Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Documentation Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 6 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 163) M. Dubus. procède à l'appel nominal à une heure un quart.

- La séance est ouverte.

MpV procède au tirage au sort des sections de décembre.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Warlomont, inspecteur de l'enregistrement et des domaines à Marche, prie la chambre de ne point réduire le traitement des employés et fonctionnaires qui sont astreints à des déplacements sans avoir droit à une indemnité. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des finances.


« Plusieurs habitants de Roulers demandent que la garde civique soit divisée en deux bans, et que le premier ban seulement, qui serait composé de jeunes gens, serait obligé, en temps de paix, de se soumettre à toutes les obligations de la loi sur la garde civique. »

M. Rodenbach. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Un grand nombre d'habitants de Roulers demandent que cette ville reste le chef-lieu de 1 arrondissement. »

M. Rodenbach. - Comme toutes les autres pétitions du même genre, je demande que celle-ci soit renvoyée à la section centrale du budget de l'intérieur.

- Cette proposition est adoptée.


« Le conseil communal de Chênée et plusieurs exploitants de houillères et directeurs d'établissements industriels demandent que le gouvernement fasse améliorer la station du chemin de fer à Chênée. »


- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.

« Plusieurs débitants de boissons distillées et autres habitants d'Assche demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget des voies et moyens.


« L'administration communale d'Oyghem demande que la résidence du commissaire des arrondissements réunis de Thielt et de Roulers soit maintenue à Thielt. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.


« Quelques habitants de Mainvault réclament contre l'arrêté de la députation permanente du conseil provincial qui annule l'élection du sieur Monnier en qualité de conseiller communal. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« La dame Van de Weyer, veuve du sieur Bastin, ancien vérificateur des douanes, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la révision de sa pension. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal et plusieurs habitants de Tourinnes-Saint-Lambert présentent des observations sur la direction à donner à la route décrétée de Perwez à Wavre. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Tits et Claes demandent que le frère d'un étudiant en théologie, qui est incorporé dans un régiment, ne puisse être, de ce chef, exemple du service militaire. »

- Même renvoi.


M. de Perceval demande un congé.

- Accordé.


M. le président. - Voici une lettre qui est adressée à la chambre par M. d'Elhoungne :

« Gand, le 6 décembre 1848.

« M. le président,

« Une indisposition ne me permet pas de venir prendre part à la discussion du budget des affaires étrangères. Je le regrette d'autant plus vivement que mon vote eût été favorable aux réductions proposées par le gouvernement, et contraire aux propositions de la section centrale.

» Recevez, M. le président, la nouvelle expression des sentiments de haute estime avec lesquels j'ai l'honneur de me dire

« Votre tout dévoué et affectionné collègue,

« d’Elhoungne. »

- Pris pour notification.


M. le président. - Le bureau a composé ainsi qu'il suit la commission qui sera chargée d'examiner le projet de loi prorogeant la loi du 18 juin 1842 relative au transit : MM. Osy, Manilius, Schumacher, Van Iseghem, Dechamps, Tesch.

Projet de loi érigeant la commune de Pépinster

Rapport de la commission

M. Moreau dépose le rapport de la commission spéciale sur le projet de loi ayant pour but l'érection de la commune de Pepinster dans la province de Liège.

(page 164) - Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour.

Vérification des pouvoirs

Arrondisselent de Waremme

M. d'Hondt. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport de la commission qui a été désignée, dans la séance d'hier, pour s'occuper de la vérification de l'élection qui a eu lieu le 30 novembre dernier à Waremme, d'un membre de la chambre des représentants, en remplacement de M. de Sélys, démissionnaire.

Le procès-verbal établit que 442 électeurs ont pris part au vote. H. Ferd. Desoer, ancien receveur général, a obtenu 367 suffrages; en conséquence, il a obtenu bien au-delà de la majorité absolue; il a été proclamé représentant. Toutes les opérations électorales ont été trouvées parfaitement régulières. D'ailleurs, aucune réclamation n'avait été soulevée contre cette élection. Mais il est toutefois à remarquer que la commission n’a pu légalement constater que M. Ferd. Desoer réunit les conditions d'éligibilité, en ce sens que l'acte de naissance de l'élu n'est pas joint aux pièces. Dans cette occurrence, la commission, fidèle en ceci aux précédents de la chambre, a cru devoir vous proposer de surseoira l'admission de M. Ferd. Desoer jusqu'à ce qu'il ait fourni son acte de naissance.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1849

Discussion générale

M. le président. - La parole est à M. le comte Le Hon.

(page 168) M. Le Hon. - Messieurs, il existe dans le pays, nul d'entre nous ne le méconnaît, un besoin général d'économies dans les dépenses de l'Etat. Je me suis associé, dans notre session dernière, à ce sentiment, et j'ai recommandé le système des économies à la sollicitude du ministère, comme ayant désormais toute la gravité d'une question politique. J'ai insisté sur l'importance de supprimer tous les rouages inutiles et de donner une meilleure organisation aux services nécessaires.

Ce sentiment a éclaté depuis longtemps dans la presse, au sein des corps électoraux, à la tribune; il a même laissé son empreinte sur presque tous les mandats. Il ne faut pas se faire illusion ; il est toujours le même, quelles que soient les réflexions ou les plaintes des intérêts alarmés.

En fait d'économie, nous entendons et ne pouvons entendre que les réformes utiles, que les retranchements possibles. On ne se rend pas toujours compte des conséquences des vœux les plus légitimes. On veut des économies; mais on les voudrait sans trop diminuer les dépenses; de même qu'on sollicite des réformes, sans se rendre compte des sacrifices qu'elles imposeront à beaucoup de familles.

Le ministère a compris les devoirs qui résultaient pour lui de la situation de nos finances et du mouvement des esprits. Il a pris une heureuse, je dirai même une habile initiative. Les fonctionnaires frappés ou menacés ont trouvé de proche en proche des défenseurs qui réagissent autour de nous contre l'entraînement de l'opinion publique.

Mais ces premiers échos ne sont pas encore ceux de la voix du pays tout entier. N'en doutez pas; il persiste dans ses vœux de réformes sérieuses et profondes. Je ne saurais blâmer ni le ministère, ni les sections ni la section centrale d'avoir délibéré sous l'influence de ces préoccupations.

Une remarque singulière qui m'a frappé, c'est que toutes les attaques sont particulièrement dirigées contre deux services publics : l'armée et la diplomatie, c'est-à-dire contre l'élément principal de la sûreté intérieure, l'auxiliaire le plus actif de la sûreté extérieure.

Cependant le patriotisme si unanime de nos concitoyens ne veut ébranler les bases de l'ordre et de la sûreté publics ni au-dedans ni au-dehors; mais l'esprit exclusivement frappé de la gêne financière, on s'en prend à la dépense la plus considérable et aux plus gros traitements qui ' ressortent des chiffres du budget.

Je me renfermerai dans ce qui concerne ces derniers, je veux dire la diplomatie.

M. le ministre et quelques orateurs se sont attachés à démontrer l'utilité générale de l'action diplomatique ; je ne saurais trop les approuver.

Il est nécessaire que l'on vide enfin cette question si souvent ajournée, quoique tant de fois soulevée. Comment, en effet, traite-t-on la diplomatie et dans les corps électoraux et en presque partout dans le pays? Les uns nient formellement son utilité; ils la regardent comme un moyen d'ouvrir, à l'étranger, un brillant théâtre aux privilégiés de la fortune ou de la faveur et de leur payer chèrement des loisirs d'or. Les autres se bornent à contester cette utilité. Presque tous soutiennent que la diplomatie n'a rien fait, n'a rien produit et qu'elle est une charge stérile pour le trésor. Il faut, enfin, savoir à quoi s'en tenir, surtout quand une chambre nouvelle est appelée à examiner à fond tous les services de l'Etat et à décider si réellement telle institution est ou n'est pas nécessaire.

Un honorable orateur a bien voulu faire appel au peu d'expérience que j'ai acquise en servant l'Etat. Cet appel n'est pas sans me causer quelque embarras; car il est difficile d'apporter dans une assemblée le tribut, quelque faible qu'il soit, de son expérience, sans puiser dans les faits qui se rapportent à des services personnels. Je vous prie d'excuser ce que je ne pourrai me dispenser de vous en présenter dans le cours de ma discussion ; j'aurai soin de m’effacer, autant qu'il dépendra de moi.

Permettez-moi de me placer successivement à deux points de vue distincts ; l'un général et relatif à la diplomatie proprement dite; l'autre particulier et en rapport avec le budget de 1849 ; et d'abord, je veux que vous connaissiez ma pensée sur ce budget : Il n'a, à mes yeux, qu'un caractère purement transitoire; il est impossible que vous arrêtiez un budget normal à la veille des transformations dont l'Europe est en travail; vous ne pouvez pas décider quel sera le mode de vos relations avec les autres puissances, sans savoir quelle sera la forme de leurs gouvernements et quels changements amèneront les hasards de la fortune ou les combinaisons politiques.

C'est donc comme budget transitoire que j'examinerai celui de 1849.

Mais avant tout, messieurs, permettez-moi de m'affranchir des entraves du projet de loi et d'aborder quelques questions : 1° La diplomatie est-elle une institution nécessaire aux Etats indépendants, même de second ordre? 2° Est-elle indispensable à la Belgique plus qu'à aucune autre nation ? 3° La possibilité de ses succès et l'importance de ses résultats ne sont-elles pas plus grandes dans la situation nouvelle de l'Europe et de la Belgique elle-même? Enfin 4° quelle est l'organisation la plus convenable de la diplomatie belge et dans quelle mesure peut-elle se concilier, momentanément, avec le système des économies?

Le premier point vous a été développé déjà, dans des aperçus généraux, avec un talent auquel je rends toute justice. Je ne me propose pas de suivre les mêmes voies. Je désire vous présenter plus particulièrement les côtés pratiques de la question.

La diplomatie, cet auxiliaire de la science politique qu'on peut résumer en ces deux mots : prévoir et prévenir; la diplomatie embrasse tous les intérêts permanents ou variables qui naissent des rapports entre les Etats; leur indépendance, leur territoire, leur honneur, leur dignité, leur sûreté; l'industrie, le commerce, l'administration, les finances et tous les corollaires de ces intérêts. Voilà son objet. Son but, c'est de les favoriser, de les faire prévaloir en maintenant toujours les bienfaits précieux de la bonne harmonie et de la paix internationale. Ses moyens sont une observation incessante de tous les faits, de tous les indices, de tous les symptômes.

Elle s'attache à rechercher et à découvrir les événement jusque dans leur germe; elle met toute son activité, tout son discernement à prévoir et à prévenir.

Veuillez remarquer que l'emploi de ces moyens offre plus de difficultés qu'on ne le suppose. Les agents investis de ce caractère et de ces pouvoirs qui les autorisent à parler au nom de leur gouvernement, à l'engager (page 169) mène au besoin, n'ont pas de règle fixe de conduite, et n'en peuvent recevoir . Ils doivent se décider et agir d'après les circonstances ; obligés par conséquent, de les discerner et de pourvoir aux éventualités les plus imprévues; et tout cela avec la responsabilité qui pèse sur celui dont les actes, les écrits ou les simples paroles peuvent engager, c'est-à-dire servir ou compromettre son gouvernement.

Il y a une autre cause qui empêche d'apprécier les services diplomatiques, c'est le secret des négociations et la connaissance incomplète des résultats. Il est telle concession obtenue d'un cabinet étranger, qui ne satisfait pas l'intérêt belge et qui a coûté quelquefois 4, 5 et 6 mois d’efforts persévérants.

Songez bien, messieurs, que rien n'est plus facile, dans le sein de son pays, au milieu de tous les intérêts concordants et solidaires, que de désirer des améliorations matérielles, de prétendre à des concessions dans les tarifs étrangers, de donner les instructions les plus pressantes aux agents chargés de les négocier ; mais ces agents uns fois parvenus au-delà de la frontière, que trouvent-ils? Des intérêts et des adversaires puissants avec lesquels il doit lutter : gouvernement, ministres, députés, administrateurs, directeurs.......Tout cela se trouve ainsi lié par une étroite solidarité d'intérêts. Il doit aborder les influences utiles à son succès, les éclairer, les persuader, les convaincre, s'adresser aussi à la presse, pour qu'elle éclaire l'opinion, et, par elle, les chambres, les ministres, l'administration. Le pouvoir ministériel, en effet, ne peut vous concéder, qu'autant qu'il ne s'expose au danger d'ébranler la majorité politique dont il dépend.

