui que de conquérir Jérusalem. Pour en finir avec la métaphore, il est une chose, je l'avouerai, plus difficile peut-être que de conquérir Jérusalem; savez-vous ce que c'est? C'est de convaincre l'honorable membre auquel je fais allusion. (Interruption.)
Messieurs, si d'honorables membres se déclarent ici partisans de toutes les réductions, qu'ils appellent des économies, un rôle auquel j'ai toujours aspiré, c'est d'être l'adversaire systématique de toutes les exagérations; qu'elles se produisent à l'occasion d'une question de prérogative, ou à propos d'une question de finances. Dans la mesure de mes convictions, à mes risques et périls de popularité ou d'impopularité, je défendrai toujours, sous ces rapports divers et comme je les conçois, les principes du droit, de la prudence et de la modération ; je le ferai sans attaquer la sincérité, la loyauté de mes adversaires.
Il faut faire la part d'un sentiment assez général, assez profond dans le pays, pour qu'il soit insensé de le méconnaître. Ce qu'il faut avouer loyalement, c'est que notre situation financière pèse nécessairement d'un poids très grave sur toutes les délibérations qui sont relatives aux dépenses de l'Etat.
Non, messieurs, que comparée aux autres Etats constitutionnels, la Belgique soit écrasée sous le poids des impôts: non que les dépenses publiques soient exagérées; la Belgique, nous l'avons dit en maintes circonstances et prouvé chiffres en mains, la Belgique peut, sous le rapport de l'économie dans les dépenses, de la modération dans les impôts, soutenir avec avantage la comparaison avec tous les Etats constitutionnels de l'Europe.
Il est deux moyens pour rétablir une bonne situation financière, pour faire cesser le défaut d'équilibre qui préoccupe tous les esprits, et qui est la principale cause de ce cri général d'économies. Le premier de ces moyens qui s'offre à l'esprit, non certes comme un des plus efficaces, mais comme un de ces moyens que des chambres patriotes et éclairées, qu'un ministère qui a la conscience de ses devoirs, ne peut négliger, c'est le retranchement de toutes les dépenses qui n'ont pas un caractère d'utilité.
Mais il en est un autre qui, quoiqu'on fasse, ne saurait être écarté, un moyen plus puissant pour rétablir cet équilibre ; c'est le courage, lorsque nous aurons à discuter nos voies et moyens, de voter de nouvelles ressources, ce même courage avec lequel on s'élève aujourd'hui contre certaines dépenses. Ce courage je l'aurai.
Et sur ce point tout le monde est d'accord. Toutes les opinions convergent vers la création de nouveaux moyens de recette. Il n'y a de dissidence que sur la nature des impôts.
Les uns veulent que le sucre, qui n'aura produit pour l'année courante que trois millions, en produise six. D'autres veulent demander au tabac un revenu beaucoup plus fort que celui que produit aujourd'hui cette denrée. Ceux-là parlent d'imposer d'avantage les spiritueux. Ceux-ci poussent le gouvernement à présenter un projet de loi sur le système des assurances par l'Etat. D'autres, et ce sont des amis mêmes des honorables membres auxquels je réponds, voulaient frapper un impôt sur le luxe, sur les voitures, sur les décorations, sur les armoiries. Ainsi, la question des impôts à créer est une question de qualité, plutôt qu'une question de principe.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet, nous aurons à y revenir dans d'autres discussions.
Je me hâte de rentrer dans la spécialité du budget des affaires étrangères, hors de laquelle j'ai été un peu entraîné par l’honorable préopinant.
J'ai dit que notre situation financière pesait sur tous les esprits ; elle a pesé sur le gouvernement, et je dirai, quant à moi, que le gouvernement est allé peut-être trop loin dans la réduction des traitements diplomatiques. Je m'en suis expliqué dans une autre circonstance ; je professe encore la même opinion. Peut-être, si j'étais gouvernement, ayant la responsabilité, appréciant plus que je ne puis le faire comme simple député, les nécessités de sa position, peut-être aurais-je été jusque-là ; mais dans mon appréciation de simple député, je trouve qu'on a été trop loin et qu'il y a dans les réductions un danger pour l'organisation de notre corps diplomatique.
Ce danger, il faudra peut-être bien des années pour le faire cesser. En tout cas, je déclare que si je donne mon adhésion au budget tel qu'il est présenté par le gouvernement, c'est en prenant acte de la déclaration, faite par lui-même, que ce budget a un caractère essentiellement transitoire, et qu'il ne doit pas survivre aux circonstances sous l'empire desquelles il a été rédigé.
Arrivant à l'article : Légation d'Autriche, pour lequel surtout j'ai demandé la parole, je trouve qu'il y aurait à la fois imprudence et inconvenance à transformer le ministre plénipotentiaire belge, accrédité près de la cour d’Autriche, à le faire descendre au rang de chargé d'affaires.
Il y a cinq cours qui, selon les circonstances, doivent être placée identiquement par nous sur la même ligne dans l'ordre des relations politiques. Ce sont les puissances signataires et garantes du traité qui a constitué pour l'Europe, l'indépendance, la neutralité belge.
Il y aurait, selon moi, imprudence et inconvenance à établir une différence entre les différentes cours garantes de nos traités.; Par cette raison, je ne puis approuver, quoique je reconnaisse qu'ici les motifs ne sont pas également puissants, la suppression d'un secrétaire, à Vienne.
J'entends souvent dire que notre diplomatie est rétribuée avec assez de luxe pour qu'on soit certain que cette carrière, quand on opérerait des réductions sur les traitements, sera toujours suffisamment recherchée pour que le gouvernement n'éprouve aucun embarras, à faire des choix convenables.
Si nous voulons jeter un coup d'œil sur les faits qui se sont passés il y a peu d’années, et qui se sont renouvelés naguère, nous verrons qu'il n'est pas vrai que les postes diplomatiques soient si recherchés en Belgique.
Je remarque d'abord que la légation de Turin est devenue vacante par une retraite volontaire et récente. La légation de Turin, qui a été dirigée par un de nos anciens collègues, auquel on a rendu hommage hier, et qui n'a pu satisfaire aux exigences de sa position qu'en mettant largement à contribution ses revenus particuliers, était devenue vacante avant qu'on ne songeât à la supprimer.
Si nous regardons vers nos légations du Midi, nous en voyons d'abord une qui, en peu d'années, a été occupée par quatre titulaires successivement. L'un, est en ce moment en résidence à Bruxelles; l'autre, après deux mois de séjour dans la capitale du même pays, a reconnu tellement l'impossibilité de faire face aux exigences de sa position avec le traitement qui était alloué, qu'il a saisi avec empressement l'occasion de rentrer dans le pays et d'occuper une position administrative. A côté de là, dans ta même région, vous avez eu, en peu d'années aussi, quatre ou cinq mutations, et après un séjour un peu plus prolongé que celui auquel je viens de faire allusion, l’honorable titulaire de cette légation a été très heureux de l'abandonner pour occuper aussi dans le pays une position administrative.
Voilà le cas qu'on semble faire de quelques-uns de nos postes diplomatiques. Savez-vous quelle est la conséquence de ces mutations fréquentes ? C'est l’amoindrissement de notre influence dans les pays où les agents ont été accrédites. Comment voulez-vous qu'un homme qui aura passé une année ou deux seulement, et parfois quelques mois dans une capitale, ait pu y nouer des relations, y entretenir ces bons rapports qui, bien plus que les rapports officiels, font la force d'un envoyé à l'étranger ? A chaque mutation, pour les choses et pour le pays où l'on va séjourner, c’est une nouvelle étude à faire.
(page 178) Voilà les conséquences de ces mutations.
Si de ces considérations nous descendons à des considérations purement économiques, nous trouvons que l’on est bien loin d'avoir fait quelque chose de profitable au trésor public, quand on a établi des traitements avec une telle parcimonie que les titulaires ne font parfois que passer par un poste diplomatique.
Un nouveau titulaire vient de se rendre à un de ces postes récemment vacants dans un Etat méridional.
Je connais un peu, bien peu, il est vrai, la localité; mais j'en sais assez pour prédire qu'il lui sera impossible, avec le traitement qui lui est alloué, de faire face aux nécessités de sa position, et qu'à la première occasion, il rentrera dans le pays pour occuper des fonctions quelconques dans l'administration. Si vous considérez ces faits, si vous voulez compter ce que chacune de ces mutations a coûté en frais de voyage, indépendamment du tort moral, du tort d'influence que ces mutations fréquentent apportent à nos relations, vous verrez que nous avons fait fausse route sous le rapport de l'économie, et qu'à ce point de vue on est arrivé à de véritables mécomptes.
Voici un fait qui vous prouve encore avec quelle circonspection vous devez régler la position de vos agents à l'extérieur. Il y a à peine deux ans, messieurs, qu'un des portes les plus importants de notre diplomatie, poste situé au-delà de l'Atlantique, a été occupé par un homme très capable. (Interruption.)
M. le président. - J'engagerai les orateurs à ne pas rentrer dans la discussion générale.
M. Lebeau. - J’ai renoncé à prendre la parole dans la discussion générale; je ne crois pas, pour cela, avoir perdu le droit d'examiner le chapitre en discussion qui est un des plus importants, car il concerne les chiffres du personnel qui ont été discutés anticipativement dans la discussion générale.
La véritable place de la discussion de ces chiffres est ici. Je crois être dans mon droit en les examinant, quand, dans la discussion des articles, à propos de la première réduction que la chambre pourrait imprudemment admettre, et qui serait le premier pas dans le système qu'on lui propose, j'expose les inconvénients qui doivent en résulter. Cependant, si la chambre témoignait le moindre signe d'impatience, ce serait beaucoup plus qu'il n'en faudrait pour que je cessasse à l'instant de parler. Ces observations, tirées de faits nombreux et significatifs, m'ont paru de nature à exercer de l'influence sur les esprits les plus récalcitrants.
Nous avions un agent très capable aux Etats-Unis; je le sais, pour avoir été en relations officieuses et officielles avec lui ; la position qui lui était faite était telle qu'aussitôt qu'il a pu rentrer dans l'armée, il s'est empressé d'y revenir.
Il est facile de comprendre qu'il doit en être ainsi. On peut, en abordant une légation, se dissimuler les exigences de cette position. Mais quand l'expérience vient les révéler, alors on reconnaît que la position n'est pas tenable.
Bien n'est plus pénible pour un envoyé que d'être exposé à subir non seulement des privations, mais encore des humiliations, on conçoit son empressement à rentrer dans le pays, à quitter la carrière diplomatique pour échapper à ce qu'une telle situation offre parfois de désagréable.
Je pourrais citer encore un poste qui a subi une réduction, qui a été offert par le gouvernement à un homme qui ne manque ni de capacité, ni d'expérience diplomatique, et qui a été refusé par des motifs analogues à ceux que j'ai signalés à la chambre.
Un mot sur la question qui se reproduira vraisemblablement à l'occasion de tous les articles.
Je vois qu'on se préoccupe constamment, comme d'un motif puissant d'économie, de la transformation de tous les ministres plénipotentiaires en chargés d'affaires.
Outre les raisons positives qu'il y a pour laisser à notre envoyé à Vienne le titre de ministre plénipotentiaire, je dirai que la question est absolument indifférente pour la chambre ; car, en réalité, il n'y a à votre budget, et surtout pour la légation de Vienne, qu'un traitement de chargé d'affaires. Il n'y a pas autre chose.
