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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 9 février 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Delfosse, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 777) M. A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et quart.

- La séance est ouverte.

M. T’Kint de Naeyer lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Plusieurs magistrats, notaires, propriétaires et commerçants, à Bruxelles, demandent une loi provisoire sur les faillites et les sursis. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Bruxelles demandent qu'il soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »

- Même renvoi.


« La veuve Ant.-J. Robert, propriétaire, à Capelle, né à Utrecht (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur Delporte, sous-lieutenant en retraite à Liège, prie la chambre de lui faire obtenir le remboursement des retenues opérées sur ses appointements. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Pletain, notaire et receveur des hospices à Mons, demande que le projet de loi sur le notariat, s'il venait à être adopté, contienne une disposition transitoire en faveur des notaires qui exercent les mêmes fonctions que lui. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.

Projet de loi modifiant le tarif des droits de douanes

Discussion du tableau des tarifs

Soies

M. le président. - Nous en étions restés à l'article concernant les soies.

L'article du projet était ainsi conçu :

« Soies (pendant la durée du traité du 1er septembre 1844 avec le Zollverein, de la convention du 15 décembre 1845 avec la France, et du traité du 29 juillet 1846 avec les Pays-Bas, l'augmentation des droits d'entrée résultant pour quelques articles du tarif ci-contre, ne sera pas applicable à ceux de ces articles qui seront originaires de l'un ou l'autre de ces pays, et dont l'origine sera justifiée de la manière prescrite par le gouvernement), en cocons, par 100 kil., à l'entrée 10 c, à la sortie 5 c.» .

« Soies écrues et non décreusées, grèges, y compris les doupions, ; par 100 kil., à l'entrée 1 fr., à la sortie 5 c. j

« Id. moulinées, y compris les doupions. Trames et organsins, par ; 100 kil., à l'entrée 4 fr., à la sortie 5 c.

« ld. Toutes autres, le kil., à l'entrée 5 fr., à la sortie 1 c.

« Soies décreusées ou teintes. Trames et organsins, le kil., à l'entrée 4 fr. 50, à la sortie 1 c.

« Id. Toutes autres, le kil., à l'entrée 6 fr., à la sortie 1 c.

« Bourre ou déchets. En masse ou cardée, par 100 kil., à l'entrée 10 c, à la sortie 5 c.

« Id. Filée (filoselle).

« Id. Fleuret et galette, le kil., à l'entrée 25 c, à la sortie 1 c.»

Le gouvernement propose de maintenir le tarif actuel.

M. de Haerne propose le maintien de l'article du projet en supprimant les exceptions stipulées en faveur de la France, du Zollverein et des Pays-Bas.

M. Osy propose de fixer à 4 fr. au lieu de 6 fr. le droit proposé pour les soies décreusées ou teintes, comprises sous la dénomination toutes autres, et de supprimer les exceptions.

M. Bruneau propose pour les soies décreusées ou teintes, trames et organsins de fixer le droit d'entrée à 8 fr. par 100 kil.

M. Van Cutsem. - Messieurs, j'appuierai en peu de mots les amendements de MM. de Haerne et Osy, et de préférence celui de mon honorable collègue de la députation de Courtray, parce qu'il accorde, d'après moi, une protection plus efficace à notre industrie sétifère que celui de l'honorable baron Osy. J'accorde mon vote à ces deux amendements, parce que la protection qu'ils réclament pour notre industrie des fils de soie à coudre est modérée, parce que cette protection est telle, qu'elle permettra à une industrie qui progresse depuis dix ans de se développer de plus en plus et de venir en aide à notre classe ouvrière qui meurt de faim faute d'un travail que le gouvernement promet chaque jour et qui n'arrive pas.

Si les honorables collègues dont je viens de vous parler demandaient une protection exagérée, je serais le premier à les combattre. Je veux pour nos industries une protection modérée, et rien de plus. Je sais fort bien qu'une protection trop forte empêche les développements de toutes les industries, et les fait rester stationnaires, témoin le droit de 25 p. c. qui existait sous le gouvernement des Pays-Bas en faveur de notre industrie cotonnière ; que, dis-je, une protection exagérée tue les industries, parce qu'elle les maintient dans une enfance perpétuelle, alors que les industries similaires de l'étranger, qui n'en jouissent pas, marchent et marchent toujours de perfectionnements en perfectionnements et finissent par faire prendre leurs fabricats, malgré les droits protecteurs de toute nature, parce qu'ils sont meilleurs et à plus bas prix.

La protection que MM. de Haerne et Osy réclament pour nos fils de soie à coudre est modérée, et vous en serez convaincus comme moi, messieurs, quand vous voudrez bien vous rappeler que les hommes qui s'occupent de cette industrie ont prouvé qu'il fallait au moins prélever un droit de 8 p. c. à leur entrée en Belgique sur les fils de soie de toute provenance pour accorder une protection efficace à cette industrie, lorsque vous ne perdrez pas de vue que l'Angleterre, comme l'honorable abbé de Haerne nous l'a prouvé, le tarif anglais de 1848 à la main, protège cette fabrication d'un droit de 15 p. c, et enfin lorsque vous devez vous dire que la France, où l'industrie sétifère est grande et ancienne, l'encourage encore d'un droit protecteur de plus de 3 p. c.

La protection que nos honorables collègues réclament pour l'industrie des fils de soie à coudre est nécessaire, parce qu'elle est encore dans son enfance en Belgique, parce qu'elle a prouvé, en y grandissant depuis dix ans, qu'elle peut s'y acclimater, et enfin parce qu'elle ne peut marcher de pair avec les industries similaires d'autres pays voisins qui livrent à la Belgique les trois quarts des fils de soie qui y sont consommés.

M. le ministre des affaires étrangères ne veut pas accorder à notre industrie sétifère la protection que nous réclamons pour elle, parce qu'on a dit, il y a huit ans, qu'elle était de peu d'importance, comme si toute industrie n'avait pas été à son origine ce qu'a été notre industrie sétifère en venant au monde faible et imperceptible. L'homme d'Etat doit-il s'enquérir des premiers pas d'une industrie pour apprécier son importance ? Non, mille fois non, il ne doit rechercher qu'une chose, il doit s'assurer si elle est née viable ou non ; et si elle a vécu pendant dix ans, et si elle a grandi pendant dix ans dans le pays où elle est venue au monde, il devra faire tout ce qu'il pourra pour lui donner du développement et la mettre sur la même ligne que les industries similaires des autres pays qui ont grandi par les années et la protection ; nul ne soutiendra, sans doute, une opinion contraire, pas même l'honorable ministre des affaires étrangères, quand il y aura mûrement réfléchi.

M. le ministre des affaires étrangères est-il plus fondé à combattre la protection que nos honorables collègues réclament pour l'industrie des fils de soie à coudre, parce que ce droit donnerait lieu à la fraude qui réduirait bientôt à rien la protection que la loi accorderait à l'industrie des soies. Mais pour quiconque se rend compte de la fraude et combine les bénéfices de la fraude avec les chances qu'elle a à courir même dans les éventualités les plus favorables, cet argument ne résiste pas au moindre examen.

Le droit de quatre francs sur une marchandise qui en vaut cent pourrait donner lieu à la fraude, s'il faut en croire M. le ministre des affaires étrangères, lorsqu'on importerait chaque fois pour mille francs de cette marchandise ; pour l'admettre, il faudrait ne pas savoir que les fraudeurs qui ont vingt-neuf chances heureuses sur trente sont fort rares, pour l'admettre il faudrait ignorer qu'il suffit au fraudeur d'être pris une fois sur trente pour qu'il n'y ait plus un bénéfice pour l'expéditeur, que bien plus une seule saisie constitue l'expéditeur en perte parce qu'il a à payer le salaire des porteurs et les frais de justice, ainsi que les amendes auxquels ils sont condamnés pour fraude.

Cela est cependant évident, quand on veut bien remarquer que 29 expéditions donnent 1,100 francs de droits fraudés et qu'une infiltration malheureuse constitue le fraudeur en perte de mille francs par la saisie de dix kilogrammes de fils de soie de la valeur de 100 francs le kilogramme.

Si l'industrie des soies peut grandir en Belgique, si on ne peut pas prouver que le droit de douane que MM. de Haerne et Osy réclament pour la protéger donnerait lieu à une fraude qui annulerait la protection, pourquoi, je vous le demande encore une fois, ne la protégerions-nous pas modérément, lorsque la France elle-même où l'industrie des soies est vieille et grande la soutient encore par des droits protecteurs, à moins de dire que nous sommes plutôt ici pour soutenir les intérêts de l'étranger que ceux du pays ?

M. Osy nous l'a dit, et je vous avoue que, quand cet honorable membre parle industrie et commerce, j'ai une entière confiance en lui, à peu près comme un malade dans un médecin qui prend la santé pour lui avant de la donner aux autres, parce que l'honorable baron Osy conseillant au pays ce qu'il doit faire pour acquérir et prospérer a prouvé qu'il sait ce qu'il faut faire pour acquérir des richesses. M. Osy vous a donc dit que les industries inférieures aux industries similaires qui s'exercent dans d'autres pays avaient besoin d'une protection sage et modérée pour grandir, que cette protection était indispensable à certaines industries de la Belgique, entre autres à l'industrie des soies, si nous ne voulions pas lui enlever toute industrie manufacturière ; suivons les conseils de (page 778) cet homme d'expérience, et accordons à l'industrie sétifère une protection qu'il a déclaré lui être indispensable.

Ne soyons pas, messieurs, en matière de douane plus généreux que nos grands voisins ; surtout ne soyons pas dupes des systèmes qu'ils préconisent sans les suivre, et n'oublions pas que l'Angleterre ne laisse libres à l'entrée dans son pays que les matières premières dont elle ne peut se passer, et les objets manufacturés qui ne peuvent faire concurrence à ses produits, et faisons, après cela, le libre échange comme elle, mais pas plus qu'elle, et nous nous en trouverons bien.

M. Delehaye. - Parmi les industries destinées à combler la lacune que le dépérissement de la fabrication des tissus de fils de lin a laissée dans le travail national, le gouvernement a signalé l'industrie sétifère. Il a pensé que la soierie pouvait pour quelques articles donner du travail à une partie des individus que l'industrie linière a laissés sans ouvrage. Un honorable député a dit que cette industrie prendrait un nouveau développement si on lui accordait quelque protection. Pour moi, mes principes sont connus, tout ce qui se rattache à notre travail national mérite notre sollicitude, par conséquent une protection ; mais auparavant je demande si l'industrie dont on veut doter le pays est viable en Belgique.

Pour moi, je pense que l'industrie sétifère dans sa généralité n'est pas de nature à s'acclimater parmi nous. Il est dans cette industrie des articles de mode, des dispositions de couleurs, pour lesquels nous ne pouvons pas lutter avec la France, quelque disposés que nous fussions à répondre à l'appel de l'honorable député d'Alost ; ces articles de mode changent tous les ans, et la France peut faire des sacrifices pour se défaire de l'excédant de ses produits et pour l'introduire chez nous. Comment peut-on espérer que la Belgique qui a un marché très restreint, qui ne peut rien envoyer sur les marchés étrangers, suive les modes et se débarrasse de son trop-plein ?

La France, qui est en possession de nous fournir la mode, qui produit pour une population de 34 millions d'habitants, la France peut satisfaire toutes les exigences d'une fabrication de ce genre ; mais en Belgique, à quoi servirait de vouloir introduire cette industrie, lorsque chaque année nous serons en présence d'un fond de magasin que nous ne saurions placer nulle part ? Je pense qu'il serait inutile de vouloir encourager ces articles de mode, nous ne pourrons jamais lutter avec la France, qui a des avantages que vous ne pouvez pas avoir. Mais en est-il de même des autres articles de l'industrie sétifère, la fabrication du fil à coudre est-elle dans la même situation ? La soie à coudre ne constitue pas, comme on l'a prétendu, une matière première. Le fil à coudre, tel qu'il se présente, n'a plus de manipulation à subir ; il est livré à la consommation tel qu'il se présente ; le fil à coudre est donc susceptible de droit. Ce droit doit-il être prohibitif ? Demandons-nous un droit très élevé ? Sous aucun rapport. On a demandé un droit de 5 à 6 p. c.