Voilà les travaux et les efforts des diplomates dévoués à leur mission, et je puis affirmer à ceux qui leur supposent de nombreux loisirs que de toute la carrière d'un de nos hommes politiques, la partie la plus laborieuse a été la période diplomatique. Le malheur des services de cette nature, c'est que, pour les juger, il faut aller consulter les archives des affaires étrangères, et y vérifier ce qu'a coûté d'efforts, de correspondances, de négociations, de sacrifices, de conférences, et de relations sociales de toute nature, la moindre des concessions, que vous accueillez quelquefois avec cette légitime indifférence qu'on accorde à ce qui ne satisfait pas complètement. D'ailleurs la diplomatie, n'est-elle pas la loi générale de tous les intérêts qui ont à en solliciter d'autres?

C'est le moyen de réussir par la conciliation, par l'entretien des bons rapports. Je pourrais vous citer en France telle grande maison de finances qui entretient à haut prix, à l'étranger, des agents dans tous les centres d'affaires; en Angleterre, telle grande entreprise de journal qui paye tous les ans 300,000 fr. pour les frais de ses correspondants et de ses courriers. Enfin il est notoire dans le monde politique qu'une célèbre feuille d'Allemagne, la Gazette d'Augsbourg, a entretenu longtemps à Constantinople un agent qu'elle payait 25.000 fr. Cette loi que subissent tous les intérêts, elle s'impose aux plus forts et aux plus puissants.

L'Angleterre, qu'un publiciste appelle une immense maison de commerce dont les canons protègent les comptoirs, cette Angleterre, à qui doit-elle ce prodigieux développement de richesse, de grandeur et de force qu'elle a accompli depuis un siècle? A l'habileté de sa diplomatie, aidée sans doute de tous les autres moyens matériels d'influence, mais qui souvent a précédé leur emploi.

Et cette autre puissance étrangère il y a à peine un demi-siècle aux affaires de l'Europe occidentale, la Russie, qui a pris une si grande prépondérance depuis lors, à qui pensez-vous qu'elle ait dû ce progrès immense et rapide? A sa diplomatie, à l'usage qu'elle a su en faire avec habileté et persévérance.

Eh bien, ces deux grands Etats sont ceux qui affectent le plus de dépenses à ce service; mais aussi ceux qui ont été en rapport avec le monde diplomatique savent tous de quelle considération y sont entourés les hommes qui se sont distingués dans cette carrière; jusque dans l'âge le plus avancé, on les y emploie, on fait appel à leur expérience.

Un dernier exemple peut faire apprécier jusqu'à quel point la diplomatie se rattache intimement aux conditions du maintien de la puissance la mieux établie. Assurément s'il est un homme qui avait le droit de se croire indépendant de la nécessité des transactions, c'était le génie de ce siècle, Napoléon ; eh bien, il a succombé sous les coups de la diplomatie, pour l'avoir dédaignée.

Permettez-moi, messieurs, de vous citer un fait très peu connu dans l'histoire contemporaine; il est rapporté par un publiciste.

« Après la bataille de Marengo, M. de Talleyrand montrait à Bonaparte deux routes à suivre ; l'une, celle périlleuse et sans terme des conquêtes à enchaîner les unes aux autres pour n'en faire qu'un seul et même empire que son immensité menacerait de ruine.

« L'autre plus sûre, celle du système d'alliances, de liens de patronage, de dépendance utile, volontaire, dans les mutuelles convenances de la faiblesse qui s'appuie et de la force qui couvre et garantit.

« La force dans les mains de Napoléon rejeta avec mépris le secours si nécessaire de la politique et de la négociation : des ennemis l'attaquèrent et le perdirent par les moyens qu'il avait eu la superbe imprudence de dédaigner. »

« Qui saura jamais, dit un auteur contemporain, combien a pu contribuer à sa résolution de porter la guerre en Russie le soin complaisant de tracer des tableaux fantastiques, de montrer les cadres vides des armées russes, les provinces désertes, les populations mécontentes, les soulèvements tout prêts; enfin la plus gigantesque des entreprises, comme facile à qui voulait tout voir au gré de ses vœux. »

Messieurs, si telle est la condition des puissances de premier ordre, si tel est le danger du mépris des négociations, telle est à plus forte raison la condition des Etats secondaires. La force qui s'enivre de ses succès et la faiblesse qui s'endort dans l'imprévoyance, commettent la même faute, courent les mêmes dangers. L'une soulève les tempêtes et s'abîme avec éclat; l'autre disparaît obscurément et sans bruit, effacée par de plus vigilants et de plus habiles.

Mais si cette nécessité est démontrée pour tous les Etats, du premier comme du second rang, n'est-elle pas d'une évidence plus frappante encore pour la Belgique? Ici, je dois le dire, je me suis souvent demandé comment il était possible que la Belgique fît en quelque sorte peu de cas de l'appui diplomatique? Est-ce oubli du passé? Est-ce préoccupation du présent, ou indifférence de l'avenir?

Il me semble pourtant que nous avons dans les traditions de nos pères des enseignements bien graves qui doivent nous taire désirer l’action d'une diplomatie aussi soutenue et aussi étendue qu'il est possible de l'avoir pour nous.

Je me suis souvent demandé comment le préjugé contre l'utilité de la diplomatie pouvait être si général dans notre pays. Est-ce oubli du passé, préoccupation du pèsent ou faible souci de l'avenir? Toujours est-il qu'il n'est aucune nation qui ait plus longtemps souffert du l'oppression de l'étranger. Permettez-moi de rappeler, dans un tableau resserré, ce que la plupart des puissances ont fait de nous et sans nous depuis un siècle et demi seulement ; c'est de l'histoire, mais instructive à son heure.

1648. Traité de Munster : cession pur l'Espagne d'une partie de nos provinces à la Hollande, et fermeture de l'Escaut. Ruine d’Anvers ; le commerce des Indes est livré à la Hollande.

1659. Traité des Pyrénées qui met la France en possession de plusieurs de nos districts et places fortes.

1075. Traité de Nimègue, qui abandonne à la France plusieurs villes de Flandre et du Hainaut.

De 1700 à 1712, Traité de la grande alliance entre l'Angleterre et la Hollande : elles établissent en Belgique un nouveau gouvernement, dirigé de fait, par des commissaires anglais et hollandais, portant le titre de « la conférence. »

Des ordonnances favorables à notre commerce et notre industrie sont révoquées par eux.

1713, Paix d'Utrecht : nos provinces sont cédées à l'Autriche pour qu'un petit-fils de Louis XIV monte sur le trône d'Espagne.

Elles forment une souveraineté particulière, mats placée sous la domination autrichienne.

1715. Traité de la Barrière; complément des actes d'oppressions antérieures, droit concédé aux Hollandais de mettre garnison dans un certain nombre de nos places fortes et de des défendre en cas de guerre ; la Hollande y gagne une frontière plus sûre ; l’Autriche un boulevard contre la France.

Ce traité (cela ressort de ses articles) était dirigé contre l'étal florissant de nos provinces.

Nos ancêtres s'indignèrent de cette humiliante tutelle confiée à leurs rivaux; les états de Brabant et de Flandres réclamèrent vivement à Vienne ; les conditions furent adoucies, mais le joug fut maintenu.

1722. Octroi impérial autorisant la compagnie d’Ostende pour le commerce des Indes.

1727. Négociations des Hollandais pour la dissoudre.

1731. Convention par laquelle l’Autriche sacrifie à la Hollande le commerce belge et la compagnie d’Ostende.

1784. Tentative de Joseph II pour faire ouvrir l'Escaut. Refus et résistance de la Hollande.

1785. Traité de Fontainebleau. La fermeture de l'Escaut, cet odieux attentat consommé à Munster 137 ans auparavant, est confirmée.

L'Autriche sacrifie encore la Belgique à ses rivaux et stipule pour le trésor impérial une indemnité de 10,000,000 de florins qu'elle obtient.

Ainsi nous la voyons compromise tour à tour par les étrangers qui le gouvernent, comme par ceux qui semblent la protéger ; par l’Espagne, l’Autriche et la France, comme par l’Angleterre et la Hollande ; territoire, indépendance, commerce, elle est froissée, mutilée dans tous ses grands intérêts, sans être admise à les défendre dans le conseil des puissances qui en disposent.

N'avons-nous pas assez chèrement payé le droit de notre défense et pourrions-nous ne pas sentir le besoin de ne le confier qu'à nous-mêmes?

Il ne s'agit plus, j'en conviens, de la fermeture de l'Escaut; mais les intérêts à protéger, les dangers à prévenir, pour être modifiés, n'en existent pas moins ; situation géographique, pays ouvert, voisins puissants ; nous avons de plus une industrie plus développée, un commerce plus actif, plus étendu; la convoitise du dehors sera toujours en proportion de la richesse au-dedans ; et les progrès en tous genres réalises chez nous depuis vingt ans sont de nature à faire naître des sentiments de jalousie, d'envie même, aussi dangereux que le premier.

Nous avons de plus à conserver notre indépendance, nos institutions et les garanties tutélaires de tous nos intérêts moraux.

Il en est un autre non moins précieux pour lequel l'action diplomatique est surtout indispensable, c'est celui de notre neutralité. Vous avez été constitués et reconnus sous cette conditions essentiellement européenne, garantie par cinq puissances. Or, de quelque part que (page 170) cette neutralité soit menacée ou attaquée , notre droit fondé sur les traités les plus solennels est de requérir le secours immédiat, le secours armé de chacune des puissantes garantes. Et en considérant que notre pays est découvert, que les communications d'un bout de l'Europe à l'autre sont devenues infiniment plus rapides, notre sûreté exige plus impérieusement que jamais l'action vigilante d'une diplomatie qui sache prévoir et prévenir; nous avons besoin d'agents qui observent sans cesse les projets, les décisions, les actes qui se préparent dans les conseils étrangers. Nous devons surtout les placer dans les grands centres de relations, auprès des puissances engagées à soutenir et défendre leur nationalité.

Rappelez-vous le mépris avec lequel on a traité dans tous les temps les neutralités qui se reposaient aveuglément sur la foi des traités. Vous savez tous ce qui est avenu de celle de l'ancienne principauté de Liège. Combien de fois n'a-t-elle pas été violée par les troupes impériales et par ses autres voisins quand ils y avaient le moindre intérêt ! Les protestations du prince-évêque sont restées toujours impuissantes.

Une circonstance récente m'a donné lieu de me convaincre combien la diplomatie est nécessaire même auprès des gouvernements forts et loyalement décidés à respecter leurs engagements.

En 1840, lorsqu'un conflit était imminent entre plusieurs Etats de l'Europe, dans un pays voisin, l'opinion commençait à se propager parmi de bons esprits, qu'on pouvait compter sur un avant-garde de 100 mille Belges. On oubliait que la Belgique indépendante voulait rester fidèle aux conditions de neutralité qu'elle a subies, mais auxquelles elle attache désormais sa conservation propre. Le devoir urgent de la diplomatie était d'éclairer l'opinion avant que, par une sorte d'entraînement irréfléchi, elle pût s'égarer. Ce devoir, elle s'est hâtée de le remplir. Plus les institutions démocratiques se propageront, plus il sera nécessaire de prévenir les erreurs de l'opinion publique, pour empêcher les réactions de sa puissance sur les gouvernements.

Aujourd'hui grâce aux progrès de ces institutions, la politique devient plus nationale : sans doute les passions ambitieuses ne sont pas éteintes, mais la raison, la justice, l'humanité auront voix dans les conseils des puissances.

Les intérêts essentiels des nations seront l'objet principal de la politique. La diplomatie sera l'agent le plus actif de cette lutte pacifique. Celle des Etats secondaires les mieux posés en deviendra plus influente et plus élevée.

