Séance du 25 novembre 1848
(Annales parlementaires de Belgique, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 83) M. Dubus procède à l'appel nominal à deux heures.
M. DT'Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente; la rédaction est approuvée.
M. Dubus fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Plusieurs maîtres bottiers cordonniers, établis à Bruxelles, demandent que les pensions militaires puissent être sujettes à retenues pour fournitures de chaussures. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Wyns, boulanger, à Bruxelles, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef de dégâts commis dans sa maison, dans la nuit du 10 au 11 mai 1847, par une troupe armée composée d'habitants de cette ville. »
- Même renvoi.
« Le sieur Renouard Kauffnicht demande l'abrogation des lois sur les brevets d'invention. »
- Même renvoi.
« Plusieurs détenus pour dettes, à la prison de St-Léonard à Liège, demandent l'abrogation ou tout au moins la révision de la loi sur la contrainte par corps. »
- Même renvoi.
« Le sieur Dupont demande que le gouvernement fasse rentrer au trésor les droits de transcription et d'enregistrement de la vente des domaines de Chiny et d'Orval. »
- Même renvoi.
« Plusieurs cabaretiers et débitants de boissons distillées dans la commune d'Aerstele demandent l'abolition du droit de consommation établi par la loi du 18 mars 1838. »
- Renvoi à la section centrale du budget des voies et moyens.
« L'administration communale de Caprycke présente des observations contre le projet de supprimer l'arrondissement administratif d'Eecloo. »
- Renvoi à la section centrale du budget de l'intérieur.
« Le sieur Barbière, blessé de septembre, décoré de la croix de fer, prie la chambre de lui accorder une pension civique. »
- Même renvoi.
« M. de Tournay, chef de division au ministère des finances, demande à être compris au nombre des candidats pour la place de conseiller à la cour des comptes. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
M. le président. - Plusieurs pétitions du même genre nous ont été transmises. Nous devons procéder à la nomination des membres de la cour des comptes avant le 1er janvier. Comme notre ordre du jour n'est pas surchargé, la chambre ne juge-t-elle pas à propos de fixer un jour de la semaine prochaine pour cette nomination?
M. Delfosse. - Il faudrait donner aux candidats le temps de présenter leur demande. Il y en a peut-être qui ne savent pas encore qu'il y aura une place vacante.
M. Vilain XIIII. - Je proposerai de fixer ces nominations au 15 décembre.
M. le président. - En fixant aujourd'hui le jour, on donnera un avertissement à ceux qui ont l'intention de se mettre sur les rangs.
- La chambre décide qu'elle procédera à la nomination des membres de la cour des comptes le 15 décembre.
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la délibération sur les articles.
« Art. 1er. Liste civile (fixée en vertu de l'article 77 de la Constitution, par la loi du 28 février 1832) : fr. 2,751,322 75 c. »
« Art. 2. Sénat : fr. 30,000. »
M. le président. - Le sénat ne nous a pas fait connaître jusqu'ici son budget. Ce chiffre sera fixé ultérieurement.
« Art. 3. Chambre des représentants »
M. le président. - La chambre a fixé hier son budget au chiffre de 441,639 fr.
M. Delfosse. - Messieurs, je demande pardon à la chambre de revenir sur un chiffre voté hier en comité secret. Je pense que l'on devrait adopter purement et simplement le chiffre de l'année dernière, qui est de 438,050 fr.
L'augmentation votée hier est de 3,000 fr. Il y a moyen de se passer de cette augmentation.
On a porté à l'article premier de notre budget, une allocation de 320,000 fr. pour l'indemnité des membres de la chambre, en supposant que la session serait de huit mois. Maison n'a pas fait attention à une circonstance qui se reproduit presque tous les ans ; c'est que la chambre ne se réunit presque jamais le 1er novembre et que dès lors l'indemnité n'est pas payée pour le mois entier. On pourrait sans le moindre inconvénient réduire l'article premier de 3,000 fr.
Dans un moment où tout le monde demande des économies, il serait fâcheux que la chambre donnât l'exemple d'une augmentation de dépenses.
M. Thiéfry. -J'ai L'honneur de prévenir la chambre que la questure se rallie à l'amendement de M. Delfosse.
- L'article est mis aux voix et adopté avec la réduction proposée par M. Delfosse.
« Art. 4. Traitement des membres de la cour : fr. 58,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, le traitement des membres de la cour des comptes n'a pas toujours été aussi élevé qu'il l'est aujourd'hui. Il y a quelques années les conseillers n'avaient que 2,500 florins, le président que 3,000 florins des Pays-Bas.
En 1845, époque où il y avait une tendance très prononcée à augmenter les traitements, et en général les dépenses de toute nature, le traitement des conseillers a été porté de 2,500 florins des Pays-Bas à 7,000 fr., le traitement du président de 3,000 florins des Pays-Bas à 9,000 fr. C'était pour les conseillers une augmentation d'environ 2,000 fr., pour le président une augmentation d'environ 3,000 fr. On a justifié alors ces augmentations, en disant que l'état satisfaisant de nos finances permettait de les accorder sans qu'il en résultât de nouvelles charges pour les contribuables. Je me suis opposé à ces augmentations; j'ai combattu plus d'une fois l’exposé qu'on faisait de notre situation financière; l'on n'était arrivé au résultat que l'on proclamait qu'en dissimulant une partie des faits et en groupant avec habileté certains chiffres. Le temps, et un temps très court m'a donné raison; il a été prouvé depuis à l'évidence que la situation financière, loin d'être satisfaisante, était fâcheuse.
Les événements survenus depuis l'ont encore aggravée en même temps qu’ils ont aggravé la position de la plupart des contribuables. Dans de telles circonstances, messieurs, notre devoir, notre devoir rigoureux est d'introduire dans les budgets toutes les économies compatibles avec le système d'une bonne administration. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer à la chambre de revenir sur les augmentations votées en 1845, non pas entièrement, mais en partie; je veux concilier autant que possible la position de fonctionnaires dignes d'estime, avec l'intérêt des contribuables.
J'ai donc l'honneur de proposer sur le chapitre IV du budget des dotation-, article premier, une réduction de 8,000 fr.; si cette réduction est adoptée, le traitement du président de la cour des comptes sera de 8,000 fr. et celui des conseillers de 6,000 fr. Chacun de ces fonctionnaires aura encore à peu près mille francs de plus qu'en 1845; pour le président, l'augmentation sur le chiffre de 1845 est d'environ 2,000 francs.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Delfosse:
« Je propose de réduire le chiffre de 58,000 fr., de 8,000 fr. et de mettre dans les développements 8,000 fr. pour le président et 6,000 fr. pour les conseillers et le greffier. »
M. Mercier. - Messieurs, la section centrale s'est occupée de la question de savoir s'il y avait lien de réduire le traitement des membres de la cour des comptes, ; parce que l'une des sections avait également trouvé que ce traitement était trop élevé. La section centrale a pensé que le traitement des membres de la cour des comptes doit être maintenu tel qu'il a été établi tout récemment par une loi spéciale. Messieurs, ce n'est pas, comme le disait tout à l'heure l'honorable M. Delfosse, principalement parce qu'elle a jugé que la situation financière était parfaitement bonne, et par pure bienveillance, que la chambre a augmenté le traitement des membres de la cour des comptes; c'est parce qu'elle a jugé que ce traitement devait être augmenté à cause de l'importance des attributions des membres de la cour des comptes et du rang qu'ils occupent dans la hiérarchie des fonctionnaires de l'État.
On a cru d'autant plus devoir leur accéder une augmentation, qu'on venait d'augmenter les traitements des membres de l'ordre judiciaire; on a cru faire en cela un acte de justice envers la cour des comptes, et cet acte a été accompli, il y a deux ans à peine. Si mes souvenirs sont fidèles, une très faible opposition a voté contre cette augmentation.
La section centrale, après l’examen de la question qui avait été soulevée par ma section, a pensé qu'il y avait lieu de maintenir les traitements par les motifs que je viens de rappeler.
M. Delfosse. - Messieurs, l’honorable M. Mercier se trompe, lorsqu’il dit qu’on n’a pas fait valoir, à l’appui des augmentations de traitement, l’état prétendument prospère de nos finances. On a donné (page 84) deux genres de motifs ; on a raisonné de l’importance des fonctions qu'il s'agissait de mieux rétribuer, et en outre (l'honorable M. Mercier était alors ministre) de l'état de nos finances qui permettait, selon lui, de voter toutes ces augmentations, sans imposer de nouvelles charges aux contribuables; eh bien, je ne crains pas de le répéter, 1 événement est venu donner un démenti formel aux prévisions et aux promesses de l'honorable M. Mercier.
Il est très vrai qu'on a augmenté, en 1848, non seulement les traitements des membres de la cour des comptes, mais aussi ceux des membres des cours d'appel. Mais l'augmentation a été beaucoup plus forte pour la cour des comptes que pour les cours d'appel. Avant 1845, les traitements des membres des cours d'appel étaient à peu près les mêmes que ceux des membres de la cour des comptes. Les membres des cours d'appel avaient 5,000 francs, et les membres de la cour des comptes 2,500 florins ; l'augmentation pour les premiers n'a été que de 1,000 francs; pour les membres de la cour des comptes, elle a été d'environ 2,000 francs. Le traitement de 6,000 francs que je propose pour les membres de la cour des comptes, est celui que les conseillers d'appel, qui doivent être, au moins aussi instruits et aussi indépendants, ont obtenu en 1845. Si mon amendement est adopté, les membres de la cour des comptes auront encore à peu près mille francs de plus qu'ils n'avaient à cette époque.
