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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 15 mars 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1059) M. de Villegas fait l'appel nominal à 2 heures et un quart et lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée. Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent la révision de la loi sur la contrainte par corps. »

- Sur la proposition de M. Castiau, renvoi à la commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Timmermans, décoré de la croix de Fer, réclame l'intervention de la chambre pour faire régler sa pension et en obtenir les arriérés. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Wagner, ancien brigadier forestier, réclame l'intervention de la chambre pour être réintégré dans ses fonctions ou pour être nommé à un emploi équivalent. »

Même renvoi.


« Le sieur Lefebvre, médecin vétérinaire, demande une indemnité qui puisse le mettre à même d'extirper l'épizootie dans les Flandres. »

- Même renvoi.


« Plusieurs habitants du canton de Neufchateau demandent la réduction des traitements des fonctionnaires publics et des ministres du culte et celle de l'armée. »

- Même renvoi.


« Le sieur Serault demande que la réparation civile pour délit de presse ne puisse être poursuivie qu'après la déclaration de culpabilité prononcée par le jury. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Martelmans et Hannau, maîtres cordiers à Anvers, prient la chambre de statuer sur la demande des négociants, armateurs et maîtres cordiers de cette ville, tendant à obtenir une diminution des droits d'entrée sur les chanvres. »

- Renvoi à la commission d'industrie.

Il est fait hommage à la chambre, par M. H. Havard, d'un exemplaire du premier cahier des Eléments du droit public et administratif en Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.


M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Messieurs, l'honorable M. Castiau et l'honorable M. Delehaye ont demandé hier un prompt rapport sur les pétitions de Louvain et de Gand réclamant des réformes dans l'ordre politique et dans l'ordre matériel. La chambre a accueilli cette proposition. La même décision devrait être prise pour toutes les pétitions de même nature, et entre autres pour la pétition du conseil communal de Liège.

- La chambre décide que la commission est invitée à faire un prompt rapport sur toutes les pétitions de même nature.

Projet de loi sur les irrigations

Rapport de la section centrale

M. Lejeune. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale sur les amendements présentés par le gouvernement au projet de loi sur les irrigations.

- Il est donné acte à M. le rapporteur du dépôt de ce supplément de rapport. Il sera imprimé et distribué.

Projet de loi sur la réorganisation des monts-de-piété

Discussion des articles

Chapitre IV. Dotations. Emploi des bénéfices et intérêts

Articles 10 et 16

M. le président. - La discussion continue sur les articles 10 et 16.

Outre les amendements qui ont été imprimés et distribués, M. d'Anethan vient d’en déposer deux nouveaux. Il propose de rédiger l'article 10 comme suit :

« A défaut de fondations, donations ou legs, les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires aux opérations des monts-de-piété.

« En cas de contestation, le conseil communal déterminera, sous l’approbation de la députation permanente du conseil provincial, la quotité des versements à opérer par chaque établissement.

« Si les fonds que peuvent fournir les établissements de bienfaisance sont insuffisants, le conseil communal y suppléera ; si ses ressources ne le lui permettent pas, et si aucun subside n'est alloué par la province ou par l'Etat, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera agi conformément aux règles posées en l'article 3.

« Dans ce cas, la suppression sera prononcée par le conseil communal et, à son défaut, par un arrêté royal qui nommera en même temps le commissaire liquidateur. »

Cette rédaction comprend l'article 10 et l'article 16.

M. d’Anethan. - Cet amendement est le résultat de la discussion d'hier. J'ai tâché de concilier dans ma proposition les différents amendements qui nous avaient été soumis par plusieurs honorables collègues, notamment l'amendement de l'honorable M. Malou et l'amendement de l'honorable M. Tielemans ; j'ai eu également égard aux observations des honorables MM. Dedecker et Loos.

Je crois que la rédaction que j'ai proposée n'a pas besoin de développements ultérieurs. Elle me semble répondre aux objections qui avaient été faites et remplir les intentions des différents orateurs qui ont pris part à la discussion.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Il me serait difficile, messieurs, d'apprécier l'amendement de l'honorable M. d'Anethan sans en avoir pris ultérieurement connaissance. Je crois que la chambre devrait ordonner l'impression de cet amendement et remettre à demain la discussion des deux articles dont il s'agit. Alors, je proposerai également une nouvelle rédaction que je retirerai peut-être après avoir examiné la proposition de l'honorable M. d'Anethan, ou que je maintiendrai si je la trouve préférable, après cet examen.

Voici, messieurs, cette rédaction :

« Les administrations publiques de bienfaisance continueront à fournir, dans la mesure de leurs ressources et aux conditions les plus favorables, les fonds nécessaires à la gestion et aux opérations des monts-de-piété ; elles sont également tenues de combler, le cas échéant et à titre d'avance, le déficit de ces établissements.

« Si leurs ressources sont insuffisantes à cet effet, la commune est tenue de pourvoir aux frais de gestion et de couvrir le déficit des monts-de-piété, et elle peut suppléer à l'insuffisance du capital spécialement affecté aux opérations.

« En cas d'insuffisance des ressources des communes, et si la province ou l'Etat n'y suppléent par des subsides, le mont-de-piété sera supprimé, et il sera procédé conformément à l'article 3.

« Dans ce cas, le mont-de-piété pourra être supprimé par arrêté royal, si le conseil communal ne prend aucune délibération à cet égard. »

Je demanderai, messieurs, que cet amendement soit également imprimé, ainsi que celui qui a été préparé par M. Loos et que l'honorable membre va sans doute déposer.

M. d’Anethan. - M. le président n'a donné lecture que d'un seul de mes amendements. Si la proposition de M. ministre de la justice est adoptée, je demanderai que mes autres amendements soient également imprimés.

M. Loos. - Messieurs, s'il s'était agi de discuter immédiatement l'amendement présenté par l'honorable M. d'Anethan, je m'y serais rallié ; mais si la chambre ordonne l'impression des amendements et renvoie la discussion à demain, alors je ferai également une proposition. J'attendrai que la chambre se soit prononcée.

- La chambre décide que les amendements seront imprimés et distribués et que la discussion des articles 10 et 16 est renvoyée à demain.

M. Loos dépose l'amendement qu'il avait annoncé.

Article 11

« Art. 11. Les bénéfices obtenus après payement des frais d'administration et des intérêts des fonds prêtés et entre autres les bénéfices provenant des boni des gages vendus, non réclamés endéans les deux ans, seront, à partir de la publication de la présente loi, employés à former la dotation nécessaire pour subvenir aux opérations des monts-de-piété.

« La quotité de cette dotation sera déterminée par le règlement organique de chaque établissement. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je crois, messieurs, qu’après les mots : « endéans les 2 ans » il conviendrait d'ajouter : « à partir du jour de la vente ». D'un autre côté, on pourrait supprimer les mots : « à partir de la publication de la présente loi. »

- L'amendement est adopté.

L'article 11 ainsi amendé est mis aux voix et adopté.

Article 12

« Art. 12. A cet effet les bénéfices serviront, avant toute autre application, à rembourser les capitaux empruntés à intérêt par les monts-de-piété. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Il faudrait supprimer les mots à cet effet, qui ne se rattachent qu'au premier paragraphe de l’article 11.

- L'article 12, avec les retranchements des mots à cet effet, est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, j'ai demandé la parole, pour présenter un article qui, s'il était adopté, devrait être placé entre les articles 12 et 13.

(page 1060) Nous voulons tous arriver à l’abaissement successif du taux de l'intérêt. Dans ce but nous devons faire disparaître les charges qui grèvent actuellement l'administration des monts-de-piété.

Comme on l'a déjà fait remarquer plusieurs fois dans cette discussion, la principale de ces charges consiste dans la nécessité où sont les monts-de-piété d'emprunter eux-mêmes à intérêt le capital sur lequel ils prêtent. Cette charge disparaîtra par l'application des articles 11 et 12.

La deuxième charge des monts-de-piété, ce sont les frais de loyer des locaux. Cette question n'a pas été prévue par la loi. Je voudrais, au moyen d'un petit sacrifice de la part des communes ou des administrations de, bienfaisance, propriétaires de ces locaux, je voudrais, dis-je, faire disparaître cette deuxième charge des monts-de-piété, afin d'arriver plus vite à l'abaissement du taux de l'intérêt.