Je ne comprends pas que le gouvernement ait pu s'évertuer à repousser une pareille demande. On a parlé de l'exemple de l'Angleterre ; mais cet exemple n'est pas applicable à la Belgique ; l'Angleterre n'a pas admis la liberté illimitée du commerce ; elle n'a admis la liberté commerciale que pour les denrées alimentaires et les matières premières. Hors ces objets, elle n'a guère modifié son tarif ; pour les soieries notamment, elle protège encore l'industrie nationale d'un droit de 10 p. c. Nous sommes loin de là ; nous demandons un droit léger ; nous sommes loin, d'un autre côté, des avantages dont jouit l'Angleterre qui a des marchés privilégiés d'où les produits étrangers sont repoussés. Ces avantages, vous ne les avez pas ; on me dit :Vous les aurez. J'espère que nous les aurons. Mais puisque l'honorable membre a cité l'Angleterre, qu'il me permette de la citer aussi. Qu'a fait l'Angleterre pour obtenir ces marchés ? Elle a commencé par accorder une protection à son industrie, et ce n'est que lorsqu'à l'aide de cette protection elle est parvenue à s'assurer la consommation intérieure, qu'elle a ouvert les marchés.

Eh bien ! Faisons comme a fait l'Angleterre. Ne commençons pas par où elle a fini. Commençons comme a commencé l'Angleterre et nous finirons comme elle.

Un honorable membre nous disait hier que, pour l'industrie des houilles, il pouvait admettre la liberté illimitée du commerce. Je l'en félicite pour la localité qu'il représente ; mais j'ai la persuasion intime que si l'on adoptait la liberté illimitée du commerce pour les houilles, la Belgique en éprouverait une perte considérable. Car, remarquez-le, toutes les houillères du pays ne sont pas situées comme celles auxquelles cet honorable membre a fait allusion.

Mais l'honorable membre, en invoquant la liberté illimitée du commerce pour les houilles, s'est bien gardé de la réclamer pour d'autres industries. Ainsi, l'industrie des fers jouit d'une protection considérable. Je ne crois pas qu'on soit venu demander la suppression de cette protection.

M. Lesoinne. - Je l'ai demandée.

M. Delehaye. - L'honorable M. Lesoinne l'a demandée. Mais je me rappelle que l'honorable M. Lesoinne nous a fait un jour un rapport sur l'industrie linière, et que dans ce document il était loin de demander la liberté commerciale, qu'il demandait une protection considérable pour l'industrie des fers.

Messieurs, jusqu'à ce qu'on me prouve que l'industrie en général n'a plus besoin d'une protection, je crois devoir persister dans le système que j'ai suivi jusqu'ici.

J'appuierai la proposition de l'honorable M. de Haerne ; si elle était rejetée, je me rallierais à la proposition de l'honorable M. Osy. Mais je préfère celle de l'honorable M. de Haerne, qui accorde à l'industrie une protection inférieure encore à celle qui existe en Angleterre.

Messieurs, je finirai par une dernière observation.

Il y a encore une industrie qui se rattache au travail de la soie. C'est la fabrication des soies dites d'Anvers. Nous avons prouvé que, pour les soies dites d'Anvers, nous possédions en quelque sorte une spécialité ; elles peuvent être exportées partout. Eh bien, protégeons une pareille fabrication, qu'on cherche surtout à l'introduire dans les prisons ; et je suis persuadé que les jeunes gens auxquels a fait allusion hier un honorable député d'Alost réussiront, s'ils persistent dans la résolution qu'ils ont prise, surtout s'ils ne songent point à se livrer à la fabrication des articles de mode, articles dans lesquels vous ne pouvez réussir. (Interruption.)

On dit : Si ! Mais je vais vous donner un exemple qui vous prouvera que c'est impossible.

C'est un fait connu que, sauf quelques exceptions, les modes ne paraissent en Belgique qu'un an après qu'elles ont paru en France. Or que fait la France ? La France, après avoir réalisé, pendant la première année, des bénéfices immenses sur la production intérieure, jette sur les marchés étrangers tout ce qui lui reste de fabricats. Or, comment voulez-vous que la France venant à jeter ces produits sur les marchés belges, vous, population de quatre millions, vous puissiez lutter contre elle ? Evidemment c'est impossible ; ce serait une chimère que de l'espérer.

Dans tous les cas, ne fermons pas entièrement notre marché aux produits français ; ménageons-nous quelques débouchés en France ; tenons-nous en à ce que la Belgique peut produire, et parmi ces articles figurent les soies à coudre, les soies d'Anvers et certains tissus de soie noire pour lesquels nous avons une spécialité et qui sont déjà appréciés sur les marchés étrangers.

Ces observations, messieurs, justifient le vote que j'émettrai sur les propositions qui vous sont faites.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, nous sommes arrivés aux articles sur lesquels plusieurs amendements ont été déposés.

D'abord le gouvernement propose de maintenir le tarif actuel, tandis que le projet de loi proposait, pour ces articles, une augmentation.

En second lieu l'honorable M. Bruneau a déposé hier un amendement tendant à diminuer les droits proposés sur les soies décreusées et teintes.

Enfin, nous sommes en présence de deux autres amendements, dont un de l'honorable M. de Haerne, qui veut maintenir les droits à 6 fr, par kilog. en supprimant l'exception qui figure au projet de loi en faveur de la France, du Zollverein et des Pays-Bas, et un amendement de l'honorable M. Osy, qui propose, au lieu de 6 fr., 3 fr. par kilog.

Je m'occuperai successivement de ces divers amendements et je commencerai par ceux des honorables MM. de Haerne et Osy, que je considère comme les plus importants.

Je crois que les mêmes motifs qui nous engagent à nous opposer à l'amendement de l'honorable M. de Haerne s'appliquent également à l'amendement présenté par l'honorable M. Osy. Je crois d'abord qu'il y a une certaine erreur dans l'appréciation de la portée de ces amendements.

En effet, l'honorable M. de Haerne prétend que son amendement ne frappe les soies à coudre que d'un droit de 6 p. c, tandis que, d'après nos calculs, ce droit équivaut à 8 1/2 p. c. L'honorable M. de Haerne n'a pas tenu compte des 16 p.c. additionnels qui élèvent ce droit à 6 fr. 96 e. ce qui à 85 fr. le kilog. revient à 8 1/2 p. c.

L'honorable M. Osy propose 4 francs, ce qui fait avec les additionnels 4 francs 64 c, soit environ 5 1/2 p. c.

Ainsi les observations que nous avons présentées contre l'amendement de l'honorable M. de Haerne doivent s'appliquer également, je le répète, à l'amendement de l'honorable M. Osy. En effet, quant à la fraude, un droit de 4 francs 64 centimes par kilogrammes présente évidemment un grand appât.

D'un autre côté, nous persistons dans l'opinion qu'il n'y a aucune nécessité, aucune utilité à élever le tarif.

Les motifs qui dirigent les honorables membres ne paraissent pas les mêmes. L'honorable M. Osy a dit hier : L'industrie dont il s'agit a pris beaucoup d'extension. Par conséquent, il faut augmenter les droits. L'honorable M. de Haerne a dit : Il y a décroissance dans les exportations ; cette industrie est en décadence depuis quelques années. Il faut donc la protéger, pour qu'elle puisse maintenir la concurrence contre l'industrie étrangère.

Je répondrai à l'honorable M. Osy que si l'industrie a pris de l'extension, si elle se développe, cela dénote qu'elle n'a pas besoin d'une protection plus forte. Si elle a su conserver une bonne position avec le droit tel qu'il existe aujourd'hui, pourquoi trouvez-vous qu'il soit nécessaire de l'élever ?

Je suis, du reste, de l'avis de l'honorable M. Osy. Cette industrie a pris, je ne dirai pas depuis deux ans mais depuis quelques années, une certaine extension.

Il est vrai que, comme le dit l'honorable M. de Haerne, il y a décroissance dans les exportations depuis deux ans, et qu'il y a également décroissance dans les importations de la matière première ; mais, messieurs, cela s'explique parfaitement, par ce fait qu'il y a eu ralentissement dans la consommation à cause des circonstances calamiteuses que nous venons de traverser.

(page 779) M. de Haerne. - Les importations ont augmenté.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - C'est là une erreur. Les importations n'ont pas augmenté, elles ont diminué, au contraire, pendant l'année qui vient de s'écouler. C'est ce qui prouve à l'évidence qu'il y a eu diminution dans la consommation, et, de même qu'on faisait remarquer, il y a quelques jours, que la réduction des produits de l'accise sur le sucre était le résultat de la diminution de la consommation pendant les années malheureuses que le pays a traversées, de même je puis dire que s'il y a eu décroissance dans les importations et les exportations de la soie à coudre, et dans les importations de la matière première, cela provient de la diminution de la consommation de cet article de luxe, pendant les mêmes années.

Je disais, messieurs, que l'importation a diminué. Voici, en effet, quels en sont les chiffres. En 1840,l'importalion des soies à coudre a été de 4,526 kilog. et en 1847 elle ne s'est élevée qu'à 4,170 kilog. Je m'empresse de reconnaître qu'il y a eu également diminution dans les exportations ; mais la proportion qui existait entre les importations et les exportations, cette proportion s'est maintenue. Ainsi, par exemple, l'excédant des importations sur les exportations a été, en 1840, de 1,098 kil. et en 1847,de 1,091 kilog., c'est-à-dire qu'il n'a pas varié. Je crois donc pouvoir dire que la situation relative de l'industrie étrangère et de l'industrie belge, en ce qui concerne la consommation intérieure, est restée la même.

L'honorable M. de Haerne trouve que cette branche d'industrie est menacée aujourd'hui par la concurrence étrangère ; mais, messieurs, voilà bien des années qu'elle soutient la lutte et qu'elle la soutient d'une manière avantageuse, et je ne vois pas pour quel motif elle serait maintenant plus menacée qu'elle ne l'était autrefois ? Je crois au contraire, qu'elle a fait des progrès et qu'elle est dans une position plus forte.

L'honorable M. de Haerne a fait aussi très bon marché, messieurs, des ménagements que l'on doit garder en matière de douane vis-à-vis des puissances étrangères avec lesquelles nous avons conclu des traités. La France, dit-il, quand son intérêt l'a exigé, ne s'est pas fait faute d'élever les droits sur des produits belges. Cela est vrai, messieurs : mais précisément nous nions, dans tous les cas, qu'il y ait un intérêt majeur qui nous oblige à prendre une pareille attitude. Nous avons démontré qu'il n'y avait pas nécessité, qu'il n'y avait pas utilité même à prendre la mesure dont il s'agit.

Croyez-vous, messieurs, que parce que vous aurez élevé les droits à 4 ou 6 p. c. l'introduction des produits étrangers viendra à cesser complètement ? Mais c'est là, messieurs, une erreur évidente. Nous recevons de l'étranger un peu plus de 4 mille kilogrammes de soie à coudre. Eh bien, une certaine partie entrera encore en payant les droits et la contrebande fera le reste. Dernièrement je me suis entretenu avec un homme très versé dans cette matière, et il me disait :« Je suis convaincu que la mesure proposée n'empêcherait pas mille kilog de soie à coudre d’entrer dans le pays. » Je crois, messieurs, que le chiffre serait encore bien plus faible, et c'est pour cet intérêt que nous irions nous affranchir de toute espèce de ménagement envers les puissances avec lesquelles nous avons conclu naguère des traités de commerce !

L'honorable M. de Haerne a dit encore qu'il ne fallait pas se mettre aux genoux des puissances étrangères, qu'il fallait avoir le courage de se mettre au-dessus de ces considérations. Le cabinet a déjà eu occasion de démontrer, messieurs, qu'il n'était disposé à se mettre aux genoux de personne, et en matière commerciale comme en matière politique, nous saurions maintenir les droits et la dignité du pays, si c'était nécessaire.

Mais est-ce un motif pour aller, à l'étourdie, s'affranchir de toute espèce de ménagement, lorsque de nombreuses considérations, puisées dans l'intérêt du pays, nous engagent à tenir une conduite toute différente ?

On discutera bientôt à la tribune de France un projet de loi sur les douanes. Ce projet est un premier pas, insignifiant il est vrai, mais enfin c'est un premier pas fait par la France vers un régime moins protecteur ; nous avons réclamé quelques avantages à cette occasion ; un seul a par suite été introduit dans le projet de loi, d'une très faible importance, il est vrai, mais qui peut en amener d'autres.

Eh bien, il va s'élever des débats dans les chambres françaises sur les relations commerciales entre la France et la Belgique ; ne croyez-vous pas que, par la disposition que vous proposez, vous fourniriez aux adversaires de nos relations commerciales avec la France un argument très fort contre les rapports que nous cherchons à étendre avec le pays ? On prétendrait que nous avons élevé les droits sur un produit de leur grande industrie des soies, et sans trop approfondir l'importance de cette aggravation de tarif, les chambres françaises et le pays même accueilleraient le fait d'une manière désavantageuse pour nous.

