(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1101) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier. La rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Victor Guibert, étudiant à l'université de Liège, demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
« Le sieur Decarpentries, candidat notaire à Tournay, demande des modifications à la loi sur l'expropriation. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Maîtrejean prie la chambre de s'occuper du projet de loi qui modifie les tarifs en matière civile. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Le sieur Bona propose une modification au projet de loi sur l’emprunt en faveur des bureaux de bienfaisance.
« Le sieur Lecouturîer présente des observations sur ce projet de loi. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
« Plusieurs habitants de Bassilly demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. «
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport sur les pétitions de même nature.
« Le sieur Molitor présente des observations contre le projet de loi relatif à l'emprunt.
« Mêmes observations de plusieurs habitants d'Enghien, de Ninove et de plusieurs commerçants, industriels et boutiquiers, à Gand. »
M. Delehaye. - Je proposerai, vu l'urgence, que les pétitions dont on vient de faire l'analyse soient renvoyées à la section centrale, qui sera chargée d'examiner le projet de loi d'emprunt, et qu'elles soient ensuite déposées sur le bureau pendant la discussion de ce projet.
- Cette proposition est adoptée.
« Le sieur Dewevre demande l’exemption du payement de l'avance des huit douzièmes de la contribution foncière sur des immeubles qu'il possède à Bruxelles. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants d'Arlon demandent des voies de communication et des débouchés pour le Luxembourg, la réforme parlementaire et des économies dans les dépenses de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par message en date du 20 mars, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif au cours légal des billets de banque et à l'érection d'un comptoir d'escompte.
- Pris pour notification.
Les sections de mars se sont constituées ainsi qu'il suit :
Première section
Président : M. Malou
Vice-président : M. de Brouckere
Secrétaire : M. de Villegas
Rapporteur de pétitions : M. de Breyne
Deuxième section
Président : M. Lys
Vice-président : M. Vilain XIIII
Secrétaire : M. T’Kint de Naeyer
Rapporteur de pétitions : M. Zoude
Troisième section
Président : M. de Theux
Vice-président : M. Osy
Secrétaire : M. de T’Serclaes
Rapporteur de pétitions : M. Biebuyck
Quatrième section
Président : M. Rousselle
Vice-président : M. Jonet
Secrétaire : M. de Tornaco
Rapporteur de pétitions : M. de Denterghem
Cinquième section
Président : M. de Bonne
Vice-président : M. Dautrebande
Secrétaire : M. Du Roi de Blicquy
Rapporteur de pétitions : M. de Clippele
Sixième section
Président : M. Destriveaux
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Sigart
Rapporteur de pétitions : M. Lesoinne
(page 1102) M. Delfosse. - Un devoir impérieux de famille m'a retenu hier à Liège. Mais si j'avais su qu'un projet de loi aussi important que celui qui donne cours légal aux billets de banque et qui n'était pas à l'ordre du jour, serait présenté, examiné, discuté et voté en une seule séance, j'aurais tout quitté pour me rendre à mon poste. J'aurais eu quelques observations à soumettre à la chambre sur ce projet de loi.
M. Lejeune. - Messieurs, j'ai remarqué que l'on n'a pas mentionné dans les Annales parlementaires les noms des membres qui ont voté la loi que vous avez adoptée hier. Je ferai observer qu'il y a eu trois votes par appel nominal. On peut se reporter à l'appel nominal précédent, lorsque les membres présents sont les mêmes. Mais il y a eu entre les votes une différence du nombre des membres telle qu'il est impossible, le Moniteur à la main, de savoir qui a voté la loi. Je pense que c'est une simple omission qui pourra être redressée par le bureau.
M. le président. - Je ferai part de cette observation à MM. les questeurs pour qu'ils avisent.
M. le président. - La discussion générale continue.
M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, dans la séance d'hier, un seul orateur a présenté des observations critiques sur le projet de loi dont nous nous occupons, et encore ses observations n'avaient pas pour but de vous engager à rejeter le projet de loi contre lequel il a déclaré qu'il ne voterait pas lui-même, son intention n'étant que de s'abstenir. Les critiques de l'honorable membre ne tombent pas sur le projet de loi en lui-même. Il admet que ce projet introduit des modifications utiles, avantageuses dans notre système électoral. Mais il eût désiré que ces modifications eussent été plus larges, plus générales.
Déjà M. le ministre de l'intérieur a répondu à l'honorable M. Castiau. Je me permettrai d'ajouter quelques mots à cette réponse.
L'honorable orateur a eu raison, messieurs, lorsqu'il vous a dit que le projet de loi n'était qu'un corollaire, qu'une conséquence obligée de la loi du 12 mars dernier. Il n'a en effet pour but que de prévenir une anomalie, je dirais presque une absurdité. Car il serait absurde que la loi exigeât un cens plus élevé pour être électeur à la commune que pour être électeur aux chambres.
Mais, selon l'honorable membre, en détruisant une anomalie, nous en établirions une autre, et elle résulterait de ce que, d'après l'esprit de nos institutions, le cens communal doit nécessairement être plus bas que le cens électoral pour les chambres. Or, par le projet nous nivelons les deux cens, dans un certain nombre de communes. Messieurs, cette observation n'est pas sans fondement.
Il est très vrai que la loi aura pour effet de niveler le cens dans toutes les communes ayant une population de plus de 15,000 âmes, mais si cet inconvénient eût été grave, rien n'eût été plus facile que de le prévenir. Ainsi, dans le cas où on eût tenu à le faire disparaître, il eût été fort simple de faire descendre dans les communes ayant plus de 15,000 habitants, le cens communal, par exemple, à 35 fr. ; mais la section centrale a pensé, et je suis convaincu, messieurs, que vous partagez cet avis, elle a pensé que les avantages, plutôt apparents que réels, qui résulteraient d'une semblable mesure, que ces avantages ne sont pas de nature à pouvoir être préférés à ceux qui résulteront de la proposition qui vous est soumise.
En effet, messieurs, cette proposition a pour but de simplifier la formation des listes électorales et de prévenir un grand nombre de difficultés et de contestations judiciaires, puisque, s'il est admis, les listes électorales pour les chambres pourront également servir pour les communes.
L'honorable M. Castiau a encore prétendu que le projet de loi établirait une sorte d'injustice, qu'il romprait, détruirait l'économie de notre système électoral, et pourquoi ? Parce que, d'après nos lois, le cens communal, selon l'honorable M. Castiau, est essentiellement progressif et doit rester progressif, que ce cens s'élève en raison de la population des communes, et que le projet de loi fait cesser cette progression, cette proportion.
Messieurs, le cens est progressif, cela est vrai, mais cela n'est vrai que jusqu'à un certain point. Ainsi, d'après la législation actuelle, cette progression s'arrête aux villes ayant une population de 60,000 habitants. Mais toutes les villes dont la population atteint ou dépasse ce chiffre ont le même cens communal.
Il n'y a donc plus de progression dans le cens électoral pour les villes qui ont plus de 60,000 habitants, et vous savez que la capitale en compte plus de 100,000.
Eh bien, messieurs, que fera le projet de loi ? Il fera descendre un peu les chiffres où s'arrête la progression ; au lieu de s'arrêter au cens de 100 fr. et aux villes de 60,000 habitants, elle s'arrêtera au cens de 42 fr. 32 c. et aux villes de 15,000 habitants.
La section centrale a déjà reconnu et je viens ici le confirmer, elle a, reconnu que le système électoral des communes est susceptible de modifications beaucoup plus larges, plus importantes que celles que le projet de loi introduira. Mais, messieurs, c'est là une question d'opportunité et nous avons pensé que le moment n'était pas venu de modifier, d'une manière en quelque sorte radicale, le système électoral qui régit les communes.