Par ces motifs, je propose l'article suivant :

« Les bâtiments des monts-de-piété, non compris les locaux nécessaires à l'établissement des bureaux auxiliaires, seront fournis gratuitement par les administrations de bienfaisance ou par les communes qui en ont la propriété.

« L'entretien de ces bâtiments et le renouvellement du mobilier restent à la charge des monts-de-piété. »

Messieurs, déjà les administrations de bienfaisance de Tirlemont et de Saint-Trond ne reçoivent aucun intérêt du chef du loyer des locaux ; quatre autres villes, Verviers, Nivelles, Huy, Dinant, fournissent aussi gratuitement le local au mont-de-piété. Je voudrais étendre ce bienfait à tous les monts-de-piété. Le sacrifice serait petit de la part des grandes villes qui devraient fournir le local, et je suis persuadé que le bien qui en résulterait pour les classes pauvres, serait très sensible.

Une considération accessoire, c'est que les bâtiments des monts-de-piété qui existent dans nos grandes villes appartiennent aux anciennes institutions de monts-de-piété de Belgique. Ces bâtiments ont été acquis à des prix très bas par les hospices. Les hospices pourraient supporter cette charge et contribuer à l'allégement des intérêts à percevoir.

La disposition que je propose formerait l'article 13.

M. de La Coste. - Messieurs, la fixation du taux de l'intérêt est une des dispositions qui rentrent dans les règlements organiques ou arrêtés dont il est fait mention à l'article 7. Ces dispositions sont proposées par l'administration communale qui entend l'administration du mont-de-piété : la députation émet son opinion et le gouvernement décide. Dès lors, il me paraît qu'il n'est pas à craindre que le taux de l'intérêt soit réduit de manière à occasionner des inconvénients ; en supposant qu'il y eût exagération dans l'abaissement du taux de l'intérêt, l'expérience ferait bientôt connaître les inconvénients qui en résulteraient, et par les mêmes moyens par lesquels on aurait abaissé outre mesure l'intérêt, on l'élèverait à un taux raisonnable. Je ne vois donc pas d'utilité à insérer dans l'article un minimum du taux de l'intérêt, et, à moins que cela, ne soit expliqué d'une manière que je ne prévois pas, je proposerai de rayer ces mois : « Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce. »

Je m'en rapporterai aux autorités qui auront à statuer sur cette question.

M. le président. - Il vaudrait mieux discuter d'abord la disposition additionnelle proposée par M. Dedecker.

M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 2 du projet s'était occupé des locaux. D'après cet article, l'érection d'un mont-de-piété devait être autorisée dès que des locaux étaient fournis gratuitement ou que les frais de régie étaient couverts par l'administration communale ou les établissements de bienfaisance ; la chambre n'a pas voulu de cette disposition ; elle l'a rejetée ; elle a pensé qu’il était convenable de laisser une latitude à l'autorité administrative et de l'autoriser à permettre l'établissement des monts-de-piété, dès que d'une manière quelconque les frais d'administration étaient couverts et que la dotation était assez considérable pour que les monts-de-piété pussent fonctionner d'une manière utile.

L'honorable M. Dedecker, par son amendement, revient indirectement sur la décision prise à l'article 2. Mais la disposition qu'il propose est bien plus rigoureuse que celle dont la chambre n'a pas voulu à l'article 2. Dans le projet primitif, il y avait deux cas où l'érection d'un mont-de-piété était obligatoire : 1° Lorsque les locaux étaient fournis gratuitement ; 2" lorsque les frais de régie étaient faits. Mais ce projet ne créait pas l'obligation pour la commune ou pour les établissements de bienfaisance de fournir gratuitement des locaux.

Cette obligation, l'honorable M. Dedecker propose de la leur imposer dans le cas où les établissements de bienfaisance ou la commune sera propriétaire des locaux ou le mont-de-piété est ou peut être établi. De cette manière, on imposerait aux établissements de bienfaisance ou à la commune, dans certaines localités, des charges qui ne leur seraient pas imposées dans d'autres. Dans certaines localités, en effet, les établissements de bienfaisance et la commune possèdent des locaux qui peuvent convenir au mont-de-piété. Dans d'autres, ils n'ont que des propriétés rurales ou des rentes. Dans le premier cas, les établissements devront fournir le local, et outre cela les fonds nécessaires pour former la dotation. Dans le second, ils ne seront pas soumis aux mêmes charges. Il n'y aura donc pas parité.

Après avoir rejeté la faculté admise dans l'article 2, la chambre ne peut admettre d'une manière obligatoire la disposition proposée par l'honorable M. Dedecker.

Il serait sans doute très désirable que les locaux fussent fournis gratuitement. Mais il pourrait arriver que cette obligation causât un préjudice très grave aux établissements de bienfaisance ou à la commune sans profiter grandement au mont-de-piété. Supposons, en effet, un local que le bureau de bienfaisance pourrait louer très avantageusement ; ne serait-il pas préférable qu'il en tirât le bénéfice qui tournerait, en définitive, au profit du mont-de-piété, que de l'obliger à céder gratuitement ce même local au mont-de-piété, tandis que celui-ci pourrait peut-être s'en procurer une autre moyennant une somme de beaucoup inférieure ?

Il n'y aurait donc aucun avantagea adopter l'amendement de l'honorable M. Dedecker. Et, en fait, cet amendement recevra son application dans les localités où cette cession gratuite sera réellement utile.

M. Delfosse. - L'honorable M. d'Anethan vient de dire qu'il n'y aurait pas d'avantage à adopter l'amendement de l'honorable M. Dedecker ; non seulement il n'y aurait pas avantage, mais il y aurait injustice. L'honorable M. Dedecker veut enlever un revenu aux bureaux de bienfaisance et aux hospices, pour le donner aux monts-de-piété. Est-ce que les pauvres secourus par les bureaux de bienfaisance ou par les hospices ne sont pas aussi dignes d'intérêt que ceux qui ont momentanément recours aux monts de-piété ?

M. Dedecker. - L'honorable M. d'Anethan trouve que l'article nouveau que je propose n'est que la reproduction du paragraphe 2 de l'article 2 qui a été rejeté. Quelle a été la pensée qui a fait rejeter cette disposition où il s'agissait d'ailleurs de monts-de-piété nouveaux ? On a dit : Il ne faut pas montrer de la défiance à l'égard des administrations communales et les traiter pour ainsi dire comme ignorant leurs propres intérêts, en leur imposant certaines conditions restrictives de la création des monts-de-piété. Laissez chaque commune juge et maîtresse des conditions qu'elle veut poser à l'érection de monts-de-piété nouveaux.

Aujourd'hui, au contraire, je propose de prendre relativement aux monts-de-piété déjà existants, une mesure que je considère comme éminemment utile au point de vue de l'intérêt de la classe ouvrière. Je l'avoue, c'est une charge que l’on impose aux administrations de bienfaisance. Pourquoi imposer cette charge ? dit l'honorable M. Delfosse. Est-ce que les pauvres secourus par les hospices ne sont pas aussi respectables que les pauvres qui ont recours aux monts-de-piété ? Mais je retournerai la question, et je demanderai : Est-ce que les pauvres qui ont recours aux monts-de-piété ne sont pas aussi respectables que les pauvres secourus par les hospices ? Mais, voyons, en définitive, est-ce un avantage, oui ou non, que d'abaisser l'intérêt perçu aujourd'hui par les monts-de-piété ? Hier encore on nous reprochait de ne pas travailler assez à l'abaissement de cet intérêt. Eh bien ! voici un moyen que je vous propose, moyen qui exigera quelque sacrifice de la part de l'administration des hospices, j'en conviens, mais moyen aussi qui est destiné à amener un véritable bien en faveur des emprunteurs.

L'honorable M. d'Anethan, après avoir contesté que la concession gratuite d'un local soit un avantage (opinion que je ne sais comment il pourrait justifier), dit pourtant que ce que je propose finira par se réaliser Je crois, au contraire, que cela ne se réalisera pas, si l'on n'en fait une obligation dans la loi. Mais si l'honorable M. d'Anethan croit à cette réalisation, il y voit un avantage pour l'avenir.