Messieurs, la proposition que j'ai soumise à la chambre est une de celles qui portent leurs motifs en elles-mêmes ; il est inutile de se livrer à de longs développements ; chacun résout ces sortes de question d'après le point de vue auquel il se place ; voici quel est le mien.
On doit reconnaître que, par suite d'événements récents, beaucoup de citoyens sont ruinés ; beaucoup d'autres se trouvent dans la gêne; il est bien peu d'industriels et de commerçants qui n'aient pas vu réduire leurs profits. Il faut que les fonctionnaires, surtout ceux qui ont des traitements élevés, sachent aussi se résigner à quelques pertes, leur intérêt l'exige : notre nationalité a heureusement traversé des moments difficiles; mais un danger la menace encore, c'est contre ce danger, c'est contre les embarras financiers, qu'il faut se prémunir.
Les fonctionnaires, surtout ceux qui touchent des traitements élevés, doivent, s'ils tiennent à la nationalité, prendre leur part des sacrifices que les autres classes de la société subissent en ce moment.
La chambre fera une bonne chose, une chose agréable au pays, en adoptant l'amendement que j'ai l'honneur de proposer.
M. de Luesemans. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer l'amendement de l'honorable M. Delfosse, et pour motiver le vote approbatif que je lui donnerai. Il est un fait certain, c'est que le pays réclame des économies sérieuses; le gouvernement a pris l'initiative de ces économies ; les chambres y donneront une impulsion nouvelle; mais si vous voulez qu’elles soient acceptées par le pays, alors que les économies que le ministère introduit dans son budget, l'obligent à renvoyer une quantité d'employés en sous-ordre, il faut nécessairement que la chambre frappe d'abord ceux qui, par le traitement dont ils jouissent, se trouvent dans une position relativement aisée. J'appuie donc l'amendement de l'honorable M. Delfosse. Je le voterai dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt des fonctionnaires eux-mêmes; je le voterai surtout pour que les économies que nous avons à introduire successivement dans les budgets, soient acceptées par le pays.
M. Mercier. - Qu'il me soit permis de répondre à une observation en quelque sorte personnelle de l'honorable M. Delfosse. Quand j'ai établi les prévisions des voies et moyens, je l'ai toujours fait selon les plus grandes probabilités. L'honorable M. Delfosse a parfois critiqué les chiffres que j'ai posés, mais les faits ont prononcé contre lui en dépassant ses prévisions de plusieurs millions. De même pour les dépenses, j'ai exposé sans aucune réserve toutes celles que je pouvais prévoir lors de la présentation des budgets. Les dépenses qui ont excédé mes prévisions sont en général celles qui sont relatives aux travaux publics.
Je ne pouvais prévoir, par exemple, que le canal latéral à la Meuse coûterait sept millions cinq cent mille francs, peut-être huit millions. Ajoutez aux dépenses pour travaux publics les charges dont les événements récents ont affecté nos budgets. Ce sont certainement là des circonstances qu'il ne m'était pas donné de prévoir.
Je déclare n'avoir jamais omis une dépense que j'aurais connue, et qu'en qualité de ministre des finances, j'ai toujours engagé mes collègues à en agir de même.
En ce qui concerne la cour des comptes, j'ajouterai que la juridiction de ce corps s'étendant sur tout le royaume, je ne pense pas qu’on puisse le mettre en parallèle avec une cour d'appel; ce collège se trouve placé plus haut dans la hiérarchie des fonctionnaires de l'Etat qu'une cour dont la juridiction ne porte que sur une fraction du pays.
Voilà pourquoi je trouve qu'il est de toute justice de maintenir la différence qui existe entre les traitements des membres de la cour des comptes et ceux des membres des cours d'appel.
M. Delfosse. - Il me serait facile de prouver ce que j'ai dit de l'exposé de la situation financière présenté en 1845, mais ce serait faire perdre du temps à la chambre, je renonce donc pour le moment à la parole.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Les membres de la cour des comptes sent en quelque sorte des fonctionnaires de la chambre, de sorte que je ne suis pas appelé, comme s'il s'agissait d'autres fonctionnaires, à donner des explications sur leur position; mais en ma qualité de représentant plutôt qu'en ma qualité de ministre, je crois devoir combattre une proposition qui ne me semble pas justifiée. Sans doute il faut faire des économies, tout le monde l'admet, tout le monde le veut; mais il faut que ces économies soient raisonnables et raisonnées.
Quel est le rang de la cour des comptes dans la hiérarchie administrative ? Elle est placée au sommet; elle est investie de pouvoirs très étendus, elle est chargée du contrôle de toutes les recettes et de toutes les dépenses de l'Etat.
La position des membres de ce corps sous le rapport des traitements doit-elle être inférieure à celle d'un grand nombre de fonctionnaires publics dont, j'en suis persuadé, personne ne voudra réduire les traitements? Je ne le pense pas.
Ne peut-on pas dire que la cour des comptes occupe une position intermédiaire entre les cours d'appel et la cour de cassation ? N'est-ce pas par ce motif que les traitements des membres de la cour des comptes ont été fixés à un chiffre qui n'atteint pas ceux de la cour de cassation; car il faut d'ailleurs plus de travail et d'études pour arriver à la cour de cassation qu'à la cour des comptes, mais qui est supérieur au chiffre fixé pour le traitement des conseillers des cours d'appel?
Ce traitement en lui-même, abstraction faite de ces considérations, est-il un de ces traitements élevés contre lesquels il faut protester? Je ne le pense pas. Il faut se garder de jeter dans le pays de fausses idées sur les traitements. Il faut voir si les fonctions sont en rapport avec les rémunérations qui y sont attachées; or, celui dont il s'agit est-il tellement excessif qu'il faille le réduire et d'une somme aussi forte qu'on l'a proposé? Il me semble que, par des réductions de cette nature, on entrerait dans un système que l'on regretterait bientôt.
La voie qui doit être suivie, c'est celle que le gouvernement a adoptée et qui est, suivant moi, beaucoup meilleure; c'est celle de simplifier les administrations, de supprimer tout ce qui est inutile, mais d'éviter, sauf pour certains traitements qui, aux yeux de tous sont trop considérables, de porter atteinte aux traitements.
En Belgique, en thèse générale, les traitements ne sont pas trop élevés. La moyenne de ces traitements est en réalité extrêmement minime. Lorsqu'on veut les comparer à ceux des fonctionnaires du même rang dans les pays voisins, on trouve presque toujours qu'en Belgique les fonctionnaires sont beaucoup moins rétribués.
Du reste, je le répète, à ne considérer que la position des membres de la cour des comptes, le rang qu'ils occupent, les attributions qui leur ont été données, il m'est impossible de croire qu'un traitement de 7,000 fr. soit pour eux trop élevé.
M. Lebeau. - Messieurs, je n'ai pas l'habitude de procéder par des fins de non-recevoir. Il me semble pourtant qu'il y en a une qui se présente tout naturellement dans la discussion actuelle. Le traitement des membres de la cour des comptes n'a pas été fixé arbitrairement soit par le gouvernement, soit par la chambre. Ce traitement a été fixé par une loi, une loi assez récente, qui a été l'objet d'un débat approfondi dans cette chambre, d'un débat à la suite duquel la position des membres de la cour des comptes a été modifiée. Car il a été interdit aux membres de la cour des comptes, et c'est une des raisons sur lesquelles on s'est appuyé pour justifier l'augmentation des traitements. Il leur a été interdit de prendre la moindre part à des associations commerciales et industrielles, chose qui avait été jusque-là tolérée par la chambre.
Messieurs, si l'on ne veut pas jeter l'inquiétude dans les rangs des fonctionnaires publics, il ne faut pas, lorsqu'à peine une loi, une loi spéciale a fonctionné, venir incidemment, par la voie du budget, en proposer implicitement l'abrogation. Ce n'est pas là une manière régulière de procéder. Si l'on veut arriver à la révision de la loi sur la cour des comptes, qu'on fasse une proposition spéciale, nous l'examinerons.
Messieurs, il faut bien apprécier la position qu'occupe la cour des comptes. Il faut bien se garder d'accepter l'assimilation qu'on a voulu faire de la cour des comptes à certaines autres institutions, parce qu'il n'y a pas la moindre analogie entre le corps dont nous nous occupons et ces autres institutions.
On vous a parlé des membres de la cour d'appel qui ont 1,000 fr. de moins que les membres de la cour des comptes. Déjà M. le ministre des finances et l'honorable rapporteur ont fait valoir une raison de hiérarchie à laquelle on n'a rien répondu. Il y a bien d'autres différences encore. Les membres de la cour des comptes ont leur bâton de maréchal; les conseillers de la cour d'appel ont la perspective d'arriver à la cour de cassation. Les membres de la cour des comptes sont révocables tous les six ans; les membres des cours d'appel sont inamovibles. Voilà des distinctions importantes que je crois nécessaire de mettre sous les yeux de la chambre.
Je dis qu'il est extrêmement dangereux de porter ainsi incidemment, à propos d'un budget, une altération profonde dans le sort de fonctionnaires dont vous avez jugé la mission assez importante pour régler leur position par une loi spéciale, à la suite d'un débat solennel. Je dis que c'est une manière de procéder très imprudente, très irrégulière, et, par cela seul que la forme me paraît extrêmement dangereuse, je m'opposerais à l'amendement de l'honorable M. Delfosse, lors même que sur le fond de la question je ne trouverais pas que les arguments qu'il a fait valoir à l'appui de cet amendement sont tout à fait dénués de fondement.
M. Delfosse. - On m'accuse de procéder irrégulièrement. Et pourquoi? Parce qu'il y a une loi spéciale qui a augmenté les traitements des membres de la cour des comptes. Mais remarquez que cette loi n'est pas une loi de principe. Quel est notre devoir lorsque nous sommes appelés à voter une allocation du budget?