D'abord, messieurs, pendant le cours de cette session et en bien peu de temps, nous aurons fait deux lois modifiant notre système électoral. L'une est une loi radicale ; c'est celle qui a baissé, autant que la Constitution le permet, le cens électoral pour les chambres ; l'autre aura pour effet, d'abord d'abaisser le cens électoral dans les grandes communes, et cette réduction sera de plus de moitié dans un certain nombre de villes ; en second lieu, de supprimer le cens d'éligibilité dans toutes les communes du royaume.
Je crois que ce sera avoir fait beaucoup dans une seule session. Il n'y a d'ailleurs aucune urgence à faire plus, puisque nous ne sommes pas à la veille d'un renouvellement des conseils communaux. Je ne sais donc pas pourquoi nous nous hâterions tant, ce n'est pas toujours en allant vite, qu'on atteint plus sûrement le but.
Mais il y a une autre raison, et, à mon avis, une raison majeure, péremptoire, pour que nous ne fassions pas plus que le projet de loi ne le comporte. Cette raison, je la puise dans la position spéciale et tout à fait précaire que nous avons faite à la loi du 12 mars 1848.
Nous ne sommes pas loin du moment où notre mandat à tous aura atteint son terme. Eh bien, quand une chambre est dans une semblable position, la prudence, les convenances même lui commandent de se montrer circonspecte et réservée : il ne faut pas qu'elle touche aux lois organiques, sans que la nécessité d'y toucher soit bien démontrée. La chambre qui viendra après nous verra si, après les modifications que nous avons fait subir à notre double système électoral et pour les chambres et pour la commune ; si, après ces modifications, il y en a de nouvelles à faire. Quant à nous, je crois que nous aurons rempli notre tâche, accompli notre devoir en décrétant les deux modifications que la section centrale vous a présentées et en n'allant pas plus loin.
M. Rodenbach. - Messieurs, la loi que nous discutons en ce moment est tout à fait à l'avantage des grandes villes et des villes moyennes ; mais elle est très défavorable aux communes rurales et aux petites villes. Il n'y a que l'inopportunité, comme vient de le dire l'honorable M. de Brouckere, qui puisse nous empêcher de redresser aujourd'hui cette inégalité. cette inégalité est frappante. Voici quelques chiffres : La petite ville de Roulers, qui a 11,000 habitants, continuera à payer 40 fr., tandis qu'une ville de 60,000, et même de 100,000 âmes, suivant l'amendement de la section centrale, ne payera que 42 fr. 52 c., c'est-à-dire 2 fr. 52 c. de plus que la petite ville.
Messieurs, il faut une prompte modification à la loi. Lorsqu'on entre dans la voie libérale, il faut être juste jusqu'au bout, il faut subir toutes les conséquences du système que l’on adopte.
Autre exemple de l'inégalité que je signale. Dans les communes de 5 à 10 mille âmes, on paye 30 fr. pour le cens électoral de la commune, tandis qu'on ne payera que 42 fr. 52 c. dans les villes de Bruges, Gand, Liège et Bruxelles ; cela me paraît absurde. Il est inutile d'en dire davantage ; mais je soutiens que cette loi doit être promptement révisée, et il y aurait iniquité à ne pas la redresser.
M. de Brouckere, rapporteur. - J'ai répondu d'avance à l'observation de l'honorable préopinant. D'ailleurs, il conclut lui-même en disant qu'aujourd'hui nous devons nous abstenir de faire plus que ne propose la section centrale. Permettez-moi de vous donner une dernière raison pour laquelle il y a impossibilité de faire subir au système électoral des communes une modification radicale : tous les renseignements nous manquent pour asseoir des calculs quels qu'ils soient. On croit avoir tout fait en avançant au hasard un chiffre quelconque. Mais quand on présente un chiffre, il faut qu'il soit justifié par des raisons et par des raisons concluantes. Hier, on a demandé à un honorable membre à quel chiffre il voudrait abaisser le cens, et je lui ai entendu dire à 20 fr. pour les villes et 10 francs pour les communes rurales.
Pourquoi ces chiffres plutôt que d'autres ? Quant à moi, je déclare que je ne suis pas partisan de ce système. Si nous voulions changer radicalement nos lois électorales, il faudrait adopter pour les communes un système analogue à celui décrété dernièrement pour les chambres, et prendre un cens uniforme. Je préférerais le cens de 15 fr. pour tout le royaume à ceux de 20 fr. pour les villes et de 18 fr. pour les communes rurales. Vous voyez que la question est très grave, et qu'il est impossible d'improviser une solution. Cette raison suffirait à elle seule pour que la chambre reconnaisse qu'il y a lieu de renvoyer cette question à une autre session.
- La discussion est close.
M. Delfosse remplace M. Liedts au fauteuil.
M. le président. - Le gouvernement se rallie au projet de la section centrale.
« Art. 1er. Le cens électoral pour la nomination des conseils communaux est réduit à fr. 42-52 (20 fi) dans les communes où il excède ce taux en vertu de l'article 7 de la loi du 30 mars 1836. »
M. Tielemans. - Dans les différentes lois que nous avons faites jusqu'à présent, pour modifier notre système communal, nous avons rédigé ces modifications de manière à les substituer, dans la loi communale, aux dispositions qu'il s'agissait de changer. Par ce moyen, la loi communale a continué de subsister comme loi unique, malgré les changements que nous y avons apportés. J'aurais voulu que le projet de loi qui nous est soumis eût été conçu dans le même système, et je propose à la chambre d'y rentrer, en modifiant la rédaction de l'article premier de la manière suivante :
« Le cens électoral pour la nomination des conseils communaux est réduit à 42 fr. 52 c. (20 fl.), dans les communes où il excède ce taux. (page 1103) En conséquence, les mots de 15 à 20 mille, etc., qui terminent l'article 7 de la loi du 30 mars 1836, sont supprimés et remplacés par ceux-ci : de 15 mille et au-dessus 42 fr. 32 c. »
Par suite de ce changement, il faudrait, à l'article 2, remplacer les mots «dans ces communes, » par ceux-ci : « dans ces dernières communes. »
M. de Brouckere, rapporteur. - Je ferai remarquer que l'amendement de l'honorable M. Tielemans ne change rien au sens de l'article. C'est une amélioration de rédaction. Je reconnais l'amélioration, et pour ma part, je l'adopte.
- L'amendement de M. Tielemans, auquel le gouvernement se rallie, est mis aux voix et adopté.
L'article premier est mis aux voix et adopté avec cet amendement.
« Art. 2. Dans ces communes, les listes électorales formées pour l'élection à la chambre des représentants serviront pour l'élection au conseil communal.
« Néanmoins tout habitant qui ne figurerait pas sur ces listes et qui aurait droit à être électeur communal, en vertu des articles 7, 8 et 10 de la loi du 30 mars 1836, pourra, en adressant sa réclamation dans le délai fixé par cette loi, se faire porter sur une liste supplémentaire. »
M. de La Coste. - Je ne proposerai pas d'amendement. Je laisserai à l'honorable rapporteur et à la chambre à juger du degré d'importance de l’observation que je crois devoir faire. Il me semble que le projet, en ce qui concerne ceux qui ne sont pas électeurs pour les chambres, s'écarte des dispositions de la loi communale d'une manière défavorable pour eux.
En effet, à ceux qui ont le droit d'élire les membres des chambres, il faut ajouter d'autres personnes qui sont indiquées à l'article 8 de la loi communale.
De ce nombre sont les fils de veuves délégués par celles-ci. Je conçois que ceux-là devant être désignés, on leur demande de se faire connaître, Mais il y a en outre les fermiers qui complètent le cens au moyen du tiers de la contribution foncière. Or ceux-ci me paraissent avoir le droit d'être portés d'office sur les listes, en vertu des articles 13 et 14. Suivant ces articles les listes sont formées d'office d'après le rôle du receveur des contributions. La liste est donc faite sans l'intervention même des individus.