En résumé, y a-t-il impossibilité de généraliser la mesure prise par six administrations de bienfaisance : à Tirlemont, à Saint-Trond, à Dinant, à Nivelles, à Gand, à Huy, on ne paye aucun loyer pour les locaux du mont-de-piété ? Je ne puis le croire.

M. Delfosse. - L'honorable M. Dedecker et moi nous sommes entièrement d'accord sur ce point que les pauvres qui ont recours au mont-de-piété peuvent être aussi dignes d'intérêt que ceux qui sont secourus par le bureau de bienfaisance ou par les hospices. Mais il me semble que ce n'est pas une raison pour enlever à ceux-ci un secours qui leur appartient. S'ils sont tous également dignes d'intérêt, il ne faut pas prendre aux uns pour donner aux autres.

M. T'Kint de Naeyer. - Je pense que dans beaucoup de localités, comme l'a fait observer l'honorable M. Dedecker, les bureaux de bienfaisance fournissent gratuitement les locaux. Or, si vous ne voulez pas admettre ce principe dans la loi, je pense que la position de certains monts-de-piété deviendra plus mauvaise qu'elle ne l’était, et que vous ajournez indéfiniment la création de la dotation que vous espérez former. Ainsi, à Gand et ailleurs les locaux sont fournis gratuitement par les hospices. Si vous inscrivez dans la loi qu'une indemnité est due de ce chef, les hospices exigeront sans doute cette indemnité.

M. de La Coste. - La chambre comprendra qu'il ne s'agit pas de changer l'état des choses qui existe à Tirlemont ou dans d'autres villes qu'on a citées. Il s'agit seulement de ne pas écrire une obligation dans la loi. Cette obligation pourrait être contraire aux conditions sous lesquelles des fonds ont été donnés au bureau de bienfaisance. Les fonds du bureau de bienfaisance peuvent avoir une destination spéciale, et cette destination ne doit pas être changée même par la loi.

Je crois donc qu'il faut laisser subsister la faculté qui existe aujourd'hui ; qu'il faut laisser la chose comme elle est là où elle est ; qu'il faut la laisser établir là où les administrations le proposent ; mais qu'il ne faut pas inscrire une disposition impérative dans la loi.

M. Lebeau. - Il me semble que la rédaction de l'amendement ne peut pas édifier complètement la chambre sur la portée qu'il faut lui donner.

(page 1061) Est-ce que l'amendement a pour objet seulement d'interdire aux bureaux de bienfaisance de retirer une location quelconque des bâtiments affectés aux monts-de-piété, ou va-t-il plus loin ? Oblige-t-il les bureaux de bienfaisance, dans tous les cas et quelles que soient leurs ressources, à fournir des locaux ?

Y a-t-il seulement interdiction de retirer un loyer des locaux qu'ils mettent à la disposition des monts-de-piété ou sont-ils obligés de mettre à la disposition des monts-de-piété un local, sans qu'on tienne aucun compte de leurs ressources ?

Il faudrait que l'honorable auteur de l'amendement s'en expliquât. Mais dans tous les cas il resterait encore de très graves objections qui ont été exposées par les honorables préopinants et auxquelles, pour ma part, je me rallie complètement.

M. Dedecker, rapporteur. - La rédaction de mon amendement prouve que j'ai seulement voulu que les administrations des hospices ou des communes qui ont actuellement la propriété des bâtiments affectés aux monts-de-piété, soient obligées de les fournir gratuitement, comme déjà cela se fait dans certaines villes.

Du reste, si de cette discussion il peut résulter que le gouvernement, dans l'examen des règlements organiques qui vont être rédigés pour tous les monts-de-piété, s'efforcera d'obtenir les conditions les plus favorables pour la location des bâtiments des monts-de-piété, je consentirai à retirer mon amendement. Mais il faut qu'il soit bien entendu que c'est à la condition que le gouvernement fera tous ses efforts pour engager les administrations de bienfaisance à fournir gratuitement les locaux, lorsque cela peut se faire ; et, dans tous les cas, à réduire les frais de loyer où ils sont trop élevés. Car il y a certaines villes où ces loyers sont exorbitants, et je trouve que c'est un véritable scandale que de prélever sur certains pauvres de quoi fournir des secours à d'autres.

M. Bruneau. - Messieurs, je crains beaucoup que nous ne fassions sortir du projet en discussion une loi tout à fait incohérente, une réunion de dispositions qui se contredisent l'une l'autre, parce qu'elles ne sont pas dictées par le même esprit.

Ainsi, dans le projet primitif, l'administration des monts-de-piété était déférée aux administrations des bureaux de bienfaisance, et tous les articles du projet étaient rédigés d'après cette disposition principale. On faisait des monts-de-piété une espèce de dépendance des administrations des bureaux de bienfaisance. Aujourd'hui, par les dispositions nouvelles qui ont été adoptées, on a changé l'esprit de ce projet, on a fait des monts-de-piété des administrations complètement séparées Il se trouve que toutes les charges des monts-de-piété vont tomber sur les bureaux de bienfaisance. On disposera ainsi de la propriété des bureaux de bienfaisance, sans eux, malgré eux et souvent contre eux. L'amendement de l'honorable M. Dedecker est une nouvelle disposition qui a cette portée.

M. Dedecker. - Je retire mon amendement.

Article 13

« Art. 13. Lorsque la diminution des charges qui résultera de ces remboursements ou de toute autre cause le permettra, il sera fait une réduction dans le taux des intérêts à percevoir des emprunteurs. Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce.

« Le gouvernement pourra d'office ordonner cette réduction après avoir entendu la députation permanente et le conseil communal. »

M. le président. - M. de La Coste a proposé de supprimer les mots : « Toutefois, ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je pense, messieurs, que le retranchement dont il s'agit peut avoir lieu sans la moindre difficulté. Je considère cette restriction comme tout à fait inutile.

M. Loos. - Il faut, messieurs, quelque courage pour reprendre la disposition qui tendait à fixer un minimum du taux de l'intérêt. Il peut paraître absurde d'empêcher la réduction du taux de l'intérêt. Cependant, je pense que les monts-de-piété sont institués pour venir au secours des classes malheureuses, pour prêter dans des cas urgents, sur certains dépôts, soit d'objets d'habillement, soit d'objets mobiliers, mais je crois aussi que le but du législateur doit être de favoriser, autant que possible la moralisation de ces classes pour lesquelles on témoigne de la sympathie. Si vous abaissez trop le taux de l'intérêt, il arrivera ce qui se présente déjà dans les conditions actuelles, c’est-à-dire qu'on abusera des monts-de-piété, qu'on y aura recours autrement que dans des circonstances malheureuses. Comme je le disais hier, lorsqu'il y a des fêtes populaires, des kermesses, etc., on voit affluer les emprunteurs aux monts-de-piété. Réduisez l'intérêt au-dessous du taux usité dans le commerce et vous favoriserez cette tendance : il en résultera qu'on regardera le mont-de-piété plutôt comme une espèce de garde-meuble que, comme une institution de bienfaisance, à laquelle on ne doit recourir que dans des circonstances fâcheuses. Déjà aujourd'hui, il y a des ménages pauvres qui, à la fin de la saison rigoureuse, vont déposer leurs habillements d'hiver au mont-de-piété, non par besoin d'argent, mais pour les conserver pendant l'été.

D'autres qui possèdent une montre, un bijou, qu'ils considèrent comme n'étant pas en sûreté chez eux, vont le déposer au mont-de-piété le lundi pour l'en retirer le samedi suivant. Ces habitudes, qui ne sont pas très répandues aujourd'hui, prendront de l'extension, si vous abaissez le taux de l'intérêt, et les monts-de-piété ne pourront plus supporter les sacrifices que cet état de choses leur imposera.

Ainsi, messieurs, ce qui a pu paraître absurde à un honorable membre ne l'est réellement pas quand on tient compte de ce qui se passe, dans la pratique et, pour ma part, je demande le maintien de la disposition présente par la section centrale.

