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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 1 décembre 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1848-1849)

(Présidence de M. Verhaegen.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 119) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à une heure un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Luesemans. fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« L'administration communale de Denterghem demande que le commissaire des arrondissements réunis de Thielt et Roulers continue de résider à Thielt. »

- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.


« Le conseil communal d'Ath demande que le gouvernement fasse étudier les travaux à exécuter pour relier la Dendre à la station du chemin de fer et prie la chambre de décréter que ces travaux seront exécutés immédiatement, que le cautionnement de deux millions versé par les concessionnaires du canal de Jemmapes à Alost sera employé à la canalisation de la Dendre et qu'après l'exécution de ces travaux le gouvernement ne percevra sur les revenus que la somme nécessaire à l'entretien des ouvrages et au payement du personnel. »

M. Delescluse. - Messieurs, la canalisation de la Dendre demandée par cette pétition est d'une immense importance pour la ville d'Ath, la province du Hainaut, une partie de la Flandre et la province d'Anvers. Déjà depuis plusieurs siècles ce projet est à l'étude. Aujourd'hui on donne un moyen de l'exécuter sans qu'il en coûte un centime au gouvernement. Je demande que cette requête soit renvoyée à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics et qu'elle soit invitée à en faire une mention spéciale dans son rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Les membres du conseil communal de Petit-Hier présentent des observations contre le projet de supprimer le bureau des douanes établi dans cette commune. »

- Même renvoi.


« Le conseil communal d'Oevel demande l'abrogation de la loi du 10 août 1843, qui impose aux riverains du canal de la Campine une part dans les dépenses.

« Même demande des conseils communaux de Norderwyk et de Lommel. »

- Même renvoi.


« Le sieur Froidmont, ancien professeur à l'école vétérinaire et d'agriculture de l'Etat, qui a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, demande à être placé dans la position de disponibilité ou de non activité avec jouissance des deux tiers ou au moins de moitié de son traitement. »

- Même renvoi.


« Quelques habitants de Froidmont demandent la révision des lois sur l'expropriation forcée et sur les faillites. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants de Couillet prient la chambre de reprendre l'examen du projet de loi sur le notariat et de décréter le libre exercice par arrondissement judiciaire. »

- Même renvoi.


« Les hôteliers d'Ostende demandent la réduction des impôts qui frappent les hôtelleries de cette ville, l'établissement d'un impôt sur les habitants qui louent des quartiers et fournissent la nourriture, et la suppression de la contribution supplémentaire pour le personnel pendant la saison des bains. »

- Même renvoi.


« Le sieur de Smidt, fabricant de chicorée, demande que le moulin servant à moudre la chicorée ne soit pas assujetti au droit de patente. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur les patentes.


« Les employés du service actif des douanes, à Liège, prient la chambre de n'apporter, en ce qui les concerne, aucune modification à la loi sur les pensions. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi qui modifie la loi sur les pensions.


« Le sieur Delem prie la chambre de s'occuper de sa proposition, concernant un bénéfice de 350.000 fr., qu'il veut faire faire au département de la guerre, dans l'entreprise du casernement. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de la guerre.


« L'administration communale de Neeroeteren présente des observations contre le projet de supprimer l'arrondissement administratif de Maeseyck. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le budget de l'intérieur.

Projet de loi portant le budget des dotations pour l’exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Cour des comptes

Article 4

M. de Brouckere. - Messieurs, je regrette, avec l'honorable M. Delfosse, les proportions qu'a prises la discussion engagée sur l'amendement qu'il a présenté à l'occasion de l'article 4 du budget des dotations; mais derrière la proposition de l'honorable M. Delfosse, qui, au premier abord semblait fort simple et paraissait devoir se résumer en une question de chiffres, facile à trancher, derrière cette proposition se trouvait une question de forme, et cette question de forme soulevait elle-même une question de principe.

Or, quand un principe devient l'objet d'une contestation, il ne peut être tranché à la légère. La décision que prend la chambre doit toujours être grave, sérieuse, parce qu'elle peut entraîner des conséquences importantes. D'ailleurs, messieurs, il dépendait de l'honorable auteur de la proposition, il dépendait de lui de prévenir ce débat qu'il déplore un peu tardivement.

Pour le prévenir, il n'avait qu'à céder à des scrupules bien légitimes assurément, et revêtir sa proposition d'une autre forme. Quant au fond, la discussion n'eut certes pas été longue.

Mais si je regrette d'un côté que l'honorable M. Delfosse n'ait pas voulu avoir plus d'égard aux considérations que nous avions développées dans une précédente séance, je dois le dire aussi, je déplore les paroles sévères, le blâme un peu exagéré, selon moi, qui sont sortis hier de la bouche de M. le ministre des finances.

Il a traité un peu durement la proposition de l'honorable M. Delfosse, et surtout le travail de la section centrale, qui n'était cependant que le résumé bien simple de ce qui s'était passé et dans les sections et dans la section centrale.

Je tâcherai, messieurs, de ramener la question à ses véritables termes, de la faire rentrer dans les limites dont j'aurais voulu qu'elle ne fût point sortie.

Le budget, c'est le tableau de tous les besoins, de toutes les ressources de l'Etat. L'examen, la fixation de ces besoins et de ces ressources, et même de chacun de ces besoins, de chacune de ces ressources, sont la prérogative principale de la législature dans tout Etat constitutionnel représentatif.

Ce n'est qu'après le vote de la législature, qu'un impôt peut être perçu, ce c'est qu'après le vote de la législature qu'une dépense quelconque peut être faite. Un impôt qui serait recouvré, sans qu'il eût été porté au budget, serait une concussion ; une dépense faite, sans qu'elle figure au budget, devrait être supportée par celui qui l'aurait faite; elle ne serait pas admise en compte.

Que résulte-t-il de là? C'est qu'évidemment les chambres ont un vote à émettre sur chacune des dépenses portées au budget. Si elles ont un vote à émettre, il est incontestable qu'elles ont la faculté de prononcer un vote négatif. Vous le voyez, messieurs, je ne restreins en rien les prérogatives de la chambre, et certes j'ai le même intérêt que tout autre de mes collègues à les sauvegarder.

La chambre a donc évidemment la faculté de rejeter une dépense quelconque qui figure au budget.

Mais ici commence la véritable question. Cette faculté qui est en quelque sorte absolue, cette espèce d'omnipotence n'ont-elles aucunes limites? Ce serait une erreur de le croire; seulement, ces limites, c'est la chambre elle-même qui doit se les tracer.

Ici, je le répète, commence le désaccord entre l'honorable M. Delfosse et moi. D'après lui, il résulte de certaines dispositions constitutionnelles, qu'il a citées, que les chambres ont le droit incontestable de réduire ou de rejeter les dépenses portées au budget, alors même qu'elles y figurent conformément à des lois en vigueur , et l'honorable membre défie ses adversaires de trouver dans la Constitution un seul article qui mette les dépenses de cette catégorie à l'abri du vote libre des chambres. De cette prémisse, il tire la conséquence, qu'il ne faut faire aucune distinction entre les dépenses de diverses natures qui figurent au budget.

Messieurs, avec la doctrine de l'honorable M. Delfosse, nous pourrions singulièrement raccourcir nos sessions et amoindrir nos discussions. Car si, à l'occasion du budget, nous pouvons changer, bouleverser notre législation, à quoi bon passer notre temps à discuter spécialement chacune des lois qui doivent nous régir? Vous le savez, la plupart des lois, dans leur application, se résument en une question de chiffre. Eh bien, ouvrons, au commencement de chaque session, une discussion générale sur les budgets, et à l'occasion de cette discussion, passons en revue toute notre législation. Nous abrogerons une loi, nous en modifierons une autre ; nous étendrons celle-ci, nous restreindrons celle-là ; tout cela par un petit renvoi en marge du budget, suivant la forme proposée par l'honorable M. Delfosse. Voulez-vous des exemples? Nous avons deux universités; elles sont organisées par la loi: c'est la loi qui (page 120) règle les appointements dont jouiront les professeurs. Eh bien, un membre de la chambre, à l'occasion du budget de l'intérieur, trouvera que c'est trop de deux universités en Belgique; qu'il ne doit plus y en avoir qu'une, et il proposera de réduire de moitié le chiffre proposé par le gouvernement en mettant en marge du budget : « L'université de Liège est supprimée. »

Que dira l'honorable M. Delfosse de ce petit renvoi en marge du budget?

Nous avons une école militaire; et, soit dit en passant, elle est une des gloires de la Belgique;' elle est organisée par une loi; un membre estimera que nous n'avons pas besoin d'école militaire, il proposera de rejeter l'allocation, et par une petite note au budget l'école militaire disparaîtra des institutions de la Belgique.

Il existe un nombre déterminé de cours d'appel, de tribunaux. La même opération se fera pour les corps de magistrature;- car pourquoi s'arrêterait-on aux universités ou à l'école militaire? Nous réduirons les chiffres portés au budget de la justice d'un tiers, et d'un trait de plume, par un paragraphe du budget, nous supprimerons une de nos cours d'appel, et un certain nombre de tribunaux.

Enfin nos institutions seront annuellement soumises à un vote de la chambre qui pourra être émis sans examen préalable, sans renvoi aux sections et par une majorité qui ne serait pas même très nombreuse.