Il ne faut pas oublier que la France est pour nous un marché immense ; que nous avons avec ce pays un mouvement d'affaires de plus de 100 millions par année, et que nous figurons pour la plus large part dans ces 100 millions. Je suis loin de dire que la France n'en profite pas ; je sais que nous lui fournissons des matières premières qui lui sont indispensables ; mais il n'en est pas moins vrai que la France reste pour nous notre débouché le plus considérable, et c'est une considération puissante pour conserver à son égard tous les ménagements nécessaires.

Messieurs, à entendre l'honorable M. de Haerne, l'avenir de l'industrie consiste dans l'élévation des droits de douane. « Révisez les tarifs, dit-il, élevez les droits, et vous allez venir efficacement au secours des Flandres : c'est le seul moyeu de sauver les Flandres, »

Je ferai d'abord remarquer à l'honorable membre que l'industrie qui languit dans les Flandres jouit d'une protection suffisante.

Il ne s'introduit point de produits liniers en Belgique.

Quanta prétendre que la question qui nous occupe, la soie à coudre, peut exercer une influence notable sur la situation des Flandres, c'est là, à mon avis, une véritable exagération. Elle n'a pas assez d'importance pour produire de semblables effets. Je m'appuierai à cet égard sur une autorité que l'honorable M. de Haerne ne récusera pas, sur le Journal du Commerce d'Anvers qui s'est occupé de la question que nous discutons, qui a fait plusieurs articles en faveur de l'élévation un droit, et cependant qui s'exprime comme suit :

« Nous avons été les premiers à dire que ceux qui croyaient que cette branche d'industrie était susceptible d'un immense développement, de nature à apporter un remède efficace au paupérisme des Flandres, se faisaient illusion. » (N° du 19 janvier.)

Ainsi, voilà un défenseur du système de l'honorable M. de Haerne qui convient que c'est se faire illusion que de prétendre que l'élévation de droits peut avoir de l'influence sur la situation des Flandres. D'ailleurs, cela résulte de l'examen de la question elle-même.

Le système de l'honorable M. de Haerne, si on le poussait dans toutes ses conséquences, serait en quelque sorte un système de représailles ; parce qu'une nation étrangère se serait affranchie de ménagements vis-à-vis de nous, nous devrions agir de même à son égard. Or, ce serait rendre un bien mauvais service à certaines branches d'industrie, que d'adopter ce système.

Quand on élève les droits sur certains produits, il arrive un moment où ces droits doivent être abaissés, par suite de traités internationaux ou d'autres circonstances.

Des établissements se sont élevés à l'abri des droits protecteurs, comptant sur les avantages que le tarif leur accorde ; et quand il s'agit d'abaisser les droits, on place ces établissements dans une situation fâcheuse, on provoque diverses réclamations.

Les industriels se plaignent des traités et du gouvernement. Le meilleur moyen pour l'industrie de s'assurer le marché intérieur, c'est le progrès, c'est le perfectionnement des produits, c'est le bon marché. Et pour y parvenir que lui faut-il ? Le stimulant de la concurrence étrangère. Nous en avons un exemple frappant dans une industrie très importante du pays.

Il y a quelques années que l'industrie des glaces demandait une augmentation de droit sur l'entrée des glacis étrangères ; bien des pétitions sont arrivées dans cette enceinte ; on prétendait qu'il était impossible que cette industrie subsistât plus longtemps si on ne la soutenait pas par des droits plus protecteurs : elle était, disait-on, près de périr.

Cette augmentation de droit n'a pas été accordée, parce qu'on a voulu garder des ménagements vis-à-vis de la France. Qu'est-il arrivé ? C'est que cette industrie si menacée est devenue tellement importante qu'elle rivalise avantageusement avec l'industrie française. Ses exportations, qui en 1842 ne s'élevaient qu'à 46 mille fr., se sont élevées l'année dernière à plus d'un million de francs.

Elle est devenue une des plus importantes industries du pays. Et pourquoi, messieurs, cette fabrication a-t-elle fait des progrès, a-t-elle introduit des perfectionnements qui lui ont permis de rivaliser avec l'industrie étrangère ? Parce qu'elle a compris qu'elle ne pouvait réussir qu'en l'emportant sur les industries rivales ; si elle eût été trop fortement protégée, elle serait probablement restée stationnaire.

La petite industrie qui nous occupe a fait aussi beaucoup de progrès ; les industriels ne sont pas restés inactifs ; ils ont réalisé, m'a-t-on assuré, des perfectionnements importants ; qu'ils continuent à s'avancer dans cette voie, ils pourront soutenir avec avantage la concurrence étrangère ; ils augmenteront leurs exportations, et cela vaudra mieux qu'une protection illusoire et inefficace.

Déjà leur situation actuelle n'a pas empêché les exportations de se maintenir au niveau de ce qu'elles étaient et de conserver à l'industrie nationale les trois quarts de la consommation intérieure.

L'honorable M. de Haerne a combattu l'argument que j'avais puisé en envisageant la soie à coudre comme matière première, l'honorable membre a voulu définir ce qu'on doit entendre par matière première. Je crois qu'il est impossible d'adopter une définition positive à cet égard.

La matière première est une question relative. En général, on doit sans doute s'entendre, comme l'a dit l'honorable préopinant ; mais on ne peut pas adopter une définition absolue. Quand on se borne à comparer deux produits entre eux, l'un peut être matière première vis-à-vis de l'autre.

L'honorable membre a invoqué A. Smith et J.-B. Say ; je n'ai garde de récuser l'autorité de ces auteurs, car leurs excellents ouvrages condamnent à peu près d'un bout à l'autre la doctrine qu'a soutenue l'honorable membre. Nous ne partageons donc pas les opinions émises par l'honorable préopinant.

Nous ne trouvons pas que c'est dans les aggravations de tarif qu'on doit chercher la prospérité de l'industrie ; nous saurons respecter les droits acquis, les intérêts de toutes les industries ; nous ne porterons l'alarme ni la perturbation nulle part ; mais nous ne voulons pas rétrograder vers le système prohibitif, quand les tendances générales des peuples sont vers la liberté commerciale.

(page 780) Messieurs, je passerai maintenant à l'amendement de M. Bruneau. Je n'en dirai que quelques mois, car cet amendement n'a pas une grande portée ; il tend à introduire le droit de 8 fr. par 100 kilog. au lieu de 45-50. Or, le droit de 42-50 sur les trames et organsins n’équivaut qu’à une demi pour cent de la valeur. L’honorable membre, dans l’intérêt d’une industrie intéressante qui vient de s'introduire dans l’arrondissement d'Alost prétend qu'il y aurait utilité à réduire ce droit de 42-50 a 8 fr. Je ne fais aucune difficulté de me rallier à cet amendement. Je n'y vois, dans tous les cas, aucun inconvénient pour l'industrie du pays.

M. Lesoinne. - L'honorable M. Delehaye, à la fin de son discours, a rappelé un rapport que j'ai présenté au nom de la section centrale, peu de temps après mon entrée dans cette chambre. Il est bon de rappeler les circonstances dans lesquelles ce projet avait été présenté.

En 1843, le gouvernement, sur des réclamations de propriétaires de hauts fourneaux du Hainaut, avait proposé d'augmenter le droit qui était alors de 2 fr. 42 c. (additionnels non compris) sur les fontes, jusqu'à 5 fr. Il avait proposé cette augmentation, parce que des fontes d'Angleterre arrivaient à Anvers, et de là étaient dirigées vers la France, en acquittaient les droits, et entraient en France comme fontes belges, jouissant, par conséquent, de la même faveur différentielle.

Comme la France a un gouvernement assez susceptible en fait de tarif commercial, on avait craint que si l'on venait à découvrir cette espèce de fraude, il ne retirât aux fontes belges les avantages qu'il lui avait faits. On proposa en conséquence d'augmenter le droit jusqu'à fr. 5 ; le droit de 2 fr. 42 c’était, selon moi, déjà prohibitif. Je regardais l'augmentation proposée par le gouvernement comme ne pouvant avoir aucune influence sur l'industrie du pays. Je le consignai dans le rapport. Je dis que cette augmentation de droit ne sauverait pas l'industrie des fers. Effectivement, les prix sont tombés tellement bas qu'à la fin de 1844, malgré le tarif prohibitif établi, on a conclu des marchés qui ne laissaient aucun bénéfice au producteur ; peu de temps après, les constructions de chemins de fer ont pris une grande extension. La spéculation s'est tournée vers ce genre de construction.

Les fontes sont alors remontées à des prix qui laissaient un bénéfice très considérable au producteur, et cette hausse n'était que la conséquence de celle qui avait lieu en même temps en Angleterre. Mais ensuite elles sont retombées au prix où nous les voyons aujourd'hui ; et il est à craindre qu'elles ne tombent plus bas encore. C'est une preuve que la protection prohibitive dont les hauts fourneaux jouissent ne leur est que d'une utilité très contestable.

Je ne sais si l'industrie que veut protéger l'honorable M. Delehaye se trouve dans la même position que l'industrie des fers, et je ne sais pas s'il en serait très satisfait pour sa province. Il y a aussi une circonstance que j'ai omise dans les explications que j'ai données sur le rapport que j'ai présenté en 1843. J'étais nouveau dans la chambre. Le seul tort que l'on pourrait me reprocher, c'est de n'avoir pas proposé que l'augmentation ne fût que temporaire.

Je tenais à prouver, par expérience (car en fait d'industrie il n'y a que l'expérience qui puisse éclairer l'opinion), que cela ne mènerait à rien.

Pour que l'honorable M. Delehaye soit d'accord avec moi, je lui proposerai d'abolir tout droit sur les fers et les houilles. Ainsi l'on viendra en aide à l'industrie de Gand d'une manière plus profitable. La seule chose que je demande, c'est qu'on mette le producteur dans des conditions telles qu'il puisse produire à bon marché. L'industrie des Flandres a le droit de se plaindre de ce qu'on lui fait payer plus cher le fer et la houille, de ce qu'on lui rend les conditions de production plus dures et par conséquent la concurrence plus difficile à supporter sur les marchés étrangers et même sur le marché intérieur.

Que mon honorable collègue se joigne à moi pour proposer (et ceci non pas en faveur de l'industrie de notre province, mais en faveur de l'industrie de sa province à lui) l'abolition complète des droits sur les fers et les houilles, et je signe avec lui.

M. Osy. - M. le ministre des affaires étrangères a cité un fait que je dois rectifier. Effectivement pendant nombre d'années, on avait réclamé une augmentation de droits sur les glaces. Mais savez-vous quel était le droit ? 12 p. c. sur les glaces étamées et 12 p. c. sur les glaces non étamées. Voilà un fort droit protecteur. Le gouvernement a bien fait de ne pas l'augmenter. Moi-même j'aurais combattu cette proposition, le droit existant étant réellement suffisant.

On dit que, depuis deux ans, il n'y a plus eu de réclamation. Je vous dirai pourquoi. C'est parce que les Français ont acheté les actions d'un grand établissement du pays, et que les Français se sont entendus avec cet établissement pour que nos glaces soient à un prix tel qu'il n'y ait plus de concurrence, et ce au détriment du consommateur.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Il est vrai que le droit sur les glaces était de 10 ad valorem. Mais cela démontre précisément que ce n'est pas l'élévation des droits qui est de nature à satisfaire certaines industries et qui les empêche de réclamer des droits plus élevés. Il n'en est pas moins vrai que la chambre a été saisie de nombreuses pétitions par lesquelles on demandait que le droit fût élevé au moins à 15 p. c. ; beaucoup de membres de cette chambre appuyaient cette prétention ; des instances très vives ont été faites auprès du gouvernement pour qu'elle fût admise. Le gouvernement y était disposé ; mais ce qui l'a déterminé à résister, c'est qu'il n'a pas voulu frapper les produits de la France.

L'honorable préopinant attribue les améliorations survenues dans l'industrie des glaces à ce que les Français auraient pris des actions dans l'un de ces établissements. Mais je crois que le principal motif de ces améliorations ce sont les progrès qu'elle a réalisés.

Que ce soit l'introduction des procédés français ou autres, peu importe, il n'en est pas moins vrai que les progrès sont immenses. C'est à ses progrès que cette industrie doit sa prospérité. Les prix ont baissé de 30 p. c, depuis quelques années. Voilà la véritable cause de sa situation prospère. Cela démontre que ce qu'il faut avant tout à une industrie pour se développer, ce n'est pas une augmentation du droit protecteur, mais les progrès, les perfectionnements et le bon marché de la production.