M. de La Coste. - Messieurs, je ne crois pas que l'observation de l'honorable M. Loos puisse s'appliquer à moi, car je ne crois pas avoir employé l'expression qu'il a relevée. Mais je ferai remarquer que le but de mon amendement n'est pas contraire à l'opinion de l'honorable M. Loos ; je veux seulement laisser le soin d'examiner la chose aux autorités qui auront à régler le taux de l'intérêt, et il me semble qu'on a pris des précautions suffisantes pour ne pas devoir établir un minimum qui, selon moi, serait d'un effet fâcheux dans une loi qui a, en général, une tendance contraire.

Voilà, messieurs, les considérations qui me font demander la suppression de la disposition dont il s'agit. Je veux m'en rapporter à l'expérience des autorités qui auront à statuer.

- La suppression proposée par M. de La Coste est mise aux voix et adoptée.

L'article 13 ainsi modifié est ensuite adopté.

Article 14

« Art. 14. Les intérêts seront comptés jour par jour jusqu'à celui du remboursement, sans cependant qu'ils puissent être au-dessous de deux centimes, quelles que soient l'importance du gage et la durée du dépôt. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Les intérêts seront comptés jour par jour jusqu'à celui du remboursement, sans cependant qu'ils puissent être au-dessous du minimum qui sera déterminé par le règlement organique ; ce minimum ne sera, en aucun cas, inférieur à cinq centimes, quelles que soient l'importance du gage et la durée du dépôt. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy) déclare se rallier à la proposition de la section centrale.

- L'article proposé par la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Ici vient se placer un amendement présenté par MM. T'Kint de Naeyer et Dedecker et qui est ainsi conçu :

« Lorsque la dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits aux indigents, qui se trouveront dans les conditions déterminées par les règlements organiques. »

M. T'Kint de Naeyer. - Messieurs, dans la discussion générale j'ai eu l'honneur de présenter quelques considérations relativement aux prêts gratuits dans certaines limites et à certaines conditions. J'ai dit que j'avais l'intention de soumettre à la chambre un amendement à l'article 11. L'honorable rapporteur de la section centrale s'était rallié à mon opinion ; mais il avait pensé qu'il fallait avant tout compléter le capital roulant des monts-de-piété, afin de les affranchir de la charge de l'emprunt. D'après les motifs qui ont été développés par l'honorable rapporteur, il m'a paru qu'il serait préférable de proposer une modification à l'article 15, en y substituant l'amendement que nous avons eu l'honneur de déposer sur le bureau, et dont je demanderai la permission de donner lecture :

« Art. 15. Lorsque la dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits aux indigents qui se trouveront dans les conditions déterminées par tes règlements organiques. »

D'après le projet de loi, messieurs, les bénéfices devaient retourner à la caisse des bureaux de bienfaisance ; il me semble que cette disposition est contraire aux règles de la science économique, je dirai même de la morale.

En effet, il ne doit pas être permis de bénéficier sur certains pauvres au profit d'autres pauvres. Je crois que si les monts-de-piété réalisent des bénéfices, ces bénéfices doivent être uniquement consacrés à améliorer le régime de leur organisation.

Je ne me dissimule pas qu'avec les ressources ordinaires les caisses gratuites ne pourront s'ouvrir que dans un avenir assez éloigné, mais je pense qu'il est utile d’inscrire le principe dans la loi, et j'espère que la bienfaisance particulière ou la générosité des communes tiendront à honneur de réaliser plus promptement une amélioration qui rentre dans le véritable esprit de l’institution.

Notre proposition laisse aux règlements organiques le soin de déterminer, selon les ressources de la caisse gratuite dans chaque localité, quelles seront les catégories de pauvres qui pourront participer au bénéfice de ces caisses. Ceux dont le travail est momentanément interrompu par le chômage, par des maladies, ou par d'autres événements imprévus, oui des droits qui se présentent sans doute en première ligne.

Le caractère essentiel du prêt gratuit doit être de venir en aide à une détresse urgente et d'empêcher qu’elle ne s'aggrave par des sacrifices onéreux. L'arrêté royal du 31 octobre 1826 avait réglé les conditions du prêt gratuit. Le règlement de la caisse de Gand, justifié par une expérience de deux siècles, pourrait aussi servir de modèle.

- L'amendement est appuyé.

M. de Bonne. - Messieurs, je partage entièrement les sentiments de philanthropie de l'honorable préopinant. Je conçois qu'il ne faut pas qu'une certaine classe de pauvres s'enrichisse ou vive aux dépens d'une autre classe, mais il me semble qu'il y a un défaut ou une lacune dans cette proposition, si elle était admise dans sa généralité. Pour que ce principe pût être vrai, il faudrait qu'on pût justifier que (page 1062) tous les emprunteurs qui viennent déposer des gages au mont-de-piété, fussent des pauvres. J'admets que la majorité le soit, mais il en est beaucoup qui n'ont que des besoins momentanés, et qui pour cela ne sont pas pauvres.

Je trouve donc que ce serait véritablement une injustice de donner tout le bénéfice que produirait le mont-de-piété à tous les individus indistinctement qui voudraient y déposer des gages contre une certaine somme.

Je comprendrais cette proposition, si les honorables auteurs avaient dit que, comme à Toulouse et à Paris, il ne serait fait de prêts gratuits qu'à concurrence de 12 fr. au maximum, par exemple ; mais dans sa généralité, l'amendement me semble dangereux, et je demande qu'il soit ainsi compris.

M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, la rédaction nouvelle que l'honorable M. T'Kint de Naeyer et moi nous venons proposer, est la conséquence des considérations que j'avais déjà fait valoir au sein de la section centrale J'espère que dans cette chambre il n'y aura qu'une voix pour approuver l'affectation à la constitution d'une caisse de prêts gratuits, des bénéfices réalisés après la constitution de la dotation.

Ce qui effraye l'honorable M. de Bonne, c'est que la mesure, à ses yeux, a un caractère trop général.

L'observation serait fondée, si les règlements organiques ne devaient pas déterminer les conditions restrictives auxquelles se feront les prêts gratuits. Aussi, nous renvoyons à ces règlements organiques, où l'on déterminera, entre autres, les catégories de pauvres qui auront droit à ces prêts gratuits ; on y indiquera encore le maximum du prêt qui pourra être fait. A Gand, ce maximum est de 12 francs.

Toutes les précautions seront prises dans les règlements organiques.

M. Lebeau. - Messieurs, il me paraît extrêmement difficile d'adopter l'amendement, même tel qu'il est actuellement rédigé, en présence de l'article 13 que la chambre vient d'adopter.

« Lorsque la dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels seront consacrés à faire des prêts gratuits. »

Il me paraît que l'article 15, en cas de réduction de l'intérêt, suppose déjà que l’établissement couvre ses charges, car s'il ne couvrait pas ses charges, évidemment la réduction de l'intérêt serait impossible.

Voilà donc une disposition en contradiction manifeste, par les termes au moins, avec celle qui a été adoptée par la chambre. Je me borne à faire remarquer au judicieux auteur de l'amendement qu'il n'y a pas moyen de concilier ces deux textes.

Je voudrais donc que dans tous les cas on changeât la rédaction actuelle et qu'on la mît en harmonie avec le texte de l'article 13.

Ensuite, je crois qu'on pourrait tout au plus adopter une formule facultative, et non pas une formule impérative ; je crois qu'on pourrait accorder aux administrations des monts-de-piété la faculté d'attribuer une partie du capital du mont à des prêts gratuits, sauf à déterminer les conditions dans les règlements organiques. Parmi ces conditions, il faudra mettre l'exiguïté du prêt, comme l'a fait observer l'honorable M. de Bonne dont nous invoquons avec plaisir les lumières et l'expérience en pareille matière.

Je dois donc m'opposer à l'amendement, tel qu'il est rédigé actuellement.

M. Malou. - Messieurs, la contradiction que l’honorable M. Lebeau vient de signaler n'existe pas, ce me semble. L'article 13 se rapporte à l'époque pendant laquelle on constitue la dotation du mont-de-piété ; alors les rédactions d'intérêt peuvent avoir lieu, lorsqu'il est démontré par l'expérience que les bénéfices s'accumulent trop vite et en quelque sorte au détriment du présent. L'article nouveau qui est proposé, se rapporte, au contraire, à l'époque où la dotation est complète ; alors, les bénéfices, s'il en existe malgré les réductions prononcées en vertu de l'article 13, seront affectés à des prêts gratuits, dans des conditions et aux catégories d'indigents à déterminer par les règlements organiques.