Que la comparaison s'établisse, je ne dirai pas entre les Etats monarchiques et la Belgique (bien que nous n'ayons le droit de n'accepter que cette comparaison), mais entre les Etats républicains et la Belgique ; et l'on verra que nos ministres plénipotentiaires sont, par le budget actuel, sous le rapport qui peut seul intéresser la chambre, qui est seul peut-être de sa compétence, réduits au traitement de chargés d'affaires. Ainsi, à une seule exception près, nos ministres plénipotentiaires reçoivent 15,000 francs d'appointements. Déjà dans une circonstance antérieure, on vous a dit que les chargés d'affaires de la république américaine ont un traitement de 25,000 francs. La Suisse, la petite Suisse, qui a aussi quelques chargés d'affaires, donne, si je ne me trompe, à son chargé d’affaires à Paris, 24,000 francs; à son chargé d'affaires à Vienne, 18,000 fr.
Dans la France républicaine, le plus faible traitement diplomatique est de 25,000 fr.
Je n'arrêterai pas plus longtemps la chambre. Je répondrai seulement, avant de finir, à l'observation d'un honorable député de Roulers, l'honorable M. Dumortier.
L'honorable membre a introduit dans cette chambre une opinion que je ne croyais pas digne de son examen et qui a été produite au-dehors. Il nous a parlé de l'extrême simplicité de mœurs qu'allaient introduire dans toutes les capitales les révolutions dont l'Europe est le théâtre ; que la simplicité de mœurs et de relations politiques qui s'introduira dans ces gouvernements régénérés sera celle que nos agents diplomatiques seront très largement payés avec les appointements qu'ils ont.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.
M. Lebeau. - C'est le sens de vos paroles.
M. Dumortier. - Pas du tout!
M. Lebeau. - D'autres l'ont dit, même dans cette chambre.
L'on se fait certainement illusion sur cette prétendue simplicité de mœurs qui serait la conséquence des révolutions qui se sont opérées. J'ai même entendu parler à ce propos de l'admirable simplicité avec laquelle Franklin s'était présenté dans les salons de Versailles, lors de la guerre de l'indépendance américaine.
J'ai voulu voir ce qui en était de cette simplicité qui devait être la conséquence des nouvelles révolutions ; j'ai vu un peu de près les premiers personnages de ces révolutions, et je dois vous déclarer que nous sommes bien loin de voir arriver cet âge de simplicité, cette espèce d'âge d'or que rêvent quelques philosophes naïfs.
J'ai vu de près des salons républicains; j'ai eu l'honneur d'y être accueilli. (Interruption.) Je tiens à me servir de cette expression. Je suis toujours heureux d'être accueilli, surtout quand je le suis au nom d'une grande nation, pour laquelle je professe beaucoup de sympathie et beaucoup de respect. Je dois dire qu'à côté des salons républicains que j'ai eu l'honneur de visiter, nos salons monarchiques sont de la simplicité la plus exemplaire.
Ah ! si croyant que ces mœurs auxquelles on a fait allusion vont renaître à la suite des révolutions nouvelles, l'envoyé de Belgique, fidèle aux traditions de Franklin, se présentait dans les salons de la présidence de l'assemblée ou de la présidence du conseil, en modeste piéton, en habit gris-de-lin, croyez-le bien, le sentiment qui l'accueillerait ne serait flatteur ni pour lui, ni pour le pays qu'il a l'honneur de représenter. (Interruption.)
M. Delfosse. - L'honorable préopinant, prenant la parole pour répondre à mon honorable ami, M. Delehaye, a répondu avant tout et surtout à un mot que j'ai prononcé hier, et qui l'avait laissé silencieux sur son banc : L'honorable préopinant a fait, à propos de ce mot, une sortie que je pourrais qualifier de violente, à laquelle je ne m'attendais pas, et qui m'a étonné de la part de l'honorable membre, dont le langage est d'ordinaire plein d'urbanité. Je pourrais récriminer : je pourrais comme l'honorable M. Delehaye, rappeler les précédents et les prophéties de l'honorable préopinant.
M. Lebeau. - Faites !
M. Delfosse. - Je ne le ferai pas ; j'userai de modération.
L'honorable préopinant a dit que j'avais manqué de bienveillance envers mes collègues, en parlant d'une croisade qui aurait été organisée contre la cause des économies; il s'est entièrement trompé. En parlant de croisade, j'ai uniquement fait allusion à la série de discours que nous avons entendus dans la discussion générale du budget des affaires étrangères, tous dans le même sens. Y a-t-il dans ce mot quelque chose de blessant pour mes collègues? Non, messieurs, une croisade organisée sous l'influence d'une conviction sincère est une chose qui honore ; la croisade a honoré Godefroid de Bouillon.
L'honorable préopinant m'a supposé des prétentions que je suis loin d'avoir et qui lui conviendraient, je l'avoue, mieux qu'à moi. L'honorable membre a supposé que je me croyais tellement formidable qu'il faudrait pour me vaincre un nouveau Godefroid de Bouillon, qu'il serait moins facile de me vaincre que de prendre Jérusalem. Je n'ai jamais eu de telles prétentions ; je reconnais en toute humilité, qu'il est mille fois plus facile de me vaincre que de prendre Jérusalem. Mais ce qui est plus difficile que de prendre Jérusalem, c'est de changer l'opinion publique sur la question des économies; il faudrait, pour changer l'opinion publique sur cette question, plus qu'un Godefroid de Bouillon; il faudrait même plus que Godefroid de Bouillon aidé du secours puissant de l'honorable préopinant.
Un mot maintenant, messieurs, sur la question soumise en ce moment à notre examen.
Je voterai pour la proposition de la section centrale. J'ai toujours cru que la Belgique, qui tient parmi les nations un rang honorable, plus honorable dans ce temps qu'il ne l'a jamais été, n'a pas cependant des rapports politiques tellement vastes, qu'elle soit obligée de se donner, comme les grandes puissances qui nous environnent, un cortège d'ambassadeurs et de ministres plénipotentiaires. J'ai toujours cru que nous pourrions nous contenter d'accréditer, même près des grandes puissances, de simples chargés d'affaires. Un chargé d'affaires, instruit, modeste, laborieux, peut rendre plus de services que ces ambassadeurs, que ces ministres plénipotentiaires, qui s'attachent souvent plus à briller dans un salon qu'à se pénétrer des intérêts de leur pays. N'avons-nous pas vu, lorsqu'il s'agissait de négociations importantes, renforcer ces ambassadeurs, qui n'étaient pas non plus des Godefroid de Bouillon, d'agents spéciaux très coûteux au pays ?
Si je voulais, messieurs, fournir des preuves à l'appui de mon opinion, je les trouverais dans un passage du discours que M. le ministre des affaires étrangères a prononcé dans une séance précédente. M. le ministre des affaires étrangères disait : « La considération de l'agent diplomatique tient à l'influence du pays qu'il représente et à son mérite personnel, non à son traitement. » Je puis ajouter : Ni au rang plus ou (page 179) moins élevé qu'il occupe. M. le ministre des affaires étrangères a dit là une chose très vraie, une chose qui appuie les propositions de la section centrale. De l'aveu de M. le ministre des affaires étrangères, un chargé d'affaires instruit et laborieux peut rendre autant de services, quelquefois plus qu'un ministre plénipotentiaire, voire même qu'un ambassadeur.
Messieurs, je ne veux pas prolonger cette discussion. Je n'aurais pas pris la parole, si je n'y avais été forcé par la sortie regrettable de l'honorable préopinant. Je répète que je voterai pour la proposition de la section centrale.
Je demanderai cependant une explication. Je ne sais comment la section centrale est arrivée au chiffre de 75,000 fr. La section centrale veut un ministre plénipotentiaire et deux chargés d'affaires. Le ministre plénipotentiaire, d'après le budget, aurait 32,000 fr.; chaque chargé d'affaires, 15,000; le total ne serait que de 62,000 fr. Je demande comment la section centrale est arrivée à ce chiffre de 75,000 fr.?
Messieurs, en votant la réduction proposée par la section centrale, je serai conséquent avec l'opinion que j'ai toujours émise ; je désire que chacun puisse en dire autant; et je ne croirai nullement tomber dans l'exagération. J'ai prouvé hier que mon intention n'est pas de désorganiser les services, je ne veux d'exagération ni en matière d'économie, ni en toute autre matière, j'ai fait hier partie de la majorité qui a appuyé le ministère pour la légation de Constantinople. Cette légation est utile, il est impossible que nous ne soyons pas représentés dans un pays où nous avons tant d'intérêts commerciaux. Mais je me réserve d'examiner jusqu'à quel point le chiffre demandé par le gouvernement pour cette légation est nécessaire. Nous pourrons, je crois, sans tomber dans l'exagération, accueillir la réduction proposée par la section centrale.
M. de Theux. - Messieurs, le débat qui nous occupe ne roule que sur une somme de 16,000 fr., et c'est pour cette somme que l'on veut apporter des modifications profondes dans nos relations avec l'Allemagne.
Pense-t-on, messieurs, que l'Allemagne, après les événements qui viennent de s'y produire, soit tombée si bas que son importance ne compte plus dans la balance du monde? Nous croyons, messieurs, que les Etats confédérés allemands, soit que l'unité allemande se constitue, soit qu'elle ne se constitue pas, conserveront toujours une très haute importance. Nous croyons que la Prusse et que l'Autriche ne perdront pas la leur. Ces deux puissances tirent leur force non seulement de leur territoire et de leur population, mais encore de leur ascendant sur la confédération germanique et de leur intimité avec la cour de Saint-Pétersbourg. S'il y avait un changement à apporter dans les circonstances actuelles, ce serait de créer une diplomatie forte en Allemagne, si elle n'existait pas. Ainsi, loin de nous la pensée d'abaisser une diplomatie qui existe.
Il ne suffit pas, messieurs, pour la sécurité extérieure des nations, d'avoir des traités qui garantissent les limites territoriales. Il faut encore savoir faire respecter ces traités tantôt par la diplomatie, tantôt par l'armée. De ce que dans certaines circonstances données les services que rend la diplomatie sont moins apparents, peut-on conclure à son inutilité? Mais on pourrait de la même manière conclure à l'inutilité des armées, lorsqu'on a eu le bonheur de jouir de quelques années de paix.
Qu'on ne perde pas de vue, messieurs, que la confiance dans la situation extérieure est aussi une source de la confiance dans la situation intérieure, et que cette confiance influe puissamment sur la prospérité des Etats.
On a dit que les ministres plénipotentiaires que la Belgique avait accrédités à l'étranger avaient souvent fait preuve de leur inutilité ; que le gouvernement l'avait lui-même reconnue, lorsqu'il avait envoyé des agents spéciaux pour négocier des traités de commerce.
Messieurs, ce raisonnement n'offre aucune solidité. Assurément la Grande-Bretagne a un corps diplomatique le plus fort qu'on puisse rencontrer en Europe, et constamment la Grande-Bretagne envoie ses agents commerciaux pour appuyer l'influence de ses agents diplomatiques, lorsqu'il y a de grands intérêts de commerce en jeu.