Notre devoir est d'examiner si cette allocation n'est pas trop élevée. C'est à l'occasion du budget que nous devons, être admis à proposer, soit des augmentations, soit des réductions.
La forme que j'ai suivie est régulière.
(page 85) J'ai usé d'un droit qui appartient à tout membre de la chambre.
Je comprends fort bien que lorsqu'une allocation portée au budget dépend d'une loi de principe, comme, par exemple, l'allocation qui figure au budget de la justice pour la haute cour militaire, il y ait lieu d'examiner avant tout si l'institution de la haute cour militaire doit être maintenue.
Avant de faire disparaître du budget l'allocation destinée à ce corps, il convient d'examiner la loi en vertu de laquelle il existe. Est-ce que je vous propose de toucher à la loi qui a institué la cour des comptes? Nullement.
Les observations de l'honorable M. Lebeau pourraient être justes si je proposais de toucher à cette loi; mais je ne demande rien de semblable. Alors même que vous réduiriez les traitements, l'institution de la cour des comptes resterait la même, elle ne serait en aucune manière modifiée. Que l'honorable M. Lebeau me permette de le lui dire; malgré sa longue expérience parlementaire, il a soumis à la chambre des observations qui n'ont aucune espèce de fondement.
L'honorable M. Lebeau nous dit qu'il n'y a pas d'assimilation à établir entre la cour des comptes et les cours d'appel; qu'il y a une différence, d'abord en ce qui concerne les attributions, ensuite en ce que les membres des cours d'appel sont inamovibles. Mais qu'est-ce que ces différences font à la question des traitements? Si j'ai parlé des cours d'appel, c'est parce que j'avais été amené sur ce terrain par l'honorable M. Mercier.
Cet honorable membre avait dit qu'on avait augmenté en 1845, non seulement les traitements des membres de la cour des comptes, mais aussi ceux de la magistrature. Qu'ai-je répondu? Qu'avant 1845, et c'est là une observation qu'on n'a pas relevée, les traitements des membres de la cour des comptes étaient à peu près les mêmes que ceux des membres des cours d'appel, et que l'augmentation avait été plus forte pour les uns que pour les autres.
On a parlé des fonctionnaires. On a dit qu'il ne fallait pas jeter l'inquiétude parmi les fonctionnaires.
Je dirai à mon tour qu'il ne faut pas jeter l'inquiétude dans la classe des contribuables. Les contribuables désirent que la chambre introduise dans les budgets de fortes économies. Si la chambre repoussait la réduction que je propose, elle jetterait l'inquiétude dans le pays. Ce précédent fâcheux ferait croire au pays que la chambre n'est pas disposée à entrer franchement, sérieusement, fermement dans la voie des économies.
Je fais grand cas des fonctionnaires, je veux qu'ils soient convenablement rétribués; mais dans les circonstances actuelles, alors que tant de ruines se sont amoncelées, qu'il y a tant de gêne dans toutes les classes de la société, le fonctionnaire qui jouit d'un traitement de 7,000 fr. n'a certes pas à se plaindre de la réduction ; 6,000 fr. que je propose peuvent amplement suffire à des fonctionnaires qui n'ont pas de frais de représentation. J'ai, du reste, assez bonne opinion des membres de la cour des comptes pour croire que cette réduction, légitimée par les circonstances, ne les empêchera pas de remplir leurs fonctions avec le même zèle que par le passé.
Il ne faut pas, messieurs, s'attacher à une seule face de la question. Si l'on ne se préoccupe que des fonctionnaires, on a une tendance naturelle à ne pas toucher aux traitements.
Mais il faut voir l'autre côté de la question ; il faut voir la gêne qui atteint la plupart des contribuables; il faut voir ce que les circonstances ont de grave.
Il y a dans ce moment bien des contribuables qui supportent avec peine les charges que le gouvernement est obligé d'exiger d'eux. La position des fonctionnaires est la seule qui soit restée bonne. Il n'y a presque pas de revenu qui n'ait souffert des circonstances. La position des fonctionnaires, à part leur participation à l'emprunt, mesure toute temporaire, est restée la même. Je dirai plus; leur position a été améliorée; les souffrances de l'industrie et la rareté des capitaux font que beaucoup d'objets de consommation se vendent pour ainsi dire au rabais. Les vêtements, les logements et certaines denrées alimentaires sont à meilleur marché. Et cependant les fonctionnaires ont conservé le même traitement, bien qu'il représente une valeur plus grande.
Je crois, messieurs, agir dans l'intérêt des fonctionnaires eux-mêmes, en proposant à la chambre d'entrer résolument dans la voie de« économies. Personne n'a plus d'intérêt que les fonctionnaires, et surtout que les hauts fonctionnaires, à écarter les dangers qui pourraient naître de nos embarras financiers.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, l'honorable préopinant me semble, attacher beaucoup trop d'importance, à sa proposition. Qu'elle soit favorablement accueillie ou qu'elle ne soit pas adoptée par la chambre, le pays n'en tirera aucune conséquence pour l'avenir. Le pays demande les économies et le pays a raison sans doute; mais il ne veut pas des économies faites à la légère, des économies votées sans que les questions aient été mûrement examinées.
Eh bien! je crois que si nous adoptions sans un examen plus approfondi la proposition de l'honorable M. Delfosse, nous aurions lieu de le regretter plus tard.
Je dirai d'abord deux mots sur la question de forme.
Les appointements des membres de la cour des comptes ont été fixés par une loi et doivent être fixés par une loi. Or, veuillez remarquer que le budget n'est pas une loi ordinaire, et qu'il ne peut rien changer par lui-même aux lois d'organisation. Le budget est purement et simplement une loi d'application ; c'est une loi par laquelle nous allouons au gouvernement les sommes nécessaires pour l'exécution des lois qui existent et pour la marche des administrations.
Une loi spéciale, une loi de principe, quoi qu'on en dise, a décidé quels seraient les appointements des membres de la cour des comptes. Eh bien, cette loi, pour être modifiée, doit l'être par une autre loi spéciale votée régulièrement et non par un article du budget.
Messieurs, si nom étions disposés à entrer dans cette voie où l'on veut nous entraîner, il vaudrait mieux décider tout d'un coup qu'aucun appointement, qu'aucun traitement ne sera à l'avenir fixé par une loi, car nous ôterions en réalité toute espèce de garantie à ceux qui ont de semblables traitements. Aujourd'hui vous réduirez de 1,000 fr. les appointements des membres de la cour des comptes. Quelle sera la portée de votre décision? Elle n'a force que pour un an ; car le budget est annal. L'année prochaine surgira une autre proposition; plus mal disposé peut-être qu'où ne l'est aujourd'hui, on demandera une nouvelle réduction du traitement des membres de la cour des comètes, on le fera descendre à 5,000 fr.
Puis l'année suivante, il y aura un revirement et l'on statuera encore, autre chose.
Je le répète, si vous entrez dans cette voie, vous ôterez toute espèce de garantie à tous les magistrats du pays. Car demain vous pouvez réduire par le vote du budget les appointements des membres de la cour de cassation de 9,000 fr. à 6,000, celui des membres de la cour d'appel de 5,000 à 3,000. Vous le pouvez de même; je défie qu'on me signale la moindre différence, comme vous pourrez rétablir le traitement normal l'année d'après et le changer encore l'année suivante.
Il est donc, vrai de dire, messieurs, qu'il y a une différence complète entre des appointements fixés par la loi et ceux qui ne sont que le résultat d'arrêtés ; les traitements fixés par la loi ne peuvent être changés que par la loi.
Maintenant, quant au fond, personne ne prétend qu'un traitement de 7,000 fr. soit en disproportion réelle avec l'importance des fonctions des membres de la cour des comptes ; mais on veut une économie, on la veut parce que les circonstances semblent exiger, en effet, que nous réduisions, en général, les dépenses de tous les services. Eh bien ; pourquoi irions-nous ainsi, à la légère, décider tout d'un coup qu'il y aura précisément une réduction de 8,000 fr. portant pour mille francs sur le traitement de chacun des membres de la cour? Mais ne serait-il pas possible peut-être (remarquez bien que c'est une simple hypothèse) d'obtenir la même économie par une autre voie ?
N'y aurait-il pas moyen de diminuer d'un membre le personnel de la cour des comptes? Je le répète, ce n'est qu'une hypothèse que je pose ; mais enfin pourquoi déciderions-nous cette question après une discussion de quelques minutes?
Je voudrais que la chambre, dont l'attention a été appelée sur cet objet par l'honorable M. Delfosse, que la chambre se contentât d'avoir signalé cet objet à l'attention du gouvernement.
Si le gouvernement, après un examen attentif de la question, croit qu'il y a moyen de faire une économie soit en diminuant le traitement des membres de la cour des comptes, soit en diminuant le personne de cette cour, il viendra nous présenter un projet de loi. Chaque membre de la chambre, de son côté, a le même droit d initiative. Mais, je vous en conjure, messieurs, n'entrons pas dans cette voie fausse, dans cette voie éminemment dangereuse où nous ne sommes pas sûrs de nous arrêter en temps.
Gardons-nous de réduire par un budget annal, par un budget qui varie chaque année, des traitements fixés par une loi permanente !