Ainsi ces deux dispositions me paraissent se coordonner parfaitement entre elles.

M. Lebeau. - Je crois que, dans tous les cas, l'explication que l'avais proposée était utile et même indispensable.

Mais dans tous les cas, je pense qu'il faut substituer une locution facultative à la locution impérative qui se trouve dans la proposition. Je pense que cela rentre dans la pensée de l'auteur de l'amendement et qu'il est disposé à le modifier dans ce sens ; je lui laisserai le soin de le faire.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - C'est la proposition que je voulais faire. Je proposerai de dire : « Lorsque la dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels pourront être consacrés à faire des prêts gratuits aux indigents qui se trouveront dans les conditions à déterminer par les règlements organiques. »

Cependant je crains que dans l'application cette disposition n'éprouve des difficultés, qu'il ne soit très difficile de déterminer ces catégories d'indigents dont les unes auraient droit à des prêts gratuits et les autres ne pourraient y être admises.

M. d’Anethan. - La rédaction de M. le ministre de la justice me paraît incomplète. Il propose de permettre de faire des prêts gratuits quand il y a bénéfice. Mais si l'administration ne veut pas employer les fonds provenant des bénéfices à faire des prêts gratuits, que ferait-on de la somme ? Il faut pour ce cas maintenir l'article 15 qui dit que les bénéfices annuels seront versés dans la caisse du bureau de bienfaisance et ajouter : A moins que l'administration ne veuille les consacrer à des prêts gratuits.

Maintenant quant à l'objection tirée de la difficulté de faire des règlements organiques indiquent les catégories d'indigents ayant droit de jouir des prêts gratuits, je la comprends, mais il est bon de remarquer qu'il existe déjà des règlements semblables ; à Hambourg par exemple, il y a une caisse de prêts gratuits dans les règlements de laquelle sont indiqués, les catégories d'indigents qui peuvent recourir à cette caisse et les justifications à faire pour jouir des avantages qu'elle procure. En consultant ce règlement et d'autres encore qui sont indiqués dans les ouvrages distribués à la chambre, on pourra facilement arriver à un règlement organique satisfaisant.

M. Tielemans. - J'ai demandé la parole pour faire la même observation que M. d'Anethan. L'article 15 suppose le cas où le mont-de-piété couvre toutes ses charges ; ce n'est qu'alors qu'il y a bénéfice dont l'article fait application. Nous avons supprimée l'article 15 : « Toutefois ce taux ne pourra être inférieur à celui usité dans le commerce. » Par conséquent il n'y a plus de limite. Le mont-de-piété n'aura couvert toutes ses charges que quand il pourra prêter gratuitement. Il faut rétablir la fin de l'article 13 si on veut adopter la proposition de M. T'Kint.

M. Dedecker. - Je maintiens ma proposition d'obliger les monts-de-piété à consacrer les bénéfices à l'institution d'une caisse de prêts gratuits. Si vous ne le prescrivez pas, cela ne se fera pas. Si vous trouvez que les prêts gratuits sont un bien, je ne vois pas pourquoi vous n'inséreriez pas l'obligation de les continuer.

M. Bruneau. - Il est nécessaire de rétablir la disposition spéciale qu'on a retranchée de l'article 13, si on veut adopter la proposition de M. T'Kint, de quelque manière qu'on la rédige.

M. Rousselle. - Le moyen de nous mettre d'accord, c'est d'adopter l'article 15 proposé par la section centrale, et d'ajouter un paragraphe qui dirait que ces bénéfices pourront aussi être consacrés à faire des prêts gratuits aux indigents qui se trouveront dans les conditions déterminées par les règlements organiques. De cette manière, vous ne préjugerez aucune des questions qui sont du ressort des règlements ; c'est au gouvernement à régler les distributions des fonds des monts-de-piété.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - J'appuie la proposition que vient de faire l'honorable M. Rousselle et je voulais proposer le maintien de l'article 15 en y ajoutant ce paragraphe : « Ces bénéfices pourront être consacrés en tout ou en partie à faire des prêts gratuits aux indigents qui se trouveront dans les conditions à déterminer par les règlements organiques. »

M. Malou. - On veut allier deux systèmes contraires. Le projet de la section centrale porte que les bénéfices des monts-de-piété sont attribués aux établissements de bienfaisance. Les auteurs de l'amendement pensent que l'emploi le plus légitime à faire de ces bénéfices, c'est l'institution d'une caisse de prêts gratuits. Il est impossible de réunir ces deux systèmes dans la loi ; il faut opter entre les deux. Mettre en première ligne le versement des bénéfices dans la caisse du bureau de bienfaisance, c'est évidemment écarter en fait la constitution de la caisse de prêts gratuits.

Je pense que cette institution est utile ; l'expérience en est faite non seulement en Belgique mais à l'étranger. Y a-t-il un inconvénient à ce que les bénéfices soient ainsi employés en prêts gratuits ? Je n'en vois aucun ; et dans la discussion on n'en a pas indiqué d'avantage. Je pense qu'il ne faut pas consacrer les deux systèmes dans la loi, qu'il faut se borner à celui proposé par l'honorable M. Dedecker.

M. de Bonne. - Je n'ai qu'une observation à faire en réponse à celle que vient de présenter M. Malon. Il veut qu'on prenne l'un ou l'autre des deux systèmes d'emploi des bénéfices des monts-de-piété, qu'on ne les consacre pas tous les deux dans la loi, mais qu'on s'en tienne à un seul, c'est-à-dire que si on fait des bénéfices, on ne les verse pas dans les caisses des bureaux de bienfaisance, mais qu'on les consacre à l'établissement de caisses de prêts gratuits. Je pense qu'il ne faut pas exclure le versement dans la caisse des bureaux de bienfaisance, car il est possible que les bénéfices soient supérieurs aux besoins de la caisse de prêts gratuits, puisqu'il est dans l'intention des auteurs de la proposition de ne faire des prêts gratuits qu'à une certaine classe d'emprunteurs, à ceux qui ont des besoins réels. Avec le système exclusif que propose l'honorable M. Malou, dans le cas où les bénéfices dépasseraient les prêts à faire aux indigents, vous devriez étendre les prêts gratuits à la généralité des emprunteurs. C'est ce qui ne me paraît pas entrer dans les intentions de la chambre, dont la pensée philanthropique est de venir au secours de la classe malheureuse.

On peut, selon moi, conserver les propositions de la section centrale avec l'amendement de M. le ministre qui n'exclut pas le versement des bénéfices dans les caisses des bureaux de bienfaisance, et en consacre une partie à faire des prêts gratuit à certaines classes de petits déposants.

Je pense donc qu'il est convenable d'adopter l'article avec l'amendement proposé par M. le ministre de la justice.

- La discussion est close.

L'article 15 nouveau, proposé par MM. T’Kint de Naeyer et Dedecker, est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Pénalités

Article 17

(page 1063) « Art. 17 (projet de la section centrale auquel le gouvernement se rallie). Les peines prononcées par l'article 411 du Code pénal seront applicables

« 1° Aux employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements ;

« 2° Aux individus qui se livreraient à l'état de commissionnaires ou de porteurs ;

« 3° A ceux qui feraient le commerce d'achat de reconnaissances du mont-de-piété ;

« 4° A ceux qui céderaient ou achèteraient des reconnaissances dans le cas du paragraphe de l'article 23.

« Le tout sans préjudice des dommages-intérêts à payer aux parties intéressées dans les cas indiqués ci-dessus paragraphes 1 à 3 et des mesures à prendre par l'administration en vertu des règlements. »

M. Tielemans. - J'ai plusieurs amendements à proposer à cet article. Il commence par déclarer que l'article 411 du Code pénal est applicable : « 1° Aux employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qui est dit en vertu des tarifs et règlements. » Le fait d'exiger des sommes ou intérêts au-delà de ce qui est légalement ou légitimement dû, constitue le crime ou le délit de concussion prévu par l'article 174 du Code pénal. C'est, par conséquent, cet article qu'il faut rendre applicable à ce fait ; et je propose de dire : « Les employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements seront punis conformément à l'article 174 du Code pénal. »

Je passe au n°2° de l'article ; il porte :

« Les peines prononcées par l'article 411 du Code pénal sont applicables : 2° aux individus qui se livreraient à l'état de commissionnaires ou de porteurs. »

Cette rédaction manque, à mon avis, de clarté. Quand sera-t-on censé se livrer à l'état de commissionnaire ou de porteur ? Sera-ce lorsqu'on aura porté des objets au mont-de-piété une ou deux fois pour le compte d'autrui ? Sera-ce lorsqu'on aura demandé et obtenu une patente de commissionnaire ?