Vous comprenez qu'exposer un pareil système, c'est le condamner. Mais l'honorable M. Delfosse, qui avait posé une règle si générale, a compris lui-même qu'il devait admettre certaines exceptions; il en cite une : « J'en excepte, dit-il, les dépenses expressément garanties par la Constitution, par exemple la liste civile. »

Il excepte donc la liste civile. Voilà donc, de sa propre autorité, qu'il restreint les prérogatives de la chambre; car la liste civile est soumise à notre vote, et il rend un vote affirmatif obligatoire. Mais je suis persuadé, je ne crains pas de faire un appel à cet égard à l'honorable M. Delfosse, je suis persuadé qu'il consentirait à étendre l'exception à la magistrature.

Je dis que l'honorable M. Delfosse y consentira parce qu'il comprendra que la fixation d'une manière déterminée, d'une manière permanente, des appointements de la magistrature fait partie de l'inamovibilité qui lui est garantie. Sans un traitement permanent il n'y a plus d'inamovibilité. Qu'a-t-on voulu en déclarant que les juges sont inamovibles? On a voulu les soustraire aux fluctuations d'opinion, aux caprices des majorités qui chaque année auraient pu amener soit une augmentation, soit une diminution de leurs appointements. Cela est évident.

Voilà donc une seconde exception (et celle-ci est bien large) qui sera assurément adoptée par l'honorable M. Delfosse et par bon nombre de ceux qui partagent son opinion.

Mais s'il en est ainsi, nous sommes bien prêts de nous entendre. Un pas de plus, et nous nous donnerons la main. Cependant l'honorable M. Delfosse s'écrie que si nous n'admettons pas ses doctrines, il n'y aura plus de bornes aux exceptions que nous pourrons introduire, et pour défendre cette assertion il suppose toutes sortes d'abus que nous pourrions plus tard introduire. Mais je voudrais bien que l'on m'expliquât comment les abus seraient à craindre, alors que nous-mêmes nous expliquons et restreignons les exceptions que nous voulons faire consacrer, alors que nous vous disons : Réduisez, si vous le voulez, par le budget, toutes les dépenses qui, par leur nature, sont mobiles, variables ; mais laissez intactes au budget toutes les dépenses fixées par des lois et surtout par des lois organiques. Il est très facile de déterminer quelles sont ces exceptions, elles ne sont pas nombreuses.

M. le ministre des finances, dans le discours qu'il a prononcé hier, a cité quelques antécédents. Il a rappelé d'abord celui concernant les greffiers. On avait demandé une augmentation des traitements des greffiers. Il a été objecté que ces traitements étant fixés par une loi, il fallait une loi pour les changer. Le membre qui avait fait la proposition (c'était l'honorable M. Gendebien) a retiré sa proposition.

Il a rappelé ce qui a eu lieu pour les substituts des procureurs généraux. La chambre a reconnu qu'avant de porter au budget l'augmentation réclamée en leur faveur, il fallait une loi spéciale.

La loi spéciale a été votée par les chambres avant le budget.

Que répond l'honorable M. Delfosse? Il n'y a pas d'identité. Les fonctionnaires dont vous parlez sont des magistrats; ils sont hors ligne. L'honorable M. Delfosse se trompe complètement; car il ne s'agit pas de magistrats inamovibles. Les greffiers et les substituts des procureurs généraux ne font pas partie de la magistrature assise, ils sont à la nomination du gouvernement; ils sont soumis à la révocation du gouvernement. Pour des fonctionnaires nommés par le gouvernement, révocables par lui, nous n'avons pas voulu augmenter les appointements qu'ils touchaient en vertu de la loi, uniquement par suite de ce principe que les appointements ayant été fixés par une loi spéciale, il faut une loi spéciale pour les modifier. Eh bien, il en doit être de même à bien plus forte raison à l'égard de la cour des comptes qui, comme je l'ai dit, jouit d'une sorte d'inamovibilité, au moins pour 6 ans.

M. le ministre des finances a cité un antécédent qui était un peu plus gênant pour l'honorable M. Delfosse. Il a rappelé que, dans la session de 1838, M. le ministre des finances lui-même avait demandé une augmentation de traitement pour les membres de la cour des couples; et, en vous donnant connaissance de la discussion qui s'est établie à la chambre, il vous a démontré que la chambre avait jugé que la proposition, dans la forme dont on l’avait revêtue, n’était pas recevable.

L'exemple était très frappant. Mais l'honorable M. Delfosse, pour se tirer d'embarras, répond tout simplement qu'on a donné plus d'importance à cette discussion qu'elle n'en a eu réellement, qu'on a grossi la discussion. Si on l'a grossie, il a eu soin, lui, par contre, de la singulièrement amoindrir. Je l'ai encore relue, cette discussion ; et je puis attester à la chambre que pas un seul membre ne s'est levé en 1858 pour combattre la non-recevabilité de la proposition du ministre. Cinq membres ont parlé. De ces cinq membres, quatre, y compris l'honorable M. Rodenbach, qui a même parlé le premier, ont déclaré de la manière la plus formelle, dans les termes les plus explicites, que, pour changer les appointements des membres de la cour des comptes, il fallait une loi spéciale. Le rapporteur de la section centrale a été plus loin. Il est venu dire à la chambre, que quand la section centrale avait examiné la proposition de l'honorable M. d'Huart, elle n'avait été préoccupée que d'une seule idée:; elle n'avait pour ainsi dire traité qu'une seule question : celle de savoir si l'on pouvait changer les appointements des membres de la cour des comptes par un article du budget, et que la section centrale avait été unanime pour décider que non; et, je le répète, dans la chambre, pas un seul membre n'a combattu cette doctrine. On a parlé de l'honorable M. de Jaegher. Eh bien, dans le discours de l'honorable M. de Jaegher, il ne se trouve pas un mot en contradiction avec ce qu'avaient dit les autres membres. Il a seulement déclaré que, selon lui, il serait juste d'augmenter les appointements des fonctionnaires dont il était' question. Mais il n'a nullement dit qu'on pouvait le faire par le budget.

Mais ce qu'il y a de remarquable, et ici j'appelle l'attention particulière de mes honorables contradicteurs, c'est le vote de la chambre. La chambre ne s'est pas bornée à rejeter le chiffre présenté par le gouvernement. Voici le vote tel qu'il est mentionné au Moniteur :

« La proposition de la section centrale, de faire un projet de loi séparé de la demande d'augmentation de traitements au profit des membres de la cour des comptes, est adoptée. »

Je le répète, car j'attache de l'importance à cette observation, la chambre ne s'est pas bornée à rejeter le chiffre; elle a décidé la question qui lui était soumise. Elle a dit, et elle a dit sans contradiction aucune, avec une sorte d'unanimité, qu'il fallait une loi spéciale.

Je conçois qu'un pareil antécédent gène beaucoup et qu'on s'en débarrasse en disant qu'on l'a grossi. Mais l'antécédent reste, et cet antécédent, messieurs, doit être pris en considération par la chambre.

Je sais très bien que l'honorable M. Delfosse; pris au dépourvu, s'est écrié :

« Nous convient-il, à nous qui représentons d'autres idées, qui sommes arrivés dans cette enceinte à la suite d'une large réforme électorale; nous convient-il, à nous, de puiser nos inspirations à une telle source?... » (Il semblerait vraiment que la source est impure.) « J'avoue que je suis quelque peu surpris de voir mon honorable ami M. le ministre des finances nous citer pour modèles les actes de la chambre de 1838. »

Messieurs, cette chambre, dont on représente les décisions comme ne devant jamais être invoquées, cette chambre, l'honorable M. Delfosse en faisait partie. (Interruption.)

Si l’honorable M. Delfosse n'en était pas membre lui-même, un grand nombre de ses amis politiques en faisaient partie, et je tiens à honneur d'avoir été de ce nombre; or, en 1838, nous étions tous du même avis à cet égard.

D'ailleurs, messieurs, la chambre, en 1838, a pu, en différentes occasions, porter des décisions que nous, membres de l'opposition, nous avions combattues ; est-ce à dire pour cela que tout ce qu'elle a fait soit mauvais? Mais ce qui était bon en 1838 doit être bon en 1848; ce qui était vrai en 1838 doit être vrai en 1848.

Les principes ne changent pas, les principes restent les mêmes, les principes doivent être respectés par toutes les chambres.

L'honorable M. Delfosse qui traite avec tant de dédain les antécédents qu'on lui oppose, qui semble faire fi de toutes les décisions des chambres antérieures, vient lui-même opposer des antécédents aux antécédents qu'on invoque contre lui.

Il a lui-même été chercher et rechercher, en reculant bien en arrière, les décisions prises par ces chambres qu'il a indirectement blâmées, j'allais presque dire flétries; seulement les antécédents invoqués par l'honorable M. Delfosse ont le malheur d'être d'une bien mince valeur. Les exemples qu'il a cités ne prouvent rien, ils sont tous pris dans le budget des voies et moyens. Or M. le ministre des finances a prouvé à toute évidence hier qui, quant à ce qui regarde le budget des voies et moyens, la manière de procéder était et devait être toute différente que pour les budgets des dépenses.

Mais l'honorable M. Delfosse, croyant être plus heureux, a voulu mettre le gouvernement en opposition avec lui-même. Eh bien, voyons ce qu'a fait le gouvernement depuis l'ouverture de la session.