Ma pensée est parfaitement rendue dans ces lignes d'un publiciste.

s Nous avons vu, dit-il, depuis Henri IV jusqu'à la mort de Louis XIV, l'alliance de la diplomatie et de la force : de 1715 à la révolution, la diplomatie sans succès, malgré sa rare habileté, parce que l'appui de la fermeté et de la force lui manquait; enfin Bonaparte périssant pour n'avoir pas donné la politique pour base à son gigantesque édifice.

« Nous sommes, si l'on peut ainsi parler, dans la quatrième ère de la diplomatie. Le temps est venu où les résultats jadis obtenus par le sang, la force et la victoire, le sont et le seront probablement longtemps encore par la politique et la diplomatie. Les questions restent entières et, de ce que nous disons, il suivra seulement que l'esprit bon ou mauvais, les systèmes justes et généreux ou d'une autre nature emploieront plus les négociations que les guerres. »

Qu'on regarde, à la fois, derrière soi et autour de soi : que de causes de guerre, entre 1815 et 1840, auraient jadis embrasé l'Europe et l'ont laissée en repos !

La neutralité dont je viens de parler renferme en elle un principe de force réelle.

Remarquez-le bien, un honorable collègue l'a dit avec raison : La Belgique a plus d'importance que ne semblent lui en donner son territoire et sa population.

Avec le droit de réclamer, dans des circonstances données, l'appui de toutes hautes les parties contractantes au traité de Londres, ou, selon les circonstances, de plusieurs d'entre elles, notre pays acquiert une force infiniment plus grande que chacune même de ces puissances.

L'histoire est là pour nous apprendre que les cinq cabinets ne s'uniront jamais dans un intérêt hostile à la nationalité beige.

Votre force est là, mais à la condition que vous saurez la faire mouvoir, avec la rapidité de la foudre, le jour où le danger éclaterait. Je ne connais pas d'autre moyen que l'observation diplomatique pour saisir ou pressentir le moment où doit paraître l'étincelle qui peut allumer l'incendie.

Un honorable orateur a invoqué avant-hier les traités de 1815 comme une de nos garanties fondamentales. Je ne saurais m'associer à toute sa pensée à cet égard. Ces traités, comme ceux de Munster, d'Utrecht et de Fontainebleau, ont méconnu, sacrifié les anciens droits de la Belgique. Notre indépendance est au contraire une modification profonde des traités de 1815. Mais la base de nos garanties vis-à-vis de l'Europe est dans les traités de 1831 ; et d'ailleurs la prudence ne nous conseille-t-elle pas de nous appuyer, non sur des actes politiques dirigés, en 1815, contre la France, mais sur les engagements solennels auxquels la France de 1830 a librement et loyalement concouru avec toutes les autres grandes puissances.

Assurément l'avenir recèle de graves éventualités ; mais il n'est pas sans imprudence d'en essayer la prophétie. Nous devons tout observer ; comme si nous avions tout à craindre. Toutefois, n'oublions pas, quelles que soient les combinaisons qui s'agitent sur le Bosphore et au-delà du Rhin, n'oublions pas que la nationalité belge, admirable consécration de tous les principes de civilisation moderne, compte au nombre de ses appuis l'étroite solidarité de tous les peuples dans le maintien de leur indépendance.

L'honorable membre auquel je réponds a divisé la diplomatie en deux parties : l'une politique, l'autre commerciale. Il a fait quelques excursions dans cette dernière. J'ai cru y remarquer une sorte de panégyrique rétrospectif des principaux actes auxquels l'honorable membre avait participé, et, je dois lui rendre justice, de quelques autres encore auxquels il était resté étranger.

Il a parlé d'une sorte d'abaissement commercial, qui coïnciderait avec notre élévation politique.

J'ai été quelque peu surpris du rapprochement. Je me suis demandé si précédemment on nous avait placés bien haut pour que nous ayons pu descendre en si peu de temps.

J'ai consulté les résultats statistiques de nos relations avec les trois Etats dont il a parlé : l’association allemande, les Pays-Bas, et la France, et j'ai trouvé qu'il y avait eu plutôt accroissement de nos exportations sur leurs marchés que décaissement. J'épargne à la chambre les chiffres officiels sur lesquels repose mon opinion.

L'honorable membre a bien voulu reconnaître que tout récemment l'Allemagne a traité la Belgique avec beaucoup d'égards et de considération, en reconnaissant toutefois que la concession obtenue nous était commune avec l'Angleterre et les Pays-Bas.

Mais j'ai cru remarquer que l'honorable membre se fondait sur une mesure récente d'un gouvernement voisin, qui (obligé sans doute de recourir à des expédients financiers ) avait établi un système de primes à l'exportation de certains produits par toutes les frontières.

J'avoue que si le traitement signalé s'applique à tout le monde, je ne puis y voir, comme l'honorable membre, un signe d'abaissement de notre influence commerciale, et je ne crois pas qu'il y ait des exceptions.

Mais j'ai regret à le dire, l'honorable M. Dechamps a cité deux traités qui caractériseraient bien plus l'époque de notre abaissement commercial; ceux conclus avec la France, en 1842 et 1846, dans l'intérêt de notre industrie linière. Je n'ai pas vu sans de vifs regrets les onéreuses conditions du premier et les charges nouvelles imposées à un renouvellement par le second.

Je connais un peu les précédents de cette affaire, et je dois dire que si une nation avait le droit d'obtenir l'exemption de la surtaxe dont on frappait les produits liniers de la Grande-Bretagne pour en arrêter l'influence sur les marchés intérieurs de la France, c'était assurément la Belgique ; car tous les calculs qu'a produits le gouvernement français, tous les faits qu'i la reconnus jusqu'au mois de janvier 1842 ont prouvé à l'évidence que la mesure ne devait être dirigée que contre l'Angleterre, et que l'importation de plus en plus restreinte de nos produits liniers ne portait pas le moindre dommage à l'industrie française. Mais par un arrangement dont je ne me suis pas bien rendu compte, le gouvernement français a fait payer bien cher des concessions stériles qui n'ont eu qu'un simple effet moral, celui de ne pas décourager les Flandres, et de leur faire espérer un meilleur avenir. Vous le savez, le traité de 1842 n'a pas fait entrer en France 100 kilog. de toile de plus, et celui de 1846 a été frappé de la même impuissance.

Quelques mots encore, et j'aborde le budget transitoire de 1849.

Permettez-moi d'ajouter ici quelques aperçus rapides sur les bases de l'organisation diplomatique. Car c'est là le point sur lequel se trompe principalement l'opinion publique.

Il semble que le titre ou le rang qu'on assigne aux agents diplomatiques n'ait aucune raison d'être. Il semble qu'ambassadeurs, ministres plénipotentiaires, ministres résidents, chargés d'affaires, que tout cela forme à peu près une classification indifférente ou arbitraire; qu'un chargé d'affaires capable peut tout autant qu'un diplomate de premier rang.

Eh bien ! c'est là une erreur. Il y a des limites assignées aux attributions de chaque rang, de chaque tête. Ces limites sont telles que les capacités les plus réelles ne pourraient pas obtenir certains résultats, et cela en raison de l'insuffisance de leur rang.

Tout le monde sait probablement qu'il fut un temps où les puissances accréditaient surtout des ambassadeurs ; c'était à l'époque où les négociations se faisaient de souverain à souverain, où il fallait, par conséquent, avoir le caractère pleinement représentatif et où la faveur du monarque était le plus puissant mobile du succès.

Depuis, les négociations se sont faites entre les cabinets. On a accrédité des ministres plénipotentiaires revêtus de pleins pouvoirs comme les ambassadeurs, et que n'entravent pas les embarras et les difficultés du caractère représentatif. Ils sont accrédités près des souverains et près des gouvernements. Leurs lettres de crédit sont très étendues.

Les chargés d'affaires, au contraire, ne sont que les envoyés d'un ministère ou du ministre qui le représente près du ministre des affaires étrangères d'un autre pays, sa mission ne va pas au -delà : il n'a pas de lettres de crédit. Il n'a pas d'accès officiel, comme négociateur, près du chef du gouvernement; ses relations directes ne vont pas au-delà du ministre des affaires étrangères.

La différence dans les titres amène donc une grande différence dans les pouvoirs. Permettez-moi de vous la rendre sensible par un fait : En 1831, vous vous rappelez quelle a été notre situation, lorsque l'armistice fut dénoncé.

Le 53août, le ministre belge à Paris reçoit du ministère l'avis officiel, (page 171) en date du 2, que le roi de Hollande reprend les hostilités et que le général Chassé a dénoncé l'armistice le 1er août.

L'armée ennemie est à la frontière; notre métropole commerciale est à la merci du général hollandais ; le danger est imminent.

L'avis confidentiel qu'il reçoit du patriotisme d'un membre actuel de cette chambre l'informe de la nécessité d'un secours.

Du 3 au 6 août, point d'instructions du ministère belge ; les chambres ne sont pas assemblées.

La Constitution, article 121, défend qu'aucune troupe étrangère occupe ou traverse le territoire si ce n'est en vertu d'une loi.

Le ministre plénipotentiaire, en France, ne prenant conseil que de la situation, engage sa responsabilité et, en vertu de ses pleins pouvoirs généraux, demande un secours immédiat de 50,000 hommes.

Supposez un moment que l'agent de la Belgique eût été simplement charge d'affaires; il ne pouvait prendre une telle initiative et, s'il l'eût osé, le gouvernement français n'y eût pas déféré ou du moins n'eût pas eu de raison légitime de le faire, parce que le diplomate belge eût été sans pouvoirs pour engager jusque-là le cabinet de Bruxelles.

Supposez un simple chargé d'affaires à Vienne, par exemple, et que, dans une circonstance donnée, vous ayez à invoquer l'exécution du traité de 1831. Votre chargé d'affaires est paralysé; il ne peut rien; et cependant l'intérêt engagé dans la difficulté devant laquelle il s'arrête, c'est votre indépendance.

Messieurs, j'ai voulu vous expliquer nettement la différence réelle de pouvoir et d'action qu'emportait la différence de titre et de rang. Je vais compléter ces explications par quelques faits consignés dans les archives de notre légation de France. Je viens de vous exposer la situation délicate de votre envoyé à Paris en 1831 , je vous parlerai des frais des deux expéditions françaises dont on s'est occupé récemment encore à une autre tribune, ce qui n'est que le renouvellement d'une motion de 1833.

En 1833 un crédit supplémentaire était demandé à la chambre pour couvrir les frais des deux expéditions françaises de 1831 et 1832, en Belgique.

Un député vint soutenir que ces frais étaient à notre charge, parce que c'était à nous qu'ils avaient profité.

Le ministre belge à Paris profita de ses relations avec les notabilités des chambres pour éclairer, par des notes, quelques-uns d'entre eux sur les faits relatifs à cette double question. Il eut des entretiens particuliers avec M. Bignon qu'il parvint à convaincre; et ce que les ministres français n'osaient tenter, M. Bignon l'entreprit ; il combattit la prétention soulevée et prouva que les dépenses extraordinaires des deux expéditions devaient être réclamées de la Hollande qui, seule, les avait provoquées.

Il termina par demander que le gouvernement eût le soin de ne pas conclure d'arrangement définitif avec la Hollande sans stipuler d'elle le remboursement de ces dépenses et, comme le recouvrement direct pourrait en être difficile, il ajouta qu'au besoin la créance du trésor français aurait pour gage la dette imposée à la Belgique envers le gouvernement néerlandais.

Messieurs, ce fait vous l'avez vu dans le Moniteur du temps; peut-être il ne nous a pas frappés autrement que comme le discours d'un député étranger défenseur de la justice de notre cause. Il a fallu pourtant bien des explications et des conférences pour obtenir ce puissant concours. Dans la même année, le gouvernement belge envoya des commissaires à Paris. Ils virent notre agent diplomatique; mais en lui avouant leur désir de se mettre en relation directe avec des administrateurs, des influences politiques et des commerçants, ils passèrent 5 ou 6 jours en démarches inutiles, se plaignant de ne rencontrer personne et, lorsqu'ils étaient reçus, de n'être écoutés qu'avec distraction, sans suite et pour un instant; le diplomate belge leur proposa de réunir chez lui les mêmes hommes qu'ils avaient vainement cherchés ou vaguement entrevus et, au jour fixé des conférences utiles et suivies eurent lieu pendant 5 heures dans le salon du diplomate sur toutes les questions qui intéressaient les commissaires.