Il vaudrait mieux employer ici une rédaction analogue à celle que le législateur a adoptée dans la loi de 1807 pour le délit d'usure.

Le simple fait d'usure n'est pas puni par cette loi.

Il n'y a que le fait d'habitude d'usure qui constitue un délit. Il en est de même du fait qui nous occupe. Je propose donc de dire : « Les peines prononcées par l'article 411 du Code pénal sont applicables : 1° aux individus qui portent habituellement des effets au mont-de-piété, pour autrui et moyennant la rétribution. » Cette rédaction rendrait parfaitement la pensée de la chambre et ne pourrait donner lieu à aucune difficulté dans la pratique.

Je passe au n°3 ainsi conçu : « A ceux qui feraient le commerce d'achat de reconnaissances du mont-de-piété. » Un commerce d'achat, voilà encore une expression qu'il est impossible d'admettre dans une loi. Le commerce consiste à acheter pour revendre ; il comprend deux opérations, tandis qu'il n'est question ici que d'une seule. Il faudrait dire : « A ceux qui achètent habituellement des reconnaissances du mont-de-piété. »

J'arrive au dernier paragraphe qui porte : « Le tout sans préjudice des dommages-intérêts à payer aux parties intéressées dans les cas indiqués ci-dessus, paragraphes 1 à 5, et des mesures à prendre par l'administration en vertu des règlements. » Je demande la suppression de ce paragraphe, parce qu'il est inutile. Le droit commun permet à toute partie, lésée par un délit, de demander des dommages-intérêts ; et il appartient toujours à l'administration de prendre, en vertu des règlements, les mesures que peut nécessiter le cas où un employé amovible se rend coupable d'un délit.

- M. Delfosse remplace M. Liedts au fauteuil.

M. de Garcia. - J'avais demandé la parole pour présenter la plupart des considérations qui viennent d'être émises par l'honorable M. Tielemans. J'appuie de toutes mes forces les divers amendements présentés sur l’article en discussion, tous me paraissent justes et fondés. Cependant je crois devoir proposer une addition au premier de ces amendements.

L'honorable membre veut que les employés on agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou intérêts excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements soient passibles des peines comminées par l'article 174 du Code pénal.

Au fond, rien de mieux, puisque les faits prévus par ce premier paragraphe constituent une concussion. Mais je crois que pour atteindre complètement le but que propose l'honorable membre et pour harmoniser la rédaction de l’article avec la disposition de l’article 174 du Code pénal on devrait dire : « qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou intérêts sachant qu'ils excèdent ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements. »

A défaut d'une rédaction semblable, l'on pourrait être porté à croire qu'on a voulu punir un fait purement matériel. Je ne puis supposer que telle soit l'intention de l'honorable M. Tielemans, qui étaye son amendement sur l’article 174 du Code pénal, lequel emploie les expressions que je veux introduire, et dit « sachant qu'ils excèdent ». Partant, je crois que les mêmes expressions doivent être reproduites dans la loi actuelle, autrement son application pourrait présenter des doutes sur ce qu'a voulu le législateur. Il est une autre considération, c'est que, quand on se propose d'atteindre un même but, il est utile et bon que le style des lois nouvelles rentre autant que possible dans les termes employés dans les lois précédentes.

Messieurs, quant au paragraphe 2, je partage aussi l'avis de l'honorable M. Tielemans. J'avais même préparé un amendement dans ce sens, et qui rentrait complètement dans les idées de l'honorable membre. J'ajouterai une seule observation à celles présentées par M. Tielemans, c'est que par une des dispositions du projet de loi, déjà admise, les qualifications de commissionnaires et de porteurs sont supprimées. Dès lors, le projet de loi présente une inexactitude et un non-sens en parlant de commissionnaires et de porteurs. La rédaction du paragraphe 3 du projet de loi n'est pas plus heureuse quand elle soumet à des pénalités « ceux qui feraient commerce d'achat de reconnaissances, etc., etc. » ; il faut en convenir, cette rédaction n'est rien moins que claire. Celle proposée par l'honorable M. Tielemans, qui consiste à dire « ceux qui achèteraient habituellement » ne peut laisser aucun doute dans l'application de la loi.

Cette locution est connue dans nos lois, notamment en matière d'usure, et devant elle la magistrature reconnaîtra sans peine l'esprit et la portée de la loi.

J'appuie enfin la suppression du dernier paragraphe, qui est complètement inutile, puisqu'il est de droit commun que chacun peut se faire restituer ce qu'il a abusivement payé.

M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 17 propose d'appliquer aux employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qui est dû en vertu des tarifs et règlements, l'article 411 du Code pénal.

L'honorable M. Tielemans propose d'appliquer à ces employés l'article 174 du Code pénal.

Il ne s'agit pas d'examiner si l'article 174 du Code pénal aurait été applicable à ces employés, si la loi actuelle avait gardé le silence ; il s'agit uniquement de déclarer quelle sera la peine qui leur sera appliquée, et l'amendement de l'honorable M. Tielemans permet de prononcer une peine qui peut aller jusqu'à 5 ans, tandis que, dans le projet primitif, la peine ne pouvait pas dépasser trois mois.

L'amendement de l'honorable M. de Garcia, auquel l'honorable M. Tielemans s'est rallié, tempère cette rigueur, et aura pour conséquence de faire échapper tous ceux qui, d'après le projet primitif, auraient été punis.

D'après l'article 411, comme je le disais tout à l'heure, la pénalité n'est que de 15 jours à 3 mois. D'après l'article 174, la pénalité est beaucoup plus forte. Aussi on exige, pour appliquer cet article, des conditions qu'on n'exigeait pas d'après le paragraphe premier.

M. de Garcia veut qu'il soit constaté que les employés avaient connaissance que ce qu'ils ont demandé excédait le taux des tarifs. Mais cette connaissance résulte de la nature des choses et doit être supposée ; les employés connaissent ou doivent connaître les tarifs. Ils n'ont d'autre mission que de les appliquer, de dire à l'individu qui se présente ce qu'il doit payer pour retirer son gage. Il me semble donc qu'il ne devrait y avoir aucune preuve à faire pour établir que ces employés savaient qu'ils exigeaient plus que les règlements ne le permettent.

La difficulté d'établir qu'ils avaient cette connaissance aura souvent pour conséquence d'éluder les dispositions pénales. Du reste, la disposition pénale proposée par l'honorable M. Tielemans étant très sévère, je conçois qu'on soit plus exigeant ; mais si l'on applique seulement la peine comminée par l'article 411, il me paraît que la simple négligence pourrait et devrait être punie.

Les autres amendements de l'honorable M. Tielemans me paraissent devoir être adoptés. Ils améliorent la rédaction primitive. Je préfère ces mots : « L'article 411 sera applicable aux individus qui portent habituellement des effets au mont-de-piété, pour autrui et moyennant salaire ; » à ceux de la rédaction primitive, qui mentionnait les individus qui porteraient des effets aux bureaux des monts-de-piété pour plus d'une personne, moyennant rétribution. Toutefois la disposition primitive était plus sévère ; il suffisait d'avoir porté au mont-de-piété des effets pour deux personnes pour être passible des peines comminées par l'article 411. D'après la rédaction nouvelle, il faudra qu'on en ait porté habituellement. Ce sera aux tribunaux à apprécier s'il y a habitude dans le sens de la loi.

Je crois aussi qu'il n'y a pas d'inconvénient à supprimer le dernier paragraphe, du moment qu'il est entendu qu'on reste dans le droit commun ; car la suppression pourrait faire supposer le contraire. Cette disposition se rencontre, du reste, dans différentes lois pénales, où on lit : « Le coupable sera condamné à telle peine, sans préjudice de dommages-intérêts, s'il y a lieu. »

M. de Garcia. - D'après les observations présentées par l'honorable M. d'Anethan, l'on devrait supposer que, dans l'intention de l’auteur du projet de la loi, l'on a voulu punir de peines correctionnelles un fait purement matériel.