Le gouvernement avait arrêté en principe la suppression du conseil des mines, la suppression du conseil des monnaies, la suppression de la haute cour militaire. Il avait encore arrêté en principe la réduction du nombre des membres de la députation permanente; a-t-il suivi, pour arriver à la réalisation de. ces projets, la voie tracée par l'honorable M. Delfosse? S'est-il contenté de venir proposer les amendements au budget? Non, le gouvernement a soumis à la chambre les lois spéciales réglant chacune des matières que je viens d'énumérer. Pour le budget de la justice, il est vrai que les projets de modification des lois existantes n'ont pas encore été présentés à la chambre, mais je puis déclarer, en ma qualité de président de la section centrale chargée de l'examen du budget de (page 121) la justice, que M. le ministre lui a fait connaître son intention de déposer ces projets dans un bref délai. (Interruption.)

Les notes preliminaires.au budget le portaient, et une lettre de M. le ministre est venue confirmer sa promesse. Il me semble que c'est là se montrer conséquent.

Messieurs, en terminant, l'honorable M. Delfosse a fait une sorte d'appel à notre amour-propre, à notre susceptibilité :

« Vous voyez, dit-il, que les bonnes raisons ne manquent pas à la cause que je défends et qu'elle trouve appui jusque dans les actes de nos contradicteurs. N'hésitez pas à vous joindre à nous : sachez maintenir la prérogative qu'on vous conteste; faites comme ce philosophe en présence duquel on niait le mouvement et qui, pour toute réponse, se contenta de marcher. On nie votre prérogative; usez-en. »

Ainsi on cherche à démontrer à la chambre qu'il s'agit de porter atteinte à ses prérogatives. Mais, messieurs, j'attache autant d'importance aux prérogatives de la chambre que qui que ce soit; je ne suis pas plus disposé à faire bon marché de ces prérogatives que l'honorable M. Delfosse; mais est-il bien vrai que nos prérogatives soient en jeu? Il n'en est rien. Ah ! si nous faisions une Constitution ; s'il était question d'arrêter un article de cette Constitution par lequel nous limiterions les attributions des chambres, je concevrais qu'on nous engageât à nous tenir en garde ; mais ici il s'agit tout bonnement d'une décision à prendre, applicable au seul cas qui nous occupe. Porter atteinte à nos prérogatives!

Mais a-t-on porté atteinte aux prérogatives de la chambre en 1838? Non, et la meilleure preuve qu'on n'y a pas porté atteinte, c'est que, malgré la décision prise alors sans contradiction par la chambre, vous discutez aujourd'hui la même question et que, malgré l'antécédent posé à cette époque et malgré d'autres antécédents, nous restons dans notre pleine liberté d'action. Nous sommes, en effet, parfaitement, complètement libres de prendre une décision contraire à celles qui ont été prises les années précédentes.

Je suppose que vous sanctionniez par un vote le système qu'a défendu le gouvernement et que je soutiens aujourd'hui, aurez-vous enchaîné vos prérogatives, aurez-vous abandonné vos droits? Mais non; l'année prochaine, si vous changiez d'avis vous seriez libres encore, libres comme aujourd'hui de porter une décision contraire à celle de 1838, bien que sanctionnée par un nouveau vote. Ne donnons donc pas à ce débat une importance qu'il n'a réellement pas.

Mais il y a une chose qui, dans mon opinion, n’est pas douteuse; c'est que si, par un simple paragraphe du budget, nous réformons, nous modifions une loi d'organisation, nous gênerons singulièrement (je ne veux pas me servir d'une autre expression), nous gênerons singulièrement la prérogative du sénat, qui marche notre égal, et la prérogative de la couronne ; nous les gênerons, car ils ne pourraient réformer notre décision qu'en refusant, l'un de voter, l'autre de sanctionner le budget.

Ainsi, messieurs, admettez la proposition de l'honorable M. Delfosse et, dans l'opinion d’un bon nombre des membres de cette chambre, vous portez atteinte à des prérogatives, à des droits tout aussi légitimes, tout aussi sacrés que les nôtres ; admettez noire doctrine et vous ne préjugez rien, et vous restez entièrement libres, et vous prendrez à l'avenir sur des questions parfaitement identiques une décision contraire, si mieux éclairés, mieux instruits, par l'expérience, vous vous décidiez à suivre une autre jurisprudence.

Proposition de loi qui réduit les traitements des membres de la cour des comptes

Proposition de disjoindre un amendement comme projet de loi spécial

M. de Brouckere. - Messieurs, je termine en déposant sur le bureau la proposition suivante :

« Je propose à la chambre de décider :

« 1° Que la proposition de l'honorable M. Delfosse, présentée par lui comme amendement à l'article 4 du budget des dotations, sera distraite de ce budget et considérée comme un projet de loi spécial ;

« 2° Que ce projet de loi, qui a été examiné par les sections et par une section centrale, restera à l'ordre du jour et sera soumis au vote de la chambre avant l'article 4 du budget des dotations, pour être, en cas d'adoption, transmis au sénat dans la forme ordinaire. »

Je dois motiver en deux mots ma proposition.

D'abord, je dirai à la chambre que, dans maintes occasions, des propositions présentées comme amendements à un projet en discussion et distraites de ces projets ont été dispensées des formalités établies par le règlement, autorisation de lire, prise en considération, etc., et que la chambre s'en est déclarée dûment et régulièrement saisie. Eh bien, je demande qu'on fasse, à l'occasion de la proposition de l'honorable M. Delfosse, ce qui a été fait dans beaucoup d'autres circonstances.

Quant à ce qui concerne l'influence du vote que nous émettrons sur la proposition de M. Delfosse séparée du budget, l'influence de ce vote sur l'article 4 du budget des dotations, voici, messieurs, quelle est mon opinion.

Si nous nous en tenions à toute la rigueur des principes, si nous voulions être sévères jusqu'à l'extrême, nous devrions décider qu'en cas même d'adoption de la proposition de l'honorable M. Delfosse, le chiffre présenté par le gouvernement au budget devrait provisoirement rester tel qu'il est, en attendant la décision du sénat et celle de la Couronne , sur le projet de loi séparé; mais, j'ai hâte de le déclarer à la chambre, je ne pousse pas la sévérité si loin; je crois que si la proposition de l'honorable M. Delfosse est admise, car je suis persuadé qu'elle le sera, rien n'empêcherait que la chambre, comme conséquence de sa décision, n'opérât une réduction proportionnelle sur le chiffre porté au budget.

Ai-je besoin de dire, messieurs, qu'il y a presque certitude que la proposition adoptée par la chambre le serait aussi par le sénat et ne serait pas repoussée par lu couronne? Il ne peut y avoir de doute à cet égard. Dès lors, je ne vois aucune difficulté à craindre, pour le cas qui nous occupe. Mais si dans un cas identique, les choses se passaient différemment, la question vous serait soumise de nouveau à l'occasion du crédit supplémentaire qui devrait nécessairement être demande par le gouvernement. Je crois qu'en admettant la proposition que je soumets à la chambre, toute espèce de difficulté sera prévenue, aucun précédent dangereux ne sera consacré, et nous aurons surtout cet avantage, de n'avoir gêné en rien des prérogatives et des droits que, pour ma part, j'entends respecter à l'égal des nôtres.

- La proposition de M. Henri de Brouckere est appuyée.

M. d’Elhoungne (pour une motion d’ordre). - Messieurs, je proposerai à la chambre de renvoyer aux sections, en suspendant le débat actuel, la proposition que vient de déposer M. Henri de Brouckere.

Si nous étions au milieu d'un débat ordinaire, je ne demanderais pas de suspendre de nouveau ce débat; mais le discours prononcé hier, par M. le ministre des finances, met en question non seulement une des prérogatives de la chambre, mais, selon moi, la prérogative la plus essentielle de toutes celles que notre pacte fondamental accorde à la chambre des représentants.

Maintenant, il n'est pas douteux que si la proposition de l'honorable M. Henri de Brouckere se fût produite avant le discours de M. le ministre des finances, on n'eût pu laisser le débat s'établir immédiatement sur ce terrain ; mais en présence du discours de M. le ministre des finances, je pense que ce n'est pas trop que l'assemblée tout entière examine de nouveau jusqu'à quel point on doit sauvegarder ses droits, ses prérogatives. Il importe d'empêcher que, dans l'avenir, le discours de M. le ministre des finances ne soit invoqué contre les prérogatives de la chambre comme un précédent que, pour ma part, je considère comme très dangereux.

M. Dolez. - Je supplie la chambre de repousser la proposition, que vient de lui soumettre l'honorable M. d'Elhoungne. Tous nous devons, ce me semble, désirer de mettre immédiatement un terme à ces regrettables débats. Tel est du moins mon sentiment, tel est, je pense aussi le vôtre. L'honorable M. de Brouckere, par une prudence dont je le remercie, nous offre le moyen d'atteindre ce but, sans froisser aucune conviction, sans poser aucun antécédent, que nous puissions peut-être avoir à regretter un jour, sans porter une de ces décisions toujours dangereuses sur les limites des prérogatives des grands pouvoirs de l'Etat. Et c'est en présence de ce moyen que l'honorable député de Gand vous demande de vous engager plus avant encore dans les dangers de pareilles discussions, qui ne répondent ni aux vœux du pays, ni aux besoins de notre situation.

Vainement vous dit-il que la marche proposée par l'honorable M. de Brouckere tranche le débat en faveur de l'une des opinions qui s'y sont produites. Ces opinions restent personnelles à ceux qui les ont émises. La chambre n'approuve ni ne proscrit aucune d'elles, si elle ne les rend point l'objet d'une décision. Cette décision, c'est justement ce qu'évite la proposition de M. de Brouckere.