Un ancien ministre plénipotentiaire nous a fait remarquer dans la séance d'hier, avec beaucoup de justesse, la différence d'influence qu'il y a entre les fonctions de ministre plénipotentiaire et celles de simple chargé d'affaires. Quiconque a eu quelques rapports avec le corps diplomatique, est parfaitement convaincu de la vérité de ce que l'honorable membre nous a dit à cet égard. Le ministre plénipotentiaire a une autorité tout autre que celle d'un chargé d'affaires, surtout lorsqu'il est accrédité auprès d'une grande cour, et qu'il a sa résidence dans une grande capitale, c'est là que l'importance du titre est en quelque sorte d'une nécessité absolue. Notez, d'un autre côté, que l'envoi d'un ministre plénipotentiaire de la part d'un Etat occasionne le retour d'un autre ministre plénipotentiaire à titre de réciprocité, et lorsqu'il s'agit de traiter de grands intérêts, ce retour est souvent d'un grand avantage.
C'est ainsi que le traité avec le Zollverein a été conclu à Bruxelles, à cause de l'existence d'un ministre plénipotentiaire de Prusse dans cette résidence. On pourrait, messieurs, si l'on voulait fouiller dans les archives du département des affaires étrangères, reconnaître que notamment eu ce qui concerne l'Allemagne, il est arrivé que les chargés d'affaires n'osant point prendre la responsabilité de certaines choses, manquant auprès de leur propre gouvernement, de cette autorité dont les agents ont quelquefois besoin, causaient au gouvernement auprès duquel ils étaient accrédités, des difficultés qui ne seraient point nées ou qui auraient été immédiatement aplanies si ce gouvernement s'était trouvé en rapport avec un ministre plénipotentiaire.
A mes yeux, messieurs, ce serait une faute capitale que de modifier nos relations diplomatiques avec les cours de Vienne, de Berlin, avec la confédération germanique, et je n'hésite pas un instant à voter le chiffre proposé par le gouvernement.
- Plusieurs membres. - La clôture !
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai déjà déclaré que je ne pouvais pas me rallier au chiffre proposé par la section centrale. Je ne pense pas, en effet, que dans les circonstances où se trouve l'Allemagne, lorsque dans ce grand pays qui est à nos portes, s'agitent les plus grandes questions d'organisation politique et d'organisation commerciale, il soit bien prudent, bien opportun, de venir remanier notre corps diplomatique et de l'affaiblir. Or, c'est ce qui arriverait si vous substituiez des chargés d'affaires à nos ministres plénipotentiaires. Ainsi que l'a dit l'honorable M. de Theux, ainsi que l'honorable M. Le Hon l'a si bien expliqué hier, il y a une différence notable entre un chargé d'affaires et un ministre plénipotentiaire, il y a une différence d'influence, une différence de considération, à cause des usages qui existent dans la diplomatie.
Il y a aussi, messieurs, des questions de convenance dans les rapports entre les nations, comme il en existe entre les individus, et du moment qu'une nation vous envoie un ministre plénipotentiaire, si vous ne répondez que par l'envoi d'un chargé d'affaires, ou si vous faites plus, si, après avoir envoyé un ministre plénipotentiaire, vous le remplacez par un chargé d'affaires, vous posez un acte peu convenable vis-à-vis de cette puissance. Lorsque vous envoyez un agent à l'extérieur, certainement c'est dans le but de maintenir et de fortifier la bonne harmonie qui existe entre les deux pays, entre les deux gouvernements ; eh bien, vous allez contre ce but, lorsque vous substituez un chargé d'affaires à un ministre plénipotentiaire.
Messieurs, j'avoue que lorsque nous réduisons si fortement le traitement du ministre plénipotentiaire à Vienne, je ne comprends pas qu'il soit encore question d'aller plus loin et de le réduire à celui d'un simple chargé d'affaires, et cela pour obtenir une très minime économie. J'ai déjà eu l'honneur de le dire à la chambre, nous réalisons par nos propositions une économie de près de 39,000 fr. sur les missions de l'Allemagne, et certes, lorsqu'on tient compte des circonstances dans lesquelles se trouve l'Allemagne, on doit reconnaître que cette économie est en quelque sorte énorme.
Remarquez, messieurs, que, avec les 91,000 fr. que nous demandons à la chambre, la Belgique sera représentée auprès d’une puissance de 36,000,000 d'âmes, près d'une autre de 18,000,000 d'âmes, près du pouvoir central à Francfort et, ce n'est pas tout, près de la Bavière, du Wurtemberg, du duché de Bade, de la Hesse, de la Saxe, enfin de tous les Etats de la confédération.
Nous avons à Bruxelles, non seulement le ministre plénipotentiaire d'Autriche, le ministre plénipotentiaire de Prusse, le ministre plénipotentiaire de Francfort, mais un ministre de Bavière et un ministre de Saxe. Notre représentation en Allemagne, fixée au chiffre de 91,000 fr., n'atteindra pas même le chiffre qui est alloué à un simple envoyé français.
Par exemple à Vienne, savez-vous combien coûte à la France sa représentation en Allemagne? Elle lui coûte 369,000 fr., et les traitements de la diplomatie néerlandaise en Allemagne, qui peut mieux être assimilée à la nôtre, s'élèvent au chiffre de 154,000 fr. Vous voyez donc que nous sommes arrivés à une réduction très considérable en descendant jusqu'à 91,000 fr.
D'ailleurs, comme on vous l'a dit avec raison, qu'importe la dénomination, du moment que vous descendez à la dernière limite des réductions? Que nous accréditions un ministre plénipotentiaire, un chargé d'affaires, un consul même, il faut toujours le placer dans une position convenable ; il ne faut pas qu'il soit réduit à une existence mesquine. Dans les circonstances actuelles nous n'exigerons pas que notre diplomatie fasse des dépenses de luxe, mais toujours faut-il qu'elle ait une existence honorable. Eh bien, avouez, messieurs, que si même votre agent à Vienne n'avait que le titre de chargé d'affaires, il faudrait toujours lui allouer plus de 15,000 fr. Quiconque connaît la manière de vivre dans cette grande capitale, sait que 15,000 fr. sont tout à fait insuffisants.
On a demandé que le gouvernement s'expliquât sur l'importance de nos relations avec la Prusse et l'Autriche. J'ai déjà dit, pour l'Autriche comme pour la Prusse, que la considération dominante c'est qu'elle est une des grandes puissances qui ont garanti l'indépendance et la neutralité de la Belgique. Cette seule considération suffirait pour nous déterminer à maintenir à Vienne un ministre plénipotentiaire, comme des hommes qui ont plus d'expérience que moi dans ces questions vous l'ont déjà dit. Mais l'Autriche est une nation de 36,000,000 d'habitants ; sous le rapport commercial, elle a pour nous une grande importance; nous y envoyons déjà des marchandises en quantité notable; de grands établissements de notre pays y ont fourni, par exemple, des locomotives. Le chiffre de nos exportations, que nous trouvons dans les tableaux statistiques, ne peut pas vous guider et vous donner une connaissance complète de ces exportations, à cause du transit à travers l'Allemagne, de sorte que ces exportations figurent sous la rubrique de l'Allemagne.
Ensuite, messieurs, par l'établissement des chemins de fer à travers cette contrée, la Belgique peut aspirer à prendre une plus large part dans l'approvisionnement du marché de l'Autriche. Cela est tellement vrai, que la chambre de commerce d'Anvers, qui doit avoir une grande autorité en cette matière, m'a souvent fait connaître que si l'on pouvait (page 180) obtenir un abaissement de tarifs et une entente entre les différentes sociétés des chemins de fer en Allemagne, cela suffirait pour procurer à notre industrie un grand débouché en Autriche.
Quant à la Prusse, inutile de dire que la Belgique a, avec ce pays, des relations nombreuses et journalières, et surtout avec les provinces rhénanes; la Prusse est à la tête du Zollverein avec lequel nous avons fait un traité de la plus haute importance; contestera-t-on donc la nécessité d'y avoir une diplomatie suffisante?
Quant à Francfort, les questions qui s'y agitent, suffisent pour démontrer qu'il est aussi fort essentiel de conserver là un ministre plénipotentiaire.
Je crois inutile d'entrer dans l'examen de la proposition de la section centrale, en ce qui concerne l'organisation qu'elle voudrait voir adopter pour notre diplomatie en Allemagne, c'est-à-dire la question de savoir si nous devons avoir un ministre plénipotentiaire avec deux subordonnés en Allemagne. Ce système est inadmissible, je crois que nous devons conserver le statu quo. Il s'opère sans doute en Allemagne un mouvement qui porte les esprits vers une espèce de transformation vers l'unité ; mais ne devançons pas les événements; attendons que l'Allemagne s'organise ; il ne peut pas, dans tous les cas, convenir à la Belgique de devancer les événements et de prendre une résolution qui semblerait préjuger les décisions qui ne peuvent qu'émaner du gouvernements et des grandes assemblées nationales de ce pays.
Je terminerai par une simple considération, c'est que le moment serait mat choisi, d'envoyer un simple chargé d'affaires en Autriche. alors que l'Autriche vient d'adhérer à ce que Bruxelles devienne le siège des conférences diplomatiques pour le règlement des affaires d'Italie. Remarquez-le bien, messieurs, il y a une grande différence entre le premier envoi que l'on fait d'un agent à l'extérieur, et le changement que l'on fait subir au rang d'une légation. Depuis 12 ans, nous avons un ministre plénipotentiaire à Vienne, il faut des considérations très fortes pour modifier cet état de choses ; ce serait poser un acte peu convenable vis-à-vis d'une grande puissance dans les circonstances actuelles; lorsque cette puissance conserve chez nous un ministre plénipotentiaire, nous ne devons pas lui répondre par un procédé peu justifiable.
- La clôture est prononcée.
M. le président. - Les articles 8, 9 et 14, mission d'Allemagne, ont été réunis ; le gouvernement demande 91,000 fr. ; la section centrale réduit le chiffre à 75,000 fr.
Je mets aux voix le chiffre le plus élevé.
- Plus de 5 membres demandent l'appel nominal.
Il y est procédé.
En voici le résultat :
94 membres répondent à l'appel nominal.
53 répondent non.
41 répondent oui.
En conséquence, le chiffre de 91,000 fr. (chiffre du gouvernement) n'est pas adopté.
Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (Alp.), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Veydt, Ansiau, Boedt, Boulez, Cans, Clep, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, de Haerne, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Meester, de Perceval, de Renesse, de Royer, Destriveaux, d'Hont, Gilson, Jacques, Jouret, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lelièvre, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Thiéfry, T’Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux et Van den Berghe de Binckum.
Ont répondu oui : MM. Van den Branden de Reeth, Vilain XIIII, Allard, Anspach, Christiaens, Cools, Coomans, Cumont, de Baillet-Latour, de Bocarmé, Dechamps, Dedecker, de Dentergem, Delescluse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Pilleurs, de Pouhon, de Theux, de T’Serclaes, Devaux , d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Julliot, Lebeau, Le Hon, Moncheur, Orts, Prévinaire, Rogier, Rolin, Schumacher, Thibaut, Troye, Van Cleemputte et Verhaegen.
- Le chiffre de 75 mille fr., proposé par la section centrale, est mis aux voix et adopté.
« Art. 10. France : fr. 35,000. »
M. Vilain XIIII. - J'ai à adresser au gouvernement une interpellation qui n'a pas une bien grande importance, mais qui me semble valoir le peu de temps que je mettrai à la produire.
Depuis à 5 6 mois, nous avons lu vingt-cinq fois dans le Moniteur l'avis suivant :
« Aux termes des nouveaux règlements introduits par le gouvernement de la République française, les légalisations demandées à la chancellerie de la légation de France à Bruxelles, sont soumises au tarif suivant :
« Légalisation d'une expédition d'acte d'état civil, 3 fr.