M. Bruneau. - Je pourrais peut-être me dispenser de prendre de nouveau la parole pour soutenir mon amendement, puisqu'il n'a pas été combattu. Je crois devoir, cependant, faire une observation sur ce qu'a dit l'honorable M. Delehaye, qui semble avoir proclamé la mort anticipée de l'industrie de la soie dans les Flandres.

Ce n'est pas une protection que je demande pour l'industrie de la soie dans les Flandres. Je demande seulement qu'elle ne soit pas entourée d'entraves, qu'elle ne soit pas étouffée. Or c'est l'étouffer que de frapper la matière première d'un droit de 11p. c ; car, remarquez-le bien, les trames et les organsins (et il est bon que vous sachiez que les organsins forment les chaînes) payent non seulement un droit de peu d'importance, à la vérité, à l'entrée, mais ces trames et ces chaînes payent à la sortie de France un droit de 10 p. c. à la valeur. Vous voyez qu'il y a là une entrave considérable pour l'industrie.

Si je vous demandais une protection, je vous demanderais de frapper d'un droit plus élevé l'entrée des tissus de soie. Aujourd'hui, ces tissus ne payent qu'un droit de 3 p. c. à la valeur. Nous ne vous demandons pas d'augmenter ce droit ; nous vous demandons seulement de dégrever les charges qui pèsent sur la matière première de cette fabrication.

Heureusement, messieurs, que le gouvernement n'a pas partagé l'opinion de l'honorable M. Delehaye quant à la vitalité de l'industrie des soies en Belgique.

Par un arrêté assez récent, le gouvernement vient d'établir à Deynze un atelier modèle pour l'introduction du tissage des soies ; et je suis persuadé que cette industrie peut prospérer, peut grandir en Belgique, comme elle a prospéré et grandi en Suisse, en Allemagne et dans d'autres pays. En effet, pourquoi ne pourrions-nous pas essayer de produire les étoffes de soie ? Nous recevons la matière première de l'Angleterre ou de l'Italie ; nous sommes aussi près de l'Angleterre que la Suisse et l'Allemagne ; de plus, nous avons une classe d'ouvriers merveilleusement appropriée à cette fabrication ; ce sont nos tisserands de toiles.

Il est vrai que nous ne devons pas conseiller à nos fabricants de se lancer dans la fabrication de ce qu'on appelle les hautes nouveautés. Ils doivent avoir des goûts beaucoup plus modestes. Cependant, il est un genre de fabrication qui offre assez de marge. A Alost, on fabrique en général des étoffes noires pour robes, pour gilets, pour cravates : ce sont les pou-de-soie, les levantines et les soies façonnées qui se font au métier à la Jacquart. On y fabrique surtout les satins pour cravates. Je crois que la fabrication de ces produits, ne considérât-on que la consommation intérieure, peut donner du travail à beaucoup d'ouvriers. Beaucoup de personnes qui se distinguent par leur bon goût pour la toilette, ne dédaignent pas de porter des fabricats d'Alost. Je suis persuadé que l'honorable M. Delehaye lui-même, qui se fait remarquer par ce bon goût, ne repousserait pas ces fabricats, et je ne serais pas même étonné que la cravate qu'il porte fût un tissu d'Alost. Dût-on, messieurs, m'accuser de faire l'article, je déposerai sur le bureau des échantillons des fabricats d'Alost. Vous verrez que dans ces fabricats il y a un degré de perfection assez considérable déjà pour pouvoir lutter avec les articles de haute nouveauté, dans le même genre.

M. le ministre des affaires étrangères vous a dit qu'il ne s'opposait pas à l'amendement que j'avais présenté, mais qu'il le considérait comme n'ayant pas une grande portée. En effet, il n'a pas une grande portée financière pour le fisc. La totalité des droits perçus aujourd'hui exclusivement sur la matière première employée à Alost, ne rapporte que 800 à 1,000 francs.

L'amendement aura peut-être pour effet de réduire ce revenu de moitié. Vous, voyez que la portée financière de ma proposition n'est pas bien grande. Mais je pense que cette proposition sera très avantageuse pour la fabrication, parce qu'elle diminuera les frais de la matière première.

Il est encore une circonstance qui augmente ces frais : c'est qu'une partie des trames doit être envoyée à Crefeld en Allemagne pour être teintes ; de manière que les soies qu'on reçoit d'Italie payent un droit comme écrites à l'entrée, payent un autre droit à leur entrée en Allemagne, en payent un troisième au retour en Belgique. Ce droit de 1/2 p. c, se répétant plusieurs fois, forme une charge assez considérable pour la fabrication.

Je crois, messieurs, devoir ajouter un mot quant aux propositions qui vous sont soumises sur les fils de soie à coudre. L'expérience nous a démontré que le droit qui est imposé en France sur la sortie des fils de soie qui sont à peu près de la même catégorie que les fils dont il s'agit, échappe complètement au payement des droits. Si vous allez porter un droit qui s'élèvera à 6 p. c. sur ces fils, il n'y a pas le moindre doute qu'ils échapperont au payement de tout droit, que le fisc ne percevra rien, et que la fraude seule percevra une prime.

(page 781) Je pense donc que la proposition de l'honorable M. de Haerne et celle de l'honorable M. Osy n’atteindraient pas le but qu'on se propose, que le fisc ne percevrait pas le droit, et que la fabrication n'obtiendrait pas par ottcieon qu'on veut lui assurer.

M. de Haerne. - Messieurs, je répondrai d'abord à l'honorable préopinant, dont je n'avais pas bien compris le système en matière d'industrie lorsqu'il a parlé dans la séance d'hier. Je comprends maintenant que cet honorable membre veut procéder en matière de douane par réduction et qu'il ne cherche pas la protection pour l'industrie. Il vient d'avancer un argument qui tend à faire rejeter l'amendement de l'honorable M. Osy, ainsi que la disposition du projet qui a été admise à l'unanimité par votre commission d'industrie. On a dit que c'était mon amendement. C'est une erreur que je dois faire remarquer à la chambre. On a perdu de vue qu'il s'agit d'une proposition qui a été faite par le précédent cabinet, qui a été adoptée par la commission d'industrie et que j'ai seulement appuyée. C'est contre cette proposition que s'est élevé l'honorable M. Bruneau. En ce qui concerne l'amendement de cet honorable membre, il doit avoir compris que lorsque j'ai pris la première fois la parole dans cette discussion, je me suis montré extrêmement modéré à l'égard de tout ce qui est matière première. J'ai dit que je n'étais pas tout à fait compétent dans la matière. Il doit avoir vu par là que mon intention, comme je l'ai du reste dit formellement, était de ménager les trames et les organsins en faveur desquels il demande qu'on fasse disparaître un droit qui lui semble trop élevé.

Messieurs, depuis la séance d'hier, depuis les développements que l'honorable M. Bruneau a donnés à la proposition, j'ai réfléchi sur la question, et je vous avoue que je suis resté indécis. En présence des dernières paroles que l'honorable membre vient de prononcer, je pencherais plutôt contre que pour son amendement.

L'honorable membre vous dit qu'il demande un dégrèvement des droits sur les trames et les organsins, parce qu'ils sont frappés non seulement d'un droit d'entrée en Belgique, mais aussi d'un droit de sortie en France, et il porte ce droit de sortie à 10 p. c.

J'ai examiné, messieurs, les chiffres des exportations françaises en cette matière, et je trouve que ces exportations se sont élevées en 1843 à 3,940,630 fr. de valeur, en 1844, à 4,077,360 fr. et en 1845 à 3,636,290 fr.

Le chiffre des droits perçus se trouve à côté, dans le tableau des douanes françaises. Eh bien, quand j'établis une proportion d'après le chiffre de l'importation, en valeur, et le chiffre des droits perçus, je trouve 5 p. c. au lieu de 10 p. c. (Interruption). C'est le taux que j'obtiens entre autres pour 1845 qui donne en droits perçus, le chiffre de 114,283. Je me borne à attirer l'attention de la chambre sur ces observations. Si je me trompe, que l'honorable M. Bruneau veuille bien se donner la peine de me répondre. Je ne demande pas mieux que d'être éclairé.

Quant à la défense de mon système, défense que j'ai principalement en vue, je ferai une observation qui me paraît décisive. L'honorable M. Bruneau en combattant le système que je soutiens avec les honorables MM. Osy, Delehaye, Van Cutsem et un grand nombre de membres de cette chambre, l'honorable M. Bruneau a dit qu'un droit de 6 ou de 4 p. c est trop élevé, parce qu'il exciterait à la fraude.

Il a dit que les trames et organsins se fraudent de France en Belgique. Je ne crois pas que cette fraude peut être considérable quand je vois les chiffres officiels de l'exportation et les droits reçus sur déclaration.

Cette exportation est d'environ 4 millions par an (Interruption). C'est le chiffre que j'ai puisé dans la statistique officielle de France. Eh bien, messieurs, en présence de ce chiffre, je ne dis pas que la fraude est impossible, mais je dis qu'elle ne peut pas être importante et c'est là un grand argument en ma faveur ; il prouve à l'évidence que la fraude pour cet article n'est pas aussi facile qu'on veut bien le dire. Je devais vous présenter cette considération, et je remercie l'honorable M. Bruneau de m'avoir mis sur la voie.

Je ferai ensuite remarquer à l'honorable M. Bruneau qu'il se trompe quand il dit que les trames et organsins viennent en grande partie de France. Je viens encore ici d'examiner les chiffres, et ils démontrent précisément le contraire de ce que dit l'honorable membre, ils démontrent que la tendance contraire devient de plus en plus forte. Ainsi, messieurs, nous avons reçu des trames et organsins de France, en 1845 827 kil. et en 1846 390 kil., de Prusse, en 1845, 1,185 kil. et en 1846 1,327 kil.

Vous voyez donc que la plupart des importations nous viennent de la Prusse. (Interruption.)

Si je comprends bien l'objection que me fait dans ce moment M. Bruneau, il dit que ce sont les organsins que nous tirons principalement de France, mais je lui ferai remarquer que les organsins doivent être en rapport avec les trames ; et ce rapport n'existe pas, puisque nous ne recevons de la France que 390 kilog., tandis que la Prusse nous fournit 1,327 kilog. J'ajouterai que 390 kil. d'organsins ne me paraissent pas suffisants pour occuper 80 tisserands.

Je le répète, messieurs, je me borne à émettre des doutes, mais je crois que mes observations ont au moins quelque utilité dans la discussion qui nous occupe.

L'honorable membre me pardonnera d'avoir énoncé ces doutes sur sa thèse, puisqu'il m'a fait l'honneur de combattre la mienne par rapport aux soies à coudre.

Maintenant, messieurs, je me permettrai de répondre encore quelques mots à ce que vient de dire l'honorable ministre des affaires étrangères.

L'honorable ministre, en revenant sur les considérations qui ont été présentées dans les séances précédentes, a répondu notamment à un discours que j'ai eu l'honneur de prononcer. Il a reproduit les arguments qu'il avait déjà présentés à la chambre et que je croyais avoir réfutés victorieusement.

Je pense encore, messieurs, que ma réfutation reste entière, puisque M. le ministre des affaires étrangères n'a pas touché le fond de mon argumentation. Il a dit qu'il y a accroissement dans les exportations de nos soies à coudre ; j'ai reconnu qu'il en avait été ainsi jusqu'en 1845, mais j'ai dénié le fait pour 1846 et 1847. M. le ministre des affaires étrangères avoue qu'il y a eu diminution dans les mises en consommation de la soie grège et augmentation dans les importations, excepté, dit-il, en 1847. Il attribue la décadence, quant aux exportations, aux circonstances calamiteuses dans lesquelles nous nous sommes trouvés, mais je ferai remarquer que cette observation de M. le ministre des affaires étrangères n'est pas exacte, car si en 1846 nos exportations ont considérablement diminué, nos importations ont augmenté d'une manière notable et l'année 1846 est bien aussi une année malheureuse.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Et 1847 ?

M. de Haerne. - Je ne connais pas les chiffres de 1847, mais vous ne pouvez pas nier que 1846 ait été une année calamiteuse, et cependant en 1846 nous voyons le contraire de ce que vous affirmez. J'ai donc eu raison de dire que votre observation n'était pas admissible en ce que vous attribuez le fait en question à la misère.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je me suis appuyé sur les chiffres de 1847.