Rappelons-nous d'ailleurs quel est le but que poursuit l’amendement de M. Delfosse, qui a donné naissance à ce débat. C'est une économie annuelle de huit mille francs à opérer sur les traitements de huit fonctionnaires de l'Etat. Eh bien, déjà la chambre lui a consacré trois séances publiques et deux jours de ses travaux en sections; et l'on trouve que ce n'est point assez, on vous demande de recommencer encore toutes les phases de notre mécanisme parlementaire, si bien que quand l'économie proposée sera votée, ses résultats de plusieurs années seront absorbés par le temps que vous y aurez consacré. (Interruption.)

J'entends parler à mes côtés de la dignité de la chambre, du respect des principes. . . . Je prie l'honorable M. Delehaye de croire que tout autant que lui j'attache de l'importance à la dignité de la chambre, à ses prérogatives; mais c'est justement parce que la proposition de M. de Brouckere laisse cette dignité intacte, et respecte tous les principes que j'engage la chambre à l'accueillit, comme la solution la plus désirable que puisse recevoir ce trop long débat. Si je pouvais croire que la dignité de la chambre pût en recevoir la moindre atteinte, je défendrais cette dignité avec non moins d'énergie que l'honorable M. Delehaye, je le ferais même autrement que par des interruptions.

Je le répète donc, la chambre est maintenant saisie d'un moyen qui, conciliant toutes les susceptibilités, respectant tous les principes, met un terme à un débat que tous nous avons regretté, et qui devient désormais sans intérêt; sa prudence ne peut manquer de l'accueillir, sans faire appel à un nouvel examen, qui peut-être soulèverait de nouvelles discussions.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à mon honorable ami M. le ministre des travaux publics. Si ce débat a pris des proportions démesurées, proportions qu'assurément le débat ne comportait pas dans l'origine, la faute n'en est pas à la chambre, mais la faute en est à M. le ministre des finances qui, parlant au nom du gouvernement... (Interruption.) Oui, le gouvernement, par l'organe de M. le ministre des finances, a contesté dans les termes les plus vifs, à la dernière séance, une prérogative essentielle de la chambre, prérogative qui est pour la chambre et pour le pays la sanction de la Constitution tout entière.

Eh bien, lorsque le gouvernement conteste une pareille prérogative, (page 122) je pense que la chambre ne peut pas apporter trop de maturité à ses délibérations, trop de circonspection dons ses décisions. La question d'économie s'est effacée devant la question de principe depuis longtemps. Il ne s'agit plus de savoir si la cour des comptes recevra quelques milliers de francs de plus ou de moins, mais la question est de savoir où commence et où finit la prérogative de la chambre des représentants, où commence et où finit la prérogative royale, où commence et où finit enfin la prérogative du sénat.

Ce ne sont pas là des questions qu'il est inutile de résoudre quand elles sont soulevées.

Quand le gouvernement élève des prétentions dangereuses, il faut que la chambre y veille avec sollicitude, car ces prétentions, une fois produites, peuvent se traduire plus tard en actes. C'est un de ces précédents contre lesquels la chambre ne peut se prémunir avec trop de soins.

Messieurs, on nous a contesté le vote des dépenses publiques, le contrôle de ces dépenses ; on a déclaré que quand la chambre use de sa prérogative constitutionnelle en refusant le budget, elle provoque aux révolutions, elle pousse à l'anarchie; comme si cet état de révolution et d'anarchie dont on nous a parlé ne s'était pas produit sous nos yeux dans un pays voisin, non par la résistance légale des chambres et du pays, mats par les empiétements d'un gouvernement trop confiant dans les forces militaires dont il dispose.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je n'ai certes pas l'intention d'aigrir cette discussion ; mais il m'est impossible de laisser passer, sans les relever, les paroles que vient de prononcer l'honorable M. d'Elhoungne et qui renferment les plus étranges inexactitudes. Il m'importe d'avoir soulevé ce débat ; il m'impute de lui avoir donné les proportions colossales devant lesquelles lui, M. d'Elhoungne, ne peut plus aujourd'hui reculer ! Or, que s'est-il passé ? Je n'ai pas à dire à la chambre ce que j'ai fait en qualité d'homme et d'ami pour éviter la lutte qui s'est engagée; mais, du moins, chacun sait que je ne l'ai point provoquée ; je l'ai subie, je ne l'ai point recherchée. Toutefois, le débat étant inévitable, la lutte déclarée, j'avais un devoir à remplir et je ne me sentais nul désir de m'y soustraire.

Quand la prérogative du sénat, quand la prérogative du Roi ont été mises en question, je les ai défendues ; je n'ai pas contesté celle de la chambre; j'ai dit comment elle devait s'exercer ; j'ai combattu enfin la doctrine contenue dans le discours de l'honorable M. Delfosse, qui proclame ouvertement que la chambre doit se réserver un moyen de faire violence à la prérogative du sénat et à celle de la Couronne.

Etait-ce mon devoir? Ce devoir, m'en suis-je acquitté comme je le devais? Quelques paroles trop vives me sont-elles échappées dans la chaleur de la discussion? Ma parole a-t-elle été au-elà de ma pensée ? S'il en est ainsi, ces paroles je vous les abandonne! Mais mon rôle ne sera pas travesti; je ne suis pas agresseur; je me suis défendu, c'est mon devoir; je l'ai rempli consciencieusement, je persisterai à le remplir jusqu'au bout.

Et pourtant, quoique ayant été obligés à nous défendre, croyez-vous que nous repoussions tout moyeu de conciliation ? Si l'occasion, si un moyen honorable se présente de faire cesser ce débat, pensez-vous que nous refuserons d'y accéder, pour la vaine satisfaction de faire décider par la chambre une question de principe? Aucun de vous, messieurs, n'a pu le penser. Aussi, et cette déclaration prouvera toute l'injustice des reproches que je viens de repousser, je déclare que nous sommes disposés à admettre la proposition de l'honorable M. de Brouckere qui, sans compromettre aucun principe, sauvegarde les intérêts de la chambre, du sénat et de la couronne.

M. Delfosse. -Il est certain que la prérogative de la chambre a été contestée, que son droit a été nié. Et c'est ce qui m'empêche d'adhérer à la proposition de M. de Brouckere. Quand de telles questions sont soulevées, il faut qu'elles soient résolues.

L'honorable ministre des finances a parlé de je ne sais quels efforts qu'il aurait tentés, comme ami, pour que la question ne fût pas soulevée. Je ne sais à quelles circonstances il a voulu faire allusion, la chambre se rappellera que la question de prérogative a été soulevée par l'honorable M. Lebeau, dans la séance où j'ai présenté mon amendement.

C'est M. le ministre des finances qui a pris le premier la parole sur ma proposition ; il n'avait pas alors vu dans cette proposition tous les dangers qu'il y a trouvés depuis. Il est probable que si l'honorable M. Lebeau n'était pas venu opposer une fin de non-recevoir, M. le ministre aurait laissé voter sur le fond même de la proposition; car M. le ministre ne l'avait attaquée qu'au fond.

La proposition de l'honorable M. de Brouckere ne peut être accueillie; la question, restée indécise, pourrait se reproduire, et alors nous aurons de nouveau ces discussions irritantes, que je suis le premier à déplorer.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - La décision qu'on prendrait ne lierait pas la chambre.

M. Delfosse. - Il n'est pas bon pour le gouvernement, pour le pays que de pareilles questions reviennent souvent; il faut qu'elles soient décidées une fois pour toutes.

Si la chambre ne se croit pas suffisamment éclairée, qu'elle adopte la proposition de M. d'Elhoungne. Mais je crois qu'on pourrait aller aux voix, séance tenante, après avoir entendu les orateurs qui se proposent de prendre part à la discussion. Si la discussion continue, je demanderai la permission de répondre à l'honorable M. de Brouckere, qui est tombé dans plus d'une erreur.

M. Lebeau. - Ce n'est pas sur la motion d'ordre, dont le sort m'est assez indifférent, que je prends la parole; c'est presque pour un fait personnel. A entendre l'honorable préopinant, j'aurais été en quelque sorte le promoteur de la discussion qui s'est élevée et qui menace de se prolonger. En vérité, il m'est impossible d'accepter ce reproche; je croirais faire à la loyauté et à l'intelligence de l'honorable M. Delfosse une véritable injure si je supposais qu'il n'avait pas conscience de ce qu'il y avait de grave dans la question que sa proposition soulevait ; il suffit de voir avec quelle insistance, avec quelle chaleur il a soutenu ce qu'il regarde comme une question de prérogative, bien plus qu'une question d'économie, qui a disparu pour lui comme pour tout le monde ; il est donc impossible de supposer qu'il ait méconnu la gravité de cette question.

Or, c'est lui qui l'a posée; et comme elle m'a paru, sous couleur de prérogative, renfermer, en quelque sorte, une usurpation sur des pouvoirs égaux aux nôtres, j'ai cru devoir m'opposer à ce que la question fût tranchée sans examen.

J'ai cru qu'il était de mon devoir, non pas de combattre la proposition de l'honorable M. Delfosse, mais de demander tout au moins que la chambre l'examinât.

Voilà à quoi mon rôle s'est borné.

Si la discussion s'est établie sur une question de prérogative, la responsabilité en appartient tout entière l’l'honorable M. Delfosse lui-même, qui l'a soulevée et qui, en la soulevant, n'a pu en méconnaître la gravité.