L’honorable membre a dit qu'il respectait la loi qui a organisé la cour des comptes et qui date de 1830, mais que la loi de 1846, par laquelle le traitement a été fixé, que cette loi est à notre disposition, à notre discrétion et que nous pouvons en faire bon marché. Je dis que la loi de 1846 est tout aussi respectable que la loi de 1830. Ne touchons à aucune loi par un budget, car encore une fois, je défie qu'on donne une raison acceptable pour que, si nous touchons aux traitements fixes par la loi de 1846, nous ne touchions pas également à des traitements fixés par d'autres lois. Et ainsi nous jetterions bientôt et bien inconsidérément la plus complète incertitude, la plus grande anxiété parmi tous les magistrats du pays, dont les traitements sont fixés par la loi.
M. de Luesemans. - Messieurs, je répondrai d'abord un mot à ce qu'a dit l'honorable ministre des finances.
« Il ne faut pas, a-t-il dit, lancer de fausses idées dans le pays ; il faut éviter autant que possible de porter atteinte aux traitements, il ne faut pas jeter l'incertitude dans les familles. » Je pense que c'est là la conclusion.
Eh bien, messieurs, si nous étions dans un état normal, si nous étions dans une situation comme celle qu'on nous présentait à l'époque où les augmentations de traitements ont été votées, je dirais de grand cœur avec M. le ministre des finances : il ne faut pas jeter l'inquiétude dans les familles! mais l'inquiétude dans les familles résultera-t-elle du vote que la chambre va émettre, ou est-elle dans la situation elle-même?
Ainsi par exemple tous les budgets sont aujourd'hui soumis à une révision complète dans les sections; les sections centrales s'occupent une grande partie de la journée à compulser ces budgets avec une minutie à laquelle on n'était pas habitué jusqu'ici ; cela jette donc aussi le trouble dans les familles.
(page 86) Ce trouble, messieurs, résulte de la situation financière qui nous force à faire des économies. Je dis que cette proposition a pour appui la nécessité et pour garantie de son exécution le patriotisme de ceux à la position desquels elle portera quelque atteinte.
Messieurs, dans les observations Faites par l'honorable M. Lebeau il y en a qui ont quelque chose de commun avec celles qui ont été produites par l'honorable M. de Brouckere; je crois devoir une réponse à ces observations.
On a dit que le traitement des membres de la cour des comptes a été fixé par une loi organique et que, dès lors, on ne peut point, incidemment, à l'occasion du budget, sans trop d'examen, sans trop de préparation, brusquement changer le chiffre de ce traitement.
Je crois que c'est à cela que se réduit l'argument.
Cet argument, messieurs, présente pour moi, je l'avoue, quelque chose, sinon de fondé, au moins de spécieux, et je vais soumettre à la chambre des observations qui me semblent de nature à lever mes scrupules et ceux des honorables membres.
Dans toute loi organique il est deux choses essentiellement distinctes : l'une qui tient directement à l'institution que l'on veut organiser, l'autre qui n'est qu'accessoire, mais que l'on inscrit dans la loi pour éviter la peine de faire deux lois.
Eh bien, messieurs, je crois que tout ce qui touche à la constitution delà cour des comptes, à ses attributions, je pense que toute cette partie est essentiellement organique; mais je pense que tout ce qui tient aux appointements n'est que l'accessoire de l'organisation elle-même ; à moins que vous ne prétendiez que l'indépendance des membres de la cour des comptes dépende exclusivement de la situation financière qui leur est faite. Si telle avait été la pensée du législateur, alors il pourrait y avoir dans le chiffre du traitement quelque chose qui se rattache à l'organisation ; mais je crois que la loi ne peut pas être entendue dans ce sens, et en ce cas vous pouvez modifier le chiffre du traitement, par le budget, qui est aussi une loi de l'Etat, en ce cas vous pouvez voter l'amendement de l'honorable M. Delfosse.
L'honorable M. de Brouckere a dit : « Que le gouvernement, faisant usage de son initiative, présente un projet de loi qui modifie cette partie de l'organisation de la cour des comptes. » Je ferai d'abord remarquer que l'institution de la cour des comptes est en quelque sorte considérée comme l'œil de la chambre, et que dès lors les convenances empêchent le gouvernement de présenter un projet de loi qui apporterait une modification quelconque à la cour des comptes, soit à la partie organique, soit à la partie qui concerne simplement les appointements des membres. Du reste, M. le ministre des finances est si peu disposé à intervenir dans ce débat qu'il a pris la précaution de déclarer, en commençant son discours. que ce n'était pas en qualité de membre du gouvernement qu'il prenait la parole.
Messieurs, je reviens au motif fondamental pour lequel je voterai pour l'amendement de l'honorable M. Delfosse. Nous subissons tous aujourd'hui l'empire de la nécessité; nous sommes obligés d'introduire dans nos dépenses toutes les économies possibles. Ainsi, je crois que tous les fonctionnaires du gouvernement, qui jouissent d'un traitement moyen, qui les met dans une position relativement aisée, doivent les premiers subir une réduction; je suis persuadé que l'appel qui sera fait à ces fonctionnaires sera entendu d'eux. Ce n'est pas dans un moment où les réductions nombreuses qui sont proposées par le gouvernement auront pour résultat de priver d’honorables employés, même de leurs moyens d'existence; ce n'est pas dans ce moment, dis-je, que la chambre pourrait se dispenser de voter la réduction qui lui est proposée; le vote de cette proposition nous conduira dans cette voie d'économie 1 où nous nous arrêterons, je le proclame, à la limite qu'on ne pourrait franchir sans désorganiser les services publics. Voilà l'argument que j'oppose à celui que l'honorable M. de Brouckere a fait valoir, et qui consiste à dire que la chambre ne doit pas, sous prétexte d'économies, arriver à la désorganisation des services publics; non, la chambre ne veut pas arriver à cette désorganisation ; mais la chambre veut entrer dans la voie des économies, en atteignant d'abord et principalement ceux des fonctionnaires qui peuvent le mieux supporter un sacrifice par le traitement relativement élevé dont ils jouissent.
M. de Man d'Attenrode. - Messieurs, la plupart des traitements des fonctionnaires ressortissants aux départements ministériels ont subi, depuis la fondation de notre existence nationale, une progression plus ou moins grande. Il n'en a pas été de même des traitements des membres de la cour des comptes. Les traitements de tous les fonctionnaires et employés de cette cour, à l'exception de ceux des conseillers, sont inférieurs à ceux des fonctionnaires d'un grade équivalent dans les ministères. C'est ainsi qu'un chef de division de la cour des comptes n'a en quelque sorte que le traitement d'un chef de bureau dans un ministère.
Je me suis demandé souvent quel était le motif de cette différence. En voici la cause, les employés des ministères out eu des chefs qui les représentaient devant la chambre; les différents ministres qui se sont succédé ont soutenu les intérêts des employés qui travaillaient sous leurs yeux ; ils ont cru à tort ou à raison qu'il y avait lieu d'augmenter leurs traitements, afin de stimuler leur zèle; je ne dis pas que les augmentations de crédit qui ont été successivement demandées de ce chef étaient toujours justifiées ; mais le fait est, que ces augmentations ont eu lieu, et que cette progression dans les traitements est en partie la cause maintenant de la réaction qui se manifeste contre ces traitements. La cour des comptes, au contraire, ne se trouvant pas patronnée par un chef dans cette chambre, les traitements de ses fonctionnaires sont restés stationnâmes, et je ne m'en plains pas dans cette circonstance.
La loi constitutive de la cour des comptes est du 30 décembre 1830; elle est l'œuvre du congrès; aux termes d'un de ses articles, ce décret devait être révisé dans un temps plus ou moins rapproché; la chambre a procédé à cette révision, il y a deux ans. J'ai eu l'honneur d'être le rapporteur de la loi définitive de sa constitution, et c'est à cette occasion qu'après avoir étudié et mûri cette question, la section centrale a proposé d'augmenter les traitements des conseillers de la cour des comptes.
L'honorable M. Lebeau a déjà fait valoir les motifs qui militant en faveur de cette augmentation de traitements et pour leur maintien, tels qu'ils sont aujourd'hui établis ; je ne vous les énumérerai donc pas une deuxième fois, j'insisterai seulement sur ce que, d'après le règlement qui fixe la hiérarchie des fonctionnaires publics, la cour des comptes prend rang entre la cour de cassation et les cours d'appel, et que la fixation de leurs traitements doit être maintenue en conséquence de ce rang, afin de conserver l'harmonie entre les divers degrés de la hiérarchie administrative.
Maintenant l'honorable M. Delfosse propose, incidemment, à l'occasion du vote d'un des articles du budget, de diminuer de 1,000 francs les traitements de chacun des membres de la cour des comptes. Je ne sais dans quelle voie la chambre veut entrer, en adoptant cet amendement, mais le fait est que, si je fais un appel à tous mes souvenirs, on n'a jamais procédé de cette manière. Une loi a une durée plus ou moins longue, elle subsiste jusqu'à ce que les trois pouvoirs se soient concertés pour la modifier. Le vote du budget est une loi de finances, sa portée n'a qu'une durée annuelle, et une fois que les douze mois sont écoulés, ce vote doit être renouvelé.
Je ne puis dès lors concevoir quelle est la portée de l'amendement de l'honorable M. Delfosse. Je suppose l'amendement adopté. Eh bien il résultera de là que la disposition de la loi organique de 1846, qui porte à 7,000 francs les traitements des membres de la cour des comptes, n'est suspendue que pour 12 mois; mais après ces 12 mois, les traitements reviendront à leur premier taux. Procéder de la sorte c'est déroger à tous nos précédents.