En 1837 et en 1839, les houilles et les produits liniers de la Belgique ont été l'objet de démarches, de réunions et de négociations analogues, qu'on ne pourrait exiger d'un chargé d'affaires. Demandez-le au nom de l'intérêt de la Belgique; ils ont d'autres intérêts.

Messieurs, un orateur dans cette discussion, l'honorable M. Jullien, que je regrette de ne pas voir à son banc, s'est plaint tout haut, lui, de la diplomatie. Il lui a presque imputé la souffrance de l'industrie des fers dans le Luxembourg. Eh bien, c'est une des branches d'industrie qui ont été le plus soulagées par le tarif français; car la diplomatie a obtenu pour elle l'exception dont jouissent en France les fers de Suède.

D'ailleurs il y a, pour le Luxembourg, une cause de souffrance qui est bien autrement grave que celle des tarifs : c'est la concurrence des fers au coke et celle de la forgerie française à la frontière, qui s'alimente quelquefois des bois achetés précisément dans le Luxembourg.

Arrivant au budget de 1849, qui ne peut être, ainsi que je l'ai dit, que transitoire, je ne suis pas, comme un honorable membre, porté à me constituer plus ministériel que le ministère. Je crois que lorsqu'un cabinet vous présente un budget, il vous déclare implicitement qu'il assume la responsabilité des services publics. Je n'ai donc pas à demander au ministère pourquoi il a réduit dans telle ou telle proportion les traitements diplomatiques; je comprends, au contraire, qu'il ait eu des raisons temporaires d'en agir ainsi. Et d'ailleurs cette situation n'est pas sans précédents. On peut se rappeler qu'en 1831 le trésor belge était plus vide encore qu'aujourd'hui, et la diplomatie dut se résigner pendant deux ou trois ans à des sacrifices. Je pourrais citer tel ministre plénipotentiaire qui durant cet espace de temps, n'a pas touché par année, plus de 22,500 fr.; c'était une situation exceptionnelle et temporaire, comme aujourd'hui. Je ne puis penser, comme un honorable préopinant, qu'ainsi entendu le budget de 1849 puisse entraver ou désorganiser le service de l'Etat.

Je sais bien qu'on peut faire toutes les comparaisons les plus plausibles avec les traitements des ministres des autres Etats. Quand il s'agira d'un budget normal, je donnerai mes explications sur ce point. Dès à présent je puis dire que les moins rétribués en France, par exemple, ont été et sont encore les ministres du Wurtemberg et de la Grèce; l'un représente 4,400,000 âmes, l'autre 900,000; le premier reçoit 30,000 fr. et le second, 36,000.

Veuillez remarquer que les traitements des fonctionnaires obligés de résider à l’étranger sont toujours plus élevés que les traitements les plus élevés à l'intérieur, à raison même de ce qu'ils sont donnés pour être dépensés. Parfois on a vu à l'intérieur certains ministres faire des économies sur le traitement que nous leur allouons, quelque modéré qu'il soit ; je ne pense pas qu'aucun diplomate y soit parvenu, même avec les traitements antérieurs.

J'accepte donc, sous les modifications que je vais indiquer, le budget présenté par le ministère.

Nous avons sous les yeux le budget du ministre et les propositions de la section centrale. Ces dernières me semblent d'abord prématurées, parce qu'elles jettent les bases d'une organisation normale, je la crois impossible dans ce moment.

Messieurs, vous avez dû pressentir, par ce que je vous ai dit de l'importance du traité de 1831, de la clause capitale de neutralité, et de la nécessité souvent urgente d'avoir auprès de chaque puissance contractante un agent qui ait les pouvoirs les plus étendus; vous avez dû pressentir que j'ai une opinion toute formée, sur l'intérêt primordial de notre politique ; à mon avis, il est nécessaire que la Belgique accrédite un ministre plénipotentiaire auprès de chacune des puissances qui sont garantes de sa nationalité, précisément parce que l'intérêt est plus grand et que les nécessités peuvent être plus impérieuses.

Sous ce rapport, je me trouve, dès le début, en dissentiment avec la section centrale ; elle ne veut qu'un ministre plénipotentiaire en Allemagne, soit à Berlin, soit à Francfort; et elle donne pour motif que c'est sur l'un de ces deux points que se centralisera la grande influence dans les affaires d'Allemagne.

Mais, quoi qu'il arrive, l'Autriche restera toujours envers vous dans les liens de sa garantie ; vous y avez intérêt, et le moyen le plus sûr est de resserrer ces liens par les soins d'un ministre plénipotentiaire.

Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères, pourquoi maintenir un ministre à Vienne et supprimer le secrétaire? Un ministre sans secrétaire est placé dans la position d'un chargé d'affaires. Je fais observer que si vous avez nommé une légation complète à Vienne, à Berlin, à Francfort, alors que le pouvoir était absolu dans les mains du chef de l'Etat, que de simples relations officielles avec le ministre dirigeant suffisaient à tout, vous devez les conserver à plus forte raison aujourd'hui que le pouvoir est divisé, que les institutions qui s'y fondent appellent des hommes nouveaux aux positions politiques.

Il faut se mettre en rapport avec ces influences nouvelles, avec la presse. Un secrétaire- est indispensable comme auxiliaire de son chef. Après les relations primordiales avec les 5 grandes puissances signataires du traité de 1831, viennent nos relations avec la Hollande et Francfort considéré comme centre de la confédération germanique. La Russie, je l'ai comprise parmi les hauts contractants du traité de Londres. Nous avons un grand intérêt politique à ouvrir des relations avec cette puissance que sa prépondérance acquise dans l'Occident semble avoir rendue patiente à poursuivre les vues de la grande Catherine vers le Bosphore.

Vous y avez aussi un intérêt commercial incontestable : on peut y espérer de grands débouchés. Contre 21 millions qui vous arrivent de ces contrées en denrées alimentaires ou matières premières, je le reconnais, vous envoyez à peine pour 1,300 mille fr. de vos produits.

Je n'ai rien à opposer au maintien de notre légation à Copenhague, comme point intermédiaire entre Stockholm et Hambourg ; cependant, comme on l'a fait observer, tout dépendra des résolutions qui seront prises relativement aux villes hanséatiques.

Je suis en dissentiment réel avec M. le ministre des affaires étrangères, quant à la mission d'Italie. Il me semblait, je l'avoue, qu'au point de vue politique, comme au point de vue commercial et économique, le maintien du statu quo était, pour ainsi dire, le parti le plus sage. Veuillez observer que lorsque les souverains étaient absolus, et les Etats paisibles, nous avons eu un ministre plénipotentiaire à Rome et un ministre résident à Turin. ; une révolution éclate en Lombardie, les Etats romains sont eux-mêmes ébranlés; la Sardaigne ressent les mêmes commotions; de tous côtés de nouvelles influences surgissent, des hommes nouveaux sont appelés aux affaires; la presse jusque-là muette devient une puissance ; et c'est quand nous avons deux légations dans des pays tranquilles, que nous en retirons une lorsqu'ils sont agités!

J'avoue que je ne comprends pas bien ce système. D'autre part, lorsque le changement a été opéré, le ministre n'était pas à Rome, il était (page 172) remplacé par un chargé d'affaires intérimaire qui ne touche que 10 mille francs; le ministre résident à Turin recevait 18 mille francs; le statu quo ne coûtait donc que 28 mille francs. On remplace ces deux missions par une seule qui en absorbe 32. J'avoue que je n'ai pas pu me rendre compte d'un changement de cette nature quand l'économie était la règle de tous les autres.

Je me suis demandé (je fais ici abstraction de toute considération personnelle) s'il était politique, convenable de changer subitement le rang de notre diplomatie en Italie pour l'élever au grade d'ambassadeur, quand près du Saint-Siège, investi du pouvoir absolu, nous n'avons accrédité qu'un ministre plénipotentiaire.

Ce changement me paraît procéder en sens inverse du cours de la politique; et puis je ne comprends pas une mission de l'Italie, une mission pour Rome, Turin, Naples, Florence, Parme, Modène; ce n'est pas là une mission permanente; c'est une sorte de délégation pour des voyages diplomatiques; car il est impossible d'embrasser efficacement tous ces intérêts et de se trouver sur tous les points où pourraient être engagés des intérêts belges. Alors surtout que la Sardaigne, depuis 1840, a vu se développer singulièrement nos relations avec elle. De 900 et quelques mille francs, qui formaient le chiffre de nos exportations, en 1840, nous sommés arrivés à près de cinq millions, et une justice que l'on doit rendre à l'agent qui nous représentait, c'est que le zèle qu'il a déployé dans ses fonctions n'a pas été sans influence sur ce progrès. Si j'en crois des rapports dignes de foi, c'est cet agent qui, grâce à des relations officieuses puissantes, a obtenu que l'on confiât à un ingénieur belge la tentative de se frayer le passage des Alpes à travers les rochers.

Il me semble, d'après ces considérations, que l'intérêt momentané du service et la raison d'économie ne sollicitaient pas ce changement de système, que le statu quo, à mon point de vue surtout d'un budget transitoire, était le parti le plus raisonnable.

Je ne puis y donner jusqu'ici mon assentiment. Je reconnais cependant qu'il y a là des difficultés d'une nature fort délicate : une nomination faite, l'arrivée d'un ambassadeur dans sa résidence, de premières tentatives d'influence essayées peut-être, méritent d'être prises en considération. Ce serait peut-être affaiblir son caractère que donner un vote improbatif au crédit proposé.

Ces circonstances me détermineront peut-être à m'abstenir, si les explications qui seront données par M. le ministre des affaires étrangères ne changent pas la conviction que je me suis formée.

Constantinople a appelé l'attention de la section centrale et même a été l’objet d'un amendement de l'honorable baron Osy à la séance d'hier. La section centrale propose la réduction du crédit. L'honorable M. Osy vous en demande la suppression.

Je ne suis de l'avis, ni de la section centrale, ni de mon honorable collègue. Il a dit que la mission diplomatique à Constantinople n'avait produit aucun résultat depuis qu'elle y est établie. Il a même fait remarquer qu'aussi longtemps que tel agent, qu'il a désigné, a occupé le poste d’Alexandrie, le commerce n'en avait éprouvé aucun avantage; mais qu'aussitôt qu'un négociant intelligent et actif y a été nommé consul, une influence favorable s'est fait sentir. L'honorable membre demande donc qu'on suive, à Constantinople, le précédent posé à Alexandrie, qu'on remplace le chargé d'affaires par un consul. Voici les motifs de mon opposition.

J'ai acquis la certitude, dans le cours de mes relations diplomatiques à l'étranger, que le moyen infaillible de ne pas laisser l'action protectrice des consuls envers leurs nationaux impuissante dans les provinces de l'empire ottoman, c'est de leur donner un appui politique à Constantinople même.

. Les procédés des pachas avec les consuls étrangers ne sont pas toujours conformes au droit des gens positif. Il y a des précautions à prendre, certains ménagements à garder, et même des prévenances à employer. Mais cela ne suffit pas toujours. Alors, il n'y a que le recours auprès des agents politiques qui puisse rendre aux consuls l'influence nécessaire aux intérêts et à la sûreté de leurs compatriotes.

Voilà comment il se fait qu'un négociant quelque honorable, quelque actif qu'il soit, à Constantinople, ne peut exercer ce protectorat que je regarde comme indispensable, dans des provinces de l'empire.

M. le ministre des affaires étrangères a proposé de remplacer les chargés d’affaires à Washington et au Brésil par des consuls généraux chargés d'affaires. J'avoue que je ne puis découvrir un motif plausible à cette substitution. Le titre de consul général affaiblit celui de chargé d'affaires ; car il est placé, dans l'ordre hiérarchique, en dessous du second. Mais en réponse à ce qu'a dit M. le ministre à la séance d'hier, je me permettrai de lui faire remarquer que le titre de consul général ainsi modifié est usité dans quelques échelles du Levant par cette considération, que les puissances n'ont jamais voulu blesser les susceptibilités de la Sublime Porte qui se prétend toujours souveraine des Etats barbaresques. Ne pouvant accréditer ouvertement des agents politiques, on leur a assigné un titre consulaire. Il n'y a qu'une seule régence auprès de laquelle les agents sont tenus de présenter une qualification des agents politiques : c'est celle de Tunis. Le bey se prétend souverain héréditaire de ses Etats: il ne veut pas relever de la Porte. Dans cet ordre d'idées, il n'admet pas les simples titres consulaires; il regarde ce mode de missions comme un refus déguisé de le reconnaître.