M. Dumortier. - La question qui s'agite en ce moment a pris, comme on vous l'a dit, des propositions inusitées. De quoi s'agissait-il, dans le principe? De la réduction d'un chiffre, de la réduction des traitements des membres de la cour des comptes. Pour ce qui me concerne, auteur du projet de loi relatif aux traitements des membres de la cour des comptes, peut-être aurais-je voté contre l’amendement de l'honorable M. Delfosse; mais la question se trouve aujourd'hui placée sur un terrain tel qu'il ne m'est plus possible de garder le silence.

Eh quoi ! l'ai-je entendu? La chambre ne pourrait plus faire, dans les budgets, exercice de son droit, réduire un chiffre, apporter une modification aux dépenses, sans que ce soit un acte d'usurpation; car vous venez de l'entendre.

M. Lebeau. - C'est mon opinion !

M. Dumortier. - Eh bien ! c'est cette opinion que je combats !

Quoi ! la chambre ne pourra plus remplir le premier des devoirs que la Constitution lui impose, sans faire un acte d'usurpation ! Elle ne pourra plus discuter les budgets de l'Etat sans se rendre coupable d'usurpation ! Et voyez la progression de ces funestes doctrines sur notre prérogative, voyez les reproches que l'on adresse à cette chambre à peine sortie du scrutin populaire! Hier, c'était de l'anarchie! Aujourd'hui, c'est de l'usurpation! Que sera-ce donc demain? Nous ne pouvons, messieurs, garder le silence sur de pareilles doctrines, sur des doctrines aussi subversives de notre ordre constitutionnel. Dans tous les pays constitutionnels, la chose la plus importante, la plus grave, c'est le maintien des prérogatives du parlement. Privé de ses prérogatives, le parlement est impuissant dans son action, il cesse d'être la véritable représentation du peuple.

Ce n'est qu'en maintenant ses prérogatives qu'il peut remplir efficacement ses devoirs envers le pays, satisfaire aux justes exigences de la situation.

Messieurs, allez voir en Angleterre de quel respect sont entourées les prérogatives du parlement. Ces prérogatives sont-elles attaquées? Vous voyez à l'instant les whigs et les torys se réunir pour les défendre; il n'y a plus de division d'opinion, plus de partis; le parlement n'a qu'une pensée : c'est de laisser à ses successeurs ses prérogatives comme il les a reçues de ses devanciers.

Et c'est en présence de tels exemples qu'on ose dire que l'exercice de notre prérogative est un acte d'usurpation! Notre prérogative une usurpation ! Ah! voyez autour de nous ce qui se passe, voyez la prérogative souveraine partout contestée, souvent anéantie! Voyez dans ce grand cataclysme le respect que porte la Belgique à toutes les prérogatives du pouvoir! Respect qui fait l'admiration de l'Europe entière, et dites-moi s'il sied aux amis du pouvoir de venir représenter la prérogative de la chambre comme une odieuse usurpation ?

Je déplore amèrement, messieurs, toute cette discussion, qui ne peut être que funeste; je regrette vivement le caractère irritant qu'elle a pris; il devait en être ainsi en la jugeant de son point de départ, car l'honorable M. Lebeau a depuis longtemps l'avantage de compromettre les questions qu'il défend.

M. le président. - Je prie l'honorable membre de s'interdire de telles personnalités.

M. Dumortier. - Je ne crois pas qu'il y ait dans mes paroles rien de personnel. Je vous assure, M. le président, que mon intention n'a pas été d'y mettre rien de plus offensant que les paroles que l'honorable .M. Lebeau m'a adressées dans la séance d'avant-hier. Au reste, si la chambre croit qu'il y a dans mea paroles quelque chose de personnel, je m'empresserai de les retirer. Mais dans mes intentions, il n'y avait rien de personnel. Ce n'était que l'expression d'une pensée.

M. le président. - Je prie l'orateur de ne pas s'écarter de l'objet en discussion, qui est simplement le renvoi aux sections proposé part M. d'Elhoungne.

M. Dumortier. - Eh bien, je ne suis partisan ni de cette proposition, ni même de celle de M.de Brouckere. Car qu'est-ce que cette (page 123) dernière proposition, celle de M. Henri de Brouckere? Au total, c'est la décision contre nous et par nous du système défendu hier par M. le ministre des finances. Disjoignez l'article du budget, et vous aurez déclaré par vous-mêmes que vous n'avez pas le droit d'introduire dans le budget une économie, lorsqu'une dépense quelconque a été réglée par une loi.

Messieurs, comprenez bien la portée de cette proposition ; ce n'est pas, comme on vous l'a dit, un moyen terme de nature à mettre toutes les parties d'accord, ce n'est pas une proposition de conciliation; c'est la proclamation de votre usurpation, c'est la déclaration de votre impuissance, qu'on vous demande de voter vous-mêmes, et que l'on vous présente sous le titre trompeur de conciliation. Voilà la portée de la proposition, je prie la chambre de bien s'en pénétrer.

C'est pour cela que je ne pense pas qu'elle doive être, comme le demande l'honorable M. d'Elhoungne, renvoyée à l'examen des sections. J'attache du reste peu d'importance à ce renvoi; car la chambre a déjà examiné la question; un rapport a été fait; dès lors il est évident qu'un nouveau renvoi aux sections amènerait le même résultat; mieux vaut donc la discuter de suite.

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin). - Je me renfermerai dans les limites de la discussion sur la motion d'ordre dont il s'agit en ce moment.

Je suis heureux, pour la première fois que j'ai l'honneur de parler devant vous, messieurs, d'apporter parmi vous des paroles de tolérance, de conciliation ; nous en avons grand besoin, veuillez le croire. Ne nous faisons pas illusion sur le calme, sur la paix profonde dont notre heureux pays jouit en ce moment.

Il n'est pas que vous ne sachiez que les passions grondent autour de nous, et que, d'un moment à l'autre, si nous n'y prenons garde, le pays pourrait être lancé dans une tourmente que nous déplorerions amèrement, mais trop tard.

Une question d'économie a donné naissance à une question bien autrement grave, dont nous ne pouvons plus nous dissimuler les périls.

Pour ma part, j'admets, avec une extrême facilité, la possibilité de convictions contraires puisées toutes dans une bonne conscience, dans une bonne foi à l'abri de tout soupçon.

Mais je demande qu'on l'admette chez nous, comme nous l'admettons chez les autres. Si la prérogative parlementaire nous avait paru en jeu, n'en doutez pas, messieurs, nous qui nous faisons honneur d'être une partie intégrante de la chambre, d'être peuple avant tout, nous n'aurions pas hésité à la défendre avec la plus grande énergie, bien loin de la compromettre par notre résistance à la proposition de l'honorable M. Delfosse.

Si nous nous trouvons placés sur un terrain sur lequel, je le dis avec franchise, il est impossible que nous reculions, je prends la chambre à témoin que ce n'est pas nous qui l'avons choisi.

Condamnés à l'accepter, nous n'avons pris conseil que de nos convictions; convictions mal éclairées peut-être, mais convictions consciencieuses, et par cela même dignes de vos respects.

Messieurs, après avoir demandé que vous ayez foi dans notre loyauté, nous aussi nous sommes prêts à rendre un hommage complet, sans restriction aucune, à la loyauté de l'auteur de la proposition ; à la loyauté des membres qui l'ont défendu, après lui, à celle de l'honorable M. d'Elhoungne qui, par sa parole toujours éloquente, vient de remuer si vivement nos cœurs.

Messieurs, cet hommage, ce n'est pas d'aujourd'hui que nous le rendons à nos adversaires; ce n'est pas de moi seulement qu'il émane; il était dès hier dans la bouche de mon honorable collègue M. le ministre des finances. Car, tout en signalant avec énergie les dangers de la proposition qui vous était soumise, j'en atteste vos souvenirs, j'en atteste les paroles qui se trouvent dans le Moniteur, il a déclaré hautement que la volonté, que les intentions de ses auteurs, ne lui étaient pas suspectes.

Ainsi donc, messieurs, tâchons, au nom du ciel et une bonne fois pour toutes, d'être tolérants les uns envers les autres. Tâchons de mettre dans notre langage toute cette modération dont nous avons besoin pour maintenir, pour sauvegarder la chose publique.

C'est à ce point de vue, et je le répète, je suis fier de m'y placer, pour la première fois que je porte la parole devant vous, c'est à ce point de vue que j'ai accueilli avec bonheur la proposition de l'honorable M. de Brouckere.

Disons d'abord un mot de ce que rappelait tout à l'heure avec son énergie propre l'honorable M. Dumortier. Disons un mot de l'exemple qu'il nous citait de la vieille Angleterre, et de l'ardeur avec laquelle whigs et torys y défendent les libertés publiques et les prérogatives du parlement chaque fois que quelque danger les menace. Cette ardeur, cette unanimité pour la défense, elle ne nous ferait pas plus défaut au besoin qu'à nos voisins.

Mais la question est celle de savoir de quel côté est le danger, et si c'est le système du gouvernement qui menace la prérogative de la chambre, ou le système contraire qui menace les prérogatives du sénat et de la couronne.

Or, cette question, messieurs, quel mal y aurait-il à la laisser indécise? L'honorable député de Tournay dit que l'adoption de la proposition de M. de Brouckere serait la condamnation de la chambre. Qu'il me permette de lui dire qu'il m'est impossible de partager à cet égard son opinion.