Une doctrine semblable me paraît contraire aux principes généralement consacrés dans nos lois.

En fait de délit, il est de droit commun qu'il n'y a de culpabilité que pour autant que le fait soit accompagné de l'intention ; c'est à tel point vrai, que la rédaction restât-elle comme elle est, imparfaite, puisqu'elle (page 1064) laisserait du doute, j'ai la conviction que la jurisprudence donnerait à la disposition actuelle le sens qu'elle doit obtenir par une rédaction précise.

Les lois précédentes, à raison des méfaits de la nature de ceux dont nous nous occupons, ont exigé, pour qu'ils constituassent des crimes ou des délits, qu'ils fussent accompagnés d'une intention criminelle. Pourquoi donc s'écarter des principes consacrés par le temps ? Nulle observation sérieuse n'a été présentée pour en agir de la sorte.

En résumé, messieurs, je maintiens que mon amendement doit être admis par la chambre. D'abord, parce qu'il est généralement contraire à l'esprit de nos lois de punir de peines criminelles ou correctionnelles des faits purement matériels. En second lieu, parce que le premier mérite d'une loi est d'être claire et d'écarter autant que possible tout doute sur son application.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je déclare me rallier aux amendements de l'honorable M. Tielemans, et je demanderai que, pour mettre le n°1 de l'article 17 en rapport avec le texte du l'article 174 du Code pénal, il soit rédigé de cette manière :

« Les employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qu'ils savaient être dus en vertu des tarifs et règlements, etc. »

M. Tielemans et M. de Garcia déclarent se rallier à cette rédaction.

M. Raikem. - Vous savez, messieurs, qu'en vertu de l'article 463 du Code pénal, lorsque le préjudice causé n'excède pas 25 fr., et lorsqu'il y a des circonstances atténuantes, les tribunaux peuvent réduire les peines à celles de simple police. Vous savez aussi que cette disposition n'est pas applicable aux peines dictées par des lois spéciales. Toutefois on se réfère ici aux articles du Code pénal ; mais comme ces articles sont spécialement indiqués, il peut se présenter un doute qu'il serait peut-être utile de lever, c'est la question de savoir si, lorsqu'il s'agira de l'application de l'article 17, les tribunaux pourront réduire les peines en vertu de l'article 463.

Je crois que l'on sera d'accord sur ce point que cette latitude doit être accordée aux tribunaux, parce qu'elle est de droit commun dans les matières réglées par le Code pénal. Mais je demanderai si cela est suffisamment exprimé par cela seul qu'on s'en rapporte à des articles du Code pénal, ou s'il ne faudrait pas dire dans la loi que les peines pourront être réduites en vertu de l'article 463. Je désirerais que M. le ministre voulût bien nous donner une explication sur ce point.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je trouve que l'observation de l'honorable M. Raikem est fort juste ; je trouve qu'il faut laisser aux tribunaux la faculté d'appliquer l'article 463, lorsqu'il y a des circonstances atténuantes, et que le dommage causé n'excède pas le taux déterminé par cet article.

M. le président. - Propose-t-on un amendement ?

M. Raikem. - Je crois qu'il serait utile de le mentionner. Je proposerai de dire que néanmoins les tribunaux pourront appliquer l'article 463 du Code pénal. C'est sauf rédaction.

M. Tielemans. - Messieurs, l'article 463 ne concerne que les cas où le Code pénal prononce un emprisonnement ; il ne s'applique pas aux crimes. Or, l'article 174 comprend l'un et l'autre cas. Il punit de la réclusion le concussionnaire, lorsqu'il est fonctionnaire public ou percepteur. Ainsi, un directeur du mont- de-piété qui aurait perçu ce qu'il savait n'être pas dû, serait passible de la réclusion. Au contraire, le préposé, le commis du directeur ne subira, d'après l'article 174, qu'une peine correctionnelle.

J'adopte volontiers l'application de l'article 463 pour ce dernier cas, mais on ne pourrait pas l'appliquer au premier, sans changer l'économie du Code pénal.

M. Raikem. - En ce qui concerne la réclusion, il me semble qu'on devrait aussi compléter l'article, car lorsqu'il y a des circonstances atténuantes et que le préjudice cause n'excède pas 50 fr., les tribunaux peuvent réduire la peine à 8 jours d'emprisonnement et je crois qu'on a l'intention d'appliquer ici l'article 174 du code pénal autrement qu'il ne s'applique, modifié par l’arrêté du 9 septembre 1814. Tout ce qui résulterait des observations de l'honorable préopinant, c'est que mon amendement devrait être plus complet, je n'avais rien préparé ; c'est dans la discussion que l'idée que j'ai émise s'est présentée à mon esprit ;

Ainsi, on pourrait appliquer l'arrêté de 1814 et la chambre du conseil, ainsi que la chambre des mises en accusation pourraient même correctionnaliser le crime en vertu de l'article 26 de la loi du 15 mars 1838. Peut-être serait-il utile d'indiquer ces diverses dispositions, mais en ce moment il suffirait d'adopter le principe. Ou pourrait y revenir au second vote ; car je crains qu'une réduction faite instantanément ne soit pas complète.

M. le président. - Nous pourrons y revenir au second vote.

M. Tielemans. - L'observation de l'honorable M. Raikem est parfaitement juste. Je crois, en effet, qu'il serait bon d'appliquer au cas de crime l'arrêté-loi de 1814 tout comme on applique l'article 463 en cas de délit, et j'ajouterai à mon amendement ces mots :

« Sans préjudice des réductions de peine que les lois autorisent en cas de circonstances atténuantes et lorsque le préjudice causé n'excède pas le taux fixé par ces lois. »

M. Raikem. - Je crois qu'il faut citer l'arrêté du 9 septembre 1814. Du reste, nous pourrons y revenir au second vote.

M. Vanden Eynde. - Messieurs, l'article 463 dont a parlé l'honorable M. Raikem doit nécessairement être rappelé dans la loi, sans cela il ne serait pas applicable, car il ne concerne que les délits prévus par le Code pénal. Quant à l'arrêté du 9 septembre 1814, il est toujours applicable, lorsqu'il s'agit d’un crime, de manière qu'il pourrait être inutile de rappeler l'arrêté du 9 septembre 1814 tandis qu'il est nécessaire de mentionner l'article 463.

M. d’Anethan. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour faire observer à l'honorable M. Vanden Eynde qu'il est dans l'erreur lorsqu'il pense que l'arrêté de 1814 est applicable aux crimes ou délits.

(L'orateur lit l'arrêté.)

Ainsi, messieurs, il y a nécessité de mentionner et l'article 463 du Code pénal et l'arrêté du 9 septembre 1814, puisqu'il ne s'applique qu'aux faits punis par le Code pénal.

M. Malou. - Messieurs, la discussion qui vient d'avoir lieu préjuge une question assez grave, celle de savoir si, parmi les employés des monts-de-piété, il en est qui ont le caractère de fonctionnaires ou d'officiers publics, parce que c'est dans ce cas seulement que la révision peut être prononcée. Je ne ferai pas de sous-amendement au sujet de cet article, mais je recommande la question à l'attention de la chambre, pour qu'on voie, d'ici au second vote, si, en effet, d'après la nature de l'institution, d'après le caractère de ces agents, ce ne seront pas, dans tous les cas, des peines correctionnelles qui seront applicables, en vertu de l'article 174.

- La discussion est close.

Le n°1° de l'article 17, tel qu'il a été amendé par M. Tielemans, est mis aux voix et adopté. Il formera à lui seul l'article 17, conçu en ces termes :

« Art. 17. Les employés ou agents des monts-de-piété qui exigeraient des emprunteurs des sommes ou des intérêts excédant ce qu'ils savaient être dû en vertu des tarifs et règlements, seront punis conformément à l'article 174 du Code pénal, sans préjudice des réductions que les lois autorisent en cas de circonstances atténuantes et lorsque le préjudice n'excède pas le taux fixé par ces lois. »

Les autres paragraphes de l'article 17 sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants ; ils formeront l'article 18 :

« Art. 18. Les peines prononcées par l'article 411 du Code pénal seront applicables :

« 1° Aux individus qui porteraient habituellement des effets aux bureaux des monts-de-piété pour autrui et moyennant rétribution ;

« 2° A ceux qui achèteraient habituellement des reconnaissances du mont-de-piété ;

« 3° A ceux qui céderaient ou achèteraient des reconnaissances dans le cas du paragraphe de l'article 24.