Il exige toujours la qualification politique. C'est ce qui fait que la France a accrédité près de lui des consuls généraux chargés d'affaires. Mais je me suis assuré, dans le temps, à la chancellerie de France que les consuls généraux chargés d'affaires n'ont pas rang dans la diplomatie française. On accrédite aussi de cette manière quelques agents dans les contrées éloignées de l'Amérique centrale. La raison en est simple : c'est que les consuls sont nommés partout pour exercer envers les nationaux la protection du droit des gens, et que là les révolutions amenant presque toujours des dangers très graves pour la sûreté individuelle des étrangers, les consuls sont d'ailleurs, tout à la fois, pour leurs nationaux des protecteurs et des juges.

Mais quand la Belgique accrédite aux Etats-Unis et au Brésil des agents politiques, pourquoi ces formes exceptionnelles, d'un caractère mixte et inusité, de la part des puissances européennes, et qui, définitivement, n'ajoutent rien à la qualité commerciale ni aux attributions politiques?

Vous affaiblissez l'influence et la position de votre agent, et je pense que, quant aux intérêts commerciaux, il est hors de doute que la diplomatie belge doit s'en occuper tout aussi activement et d'une manière plus efficace que les consuls. Dans l'organisation actuelle des gouvernements de l'Europe et de la plupart des pays, désormais le commerce, l'industrie, les intérêts matériels des Etats seront ceux qui prendront la plus grande place dans les négociations de la politique.

Messieurs, la chambre voudra bien excuser la trop longue attention que j'ai réclamée de sa bienveillance sur un sujet dont la discussion l'occupe depuis quelques jours ; mais j'ai cru devoir ajouter aux considérations générales sur l'organisation diplomatique des faits de nature à faire apprécier des difficultés d'application trop peu comprises.

Je vous ai parlé de notre situation nouvelle en Europe, si propre à augmenter progressivement l'influence de notre diplomatie.

Mais en caractérisant la position qui nous était faite, j'ai surtout appelé votre attention sur la haute importance de rapports suivis, aussi intimes que possible, avec les cinq grandes puissances, dont la garantie nous est acquise. Comme couronnement de ce sujet, permettez-moi, en terminant, de vous rappeler une circonstance des discussions qui ont précédé, en 1830, la déclaration.de notre indépendance.

Je disais, messieurs, car nous ne saurions trop vivement et trop constamment invoquer les anciens droits de notre pays et reporter bien au-delà de la révolution de septembre le berceau de notre nationalité ; je disais à cette tribune, le 18 novembre 1830, après avoir rappelé la longue série d'injustices et de spoliations dont nous avions été victimes depuis trois siècles : « Quels résultats ont produits tant de combinaisons et d'expériences sur notre pays? Un peuple toujours sacrifié et toujours mécontent ; un territoire morcelé par trop de vicissitudes et d'une consistance trop précaire, pour qu'il participe ou concoure à cette stabilité dont les Etats ont grand besoin.

« Aujourd'hui, ajoutais-je, que la raison publique, que l'opinion, l'intérêt des peuples ont une influence nécessaire sur la politique des gouvernements, il nous est permis d'appeler à l'Europe nouvelle des griefs de la Belgique envers la vieille Europe ;. nous les soumettons à sa bonne foi et à sa justice. Le temps est venu d'un système réparateur pour nous en même temps que mieux entendu et tutélaire pour elle!»

Tutélaire, messieurs, je ne croyais pas alors que ma pensée fût si prophétique.

Nous pouvons dire aujourd'hui à l'Europe: Dans votre médiation de 1830, notre pays, en se constituant, a apporté, dans la grande famille européenne, un nouvel élément de stabilité,. La Belgique, libre enfin de disposer d'elle-même, pour la première fois, depuis trois siècles, a élevé son édifice social sur les bases les plus larges de la liberté publique.

Pendant que tout ce qui semblait fort et durable en 1830, s'ébranle ou s'écroule autour d'elle, seule, pour ainsi dire, elle reste debout, calme, confiante et unie ; elle n'a point de frontières naturelles, et les agitations du dehors s'arrêtent à la frontière.

Cette situation, unique peut-être dans les fastes du monde, révèle tous les trésors secrets, toute la puissance réelle des principes de civilisation et de progrès sincèrement appliqués au gouvernement des hommes. Cet exemple, en se propageant, hâtera, nous en avons la confiance, le rétablissement de la paix intérieure des Etats cimentée par l'alliance de l'ordre et de la liberté.

Voilà, messieurs, le noble apostolat réservé à notre diplomatie auprès des gouvernements et des peuples. Elle y puisera une haute influence pour la défense de nos intérêts et le développement de leur prospérité.

Je me réserve de m'expliquer, s'il y a lieu, sur les articles que j'ai combattus, dans la discussion spéciale de chacun d'eux.

(page 164) M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, j'ai très peu de mots à répondre, ou plutôt très peu d'explications à donner après le discours que vient de prononcer l'honorable M. Le Hon. En effet, nous sommes d'accord sur tous les points, sauf un seul. Il n'existe, comme l'a dit l’honorable préopinant, qu'un seul dissentiment entre nous, c'est en ce qui concerne l'organisation de notre mission en Italie.

L'honorable M. Le Hon a critiqué la nomination qui a été faite, il y a quelques mois, d'un ambassadeur à Rome. Messieurs, j'ai déjà donné à la section centrale de longues explications sur cette question, et j'avoue que je ne m'attendais pas qu'après ces explications l'on viendrait encore attacher à ce titre d'ambassadeur une importance qu'il ne doit pas avoir.

De quoi s'agit-il? Est-ce que le gouvernement vous propose d'instituer d'une manière permanente et définitive une ambassade à Rome et en Italie? Pas le moins du monde; et la preuve, messieurs, c'est qu'au budget figure simplement un traitement de ministre plénipotentiaire.

Le gouvernement ne vous propose donc point d’instituer une de ces missions coûteuses pour l'Etat qu'entraîne une ambassade. Non, il s'agit simplement de continuer ce qui existait auparavant ; sauf que nous réalisons sur les missions d'Italie une économie de 23,000 fr. par la réunion des deux légations. En quoi donc consiste l'inconvénient de la dénomination que porte notre envoyé en Italie? Est-ce que les intérêts de l'Etat peuvent en souffrir? Pas le moins du monde. L'honorable M. Le Hon a reconnu lui-même que le titre d'ambassadeur donne une influence plus grande dans certaines occasions qu'un titre inférieur. Quant à la dépense, j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, elle ne sera pas plus considérable que si notre envoyé n'avait que le titre de ministre plénipotentiaire.

Maintenant, si nous lui avons donné ou plutôt conservé cette qualification, c'est que le titulaire possédait déjà dans le corps diplomatique le rang et la qualité d'ambassadeur. Il nous a paru qu'il n'y avait aucun motif de lui ôter ce titre, d'autant plus que nous n'avons fait là qu'un acte de réciprocité. En effet, vous le savez, messieurs, le gouvernement pontifical a accrédité auprès de la cour de Bruxelles un nonce qui a le même rang qu'un ambassadeur. Il n'y avait donc pas la moindre raison pour changer cette dénomination, d'autant plus qu'elle donnait plus d'influencé à notre envoyé à Rome.

Voilà, messieurs, les considérations qui nous ont dirigés. D'ailleurs, je crois que c'est au gouvernement qu'il appartient de donner aux agents diplomatiques qu'il envoie à l'étranger le titre et le rang que lui paraissent le plus convenables : la chambre a principalement à examiner quelle est l'allocation portée au budget, et du moment que l'allocation ne lui paraît pas trop élevée, il me semble qu'elle ne doit plus s'inquiéter du titre qui sera donné au diplomate, surtout lorsque le gouvernement ne fait que se conformer aux règles de la réciprocité. C'est, messieurs, ce qui a déjà été établi dans cette enceinte d'une manière très claire par l’honorable M. Tesch, lorsqu'il a fait son rapport sur des pétitions tendant à obtenir une réduction sur les traitements de nos agents diplomatiques. Qu'on me permette de lire ce qu'a dit, à cet égard, l'honorable M. Tesch. Ce rapport a été présenté à la chambre dans la séance du 4 juillet 1848 et n'a soulevé aucune objection. Les pétitionnaires demandaient que les ambassadeurs fussent partout remplacés par des chargés d'affaires au traitement de 15,000 fr. au plus :

« La commission a pensé, dit l'honorable M. Tesch, qu'il y avait là de notables économies à faire; mais elle n'a pas pensé qu'il lui appartenait de déterminer la qualification à donner ultérieurement aux représentants du pays à l'étranger; elle a été d'avis que c'était là une chose de convenance qu'il fallait laisser au gouvernement le soin de régler ; elle n'a pas pensé davantage devoir s'occuper de la fixation d'un maximum de traitement à 15,000 fr., elle s'est bornée à exprimer le vœu que de notables économies fussent réalisées. »

Voilà comment s'est exprimé l'honorable M. Tesch au nom de la commission qui avait examiné les pétitions. Du reste, messieurs, vous savez parfaitement qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution, c'est au chef de l'Etat qu'appartient la nomination des agents des relations extérieures:

L'honorable M. Le Hon aurait voulu que l'on conservât le statu quo. En quoi consistait le statu quo? Nous avions un agent à Turin avec le titre de ministre résident. Vous savez que ce titre est purement honorifique, et que le traitement est le même que celui d’un chargé d'affaires.

A Rome, nous avions seulement un secrétaire; fallait-il laisser subsister cet état de choses lorsque les difficultés regrettables qui s'étaient momentanément élevées entre le gouvernement pontifical et le gouvernement belge venaient de cesser? Fallait-il maintenir cet état anormal? Nous avions ici comme représentant du saint-père un nonce, c'est-à-dire un ambassadeur, et nous n'avions à Rome qu'un simple secrétaire de légation. Je pourrais, messieurs, si l'on m'y forçait, rappeler la discussion qui a eu lieu l'année dernière dans cette enceinte à propos de l'incident regrettable survenu dans nos relations avec la cour de Rome; ce débat démontre que tout en approuvant la conduite du gouvernement, la chambre a voulu qu'il obtînt deux choses : d'abord la réparation, en quelque sorte, de ce qui avait eu lieu, ensuite le rétablissement sur le pied le plus amical de nos relations avec le saint-siège.

Eh bien, messieurs, le gouvernement a complètement réussi à atteindre ce double but. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que la non-agréation qui avait excité tant d'émotion dans le pays, que cette non-agréation est venue à cesser; sous ce rapport donc, nous avons obtenu tout ce que nous pouvions désirer. En second lieu nous avions à rétablir les relations diplomatiques qui existaient auparavant, comme la chambre eu avait elle-même exprimé le désir.

Ainsi, messieurs, nous ne devions pas et nous ne voulions pas prolonger plus longtemps cet état de choses et continuer un provisoire que rien ne justifiait plus. Toutefois en organisant notre mission en Italie, je ne puis trop le répéter à la chambre, nous avons songé aux économies. Car nous en avons fait une de 25,000 fr. (Aux voix! aux voix!)

M. Dumortier. - Messieurs, je vois que la chambre est impatiente d’en finir. La discussion roule sur l'importance de la diplomatie, et certes, dans les circonstances actuelles, au milieu du bouleversement de l'Europe, personne ne peut contester les services que la diplomatie est appelée à nous rendre. Je pense donc qu'il conviendrait de clore la discussion générale. Pour mon compte, je suis prêt à renoncera la parole, me réservant de faire des observations sur certains articles.

- Un grand nombre de membres se lèvent pour appuyer la demande de clôture.

La clôture est mise aux voix et prononcée.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« « Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement du personnel des bureaux : fr. 101,650. »

M. le président. - La section centrale propose de porter le chiffre de cet article à 105,050 fr., mais à la condition de supprimer le chiffre de 8,400 fr. porté à l'article 34, chapitre VIII, de sorte que la proposition de la section centrale tend à opérer une réduction de 5,000 francs. Le gouvernement se rallie-t-il à cette proposition?