« Légalisation d'un acte de mariage, 6 fr.
« Légalisation d'un acte d'adoption, 6 fr.
« Légalisation d'un consentement de mariage, 7 fr.
« Légalisation d'une procuration, 6 fr.
» Les personnes qui, à l’exception des indigents, adresseront, à l'avenir, des pièces au département des affaires étrangères pour être soumises à la légalisation de M. le ministre de France, voudront bien joindre à cet envoi le montant des droits préindiqués. »
Il y a une lacune; il n'est rien dit des passeports dont le visa est de 6 francs.
Les relations entre la France et la Belgique sont tellement nombreuses, le nombre des voyageurs est tellement grand, que si nos renseignements sont exacts, et j'ai lieu de les croire tels, il y a, aussi bien à la légation belge à Paris qu'à la légation française à Bruxelles, il y a par jour de 40 à 60 signatures à donner, peut-être mieux que cela.
Je prends par jour une moyenne de 50 signatures; elles se donnent gratuitement par le ministre belge à Paris, tandis qu'elles rapportent 100 mille francs par an à la légation française. C'est un impôt que le gouvernement français prélève sur la Belgique. Je n'ai aucune réclamation à élever contre le droit de la France ; tous les Etats ont le droit d'établir des frais de chancellerie partout où ils ont une légation ; mais je suis étonné que M. le ministre des affaires étrangères n'ait pas, depuis six mois, établi la réciprocité à Paris. La réciprocité est de règle en diplomatie pour toute espèce d'office quelconque.
Si la France fait une recette à Bruxelles, la Belgique peut en faire une à Paris. Il y a quelque chose de blessant dans la position passive que prend la Belgique, c'est se donner de grands airs de libéralité vis-à-vis d'un grand empire. Cela ne convient pas, ce serait de nature à blesser le gouvernement français.
Je demande pourquoi on n'a pas établi la réciprocité ; il y a, je pense, une vieille loi des Pays-Bas qui autorise le gouvernement à établir des frais de légation. Si cette loi n'existait pas, il serait facile de présenter un projet de loi qui donnerait au gouvernement le droit d'établir des frais de légation, sauf à ne les faire percevoir que dans les pays qui en font percevoir à Bruxelles.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - La question soulevée par l'honorable préopinant est examinée en ce moment au département des affaires étrangères. La France perçoit en effet dans ses légations les droits que vient d'indiquer M. Vilain XIIII ; mais je ne vois rien de blessant ni de passif dans l'attitude que prend la Belgique, .car toutes les nations en agissent de même. Je crois que c'est la France seule qui perçoit ces droits; la question est de savoir si la réciprocité sera établie vis-à-vis de la France ou si, par une mesure générale, on fera percevoir les mêmes droits par toutes nos légations. Je ne pense pas qu'il existe de loi qui autorise cette perception ; je pense donc que pour que le gouvernement y soit autorisé il faudrait qu'une disposition spéciale fut présentée à la législature.
Je réponds donc à l'interpellation, que nous examinons cette question, qu'une correspondance sur ce point est même établie entre le département de la justice et celui des affaires étrangères.
M. de T'Serclaes. - La question agitée en ce moment peut donner lieu à des développements; j'en indiquerai un seul : en Belgique, toutes les légalisations, tous les visa, sont donnés gratuitement par les autorités. Si le gouvernement, par un article du budget des voies et moyens, établissait une taxe quelconque sur les visa, il pourrait trouver, sans inconvénient, une source assez notable de revenus pour le trésor : les droits de visa sont aujourd'hui perçus dans les tribunaux de première instance et les cours d'appel, en vertu des lois en vigueur. La mesure existe donc, il ne s'agirait plus que de l'étendre dans une proportion à déterminer. Un droit modique sur les légalisations données au ministère des affaires étrangères et par les légations à l'étranger, perçu à l'imitation de ce qui se pratique dans la plupart des Etats de l'Europe, produirait facilement une somme double des réductions que le gouvernement a proposées sur le service diplomatique, et de celles que la section centrale a ajoutées, à mon grand regret. Il en est parmi celles-ci que je trouve très nuisibles aux véritables intérêts du pays, comme celle que la chambre vient d'adopter. Je me borne à appeler l'attention de la chambre sur ce moyen de recettes : on pourrait, sans blesser aucun intérêt, prélever un impôt sur les actes de chancellerie, et trouver ainsi le moyen de subvenir à des dépenses reconnues nécessaires, pour tous ceux qui ont la pratique des affaires politiques.
M. Le Hon. - J'ai demandé à joindre une observation à celle produite par M. le ministre des affaires étrangères et à rectifier une circonstance qu'il a invoquée.
Ce ne sont pas les légations qui perçoivent des droits de chancellerie qui sortent de la règle générale : c'est nous qui n'y sommes pas entrés.
Voici ce qui se passe en France :
A Paris, le Belge qui a besoin d'une signature, d'une législation diplomatique, à quelque chancellerie étrangère qu'il se présente, paye une taxe pour obtenir l'accomplissement de cette formalité. L'étranger qui s'adresse à la légation belge reçoit, lui, cette formalité, cette signature gratuitement. J’ai eu souvent occasion d'exposer les inconvénients de cette différence dans les procédés. Est-il juste que nos compatriotes, taxés par la diplomatie étrangère pour chaque service qu'ils lui demandent, entretiennent, sur leurs impôts, des chancelleries dont les frais pourraient être, au moins en partie, couverts par des droits qu'elles sont en droits de percevoir et qu'elles ne perçoivent pas?
Il est donc parfaitement réguler que les légations belges, comme les légations étrangères, fassent payer des droits de légalisation.
Comme l'a dit l'honorable M. Vilain XIIII, la Belgique est sous ce rapport en retard ou en défaut.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Depuis 18 ans!
M. le Hon. - Sans doute ! Auparavant il n'y avait pas de Belgique.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Ce n'est donc pas le fait du ministère actuel.
(page 181) M. Le Hon. - Qui donc a accusé le ministère? J'ai parlé de la Belgique.
Une amélioration a eu lieu, il y a peu d'années : on a supprimé la taxe élevée à laquelle étaient soumis les passeports délivrés à des Belges à l'étranger. Les légations étrangères avaient pour système de délivrer gratuitement des passeports à leurs nationaux et de faire payer aux étrangers le visa des passeports. Nous pratiquions un procédé tout à fait inverse : nous faisions payer les passeports aux Belges, et nous donnions aux étrangers des visa gratuits.
Ce premier point a été rectifié. Il s'agit de redresser le second.
M. Toussaint.-— Je ne crois pas qu'il faille établir, par représailles dans les légations belges, des droits de chancellerie analogues à ceux établis par la légation française à Bruxelles. La Belgique a fait un acte progressif en supprimant les droits de légalisation. Ces droits existant dans certaines chancelleries sont une continuation des droits de chancellerie perçus dans les gouvernements du Midi, où l'on doit payer toutes les pièces dont on a besoin. Chez beaucoup de gouvernements du Midi, c'est la bourse à la main qu'il faut demander quelque expédition de pièces que ce soit. Le gouvernement hollandais en avait gardé une réminiscence dans les leges que nous avons eu raison d'abolir en Belgique.
Les droits de chancellerie que l'on paye sur des consentements à un mariage, sur des actes de l'état civil etc., sont généralement perçus sur des gens malheureux, qui s'expatrient pour faire leur tour de France et d'Allemagne, et qui ont besoin de faire régulariser des papiers pour s'y établir, ou pour revenir dans leur pays.
J'appuie l'observation de l'honorable M. Vilain XIIII, en ce qui concerne les droits de chancellerie qui ont été doublés par la légation française à Bruxelles. On payait précédemment à cette légation, de même qu’à celle d'Autriche, 1 fr. 50 c. ou un franc pour chaque légalisation d'acte de létal civil. Je le répète, ces droits ont été doublés. Je ne pense pas que ce soit le cas d'établir des représailles; ce qu'il y a lieu de faire, c'est d'adresser des observations au gouvernement français pour rétablir le statu quo, sinon pour réclamer l'abolition complète de tout droit de chancellerie. J'ai assez de confiance dans la sollicitude du gouvernement pour les intérêts du pays, pour être sûr qu'il fera ces observations et qu'il les fera avec l'insistance autorisée par le présent débat.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - J'ai dit tout à l'heure que cette question avait attiré mon attention. J'ajoute que je l'ai déjà fait instruire il y a quelques mois. J'ai écrit, dans ce but, à toutes nos légations pour avoir des renseignements. Mais je ne crois pas que l'usage soit aussi général que l'a prétendu l'honorable comte Le Hon. Je pense qu'il y a peu d'Etats qui fassent payer des droits aussi élevés que le fait la France. L'Angleterre, la Russie, d'autres puissances encore accordent ces légalisations gratuitement.
Avant donc d'établir par représailles des droits élevés de chancellerie, il convient de se livrer à un examen. C'est ce que fait le gouvernement. Quaad cet examen sera terminé, il prendra une résolution.
- L'article 10 est adopté avec le chiffre de 35,000 fr.
« Art. 11. Grande-Bretagne : fr. 52,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Pays-Bas : fr. 32,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Italie : fr. 32,000. »
La section centrale avait proposé le chiffre de 15,000 fr.
M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, en présence des événements graves qui viennent de s'accomplir en Italie, et qui tous sont postérieurs aux délibérations de la section centrale, et aux conclusions du rapport que j'ai eu l'honneur de présenter à la chambre et même aux discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte, sur les affaires d'Italie, la section centrale s'est réunie, et m'a chargé, en qualité de rapporteur, de déclarer qu'elle n'insiste pas sur le chiffre qu'elle avait présenté, chacun de ses membres conservant son opinion individuelle sur le chiffre proposé par le gouvernement.
- L'article 13 est adopté avec le chiffre de 32,000 fr.
« Art. 15. Danemark, Suède et Hambourg : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 16. Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
Art. 17. Portugal : fr. 15,000. »
- La section centrale propose la suppression de cet article.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je ne puis me rallier à la proposition de la section centrale. Je vais en exposer les motifs à la chambre. J'ai déjà donné à la section centrale de nombreuses explications. J'espère que chacun des membres de l'assemblée aura pris connaissance de la note qui est déposée dans le rapport.
J'ai indiqué, messieurs, que le Portugal avait pour nous une importance politique et commerciale. J'ai indiqué même que nous nous trouvions vis-à-vis de ce pays dans une condition en quelque sorte favorisée; puisque d'après son système commercial, il serait en droit maintenant de frapper notre navigation d'une surtaxe. Jusqu'à présent cette mesure n'a pas été prise par une espèce de tolérance. Eh bien ! il est évident que si nous allons supprimer notre légation de Lisbonne, avant d'avoir fait un traité de commerce avec le Portugal, nous nous exposons à une semblable mesure.