Il n'y a que ceux qui seraient omis qui doivent prendre le parti de réclamer. Mais en principe, l'administration communale doit porter sur les listes tous ceux qui ont droit à y être portés, non seulement ceux qui sont électeurs pour les chambres ou qui forment leur cens au moyen des contributions qu'ils payent de leur propre chef, mais aussi ceux qui ne doivent être portés sur ces listes que d'après les contributions qu'ils payent à titre de fermiers. Il me semble que l'on crée pour ces derniers une inégalité de position qui n'est pas dans le système de la loi.
M. de Brouckere, rapporteur. - Messieurs, l'honorable M. de La Coste ne présente pas d'amendement et je crois, en effet, que le projet pourrait rester tel qu'il est, sans qu'il donnât lieu à des inconvénients sérieux. Si cependant l'honorable membre insistait, il serait facile de changer la rédaction de l’article, de manière à lui donner pleine satisfaction. Il suffirait de le formuler de la manière suivante : « Néanmoins tout habitant qui ne figurerait pas sur ces listes et qui aurait droit à être électeur communal, en vertu des articles 7, 8 et 10 de la loi du 30 mars 1836, sera parlé sur une liste supplémentaire soit d'office soit en adressant sa réclamation dans le délai fixé par cette loi. »
Si cette rédaction satisfait l'honorable M. de La Coste, je crois qu'elle peut être adoptée par la chambre.
M. de La Coste. - Je me rallie à cette rédaction.
M. de Brouckere. - En ce cas j'en fais la proposition.
- L'article amendé, comme le propose M. de Brouckere, est mis aux voix et adopté.
«Art. 3. L'article 47 de la loi du 30 mars 1836 est abrogé et remplacé par la disposition suivante :
« Pour être éligible, il faut :
« 1° Etre Belge par la naissance ou la naturalisation ;
« 2° Etre âgé de vingt-cinq ans accomplis ;
« 3° Avoir son domicile réel dans la commune, au moins depuis le ler janvier de l'année dans laquelle se fait l'élection.
« Dans les communes ayant moins de mille habitants, un tiers au plus des membres du conseil peut être pris parmi les citoyens domiciliés dans une autre commune, pourvu qu'ils satisfassent aux deux premières conditions d'éligibilité.
« Nul ne peut être membre de deux conseils communaux. »
M. Tielemans. - Messieurs, d'après l'article 7 de la loi communale, les conditions requises pour l'éligibilité sont d'être âgés de 25 ans accomplis et de réunir en outre les qualités voulues pour être électeur dans la commune. Par conséquent, les exclusions prononcées contre les électeurs sont également prononcées par la loi communale contre les éligibles. Ces exclusions sont mentionnées dans l'article 12, qui porte :
« Ne peuvent être électeurs, ni en exercer les droits, les condamnés à des peines afflictives ou infamantes, ceux qui sont en état de faillite déclarée ou d'interdiction judiciaire, ou qui ont fait cession de leurs biens, aussi longtemps qu'ils n'ont pas payé intégralement leurs créanciers ; les condamnés pour vol, escroquerie, abus de confiance ou attentat aux mœurs ; les individus notoirement connus comme tenant maison de débauche ou de prostitution. »
Il est évident que c'est par inadvertance que l'article 3 du projet n'a pas fait mention de ces exclusions, et il y a nécessité de réparer cette omission. Je propose donc d'ajouter à l’article 3 un quatrième paragraphe, pour combler cette lacune ; l'article alors serait ainsi conçu :
« Pour être éligible, il faut :
« 1° …
« 2°…
« 3°…
« 4° N'être pas dans l'un des cas prévus par l’article 12 de la loi communale. »
M. de Brouckere, rapporteur. - C'est parfaitement juste.
M. Tielemans. - On me fait remarquer que si cet amendement est adopté, il y aurait une modification à apporter à l’avant-dernier paragraphe de l'article en discussion. Il faudrait dire : « … pourvu qu'ils satisfassent aux deux premières et à la quatrième conditions d'éligibilité. »
J'en fais également la proposition.
- Les deux amendements proposés par M. Tielemans sont successivement adoptés. L'article, ainsi amendé, est adopté.
M. Castiau. - Je regrette, messieurs, de ne pas m'être trouvé pressent au début de la séance. J'aurais voulu pouvoir entendre le discours qu'on me dit avoir été prononcé par M. le rapporteur et surtout y répondre. Je connais toutes les ressources de sa dialectique. Je doute cependant qu'elle soit parvenue à détruire les critiques que j'avais dirigées contre le projet de loi. Je ne les renouvellerai pas, puisque j'arrive trop tard et que la disposition principale de la loi est adoptée. Seulement, malgré cette adoption, on me permettra de persister dans les observations que j'ai présentées sur les anomalies dont le projet de loi fourmille et de vous signaler l'importante lacune qu'il renferme.
Vous venez de voter le principe d'une réforme électorale ; mais, à mon grand étonnement, ni la loi, ni personne jusqu'ici n'est venu proclamer ou réclamer les conséquences du principe.
Le principe, quel est-il ? C'est l'abaissement du cens et l'augmentation du nombre des électeurs communaux. Le cens électoral est réduit de 100 fr. à 42 fr. dans quelques villes. C'est une réduction de plus de moitié et qui va doubler, tripler peut-être le nombre des électeurs dans ces villes. Vos collèges électoraux vont donc être profondément modifiés, ou plutôt ce sont de nouveaux collèges électoraux qui vont apparaître. Qu'en résultera-t-il ? Que les conseils communaux, nommés sous l'empire de la loi ancienne, ne seront plus les représentants des nouveaux collèges électoraux. Ils ne seront plus que les représentants de la minorité et du privilège. Leur mandat cessa dès lors d'exister, et l'on ne peut se dispenser de les renvoyer devant les électeurs. La dissolution des conseils communaux est donc la conséquence nécessaire du projet de loi que vous venez d'adopter.
Puisque le gouvernement et la section centrale ne vous ont point proposé de consacrer les conséquences de la loi que nous discutons, je vous demanderai la permission de combler cette lacune. Tel est le but d'un article transitoire que je viens vous demander d'ajouter à la loi et qui est conçu dans les termes suivants :
« Les conseils communaux seront renouvelés intégralement dans l'année de la mise à exécution de la loi sur l'abaissement du cens électoral.
« Le gouvernement déterminera l'époque de la réunion des électeurs communaux (article 153).
« La première sortie de la moitié des conseillers sera réglée par le sort l'année qui précédera l'expiration du premier terme et dans la séance prescrite par l'article 72.
« Les échevins appartiendront pour moitié à chaque série ; le bourgmestre à la dernière (article 54).
M. Rousselle. - Messieurs, vous vous rappelez que le gouvernement a présenté un projet de loi ayant pour objet de changer la durée du mandat des conseillers communaux. La section centrale qui a examiné ce projet m'a fait l'honneur de me confier la rédaction de son rapport, qui pourra, je pense, être déposé dans la séance de demain. Je crois que l'amendement de l'honorable M. Castiau se rattache plus à la loi dont je viens de parler qu'à celle dont nous nous occupons en ce moment. J'engagerai donc l'honorable membre à retirer son amendement, sauf à le reproduire à l'occasion du projet de loi sur lequel j'ai à faire rapport.