M. de Haerne. - Je ne combats point vos chiffres de 1847. Je combats les raisons que vous avez alléguées en vous appuyant sur les chiffres de 1847, je les combats au moyen des chiffres de 1846.

Il est un autre point, messieurs, que M. le ministre des affaires étrangères n'a pas touché, c'est cette espèce d'anomalie qui existe entre la diminution des mises en consommation et l'augmentation des exportations, anomalie que j'ai attribuée à un changement de fabrication qui a permis à nos fabricants de faire des exportations plus importantes jusqu'en 1845, et, d'après ce que dit M. le ministre, en 1847. En faisant des produits à meilleur compte, des produits non voulus en Belgique, ils ont pu fournir davantage à l'étranger, mais en même temps ils ont moins travaillé pour le pays. Et au total il y a eu perte pour eux, ce qui s'accorde avec la diminution des mises en consommation de soies écrues.

Voilà, messieurs, le fond de l'argumentation que j'ai fait valoir et à laquelle M. le ministre des affaires étrangères n'a pas répondu un mot.

Il reste donc établi que l'industrie des soies à coudre et à broder a décliné, qu'elle perd de son importance, qu'elle a été obligée de diminuer depuis quelques années le nombre de ses ouvriers, et qu'elle a droit par conséquent à la protection modérée qu'elle sollicite.

M. le ministre des affaires étrangères nous fait encore peur de la France ; il nous dit qu'il sera bientôt question, dans ce pays, d'un nouveau projet de douanes, dans lequel nous avons réclamé quelques faveurs ; que c'est un motif de ménager la France.

A cela je n'ai qu'un mot à répondre, mais cette réponse me paraît péremptoire.

Dans le projet de loi auquel on a fait allusion, avons-nous quelque chose à craindre de la France ? Evidemment non ; la France fera des changements dans son tarif général ; si vous obtenez quelques faveurs dans ces changements de tarif, ce sera parce que la France jugera à propos d'établir des réductions dont les autres nations profiteront comme vous. Espérer davantage, c'est se faire illusion.

La France, vous exclurait-elle des avantages qu'elle accorderait aux autres ? Elle pourrait le faire si vous agissiez contre en particulier ; mais l'acte que nous vous demandons de poser, serait général ; et, jusqu'ici, on a respecté ce droit de nation à nation.

J'ai invoqué aussi l'intérêt des Flandres quand j'ai parlé de la question qui nous occupe ; je dois le dire, je reviendrai plus d'un fois sur ce sujet, messieurs, parce que cet intérêt me paraît des plus graves ; pour nous surtout, députés des Flandres, c'est un devoir impérieux d'appeler l'attention de la chambre et du gouvernement sur la situation des Flandres, et je ne pense pas qu'on puisse nous en faire un reproche, alors même que nous en parlerions quelquefois hors de propos.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). et M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Non !

M. de Haerne. - M. le ministre des affaires étrangères a fait entendre qu'il s'agit d'une industrie minime, par rapport à l'immense question des Flandres. Je n'ai pas prétendu que cette industrie puisse sauver les Flandres, mais j'ai dit que cette industrie, à côté de plusieurs autres, également petites, qu'on a introduites ou qu'on peut encore introduire, peut faire un bien assez notable. Je crois que cela est parfaitement exact.

Et ici je suis d'accord avec M. le ministre de l'intérieur qui, dans une mémorable discussion sur la question des Flandres, a dit, entre autres, qu'il fallait, non pas bannir de cette contrée les petites industries, ou les (page 782) abandonner aux chances d'une concurrence insoutenable, mais au contraire, les y introduire en aussi grand nombre que possible. Or l'industrie, dont je parle, doit procurer d'autant plus d'avantages aux Flandres que déjà elle y est implantée et qu'elle n'a besoin que de se développer ; ce qu'elle pourra faire, si on veut lui accorder la légère protection qu'elle demande.

Messieurs, si vous accordez à cette industrie une protection suffisante, pour que le marché intérieur lui soit assuré, au moins en grande partie, il en résultera qu'elle pourra accroître ses exportations ; toute industrie qui acquiert la possession du marché intérieur, augmente ses exportations, parce qu'elle accroît son capital, qu'elle travaille eu plus grande masse et par conséquent à meilleur compte, qu'elle fait plus de bénéfices et qu'elle a des produits plus variés.

Messieurs, on vous a parlé aussi de l'industrie des glaces. Je ne dirai qu'un mot, c'est que les industries ne se ressemblent pas toutes et que si une industrie quelconque peut prospérer sans grande protection, il n'en est pas de même quant aux autres industries. Il n'y a pas de parité entre l'industrie des glaces et celle des soies à coudre, quant à la matière première ; il y a une autre différence, c'est que la protection dont jouit l'industrie des glaces est plus forte que celle que nous demandons en faveur de l'industrie des soies à coudre, et surtout beaucoup plus forte que celle dont elle jouit à présent ; car vous le savez, cette protection est nulle, c'est un droit de balance.

Pour ce qui regarde le chiffre proposé dans le projet, quant à l'industrie des soies à coudre, je ne suis pas d'accord avec M. le ministre des affaires étrangères ; il a fait un calcul d'après lequel il porte ce chiffre à 8 1/2, avec les centimes additionnels ; mais il n'a pas fait la moyenne entre 8 et 6 ; c'est sur cette moyenne qu'il faut établir le calcul ; c'est en procédant d'après 5 1/2 qu'on arrive à 7 fr. 96, avec les 16 centimes additionnels, si toutefois on prend la valeur des soies à 80 fr. le k.il., chiffre inférieur à celui qui se trouve indiqué dans les tableaux officiels de France et de Belgique. Je crois que ce droit n'est pas trop élevé et que la chambre fera bien de l'adopter ; en l'adoptant, elle fera chose utile à cette industrie et aux Flandres ; mais la mesure ne sera efficace que si la chambre adopte en même temps l'amendement que j'ai eu l'honneur de lui proposer, et qui supprime les exceptions établies dans le projet de loi en faveur de quelques puissances étrangères ; la suppression de ces exceptions ne peut pas nous nuire, quant à l'extérieur, comme il a été démontré dans la discussion ; d'un autre côté, si on ne le supprime pas, le droit qu'on demande devient en quelque sorte illusoire.

(page 787) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je ne voudrais pas prolonger cette discussion déjà bien longue ; je tâcherai donc d'abréger les observations que j'aurai à présenter.

Messieurs, l'honorable M. de Haerne, mû par un zèle louable, vous a longtemps entretenus de la question des fils de soie retors. Il l'a fait, dit-il, dans l'intérêt des Flandres. A ce titre, la proposition de l'honorable membre et les discours qui l'ont accompagnée avaient droit à toute l'attention de la chambre et du gouvernement.

Eh bien, pour rester sur ce terrain de l'intérêt des Flandres, je crois que l'honorable M. de Haerne ne niera pas que les Flandres ont un grand intérêt à maintenir au moins le statu quo à l'égard de certaines puissances qu'il s'agirait de repousser par l'amendement, à ne pas fournir de prétexte à ces puissances d'aggraver, soit dans leur législation, soit dans l'application de leurs tarifs, la situation actuelle de l'industrie principale des Flandres, qui restera longtemps encore, nous l'espérons, industrie principale de ces provinces, l'industrie des lins. Si la proposition d'excepter la France n'avait pas été faite par le ministère précédent qui a présenté le projet de loi, je concevrais qu'à la rigueur ont eût pu introduire l'augmentation de droit proposée par l'honorable M. de Haerne, sans courir les chances d'éveiller l'attention, je ne dirai pas du gouvernement français, mais des députés qui s'intéressent à l'industrie de la soierie dans les chambres françaises. Aujourd'hui la question n'est pas entière. Le cabinet précédent, en présentant son projet, a cru devoir exempter formellement la France et l'Allemagne de l'augmentation de droit. Le gouvernement français est averti qu'il a été fait une exception en sa faveur ; retirer aujourd'hui cette exception, ce serait donner à la France le droit de se plaindre, de constater une sorte d'hostilité directe.

Je sais que, eu égard à l'importation des fils de soie en Belgique, l'intérêt n'est pas grand pour la France ; mais à voir avec quelle énergie l'intérêt particulier sait grandir à la hauteur d'un intérêt général un simple intérêt personnel, il ne faudrait pas vous étonner si, dans les discussions de la chambre des députés de France, on venait invoquer cette espèce d'hostilité qui aurait surgi dans une discussion récente du parlement belge. Je crois donc que, sans vouloir subordonner l'action du gouvernement belge au bon plaisir des gouvernements étrangers, nous devons agir avec réserve sur cette question.

L'honorable membre reconnaît que la proposition, si on maintient les exceptions posées par le cabinet précédent, n'établirait qu'une augmentation stérile, qu'autant vaudrait ne pas voter d'augmentation que de le faire avec les exceptions. Je demande s'il est dans l'intérêt de l'industrie principale des Flandres de fournir un prétexte d'hostilité à la France, soit dans une législation nouvelle, soit dans l'exécution de la législation, actuelle.

Messieurs, mettant à part cette question de relations internationales, je crois qu'il n'y aurait pas encore de motifs suffisants pour introduire une aggravation dans notre tarif, en ce qui concerne les fils de soie. Cette industrie n'est pas à l'état de décadence ; elle a pu s'élever, être entretenue dans le pays sans la protection du tarif.

Si je n'écoutais que les intérêts que l'honorable M. de Haerne a voulu servir dans cette circonstance, les intérêts, je dois le dire, de certains établissements appartenant à mon arrondissement électoral, je donnerais la main à la proposition de l'honorable M. de Haerne, car je ne dois pas laisser ignorer à la chambre que des industriels de l'arrondissement d'Anvers demandent aussi une augmentation de droit sur les fils de soie. Mais il faut savoir résister à des prétentions lorsqu'elles ne sont pas motivées par des nécessités pressantes et qu'en les admettant on s'expose à provoquer des modifications préjudiciables à des intérêts plus généraux.

Nous ne sommes point indifférents aux progrès de cette industrie intéressante dont on s'occupe à Courtray et à Anvers. Mais j'aimerais mieux voir accorder une protection directe à cette industrie, que de chercher à la développer au moyen d'une aggravation de tarif qui pourrait porter en elle-même de graves inconvénients. Si une occasion se présentait d'être plus directement favorable à cette industrie, je m'empresserais de la saisir.

Je dois dire un mot en réponse à un honorable député des Flandres qui a déclaré qu'à ses yeux l'industrie des tissus de soie n'était pas née viable en Belgique ; je crois que l'honorable M. Delehaye, après y avoir un peu réfléchi, changera d'opinion ; les arguments qu'il a fait valoir peuvent s'appliquer à toutes les industries qui vont chercher leurs matières premières en dehors du pays.

L'industrie cotonnière est de ce nombre ; pas plus que l'industrie de la soierie, elle n'a le privilège de régler la mode et de donner le ton ; cela n'empêche pas qu'elle joue un grand rôle en Belgique. Je crois, sans vouloir rien exagérer sous ce rapport, qu'on peut trouver dans les tissus de soie une ressource certaine pour les Flandres. cette industrie cet avantage de répondre à l'aptitude de l'ouvrier flamand ; il tisse le coton, le lin, la laine ; il peut facilement se transformer en tisserand d'étoffes de soie.

Le tissage de la soie n'est pas particulier au midi de la France, il n'est pas subordonné aux influences climatériques. L'Angleterre a donné une grande extension à l'industrie de la soierie. Et, pour le dire en passant, de quelle époque date l'état florissant de l'industrie de la soierie en Angleterre ? C'est de l'époque où les hommes d'Etat de l'Angleterre ont proclamé que l'industrie devait chercher ses éléments de prospérité dans un système libéral et non dans un système prohibitif. C'est par les soieries qu'ils ont ouvert la brèche du système protecteur, ils ont diminué les droits d'entrée sur les soies étrangères. A partir de ce moment l’industrie de la soierie a commencé à prospérer en Angleterre.

M. d'Elhoungne. - En réduisant le tarif on a diminué la fraude.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne dis pas que la réduction du tarif n'a pas fait diminuer la fraude, mais je constate que l'industrie indigène a commencé à se développer du moment où l'on a diminué le tarif sur la soierie étrangère.

M. de Haerne. - Il y a encore 15 p. c.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Soit. Mais enfin avec une diminution du tarif a coïncidé l'état plus prospère de l'industrie de la soierie. C'est un fait que je constate en passant.