Messieurs, la suppression de cette mission ne serait pas faite d'une manière absolue. Sans doute que la section centrale entend que notre ministre résident en Espagne serait accrédité en Portugal. Dès lors, messieurs, il n'y aurait pas d'économie pour le trésor. En effet, les communications entre Madrid et Lisbonne sont extrêmement difficiles, et l'agent qui devrait se transporter, par exemple, deux par année d'une de ces résidences à l'autre, serait obligé à de grands frais. Je vais vous en donner la preuve. Voici des renseignements qui m'ont été fournis par un de nos agents qui a fait le trajet de Madrid à Lisbonne :
« La route de terre de Madrid à Lisbonne n'est, à vrai dire, pas praticable sur le territoire portugais. Pendant la saison sèche qui s'étend de mai à novembre, on pourrait s'en tirer, car alors la terre est durcie et l'on évite les mauvais pas en prenant à travers champs. J'ai fait, de Lisbonne, ce trajet qui est d'une quarantaine de lieues, à dos de mulet, au mois d'août; je ne conseillerais à personne de prendre ce chemin, qui en venant d'Espagne, est par Elvas à quelques lieues de Badajoz, par Estremoz, Evora et Aldea Gallega sur le Tage d'où l'on arrive en canot à Lisbonne. C'est un voyage de quatre jours. Le courrier de la poste qui est à cheval y met 36 heures tandis que la course de Badajoz à Madrid , qui est à peu près double, se fait en 42. »
Je n'entrerai pas plus avant dans ces détails parce qu'il ne saurait être question de faire suivre à notre chargé d'affaires cette route où il risquerait sa vie, à moins d'avoir une santé bien robuste.
La seule praticable, celle que suivent tous les voyageurs, est par Cadix, où ils prennent le steamer anglais, qui fait tous les dix jours le voyage de Southampton à Gibraltar avec escale à la Corogne, Vigo, Porto, Lisbonne et Cadix.
La distance de Madrid à Cadix est d'environ 130 lieues de 5,000 mètres, soit 80 postes.
L'on prend généralement la diligence qui est escortée. Elle met quatre jours pour faire le trajet.
Voilà, messieurs, quelle est la distance que doit parcourir celui qui se rend de Madrid à Lisbonne et les dépenses qu'elle lui occasionnerait. Il en résulterait que les frais de voyage de notre agent qui devrait faire au moins une fois par année une semblable démarche, seraient très élevés. Ce n'est pas, messieurs, parce que c'est un tel agent qui serait à Madrid plutôt que tel autre, comme le prétendait l'honorable M. Osy, que la dépense serait élevée. Il y a maintenant un règlement qui fixe d'une manière rigoureuse les frais de route et les frais de séjour. Du reste si, à une autre époque, ce que j'ignore, car ce n'est pas sous mon administration que s'est passé le fait qui vous a été signalé, on a donné à un agent diplomatique des frais de voyage très élevés, je pense que c'est au ministre qu'en vient la responsabilité. Car l'agent diplomatique soumet ses comptes au département des affaires étrangères; ce département les examine et en prend la responsabilité.
Voilà: donc, messieurs, une considération très forte et c'est qu'il ne pourrait y avoir d'économie dans la proposition de suppression qui vous est faite. Mais j'ai une autre considération plus importante encore à faire valoir auprès de la chambre.
En Portugal il a été question devant la chambre, de la suppression de la légation de Portugal à Bruxelles, et, à l'unanimité, la chambre a repoussé une semblable proposition. Voici ce qui s'est passé :
La section centrale, qui a examiné cette année le budget .des affaires étrangères en Portugal, aurait été d'avis qu'il fallait supprimer ou réduire la mission de Belgique. La discussion du rapport de la section centrale a eu lieu dans la séance du 16 juin, et le ministre des affaires étrangères s'est formellement déclaré contre, en disant que de telles économies n'étaient nullement raisonnables, puisque le gouvernement devait chercher les moyens de resserrer et d'augmenter, s'il était possible, les liens d'amitié et de parenté déjà existants entre les deux cours ; qu'ensuite la Belgique, étant un pays très prospère, pouvait offrir de grands avantages au Portugal pour l'exportation de ses vins, de ses fruits et du sel, de la même manière que la Belgique, pays éminemment industriel, trouverait de très grands débouchés pour ses produits, non seulement en Portugal, comme dans les colonies portugaises, mais que tout cela dépendait de conventions commerciales qui n'existent pas jusqu'à ce jour, parce que la guerre civile, qui malheureusement a éclaté en Portugal à différentes reprises, a empêché le gouvernement de s'occuper de si importantes affaires. Après le discours du ministre, toute la chambre a voté contre l'avis de la section centrale, et la mission en Belgique est restée comme elle était auparavant, tandis que les missions de Berlin, St-Pétersbourg et Vienne, ont été réduites.
Voilà, messieurs, ce qui s'est passé en Portugal dans une question tout à fait identique. La section centrale avait proposé la suppression ou une forte réduction sur la mission du Portugal à Bruxelles. La chambre, après le discours du ministre, a rejeté, à l'unanimité, une semblable proposition. J'espère qu'il en sera de même à Bruxelles.
M. de Liedekerke. - Messieurs, aux observations très péremptoires que vient de présenter M. le ministre des affaires étrangères, je me permettrai d'en ajouter quelques autres.
L'Angleterre, par le traité de Metuen conclu en 1803, avait pour ainsi dire le monopole commercial en Portugal. C'est ce qui dispose quelques esprits à croire qu'il est tout à fait inutile d'avoir une légation à Lisbonne , parce qu'il est impossible de lutter avec la prépondérance anglaise. Mais ce traité est expiré. Depuis lors, l'Angleterre a tâché, à différentes reprises, de le renouveler. Le Portugal s'y est constamment refusé. Il n'a plus voulu se soumettre à la sujétion commerciale que (page 182) l'Angleterre avait exercée sur lui, et les deux royaumes n'ont pu s'accorder sur les conditions d'un nouveau traité.
Ainsi, messieurs, le monopole que l'Angleterre avait en Portugal n'existe plus. Il est à espérer, et il est possible, que la Belgique puisse obtenir sur le marché du Portugal, marché très avantageux, des conditions excessivement favorables.
Je me permets d'ajouter une autre considération : c'est que les liens de parenté qui unissent les deux dynasties sont une raison de plus pour espérer que la Belgique rencontrera dans une négociation des conditions favorables.
Messieurs, le Portugal a des colonies extrêmement importantes. Il a entre autres sur la côte d'Afrique le royaume d'Angola, qui est une des colonies les plus riches, les plus abondantes, les mieux dotées qu'il y ait dans toute l'Afrique. C'est à tel point qu'une compagnie hambourgeoise et une compagnie anglaise ont toutes deux voulu établir un chemin de fer dans le royaume d'Angola. J'ai même le livret qui indique toutes les conditions de cette entreprise, et comme elle ne date que du mois de juillet 1848, il est possible que ce nouveau développement qui serait donné à cette colonie, vienne à s'y établir.
Je crois donc, messieurs, qu'il y aurait un véritable danger pour les intérêts de notre commerce et de notre industrie à renoncer à avoir une mission dans un pays qui peut offrir des débouchés nombreux et nous donner un marché très important et très lucratif.
M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, la section centrale n'avait pas cru d'abord qu'il fût absolument indispensable que l'agent à Madrid fût accrédité en Portugal ; elle avait pensé que, eu égard à nos relations politiques, qui ne sont pas très considérables et, eu égard à nos relations commerciales qui ne le sont pas davantage ...
M. de Liedekerke. - Elles peuvent le devenir.
M. de Luesemans. - On me fait remarquer qu'elles peuvent le devenir. Mais il y a très longtemps qu'elles sont dans ce cas-là et, malheureusement, elles ne le sont pas devenues. Je répondrai tout à l'heure plus longuement à la pensée de l'honorable M. de Liedekerke.
Dans l'opinion de la section centrale l'agent à Madrid ne devait pas être accrédité à Lisbonne. Je n'ai pas besoin d'insister sur le peu d'importance de nos relations politiques avec le Portugal; chacun sait qu'elles n'en ont aucune. Quant à nos relations commerciales, voici comment elles se trouvent établies :
D'après le tableau général du commerce dans les pays étrangers, le Portugal occupe, dans les importations, le 12ème rang pour les valeurs permanentes, et le 21ème pour les valeurs variables. Dans les exportations, il n'occupe que le 28ème rang pour les valeurs permanentes et les valeurs variables.
Il y a pour les importations 30 numéros, et pour les exportations il y en a 31 qui déterminent le rang d'importation de chaque pays.
En 1847, le commerce direct s'est fait de la manière suivante :
Par navires portugais. Il est entré trois navires venant directement du Portugal, dont un de 96 tonneaux. Ils jaugeaient ensemble 361 tonneaux. Un d'eux a chargé en retour 22 tonneaux de marchandises belges.
aor navires belges. Trente-trois navires sont revenus du Portugal; ils jaugeaient ensemble 4,637 tonneaux, et avaient à bord 4,133 tonneaux de marchandises.
Par contre, il est parti de Belgique pour le Portugal 29 navires, dont trois, jaugeant 326 tonneaux, avaient à bord 174 tonneaux de marchandises.
26 navires sont partis sur lest jaugeant 3,512 tonneaux.
On voit que les occasions n'ont pas manqué à notre commerce.
Le commerce s'est fait par pavillons tiers de la manière suivante : neuf navires de pavillons tiers ont servi d'intermédiaires à nos relations avec le Portugal; ils jaugeaient ensemble 1,934 tonneaux, dont un seul a pris à bord 242 tonneaux ; c'était un navire brésilien.
D'après ces données, messieurs, il a semblé à la section centrale, qu'il était nécessaire d'adopter encore cette économie-là. Cependant, messieurs, dans la séance d'hier, si je ne me trompe, l'honorable M. Osy nous a appris que, par économie même, il fallait s'abstenir de supprimer la légation du Portugal. Il est évident que si le gouvernement a l'intention d'accréditer à Lisbonne l'agent qui se trouve à Madrid, ce à quoi ni la section centrale ni la chambre ne peuvent s'opposer, il est évident, dis-je, que des voyages un peu multipliés coûteraient bien au-delà de la somme que nous aurions effacée du budget.
J'avais, messieurs, un mot à répondre à l'honorable M. de Liedekerke. Il pense que la Belgique pourrait se substituer à l'Angleterre pour une partie des relations commerciales. Je pense, messieurs, que l'importance des relations commerciales de l'Angleterre avec le Portugal ne dépend pas seulement du traité de Metuen qui vient d'être cité, mais qu'elle dépend surtout de la présence de plusieurs Anglais très distingués, qui ont établi, au profit de leur patrie, des comptoirs sur tous les points du Portugal. Ces comptoirs ont fait naître un grand commerce d'échange entre l'Angleterre, qui consomme les produits du Portugal, et le Portugal, qui consomme les produits de l'Angleterre. Si la Belgique pouvait envoyer en Portugal des négociants, qui s'y établiraient comme les Anglais s'y sont établis, nous finirions ainsi par acquérir aussi un commerce d'échange avec ce pays, mais il n'a pas semblé à la section centrale qu'un chargé d'affaires pût nous procurer cet avantage.
En présence de la déclaration qui vient d'être faite par M. le ministre des affaires étrangères, que le gouvernement à l'intention d'accréditer à Lisbonne notre agent de Madrid, la chambre jugera s'il lui convient de supprimer le chiffre de la section centrale qui n'a pas retiré sa proposition.
M. Dechamps. - L'honorable M. de Luesemans vient de nous dire, messieurs, que les relations politiques entre la Belgique et le Portugal avaient très peu d'importance. Je ne puis partager l'opinion de l'honorable rapporteur à cet égard : le Portugal, messieurs, a été depuis longtemps un lien politique très important entre la Belgique et l'Angleterre. Les affaires du Portugal ont été une cause presque perpétuelle de relations politiques entre la Belgique et la Grande-Bretagne. Je vais citer un fait qui servira à confirmer ce que j'avance.