M. Castiau. - Je proposerai même de renvoyer mon amendement à la section centrale, si elle doit encore se réunir
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je pense, messieurs, qu'il faut, en effet, renvoyer cette proposition à la loi qui concerne la durée du mandat communal. Cette loi s'applique à toutes les communes du royaume, tandis que la loi maintenant en discussion ne concerne qu'un certain nombre de communes. Si on renouvelait seulement les conseils communaux auxquels cette dernière loi s'applique, on ferait disparaître la coïncidence qui existe dans l'expiration des mandats. Je pense donc que si l'on en vient à renouveler des conseils communaux (et je demande pardon à l'honorable M. Castiau d'aller ici plus loin que lui), il faudra appliquer la mesure à tous les conseils communaux du royaume.
M. de Tornaco. - Puisqu'on s'occupe de régulariser la législation sur les élections, j'appellerai l'attention du gouvernement sur un point qui me paraît douteux, c'est celui de savoir si la loi électorale qui (page 1104) a été votée dernièrement pourra s'appliquer aussi aux élections pour les conseils provinciaux. (Interruption.) Je sais bien qu'aux termes de la loi provinciale, les listes servant aux élections générales servent également aux élections provinciales ; mais cette disposition est antérieure à la loi que nous avons votée, et je ne sais pas dès lors si l'on ne pourrait pas soutenir que la loi provinciale, en parlant des listes servant aux élections générales, a eu en vue les listes arrêtées en vertu de la loi électorale, qui était en vigueur lorsque la loi provinciale a été promulguée. Du reste, j'ai voulu simplement appeler l'attention sur ce point, car je crois que les conséquences de la loi que nous avons votée doivent aller beaucoup plus loin qu’on ne l'a pensé jusqu'à présent.
M. de Brouckere. - Messieurs, il ne peut y avoir aucun doute sur la question soulevée par l'honorable M. de Tornaco. Le principe de notre législation est que les listes servant pour les élections à la chambre des représentants, quelles que soient d’ailleurs ces listes, servent en même temps pour les élections au sénat et pour les élections aux conseils provinciaux.
- La proposition de M. Castiau est renvoyée à la section centrale qui a examiné le projet de loi modifiant la durée du mandat des conseillers communaux.
La chambre décide qu'elle procédera immédiatement au vote définitif du projet de loi relatif au cens communal.
- La chambre confirme successivement les amendements introduits, lors du premier vote, dans les trois articles du projet de loi.
On passe à l'appel nominal.
77 membres ont répondu à l'appel.
76 membres ont répondu oui.
1 membre (M. Castiau), s'est abstenu.
En conséquence, le projet de loi est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T'Kint de Naeyer, Tremouroux, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Huffel, Van Renynghe, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquel-Goblet, Bruneau, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Clippele, de Corswarem, Dedecker, de Denterghem, de Foere, de La Coste, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Meester, de Roo, Desaive, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dubus (aîné), Duroy de Blicquy, Eloy de Burdinne, Faignart, Frère-Orban, Gilson, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Manilius, Mast de Vries et Moreau.
M. le président. - M. Castiau, qui s'est abstenu, est invité, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Castiau. - Je me suis abstenu, parce que la réforme qu'on nous proposait m'a paru, ainsi que je l'ai dit dans la discussion, incomplète, insuffisante et illogique.
On est arrivé à l'article 20, ainsi conçu :
« Art. 20. Les règlements organiques de chaque mont-de-piété détermineront la responsabilité des employés envers l'établissement, en ce qui concerne l'application de la disposition qui précède.
« Seront également responsables les officiers de la police judiciaire qui auront négligé de fournir au directeur du mont, immédiatement après le vol, les indications nécessaires pour reconnaître l'objet présenté. »
M. Tielemans. - Messieurs, le premier paragraphe de cet article détermine la responsabilité du directeur et des employés des monts-de-piété ; le second, la responsabilité des officiers de police judiciaire.
Vous savez que le droit commun détermine les principes de la responsabilité civile.
Je demanderai à M. le ministre de la justice si le premier paragraphe de l'article 20 a pour objet d’autoriser le gouvernement à modifier ces principes.
S'il en était ainsi, je dirais que c'est par la loi même une nous faisons en ce moment et non par les règlements organiques des monts-de-piété, que ces changements devraient être introduits. En effet, les règlements organiques des monts-de-piété ne peuvent être faits qu'en exécution et en conformité de la loi ; en d'autres termes, il n’appartient pas au pouvoir exécutif d'établir les principes ou les cas de responsabilité que la loi n’aurait pas consacrées.
Si au contraire on n’a voulu par le premier paragraphe de l’article 20 que s’en référer aux principes du droit commun en nature de responsabilité, ce paragraphe me semble complètement inutile.
Quant au deuxième paragraphe, relatif à la responsabilité des officiers de police judiciaire, je ferai d’abord remarquer que la rédaction ne détermine pas s’il s’agit de responsabilité envers le mont-de-piété, envers le directeur et les employés ou envers les emprunteurs. Je présume cependant par la place qu’occupe ce paragraphe, qu’il ne concerne que les monts-de-piété, et c’est à ce point de vue que je vais l’examiner.
La responsabilité qu’il fait peser sur les officiers de police judiciaire me paraît complètement inutile ou souverainement injuste.
En effet, l’article porte :
« Seront également responsables, les officiers de la police judiciaire qui auront négligé de fournir au directeur du mont, immédiatement après le vol, les indications nécessaires pour reconnaître l'objet présenté. »
On suppose donc le cas où un objet volé a été présenté au mont-de-piété sans que le directeur ou les employés du ment aient reçu les indications nécessaires pour le reconnaître. Or, dans ce cas, le mont-de-piété n'est pas responsable vis-à-vis du propriétaire ; il ne peut éprouver aucun préjudice. L'article 21 est positif à cet égard.
Or, si le propriétaire n'a pas de recours contre ce mont ; celui-ci ne saurait en avoir contre les officiers de police judiciaire, et partant le deuxième paragraphe de l'article est un non-sens.
Je raisonne maintenant dans l'hypothèse où la responsabilité existerait.
Alors je me demande à quel directeur du mont-de-piété la communication prescrite par le paragraphe doit être faite sous peine de responsabilité par les officiers de police judiciaire ?Est-ce à tous les directeurs de mont-de-piété, ou à celui du mont-de-piété le plus voisin ?
Dans le premier cas, la disposition peut avoir des-conséquences fâcheuses. Il existe une vingtaine de monts-de-piété en Belgique ; et si chaque fois qu'un vol est commis, l'officier de police qui le constate doit se mettre en correspondance avec vingt directeurs de monts-de-piété, il cherchera naturellement à se débarrasser de l'obligation que la loi lui impose. Au lieu de dresser lui-même procès-verbal des vols qu'on lui dénonce, il renverra les parties plaignantes au procureur du roi, et la police judiciaire finira par en souffrir.
Il est encore à remarquer que le paragraphe en discussion ne dit pas quels officiers de police judiciaire sont responsables en cas de vol. Dans les villes, ce sont ordinairement les commissaires de police, et dans les campagnes les bourgmestres ou échevins chargés de la police locale qui dressent procès-verbal des vols qu'on leur dénonce ; et ils transmettent ensuite ces procès-verbaux au procureur du roi, qui est également officier de police judiciaire. Lequel sera responsable ? La disposition que j'examine ne le dit point.
Enfin comment les officiers de police peuvent-ils répondre de la suffisance des indications qu'ils fourniraient aux employés du mont-de-piété, puisqu'ils ne sauraient transmettre à ceux-ci que les indications fournies par les parties plaignantes ? J'attendrai la réponse qui sera faite à ces diverses observations par M. le ministre, pour me décider à faire ma proposition, dans le but de supprimer ou de modifier l'article 20.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Le premier paragraphe de l'article 20 renvoie aux règlements organiques pour déterminer la responsabilité des employés envers les établissements des monts-de-piété en ce qui concerne l'application de la disposition de l'article 19 ; je crois, messieurs, qu'il ne peut être question dans ce paragraphe que de la responsabilité du droit commun, et que les règlements ne pourront faire autre chose que de déterminer les obligations que les employés auront à remplir pour constater la désignation des objets perdus ou volés qui leur sera donnée, soit par les propriétaires, soit par les officiers de police judiciaire, de manière que l’identité des objets puisse toujours être vérifiée, et que le mont-de-piété ne puisse pas être intéressé. Il ne peut donc pas être question d'établir ici de nouveaux principes, puisque l'article ne peut avoir son application que dans les limites de la responsabilité du droit commun.