En effet, que demande-t-on? On demande de faire ce qui a été fait plusieurs fois antérieurement, ni plus ni moins ; en développant cette proposition, son auteur nous a dit avec raison que si les droits de la chambre n'ont point été compromis par les antécédents qui vous ont été signalés dans la séance d'hier, ils ne sauraient l'être davantage par l'antécédent que nous poserions aujourd'hui.

C'est un premier motif, messieurs. Mais il y en a un second qui me paraît beaucoup plus digne d'être considéré : c'est que la proposition de l'honorable M. de Brouckere ne prendra pas place isolément dans nos annales. Après la discussion solennelle qui l'a précédée, après celle qui l'a suivie, il sera entendu pour ceux qui nous succéderont, il sera entendu pour nous-mêmes, que ce ne sera que par une sorte de compromis, par une transaction conclue en vue d'un intérêt de l'ordre le plus élevé, que cette proposition aura reçu votre assentiment; et si, un jour, un ministre venait à se prévaloir de son adoption, on lui opposera victorieusement les motifs qui vous auront déterminés à ne pas prolonger cette discussion, à ne pas la trancher d'une manière compromettante soit pour le trône, soit pour la représentation nationale.

Messieurs, qu'il me soit permis d'adresser quelques paroles à mon honorable confrère et j'ajouterai à mon honorable ami M. d'Elhoungne.

Il a cité l'exemple d'un pays voisin, où la compression militaire tient toutes les libertés captives. Mais combien cet exemple est loin de nous! Quelle analogie a-t-il pu trouver entre ce pays et le nôtre? Où est ici la compression militaire? Est-ce donc que le pouvoir s'est signalé en Belgique par des usurpations et si grandes et si nombreuses, qu'il n'y ait plus qu'à recourir aux moyens auxquels on a recouru dans le pays auquel il a fait allusion et qui l'ont mis au bord de l'abîme?

Non, non, soyez-en bien assurés, messieurs, cette croyance est aussi loin de sa pensée que de la mienne; et si j'ai éprouvé le besoin de le dire, c'est pour qu'en dehors de cette enceinte, on ne donne point à ses paroles une interprétation qu'il regretterait autant que nous.

M. de Luesemans, rapporteur. - Messieurs, la motion d'ordre de l'honorable M. d'Elhoungne a pour but, si je ne me trompe, le renvoi aux sections de la proposition de l'honorable M. de Brouckere, à l'effet de faire suivre à cette proposition la filière qu'a déjà suivie la proposition principale de l'honorable M. Delfosse, pour aboutir probablement à la même section centrale; à moins qu'il ne s'agisse de nommer une nouvelle section centrale; car il s'agit ici de l'examen d'une proposition à peu près nouvelle.

Je crois que si c'est là l'objet de la proposition de l'honorablet M. d'Elhoungne, il est impossible qu'elle soit accueillie. Je crois qu'il est impossible que l'on soumette à une nouvelle section centrale la proposition de l'honorable M. de Brouckere, alors que la proposition de l'honorable M. Delfosse resterait en état.

Je crois, messieurs, qu'il pourrait y avoir de l'utilité à renvoyer la proposition de l'honorable M. de Brouckere à la section centrale qui a eu à examiner la proposition principale de l'honorable M. Delfosse, afin que si dans la proposition de l'honorable M. de Brouckere, il y avait, dans les termes ou dans l'esprit, contrairement sans doute à la volonté de son auteur, quelque chose qui ne donnât pas à chacun tous ses apaisements, quelque chose qui ne parût pas sauvegarder toutes les prérogatives de la chambre, la section centrale, qui est déjà pénétrée de l'esprit de la première proposition, pourrait apporter à la proposition de l'honorable M. de Brouckere, st tant est qu'elle doive être mouillée, les changements qui seraient de nature à lever toute espèce de scrupule.

Je me rallierai à cette proposition, si l'honorable M. d'Elhoungne l'entend ainsi. Je m'y rallierai maintenant parce que je viens d'entendre à l'instant même des paroles de conciliation sortir de la bouche de l'honorable M. Rolin, tandis que j'avais été, en ma qualité de rapporteur de la section centrale, péniblement impressionné des paroles si différentes prononcées hier par M. le ministre des finances.

M. le ministre a déclaré aujourd'hui que si ces mots avaient pu paraître blessants, il les abandonnait à la chambre. Eh bien, quant à moi, je considère ses paroles d'aujourd'hui comme suffisamment explicatives et justificatives de celles qu'il a prononcées hier, et à mon tour je les abandonne à la chambre, dont j'étais en quelque sorte le représentant, en ma qualité de rapporteur de la section centrale.

Je demande que la proposition de l'honorable M. de Brouckere soit renvoyée à la section centrale pour être l'objet d'un prompt rapport.

M. de Perceval. - Messieurs, j'appuierai la proposition faite par l'honorable M. de Luesemans en tant que la section centrale puisse se réunir à l'instant même. Depuis trois jours nous nous occupons d'un débat qui prend de bien grands et peut-être de bien dangereuses proportions, et nous devons tous désirer qu'il intervienne enfin une prompte solution. Je désire que cette solution puisse être proposée et discutée aujourd'hui même. Tous les membres de la section centrale qui ont examiné l'amendement de l'honorable M. Delfosse sont probablement réunis dans la chambre et ils pourront immédiatement se constituer pour examiner le projet de loi de l'honorable M. de Brouckere.

M. d'Elhoungne. - La chambre comprendra qu'il m'est indifférent qu'elle adopte la proposition de l'honorable M. de Luesemans ou la proposition que j'avais faite d'abord.

Il est inutile de revenir sur la gravité du débat. Mais la proposition de l'honorable M. de Brouckere a été présentée par mon honorable ami M. le ministre des travaux publics comme une proposition de conciliation (page 124) ; il faut bien le reconnaître, cette proposition, ainsi isolée, est en quelque sorte l'abandon de la prérogative parlementaire. Beaucoup de membres pourraient croire qu'elle est un moyen terme conciliant; eh bien, je dois la vérité de déclarer qu'elle ne présente rien de pareil ; l'adoption de la proposition de l'honorable M. de Brouckere, c'est la négation du droit de la chambre, la négation de la prérogative parlementaire; c'est pour ce motif que je pense que la discussion de la proposition de l'honorable député de Bruxelles doit subir l'épreuve d'un examen préalable ; que la Chambre juge que cette proposition a un caractère prononcé de gravité ou d'importance, la chambre fera très-sagement de procéder dans cette circonstance avec lenteur.

Quand l'occasion s'en présentera, lors de la discussion du fond de la proposition de M. de Brouckere, je répondrai à l'honorable ministre des travaux publics, que je remercie de ses paroles bienveillantes pour moi, paroles que je pourrais beaucoup plus justement lui appliquer à lui-même ; mais je dois le répéter il faut réserver la prérogative de la chambre, et dès lors la proposition de M. de Brouckere ne peut pas être adoptée sans une instruction complète. Je conjure la chambre d'apporter à cet examen toute l'attention que la question comporte. Le temps qu'il faudra d'ailleurs pour que le rapport soit présenté permettra à la discussion de se refroidir, de se calmer un peu, ce qui ne sera que salutaire.

Je me rallie à la proposition de l'honorable de M. Luesemans.

M. Delfosse. - Si la chambre ne se croit pas assez éclairée, elle peut prononcer le renvoi aux sections. Je dois cependant faire remarquer que la proposition de l'honorable M. de Brouckere n'est au fond que la fin de non-recevoir de l'honorable M. Lebeau. Que demandait M. Lebeau? La disjonction. C'est ce que M. de Brouckere demande aussi.

Les sections recommenceraient donc un travail qu'elles ont déjà fait. C'est là une marche inusitée. La proposition de M. de Brouckere n'ayant rien de neuf, n'étant, à quelques modifications près, que la reproduction de la proposition de M. Lebeau , ne me paraît pas devoir être l'objet d'un nouvel examen.

M. de Perceval. - Je n'insiste pas pour l'adoption de ma proposition ; je l'avais faite uniquement dans l'intérêt des travaux de la chambre. Je le déclare du reste, messieurs, je compte rejeter la proposition de M. de Brouckere, parce que je veux défendre dans le parlement une de nos prérogatives les plus précieuses et, en ma qualité de représentant, quoique siégeant à peine depuis deux mois, j'ai la volonté expresse et bien arrêtée de prouver à mes collègues et au pays que je ne consentirai jamais à ce qu'on porte une main sacrilège sur nos prérogatives.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, il y a dix-huit ans que j'ai l'honneur de faire partie de la chambre des représentants, après avoir fait partie du congrès. J'ai figuré sur les bancs de la chambre successivement comme ministre, comme député ministériel et comme membre de l'opposition. La qualité à laquelle j'ai toujours attaché et j'attacherai toujours le plus haut prix, c'est ma qualité de représentant de la nation. En cette qualité, je pense être tout aussi sensible que qui que ce soit dans cette enceinte aux atteintes qui pourraient être portées aux prérogatives parlementaires que j'ai toujours su défendre.

Ainsi donc, il ne s'agit pour personne ici de porter une main sacrilège sur les prérogatives du parlement. Qui, dans le pays, pourrait, messieurs, avoir le soupçon que dans le gouvernement, tel qu'il est constitué, un seul homme songe à amoindrir en quoi que ce soit les prérogatives du parlement ou les libertés populaires? (Interruption.)