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Ainsi que vient de le dire notre honorable président, la section centrale propose en réalité une économie de 5,000 fr. Messieurs, je désirerais pouvoir me rallier immédiatement à cette proposition, mais je ne puis admettre qu'une réduction de 5,000 fr. et je vais en faire connaître les motifs.

La proposition de la section centrale consiste à faire rentrer dans l'administration centrale l'inspecteur général de la marine. Je ne m'oppose pas le moins du monde à cette proposition, dans ce sens que j'ai toujours eu l'intention, surtout dans le moment où il s'agit de diminuer l'importance de la marine, de supprimer l'institution d'une inspection générale; par conséquent ce n'est pas sous ce rapport que je m'oppose à la réduction des 5,000 francs ; mais je crois qu'il conviendrait mieux de laisser un peu plus de temps au gouvernement, pour opérer ctlte économie, que de l'obliger à faire immédiatement les changements nécessaires.

En effet, si le chiffre de la section centrale est admis, il faudra renvoyer avant le 1er janvier un certain nombre d'employés ; de deux choses l'une, ou il faudra les démissionner, et c'est ce que la chambre ne voudra pas; ou bien il faudra leur accorder un traitement d'attente, les deux tiers de leur traitement actuel. Eh bien, je pense qu'il vaudrait mieux laisser le temps au gouvernement de replacer successivement ces employés; il y aurait là avantage pour la chose publique.

Mon intention est donc de réaliser successivement l'économie qui est proposée par la section centrale, et je crois que pour le budget de 1850, nous pourrons réaliser cette économie. Dès maintenant, j’admets la réduction de 5,000 francs.

M. Delfosse. - Messieurs, lorsque j'ai proposé de réduire les traitements des membres de la cour des comptes, mon intention était d'appliquer ce système de réduction à tous les traitements dépassant un certain chiffre, sauf les exceptions qu'on eût jugées nécessaires.

(page 165) La situation exige que des sacrifices soient imposés à la classe des fonctionnaires, moins maltraitée par les événements que les autres classes de la société.

La croisade que quelques orateurs paraissent avoir organisée contre la cause que je défends ne m'a nullement ému ; j'ai la conviction que cette cause triomphera.

J'avais espéré, lorsque j'ai fait ma proposition, que le gouvernement, instruit du vœu de la grande majorité de h chambre et du pays, n'hésiterait pas à nous suivre dans cette voie d'économies dont, par des motifs que je n'ai pas à rechercher et que je n'entends nullement blâmer, il n'avait pas cru devoir prendre l'initiative.

Le vote négatif qu'il a émis sur le fond de ma proposition m'a ôté cet espoir. Ce vote fait présager que, si je proposais de réduire les allocations des divers budgets, relatives aux traitements, je rencontrerais à chaque instant le ministère pour contradicteur. De là des débats interminables sur des questions de détail que le ministère connaît mieux que nous, parce qu'il a des éléments d'appréciation qui nous manquent.

D'un autre côté, je ne pourrais toucher aux traitements fixés par la loi sans reproduire la question de prérogative parlementaire que la chambre, placée sous la crainte d'une crise ministérielle, a laissée indécise.

Mon opinion sur cette question n'a pas changé. Pour moi, le droit de la chambre reste clair comme le jour. Lorsque la Constitution a voulu que certains traitements soient fixés par la loi, lorsque la loi a fixé certains traitements, c'est une garantie qu'on a voulu donner contre l'action du pouvoir exécutif, et nullement contre l'action parlementaire. Il m'est impossible d'admettre qu'on ne puisse toucher, par le budget, au traitement d'un conseiller de la cour des comptes, d'un greffier provincial, alors qu'on peut (cela n'est pas contesté), toucher au traitement d'un évêque, à celui d'un archevêque, traitements qui sont cependant garantis par la Constitution.

Mais je ne voudrais pas reproduire sans des motifs très sérieux, une question aussi irritante et placer de nouveau la chambre dans la situation difficile qui lui a été faite l'autre jour.

J'ai donc résolu de suivre une autre marche que celle que j'avais d'abord adoptée, et d'arriver à mon but par un autre moyen. Au lieu de proposer des changements à la partie des budgets des dépenses qui concerne les traitements, je proposerai, lors de la discussion du budget des voies et moyens, de frapper les traitements, dépassant un certain chiffre, d'une retenue qui puisse, dans de justes limites, tenir lieu de nouveaux impôts.

Nous éviterons par là des débats longs et irritants. Au lieu d'une série de discussions sur des questions de détail, nous n'en aurons qu'une, portant à la fois sur toutes les catégories de fonctionnaires.

Cette mesure provisoire, qui nous fera atteindre momentanément le but, nous permettra de procéder avec prudence et maturité à la révision des traitements.

La règle que je viens de me tracer n'est pas cependant absolue. Il y a des traitements, qui peuvent, sans le moindre inconvénient, être réduits lors du vote des dépenses. Tels étaient, à mon avis, les traitements des membres de la cour des comptes, traitements que l'on avait augmentés outre mesure en 1845. Quelle raison, je vous le demande, y a-t-il pour qu'un membre de la cour des comptes soit mieux rétribué qu'un conseiller de la cour d'appel?

Si je n'avais pris la résolution dont je viens d'entretenir la chambre, j'aurais proposé une réduction sur le chiffre en discussion; j'aurais dû signaler quelques abus. C'est ainsi qu'un employé supérieur du département des affaires étrangères touche un traitement de 7,000 francs, alors que son prédécesseur n'en avait que 6,000, alors que le prédécesseur de ce dernier n'en avait que 5,000; on m'assure que ses attributions sont restées les mêmes. Ces augmentations successives paraissent donc être le résultat d'influences personnelles.

Je crois en avoir dit assez pour expliquer les motifs qui m'engagent à voter l'article du personnel de l'administration centrale. J'écouterai toutefois avec attention ce qui sera dit pour ou contre la proposition de la section centrale, tendant à une réduction du personnel. C'est là une proposition d'une nature différente de celle que j'aurais eu l'honneur de soumettre à la chambre sur cet article, si je ne me réservais de lui soumettre une proposition générale, lors du budget des voies et moyens.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Puisque l’honorable M. Delfosse ajourne ses projets en ce qui concerne les administrations centrales, je n'entrerai pas dans cette discussion ; mais je dois dire dès à présent que je ne puis pas admettre qu'il y ait eu un abus dans la fixation du traitement alloué à un directeur au département des affaires étrangères.

M. Delfosse a signalé un fonctionnaire qui touche sept mille francs de traitement ; mais je dirai d'abord que ce traitement est dans les limites fixées par le règlement organique. Ce règlement indique le mode suivant lequel les traitements sont alloués et le maximum qu'ils peuvent atteindre. Ce règlement a été fait d'après le vœu des chambres qui ont demandé à plusieurs reprises que chaque ministre fît un règlement d'administration générale pour ses bureaux ; ce règlement a été fait, il a été porté à la connaissance des chambres.

C'est d'après ce règlement qu'on a accordé le maximum de sept mille francs. Quant au fonctionnaire qui le touche, c'est un des hommes les plus capables et les plus distingués de toutes les administrations centrales. Quand il a été appelé à ces fonctions, il occupait un poste dont le traitement était de 12 mille francs; il était tout simple qu'on ne lui donnai pas le minimum quand on lui faisait quitter une position qui lui procurait un revenu de 12 mille francs.

Cette explication suffira, je pense, pour démontrer que l'abus dont s'est plaint M. Delfosse n'existe pas.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, le chiffre proposé par le gouvernement est de 101,630 fr. ; à la suite d'un vœu manifesté par la plupart des sections, qui tendait à voir les fonctionnaires dont il est question à l'article 34 rentrer dans l'administration centrale, la section centrale a fait connaître ce vœu au gouvernement et demandé des explications. M. le ministre a fourni une note de laquelle il résulte qu'il se rallie à l'intention de supprimer la place d'inspecteur général des divers services de la marine et de faire rentrer le titulaire dans l'administration centrale ; qu'il conservera l'administration de la marine, mais que ses attributions seront changées. Quant à l'économie qui pourrait résulter du chef de cette mutation, M. le ministre a dit qu'il ne saurait l'admettre. L'administration de la marine sera plus centralisée, mais le travail sera toujours à peu près le même.

Le but que poursuivait la section centrale était de diminuer autant que possible les fonctions nouvelles; elle a pensé que le ministre se ralliait à sa proposition ; ce fonctionnaire qu'on faisait entrer dans l'administration centrale venait naturellement occuper la place d'un autre qui devait se trouver supprimé. Le refus de se rallier à la proposition de la section centrale nous a mis dans l'obligation de conserver le personnel intact ou de proposer la suppression d'un fonctionnaire. M. le ministre pense qu'une réduction de 5,000 fr. est possible ; la proposition de la section centrale subsiste, car je n'ai pas mission de la retirer; mais je crois qu'en présence des explications de M. le ministre desquelles il résulte que si on supprimait un fonctionnaire il faudrait lui donner un traitement d'attente pendant un certain temps, la section centrale peut se rallier à la réduction de 5 mille fr. qu'il consent, avec cette réserve que pour 1850 les choses rentreront dans l'état normal et que l'économie que nous proposons sera complètement réalisée. Je ne sais si la section y voit une difficulté; pour moi je me rallie à la proposition de M. le ministre.

M. Dechamps. - Je n'ai pas d'observation, à faire sur le chiffre, les explications de M. le ministre me paraissent satisfaisantes. pour faire admettre celui qu'il propose. Mais je demanderai à M. le ministre si, dans son intention, l'inspection générale de la marine va de nouveau se trouver la direction de la marine à l'administration centrale. Quelles seront les attributions de ce directeur général? Par un arrêté du général Goblet, en 1844, le directeur de la marine à l'administration centrale fut chargé du service extérieur, au moins sous le rapport civil ; cet arrêté a fait l'objet de plusieurs discussions dans cette chambre. On croyait que le directeur de la marine, donnant des ordres directs, comme capitaine de vaisseau, aux officiers extérieurs, et consultant le ministre comme chef de division, il y avait là une absence complète de contrôle. C'était pour obvier à cet inconvénient que, dans l'arrêté organique de 1846, il fut nommé un inspecteur ayant le service extérieur tout entier. Le ministre avait près de lui pour contrôler, un chef de division de la marine. Il n'y eut aucune augmentation portée au budget.

Je ne vois pas de difficulté à ce qu'il retourne à l'administration centrale; il est essentiel qu'il y ait un directeur donnant des ordres aux chefs de service dans les provinces; sans cela ils seraient complètement maîtres de leurs actions, il n'y aurait plus de hiérarchie, le ministre devrait en quelque sorte faire lui-même le service de capitaine de vaisseau, ce qui est impossible. Dans le changement proposé il faudra que le ministre fixe la chambre sur les attributions à confier à cet inspecteur général, si on restera dans l'arrêté d'organisation de 1846 ou si on reviendra à l’arrêté pris en 1844 par le général Goblet.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je pense que la chambre n'a pas besoin de connaîtra tous les détails des attributions futures du directeur de la marine pour se prononcer. Il s'agit uniquement de savoir s'il y a lieu de maintenir l'inspecteur de la marine dans ses attributions actuelles ; et non de connaître quelles attributions seront données, plus tard, à la direction de la marine ; c'est là une question qui, ce me semble, concerne l'administration. Je ne fais aucune difficulté cependant de donner quelques explications. L'inspecteur général rentrera dans les mêmes attributions qu'il avait avant l'arrêté du 31 décembre 1846», sauf certains changements qui y seront apportés. Mais comme, avant d'organiser ce service, il faut que la chambre ait déterminé les allocations, je n'ai pas encore arrêté les points de détail, en ce qui concerne les changements à apporter à cette organisation. La seule question à résoudre par la chambre est donc celle de savoir si elle veut maintenir l'inspection, institution qui n'existe que depuis 2 ans.