Quant au deuxième paragraphe, j'avais l'intention d'en proposer la suppression, comme inutile d'une part, et de l’autre, comme étant d'une application excessivement difficile. En effet les officiers de police judiciaire seront responsables quand ils auront négligé de fournir aux monts-de-piété les indications nécessaires pour reconnaître les objets volés qui pourraient y être présentés. Mais dans les communes où il n'y a pas de mont-de-piété, quels sont ceux de ces établissements aux directeurs desquels devraient être fournies les indications nécessaires ? Sera-ce le mont-de-piété le plus voisin, ou bien l'article ne sera-t-il applicable que dans les villes où il y a un mont-de-piété ? Ce serait par trop rigoureux d'imposer aux officiers de police judiciaire l'obligation de se déplacer pour venir donner à l'établissement le plus voisin des indications nécessaires pour reconnaître les objets volés.
D’ailleurs, ces indications, comment pourront-ils eux-mêmes les obtenir ? Par les renseignements des propriétaires, ; mais les propriétaires pourront être négligents, et l'on ne peut faire peser de responsabilité sur les officiers de police judiciaire qui auraient été mal renseignés par les propriétaires intéressés. Ces motifs m'avaient fait croire, messieurs, que ce paragraphe pouvait être supprimé sans inconvénient et qu'il pourrait suffire d'adresser aux officiers de police judiciaire des instructions sévères pour que les monts-de-piété reçussent en temps utile des instructions nécessaires pour la vérification des objets volés. Cependant, comme cet article a été adopté sans observation par la section centrale, je désire attendre les explications de l'auteur du projet primitif et de l'honorable rapporteur, avant de me prononcer sur la suppression définitive de ce paragraphe et d'en faire la proposition à la chambre.
M. d’Anethan. - J'ai quelques mots à répondre aux observations présentées par l'honorable M. Tielemans. Il est évident que les règlements organiques ne peuvent changer la responsabilité déterminée par la loi civile, mais ils indiqueront les devoirs, les obligations des fonctionnaires ; et de l'exécution de ces devoirs, de ces obligations pourront résulter des cas de responsabilité. Je pense donc que le premier paragraphe doit être (page 1105) maintenu, non pour créer une responsabilité qui existe déjà d'après la loi ; mais pour en régler l'application.
Quant au deuxième paragraphe, je reconnais avec M. le ministre de la justice et avec M. Tielemans qu'il est préférable de le supprimer. Au reste, ce paragraphe avait été introduit uniquement pour consacrer dans la loi ce qui s'exécute maintenant. Les officiers de police judiciaire de la localité où il y a un mont-de-piété s'empressent toujours de communiquer à cet établissement la liste des objets volés, et, de leur côté, les procureurs du roi ne manquent pas d'envoyer la liste des objets volés aux différents monts-de-piété du pays. Il est, du reste, préférable de s'en rapporter aux instructions émanées du ministère qui pourront obliger à faire ces communications dans un délai voulu. Si les officiers de police judiciaire n'obéissent pas à cette injonction, des cas de responsabilité pourront naître pour eux, et dès lors je pense que des instructions ministérielles et l'application des principes généraux suffisent.
- Sur la proposition de M. Tielemans, à laquelle M. le ministre de la justice et M. Dedecker, rapporteur, déclarent se rallier, la chambre supprime l'article 20.
« Art. 21 (amendement présenté par M. d'Anethan). Les propriétaires des gages perdus ou volés, qui ne se trouveront plus dans le délai fixé par l'article 19, ou qui n'auront pas fourni, avant l'engagement, la désignation suffisante de ces gages, seront tenus, s'ils veulent en obtenir la restitution, de rembourser, conformément à l'article 2280 du Code civil, la somme prêtée, ainsi que les intérêts échus. »
M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. de Garcia avait également proposé un amendement pour remplacer l'article 21. Mais il m'a dit qu’il se ralliait à celui que j'ai eu l'honneur de proposer.
Voici le motif de la présentation de cet amendement.
D'après l'article 9 qui a été voté, la personne qui a perdu un objet peut le réclamer gratuitement pendant six mois, à partir du jour où une indication suffisante de cet objet a été donnée au mont-de-piété. Mais après ces six mois, quel sera le droit du propriétaire ? Sera-t-il forclos non seulement du droit de réclamer gratuitement, mais même du droit qu'on accorde, d'après l'article 21, à celui qui n'a pris aucune précaution, qui n'a donné aucune indication ?
Il ne serait pas juste qu'après le délai de 6 mois, le propriétaire qui avait eu soin d'indiquer les objets volés fût dans une position moins bonne que celui qui n'aurait donné aucune indication. Il me semble donc qu'après les six mois il doit être mis sur la même ligne que le propriétaire qui n'a pas fourni, avant l'engagement, la désignation suffisante du gage.
L'honorable M. de Garcia avait, dans son amendement, mentionné l'article 2280 du Code civil, parce que, disait-il, des difficultés s'étaient élevées sur l'application de cet article, et que la jurisprudence en avait fixé le sens.
Pour satisfaire au désir de l'honorable M. de Garcia, pour faire en sorte que les décisions judiciaires relatives à l'article 2280 du Code civil s'appliquent également à l'article 21, j'ai cité l’article 2280, en disant qu'on agirait conformément à cet article.
Dans mon amendement, je demande également que le propriétaire qui réclame son gage, rembourse non seulement la somme payée par le mont-de-piété au moment du dépôt, mais encore les intérêts qui devraient être payés, si le dépôt était retiré par le déposant même. Ma rédaction première ne contenait pas cette disposition. Mais les observations présentées par l'honorable M. Dedecker m'ont fait penser qu'il y avait lieu d'ordonner avec le remboursement de la somme prêtée le payement des intérêts échus.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je me rallie à cet amendement. Il était nécessaire, pour qu'il ne pût rester de doute sur la question de savoir si la revendication pourra s'exercer encore après le délai de six mots, lorsque la désignation de l'objet perdu ou volé aura été donnée avant l'engagement. On aurait pu sans doute soutenir l'affirmative avec les termes de l'article 21 du projet primitif, mais la rédaction proposée par l'honorable M. d'Anethan est beaucoup plus claire, et je l'adopte entièrement.
- L'article est adopté avec la rédaction proposée par M. d'Anethan.
« Art. 22. Les règlement à arrêter en vertu de l'article 6 contiendront des mesures relatives à l'organisation du prêt sur dépôt de marchandises neuves, de manière à en écarter les abus et à venir en aide au petit commerce par un taux modéré d'intérêt. Ils fixeront la quotité de ces prêts, qui ne pourront excéder, en aucun cas, la somme de 1,000 francs. »
La section, centrale propose le suppression des mots : « par un taux modéré d'intérêt ».
M. le ministre de la justice (M. de Haussy) déclare se rallier à cet amendement.
M. Tielemans. - D'après la rédaction de l'article, tous les monts-de-piété seraient tenus de prêter sur dépôt de marchandises neuves.
Je pense que les prêts de cette espèce devraient être facultatifs. C'est aux conseils communaux à examiner jusqu'à quel point les prêts sur marchandises neuves peuvent être utiles dans leurs communes respectives. En faire une obligation pour les monts-de-piété, c'est s'exposer à contrarier le vœu des communes.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. Tielemans ayant fait appel à la pensée qui avait présidé à la rédaction de cet article, je crois devoir prendre la parole.