Après que l'alliance entre la France et l'Angleterre, l'entente cordiale fut brisée par les événements qui se passèrent à Madrid, cette alliance si importante pour nos intérêts politiques a été reconstituée, un moment, à Lisbonne.
Vous vous souvenez, messieurs, qu'après la rupture du cette entente cordiale, il y eut, en 1847, une intervention commune entre l'Angleterre et la France pour régler les affaires de Portugal. Eh bien, je puis dire que l'influence de la diplomatie belge dans ce fait, qui pouvait devenir si important, a été considérable. Notre diplomatie a rempli là un véritable rôle d'arbitre, accepté par les deux grandes puissances. Lorsque le général Goblet a été envoyé en Portugal après la révolution de septembre 1837, lorsque MM. de Beaulieu et de Vrière y furent envoyés depuis, toujours notre diplomatie a exercé une influence utile pour aplanir les difficultés qui renaissent à tout moment sur ce sol agité.
Ces faits, messieurs, ne sont peut-être pas assez connus en Belgique, mais ils n'en sont pas moins réels ; je puis l'affirmer parce que j'étais au ministère lorsque les plus importants se sont passés. Certainement on n'a pas oublié, à Londres, le rôle que nous avons joué dans ces affaires, et comme M. le ministre des affaires étrangères vient de le dire, le souvenir ne s'en est pas effacé à Lisbonne. Le fait qu'il a cité a dû faire impression sur vos esprits; il vous a fait connaître que l'année dernière le comité des finances de la chambre portugaise avait proposé, par mesure d'économie, la suppression des légations de Saint-Pétersbourg, de Berlin et de Bruxelles. Or, il a suffi que le ministre fît connaître l'importance des relations du Portugal avec la cour de Bruxelles, pour que la chambre, à l'unanimité, majorité et opposition, se levât et maintint la légation de Bruxelles, alors qu'elle supprimait celles de Saint-Pétersbourg et de Berlin.
Voulez-vous, par votre vote, faire repentir en quelque sorte le gouvernement portugais de ce bon procédé politique, dont le gouvernement et la chambre portugaise ont usé à notre égard ?
L'honorable M. de Luesemans vient de dire que si le gouvernement a l'intention d'accréditer à Lisbonne notre ministre à Madrid, la chambre n'aurait réalisé aucune économie, à cause des dépenses que nécessiteraient les voyages de notre agent, de Madrid à Lisbonne. Il est clair que le gouvernement ne pourra pas se dispenser d'accréditer à Lisbonne notre agent de Madrid, et par conséquent, la chambre devra comprendre qu'en supprimant la mission du Portugal, elle n'aura voté aucune économie.
Et puis, si l'on supprimait cette légation, voici ce qui arriverait : le chargé d'affaires du Portugal à Bruxelles serait rappelé, par suite de ce vote, et si un agent belge ne dépensait plus 15,000 fr. à Lisbonne, un agent portugais ne dépenserait plus les 18,000 fr. de son traitement à Bruxelles. Croyez-vous que le pays y gagnerait beaucoup?
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, l'honorable rapporteur a dit que nos rapports commerciaux avec le Portugal ne sont pas très développés en ce moment, et il a apporté même des chiffres à l'appui de cette assertion. Mais en résulte-t-il qu'à l'avenir ces rapports ne se développeront pas, lorsqu'il n'y a aucun obstacle absolu à ce développement?
L'Angleterre, il est vrai, exerce une espèce de monopole sur le marché du Portugal, mais l'Angleterre n'y jouit d'aucune faveur particulière ; nous sommes admis sur le même pied que la nation la plus favorisée en Portugal ; pourquoi ne chercherions-nous pas à y lutter avec l'Angleterre, comme nous le faisons sur la plupart des marchés étrangers? Pour bien des articles, nous sommes à même de soutenir la concurrence anglaise, quelle que soit sa puissance industrielle. Ainsi nous exportons partout des armes, des clous, des verreries, du zinc, et d'autres produits encore ; nous luttons déjà tous ce rapport avec les Anglais ; pourquoi ne pourrions-nous pas le faire en Portugal?
Nous n'avons pas jusqu'ici d'arrangement commercial avec ce pays ; cela est vrai, mais dans la note dont j'ai fait lecture, j'ai fait connaître l'opinion du ministre des affaires étrangères de Portugal qui indique que les troubles qui ont longtemps agité ce royaume ont été le motif qui n'a pas permis de conclure un semblable arrangement; il y a donc lieu de croire que si un semblable arrangement était conclu, nous pourrions lutter contre le monopole anglais.
L'honorable rapporteur a indiqué le véritable motif pour lequel nous n'exportons pas en Portugal ; je l'ai signalé hier encore à la chambre. Partout où il n'existe pas de maisons ou comptoirs belges, les relations commerciales se développent très difficilement; mais rien n'empêche qu'en Portugal comme ailleurs on essaye l'établissement de maisons belges, et alors nous pourrons, comme partout ailleurs, participer au marché de ce pays. Ainsi au point de vue commercial même, il importe que nous ayons un agent diplomatique dans ce royaume.
(page 183) M. Delfosse. - Je ne prends pas au sérieux ce qui vient d'être dit de l'importance de nos relations avec le Portugal ; évidemment elles sont nulles au point de vue politique ; mais il est une considération qui me touche, c'est que l'économie qui résulterait de la suppression du chargé d'affaires à Lisbonne serait compensée, absorbée par les frais de voyage du chargé d'affaires de Madrid, qui serait accrédité à Lisbonne.
Je voudrais cependant que l'on se mît d'accord. Si c'est là une raison, elle existe aussi pour la légation du Nord; on va supprimer le chargé d'affaires de Suède; c'est celui de Copenhague qui sera accrédité à Stockholm, il le sera aussi à Hambourg.
- Un membre. - Cela est voté.
M. Delfosse. - Le sens de mon observation est celui-ci : si l'on ne doit pas supprimer le chargé d'affaires de Lisbonne à cause des frais de voyage, il ne fallait pas non plus supprimer celui de Stockholm. La position est identique.
- Un membre. - Les frais de voyage sont plus considérables de Madrid à Lisbonne, que de Copenhague à Stockholm ou à Hambourg.
M. Delfosse. - Cela est vrai, mais les voyages seront plus fréquents pour le chargé d'affaires de Copenhague, puisqu'il sera accrédité auprès de deux autres gouvernements. Je déclare du reste que je n'ai pas de parti pris sur cette question, je cherche à m'éclairer.
M. de Liedekerke. - Messieurs, je n'ai qu'une simple observation à faire : les chiffres, présentés par l'honorable rapporteur de la section centrale, quant à l'importance de nos relations commerciales avec le Portugal, ont paru faire une assez vive impression sur l'esprit des membres de cette chambre ; mais il est à remarquer que ces chiffres correspondent à l'année pendant laquelle le Portugal a été déchiré par les guerres civiles les plus épouvantables; évidemment, il ne pouvait pas y avoir alors de relations commerciales de quelque importance ; après une guerre civile, le commerce et l'industrie ne peuvent pas rentrer immédiatement dans une voie normale.
M. Osy. - Messieurs, il y a une très-grande différence entre la distance de Madrid à Lisbonne, et celle de Hambourg à Copenhague et à Stockholm. Il y a à Lubeck des bateaux à vapeur qui vous transportent en 12 heures à Copenhague. Les frais de ces voyages ne seraient pas très considérables si, comme nous ne cessons de le demander, le gouvernement ne remboursait à ses agents que les dépenses qu'ils font réellement.
M. Orts. - Je prends la parole pour demander une explication ou éclaircissement réclamé déjà par M. Delfosse et que nous n'avons pas obtenu jusqu'à présent. Si l'on déclare qu'il importe peu que des légation soient supprimées ou conservées parce que, si d'un côté des traitements sont supprimés le même agent étant accrédité près de deux cours, les frais de voyage augmenteront dans la même proportion, nous devons protester contre un pareil système, car ce serait aller contre la volonté de ma chambre, ce serait détruire l'œuvre sérieuse qu'elle a voulu faire.
Si le gouvernement croit utile de conserver des relations avec le Portugal, nonobstant la suppression de la légation de Lisbonne, on pourrait le faire d'une manière plus économique que ne se le propose le gouvernement, en accréditant près de la cour de Lisbonne un autre agent que celui de Madrid. Les distances sont quelque chose de relatif aux moyens et aux facilités de transport. S'il est difficile de voyager de Madrid à Lisbonne par terre à cause des dangers de toute espèce qu'on vous a signalés, il y a moyen de faire communiquer plus facilement un autre agent diplomatique avec cette cour; on nous a dit que l'importance politique et commerciale d'un agent à Lisbonne existait à raison de nos rapports avec l'Angleterre.
Eh bien, s'il en est ainsi, accréditez votre agent de Londres, qui peut aller de Southampton à Lisbonne en moins de 3 jours, au lieu de 8 qu'il faut pour y aller de Madrid. Remarquez que la chose ne serait pas sans précédent. Je crois que notre ministre à Londres a été à Lisbonne quand les besoins du service l'y ont appelé.
D'un autre côté, je dirai qu'on peut aller régulièrement d'Angleterre à Lisbonne, que des paquebots anglais partent tous les jours, et que le trajet ne coûte que de 70 à 80 francs.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je crois qu'il y aurait un grand inconvénient à accréditer, à Lisbonne, notre ministre à Londres; le poste de Londres est tellement important qu'il faut que notre ministre y réside en permanence. Il serait donc contraire aux intérêts du pays de lui faire faire des voyages de long cours quand sa présence est nécessaire à son poste. Je ne sais si certaines économies que recherche l'honorable M. Orts serait obtenue par le mode qu'il propose. J'en doute. Nous devons avoir un agent accrédité à Lisbonne. Depuis 1832, nous avons des relations diplomatiques avec le Portugal ; c'est un des premiers Etats qui aient reconnu la Belgique. Il importe donc de conserver ces relations; sinon, ce serait une rupture diplomatique que rien ne justifierait.
Que ce soit l'agent de Londres ou de Madrid qui soit accrédité, il résultera toujours certains frais qui diminueront l'économie de 15,000 francs que vous voulez réaliser. Je crois qu'il est préférable, même au point de vue où se placent les honorables préopinants, d'accueillir la proposition du gouvernement.
M. de Mérode. - Ces suppressions qu'on propose ne profiteront pas beaucoup au pays. Quand vous avez dans le pays un agent diplomatique, il fait certaines dépenses ; de sorte que si votre agent fait quelque dépense à l'étranger, on en fait chez vous. Je ne comprends pas qu'on veuille rompre nos relations avec le Portugal par des considérations aussi étroites que celles qu'on propose. C'est un mauvais calcul; ce n'est pas par des économies semblables que vous allégerez la position des contribuables ; j'en ai signalé de plus importantes; j'appelle cela détraquer toute l'administration. Quand nous aurons rogné ce qui est nécessaire à des fonctions aussi importantes que celles dont il s'agit, nous n'aurons pas réduit de 25 centimes la contribution de celui qui paye mille francs. Je considère ces économies comme rien ou, pour mieux dire, comme la plus détestable des combinaisons.
M. Dumortier. - Je ne crois pas qu'il convienne de supprimer le poste de la péninsule Ibérique; c'est un pays avec lequel nous pouvons faire beaucoup d'affaires; les toiles s'y exportent en grande quantité. Si le traité avec la France venait à n'être pas renouvelé au point de vue de l'industrie linière, ce serait un acte d'imprévoyance que de supprimer une légation qui peut ouvrir aux Flandres un large débouché ; car c'est un fait incontestable qu'on peut avec avantage exporter dans cette péninsule beaucoup de toiles. Ce qu'on doit désirer, c'est que nos agents s'occupent des intérêts de notre commerce et de notre industrie ; s'ils le faisaient, nous trouverions là le débouché qui nous manque.