Ceci n'est pas, dit-on, la motion d'ordre, mais on a laissé aller la discussion en dehors de la motion d'ordre, et permettez-moi, M. Delfosse, d'appuyer les paroles de conciliation qui sont parties du banc ministériel. Est-ce une lutte à outrance que vous voulez ? êtes-vous prêt à accepter les conséquences d'une semblable lutte?

Nous tâchons de renfermer les débats dans les voies de la modération et de la conciliation ; s'il y a des esprits absolus qui veulent, bon gré malgré, nous entraîner dans des discussions plus graves devant aboutir nécessairement à des résultats sérieux, notre honneur nous fera un devoir de suivre ces honorables membres sur ce terrain; mais aussi longtemps que nous le pourrons, nous ferons nos efforts pour que le débat ne revête pas ce caractère de gravité, et n'amène pas des conséquences non moins sérieuses.

Quand on prend, dans une pareille discussion, l'attitude qu'a prise l'honorable M. Delfosse, on est en droit de lui demander si, alors que le système qu'il met en avant et qu'il veut soutenir à outrance, venait à triompher, il serait prêt aussi à venir remplacer sur ce banc ceux qui auraient cru de leur devoir de le combattre.

M. Manilius. - Vous ne pouvez disposer de ces places, c'est là la prérogative de la couronne.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je dis que si, par suite de ce débat, le cabinet était appelé à conseiller à la couronne de s'entourer de nouveaux ministres...

M. Manilius. - A la bonne heure !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je ne rectifie rien.

Je répète que si, par suite de ce débat, le cabinet actuel était appelé à désigner à la couronne les hommes politiques qui devraient le remplacer, le nom de l'honorable M. Delfosse viendrait le premier. Je ne pense pas qu'il y ail là quelque chose d'offensant pour personne.

Si c'est là que l'honorable M. Delfosse veut aboutir, je n'ai pas à l'en blâmer, je n'ai rien à reprendre dans sa conduite; mais si, après avoir contribué à amener ce résultat par la position qu'il aurait faite au cabinet, il ne se sentait pas la volonté d'en accepter les conséquences, je dis que lui-même devrait comprendre le tort de la conduite qu'il tient en ce moment.

Nous cherchons, je le répète, à maintenir cette question dans les bornes de la modération et de la conciliation, en sauvegardant tous les principes.

Est-ce le moment pour la chambre de discuter, pendant une semaine peut-être, sur des principes ardus, sur les limites très difficiles à définir des prérogatives parlementaires ou royales? Ne devons-nous pas éloigner avec le plus grand soin de pareilles discussions? Y a-t-il tendance, de la part du gouvernement, à vouloir empiéter sur le pouvoir des chambres? Non. J'ajouterai : y a-t-il tendance des chambres à vouloir empiéter sur la prérogative du gouvernement ? Pas davantage. Eh bien, admettez donc également de votre côté que rien n'est plus éloigné de la pensée du gouvernement que de chercher à porter atteinte à vos prérogatives.

Quelle est, après tout, l'origine de ce débat ? Un accident.

Je crois que l'honorable M. Delfosse, en déposant sa proposition, n'avait pas l'intention de lui donner la portée qu'elle a eue depuis ; je crois que l'honorable membre, fidèle à ses antécédents, a voulu simplement introduire dans le budget une économie de 8,000 francs, et n'a pas songé à introduire dans la chambre, dans le pays, une crise politique, par un grand débat sur les prérogatives respectives des chambres et de la couronne ; j'ai trop de confiance dans la sagesse et le patriotisme de l'honorable M. Delfosse, pour ne pas être convaincu qu'il n'eût pas fait une pareille proposition, s'il avait pu penser qu'elle dût aboutir à de telles conséquences.

Maintenant de quoi s'agit-il ? L'honorable M. Henri de Brouckere demande qu'on insère dans une loi séparée ce que l'honorable M. Delfosse propose d'insérer dans une colonne ou à la première page du budget; voilà tout le débat.

Nous demandons que, conformément aux antécédents de la chambre, vous inscriviez dans-une loi spéciale l'économie qui est le but primitif de la proposition de l'honorable M. Delfosse.

N'est-ce pas de la conciliation ? N'est-ce pas de la prudence ? Mettez-vous un instant à notre place. Etait-il permis aux représentants de la prérogative royale dans cette enceinte, de laisser passer sans observations, sans protestations en quelque sorte, certaines doctrines qui nous ont paru porter atteinte à cette prérogative ? N'est-ce pas notre premier devoir de défendre cette prérogative, comme ce serait notre premier devoir de défendre la prérogative parlementaire, si elle était jamais attaquée.

La proposition de l'honorable M. Henri de Brouckere porte-t-elle atteinte à cette prérogative ? Bien au contraire; cette proposition ne fait que la consacrer ; elle ne fait que consacrer le droit, attribué à chaque membre de cette chambre, d'apporter, par le seul fait de son initiative, des modifications aux lois existantes. Reste la forme. Mais cette question de forme a évidemment un côté tout à fait secondaire. La loi nouvelle qui va sortir de votre sein formera-t-elle une loi isolée? ou bien sera-t-elle insérée au budget? Voilà toute la question.

Nous vous demandons de faire de la proposition de l'honorable M. Delfosse une loi isolée, d'ajourner à d'autres temps l'examen des questions qui peuvent se rattacher à cette proposition; nous vous demandons comme moyen de conciliation, d'adopter purement et simplement la proposition de l'honorable M. de Brouckere, qui consiste à faire une loi spéciale de la proposition de l'honorable M. Delfosse, toute réserve étant faite d'ailleurs, de part et d'autre, en ce qui concerne les questions de principe et de prérogative.

Messieurs, en quoi la prérogative parlementaire sera-t-elle sauvée si la proposition de M. Delfosse était insérée dans le budget au lieu de l'être dans une loi spéciale? Pour aujourd'hui, ah! Vous auriez obtenu une victoire puisque la lutte est engagée contre la prérogative du gouvernement; mais demain, après-demain, la chambre peut revenir sur cette décision; une chambre prochaine peut trouver que le parlement a abusé de son droit, qu'il a mal usé de sa prérogative. Ce que vous faites aujourd'hui, ne décide donc rien comme principe immuable; ce que vous pouvez décider aujourd'hui ne sauvera pas plus la prérogative parlementais, qui n'est menacée par personne, que ne la compromettra la proposition de M. de Brouckere.

Messieurs, si nous n'avions rien de mieux à faire, si l'état de vos travaux le permettait, si la situation du pays le comportait, je concevrais que nous puissions instituer, prolonger de pareils débats, pendant un certain nombre de séances ; mais ces conditions, je vous le demande, existent-elles? N'avons-nous pas des travaux très importants qui sont suspendus.'' N'avons-nous pas des questions bien autrement importantes et plus actuelles qui restent à décider. ? La situation intérieure du pays comporte-t-elle de pareils débats ? Comporte-t-elle les crises auxquelles ces débats peuvent donner lieu contre l'intention de leur auteur? Nous ne le croyons pas.

(page 125) Nous pensons que le plus grand besoin du pays pour le moment et ce qu'il appelle de tous ses vœux, c'est l'union intime entre les pouvoirs et lies citoyens? voilà ce qu'il faut tâcher d'entretenir; voilà ce que tous les bons citoyens doivent avoir surtout à cœur d'atteindre ! Prolonger aujourd'hui les débats, vouloir, malgré les paroles conciliantes du gouvernement, que la chambre aborde des questions irritantes qui peuvent avoir de fâcheux résultats, vous me permettrez de le dire, c'est mal comprendre la situation et les nécessités qu'elle impose à tous.

On a quelquefois bien voulu nous dire, le ministère a trop de susceptibilité, il met trop facilement, comme on dit vulgairement, le marché à la main à la chambre; il faut que le ministère montre plus de patience; il se trouve en présence d'une chambre nouvelle, produit d'élections nouvelles, composée d'éléments nouveaux, il faut qu'il se montre conciliant avec elle.

Voilà les conseils qu'on nous donne ; nous sommes disposés à les suivre. Nous comprenons l'ardeur nouvelle dont peut être animée une chambre nouvelle; nous saurons supporter les difficultés que cette situation peut nous amener; nous croyons que les circonstances se prêtent mal, je le dis sans intérêt personnel, à des crises ministérielles. Nous ne sommes pas pressés de soulever dans les chambres des questions de cabinet. Ce débat, je le répète, s'il pouvait produire des résultats graves, ce serait, par la persistance qu'on mettrait à vouloir continuer une discussion, quand le moyen est offert d'en sortir pacifiquement.

Nous devons ajouter ce dernier mot : La paix est offerte; si c'est la guerre qu'on veut, force nous sera d'accepter la guerre; mais les conséquences devront retourner à ceux qui, après l'avoir provoquée, auront voulu la continuer.

M. Delfosse. - Messieurs, je suis loin de vouloir prolonger le débat. Tout ce que je désire, c'est que la chambre se prononce, avec ou sans discussion, sur la question de prérogative.

M. le ministre a laissé échapper quelques paroles au fond desquelles on pourrait voir une menace et une question de cabinet. Je le regrette profondément.

Les questions de prérogatives parlementaires sont celles que la chambre, devrait résoudre avec une entière liberté.

M. le ministre m'a adressé, et ce n'est pas la première fois, certaines questions auxquelles je pourrais me dispenser de répondre.