Ce n'est pas seulement en Angleterre que l'on peut constater le succès de l'industrie sétifère. C'est aussi en Allemagne. Pourquoi nos tisserands ne pourraient-ils pas faire ce que font les tisserands allemands ?

Au surplus, il n'est pas exact de dire que l'industrie sétifère n'a pas chance de vivre en Belgique, que les Belges ne sont pas aussi aptes à pratiquer dite industrie qu'ils le sont à pratiquer les industries de la toile, de la laine et du coton ? Anvers est depuis bien longtemps renommé pour ses tissus de soie.

M. Delehaye. - C'est ce que j'ai dit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Cependant, si je vous ai bien compris, vous avez repoussé l'idée de l'extension de l'industrie de la soierie dans le pays.

Il y a, en fait de soieries, autre chose que des nouveautés. Il y a de ces soieries qui servent à tous les usages, à la consommation générale, indépendante des caprices de la mode et des goûts passagers. C'est surtout ce genre d'industrie que nous devons chercher à développer.

Mais je dois le déclarer, si cette industrie se développe, ce ne sera pas, aussi longtemps du moins que je dirigerai cette partie du service public, à la condition d'être protégée par des droits considérables. Si la soierie prend une part plus large dans l'industrie du pays, ce ne sera pas par l'influence d'un tarif exagéré. Une fois l'élan donné par l'Etat, ce sera dans ses propres forces qu'elle devra trouver ses éléments de succès.

Sans prétendre ériger ce système en règle absolue, qui ne comporte aucune espèce d'exception dans aucun cas, je déclare que nous n'avons pas l'intention de procéder, en matière de tarif, par des aggravations. Nous avons accepté les tarifs, tels qu'ils sont. Nous n'y porterons pas légèrement la main. Nous sommes résolus à ne pas procéder par voie d'aggravations de tarif.

J'ai indiqué les inconvénients qu'entraînerait la suppression de l'exception proposée en ce qui concerne la France. D'un autre côté, l'honorable auteur de l'amendement reconnaît que si cette exception était maintenue, son amendement viendrait à tomber. Dans cette situation peut-être conviendrait-il que M. le président consultât d'abord la chambre sur la question de savoir si l'exception proposée au projet de loi sera maintenue.

(page 782) M. Delehaye. - Je comprends que le député d'Alost m'ait supposé une opinion que je n'ai pas émise ; il voulait se ménager l'innocent plaisir d'une spirituelle plaisanterie ; je ne veux pas même troubler sa joie, je ne dirai point que ce qu'il attribue à mon bon goût pourrait très bien n'être dû qu'à mon patriotisme.

Mais je ne conçois pas que M. le ministre de l'intérieur m'ait supposé une opinion que je n'ai pas exprimée, des idées que je n'ai pas énoncées. Il a dit que l'industrie sétifère avait autant d'avenir en Belgique que dans tout autre pays. Mais depuis que je siège dans cette enceinte (et il y a déjà quelques années que j'ai l'honneur de siéger parmi vous), n'ai-je pas toujours dit que nos tisserands ne le cédaient à ceux d'aucun autre pays, fût-ce ceux de France et d'Angleterre ?

L'honorable ministre ne comprend pas que nous adoptions le système de l'honorable M. de Haerne, parce que les chambres françaises sont à la veille de réviser leur tarif. Mais depuis quand cette grande sollicitude pour la France ? J'avoue que je ne m'inquiète pas des représailles que l’on pourrait prendre de ce côté, parce qu'elles seraient injustes et que cette grande nation nous a trop souvent prouvé son grand respect pour les droits de toutes les nations. Nous ne blessons pas sa susceptibilité puisqu'il s'agit de mettre toutes les puissances sur le même pied. Mais vous avez fait une convention avec la France. Le gouvernement français n'a-t-il pas constamment interprété cette convention dans ses intérêts, sans toutefois porter atteinte aux droits que nous avions acquis ? Faisons comme elle, respectons les garanties que nous lui avons données, mais ne négligeons pas les mesures que notre bien-être industriel nous indique.

Ou dira, en France, que nous avons frappé l'industrie des soies à coudre d'un droit de 5 p. c. Mais il n'y a pas d'industrie, tant soit peu prospère en France, qui ne soit protégée par un droit plus élevé.

Pour ce qui se fait en Angleterre, M. le ministre a commis une grande erreur : il perd de vue que l'industrie sétifère est protégée dans ce pays par un droit de 10 à 18 p. c. Tout aptes que puissent être nos ouvriers flamands (et je ne l'ai jamais contesté) à pratiquer cette industrie comme toute autre, comment soutiendraient-ils la concurrence contre l'industrie similaire jouissant d'une telle protection ?

L'illustre Robert Peel l'a dit, la réduction du droit à 10 p. c. n'est pas une faveur faite à l'industrie sétifère française ; cette mesure paralyse plutôt cette industrie ; car ainsi on enlève aux droits toute la hauteur de la prime de fraude. On fixe donc le droit à un taux qui rend la fraude impossible. Et par là on assure sa perception complète.

Mais en Belgique nous avons un droit qui s'élève à peine à 5 ou 6 p. c. de la valeur, puisque la plupart des articles dépassent une valeur de 100 fr. En présence d'un droit aussi minime, on n'est pas fondé à nous opposer ce qui se passe en Angleterre. Si vous êtes sincèrement enthousiaste de ce qui se passe chez cette grande nation, hâtez-vous d'adopter la-proposition de M. de Haerne.

L'honorable ministre de l'intérieur et l'honorable député d’Alost n'ont pas, j'ose le dire, voulu comprendre ce que j'ai dit. J’ai dit, en ce qui concerne la fabrication d'Anvers, que nous avons la une spécialité que nous avons réussi à placer sur le marché étranger ; j'ai dit qu’il fallait la maintenir. J'ai été plus loin : j'ai dit que les deux industries signalées par l'honorable M. Bruneau étaient dignes de toute notre sollicitude.

Mais j'ai ajouté que nous ne devions pas entreprendre la fabrication des articles de nouveautés qui varient tous les ans, qui suivent tous les caprices, toutes les exigences de la mode. Ainsi nous sommes complètement d'accord avec l'honorable M. Bruneau. Mais quand il s'agit des articles de modes, je ne partage plus du tout son avis. Je dis que vous ne pouvez réussir dans la fabrication de ces articles.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne vous ai pas parlé de articles de modes.

M. Delehaye. - J'ai cru comprendre que M. le ministre de l'intérieur n'avait combattu mon opinion que pour autant que j'aurais soutenu que les articles de modes ne pouvaient se fabriquer en Belgique. C'est ce que j'ai dit. Je persiste à le soutenir ; et si M. le ministre n'a pas entendu combattre cette opinion, il a été en erreur, puisque je n'en ai point soutenu d'autre, et puisque l'honorable ministre paraît ne pas avoir fait attention à mon premier discours, qu'il me permette de rappeler l'exemple que j'ai donné à la chambre.

Comment veut-on espérer qu'une nation de 4 millions d'habitants, qui ne peut espérer d'exporter de semblables produits, lutte contre la France qui, chaque année, vient déverser sur le marché belge son trop-plein, après qu'elle a réalisé sur l'article des bénéfices énormes ,et qui vient souvent nous céder ce trop-plein même à perte ? Car il arrive tous les ans que la France et l'Angleterre consentent à vendre à perte des produits à des prix moins élevés que ceux que l'on a payés dans le pays de production. Et cette perte que font les industriels français et anglais est, en définitive, un bénéfice pour eux ; car s'ils ne pouvaient se débarrasser de leur trop-plein, ils auraient un encombrement qui entraînerait des pertes bien plus considérables.

Je crois que ces explications feront comprendre à M. le ministre de l'intérieur et à l'honorable M. Bruneau quelle était la portée de mes observations.

Quant à l'amendement que vous a proposé l'honorable M. Bruneau, je suis loin de le combattre ; au contraire, j'y donnerai les mains et je prouverai qu'il est très rationnel.

En effet, que veut M. Bruneau ? Il demande, dans l'intérêt du tissage, une réduction de droits sur un objet qui est réellement matière première, puisqu'il s'agit de chaînes et de trames. Le tarif en discussion propose l'établissement d'un droit de 42 fr. L'honorable M. Bruneau demande que ce chiffre soit réduit à 8 fr. Je dis qu'il a raison. Pourquoi ? Parce qu'il n'existe aucune industrie similaire en Belgique, et que cette proposition peut favoriser le tissage en Belgique.

Vous voyez donc que je suis parfaitement d'accord avec l'honorable M. Bruneau, et je ne comprends pas cette supposition qu'il a faite, que je voudrais combattre le travail national.

Je ne dirai plus qu'un mot en réponse aux observations de l’honorable M. Lesoinne.

Certes, je ne mets pas en doute la sincérité de mon honorable ami. Je suis convaincu qu'il n'y a pas d'homme plus sincère que lui. Mais est-il bien vrai que l'industrie houillère de Liège ne redoute pas la concurrence ? Qu'est-il arrivé dernièrement ? Les députés du Hainaut ont demandé une réduction des péages pour favoriser les producteurs de houille de cette province. Aussitôt les députés de Liège ont pris la parole pour combattre cette réduction ; ils sont venus vous dire que si vous accordiez une protection aussi forte aux houillères du Hainaut, celles de Liège ne pourraient plus soutenir la concurrence.

Vous voyez que, quelque belle que soit la théorie du libre échange, on recule lorsqu'on en vient à la pratique.

Messieurs, l'honorable M. Lesoinne vous a dit que les Anglais avaient fait transiter leurs fers par la Belgique pour les introduire en France. Mais j'en appelle à l'intelligence remarquable et à la haute raison de mon honorable ami. S'il en est ainsi, comment peut-il supposer que, sans des droits protecteurs, l'industrie des fers belge pourrait soutenir la concurrence contre l'industrie anglaise, alors que celle-ci, tout en ayant à supporter les frais de transit, de port et de droit d'entrée, peut encore venir lutter avec nous sur le marché français ?

Ces exemples, messieurs, font justice de la théorie de la liberté illimitée du commerce. Certes, la libre importation des houilles serait favorable à l'industrie des Flandres. Cependant nous la repoussons, parce que nous voulons que toutes les industries, que le travail national quelles que soient les industries auxquelles il s'applique, soient protégés, et nous voulons que cette protection soit égale pour tous.

- La discussion est close.

M. le président. - Le projet établit une exception en faveur de certains pays. M. le ministre de l'intérieur a demandé qu'on mît d'abord aux voix le maintien de cette exception. Je ferai remarquer à M. le ministre de l'intérieur qu'il serait plus rationnel de voter d'abord sur le tarif. Le maintien de l'exception peut dépendre de l'élévation plus ou moins grande des droits. C'est ainsi que si l'amendement de M. le ministre des affaires étrangères était adopté, l'exception viendrait à tomber.

(page 783) M. de Haerne. - Je voulais aussi faire remarquer que le littera L ne se rapporte qu'à deux articles et qu'il y en a d'autres sur lesquels il faudrait d'abord voter.

M. le président. - S'il n'y a pas d'opposition, je commencerai par mettre aux voix les chiffres du tarif.

« Soies en cocons, par 100 kilog., à l'entrée 10 c., à la sortie 5 c. »

- Adopté.


« Soies écrites et décreusées, grèges, y compris les doupions, par 100 kilog-, à l'entrée 1 fr., à la sortie 5 c. »

- Adopté.


« Id., moulinées, y compris les doupions, trames et organsins, par 100 kilog., à l'entrée 4 fr., à la sortie 5 c. »

- Adopté.


« Id. toutes autres, le kilog., à l'entrée 5 fr.. à la sortie 1 c. »

M. le président. - M. le ministre des affaires étrangères a proposé de réduire le droit d'entrée sur ce dernier article à 4 fr. les 100kilog.

- Cette proposition est adoptée.


« Id. décreusées ou teintes. Trames et organsins, par kilog., à l'entrée 1 fr. 50, à la sortie 1 c.»

M. le président. - Le gouvernement avait proposé 42 fr. 40 à l'entrée et 5 c. à la sortie, par 100 kilog.

M. Bruneau a proposé de réduire le droit d'entrée à 8 fr. par 100 kil.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je me rallie à cet amendement.

- La proposition du gouvernement est mise aux voix et adoptée avec l'amendement de M. Bruneau.


« Id. Toutes autres, par kilog., à l'entrée 6 fr., à la sortie 1 c.»

M. le président. - Le gouvernement a proposé par 100 kilog., à l'entrée 85 fr., à la sortie 5 c.

M. Osy a proposé de porter le droit d'entrée à 4 fr. par kilog., et de supprimer les exceptions, stipulées dans le projet primitif, en faveur de la France, du Zollverein et des Pays-Bas.