M. Delfosse. - M. le ministre des affaires étrangères a fait valoir, comme justification du traitement de 7 mille francs que j'ai signalé, la capacité de l'employé qui jouit de ce traitement. Mon intention n'a pas été de la révoquer en doute. Mais M. le ministre des affaires étrangères ne mettra pas non plus en doute la capacité du prédécesseur, qui, depuis, a été ministre des finances et qui n'avait qu'un traitement de 6,000 fr. Un autre prédécesseur n'avait que 5,000 fr., bien qu'il eût aussi beaucoup de capacité.

M. le ministre des affaires étrangères a invoque l'arrêté organique ; mais cet arrêté ne dit pas que les traitements doivent atteindre le maximum.

(page 166) Il y a au ministère des affaires étrangères un autre employé du même rang, très capable aussi, qui n'a qu'un traitement de 6,000 fr.

N'invoquons pas ces arrêtés organiques; nous savons dans quel temps et par qui ils ont été faits; qu'on se hâte, au contraire, de les réviser et de les corriger sérieusement.

On a parlé d'un traitement de 12,000 fr. ; ce traitement était accordé pour une mission à l'étranger; c'était bien différent.

Je reconnais, je le répète, le mérite de l'employé en question. Mais, quel que soit son mérite, il pourrait se contenter du traitement accordé à son prédécesseur, dont le mérite n'était pas non plus contesté.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Je n'ai pas eu l'intention, dans les observations que j'ai en l'honneur de présenter à la chambre, de jeter le moindre doute sur le mérite du prédécesseur du titulaire actuel. J'ai eu l'occasion d'apprécier trop bien son mérite personnel, ses hautes qualités pour jamais m’aviser de porter la moindre critique sur sa personne. Mais il ne s'agit pas du traitement alloué à cette époque, ni de savoir si on a bien fait de le fixer à 6,000 fr. au lieu de 7,000 fr. Il s'agit du titulaire actuel. Or, je crois que les considérations que j'ai fait valoir justifient complètement le chiffre adopté, non par le ministre actuel, mais par son prédécesseur.

M. de Pouhon. - Je ne comprends pas la nécessité, pas même l'utilité d'une direction de comptabilité pour un mouvement de fonds de moins de 2 millions de francs, montant du budget du département des affaires étrangères. Une allocation de 12 mille francs figure à ce titre au budget. Je voudrais savoir si cette somme est indispensable.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - La division dont il s'agit comprend non seulement la comptabilité, mais encore ce que nous appelons, en termes d'administration, la chancellerie. Voici quelles sont les attributions de cette division : travaux relatifs à la rédaction et à la discussion du budget; traitement des fonctionnaires et employés, matériel de l'administration centrale, comptabilité du département, correspondance avec les agents diplomatiques et consulaires sur toutes les matières de comptabilité et tout ce qui s'y rapporte; liquidation des frais de service de tous les agents ; celle des indemnités de voyages, des frais de courriers, des frais des commissions; pensions de retraite : caisse des veuves et des orphelins ; transmission des actes judiciaires et des commissions rogatoires; légalisations, visa et délivrance des passeports ; instruction des réclamations relatives à des matières d'intérêt privé ; état civil, successions ouvertes en pays étranger; recouvrements sur particuliers ; états de services; correspondance sur les renseignements de toute nature qui ne rentrent pas dans les attributions des autres branches de service ; indicateur de la division.

Il y a là un très grand travail : la correspondance et la tenue des registres, en ce qui concerne les consulats, demandent un travail très étendu, très compliqué.

Il y a encore plusieurs autres attributions dont l'énumération serait trop longue à donner à la chambre.

Je pense que leur étendue justifie complètement la présence d'un chef de division.

Tout ce que je puis assurer à la chambre, c'est que ces employés travaillent toute la journée.

- L'art. 2 est adopté avec le chiffre de 107,050 fr., proposé par M. le ministre des affaires étrangères.

Article 3

« Art. 3. Frais des commissions d'examen : fr. 1,050. »

- Supprimé, sur la proposition de la section centrale, à laquelle le gouvernement se rallie.

Articles 4 à 7

« Art. 4. Pensions des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 19,355. »

- Adopté


« Art. 5. Secours à des fonctionnaires et employés, à leurs veuves ou enfants, qui, sans avoir droit à la pension, ont des titres à un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 1,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Matériel : fr. 37,600. »

- Adopté.


« Art. 7. Achat et décorations de l'Ordre de Léopold, sans que l'on puisse augmenter ce chiffre par des imputations sur d'autres articles : fr. 8,000

- Adopté.

Chapitre II. Traitement des agents politiques

La chambre passe au chapitre II, « Traitement des agents politiques. »

Article 18

M. le président. - Il y a un amendement de M. Osy, consistant à commencer la discussion de ce chapitre par l'article de la légation de Constantinople, dont il propose la suppression.

M. Osy. - J'ai développé hier mon amendement. Je demande que l'on commence par cet amendement, parce que, s'il était adopté, je proposerai de répartir l'économie ainsi obtenue entre les légations de France, d'Allemagne et des Pays-Bas.

M. Dumortier. - La proposition que fait M. Osy n'est pas une économie à porter au budget. Cet honorable membre ne vous propose pas, remarquez-le bien, de réduire le budget de la somme allouée au chargé d'affaires à Constantinople ; il vous propose de répartir cette allocation entre les ministres plénipotentiaires de France, de la Haye et de Berlin.

Quant à moi, je ne puis consentir à cette proposition.

Il me semble que nous n'avons pas la mission de majorer, par un vote, les allocations réduites par le gouvernement. Le jour où le gouvernement vous propose de réduire les missions diplomatiques, ce n'est pas à nous à proposer une augmentation sur ces réductions. Le gouvernement a satisfait à ce que la chambre a demandé dans le service de la diplomatie ; il a fait des économies, de grandes économies, je dirai même plus: c'est que si nous avions dû faire le budget, nous ne serions peut-être pas allés aussi loin. C'est pourquoi j'approuve les propositions faites par le gouvernement dans le chapitre Il de son budget.

Faut-il maintenant supprimer le traitement de notre ministre à Constantinople ? On vous l’a dit déjà dans cette séance; ce serait là une énorme faute. Car il est certain qu'au point de vue des intérêts commerciaux surtout, il n'existe pas en Europe de mission plus importante que celle de Constantinople. Et pourquoi? Parce que là le droit public est complètement différent de celui des nations chrétiennes; parce que, d'après les usages orientaux, un agent commercial ne peut, sous aucun point de vue, remplacer un agent politique. En effet, un agent commercial, quel qu'il soit, consul général ou autre, n'est pas reçu par un ministre de la Porte Ottomane, n'a pas accès au divan.

Or, pourquoi avons-nous toujours eu un agent politique à Constantinople? Ce n'est certainement pas, messieurs, pour faire des traités de commerce avec la Porte Ottomane; personne ne peut faire de traité de commerce avec la Porte, mais c'est pour soigner les intérêts de notre commerce, et ces intérêts peuvent se trouver chaque jour en jeu.

Ainsi que dans un des ports nombreux de la Méditerranée qui appartiennent à la Turquie, un navire appartenant à un de nos armateurs éprouve des difficultés, qu'un Belge y soit outragé, il faut évidemment qu'il lui soit rendu justice, et il ne peut lui être rendu justice que par l'intermédiaire de l’agent diplomatique. L'agent consulaire dont l'honorable M. Osy propose la création à Constantinople ne serait pas admis dans les bureaux du ministère, et par conséquent les Belges seraient forcés de recourir à l'appui soit de la France, soit de l'Angleterre, soit d'une autre puissance. Or, messieurs, il faut convenir qu'il serait profondément déshonorant pour notre pays de voir ainsi nos nationaux exposés à toutes les avanies auxquelles sont souvent en butte les chrétiens dans les pays musulmans, et de devoir ensuite recourir à l'étranger pour obtenir justice.

Voilà pourtant les conséquences de la proportion que fait l'honorable M. Osy.

Ce n'est pas tout. Un navire du pays ira dans les échelles du Levant. Il y aura des contestations, et ces contestations peuvent être graves. Encore toujours, il faudra recourir à la Porte Ottomane pour obtenir justice, et ce n'est pas avec un agent consulaire que vous pourrez y parvenir.

Nulle part, en Europe, dans l'intérêt du commerce, un agent diplomatique n’est plus nécessaire qu'à Constantinople. Il y a plus, messieurs, les Belges qui se trouvent dans ce pays ne peuvent passer aucun acte valable, si ce n'est en présence de l'agent politique, de son chancelier. Tous les intérêts qui sont confiés en Belgique à diverses autorités, sont confiés à Constantinople au chargé d'affaires qui doit passer tous les actes que feraient ici les notaires, les bourgmestres, l'état civil. Ainsi, messieurs, par la proposition qui vous est faite, on arriverait à ce résultat que dans le Levant aucun de ces actes ne pourrait plus être posé.

Autre cas où la présence d'un agent diplomatique est nécessaire en Turquie.

Si une contestation s'élève à Constantinople, dans l'empire ottoman entre un Belge et un Turc, en vertu des lois de l'empire ottoman, l'agent diplomatique a le droit d'introduire dans le tribunal deux Européens qui viennent contrebalancer le vote exclusif donné par des musulmans contre un Européen. Vous vous priveriez encore de cet avantage; et alors vos indigènes, vos nationaux qui se trouveraient en Orient et qui, je le crois, appartiendraient plutôt au port d'Anvers qu'à toute autre localité, se verraient exposés à être jugés par la loi du pal.

Voilà la portée de la proposition de l’honorable M. Osy. Je ne pense pas que la chambre veuille accueillir cet amendement, alors surtout qu'il n'aurait d'autre résultat que de faire majorer des traitements que M. le ministre lui-même a jugés suffisants. Je pense que le chiffre qui vous a été proposé par le gouvernement doit être maintenu, et que nous manquerions gravement à tous nos intérêts en le repoussant.

Je dirai plus. J'ai vu hier encore un des négociants de la Belgique qui font le plus d'exportations pour les pays lointains; cl il m'a déclaré que si le système de l'honorable M. Osy pouvait être admis par la chambre, il n'y aurait plus pour les Belges de relations possibles avec Constantinople; que lui-même contribuait en ce moment au chargement de deux navires, à Anvers, et que si l'amendement était adopté, il n'aurait qu'une chose à faire, décharger ses marchandises et les rentrer dans le pays.

Voilà, messieurs, ce qui m'a été dit par un des principaux exportateurs de la Belgique. Je demande si, dans de pareilles circonstances, il serait prudent de renoncer à avoir un agent politique à Constantinople.

M. de Theux. - Messieurs, l’insuffisance de la police dans les Etats turcs, le peu de sécurité qu'y trouvent les étrangers, lorsqu’ils ne sont pas protégés par un diplomate, sont des raisons plus que suffisantes pour nous déterminer à maintenir une légation belge à Constantinople. Déjà dans la discussion générale un honorable préopinant nous a dit que (page 167) les consuls sont impuissants à protéger nos nationaux, lorsqu'ils ne peuvent s'appuyer sur un agent diplomatique. Dès lors il n'est pas douteux que la mission de Constantinople doive être maintenue.

La Belgique, messieurs, a voté un crédit de 200,000 francs pour obtenir la reconnaissance diplomatique de l'Etat belge et pour obtenir l'assimilation de la Belgique aux puissances les plus favorisées, en ce qui concerne le commerce. Ces importants résultats ont été obtenus, et ce serait tout compromettre que de retirer aujourd'hui la légation belge de Constantinople.

Je n'en dirai pas davantage sur ce point.

M. Sinave. - Messieurs, je ne connais d'autre règlement relatif aux consuls que le règlement français, et je pense que dans ce règlement l'autorité du consul est égale à celle de l'ambassadeur. Ainsi pour les mariages, pour l'intervention judiciaire dont a parlé l'honorable M. Dumortier, je sais pertinemment que les consuls ont les mêmes droits que l'ambassadeur.

D'un autre côté, la Turquie n'a aucun agent en Belgique; je ne vois donc pas pourquoi nous devrions en avoir un à Constantinople et dépenser de ce chef 27,000 francs. Si la chambre estime qu'un consul ne suffit pas, on pourrait, dans tous les cas, se borner à avoir un simple chargé d'affaires.

L'honorable M. Osy propose de supprimer le poste de Constantinople, mais il ne veut pas qu'il en résulte une économie.

