Séance du 17 novembre 1848
(Annales parlementaires de Belgique, session 1848-1849)
(Présidence de M. Verhaegen.)
(page 51) M. de Luesemans procède à l'appel nominal à trois heures et un quart.
M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Luesemans fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Les habitants de la section de Charneux, commune de Harsin, réclament l'intervention de la chambre pour faire rapporter l'ordonnance qui, les détachant de la paroisse de Roy, les a réunis à la cure de Chavanne. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Quelques habitants de Bruxelles prient la chambre de rejeter le projet de loi qui réduit le nombre des membres de la députation permanente du conseil provincial et demandent la suppression des commissaires d'arrondissement et les élections générales au chef-lieu de canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
M. Delehaye (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'ordre du jour appelle, en premier lieu, la discussion de projets de loi de naturalisation ordinaire. Il s'agit de demandes adressées à la chambre et prises en considération dans les précédentes sessions. La chambre ayant été renouvelée pour la moitié de ses membres, il en résulte qu'un grand nombre d'entre vous n'ont pas pris part au vote sur la prise en considération, et ne connaissent pas les motifs qui ont engagé la chambre à admettre ces demandes.
Plusieurs des membres nouveaux m'ont demandé de leur fournir des renseignements sur ce point. Mais vous comprenez qu'il est très difficile de donner en séance publique des renseignements sur des noms propres et qu'une discussion de cette nature peut entraîner de graves inconvénients.
(page 52) Pour que nous puissions bien traiter cette question et donner les renseignements désirés, je demanderai conformément à l'article 33 de la Constitution et avec l'appui de dix membres de l'assemblée, que la chambre se forme en comité secret pour discuter les projets de naturalisation.
Vous comprenez qu'il n'est pas nécessaire que la chambre se forme immédiatement en comité secret. Je demanderai qu'on discute d'abord les deux autres projets qui figurent à la suite de l'ordre du jour ; lorsque nous aurons voté sur ce projet, nous nous formerons en comité secret.
- La demande de M. Delehaye est appuyée par dix membres.
La chambre décide qu'elle se formera en comité secret et qu'elle discutera d'abord le projet de loi relatif à la prorogation de la loi sur les primes pour construction de navires et le projet de loi relatif à l'augmentation du nombre des notaires à Bruxelles.
M. le président. - En vertu du règlement, la chambre peut admettre son greffier au comité secret. Je consulte la chambre sur la question de savoir si M. le greffier assistera au comité secret qui vient d'être décidé.
La chambre décide que M. le greffier assistera au comité secret.
M. le président. - Une proposition émanée de l'initiative d'un membre de la chambre a été déposée sur le bureau; elle sera renvoyée aux sections pour savoir si elles en autorisent la lecture.
La discussion est ouverte sur l'ensemble du projet de loi dont la section centrale propose l'adoption.
M. Jullien. - Quelques explications de la part de M. le ministre de la justice me paraissent nécessaires pour éclairer la religion de la chambre sur la portée du vote qu'elle est appelée à émettre.
Le gouvernement nous demande la création de dix nouvelles places de notaires dans la capitale, au moment où l'on élabore un projet de loi de réforme à introduire dans la loi du 25 ventôse an XI, au moment où l'existence des ressorts organisés par cette loi est remise en question, au moment où, si les renseignements qui m'ont été fournis sont exacts, la commission instituée par M. le ministre de la justice vient d'arrêter en principe l'unité de ressort cantonal, avec suppression du privilège dont jouissent les notaires d'arrondissement et du chef-lieu de la cour d'appel.
A l'appui du projet de loi, l'on invoque l'accroissement de la population, l'augmentation et la centralisation des affaires dans la capitale, et l'on allègue que les notaires de Bruxelles, mus par un louable désintéressement, donnent leur assentiment à la loi.
Dans cette situation, je crois devoir faire une interpellation, afin de ne pas engager le vote de la chambre, afin d'enlever, s'il est possible, au projet de loi le cachet d'arrière-pensée dont quelques personnes pourraient le croire empreint, afin surtout que les notaires de Bruxelles ne puissent pas plus tard se faire une arme de la loi que nous aurons votée, et soutenir qu'ils sont fondés à conserver leur ressort actuel, parce que leur nombre se serait accru de moitié.
Je prierai pour ma part M. le ministre de la justice de vouloir bien (page 53) dire si le nombre d'affaires qui se traitent actuellement dans la capitale est assez important pour justifier l'augmentation du nombre des notaires, dans la supposition même où leur ressort serait restreint au canton dont la ville de Bruxelles se compose.
Je demanderai aussi à M. le ministre de la justice de vouloir dire s'il pourvoira immédiatement aux dix nouvelles places, ou si au contraire il n'y sera pourvu que partiellement; et si le gouvernement croira devoir attendre que la législature soit définitivement fixée sur la question du ressort qui est soumise à la commission chargée de l'examen des modifications proposées à la loi du 25 ventôse an XI.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je puis donner l'assurance à la chambre que le projet qui vous est présenté n'est empreint d'aucun cachet d'arrière-pensée. Il est le résultat d'une nécessité bien démontrée et il a été provoqué par les notaires mêmes de Bruxelles qui seraient les plus intéressés à en contester l'utilité, si cette utilité était réellement contestable.
Je puis également donner l'assurance à la chambre que ce projet ne retardera en aucune manière la présentation du projet général de révision de -la loi du 28 ventôse an XI. La chambre sait que ce projet est maintenant soumis à une commission qui a été instituée par arrêté royal et qui s'en occupe très activement. Cette commission est même assemblée en ce moment au département de la justice. J'espère qu'elle pourra me remettre son travail dans le courant du mois prochain ou au plus tard avant la fin de cette année. Ce travail sera immédiatement examiné et le projet définitif préparé pour être présenté à la chambre, au moins j'en ai l'espoir, avant qu'elle ait terminé l'examen de tous les budgets.