M. de Haerne a proposé également de supprimer ces exceptions.

Je mettrai d'abord aux voix l'amendement du gouvernement, qui s'éloigne le plus de la proposition primitive.

M. Osy. - Il faut commencer par le chiffre le plus élevé.

M. le président. - En matière de dépenses, il est d'usage de commencer par le chiffre le plus élevé, mais en toute autre matière on se conforme au règlement en mettant d'abord aux voix l'amendement qui s'écarte le plus de la proposition primitive.

Quelqu'un demande-t-il la parole sur la position de la question ?

M. Dubus (aîné). - Il est impossible de procéder comme l'indique M. le président, car alors bien des membres seraient dans l'impossibilité d'émettre un vote. Comment voulez-vous, en effet, qu'un membre qui préfère le chiffre le plus élevé se prononce sur un chiffre intermédiaire avant de savoir si le chiffre supérieur ne peut pas obtenir une majorité. Si on vote d'abord sur le chiffre le plus élevé, et s'il est rejeté, alors les membres qui se trouvent dans le cas dont je viens de parler voteront pour le chiffre intermédiaire. Je crois donc qu'il faut commencer par le chiffre le plus élevé.

M. Osy. - C'est ainsi qu'on a procédé notamment dans la discussion de la loi sur les droits différentiels.

M. le président. - L'honorable M. Liedts, avec lequel je me suis entretenu avant l'ouverture de la séance, m'a dit qu'il mettrait d'abord aux voix le chiffre le moins élevé, comme s'écartant le plus de la proposition primitive. Il considérait cette marche comme la plus conforme au règlement et aux usages de la chambre.

M. Malou. - Il me semble qu'il faudrait commencer par mettre aux voix les exceptions. Quant à moi, mon vote sur le chiffre dépend de la question de savoir si les exceptions seront maintenues. Je pourrais par exemple admettre le droit de 6 francs avec les exceptions et ne pas l'admettre sans les exceptions.

Quant aux différents chiffres qui sont en présence, je crois qu'il faut commencer par le droit le plus élevé. Je me rappelle plusieurs circonstances où l'on a procédé de cette manière.

M. le président. - On avait proposé de voter d'abord sur les exceptions, mais j'ai fait observer que le maintien des exceptions pourrait dépendre, pour certains membres, du chiffre qui serait adopté et j'ai dit que je mettrais d'abord aux voix les différents chiffres du tarif. L'observation de M. Malou sur ce point est tardive.

Je consulterai la chambre uniquement sur le point de savoir si l'on commencera par le chiffre le plus élevé ou par le chiffre le moins élevé.

- La chambre décide qu'elle votera d'abord sur le chiffre le plus élevé. Les chiffres de 6 et de 4 francs sont successivement mis aux voix et rejetés.

- L'amendement du gouvernement est ensuite adopté.

M. le président. - Par suite de ce vote le littera L vient à tomber. (Interruption.) Je consulterai la chambre.

La chambre décide que le littera L est supprimé.


« Bourre ou déchets. — En masse ou cardée, pour 100 kil., à l'entrée 10 c., à la sortie 5 c.»

- Adopté.


« Filée (Moselle), par 100 kilog., à l'entrée 10 c., à la sortie 5 c.»

« Fleuret et galette, le kilog. à l'entrée, 25 c., à la sortie 5 c. »

M. le président. - Le gouvernement propose de réunir ces deux articles et de fixer le» droits, par kilog. à 25 c. à l'entrée et à 1 c. à la sortie.

La proposition du gouvernement est adoptée.


M. le président. - Vient ici la proposition de M. Loos, proposition qui formerait une disposition additionnelle. Elle est ainsi conçue :

« Tissus de soie de toute espèce, y compris les châles et écharpes, de l'Inde et de la Chine, importés directement des lieux de provenance, par pavillon belge, 2 p. c, par pavillon étranger, 3 p. c. »

M. Loos. - Messieurs, la chambre se rappellera que je n'ai proposé hier mon amendement que pour obtenir une explication de M. le ministre des finances. J'ai dit que si le cabinet actuel persiste à croire que l'application des tarifs a été bien faite, je proposerais dans ce cas une nouvelle tarification. J'attendrai les explications que M. le ministre des finances est sans doute prêt à donner.

M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je suis en mesure de donner les éclaircissements que l'honorable préopinant a demandés hier. Les voici :

Le mot « châles » ne figure pas nominativement au tarif des douanes de 1822. A cette époque, les « objets de modes » ne payaient que 10 p. c. de la valeur, et la différence entre le droit comme « tissus » et celui comme « mode » était peu importante.

Un arrêté du 14 juillet 1843 a porté le droit à 20 p. c ; mais déjà précédemment l'administration avait réglé l'application du tarif aux châles. Une décision ministérielle du 8 février 1841 porte : « Les châles, mouchoirs et fichus de soie, de laine, de crêpe, etc., qui ont été soit brodés, soit garnis de franges ou d'autres ornements après la fabrication des tissus, doivent être classés parmi les ouvrages de modes, parce que, par l'addition de broderies, passementeries et autres ornements, ils ont subi des modifications, suivant la fantaisie ou le goût de la mode. Au contraire, ils devraient être soumis aux droits comme tissus, suivant la matière dont ils sont composés, s'ils étaient livrés au commerce tels qu'ils sortent de l'atelier de tissage, sans cette addition d'ornements.»

Cette interprétation a été appliquée sans donner lieu à aucune contestation. Elle a été maintenue dans le tarif officiel, publié en exécution de la loi du 21 mars 1846. On y lit à l'article Châles « brodés, garnis de franges ou d'autres ornements, après la fabrication du tissu. Voir Modes (ouvrages de). »

D'après les traités conclus avec la France et le Zollverein, les ouvrages de modes importés de ces pays ne payent plus que 10 p. c ; mais rien n'ayant été stipulé à l'égard des articles similaires importes d'autres Etats, ils restent soumis au droit de 20 p. c. établi en 1843.

Il surgit, en 1847, une réclamation contre cette application. On prétendit « que le droit de 20 p. c. ne pouvait être maintenu, en bonne justice, qu'aux modes venant des pays situés en Europe ; que tout notre système commercial résiste à une interprétation contraire ; que c'est contraire à la loi des droits différentiels, votée dans le but d'encourager les relations directes avec les légions transatlantiques, que de soumettre au droit de 20 p. c. des châles importés de la Chine. »

Cette réclamation n'a pas été admise. Il y fut répondu qu'en présence de l'arrêté du 14 juillet 1843, l'administration ne pourrait y avoir égard sans accorder un dégrèvement de tarif, ce qu'il n'est pas en son pouvoir de faire.

L'honorable M. Loos a critiqué cette résolution dans la séance d'hier, « Je tiens, dit-il, en mains le tarif qui porte : Tissus de soie, par 100 fr. de valeur, 3 fr. » Il y avait là évidemment erreur dans cette citation, et l'honorable membre vient de le reconnaître lui-même.

Cet honorable député a cité deux notes annexées à l'arrêté du 14 juillet 1843, et il a cherché à établir qu'elles se contredisent. Je ferai remarquer d'abord que ce ne sont pas de simples notes, mais des dispositions particulières, qui font partie de l'arrêté ; qu'ensuite il ne faut pas perdre de vue qu'une de ces dispositions, celle qui assimile les objets de modes aux habillements neufs, figure en regard de l'article Habillements et vêtements, et que l'autre, celle qui assimile les châles aux tissus est en regard de l'article Tissus de laine. Ainsi, les châles en soie qui présentent les caractères indiqués plus haut, c'est-à-dire auxquels on a ajouté des franges ou d'autres ornements, doivent être considérés comme modes, c'est-â-dire habillements, tandis que les châles en laine autres que les cachemires sont tarifés comme tissus de laine.

Telles sont les explications qui m'ont été demandées et les dispositions de tarifs qu'elles indiquent ont mis obstacle à ce que le département des finances prît une autre décision que celle qui a été l'objet de critiques.

Je n'ai pas eu le temps de voir toutes les pièces du dossier ; mais jusqu'à présent, je suis porté à croire qu'il n'était pas possible de statuer différemment, de sorte qu'il faudrait qu'une modification intervînt dans notre législation douanière. L'amendement de l'honorable M. Laos a ce but. Mais est-ce bien ici sa place ? Sa portée est grande. Les conventions conclues avec la France et le Zollverein assurent à ces Etats le partage des faveurs que nous ferions pour les soieries, à d'autres pays, et ce, aux mêmes conditions. Ici il s'agit d'une concession gratuite à des articles importés de Chine. Elle ne devrait, en aucun cas, être faite sans garanties, car des soieries fabriquées en Angleterre pourraient être introduites en Belgique après avoir fait ce long voyage. Elle ne devrait pas non plus être une concession spontanée de notre part, sans savoir s'il n'est pas possible de la mettre à profit pour nouer des relations plus (page 784) avantageuses avec la Chine, qui, elle aussi, est entrée dans la voie des traités de commerce. Je ne me sers pas de ces raisons pour opposer à jamais une fin de non-recevoir à un amendement que l'honorable membre nous annonce ; mais je pense que la chambre les jugera suffisamment fondées, pour différer de se prononcer, jusqu'à ce que l'amendement ait subi les épreuves d'un sérieux examen.

Déjà, messieurs, des propositions nouvelles ont surgi ; quelque simples qu'elles soient au fond, il est encore difficile de les apprécier, séance tenante. Il doit en être ainsi, à plus forte raison, de l'amendement de l'honorable député d'Anvers. Dans le projet qui est soumis à votre sanction, les modifications de tarif ont presque toutes subi l'épreuve d'une expérience de près de deux ans. Les différents intérêts ont eu le temps de s'expliquer. Je regarde cette manière de procéder comme la meilleure, et je crois qu'il ne faut pas s'en écarter, alors surtout qu'il y a doute. Quant à la question d'application, question d'intérêt privé, qui a engagé l'honorable M. Loos à formuler un amendement, je m'engage volontiers à l'examiner avec soin et à en conférer avec lui.

M. Loos. - Messieurs, les explications que M. le ministre des finances vient de donner me prouvent plus que jamais qu'il y a eu une fausse application de tarif.

En effet, que vous a dit M. le ministre des finances ?

Il vous a expliqué de quelle manière étaient imposés les tissus de soie, les châles ; mais ce qu'il n'a pas pu expliquer, c'est où le gouvernement a trouvé le droit d'assimiler les châles brodés à des vêtements.

En effet, il y a dans l'arrêté du 14 juillet 1843 un droit nouveau établi pour les vêtements ; mais il n'est pas établi un droit nouveau sur les châles. Le pouvoir donné au gouvernement d'assimiler les articles les uns aux autres, résulte pour lui, d'une manière contestée, de la loi de 1822 ; l'assimilation doit avoir lieu par arrêté royal ; or, dans le cas actuel, l'assimilation a eu lieu par décision ministérielle ; je crois que le gouvernement est sorti de la limite de son droit, que le ministre ne pouvait établir une assimilation que par arrêté royal.

Ainsi, les châles se trouvent indiqués au tarif ; le tarif dit qu'ils payeront d'après la matière dominante dans le tissu ; le tarif ne comprend pas dans les tissus de soie les châles en soie ; il dit seulement : étoffes de soie, etc. ; mais nulle part, le tarif n'établit l'assimilation ; nulle part il n'indique que ce droit établi sur les habillements pourra être appliqué, en certaines circonstances, sur les tissus et les châles spécialement dénommés au tarif. J'ai vainement consulté les arrêtés royaux, et nulle part cette disposition ne se trouve inscrite. M. le ministre des finances vient de déclarer que c'est par décision ministérielle que cette assimilation a eu lieu. Je crois donc qu'il y a fausse application.

M. le ministre des finances ne s'est pas expliqué sur l'opportunité, alors que le droit existerait, d'assimiler par décision ministérielle, et que par conséquent l'assimilation serait légale ; M. le ministre des finances ne s'est pas expliqué, dis-je, sur l'opportunité de réduire le droit quant aux châles et aux crêpes de Chine, importés des lieux de provenance.

Je conviens qu'il est difficile d'apprécier toute la portée d'un amendement lancé dans la discussion.

Je retire volontiers celui que j'ai présenté, laissant à M. le ministre le soin de proposer lui-même ce qu'il croira de nature à ne compromettre ni notre traité avec la France ni notre traité avec le Zollverein, et favorable aux intérêts de notre commerce avec les pays lointains.