Il faut considérer le Portugal au double point de vue de ses possessions territoriales et de ses colonies ; car le Portugal a des colonies avec lesquelles nous avons des relations commerciales. Sous ce rapport, la Belgique a besoin de maintenir ses relations diplomatiques avec le Portugal.
Je ne tiens pas compte de l'observation de M. Delfosse relativement aux frais de déplacement qui résulteront de l'admission d'un seul chargé d'affaires pour la Suède, le Danemark et Hambourg ; c'est une faute qu'on a commise, mais au second vote la chambre pourra revenir sur cette augmentation de dépense qu'on n'a pas prévue. Il demeure certain, quelle que soit la personne chargée de défendre les intérêts de la Belgique à Lisbonne, qu'on aura la même dépense à faire. Quand l'économie n'est pas en jeu, n'est-il pas plus convenable de maintenir la légation pour le moment où nous aurons besoin d'ouvrir des négociations importantes pour notre commerce ?
- Le chiffre de 13,000 fr. pour le Portugal est mis aux voix et adopté.
« Art. 18. Turquie, fr. 30,000. »
La section centrale propose le chiffre de 27 mille francs.
M. le président. - M. Sinave propose à cet article un amendement consistant à remplacer le chargé d'affaires par un consul au traitement de 1,000 fr.
- Plusieurs membres. - La question préalable !
M. Delehaye. - Il est certain que personne ne veut que le vote sur un objet de cette nature soit en quelque sorte enlevé par surprise. De quoi nous sommas-nous occupés hier? D'un amendement présenté par l'honorable M. Osy et qui, dans sa pensée, n'avait peut-être pas la portée qu'il avait dans la pensée d'autres honorables membres. C'est ce qu'a expliqué l'honorable M. de Brouckere. Si l'honorable M. Osy n'avait pas fait cette proposition, j'aurais appelé l'attention de la chambre sur un point. De quoi s'agit-il? D'économiser au trésor 20 mille francs. Songez, messieurs, qu'avec cette somme nous arracherions 200 familles à la misère. Il s'agit de remplacer l'article par un autre qui donnerait au gouvernement la faculté d'avoir à Constantinople un agent consulaire.
Je connais des négociants très recommandables....
M. le président. - C'est le fond. La question préalable est seule en discussion.
M. Delehaye. - Permettez, monsieur le président; la proposition de l'honorable M. Osy ne modifiait en rien l'article. Cet honorable membre a simplement énoncé une opinion qui n'a pas été adoptée par la chambre.
M. le président. - C'est une erreur. La proposition de M. Osy est déposée sur le bureau ; elle est ainsi conçue : « Je propose de commencer la discussion par la légation de Turquie, dont je propose la suppression. » Cette proposition a été rejetée. C'est ce que constate le procès-verbal qui a été adopté sans réclamation, à l'ouverture de la séance.
M. Delehaye.- Il est si vrai qu'il n'y a rien de préjugé au sujet de cet article qu'à l'ouverture de la séance, M. le ministre des affaires étrangères a demandé qu'il soit discuté en dernier lieu.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Quant au chiffre.
M. Delehaye. - Soit! Je ne conçois donc pas qu'on oppose la question préalable à la réduction proposée par l'honorable M. Sinave.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Hier cette question a été posée par l'honorable M. Osy : T a-t-il lieu, oui ou non, de supprimer la légation de Turquie? La chambre a résolu cette question négativement. Depuis elle a décidé le maintien de la légation.
Or, l'honorable M. Sinave proposa l'institution d'un consulat ; d'où résulterait la suppression de la légation contre laquelle vous vous êtes prononcés hier. Evidemment l'amendement n'est plus admissible.
M. Sinave. - Je m'en rapporte entièrement à la chambre. Mais je suis surpris qu'on décide de cette manière ; je ne l'avais pas entendu ainsi ; je n'aurais pas fait mon amendement, si je l'avais su. Puisqu'il en est ainsi, je propose de réduire le chiffre à la somme que j'avais proposée, sauf à laisser au gouvernement la faculté de nommer un consul ou un chargé d'affaires.
- L'amendement de M. Sinave, ainsi modifié, n'est pas appuyé.
(page 184) La chambre passe à la discussion sur les chiffres proposés par le gouvernement et par la section centrale.
M. Dedecker. - A la séance d'hier, la chambre a décidé que la légation politique à Constantinople serait maintenue. Elle a à examiner aujourd'hui la question du chiffre. Nous sommes en présence de deux propositions: la proposition du gouvernement et la proposition de réduction faite par la section centrale.
Je ne présenterai pas à la chambre les considérations politiques et commerciales qui militent en faveur du maintien du chiffre proposé par le gouvernement. Je viens combattre la proposition de réduction faite par la section centrale, parce que je crois que cette proposition de réduction repose sur une erreur de fait.
Pour quel motif, messieurs, la section centrale n'admet-elle pas la proposition qui est faite par le gouvernement? Uniquement pour ce motif ; c'est qu'il semble que le chiffre de 15,000 francs soit admis comme chiffre normal pour nos chargés d'affaires en Europe, tandis que 18,000 francs constituent le chiffre admis pour les chargés d'affaires hors d'Europe.
La question est donc de savoir à laquelle de ces deux catégories appartient réellement la légation de Constantinople.
Géographiquement, nous savons tous que Constantinople appartient à l'Europe. Mais il n'est personne d'entre vous qui ne sache que Constantinople et l'empire turc n'appartiennent plus à notre civilisation ; qu'ils appartiennent à un autre monde d'idées et d'usages.
Voilà le fait dont la section centrale n'a pas tenu compte, et qui est cause qu'elle a substitué le chiffre de 15,000 francs à celui de 18,000 francs. Je crois donc, messieurs, que la section centrale, pour être conséquente avec ses propres propositions, doit ranger la mission politique de Constantinople dans la catégorie des missions politiques d'outre-mer, et accorder pour cette mission le chiffre de 18,000 francs qu'elle a. accordé pour Rio et Washington.
Il y a, messieurs, des motifs tout spéciaux qui devraient faire accorder 18,000 fr. pour Constantinople, alors même qu'on n'admettrait pas ce chiffre pour Rio et Washington. Car ce chiffre que nous sommes appelés à discuter ne repose pas sur des bases arbitraires ; il représente des faits ; il correspond à un certain nombre de faits dont nous devons tenir compte. Ce sont des faits qui reposent sur les usages, sur les habitudes de ce pays; des faits par conséquent complètement indépendants de notre volonté et de la volonté de notre agent. Ce sont ces faits dont il faut tenir compte, qu'il faut apprécier pour voir quel est le chiffre qui représente réellement la somme des exigences auxquelles notre agent est appelé à satisfaire.
J'aurai, messieurs, l'honneur de présenter à la chambre quatre ou cinq faits qui vous prouveront péremptoirement, d'après moi, que le chiffre de 18,000 fr. doit être bien plutôt adopté pour la mission de Constantinople que pour celles de Rio et de Washington.
La vie à Constantinople, de l'aveu de tout le monde, est plus chère, au moins aussi chère qu'elle l'est à Washington et à Rio. Les loyers y sont quintuples de ce qu'ils sont à Bruxelles. Et il ne faut pas commettre l'erreur de supposer qu'on puisse vivre à Constantinople comme on vit dans une ville appartenant à notre civilisation européenne. Il n'y a pas d'hôtels garnis; il faut nécessairement une habitation séparée. Or, quelque modeste que vous preniez cette habitation, il est évident que les loyers étant quintuples de ce qu'ils sont à Bruxelles, il faut pour cette modeste habitation, une dépense de 6 à 7,000 fr.
Je suis fâché, messieurs, de devoir entrer dans, ces petits détails de ménage; mais il faut que, dans la fixation du chiffre, nous tenions compte de ces faits.
Un autre fait, messieurs, c'est que dans une ville d'Europe ou d'Amérique, un agent peut se confondre pour ainsi dire avec la société ordinaire, faire ainsi moins de frais de représentation; tandis qu'à Constantinople, nous savons que le corps diplomatique constitue une société tout à fait à part, en dehors de la société turque, et que, par conséquent, dans cette société, on est obligé à des frais de représentation de tous les jours, de tous les instants.
Un autre fait encore, c'est qu'en Turquie beaucoup plus qu'ailleurs existe l'usage des présents. A chaque instant et pour le moindre petit fait, on est obligé de faire des cadeaux.
Un cinquième fait, c'est qu'en dehors des moyens de locomotion dont un agent politique a besoin dans l'intérieur de la ville, il y a nécessité à Constantinople d'avoir un petit équipage maritime pour se rendre aux résidences d'été de tous les personnages qui composent le gouvernement.
Ainsi voilà une série de faits tout exceptionnels pour la mission de Constantinople et dont il est indispensable de tenir compte pour la fixation du traitement du chef de la légalisation. Ce sont ces faits qui, d'après moi, n'ont pas assez préoccupé la section centrale, car dans le rapport, rien ne motive sa proposition de réduction. On trouve une note jointe au rapport, dans laquelle l'honorable ministre des affaires étrangères motive parfaitement, par des faits et des observations concluantes sa demande de 18,000 francs; mais la section centrale, ou du moins l'honorable rapporteur, au lieu de rencontrer ces faits, de réfuter ces observations, se contente tout simplement de proposer le chiffre de 15,000 fr.
Je viens, messieurs, de faire valoir des considérations tirées d'un ordre de faits incontestables, qui doivent engager la chambre à ne pas consentir à la proposition de réduction qui lui est faite par la section centrale, et à se ranger, du moins cette fois, à l'avis du gouvernement.
M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, la section centrale se trouve, relativement à la légation de Constantinople, dans une position que, cette fois, j'appellerai heureuse. D'une part, le gouvernement demande plus qu'elle n'accorde; d'autre part, quelques membres ont été jusqu'à demander la suppression complète de l'allocation. Je me permettrai de dire, en qualité de rapporteur de la section centrale, ce que disait M. le ministre au nom du gouvernement. C'est là une preuve que la section centrale s'est maintenue dans un juste milieu.
Messieurs, comme on vous l'a dit, la section centrale a suivi pour des légations d'Europe une règle uniforme, elle a cru devoir accorder pour chacune 15,000 fr. La section centrale s'est posé la question de savoir s'il était utile ou convenable d'augmenter le chiffre pour la légation de Constantinople, et elle ne l'a pas cru. Les faits que l’honorable M. Dedecker vient de rappeler ont été signalés par M. le ministre des affaires étrangères, et la section centrale n'a pu voir dans le chiffre qu'elle a alloué, que ce qui constitue la dépense de la légation elle-même. Ainsi, si le chargé d'affaires à Constantinople avait à faire des dépenses extraordinaires qui ne seraient pas à la. charge des autres chargés d'affaires, je crois (c'est la pensée de la section centrale, et j'avoue que c'est la mienne) qu'il ne peut entrer dans la pensée de personne de le forcer à des dépenses plus considérables que tout autre chargé d'affaires.
Mais voici une considération qui a semblé assez puissante à la section centrale.