Mais, messieurs, la chambre pourra-t-elle s'occuper de ce projet dans le cours de la présente session? Pour mon compte je le désire beaucoup; mais je doute que cela soit possible. La chambre est saisie, vous le savez, de projets très importants. Elle a non seulement les budgets de 1849 à examiner et à discuter; mais elle aura peu de temps après ceux de 1850. Il lui a été présenté des projets de lois financières d'une grande importance , elle est saisie d'un projet de loi sur la réforme du régime hypothécaire. Dans quelques jours, je compte lui présenter un projet de révision de la loi sur les faillites et les sursis. Il est possible qu'au milieu de ces nombreux travaux, la chambre juge que la loi organique du notariat n'est pas d'une telle urgence qu'elle ne puisse l'ajournera la session suivante.
C'est dans la prévision de cette éventualité que j'ai cru nécessaire de présenter le projet de loi qui porte de 20 à 30 le nombre des notaires de Bruxelles, et qui fera sortir le notariat de la capitale de la position exceptionnelle dans laquelle il se trouve depuis un grand nombre d'années. Car depuis quinze ans cette augmentation est réclamée, et si un projet de loi spécial n'a pas été présenté à la chambre, c'est qu'elle était saisie d'un projet général sur l'organisation du notariat, projet que l'on espérait toujours pouvoir voter et qui était toujours remis d'une session à l'autre.
L'honorable M. Jullien m'a demandé si, en supposant qu'on admît dans la loi organique, le ressort cantonal pour lequel il dit que la majorité de la commission s'est prononcée, ce que j'ignore jusqu'ici, je croyais que le nombre des notaires de Bruxelles pourrait rester le même.
Je crois, messieurs, que quelque système que l'on adopte, le nombre des notaires ne peut être à Bruxelles au-dessous de 30. La population de la capitale et le nombre des transactions qui s'y opèrent se sont tellement accrues qu'il est impossible que le personnel du notariat de Bruxelles reste composé de 20 notaires seulement, alors qu'il y a 50 ans, il y en avait 40, bien que la population de Bruxelles ne fût alors que la moitié de ce qu'elle est aujourd'hui.
Quant aux actes, le nombre de ceux que font les vingt notaires de Bruxelles est, chaque année, de sept à huit mille. Ces actes sont d'une importance considérable. Vous pourrez l'apprécier lorsque vous saurez que les actes soumis aux droits proportionnels payent en moyenne 313 fr. 71 c, par acte, c'est-à-dire, quatre fois plus environ, que la moyenne de tous les actes passés dans le ressort de la cour d'appel de Bruxelles, cinq fois plus que la moyenne de tous les actes passés dans le ressort de la cour d'appel de Gand et six fois plus que la moyenne de tous les actes passés dans le ressort de la cour d'appel de Liège.
Vous voyez donc, messieurs, qu'il est impossible que le nombre des notaires ne soit pas considérablement augmenté à Bruxelles ; je crois même que la loi organique devra en élever le chiffre au-delà de celui que nous proposons aujourd'hui.
L'honorable M. Jullien a demandé s'il serait pourvu immédiatement aux dix places de notaire qui devront être créés en vertu de la loi actuelle. Je crois devoir lui dire que si la loi est acceptée par les deux chambres, il est dans l'intention du gouvernement de pourvoir à ces places. Il y a un grand nombre de candidats qui les sollicitent, qui attendent depuis longtemps leur nomination, et parmi lesquels il y a des hommes de capacité et de talent, qui ont bien mérité d'entrer dans la carrière du notariat.
- La discussion est close.
L'article unique du projet est ainsi conçu :
« Article unique. Par dérogation à l'article 31 de la loi du 25 ventôse an XI, le nombre des notaires de résidence à Bruxelles, pourra être porté à trente. »
Il est procédé au vote, par appel nominal, sur ce projet ; il est adopté à l'unanimité des 81 membres présents.
Ces membres sont : MM. Dumortier, Faignart; Frère-Orban, Gilson, Jacques, Jouret, Jullien, Julliot, Lange, Le Bailly de Tilleghem, Lebeau, Le Hon, Lesoinne, Liefmans, Manilius, Mascart, Mercier, Moncheur, Moreau, Moxhon, Peers, Pirmez, Prévinaire, Reyntjens, Rodenbach, Rogier, Rolin, Rousselle, Schumacher, Sinave, Tesch, Thibaut, Thiéfry, T'Kint de Naeyer, Troye, Van den Berghe de Binckum, Van den Branden de Reeth, Vandenpeereboom (Alphonse), Vandenpeereboom (Ernest), Van Iseghem, Van Renynghe, Vermeire, Veydt, Allard, Ansiau, Anspach, Boedt, Boulez, Bruneau, Cans, Christiaens, Clep, Cools, Coomans, Cumont, Dautrebande, David, de Baillet (Hyacinthe) de Bocarmé, Debourdeaud'huy, de Breyne, de Brouckere (Henri), de Brouwer de Hogendorp, Debroux, de Haerne, Delehaye, Delescluse, Delfosse, Deliége, de Luesemans, de Man d'Attenrode, de Meester, de Perceval, de Pitteurs, de Pouhon, de Royer, de Theux, de T'Serclaes, Devaux, d'Hoffschmidt, Dubus et Verhaegen.
La chambre se forme en comité secret à 4 heures.
Elle se sépare à cinq heures.