Moi je proposerai la suppression complète et la nomination d'un consul, auquel on donnerait un traitement quelconque.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, comme je voterai pour la suppression, je désire faire remarquer à la chambre que l'honorable M. Dumortier n'a pas discuté l'amendement de M. Osy, mais qu'il a discuté la pensée de M. Osy. Nous ne sommes pas appelés à nous prononcer sur cette pensée, nous sommes appelés à nous prononcer sur un amendement fort simple, qui se borne à une suppression. Pour écarter cette suppression, M. Dumortier a dit que ce ne serait pas une économie parce que, dans la pensée de M. Osy, la somme économisée serait répartie entre les traitements de trois autres agents diplomatiques; mais ce sont là deux ordres d'idées tout à fait distincts et la chambre ne doit nullement se préoccuper de l'usage que M. Osy veut faire du crédit dont il propose la suppression. Quand nous examinerons les articles sur lesquels il veut le répartir, chacun de nous conservera la liberté de son vote. Je n'augmenterai personne et je voterai contre les 27,000 fr.

M. Dumortier. - L'honorable membre est dans l'erreur quand il dit que je ne suis point entré au fond de l'amendement. J'ai dit, au contraire, que dans l'état actuel de l'Europe, la légation de Turquie est indispensable à la défense de nos intérêts. Du reste, il demeure certain que M. Osy ne propose pas une économie, car si vous supprimez notre agent diplomatique à Constantinople vous devrez avoir un consul rétribué.

Quant au consulat d'Alexandrie, il est très regrettable que nous ayons cessé d'avoir là un consul rétribué, car il est certain que depuis lors les affaires sont allées singulièrement, en diminuant et aujourd'hui elles sont réduites à très peu de chose. Si j'avais prévu que nous discuterions cet article aujourd'hui, j'aurais apporté des documents à l'aide desquels j'aurais établi la nécessité impérieuse d'avoir un consul rétribué à Alexandrie.

Comment! messieurs, lorsque de toutes parts nous cherchons des débouchés pour notre industrie, nous irions, de gaieté de cœur, supprimer un agent qui peut nous rendre les plus grands services sous ce rapport ! Il n'est pas de pays où nous puissions avoir plus de relations que dans les échelles du Levant et à Constantinople. Je dis que de toutes les légations celle de Constantinople peut rendre le plus de services à nos différentes manufactures.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d'Hoffschmidt). - Messieurs, le gouvernement ne peut pas se rallier à la proposition de l'honorable M. Osy. Il considère la mission de Constantinople comme une des plus utiles au point de vue commercial, indépendamment de ses avantages, je dirai même de sa nécessité sous le rapport de protection des Belges qui se trouvent dans ces pays. Il faut ne pas perdre de vue d'abord que Constantinople est une ville de 600,000 âmes et que nous y avons de nombreuses relations. Ensuite Constantinople est le centre des affaires qui se font dans le Levant. C'est donc là une position extrêmement importante, où il est indispensable que nous ayons un agent. Notre commerce dans le Levant tend depuis quelques années à se développer; je puis en donner la preuve par le tableau de nos exportations En effet, elles se sont élevées en 1843 à 2,400,000 fr., en 1844 à 2,900,000, en 1845 à 2,148,000, en 1846 à 1,555,000 et en 1847 à 3,819,000.

Il y a donc eu, en 1847, une progression très marquante dans le chiffre de nos exportations vers ce pays. Mais, messieurs, nous pouvons aspirer à prendre une place bien autrement importante sur ce vaste marché. C’est un point qui doit attirer toute votre attention. C'est sur les marchés transatlantiques et dans le Levant que nous devons, par nos efforts, chercher des débouchés ; et c'est au moment même où l'on nous engage à poursuivre activement ce but, que l’on proposerait la suppression de la légation de Constantinople !

Comme d'honorables préopinants. l'ont parfaitement expliqué, un chargé d'affaires jouit d'une bien autre influence qu'un consul. D'après les usages de la Turquie, un chargé d'affaires peut approcher facilement les ministres, traiter avec eux, et c'est ce que ne peut pas faire un consul. Si donc vous n'aviez à Constantinople qu'un consul, vous n'y seriez pas représentés comme vos intérêts exigent impérieusement que vous le soyez. Admettre un semblable système, qu'on me permette de le dire en passant, ce serait la plus sanglante critique de tout ce qui s'est fait jusqu'ici.

L'honorable comte de Theux vous a rappelé qu'on a fait un sacrifice de 200,000 fr., en 1838, pour ouvrir des relations avec Constantinople; depuis lors, on y a entretenu un ministre plénipotentiaire, et la chambre a voté chaque année 47,000 fr. de ce chef. Maintenant on ne se contenterait plus de la réduction de 17,000 fr. proposée par le gouvernement; on voudrait supprimer complètement la légation et y substituer un simple consul non rétribué.

Nous avons, il est vrai, un consul non rétribué à Alexandrie, et je me plais à rendre hommage aux services qu'il rend à la Belgique. Il est plein de zèle et de dévouement ; mais il faut reconnaître qu'en général les consuls non rétribués ne peuvent pas s'occuper avec un semblable zèle des intérêts belges; sans cela, nous devrions adopter le système de supprimer tous les consuls rétribués. Rien ne prouve donc que nous trouverions à Constantinople cet homme exceptionnel, extrêmement dévoué aux intérêts de notre pays, sans recevoir la moindre rétribution. D'ailleurs la position est tout à fait différente : à Alexandrie les affaires n'ont pas pris une extension considérable, mais on ne doit l'attribuer ni au consul ancien ni au consul actuel; la grande raison en est qu'il n'y a pas de maisons belges à Alexandrie, et partout où il n'y a pas de maisons belges ou des comptoirs, nous n'avons pas de relations suivies. C'est pour cela que le gouvernement est disposé plus que jamais à vous soumettre, dans le courant de la session, un projet tendant à favoriser l’établissement de comptoirs à l'étranger. Eh bien, messieurs, l'un des points les plus importants peut-être pour l'établissement d'un comptoir est sans contredit Constantinople, et c'est là où vous supprimeriez votre légation, où vous n'auriez pas même un consul rétribué!

Messieurs , ce qu'on vous a dit à l'égard de la position des Belges è Constantinople, est parfaitement exact. Voici quelques détails sur ce point :

En Turquie, la loi applicable aux régnicoles est la loi musulmane, la loi du Coran.

En vertu des traités qu'on appelle capitulations et qui datent du temps de François Ier, les étrangers ne sont pas soumis aux juridictions du pays, chacun d'eux est assujetti à la juridiction de l'autorité de son propre pays, représentée, au Levant, par les agents diplomatiques et consulaires.

Dans cette hiérarchie de juridiction, le chef de la légation de Constantinople représente le degré le plus élevé.

Ce degré est d'autant plus indispensable que nous n'avons pour consuls dans le Levant que des agents étrangers, non rétribués.

Supprimez la légation de Constantinople, et quelle garantie reste-t-il aux Belges qui sont fixés dans le Levant, et qui maintenant sont assez nombreux? Quelle sécurité y a-t-il pour les intérêts belges?

Pour les actes de l'état-civil, pour les actes en matière de succession, en matière de procédure civile, commerciale ou criminelle, voulez-vous que les Belges soient soumis à la loi du Coran?

Cela n'est pas possible; il faudra donc qu'ils abdiquent leur nationalité pour obtenir, avec le bénéfice d'une législation étrangère, la protection éventuelle d'une légation. Cette protection douteuse et précaire peut-elle jamais remplacer, pour un Belge, celle de son propre pays, de son propre gouvernement?

Aussi les autres gouvernements attachent une fort grande importance à être représentés en Turquie ; je puis vous en donner la preuve par l'énumération des agents diplomatiques étrangers qui sont à Constantinople :

Etats-Unis : ministre résident ; Autriche : Internonce ; Danemark : ministre résident et consul général ; Deux-Siciles : chargé d'affaires ; Espagne : envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; France : autrefois, ambassadeur; maintenant, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; Grèce : envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; Angleterre : ambassadeur ; Pays-Bas : ministre résident ; Portugal : chargé d'affaires ; Prusse : envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; Russie : envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; Sardaigne : envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire ; Suède : ministre résident ; Toscane : chargé d'affaires ; villes hanséatiques : chargé d'affaires.

Les traitements alloués à ces agents sont infiniment plus élevés, pour les moindres d'entre eux, que celui que nous avons l'honneur de proposer.

Je n'hésite pas à le dire, la chambre commettrait une faute si elle opprimait une légation aussi utile à nos intérêts. (Aux voix! aux voix !)

M. le président. - La clôture est demandée.

(page 168) M. Gilson (contre la clôture). - Je me serais bien gardé, messieurs, de prendre parti dans le grand débat qui s'agite depuis plusieurs jours au milieu de nous; les hautes questions de politique extérieure n'ont point jusqu'ici fait l'objet de mes études habituelles. Mais lorsqu'il y va des plus grands intérêts commerciaux, je dois à la chambre la manifestation de toute ma conviction. A mes yeux, notre avenir manufacturier tout entier est dans le commerce d'exportation. Pour réussir sur les marchés lointains, des agents nationaux sont indispensables, et nous devons tout mettre en œuvre pour les y fixer. S'il était vrai, pour ce qui concerne Constantinople, qu'un agent diplomatique, qu'un chargé d'affaires soit en meilleure position pour nous venir en aide qu'un consul général, si même il y avait incertitude sur ce point, il n'y aurait point encore à hésiter un seul instant. Oui, je ne crains pas de le répéter, notre avenir commercial est moins dans les traités à conclure sur le continent, que dans le développement à imprimer à nos relations extérieures. Ma propre expérience me dit ce qu'on a fait déjà à Constantinople et ce qu'on peut y faire dans l'avenir. J'engage la chambre de tout mon pouvoir à ne pas prendre brusquement une résolution dont nous aurions à nous repentir.

M. Cumont. - Messieurs, si vous supprimez à Constantinople la légation politique que nous y avons, vous détruisez la confiance de nos nationaux; nos relations avec cet empire, qui sont susceptibles de prendre un grand développement, vont s'anéantir. Je prie donc la chambre de ne pas rejeter légèrement une allocation qui est de nature à rendre au pays de grands services.

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Je mets aux voix l'amendement de M. Osy, qui tend à supprimer la mission de Constantinople.

- Plus de 5 membres demandent l'appel nominal. Il y est procédé.

Voici le résultat de cette opération :

74 membres répondent à l'appel nominal.

61 membres répondent non.

13 membres répondent oui.

En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.

Ont répondu non : MM. Van Cleemputte, Vandenpeereboom ( Alphonse ), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven , Van Iseghem , Vermeire , Veydt, Allard , Boedt, Boulez, Cans , Clep , Coomans , Cumont, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debourdeaud'huy , de Brouckere (Henri), Dechamps, Dedecker, de Denterghem, de Haerne, Delfosse, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Meester, de Pouhon, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dubus, Dumortier, Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Julliot, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Loos, Mascart, Moncheur, Moreau, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer et Verhaegen.

Ont répondu oui : MM. Tremouroux, Vanden Berghe de Binckum, Vilain XIIII, Cools, de Baillet-Latour, de Brouckere (Charles), Debroux, Delehaye, de Renesse, Lelièvre, Manilius, Orts et Osy.

M. le président. - Je vais mettre l'article 18 aux voix. Le chiffre proposé par le gouvernement est de 30 mille francs. Celui proposé par la section centrale, 27,000.

M. de Luesemans, rapporteur. - La proposition de l'honorable M. Osy se divisait en deux membres : la suppression de la légation de Turquie et la répartition de l'allocation. La discussion a porté sur ces deux points et a été close ; mais il n'a été question ni du chiffre demandé par le gouvernement, ni de celui proposé par la section centrale; la clôture n'a pas été prononcée là-dessus.

M. H. de Brouckere. - Je ferai remarquer qu'il n'a pas été dit un seul mot sur le chiffre qu'il conviendrait de voler. Il y a deux chiffres en présence, l'un de 27,000 fr., l'autre de 30,000.

M. de Theux. - M. le ministre n'a pas été entendu sur le montant du chiffre.

- La chambre, consultée, continue la discussion et la renvoie à demain.

La séance est levée à 5 heures.