Je lui dirai toutefois, ce qu'il doit du reste savoir, que je n'ai pas déposé ma proposition dans un but hostile au cabinet ; que mon intention n'est pas de renverser le cabinet. Je suis exempt d'ambition personnelle; et je n'ai pas la folle prétention de croire que, dans le cas où M. le ministre priverait le pays de ses services, je serais le seul homme en Belgique en état de le remplacer.

Ma proposition a été faite sans arrière-pensée, et les considérations que M. le ministre de l'intérieur a présentées ne m'empêcheront pas de remplir mon devoir. Sans doute le pays a besoin d'union, mais il a surtout besoin d'économie. Le pays veut de fortes économies ; que la chambre prononce, mais je voudrais qu'elle se prononçât avec entière liberté; la question peut avoir des graves conséquences.

M. Delehaye. - Je demande la parole pour faire une proposition.

Nous sommes généralement d'accord sur un point; c'est que la question soulevée à l'occasion de la proposition de M. Delfosse a provoqué une discussion que chacun de nous désire voir terminer, parce que l’on craint qu'elle n'amène des débats plus orageux encore. Dans cette situation, il faut tâcher de concilier les deux parties. Pour cela, il faut que nous prenions une décision qui ne puisse être invoquée comme précédent contre les prérogatives engagées, et qui nous permette d'aborder sans tarder les projets dont nous sommes saisis.

Le meilleur moyen de concilier les diverses exigences, c'est d'adopter un ordre du jour motivé, et cet ordre du jour je le formulerai en ces termes :

« La chambre, voulant mettre un terme à des débats relatifs à la prérogative parlementaire qu'elle réserve expressément, et aborder sans délai l’examen des budgets dont le pays attend le vote, avec impatience, déclare passer immédiatement au vote sur la proposition de M. de Brouckere. »

C'est la proposition sur laquelle je vous prie de statuer. De cette manière nous aborderons immédiatement le vote sur la proposition de M. de Brouckere.

Toutes réserves ainsi faites, la question pourrait rester en suspens.

M. Dolez. - Je crois que l'on pourrait adopter une rédaction plus simple, et dire :

« La chambre, sans préjuger aucune question de prérogative, passe au vote sur la proposition de M. de Brouckere. »

M. le ministre des travaux pubics (M. Rolin) et M. Delehaye déclarent se rallier à cette rédaction.

M. d’Elhoungne déclare retirer sa proposition.

- La proposition de M. Delehaye est mise aux voix et adoptée dans les termes proposés par M. Dolez.

Il est procédé au vote par appel nominal sur la proposition de M. de Brouckere.

En voici le résultat :

96 membres répondent à l'appel nominal.

83 membres votent l'adoption.

13 membres votent le rejet.

En conséquence, la chambre adopte.

Ont voté l'adoption :

MM. Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dubus, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lelièvre, Loos, Mascart, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rosier, Rolin, Rousselle ,Schumacher, Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Boulez. Cans, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, de Breyne, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Pitteurs, de Pouhon, de Royer et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Jullien, Lesoinne, Liefmans , Manilius, Moxhon, Tremouroux, Van Iseghem, Christiaens, David, Debourdeaud'huy, Delfosse, de. Luesemans et de Perceval.

Vote sur l'ensemble du projet

M. le président. - Messieurs, par suite du vote que la chambre vient d'émettre, il y a lieu de s'occuper de la proposition de M. Delfosse, consistant en un article unique ainsi conçu :

« Art. 1er. Par dérogation à l'article 19 de la loi du 29 septembre 1846, le traitement du président de la cour des comptes est fixé à 8.,000 fr., celui des conseillers et du greffier à 6,000 fr. »

- Plusieurs membres. - Aux voix !

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi.

94 membres sont présents.

74 membres adoptent.

19 membres rejettent.

1 membre (M. de Mérode) s’abstient.

En conséquence le projet de loi est adopté.

Ont voté l'adoption : MM. d'Hont, Dumortier, Faignart, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Le Hon, Lelièvre, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius, Mascart, Moreau, Moxhon, Orts, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Rodenbach , Rousselle , Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer , Tremouroux, Troye, Van Cleemputte, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Brande de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Hoorebeke, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Vilain XIIII, Ansiau, Boedt, Boulez, Cans, Christiaens, Clep, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hoogendorp, Debroux, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pitteurs, de Royer et Verhaegen.

Ont voté le rejet : MM. Devaux, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Frère-Orban, Gilson, Lebeau, Mercier, Osy, Rogier, Rolin , Schumacher, Allard, Anspach, Dechamps, Delescluse, de Man d'Attenrode et de Pouhon.

M. de Mérode. - Je désire autant que personne préserver les contribuables de nouveaux impôts; mais je crois que l'on ne parviendra point à ce but par des rognures improvisées qui frappent tout à coup des fonctionnaires dont le nombre est très restreint comparativement à la généralité des employés de l'Etat, et que ces sortes de réductions tendent plutôt à faire oublier certaines prodigalités très arbitraires qui portent le plus grave préjudice au trésor public.

Projet de loi portant le budget des dotations de l'exercice 1849

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Cour des comptes

Article 4

- La chambre adopte ensuite l'article 4 du budget des dotations, ainsi conçu :

« Traitement des membres de la cour des comptes, fr. 80,000.»

Chapitre II. Sénat

Article 2

M. le président. - Il reste à voter sur l'article relatif au sénat.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'an dernier le budget portait au chapitre II, sénat, une allocation extraordinaire de 10,000 fr. Je n'ai trouvé au ministère des finances aucune trace des motifs pour lesquels cette allocation avait été votée, et je ne pensais pas qu'il y avait lieu de la reproduire, j'ai reçu de la questure du sénat une lettre dans laquelle on m'informe qu'il était convenu avec mon honorable prédécesseur de porter encore au budget de 1849, une nouvelle allocation extraordinaire de 10,000 fr. ; je prie la chambre de vouloir bien insérer dans la colonne des charges extraordinaires et temporaires, à l'article relatif au sénat, une somme de 10,000 fr.

M. le président. L'article serait ainsi conçu :

« Sénat. Charges ordinaires et permanentes : fr. 30,000.

« Sénat. Charges extraordinaires et temporaires : fr. 10,000.

« Ensemble : fr. 40,000. »

(page 126) M. Mercier. - Messieurs, la section centrale était disposée à adopter le chiffre de 10.000 fr. ; si elle s'est abstenue de prononcer, c'est qu'elle pensait que le sénat devait encore régler son budget. Si M. le ministre des finances a la persuasion que le sénat ne doit plus réviser son budget, je ne vois aucun inconvénient à ce que l'article soit adopté tel que M. le président vient d'en donner lecture.

M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - C'est sur une réclamation de la question que je propose de voter un crédit extraordinaire de 10,000 francs, en même temps que les 30,000 fr. de dépenses ordinaires. Je crois que nous ferons bien de voter l'article; sans cela il faudrait encore une fois voter sur le budget.

- Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Vote de l’article unique et sur l’ensemble du projet

M. le président. - L'article unique du texte du budget des dotations, par suite, d'une part, de l'augmentation, et d'autre part de la réduction que la chambre vient de voter, doit être établi ainsi qu'il suit :

« Article unique. Le budget des dotations est fixé, pour l'exercice 1849, à la somme de 3,381,872 fr. 75 c, conformément au tableau ci-annexé. »


- On passe à l'appel nominal sur l'ensemble du budget.

Le budget est adopté à l'unanimité des 90 membres qui ont pris part au vote. Il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. Devaux, d'Hoffschmidt, d'Hont, Dolez, Dubus, Dumortier, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Loos, Manilius. Mascart, Mercier, Moreau, Moxhon, Orts, Osy, Peers, Pierre, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Toussaint, Tremouroux, Troye, Vanden Berghe de Binckum, Vanden Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Grootven, Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Vilain XIIII, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Boulez, Cans, Clep, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe), de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere (Charles), de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Mérode, de Perceval, de Pitteurs, de Pouhon, de Royer, Destriveaux et Verhaegen.

Projet de loi modifiant les limites territoriales des communes de Reickem et d’Uyckhoven

Vote de l’article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« La limite séparative entre les communes de Reckheim et d'Uyckhoven, province de Limbourg, est déterminée par l'axe du canal de Maestricht à Bois-le-Duc, conformément à la ligne rouge tracée sur le plan annexé à la présente loi. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal.

71 membres prennent part au vote.

Le projet de loi est adopté par 68 voix contre 3 (celles de MM. Charles de Brouckere, Orts et Tesch). Il sera transmis au sénat.

Projet de loi portant érection de la commune de Ville-en-Waret

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

Personne ne demandant la parole ni dans la discussion générale, ni dans la discussion des articles, il est passé au vote.

« Article premier. Les hameaux de Ville-en-Waret et de Houssoy, dépendants actuellement de la commune de Vezin, province de Namur, sont séparées de ladite commune et érigés en commune distincte, sous le nom de Ville-en-Waret.

« Les limites séparatives sont fixées conformément au plan annexé à la présente loi.

« La ligne de démarcation est tracée sur le terrain par l'axe du chemin marqué au plan par un liséré bleu, partant du point A au point B. »

- Adopté.


« Art. 2. Le cens électoral et le nombre de conseillers à élire dans ces communes seront déterminés par l'arrêté royal fixant le chiffre de leur population. »

- Adopté.


L'ensemble du projet est ensuite adopté par 61 voix contre 9.

Il sera transmis au sénat.

La séance est levée à 4 heures 1/4.