La loi du 20 mai 1846 a autorisé, d'une manière indirecte au moins, les prêts sur marchandises neuves à faire par les monts-de-piété, puisqu'elle a permis la vente par les monts-de-piété de marchandises de cette catégorie.
Je pense qu'il est nécessaire de rendre obligatoire pour les monts-de-piété l'acceptation des marchandises neuves, comme de tous les autres gages qu'on leur présente. Il a été reconnu qu'il était très important pour le petit commerce de pouvoir déposer au mont-de-piété des marchandises neuves. Une enquête qui a eu lieu, il y a deux ou trois ans, je pense, a établi que la plupart des autorités consultées, soit les tribunaux de commerce, soit les chambres de commerce, soit les députations permanentes, avaient été d'avis qu'il fallait permettre la vente des marchandises neuves, et par conséquent, autoriser le dépôt de ces marchandises au mont-de-piété.
Une discussion assez longue a eu lieu en 1846 sur cet-objet, et il a été reconnu qu'il était indispensable de maintenir cette faculté dans l'intérêt du petit commerce.
Cela ayant été reconnu par la loi, après une enquête dans laquelle les députations permanentes, les chambres de commerce, les tribunaux de commerce ont été entendus, il me semble que l'on ne peut pas uniquement s'en rapporter aux conseils communaux et les autoriser à défendre ce qui a été reconnu bon par une loi antérieure.
Si le gouvernement, si même la députation permanente avait le droit d’obliger les conseils communaux à introduire cette disposition dans leurs règlements, je concevrais qu'on pût la laisser facultative et s'en rapporter au gouvernement ou à la députation. Mais si le conseil communal n'introduit pas cette disposition dans son règlement, le gouvernement ne pourra pas l'y faire entrer. Car si le gouvernement peut approuver ou rejeter les règlements faits par les communes, je doute qu'il ait le droit de modifier, de bouleverser les règlements arrêtés par les communes et d'y substituer d'autres règlements. S'il en était ainsi, il eût mieux valu laisser la loi telle qu'elle était présentée et se borner à consulter les conseils communaux. On a donné aux conseils communaux des pouvoirs ; plus étendus ; on leur a laissé l'initiative, mais il faut en même temps tracer certaines règles, de manière à être assuré que la loi aura tous ses effets.
Je crains que, si on laisse aux conseils communaux la faculté que l'honorable M. Tielemans propose de leur abandonner, on ne refuse dans certaines localités ce qu'on accordera dans d'autres et qu'on ne nuise ainsi au commerce que l'article 22 de la loi de 1846 était destiné à protéger.
Je crois donc qu'il ne faut pas de distinction pour les marchandises neuves. On a pris dans la loi des précautions pour que le dépôt de ces marchandises ne fût pas préjudiciable au commerce loyal. Je ne pense pas qu'il faille aller plus loin.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Aux observations qui viennent d'être présentées par l'honorable M. d'Anethan et auxquelles je me rallie complètement, j'en ajouterai une autre : c'est que si les conseils communaux ont des motifs, ce que je ne puis croire, pour rendre moins fréquents les prêts sur marchandises neuves, ils pourront stipuler par les règlements l’augmentation de l'intérêt de ces prêts. Mais je ne pense pas que le besoin de restreindre ces prêts se fasse jamais sentir.
Ces prêts, messieurs, sont extrêmement favorables su petit commerce. Ils fournissent souvent à de petits commerçants le seul moyen d'éviter la faillite, lorsque des billets viennent à échéance et qu'il leur est impossible de les payer intégralement. Si l'on n'admettait pas, dans tous les règlements, la faculté de prêter sur marchandises neuves, il en résulterait que les petits marchands seraient, dans un moment de gêne, obligés de vendre leurs marchandises à vil prix, ou d’avoir recours à des maisons clandestines de prêts sur gages, où ils seraient bien plus rançonnés qu'ils ne le sont au mont-de-piété.
Au surplus, ces prêts sur marchandises neuves sont d: très peu d'importance. La statistique des monts-de-piété constate qu'ils ne s'élèvent pas à plus de 6 à 7 p. c. de la totalité des prêts. Vous voyez donc, qu'ils sont réellement insignifiants, et cependant on doit reconnaître que dans certaines circonstances ils sont une ressource indispensable pour le petit commerce.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, le dépôt de marchandises neuves dans les monts-de-piété est-il utile ? Je crois que non seulement il est utile, mais qu'il est nécessaire.
La question ainsi posée sera résolue dans un sens affirmatif par toutes les autorités, tant administratives que judiciaires. Pourquoi donc ne pas rendre obligatoire l'acceptation de ces dépôts ?
Dans l'enquête de 1846, certaines administrations, il est vrai, ont été effrayées des abus auxquels pouvaient donner lieu ces prêts sur marchandises neuves, et j'avoue que, sous l'empire des dispositions actuelles, il y a eu es abus. Mais je suis convaincu que l'expérience fera disparaître ces abus. La preuve qu'ils peuvent être évités et que les administrations en général n'en sont pas trop effrayées, c'est qu'aujourd'hui les administrations centrales ont le droit de défendre ces dépôts, puisque c’est l'administration de la commune, en définitive, qui fait les règlements organiques, aux termes de la loi communale.
Or, messieurs, je crois qu'il n'est pas, aujourd'hui, un seul mont-de-piété en Belgique, qui ne reçoive pas de marchandises neuves. Ainsi, la question est résolue de fait. Cela prouve bien qu'il y a avantage (page 1106) incontestable à admettre les dépôts de marchandises neuves dans les monts-de-piété.
Pourquoi donc tant insister pour accorder aux administrations communales une faculté dont elles n'usent pas aujourd'hui ?
M. Tielemans. - Messieurs, l'observation que vient de présenter l'honorable M. Dedecker m'oblige à persister dans mon opinion. S'il est vrai que dans tous les monts-de-piété on reçoit des marchandises neuves, cela prouve que les administrateurs des communes sont très capables d'apprécier l'utilité ou l'inutilité des dépôts dont il s'agit, et l'on peut, par conséquent, s'en rapporter à eux. Nous avons posé le principe que les monts-de-piété sont des établissements communaux ; qu'ils ne doivent être établis que par les administrations communales, sauf l'avis de la députation provinciale et l'approbation du Roi. Pourquoi ne pas rester dans ce système pour le point particulier qui nous occupe ? J'ai pleine confiance dans les conseils communaux : et puisqu'ils reçoivent tous aujourd'hui en nantissement les marchandises neuves, ce serait leur faire injure que de leur imposer à titre d'obligation ce qu'ils ont fait jusqu'à cette heure volontairement.
Je termine, messieurs, par une autre observation. L'article finit en ces termes :
« Ils fixeront la quotité de ces prêts qui ne pourront excéder, en aucun cas, la somme de mille francs. »
On a voulu dire sans doute que la même personne ne pourra faire un dépôt supérieur à mille francs ; mais cette intention n'est pas exprimée dans le texte de l'article. Je voudrais que M. le rapporteur proposât un amendement pour modifier la rédaction de manière à rendre cette idée.
Je demande, en outre, quels moyens l'on aura d'empêcher que l'on élude cette disposition.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, la loi que nous discutons ne consacre pas seulement le principe que le mont-de-piété relève de l'administration communale ; mais, dans plusieurs de ses dispositions, elle consacre aussi le principe de l'intervention du pouvoir central. C'est ce deuxième principe que j'invoquerai encore ici. Si nous reconnaissons l'utilité, la nécessité des prêts sur marchandises neuves, nous devons ordonner ces prêts par la loi.