Nous discutons en ce moment le budget des dotations. Quelle est la portée de ce mot « dotations » qui distingue le budget en discussion? Ce mot indique que ce budget se compose d'allocations de traitements, dont le chiffre se trouve fixé par des lois auxquelles nous ne devons pas toucher légèrement. La loi annuelle que nous sommes appelés A voter ne constitue ainsi que l'application de ces lois. Ce n'est donc pas à l'occasion d'une loi annuelle de crédit, qu'il est convenable d'y toucher. C'est ainsi qu'une proposition aussi grave que celle qu'a déposée l'honorable M. Delfosse, jetée dans la discussion à brûle-pourpoint, qui tend à modifier une loi organique, ne peut être adoptée qu'après un mûr examen, et, à cet effet, elle doit subir l'épreuve de toutes les garanties dont notre règlement entoure l'usage de l'initiative parlementaire, pour être transformée ensuite en une loi spéciale, s'il y a lieu. Je ne pense donc pas que nous puissions modifier une loi à l'occasion du vote que nous sommes appelés à émettre à propos de la discussion d'un article du budget.
Je demande, en conséquence, que la proposition de l'honorable M. Delfosse soit renvoyée aux sections, comme ayant le caractère d'une proposition spéciale.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne puis qu'appuyer la motion de l'honorable préopinant. Quoique mon opinion soit formée sur le fond de la proposition, je ne pousse pas l'obstination jusqu'à chercher à empêcher que la proposition de l'honorable M. Delfosse ne soit examinée ; mais je désire que la chambre, ne foulant pas aux pieds tous les antécédents, toutes les règles des législatures précédentes, n'aille pas incidemment, à propos d'un budget, toucher à une loi organique.
L'honorable M. de Luesemans, et cela se conçoit, il n'était pas des nôtres alors, s'est gravement trompé quand il a parlé d'une partie organique et d'une partie purement accessoire de la loi. 11 y a pour la cour des comptes, comme pour l'ordre judiciaire, deux lois spéciales qu'on peut considérer comme deux lois organiques. 11 y a pour l'ordre judiciaire la loi organique, établissant les juridictions et les compétences, et il y a une loi spéciale pour les traitements.
De même pour la cour des comptes, il y a une loi organique qui les constitue, et une seconde loi qui organise les traitements, de sorte que si l'argument de l'honorable M. de Luesemans est bon pour modifier incidemment les traitements de la cour des comptes, il est bon, pour modifier tous les ans, incidemment et à propos du budget, les traitements de l'ordre judiciaire tout entier.
Je n'hésite pas à dire que la chambre reculerait devant ces conséquences ; elles dérivent cependant directement de l'argumentation de l'honorable préopinant. Qu'il me soit permis de le dire, la question matérielle des économies n’est pas toute la question dont vous devez vous préoccuper. La preuve, c'est qu'hier la crainte de diminuer les garanties données aux administrés par nos lois, malgré le désir de faire une économie plus considérable, plus régulièrement proposée, qui n'entraînait pas les conséquences de celle qu'on propose aujourd'hui, vous a fait laisser là les économies pour maintenir des garanties aux administrés.
Vous voyez que la question d'économie n'est pas la seule dont vous (page 87) ayez à vous occuper. Sans me prononcer sur le fond de la proposition en elle-même, je persiste à penser qu'elle doit revêtir une autre forme et être détachée du budget afin de ne pas forcer la main aux autres pouvoirs, qui doivent délibérer, voter, sanctionner le budget avec la même liberté que nous.
M. de Perceval. - Je ne veux pas abuser des moments de la chambre; je me lève uniquement pour appuyer la motion ayant pour but de renvoyer aux sections la proposition de l'honorable M. Delfosse. Au milieu de ce débat, j'éprouve, je ne vous le cache point, messieurs, un certain embarras : d'un côté, je voudrais donner à cette proposition un vote affirmatif; mais de l'autre, je me trouve arrêté par quelques scrupules, quand j'examine et que j'analyse le texte de la loi qui a organisé la cour des comptes. Je ne pense pas que la chambre puisse incidemment toucher à des traitements fixés par une loi. Je demande donc le renvoi aux sections : nous pourrons voir s'il convient de diminuer le personne de la cour des comptes, ou de réduire seulement le traitement affecté aux conseillers.
M. Jullien. Je ne toucherai pas la question de traitements ; elle est suffisamment élucidée par les développements dans lesquels sont entrés les orateurs que vous avez entendus.
Si j'ai demandé la parole, c'est uniquement pour protester contre le système préconisé par les honorables MM. de Brouckere et Lebeau.
S'il était vrai qu'à l'occasion d'un budget, nous ne pussions porter atteinte à aucun traitement déterminé par une loi, eh bien, vous ne pourriez effectuer que de mesquines réductions, voire même sur le budget de la guerre. (Interruption.) Je dis que si vous adoptez dans son entier le système mis en avant par MM. de Brouckere et Lebeau, vous n'aborderez l'examen des budgets qu'avec l'obligation de voter toutes les dépenses résultant d'une loi spéciale.
- Plusieurs voix. - C'est pour cela que ces lois sont faites.
M. Jullien. - Je dis moi qu'à l'occasion des budgets nous avons le droit de contrôler les dépenses, et que ce droit va jusqu'à nous donner la faculté de réduire même celles qui sont fixées par une loi, du moment que nous les trouvons excessives; car le budget lui-même est une loi de l'Etat; et comme on l'a dit avec beaucoup de raison, on peut par la loi du budget, la plus importante qui émane du pouvoir législatif, déroger à un traitement fixé par une loi antérieure.
Je reconnais qu'incidemment, à propos d'un budget, on ne peut réformer une loi organique. Je reconnais que tout ce qui tient à l'essence de l'organisation d'une institution inscrite dans le pacte fondamental, ne peut être rapporté par voie incidente.
Mais toutes les fois qu'il ne s'agira pas de porter atteinte à l'organisation elle-même de l'institution, qu'il s'agira seulement d'examiner si le fonctionnaire doit être doté de tel ou tel traitement, il rentre dans le domaine de la législature saisie de l'examen des budgets, de réduire les traitements exagérés, comme d'augmenter ceux qui ne seraient pas suffisamment élevés.
Ce que j'ai l'honneur de soulever devant la chambre, résulte de la Constitution elle-même.
Chaque année nous votons le budget des voies et moyens et le budget des dépenses; chaque année nous sommes dès lors appelés à nous prononcer sur le chiffre de ces dernières. Aucune d'elles n'est inattaquable, à part celles qui, d'après la Constitution, sont immuables.
Remarquons, d'ailleurs, que l'article 116 de la Constitution précise quelle est la partie de la loi concernant la cour des comptes qui doit être considérée comme organique ; c'est la partie relative aux attributions de ce corps.
Mais vous ne trouverez pas dans cet article un mot du traitement; il est entièrement muet sur ce point.
Dès lors ii faut admettre que le quantum de ce traitement peut être discuté comme dépense annuelle à voter par les chambres.
La doctrine de MM. de Brouckere et Lebeau amènerait la chambre à abdiquer le droit incontestable qu'elle a de restreindre les dépenses dans les limites des ressources du trésor. Eu effet, si vous décidez qu'il suffit qu'un traitement soit fixé par une loi, pour que la législature suit dans la nécessité de le voter, il échappe par cela même au contrôle de la législature, puisque vous devez le voter aveuglément. Je ne puis admettre qu'on puisse nous faire jouer un rôle semblable.
Je pense donc, messieurs, qu'il y a lieu d'accueillir en la forme l'amendement de l'honorable M. Delfosse.
M. le ministre des finances (M. Frère-Orban). - Je répondrai quelques mots au discours que vous venez d'entendre.
L’honorable membre me paraît combattre une objection qui n'a été faite par personne ; il me paraît repousser une prétention que personne n'a énoncée.
Il suppose que les observations, qui ont été présentées, tendent à démontrer que la chambre est irrévocablement liée par la loi, et qu'elle doit désormais se borner à enregistrer les traitements, sans pouvoir en aucune façon y porter atteinte. Certes, une telle pensée n'est venue à aucun d'entre nous.
On oppose seulement que ce n'est pas sans motifs que des lois ont été faites; qu'elles l’ont été pour assurer la stabilité des institutions; qu'il ne faut pas que les lois soient changées par un simple vote de budget, de sa nature temporaire, sans observer aucune des formes qui sont déterminées par le règlement de la chambre, afin d'assurer la confection de bonnes lois.
On dit : Le législateur a le droit de changer ce qui a été fait par la loi. Eh, mon Dieu, qui le conteste? Le législateur peut faire une nouvelle loi. Mais nous vous répondons que cette nouvelle loi doit être faite suivant les formes qui sont tracées pour faire les lois. Il faut qu'une proposition soit déposée, appuyée, examinée et discutée; mais qu'on ne vienne pas, par une voie incidente, à l'occasion d'un budget, modifier des lois organiques, abroger des lois qui ont été faites avec maturité.
Lorsqu'on a fixé les traitements par la loi, c'était aussi, messieurs, pour résister aux entraînements des chambres. Ce qu'on veut faire aujourd'hui, par mode de réduction, sans examen suffisant, sommairement, ou le pourra faire aussi pour des augmentations. Le même principe serait invoqué dans les deux cas.
Or, si l'on venait proposer, par amendement, d'augmenter des traitements fixés par une loi, on ne manquerait pas de s'écrier : La loi a décidé; si vous voulez la modifier, suivez la marche tracée par le règlement; il faut que votre proposition soit déposée, qu'elle soit appuyée, qu'elle soit renvoyée aux sections, qu'elle soit examinée dans les conditions déterminées afin que la loi soit décrétée avec maturité.
Vous n'avez pas à examiner ici assurément la question de savoir si le droit de la chambre existe ou n'existe pas. Ce droit est incontestable. Il est certain que si la chambre le veut, elle peut, par amendement, décider que les traitements seront réduits. Mais nous vous avertissons qu'en admettant ce système, vous vous exposez à des dangers ; vous courez les chances de remettre en question, à propos de chaque budget, toutes les institutions dont l'importance est telle que l’on a cru indispensable de les organiser par une loi.