« Le tout sans préjudice de l'application de l'article 463 du Code pénal. (Addition adoptée sur la proposition de M. Raikem.)

Article 18 (devenu article 19)

« Art. 18(19). L'article 378 du Code pénal sera appliqué aux employés ou agents des monts-de-piété qui auront révélé le nom des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement. »

Voici l'amendement qui a été présenté par M. de Garcia :

« Les employés ou agents des monts-de-piété qui auront révélé à d'autres qu'aux officiers de police judiciaire le nom des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement, seront punis des peines portées par l'article 378 du Code pénal. »

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je crois que l'on atteindra le but que se propose l'honorable M. de Garcia, en terminant l'article 18 du projet primitif par ses mots :

« Sauf le cas où ils seraient appelés en justice pour donner des renseignements sur ces opérations. »

D’après la rédaction de l'honorable M. de Garcia, la peine sera encourue par ceux qui auront révélé a d'autres qu'aux officiers de police judiciaire le nom des personnes qui auront déposé ou fait déposer des objets à rétablissement. Certainement, il est entré dans les intentions de l'honorable membre de ne faire d'exception que relativement à ceux qui seraient appelés eu justice ; or, l'amendement va plus loin et s'exprime d'une manière générale.

Cependant je ne crois pas qu'il puisse être fait de révélation aux officiers de police judiciaire en dehors de l'exercice de leurs fonctions.

M. d’Anethan. - Messieurs, l'amendement de l'honorable M. de Garcia n'est pas tout à fait complet, Je crois pourtant que l'intention de l'honorable, membre n'est pas douteuse, et qu'il veut permettre de révéler, non seulement aux officiers de police judiciaire, mais encore à la justice, les noms des personnes qui avaient fait des dépôts. Car si l'on interprétait l’amendement d'une manière rigoureuse, il en résulterait qu'on serait passible d'une peine, lorsqu'appelé en justice, devant un tribunal, on viendrait déposer sous la foi du serment. Ce n'est évidemment pas l'intention de l'honorable membre.

Si l'amendement était adopté, il faudrait ajouter après les mois « aux officiers de police judiciaire », ceux-ci : « ou à l'autorité judiciaire ».

L'amendement de M. le ministre de la justice me paraît pécher par une autre base. M. le ministre ne parle que des révélations à faire à la justice, et dans le cas seulement où ces révélations sont demandées par la justice. Ce n'est pas aller assez loin ; ou exclurait d'abord la possibilité pour un officier de police judiciaire d'aller interroger un employé du mont-de-piété.

Cette première opération, qui constitue le premier degré de la poursuite, est en effet confiée à la police et non à la justice.

En second lieu, je ne puis pas partager l'opinion de M. le ministre de (page 1065) la justice, relativement à la défense qu'il veut maintenir pour les employés des monts-de-piété de prendre l'initiative et de faire connaître à la police le nom des déposants ayant engagé des objets qui seraient de nature à éveiller des soupçons et à faire supposer qu'ils proviennent de vol. Il me semble que dès l'instant où le directeur d'un mont-de-piété a, non pas même la certitude, mais seulement le soupçon qu'un objet déposé chez lui provient d'un crime, il est de son devoir de révéler cette circonstance, comme doit le faire tout bon citoyen.

On ne peut pas craindre que cette révélation nuise à des tiers, seul inconvénient qu'on a voulu éviter par la défense établie dans l'article 18, du moment qu'on se borne à permettre au directeur d'un mont-de-piété de faire connaître ses soupçons à la police ou à la justice.

L'on ne pourrait donc pas adopter l'amendement de M. le ministre de la justice s'il doit avoir pour conséquence d'exiger que l'initiative vienne de la police, et d'empêcher l'employé ou directeur du mont-de-piété d'éclaircir la justice par ses révélations spontanées.

La défense ne doit porter que sur les révélations indiscrètes qui pourront compromettre des individus qui auraient eu le malheur de se trouver dans la nécessite de déposer des objets au mont-de-piété. Mais quand il s'agit d'éclaircir la justice sur des crimes ou des délits, le chef de l’établissement doit avoir pleine liberté et échapper à la pénalité comminée par l'article 17.

M. de Garcia. - Quand j'ai présenté mon amendement, je croyais qu'il était bien entendu que les révélations qui pouvaient se faire à la police, pouvaient à plus forte raison se faire à l'autorité judiciaire. Au reste, si sa rédaction peut laisser des doutes chez quelques-uns, rien du plus facile que de les faire disparaître. Après les mots « officiers de police », il suffira d'ajouter ceux-ci : « ou de l'autorité judiciaire ». Ainsi, l'article 18 serait rédigé comme suit :

« Les employés ou agents des monts-de-piété qui auront révélé à d'autres qu'aux officiers de police ou à l'autorité judiciaire, les noms des personnes qui ont déposé ou fait déposer des objets à l'établissement, seront punis des peines portées par l'article 378 du Code pénal. »

Voyons maintenant si l'amendement dont M. le ministre vient de nous donner lecture, atteint mieux le but qu'on doit se proposer.

J'observerai d'abord qu'il n'est pas facile de saisir à une simple lecture la portée d'une proposition.

Mais si je l'ai bien comprise, son résultat serait de ne permettre aucune révélation de la part des employés les monts-de-piété que lorsqu'ils en seraient requis par autorité de justice ; ce système me paraît inadmissible et contraire aux règles générales de la justice répressive ; il détruirait même, en certains cas, les dispositions de lois existantes.

Quand quelqu'un connaît un crime ou un délit, il remplit les devoirs d'un bon citoyen en le dénonçant à l'autorité. Est-il rationnel d'interdire un devoir aussi social aux agents du mont-de-piété ? Aucune raison ne peut justifier cette mesure ; mais il y a plus, parfois la loi impose l'obligation de la révélation, témoin l'article 103 du Code pénal qui commine des peines contre les citoyens qui, connaissant certains crimes, ne les dénoncent pas à l'autorité.

D'après ces considérations, je pense que la chambre ne peut admettre l'amendement présenté par M. le ministre, amendement contraire aux règles d'une bonne justice répressive.

M. Tielemans. - Les observations présentées par MM. d'Anethan et de Garcia me semblent très fondées, et je ne doute pas que M. le ministre ne s'y rallie, mais je crains qu'avec les amendements proposes on ne rencontre encore certaines difficultés ; ne serait-il pas préférable de dire : « L'article 378 du code pénal sera appliqué à ceux qui auront méchamment révèle les noms des personnes qui auront déposé ou fait déposer, etc. »

Le mot « méchamment » me semble satisfaire à toutes les éventualités, à toutes les exigences.

M. de Garcia. - Je regrette de ne pouvoir me rallier à la pensée émise par l'honorable M. Tielemans. Il y a des indiscrétions qui ne sont pas méchantes, mais qui font tort ; elles ne doivent pas être tolérées. Introduire dans la disposition le mot « méchamment », c'est créer un état de choses qui empêchera la loi d'avoir aucun effet à mes yeux. Il faut punir, non seulement les révélations faites méchamment, mais encore les indiscrétions. Je persiste donc dans mon amendement, avec les modifications indiquées dans mon premier discours.

M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Messieurs, je me rallierai à l'amendement de l'honorable M. de Garcia avec la modification qu'il y a ajoutée.

M. de Garcia. - Pour le second vote, je me réserve de pouvoir rendre l'article 463 à cette disposition.

M. Raikem. - On fera une disposition générale.

- La discussion est close.

L'amendement proposé par M. de Garcia est mis aux voix et adopté.

Plusieurs voix. - A demain !

M. le président. - M. de Garcia a déposé un amendement qui sera imprimé.

- La séance est levée à 4 heures un quart.