L'article 22 se termine par la stipulation que les prêts sur marchandises neuves ne pourront excéder en aucun cas la somme de mille francs. Il est bien entendu qu'il s'agit là d'un dépôt fait par un seul déposant. La section centrale ne s'est pas dissimulé qu'il sera possible d'éluder cette disposition en faisant, pur exemple, opérer des dépôts par personnes interposées. Cependant voici ce qu'elle dit à cet égard, page 11 de son rapport :
« La section centrale, craignant qu'il ne soit facile d'éluder cette disposition, voudrait que, par les règlements organiques, on accordât sur ce point des pouvoirs assez étendus au directeur et que l'on indiquât même des circonstances où celui-ci pourrait, sous sa responsabilité, refuser le prêt sur marchandises neuves. »
Lorsqu'il y aurait des motifs graves de supposer que l'on vient, par personnes interposées, déposer des marchandises neuves pour plus de mille francs, alors la section centrale pense qu'il serait convenable d'autoriser le directeur à refuser ces dépôts sous sa responsabilité. C'est le seul moyen d'empêcher de semblables abus, pour autant toutefois qu'il est possible de le faire ; car je ne pense pas qu'il y ait possibilité de l'empêcher complétement.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'honorable M. Tielemans veut principalement supprimer la disposition dont il parle, parce que, dit-il, les monts-de-piété ont été reconnus par la chambre comme des établissements communaux. Je pense qu'il a été reconnu par la chambre, d'une manière bien formelle, au contraire, que les monts-de-piété, bien que placés sous la surveillance des communes, sont des établissements existant par eux-mêmes, des établissements ayant la personnification civile ; et cela est tellement vrai, qu'à l'article 11, la chambre a adopté un amendement de M. Malou, portant qu'à défaut de fondations, de legs ou de donations, les monts-de-piété recevront des établissements de bienfaisance les fonds nécessaires. Ainsi, messieurs, on ne peut pas argumenter de ce que les monts-de-piété seraient des établissements communaux, pour conclure qu'il faut nécessairement s'en rapporter aux conseils communaux pour toutes les dispositions à prendre.
Quelle est, messieurs, la règle générale ? C'est que les monts-de-piété doivent recevoir tous les objets qu'on leur présente. Il n'aurait donc pas fallu parler des marchandises neuves, si l'on n'avait cru devoir admettre une restriction relativement à la hauteur des prêts ; si cette restriction n'avait pas été nécessaire dans l'intérêt du commerce lui-même, le doute de l'honorable M. Tielemans ne se serait pas élevé.
Je pense, messieurs, qu'il faut maintenir pour les monts-de-piété, l'obligation de recevoir les marchandises neuves, en prenant les précautions établies par l'article 22, et qu'on ne peut pas s'en rapporter uniquement aux conseils communaux, malgré la confiance qu'on doit avoir dans ces collèges, car on pourrait ainsi détruire l'uniformité de la loi : dans certaines localités, le commerce aurait plus de facilités que dans d'autres ; le petit commerçant pourrait se trouver contraint d'aller dans une autre localité que la sienne pour déposer des objets que le mont-de-piété de sa commune refuserait de recevoir.
Je pense donc, messieurs, qu'il est convenable de maintenir cette disposition ; elle n'a et elle ne peut avoir aucun inconvénient, l'expérience l'a démontré, et il pourrait, au contraire, y avoir des inconvénients assez graves à la supprimer.
L'honorable membre a demandé s'il était bien entendu que la somme de mille francs forme le maximum de ce qui pourra être prêté à chaque déposant. Il me semble qu'il est impossible d'entendre l'article d'une autre manière ; mais on pourrait y ajouter trois mots pour le rendre plus claire encore. On pourrait dire : « ... fixeront la quotité de ces prêts, qui, en aucun cas, ne pourront excéder, pour chaque déposant, la somme de mille francs. » Je pense que de cette manière il serait fait droit à l'observation de M. Tielemans.
Maintenant l'honorable membre demande : Que fera-t-on, si cette disposition n'est pas respectée, si l'on prête plus de 1,000 fr. ?
Messieurs, si le directeur d'un établissement n'observe pas les règlements, on pourra recourir contre lui à des mesures disciplinaires et même, au besoin, à la destitution ; mais je ne pense pas qu'on puisse prononcer une pénalité contre un individu qui aura reçu une somme supérieure à 1,000 fr.
- L'amendement de M. d'Anethan est appuyé.
M. Tielemans. - Messieurs, il me semble que le système que nous avons adopté est celui-ci : les règlements sont d'abord délibérés par les conseils communaux, ils sont soumis ensuite à l'avis de la députation permanente et présentés en dernier lieu à l'approbation du Roi. Par conséquent, le gouvernement aura un moyen efficace de contraindre les communes, qui veulent avoir un mont-de-piété, à introduire dans les règlements organiques de ce mont des dispositions relatives aux marchandises neuves. La commune qui ne voudra pas y introduire ces dispositions n'aura pas de mont.
D'un autre côté, vous ne pouvez raisonnablement enlever aux conseils communaux le droit d'examiner s'il est réellement utile, nécessaire, de prêter sur marchandises neuves dans leurs communes respectives.
Je sais que la question de savoir si le prêt sur marchandises neuves est utile ou nuisible en général, a été examinée par plusieurs conseils communaux, par les députations permanentes, par les chambres et les tribunaux de commerce ; mais il s'en faut que tous ces corps aient été du même avis.
Il y a des conseils communaux, des chambres de commerce, qui ont déclaré que ce genre de prêt serait désastreux pour le commerce ; or, il peut se présenter dans certaines localités des circonstances qui confirment cette dernière opinion. Et cependant, l'article 22, si nous l'adoptions tel qu'il est rédigé, empêcherait le gouvernement lui-même de remédier au mal.
Je propose de réduire l'article 22 ces termes : « Les prêts sur marchandises neuves, déposées par le même propriétaire, ne pourront excéder 1,000 fr. » et supprimer le reste de l'article.
- L'amendement est appuyé.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je ne sais si l'amendement de l'honorable M. Tielemans répond bien à sa pensée ; car en disant que les prêts sur marchandises neuves ne pourront excéder mille francs, il en résulte, semble-t-il, que ces prêts devront nécessairement avoir lieu et être admis dans tous les règlements des monts-de-piété.
Comme l'a dit l'honorable M. d'Anethan, une enquête a eu lieu sur la question de savoir s'il fallait autoriser les prêts sur marchandises neuves. Sur 44 corps ou collèges (députations permanentes, chambres et tribunaux de commerce), qui ont été consultés, 31 ont répondu affirmative-, ment ; 13 out émis une opinion contraire ; cependant la plupart de ces derniers ont ajouté que, moyennant certaines restrictions, les prêts sur marchandises neuves pourraient être maintenus sans inconvénient.
Or, il a été fait droit à l'observation de ces collèges par l'article 23 du projet ; de sorte que l'on peut considérer toutes les autorités consultées comme ayant été à peu près d'accord sur l'utilité et les avantages de cette nature de prêts. Je ne vois donc pas pourquoi ils ne seraient pas rendus obligatoires par les règlements organiques.
M. Bruneau. - Messieurs, on pouvait obvier à l'inconvénient signalé par l'honorable M. Tielemans par un léger changement de rédaction ; il suffirait de dire que les règlements à arrêter en vertu de l'article 6 « pourront contenir » des mesures relatives, etc., au lieu de « contiendront ». De cette manière il restera facultatif aux conseils communaux de comprendre les marchandises neuves dans les opérations de leur mont-de-piété ou de les exclure, sauf au gouvernement à examiner et à apprécier les motifs qui auront guidé les conseils communaux dans leur décision.