Messieurs, il y a, quant aux traitements, deux catégories de dépensés dans le budget. Il y a des dépenses qui ont un caractère de fixité, parce qu'elles ont été établies par une loi. Aussi longtemps que cette loi est maintenue, la dépense doit être portée au budget.
Il y a d'autres dépenses : ce sont celles qui sont fixées par arrêté royal; ce sont les allocations mises chaque année à la disposition du gouvernement, dont le gouvernement dispose dans des formes spéciales. Tour ces dernières, il est indubitable qu'aucune loi ne vous lie. Vous pouvez instantanément, sur-le-champ, réduire ces allocations, si les justifications du gouvernement ne vous paraissent pas suffisantes.
Ainsi, qu'on ne fasse pas de confusion ; qu'on ne se livre pas à d'inutiles discussions. On ne conteste pas les droits de la chambre ; on fait appel à des formes salutaires, qui n'ont pas été introduites inutilement, qui sont non seulement une garantie pour les fonctionnaires, mais surtout une garantie contre des entraînements que la chambre pourrait subir.
M. Delfosse. - Je ne m'opposerai pas à la proposition qui a été faite du renvoi en sections, s'il est bien entendu que le vote de l'article sera tenu en suspens. Mais si l’on entend voter aujourd'hui sur l'article, je maintiens ma proposition de réduction, je m'oppose de toutes mes forces à ce qu'on vote l'allocation de 58,000 fr.
Prenez-y garde, messieurs; on veut vous entraîner, par une voie détournée, à l'abdication d'une de vos plus importantes prérogatives. (Interruption.)
Je n'accuse pas les intentions; mais je dis que c'est là le résultat auquel on serait conduit. Oui, si l'on entrait dans la voie qui est indiquée par quelques honorables membres, la chambre renoncerait à l'une de ses plus importantes prérogatives: oui, si l'on entrait dans cette voie, la prérogative que la Constitution vous a donnée de voter chaque année les dépenses, serait en quelque sorte annulée.
Remarquez, messieurs, que vous ne pouvez changer une loi sans l’assentiment des deux autres branches du pouvoir législatif. Si le gouvernement s'opposait à une réduction de traitements fixés par une loi, vous ne pourriez rien dans le système de nos contradicteurs ; vous seriez tenus de voter aveuglément les sommes demandées par le gouvernement.
Dans notre système, au contraire, vous êtes libres ; on ne peut dépenser sans votre autorisation les sommes qui vous paraissent trop élevées. C'est justement afin qu'on ne puisse, sans l'autorisation de la chambre qui représente plus spécialement la nation, dépenser les deniers de la nation, que la Constitution a donné à cette chambre le droit d'initiative en matière d'impôts et de dépenses. C'est dans le même but que la Constitution a voulu que les budgets fussent votés annuellement.
Lorsqu'on nous propose une dépense, nous devons nous demander en conscience si la situation du pays, si l'état du trésor permettent que cette dépense soit faite. Si la situation du pays, si l'état du trésor ne la permettent pas, notre devoir est de la supprimer, de la réduire, à moins toutefois que la Constitution ne s'y oppose.
L'honorable M. de Man a présenté une objection.
Il a dit : Il y a une loi permanente qui fixe les traitements des membres de la cour des comptes. Si vous n'accordez cette année qu'une allocation inférieure à celle qui est indiquée par cette loi, on se trouvera en présence de deux lois : d’une loi temporaire n'ayant de force que pour une année et d'une autre loi permanente.
Messieurs, cette objection n'est que spécieuse.
Rien n'empêchera la chambre d'examiner, lors de la discussion des prochains budgets, si la réduction votée, cette année, à cause des circonstances, devra être maintenue. Il est possible que, les temps devenant meilleurs, d'autres résolutions seront prises. Mais dans les circonstances actuelles, ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont le plus à plaindre, et c'est du côté des contribuables que nous devons pencher.
(page 88) Je me résume : Si le renvoi en sections de mon amendement doit tenir en suspens le vote de l'article, je ne m'y oppose pas. Mais, dans le cas contraire, je demande formellement que la chambre n'accorde que 50,000 francs.
M. H. de Brouckere. - Je prie la chambre de remarquer d'abord que la question qui s'agite n'a pas simplement pour objet une économie de 8,000 fr., mais que c'est une question de principe et une question très grave. Je lui demande donc encore deux minutes d'attention, je serai très court.
L'honorable M. Jullien ne partage pas l'opinion professée par M. Lebeau et par moi ; mais la chambre aura sans doute remarqué qu'il n'a en aucune manière réfuté cette opinion.
Que dit M. Jullien? « Si vous admettez l'opinion que je combats, vous ne pourrez jamais réduire les traitements fixés par la loi; et ce sera là une chose fâcheuse, exorbitante. »
Eh bien, c'est précisément là notre doctrine : nous disons que la chambre ne peut sans de graves inconvénients, sans de grands dangers, toucher aux traitements fixés par des lois organiques ; mais nous ne trouvons pas que la chose soit ni fâcheuse, ni exorbitante. En effet, il y a un très petit nombre de traitements de cette catégorie, et c'est ce petit nombre seul que nous exceptons des réductions que la chambre peut opérer dans le vote des budgets.
« Mais, s'écrie M. Jullien, pourquoi ne pourriez-vous pas toucher aux traitements des membres de la cour des comptes? Ils ne sont pas fixés par la Constitution. » Nous savons très bien qu'ils ne sont pas fixés par la Constitution, mais je voudrais que l'honorable membre nous dît quels sont les traitements fixés par la Constitution. Sont-ce ceux de la magistrature. Non. Ceux du clergé? Non. Est-ce la liste civile elle-même? Non. Tous les traitements quels qu'ils soient et la liste civile elle-même, sont abandonnés par la Constitution à la législature. Il est très vrai que la liste civile est fixée pour la durée du règne ; mais elle est fixée par la législature. Or, si vous adoptez la proposition qui vous est faite, il n'y a rien de plus facile que de démontrer que vous pouvez tout aussi bien réduire les traitements de la magistrature et la liste civile elle-même, que les traitements de la cour des comptes... (Interruption). Je ferai remarquer à l'honorable M. Delfosse qu'il veut déterminer la chambre, non pas à user d'un droit, mais à abuser de sa position, de l'espèce d'omnipotence qu'il dépend d'elle d'usurper.
Or si elle peut en abuser aujourd'hui, elle peut en abuser un autre jour, dans un autre sens et dans des circonstances plus graves.
Le budget est une loi, dit-on; et une loi peut abroger une autre loi. C'est une erreur, une erreur très grave ; le budget ne peut abroger aucune loi ; il ne peut que donner au gouvernement les moyens d'exécuter les lois. Je demande quelle garanties aurait la magistrature, ce que signifierait son inamovibilité, si chaque année on pouvait réduire ses traitements? Il dépendrait d'une législature qui ne serait pas aussi bien composée que celle devant laquelle j'ai l'honneur de parler, il dépendrait d'une législature quelconque de réduire les traitements d'un corps judiciaire et de ne pas réduire ceux d'un autre corps judiciaire, et de témoigner ainsi aux uns une sorte de satisfaction, aux autres une désapprobation i celle. La cour des comptes jouit aussi d'une sorte d'inamovibilité, ses membres sont nommés pour six ans ; vous ne pouvez pas les destituer arbitrairement d'une manière directe; mais vous les destitueriez par une voie détournée, car une législature qui ne serait pas satisfaite d'eux, pour un motif quel qu'il soit, réduirait au budget leur traitement à un chiffre tellement bas, que cette réduction équivaudrait à une destitution. Et vous voulez après cela que les magistrats et les membres de la cour des comptes trouvent des garanties dans la loi!
Messieurs, chaque fois que l'on parle d'économies j'entends répéter un principe que je trouve extrêmement juste, mais dont on semble bien peu disposé à faire l'application ; j'entends répéter sacs cesse : Pour que l'administration marche bien, ayez un personnel peu nombreux, mas payez bien ce personnel. N'est-ce pas là le principe qui se trouve dans toutes les bouches? Eh bien, quel sera le premier acte de la législature? Ce sera de maintenir le personnel du premier corps dont nous avons à nous occuper, de maintenir ce personnel tel qu'il est sans avoir examiné s'il n'est pas trop nombreux et de réduire ses appointements sans avoir reconnu qu'ils sont trop élevés. Si c'est ainsi que vous comptez marcher, au lieu de renforcer l'organisation des diverses administrations, au lieu de faire des économies utiles, vous désorganiserez, vous décréterez des économies qui auront pour le pays de très fâcheux résultats.
J'appuie donc et j'appuie de tout mon pouvoir le renvoi de la proposition de M. Delfosse aux sections. Dans les sections nous examinerons si une économie est possible sur le chiffre des appointements du personnel de la cour des comptes ; nous verrous alors s'il ne vaut pas mieux diminuer le personnel que de réduire les appointements et quand la législature (j'entends par la législature, la chambre et le sénat, je m'explique catégoriquement, car je n’aime pas plus que M. Delfosse les moyens détournés), quand la législature aura révisé la loi organique, alors le budget appliquera la loi ainsi modifiée. Voilà comment nous devons procéder pour agir régulièrement.