Comme vous le savez, le gouvernement hollandais s'est placé, à l'égard de ses agents diplomatiques, dans une toute autre position que le gouvernement belge. Quoiqu'il ait fait des réductions considérables, il les paye cependant beaucoup plus. La Hollande paye à quelques-uns de ses agents les sommes suivantes :
Espagne et Portugal, ministre résident : fl. 12,000
Prusse, ministre plénipotentiaire : fl. 19,000
Autriche, ministre plénipotentiaire : fl. 18,000
France, ministre plénipotentiaire : fl. 24,000
Grande-Bretagne, ministre plénipotentiaire : fl. 38,000
Belgique, ministre plénipotentiaire : fl. 17,000
Porte Ottomane, ministre résident : fl. 10,000 ; premier drogman, ministre résident : fl. 3,000 ; chancellerie et autres frais, ministre résident : fl. 1,850. Ensemble fl. 14,850.
Il résulte de l'addition de ces chiffres, que la légation néerlandaise à Constantinople coûte au gouvernement des Pays-Bas 14,850 florins, et c'est un ministre résident qui se trouve accrédité. En conservant la proportion de ce que paye la Hollande et de ce que paye la Belgique, et en comparant les titres relatifs de chargé d'affaires, et de ministre résident, il s'ensuit que la Belgique, à l'égard de son chargé d'affaires à Constantinople, est beaucoup plus généreuse que la Hollande, ne l'est, à l'égard de son ministre résident.
C'est, messieurs, par ces considérations que la section centrale n'a pas cru devoir proposer un chiffre plus élevé pour la légation de Constantinople, que celui qu'elle alloue en général pour toutes les légations d'Europe, où il n'y a qu'un chargé d'affaires.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - L'honorable orateur s'est appuyé sur un principe pour justifier la proposition de la section centrale ; il a dit que la section centrale avait adopté pour tous les chargés d'affaires d'Europe le chiffre de 15,000 fr., et pour les chargés d'affaires hors d'Europe, celui de 18,000 fr. Eh bien, messieurs, c'est précisément en m’appuyant sur ce principe et sur les nécessités de position, que j’ai adopté pour Constantinople le traitement de 18,000 fr. En effet. Il est évident que Constantinople, pour les mœurs, pour les usages, pour les dépenses, enfin sous tous les rapports, ne peut pas être assimilé à une ville européenne. C'est une chose connue de tout le monde. Le prix des choses nécessaires à la vie y est au moins aussi considérable qu'aux Etats-Unis, à Rio de Janeiro et dans d'autres résidences pour lesquelles la section centrale alloue 18,000 francs.
Il y a ensuite à Constantinople des dépenses d'une nature toute particulière qui dépendent des usages et qu'on ne peut pas se dispenser de faire. C'est à ces dépenses, que j'ai énumérées à la section centrale, que sont destinées, en totalité, les 3,000 francs, sur lesquels nous différons avec l'honorable rapporteur. S'il ne dépendait que de cela, messieurs, pour nous mettre d'accord, si on voulait porter sous une autre dénomination les 3,000 francs dont il s'agit, en leur donnant cette destination, cela reviendrait absolument au même.
L'honorable rapporteur s'est fondé sur le traitement que la Hollande accorde à son ministre résident, à Constantinople; eh bien, ce traitement est plus élevé que celui que nous demandons; il est de 10,000 florins, c'est-à-dire de 21,000 francs. Quant à la dépense totale de la légation, elle est la même que celle que nous proposons, elle est même plus considérable car 14,750 florins font 31,200 francs.
Mais, messieurs, je vais faire connaître ce que les autres pays accordent à leurs légations à Constantinople. et vous verrez que nous sommes loin d'atteindre à des chiffres aussi élevés.
L'Autriche accorde un traitement fixe de 103,448 fr.. et pour frais de premier établissement, 31,034 fr.
L'Angleterre a un ambassadeur qui jouit d'un traitement de 177,500 fr., plus 31,875 fr. pour frais de premier établissement; un secrétaire qui reçoit un traitement de 20,400 fr. et 3,825 fr. pour frais de premier établissement; un secrétaire drogman, à 12,750 fr., un premier (page 185) attaché à 7,650fr.; un deuxième attaché, à 6,575 fr.; un troisième attaché à 6,375 fr. Ce qui fait pour la légation anglaise un total de 231,050 fr.
L'Espagne a un ministre plénipotentiaire au traitement de 30,000 fr. plus 15,000 fr. de frais de premier établissement et 7,000 fr. de frais de chancellerie.
Les Etats-Unis ont un ministre résident qui a un traitement de 32,400 fr., plus 16,200 fr. de frais de chancellerie, plus un drogman à 13,500 fr.
La France avait autrefois un ambassadeur; maintenant elle a un ministre à 66,000 fr.
Nous venons d'indiquer le chiffre qui est accordé par les Pays-Bas.
La Sardaigne a un chargé d'affaires à 26,500 fr., plus 3,666 fr. pour frais de premier établissement; plus un secrétaire à 3,500 fr., un premier drogman à 8,000 fr.; un second à 6,000 et un troisième à 3,500. Enfin, la Toscane a un chargé d'affaires au traitement de 21,000 fr.
Voilà, messieurs, les renseignements que j'ai cru devoir vous donner en réponse à ce qu'a dit l'honorable rapporteur de la section centrale. (Aux voix! aux voix !)
- La clôture est demandée.
M. Dechamps. - J'aurais voulu rectifier une erreur matérielle commise par l'honorable rapporteur, et qui pourrait faire sur la chambre une certaine impression.
- Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M. de Luesemans. - L'honorable M. .Dechamps dit que j'ai commis une erreur matérielle...
M. Dechamps. - Involontaire.
M. de Luesemans. - C'est bien entendu. Si j'ai commis une erreur, elle est bien certainement involontaire. Je désire, messieurs, que l'honorable membre puisse s'expliquer, car, je le répète, si j'ai commis une erreur, je tiens à ce qu'elle soit rectifiée, précisément parce qu'elle serait involontaire; j'y tiens, d'abord dans mon intérêt, ensuite pour la consistance de la décision que la chambre va prendre.
M. Dechamps. - L'honorable M. de Luesemans a cité le chiffre de la légation des Pays-Bas à Constantinople; il a dit que la Hollande ne dépensait à Constantinople que 31,000 fr., et qu'elle y avait cependant un ministre résident, ce qui supposait un traitement supérieur à celui d'un chargé d'affaires. Voilà l'argument : mais si mes renseignements sont exacts, comme on me l'affirme près de moi, le ministre résident des Pays-Bas à Constantinople n'est pas Néerlandais ; il est établi dans le Levant depuis très longtemps, mais il appartient à une famille qui sert la Hollande depuis un temps fort ancien. On conçoit que son traitement ait pu être fixé à un taux, supérieur du reste à celui que vous propose le gouvernement, mais relativement moindre que celui des autres légations de la Hollande.
Une seconde erreur, plus importante, dans laquelle M. le rapporteur est involontairement tombé; c'est qu'il a cru que le titre de ministre résident emportait en Hollande un traitement supérieure celui de chargé d'affaires. Or, je lis, dans le rapport que le ministère des Pays-Bas a fait au roi, en lui présentant le budget de 1849, que la Hollande a partout des envoyés et des ministres résidents, excepté aux Etats-Unis où on maintient un chargé d'affaires, mais il fait remarquer que le traitement des ministres résidents est le même que celui des chargés d'affaires.
Il en résulte que la Hollande aura une légation dont la dépense s'élèvera à 31,000 fr., tandis que nous n'aurons, d'après la section centrale, qu'une légation de 27,000 fr., et cela quand les Pays-Bas ont, en outre, un consul général à Smyrne qui figure au budget pour 25,000 fr.
M. de Luesemans, rapporteur. — Messieurs, l'erreur n'est pas rectifiée. Si même il était vrai de dire que l'agent hollandais à Constantinople est un étranger, résidant depuis longtemps dans cette capitale, je crois que cela ne changerait rien à la situation diplomatique de cet étranger. Mais l'honorable M. Dechamps commet lui-même une erreur : il a fait allusion à un ancien agent néerlandais qui effectivement habitait depuis longtemps Constantinople; mais on me fait remarquer que cet agent est remplacé aujourd'hui par un sujet néerlandais, auquel s'applique le traitement que j'ai indiqué à la chambre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, je n'ai plus qu'un mot à dire, c'est un simple renseignement : c'est qu'indépendamment de sa légation politique à Constantinople, la Hollande entretient en Turquie un consulat général dont la dépense s'élève à 11,800 florins.
- La clôture de la discussion est prononcée.
M. le président. - Je mets aux voix le chiffre du gouvernement, 30,0.00 fr.
- Plus de 5. membres demandent l'appel nominal. Il y est procédé.
En voici le résultat :
90 membres répondent à l'appel nominal.
56 membres répondent non.
34 membres répondent oui.
En conséquence, le chiffre de 30,000 fr. n'est pas adopté.
Ont répondu non : MM. Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Vermeire, Ansiau, Boedt, Boulez, Cans, Christiaens, Clep, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, de Denterghem, Delehaye, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Meester, de Perceval, de Renesse, Destriveaux, d'Hont, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Moreau, Moxhon, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rousselle, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye et Vanden Berghe de Binckum.
Ont répondu oui : MM. Vanden Brande de Reeth, Allard, Anspach, Cools, Coomans, de Baillet. (Hyacinthe), Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delescluse, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Pouhon, de Theux, de T Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumont, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Lebeau, Le Hon, Mascart, Moncheur, Orts, Rogier, Rolin, Schumacher, Thibaut, Van Cleemputte et Verhaegen.
- Le chiffre de 27,000 fr., proposé par la section centrale, est mis aux voix, et adopté.
M. le président. - Ici viennent les deux articles nouveaux, transférés par la section centrale, du chapitre III. Le gouvernement a déclaré se rallier à ces transferts.
« Premier article nouveau. Etats-Unis : fr. 18,000. »
- Adopté.
« Deuxième article nouveau. Brésil : fr. 18,000 »
M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, on a parfaitement démontré dans la discussion générale qu'il était nécessaire de maintenir aux États-Unis une légation et un consulat. En effet, l'influence politique est à Washington, et l'intérêt commercial doit être fortement représenté à New-York. Mais au Brésil, la situation n'est pas la même; l'intérêt politique et l'intérêt commercial sont centralisés à Rio-Janeiro; je cherche vainement les inconvénients qui pourraient résulter de l'adoption de la proposition qui vous a été faite par le gouvernement. Le consul général serait en même temps chargé d'affaires. Il aurait, il est vrai, des attributions commerciales étendues ; mais il serait en même temps revêtu d'un caractère politique qui lui permettrait d'entamer des négociations et de les mener à bonne fin.
Si vous adoptez les propositions de la section centrale, il y aura double emploi, augmentation de dépenses. Vous aurez, en effet, un chargé d'affaires d'un rang trop élevé pour qu'il puisse remplir en même temps des fonctions consulaires; car il me semble qu'il faut établir une distinction entre le consul général chargé d'affaires et le chargé d'affaires proprement dit.
Plusieurs voix. - A demain ! à demain !
- La discussion est continuée à demain.
M. Toussaint. - Je propose le renvoi aux sections, avec prière de s'en occuper de suite, du projet de loi qui modifie le tarif criminel. Si ce projet pouvait être adopté avant le 1er janvier, il en résulterait une économie de 200 mille fr. sur le budget de la justice.
M. le président. - Le renvoi aux sections a été ordonné.
- La séance est levée à 5 heures.