M. Tielemans. - Je me rallie à l'amendement de l'honorable M. Bruneau, et je retire le mien.
M. Lebeau. - Messieurs, il y a d'autant plus de raison d'adopter l'amendement de l'honorable M. Bruneau qui donne des garanties à toutes les opinions, que certaine garantie dont on paraît faire un assez grand état est tout à fait illusoire : c'est la garantie, qu'une seule personne ne pourra déposer de marchandises neuves pour une somme supérieure à 1,000 fr. Dans la pratique, rien n'est plus facile que d'éluder cette disposition. On n'est pas obligé d'arriver au mont-de-piété avec un certificat d'origine ; il suffira donc de faire porter des marchandises neuves au mont-de-piété par une autre personne quelconque, pour que la garantie qu'on a voulu introduire contre l'abus possible du prêt sur marchandises neuves, pour que cette garantie, dis-je, soit complètement une lettre morte.
Je crois que les honorables membres qui sont les plus portés à faciliter aux monts-de-piété le prêt sur dépôt de marchandises neuves doivent (page 1107) trouver, dans l'amendement de l'honorable M. Bruneau, une pleine garantie, exempte des inconvénients qui résulteraient d'une disposition impérative.
M. d’Anethan. - Je pense que l'amendement proposé par l'honorable M. Bruneau ne peut pas être adopté ; en voici le motif :
M. Bruneau propose de dire : « Les règlements à arrêter en vertu de l'article 6 pourront contenir des mesures relatives à l'organisation du prêt sur dépôt de marchandises neuves. »
Mais si les règlements étaient muets à cet égard, le dépôt des marchandises neuves sera-t-il interdit ? Non, il en résultera seulement que ce dépôt aurait lieu sans aucune précaution, sans aucune mesure de garantie. L'amendement de M. Bruneau ne peut donc pas être admis. L'amendement de M. Tielemans atteindrait mieux le but qu'on se propose.
M. le président. - L'amendement est retiré.
M. d’Anethan. - Je le fais mien.
M. Tielemans. - Je le reprends.
M. d’Anethan. - En ce cas, je me borne à l'appuyer. L'honorable M. Lebeau dit que la garantie proposée peut être éludée ; c'est ce qui arrive toujours quand on défend d'agir par personne interposée. Cependant, l'article 23 contient certaines dispositions qui pourront, jusqu'à un certain point, permettre au directeur d'apprécier si la personne qui se présente est propriétaire des objets.
M. Loos. - A la section centrale, nous ne nous sommes pas dissimulé la difficulté de reconnaître que la même personne n'apportait pas pour plus de mille francs de marchandises neuves ; mais nous avons pensé que les règlements organiques, dont nous avons confié la rédaction aux soins de l'administration communale, pourraient déterminer les précautions à prendre pour parer à cet inconvénient. On pourrait même le faire dans la loi, en ajoutant à la fin du premier paragraphe de l'article 23, qui oblige le déposant de marchandises neuves, ces mots : « Par l'exhibition de sa patente. »
Les petits marchands, momentanément dans l'embarras, peuvent en sortir au moyen d'un dépôt de marchandises au mont-de-piété. C'est à ces petits marchands qu'on a voulu accorder la faculté de porter des marchandises neuves au mont-de-piété. Si l'on exige l'exhibition de la patente, ce sera, avec l'amendement de M. d'Anethan, une garantie que le même individu ne déposera pas pour plus de mille francs de marchandises neuves.
- La discussion est close.
L'article 22, proposé par M. Tielemans, est mis aux voix et adopté.
« Art. 23. Nul prêt sur marchandises neuves ne pourra se faire sans l'intervention directe du directeur ou de son délégué immédiat et sans que le déposant se soit fait connaître.
« Les bulletins constatant ces sortes de dépôts mentionneront qu'il s'agit de marchandises neuves et ne pourront être ni cédés ni vendus. »
M. Loos. - Je propose d'ajouter à la fin du premier paragraphe les mots : « par l'exhibition de la patente. »
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je ne sais si cette addition ne peut pas présenter quelques inconvénients.
Des marchandises neuves peuvent être envoyées par des personnes qui ne sont pas ou ne sont plus patentées. On peut avoir acheté des marchandises neuves et se trouver quelque temps après dans la nécessité de les déposer au mont-de-piété ; l'obligation d'exhiber la patente peut donc, dans certaines circonstances, occasionner une gêne ou un embarras, et être préjudiciable à certains déposants.
M. Tielemans. - Après les mots : « ni cédés, ni vendus, » du deuxième paragraphe, il faudrait ajouter : « ni donnés en nantissement à des particuliers. »
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je crois que le mot « cédés » est général et suffisant.
-La discussion est close.
L'amendement de M. Loos est mis aux voix et adopté.
L'article 23 ainsi amendé est également adopté.
« Art. 24. Il sera annexé aux monts-de-piété des caisses d'à-compte pour faciliter les dégagements. »
La section centrale propose l'amendement suivant :
« Les déposants aux monts-de-piété auront la faculté de payer des à-compte sur la somme qu'ils ont empruntée, et de dégager successivement les divers objets formant un seul gage. »
- Le gouvernement se rallie à cet amendement.
Il est mis aux voix et adopté.
« Art. 25. Les registres, les reconnaissances d'engagement et généralement tous les actes uniquement relatifs à l'administration du mont-de-piété, seront exempts des droits et de la formalité du timbre et de l'enregistrement. »
La section centrale propose de dire : « Les procès-verbaux de vente, les registres, etc. »
- Le gouvernement se rallie à cet amendement.
M. Tielemans. - Je crois que le mot relatifs à l'administration du mont-de-piété est trop général et qu'il faudrait dire aux opérations.
M. d’Anethan. - La disposition de l'article 25 est textuellement prise de la loi du 31 mai 1824, qui porte à l'article 9, n°4 : « sont exempts du timbre les registres, reconnaissances d'engagements et généralement toutes les pièces relatives à l'administration des monts-de-piété. »
Comme cette disposition existait, il avait paru plus convenable de la maintenir pour ne rien changer, sous ce rapport, à la législation existante.
J'ai une dernière observation à faire relativement au changement proposé par la section centrale. D'après l'article 25, tel qu'il avait été proposé, on laissait quant à la vente l'état des choses actuellement existant. D'après la loi de 1824, le gouvernement était autorisé à dispenser du droit de timbre et d'enregistrement les procès-verbaux de rentes des monts-de-piété. Usant de cette disposition, le gouvernement avait, par arrêté du 20 mai 1828, décidé que les procès-verbaux des ventes faites par les monts-de-piété continueraient à être visés sans frais pour timbre et à être enregistrés gratis.
Voilà le droit général qui existait avant la loi de 1846. Cette loi est venue modifier ces dispositions, relativement au droit d'enregistrement en ce qui concerne les marchandises neuves : elle a astreint ces ventes, même quand elles sont faites par les monts-de-piété, à un droit d'un demi pour cent.
Je crois qu'il est convenable de ne pas changer, en 1848, une loi faite le 20 mai 1846, qu'on peut sans inconvénient, maintenir ce qui existe, laissant la vente des marchandises qui ne sont pas neuves sous la disposition de l'arrêté de 1828 et la rente des autres marchandises neuves soumises au droit fixé en 1846.
Je crois donc la rédaction du projet primitif préférable à la rédaction du projet de la section centrale, et je déclare la reprendre comme amendement.
M. Tielemans déclare retirer son amendement.
- L'article 25 et dernier du projet du gouvernement, repris comme amendement par M. d'Anethan, est mis aux voix et adopté.
Sur la proposition de M. Tielemans, la chambre fixe la discussion relative au vote définitif de ce projet de loi au mardi 28 de ce mois.
- La séance est levée à 4 heures et demie.