Messieurs, je pourrais concevoir que, par exception, dans des circonstances extraordinaires, on portât au budget des voies et moyens une retenue plus ou moins forte sur les appointements des fonctionnaires convenablement rétribués. C'est ainsi que nous en avens agi tout récemment ; il est des traitements sur lesquels nous avons opéré jusqu'à 25 p. c. de retenue. Eh bien, je pourrais concevoir, quand nous en viendrons au budget des voies et moyens, qu'un membre proposât une retenue sur tous les appointements s'élevant à un chiffre à déterminer, retenue même qui pourrait être progressive; j'admettrais peut-être cela; la décision de la chambre alors n'aurait de portée que pour un an; mais je le répète, et c'est la doctrine que je professe depuis 18 ans, que j'ai toujours maintenue et qui a triomphé de toutes les épreuves, la chambre ne peut point, par un simple article de budget, réformer une loi organique.
- La clôture est demandée.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) (contre la clôture). - Messieurs, je crois la question trop importante pour qu'on puisse prononcer la clôture en ce moment. Ainsi qu'un l'a dit tout à l'heure, il s'agit de décider dès le principe, dans quelle voie la chambre entend entrer. Je crois que la voie qu'on propose est une voie périlleuse, contre laquelle nous devons prémunir la chambre. Si la clôture doit être suivie du rejet de la proposition de M. Delfosse, je n'y vois pas d'inconvénient; cependant je pense que nous n'avons rien à perdre, d'aucun côté, à nous éclairer sur cette importante question. Je me propose de présenter quelques observations, et je me prononce par conséquent contre la clôture.
- La clôture est mise aux voix; elle n'est pas prononcée.
M. de Mérode. - Messieurs, la Constitution est un composé de différentes dispositions. Ces dispositions doivent être interprétées dans un sens de respect réciproque, de ménagement mutuel. Le vote du budget est une formalité très importante à remplir chaque année, mais elle ne peut pas absorber toutes les autres. La loi est une forme qui constitue pour les citoyens la plus sérieuse des garanties. Or, on vous propose de passer sous jambe un article de loi longuement et mûrement discuté. Pour éviter de pareilles manières d'appliquer les dispositions légales en fait de traitements, il eût mieux valu que le quantum des appointements des magistrats fussent fixés chaque année en raison des circonstances, et pratiquer à leur égard ce qui se fait pour la nourriture des chevaux de l'année, dont les fourrages sont portés au budget pour une somme plus ou moins grande selon que les récoltes ont été plus ou moins abondantes. Mais tant que ces traitements seront réglés par la loi, ii me sera impossible de les réduire comme si la loi n'existait point.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Messieurs, j'ai dit qu'il est bon de se fixer, dès l'ouverture de ces débats, sur la voie dans laquelle on veut nous entraîner ; j'ai ajouté que cette voie est dangereuse, et je ne crois pas avoir été trop loin.
Messieurs, dans quel but des lois ont-elles fixé certains traitements?
Est-ce pour consacrer d'une manière définitive certaines faveurs au profit d'une catégorie de fonctionnaires? ou est-ce garantir le trésor contre les prodigalités du gouvernement, qui pourraient augmenter outre mesure les traitements des fonctionnaires ? Je crois, messieurs, que, lorsque la législature a décidé que les traitements de certaines fonctions seraient fixés par la loi, elle a eu tout autant en vue et plus en vue, peut-être, de mettre un frein aux prodigalités gouvernementales, que d'assurer un sort brillant aux fonctionnaires. C'est ainsi, messieurs, que déjà, à plusieurs reprises, il a été question, dans cette enceinte, de proposer de fixer par la loi les traitements des fonctionnaires de l'ordre administratif.
On trouvait que les ministres ne mettaient pas assez de mesure dans la fixation des traitements des employés de leurs ministères, et la proposition a été faite dans cette enceinte, de fixer à l'avenir, par une loi permanente, les traitements des fonctionnaires de l'ordre administratif. Etait-ce dans le but de favoriser les traitements élevés? Eh non, messieurs, c'était dans le but d'apporter une limite aux traitements que l'on trouvait quelquefois trop élevés alors qu'ils étaient fixés par les ministres.
Ainsi, messieurs, au point de vue des contribuables, au point de vue des finances du pays, nous croyons qu'il y a intérêt à ce qu'un certain nombre de traitements soient limités par la loi.
Si l'on devait suivre à la lettre l'argumentation de l'honorable M. Delfosse, qui vient dire que les fonctionnaires peuvent bien subir cette année une certaine réduction attendu que les denrées sont bon compte; si l'on devait suivre cette argumentation pour diminuer, dans ces circonstances les traitements, ne voyez-vous pas que dans d'autres circonstances, lorsque les objets de consommation sont à des prix plus élevés, il faudrait demander aussi au budget des augmentations de traitements? Il n'en est pas ainsi, messieurs; on a voulu, pour les traitements de certains fonctionnaires, une base fixe et permanente en établissant une moyenne où les bonnes et les mauvaises années viendraient se compenser.
Messieurs, prenons-y garde! Si à l'occasion de l'un ou de l'autre article du budget la chambre juge à propos (je ne conteste pas son droit, elle a le droit de tout faire, même des imprudences, même de porter préjudice à la chose publique), mais si à propos de la loi de budget la chambre juge convenable de réviser notre législation, il n'est plus une seule de nos lois qui ne se trouve soumise à l'instabilité; car chaque article du budget se rapportant à une loi spéciale, vous pouvez à l'occasion de chacun de ces articles bouleverser toute notre législation.
(page 89) Ce n'est pas seulement pour les membres de la cour des comptes (et cette catégorie de fonctionnaires concerne bien plus la chambre que le gouvernement) que vous pourriez renverser une loi permanente par la loi annale du budget; on a cité les traitements des membres de l'ordre judiciaire; les traitements des professeurs des universités sont aussi fixés par la loi; allez-vous, à l'article: « Universités » réduire les traitements des professeurs ordinaires de 5,000 à 4,003 fr., et des professeurs extraordinaires de 3,000 à 4,000 fr., sous prétexte que les objets de consommation sont à meilleur compte ? Vous avez réglé par la loi le traitement des vicaires. Allez-vous aussi, à l'article : « culte catholique » réduire ces traitements ?
Non, messieurs, vous ne le ferez pas. Il y aurait là une source d'économie. Mais voyez où vous allez. Vous allez tout droit à la désorganisation, et nous ne pouvons pas, nous, admettre que la chambre entre dans cette voie. (Interruption.)
Chacun des membres de cette chambre a le droit d'initiative; chaque jour, chacun de vous a parfaitement le droit de proposer l'abrogation de telle loi qui lui déplaît. Certainement, je n'ai pas l'intention de contester un droit aussi formel. Mais nous soutenons que les lois doivent se défaire de la même manière qu'elles se font. Sous ce rapport, le règlement a introduit des formes salutaires qu'il faut respecter. Dans la supposition que nous n'eussions pas discuté le budget de la cour des comptes, que la discussion de ce budget eût encore été retardée d'un mois, l'honorable M. Delfosse, croyant que le traitement des membres de la cour des comptes est trop élevé, aurait pu dès aujourd'hui poser de réduire ce traitement, comment aurait-on procédé ?
L'honorable membre eût déposé une proposition, cette proposition eût dû être appuyée et prise en considération; cette proposition, prise en considération, eût été renvoyée aux sections.
Voilà, messieurs, les formes salutaires, les formes garantissantes que le règlement a établies avec raison pour le cas où il s'agit d'introduire des lois nouvelles ou de détruire des lois existantes. Nous croyons que ces formes tutélaires doivent être suivies, nous croyons que dès le principe, il faut que la chambre prenne un parti net et décisif sur le système qu'elle entend suivre à l'occasion de la discussion des budgets.
Nous pensons qu'il y aurait danger à ce qu'on vînt, à chaque article du budget, improviser des modifications à une législation existante. Sans doute, nous ne considérons pas toutes nos lois comme parfaites, plusieurs appellent des réformes; mais nous croyons que ces réformes, pour être acceptées par le pays, doivent être faites, en suivant les formalités prudentes que voire règlement lui-même vous a imposées.
Je ne dirai maintenant qu'un mot sur le fond. L'honorable M. Delfosse propose de réduire les traitements des membres de la cour des comptes, ne fût-ce que pour un an, à raison des circonstances; mais l'honorable membre perd de vue que déjà les traitements des membres de la cour des comptes sont assujettis à une retenue, à raison même des circonstances ; que cette retenue temporaire durera encore cinq mois de l'année prochaine.
L'honorable membre perd également de vue qu'en vertu de la nouvelle loi sur les pensions, proposée par M. le ministre des finances, les traitements des fonctionnaires vont être soumis à une retenue nouvelle, à raison des pensions dont ces fonctionnaires peuvent être appelés à jouir.
L'honorable M. Delfosse a demandé que la chambre suspende le vote de l'article jusqu'à ce que les sections se soient prononcées sur sa proposition. Je crois que cette proposition est inadmissible. Nous ne savons pas quand les sections auront fini l'examen de la proposition de l'honorable M. Delfosse; on a déterminé l'ordre des travaux des sections; je veux croire que la proposition de l'honorable M. Delfosse n'entraînera pas de longs débats dans les sections; cependant elle viendra interrompre, d'une manière peu opportune, l'ordre qui a été fixé pour les travaux.
Ensuite, si le système de l'honorable M. Delfosse est adopté, il n'y a pas de raison pour qu'on n'introduise pas aussi une modification dans la loi qui fixe les traitements des membres de l’ordre judiciaire; car du moment où vous touchez aux traitements de la cour des comptes, portés à 7,000 fr., d'autres pourront trouver alors que les traitements des membres de la cour de cassation, ainsi que ceux des membres des cours d'appel, sont trop élevés; des propositions de réductions surgiront ; il faudra que ces propositions soient renvoyées aux sections, et que, par suite, vous suspendiez le vote des articles du budget jusqu'à ce que les sections se soient prononcées sur toutes ces propositions. Cette marche n'est pas admissible.
Il n'y a pas d'inconvénient à voter le chiffre. De ce qu'un chiffre est au budget, il ne s'ensuit pas qu'il doive être dépensé. Si l'honorable M. Delfosse obtient succès pour sa proposition, il s'ensuivra que le chiffre, pour 1849, ne sera pas tout entier dépensé; si même la proposition est convertie en loi assez à temps pour pouvoir être appliquée à partir du 1er janvier prochain, vous pourrez revenir sur votre vote; mais ne suspendez pas l'adoption de cet article, et par suite l'adoption du budget tout entier des dotations.
M. le président. - Voici quatre propositions qui ont été déposées=
« Je propose le renvoi de ('amendement de M. Delfosse aux sections. » (Signé : de Man d'Attenrode.)
« J'ai l'honneur de demander le renvoi immédiat aux sections de la proposition de M. Delfosse; jusqu'à la présentation du rapport de la section centrale, le vote sur l'article 4 du budget des dotations étant réservé. » (Signé : de Perceval.)
« Je propose le renvoi de la proposition de M. Delfosse aux sections, avec invitation de s'en occuper le plus tôt possible; et comme conséquence, je propose de suspendre le vote sur l'article 4. » (Signé : de Luesemans.)
« Je propose que l'article 4 soit renvoyé aux sections, avec la proposition de M. Delfosse qui s'y rattache. » (Signé; Toussaint.)
M. Deliége. - Messieurs, je serai très court. La chambre doit être fatiguée de ce long débat. C'est pour appuyer le renvoi aux sections que j'ai pris la parole. Ce débat a été long, il nous a éclairés sans doute, mais pas assez cependant pour que nous puissions décider immédiatement une importante question, une question qui touche aux prérogatives de la chambre.
Une de nos plus précieuses prérogatives, messieurs, c'est celle qui consiste à voter les dépenses de l'Etat. Pouvons-nous aujourd'hui lier les législatures à venir en faisant des lois comme celle dont il est question en ce moment? Je ne le crois pas ; je crois que nous devons nous demander avant tout si nous sommes liés par une disposition du pacte fondamental. ; L'argument, tiré de la magistrature, me touche peu, parce que l'article 102 de la Constitution porte que les traitements de la magistrature doivent être fixés par une loi ; ta même disposition n'existe pas pour la cour des comptes.
La chambre est donc entièrement libre; rien ne s'oppose à ce qu'elle use de sa prérogative.
Je répète, messieurs, que la question est assez importante, comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, pour être mûrement examinée, et je demande, en conséquence, que, sans rien préjuger et sans voter le chiffre qui sera tenu en suspens, la chambre veuille ordonner le renvoi de la proposition aux sections.
- La discussion est close.
M. Toussaint et M. de Luesemans déclarent se rallier à l'amendement de M. de Perceval.
M. le président. - Restent donc les propositions de MM. de Man et de Perceval, qui sont à peu près les mêmes.
M. Delfosse ; - La proposition de M. de Man diffère des autres propositions en deux points : elle ne porte ni l'examen immédiat en sections ni la suspension du vote de l'article.
M. de Man d'Attenrode. - Nous sommes placés entre deux opinions; la mienne est qu'on ne peut pas modifier une loi par une proposition incidente faite à propos d'un budget. C'est pour cela que je demande le renvoi de la proposition aux sections. Je trouve, dans la manière dont M. Perceval a formulé sa demande de renvoi, quelque chose d'inusité, quelque chose qui n'est pas dans nos usages parlementaires.
M. H. de Brouckere. - Nous sommes tous d'accord quant au renvoi aux sections; probablement il sera prononcé à l'unanimité. Que les sections s'en occupent plus tôt ou plus tard, cela n'importe guère; le mot « immédiatement » ne change rien ; la question est de savoir si l'article restera en suspens ; c'est là le seul point qui nous divise.
M. Dumortier. - Du moment que vous renvoyez la proposition aux sections, vous devez tenir l'article en suspens, c'est de droit. (Non ! non !)
- Le renvoi aux sections est mis aux voix et ordonné.
M. le président. - Maintenant je vais mettre aux voix la question de savoir si l'article doit être tenu en surséance.
- Plusieurs voix. - L'appel nominal !
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je pensais que cette deuxième question était réservée pour la discussion. C'est une deuxième proposition faite par M. Delfosse. J'en ai dit deux mots tout à l'heure, mais je croyais que la discussion aurait continué sur cette question.
M. Delfosse. - Voilà deux heures qu'on discute sur la proposition et les amendements ; la discussion est close.
- La chambre, consultée, maintient la clôture.
Il est procède au vote par appel nominal.
70 membres répondent à l'appel;
37 membres disent oui;
33 membres disent non.
En conséquence la chambre décide que l'article sera tenu en surséance.
Ont répondu oui : MM. Clep, Coomans, David, de Breyne, de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Haerne, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Perceval, de Pilleurs, de Renesse, Dumortier, Jullien, Julliot, Lange, le Bailly de Tilleghem, Lesoinne, Moreau, Moxhon, Pierre, Pirmez, Rodenbach, Sinave, Tesch, Thiéfry, Toussaint, Troye, Vanden Berghe de Binckum, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Anciaux et Boedt.
(page 90) Ont répondu non : MM. Cools, de Baillet (Hyacinthe), de Baillet-Latour, H. de Brouckere, Delescluze, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode, de Pouhon, Destriveaux, de T'Serclaes, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus, Dumont, Frère-Orban, Jouret, Lebeau, Mercier, Orts, Prévinaire, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Thibaut, T'Kint de Naeyer, van Cleemputte, Van Hoorebeke, Allard, Cans et Verhaegen.
« Art. 5. Traitement du personnel des bureaux : fr. 81,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Matériel et dépenses diverses : fr. 16,900. »
- Adopté.
« Art. 7. Pensions : fr. 4,000. »
M. le président. - Il n'y aura lieu de voter sur l'ensemble du budget qu'après que le sénat nous aura fait connaître le chiffre de son budget et que rapport aura été fait sur la proposition de M. Delfosse.
Vous avez fixé à lundi la discussion du budget de la dette publique. Mais, malgré tout le zèle que l'imprimeur a mis à son travail, il nous a fait annoncer qu'il lui serait impossible, à cause des annexes qui sont très longues, de terminer avant demain soir.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demande que M. le président veuille bien mettre, le plus tôt possible, à l’ordre du jour des sections, la proposition de l'honorable M. Delfosse. Car nous ne pouvons voter le budget avec un article en blanc. Le vote sur l'ensemble doit être suspendu. 11 importe, dans l'intérêt des travaux de la chambre, que les sections s'occupent sans désemparer de la proposition de l'honorable Delfosse, ainsi que du toute autre proposition qui serait renvoyée aux sections avec la destination qu'a celle de cet honorable membre.
M. de Perceval. - J'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre la proposition qu'elle vient d'adopter. J'avais demandé le renvoi immédiat de l'amendement de l'honorable M. Delfosse aux sections, parce que je prévoyais que le service public pourrait souffrir d'un retard. M. le ministre de l'intérieur réclame aussi le renvoi immédiat. Le bureau a peut-être jugé convenable de ne pas insister sur le mot « immédiat » que portait la rédaction de ma proposition.
M. le président. - Je prie l'honorable membre de ne pas croire que le bureau a omis un mot quelconque de sa proposition. Si le bureau en avait agi ainsi, il aurait posé un acte inqualifiable.
M. de Perceval. - Par ma proposition je demandais formellement le renvoi immédiat.
M. H. de Brouckere. - Je ferai remarquer, en réponse à ce que vient de dire l'honorable M.de Perceval, qu'aucun amendement n'a été adopté. On a posé des questions de principe. On a dit : Y aura-t-il renvoi aux sections? Y aurait-il suspension du vote de l'article? C’est sur ces questions de principe que la chambre s'est prononcée.
M. de Luesemans. - Les sections pourraient se réunir ce soir pour examiner la proposition de l'honorable M. Delfosse, et le rapport pourrait être fait lundi. Je crois qu'il n'y a rien de plus immédiat que cela.
M. Delfosse. - Je désire que l'examen de ma proposition ait lieu le plus tôt possible. Je dois cependant faire remarquer qu'il n'y a pas autant d'urgence qu'on semble le croire, puisqu'un autre article, celui qui concerne le sénat, a aussi été tenu en suspens et ne pourra être voté qu'après que le sénat en aura fixé le chiffre.
M. le président. - Il y a un moyen de tout concilier. Il n'y a rien à l'ordre du jour de lundi. On pourra convoquer les sections lundi et fixer pour premier objet à l'ordre du jour l'examen de la proposition de M. Delfosse.
M. Delfosse. - S'il ne doit pas y avoir de séance publique lundi, il serait préférable qu'une proposition aussi importante ne fît l'objet de l'examen en sections que mardi ; beaucoup de membres ne reviendront probablement que ce jour-là.
M. le président. - Je ne puis croire que parce qu'il n’y aurait pas séance, on ne voudrait pas travailler en sections.
Il est impossible d'avoir une séance publique, lorsqu'il n'y a rien à l'ordre du jour. Les sections, du reste, ont déjà fait beaucoup de besogne; les travaux des sections centrales sont très avancés.
Je propose donc d'avoir réunion en sections lundi et de mettre en premier lieu à l'ordre du jour l'examen de la proposition de M. Delfosse. Tous les membres seront suffisamment informés que cet objet sera le premier dont les sections s'occuperont.
- La proposition de M. le président est adoptée.
La séance est levée à 4 heures trois quarts.