Quant à l'application du tarif, je persiste à croire qu'elle a été fausse et que les intéressés ont le droit de ne payer que ce que le tarif indique. Mais comme ce n'est pas dans cette enceinte que cette question peut être résolue, je laisse aux tribunaux le soin de prononcer. Pour ma part, je pense qu'ils avaient raison de ne vouloir tenir compte, que des dispositions de la loi et des arrêtés royaux, et non des décisions ministérielles.

M. Osy. - Je conçois que nous n'avons pas grand avantage à tirer de la Chine ; mais vous avez à favoriser votre navigation ; car nous avons une navigation régulière établie avec ces contrées. Or, que pouvons-nous rapporter delà Chine ? La consommation du thé en Belgique n’est pas considérable, il faut que nous puissions rapporter de la Chine autre chose que des curiosités : les soieries qui en viennent payant le double des droits dont sont frappées les soieries qui nous viennent de la France et du Zollverein. Si notre traité avec la France ne s'y opposait pas, je demanderais qu'on appliquât à la Chine le tarif établi pour la France. M. le ministre pourra nous le dire. Si le traité ne s'y oppose pas, .je propose de réduire le droit sur les soieries de Chine au taux établi pour les soieries françaises.

(page 788) M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Les observations qui viennent d'être présentées sur l'amendement de l'honorable M. Loos, démontrent qu'il avait une grande portée, qu'il est impossible de le discuter maintenant. Je pense, quand il s'agit d'amendements en dehors des articles du projet soumis à la chambre, qu'il faudrait au moins les renvoyer à la commission qui a examiné le projet. Je conçois les amendements qui portent sur les chiffres des articles du projet ; mais les articles nouveaux, proposés au milieu de la discussion, ne peuvent être votés sans une certaine imprudence.

Le gouvernement, quand il soumet à la chambre des propositions concernant les tarifs de douane, ne le fait qu'après une longue instruction, après avoir consulté tous les intérêts.

On ne peut pas improviser des amendements sur des articles en dehors du projet présenté. Aussi j'ai entendu avec plaisir que l'honorable M. Loos, se rendant aux observations de M. le ministre des finances, retirait son amendement.

Je réponds maintenant à l'honorable M. Osy. Il demande si on pourrait adopter l'amendement en présence des conventions conclues avec la France et le Zollverein.

Les conventions avec la France et le Zollverein ne s'opposent pas à ce que le droit sur les châles de crêpe ou de soie de Chine soit changé. Elle ne s'opposent pas à ce que le droit pour les châles de soie et de crêpe, suive la règle commune à toutes les espèces de châles, lesquels sont assimilés aux tissus selon la matière dont ils sont fabriqués, tandis que par exception les châles de soie ouvragés sont rangés dans la catégorie, objets de mode.

Mais les conventions précitées s'opposent à ce que le droit soit fixé à 3 p. c. comme le propose M. Loos.

Tourteaux

(page 784) M. le président. - Nous passons à l'article suivant :

« Tourteaux de navette, de colza, de chènevis et de lin, par 100 kil., à l'entrée 1 fr. 10, à la sortie 2 fr. 10.

« Id. Tous autres de graines et de fruits oléagineux, par 100 kil., à l'entrée 50 c, à la sortie 50 c. »

M. Bruneau propose de réduire le droit à l'entrée comme à la sortie à 1 fr. 10 c.

M. Rodenbach. - J'ai demandé la parole pour combattre l'amendement de l'honorable député d'Alost. Le gouvernement propose sur les tourteaux de colza de lin et de navette, un droit de 1 fr. 10 c. à l'entrée et 2 fr. 10 c. à la sortie. L'honorable député d'Alost propose de fixer le droit à 1 fr. 10 c. à l'entrée et à la sortie. Il veut qu'on puisse exporter les tourteaux. Messieurs, les tourteaux sont un engrais dont nous avons besoin ; nous avons aussi besoin des tourteaux pour engraisser notre bétail. Nous manquons d'engrais, nous devons tirer des tourteaux d'Allemagne et de Hollande ; nous tirons de plus des cendres de Hollande, nous recevons d'outre-mer même des engrais considérables.

Avec l'amendement de l'honorable député d'Alost, on faciliterait l'exportation de nos tourteaux ; cela ne me paraît pas dans l'intérêt de notre agriculture. On se plaint que la viande est trop chère ; certaines espèces de tourteaux sont nécessaires pour engraisser le bétail : en rendre l'exportation plus facile, c'est encore agir contre l'intérêt de l'agriculture. Les tourteaux sont déjà excessivement chers, aussi bien ceux qui servent d'engrais que ceux qui servent à engraisser le bétail. C'est pour favoriser quelques fabricants d'huile, qu'on nous propose l'amendement qui vous est soumis.

Si leur industrie était périclitante, je concevrais qu'on vous eût proposé cet amendement ; mais, au contraire, elle prospère ; les tourteaux, je le répète, sont excessivement chers tellement chers que l'agriculture ne peut pas en faire usage. Aussi, je m'oppose de toutes mes forces à l'amendement de l'honorable député d'Alost, et j'appuie celui du gouvernement. Si un droit de balance n'était pas nécessaire pour notre commerce, je serais d'avis qu'on laissât entrer librement les tourteaux dans notre pays.

M. Bruneau. - J'ai proposé un droit égal à l'entrée et à la sortie des tourteaux. La législation qui nous régit date de 1828 ; alors la fabrication des huiles n'avait pas atteint le développement auquel elle est arrivée depuis. Cette industrie s'est développée d'une manière considérable dans la Flandre orientale surtout ; il s'y est établi un grand nombre de fabriques d'huile. Termonde est devenu un marché considérable où se traitent des affaires immenses. Les relations de cette branche d'industrie, devenue très importante pour le pays, s'étendent de plus en plus.

On conçoit qu'en 1828, alors que la fabrication était très restreinte, le législateur, dans l'intérêt de l'agriculture, ait voulu conserver au pays les tourteaux ; mais depuis que la fabrication s'est développée, les mêmes exigences n'existent plus. On peut dire que la production suffit aux besoins du pays, le relevé des chiffres des entrées et des sorties depuis 10 ans sera la pierre de touche de la consommation et des besoins du pays.

Les importations de France en Belgique ont été en 1836 de 15,000,000 kil, en 1837 de 16,000,000 kil., en 1838 de 14,000,000 kil., en 1839 de 12,000,000, en 1840 de 7,000,000, en 1841 de 8,000,000 kil., en 1842 de 7,000,000, en 1843 de 7,000,000 kil., en 1844 de 3,500,000 kil., en 1845 de 4,500,000 et en 1846 de 3,600,000.

Vous voyez que l'importation suit une progression descendante ; elle est due à l'augmentation successive de la fabrication qui a pourvu aux besoins du pays.

Si vous en voulez une autre preuve, c'est qu'en même temps que nos importations diminuent, nos exportations augmentent successivement. Ainsi nous avons exporté en 1838 32,000 kil., en 1839 72,000 kil., en 1840 292,000 kil., en 1841 144,000 kil., en 1842 319,000 kil., en 1843 135,000 kil., en 1844 3,088,000 kil., en 1845 2,248,000 kil. et en 1846 1,307,000 kil.

Vous voyez donc que nos exportations augmentent à mesure que les importations de l'étranger diminuent.

Ici je dois appeler l'attention de la chambre sur une circonstance. D'abord les importations ont lieu exclusivement de France, tandis que nos exportations ne se font pas dans ce pays.

Ainsi, en 1846, nous avons exporté principalement en Angleterre ; car sur 1,307,000 kilog., l,303,000 kilog. étaient importés dans ce pays» Sur 2,248,000 kilog. importés en 1845, 2,246,000 sont importés en Angleterre. Cela prouve que, depuis trois ans, ce commerce avec l'Angleterre a changé, parce que l'introduction des huiles et tourteaux y est libre. Ce qui a développé considérablement la production des huiles indigènes et en même temps amené une augmentation de production de tourteaux.

Successivement, on peut prédire que l'introduction de France diminuera à mesure que notre production augmentera.

L'honorable M. Rodenbach a défendu le droit actuel, au point de vue des intérêts de l'agriculture. Je pense que l'honorable membre s'est trompé.

Le principal intérêt de l'agriculture, c'est de se défaire de ses produits ; or cette industrie consomme exclusivement les produits de notre agriculture, les graines de colza et de lin. Les tourteaux entrent pour le quart dans la valeur de la production en huile des graines de colza, et (page 785) pour les 3/8 dans celle des graines de lin. Vous apprécierez par là toute l'importance de cette industrie, en ce qu'elle réagit sur la fabrication des huiles qui emploie des graines de colza et de lin.

Ce point a une grande importance ; car vous savez que les graine de lin ne peuvent servir qu'à la fabrication des huiles. On fait venir des graines étrangères pour la semence. On en trouverait difficilement un autre emploi qui fût utile.

L'honorable M. Rodenbach dit que les tourteaux sont excessivement chers. Je ferai remarquer qu'ils sont bien loin d'avoir la valeur qu'ils avaient naguère. Ainsi, dans les tableaux d'exportation et d'importation, on donne aux tourteaux une valeur de 20 fr. par 100 kilog. Aujourd'hui les tourteaux valent (par 100 kilog.) en moyenne, ceux de colza 14 fr., ceux de chènevis 13 fr. et ceux de lin 19 fr.

Il en résulte que le droit de fr. 2-10 par 100 kil., à la sortie, équivaut à un droit de plus de 16 p. c, et cela pour empêcher la sortie d'un produit de notre industrie agricole.

Y a-t-il dans le tarif un autre droit aussi exorbitant ? Le droit à l'entrée, étant de fr. 1-10 par 100 kilog, équivaut à plus de 8 p. c. Comment se fait-il que le produit étranger paye 8 p. c. à l'entrée, tandis que pour sortir de Belgique il doit payer le double.

Ne croyez pas que ce soit l'élévation du droit en France qui empêche nos exportations vers ce pays. Ce sont seulement les droits à la sortie ; car, en France, le droit à l'entrée n'est que de 50 c. par 100 kilog. Cependant nous n'introduisons pas de tourteaux en France.

Vous voyez donc que l'agriculture n'est pas intéressée au rejet de mon amendement. Elle est intéressée, au contraire, au développement de la production des huiles, puisque cette production amène nécessairement la fabrication des tourteaux.

Une autre branche de commerce est encore intéressée à l'adoption de mon amendement ; c'est la navigation. On se plaint de ce qu'il n'y a pas de matière encombrantes pour compléter les cargaisons pour l'exportation, les tourteaux satisferont à ce besoin.

L'Angleterre est, pour ce produit, un débouché considérable. On y importe des tourteaux non seulement de Belgique, mais de différents pays beaucoup plus éloignés.

Je suis convaincu que la liberté de sortie des tourteaux donnerait une grande impulsion à l'exportation de nos produits et à la fabrication des huiles, donnerait lieu, en un mot, à une augmentation de production de tourteaux.

M. de Haerne. - Nous sommes en présence de deux industries qu'il s'agit de favoriser, l'une aux dépens de l'autre. Cette question me paraît assez épineuse. Pour me décider, je me demande quelle est celle de ces deux industries qui prospère le plus.

D'après le dire de l'honorable préopinant, l'industrie de la fabrication des huiles a constamment augmenté depuis quelque temps.

L'industrie agricole, au contraire, qui a besoin de tourteaux que l’on emploie surtout pour la culture du lin, a depuis quelques années constamment décliné quant à cette culture. Dans cet état de choses, je redouterais une modification de tarif qui serait nuisible à la culture de lin. Il est reconnu que cette culture a considérablement diminué. Le gouvernement, pour l'encourager, a pris une mesure dans le but d'empêcher la falsification des graines de lin de Riga à semer. Il a même fait des sacrifices assez grands à cet effet ; il a fait des frais de ficelage des barils montant, m'a-t-on assuré, à 25,000 fr.

Lorsqu'on fait d'un côté des dépenses en faveur d'une industrie, faut-il d'un autre côté la décourager, lui faire un tort peut-être considérable ? Peut-on témérairement et sans avoir mûrement examiné toutes les faces de cette question importante et compliquée, porter la main sur les dispositions du tarif, relatives à ce précieux engrais ? Je n'oserais, pour ma part, apporter une perturbation, dans le régime actuel.

C'est le seul motif pour lequel je ne puis adhérer à l'amendement de l'honorable M. Bruneau. Je préfère conserver le statu quo, dans la crainte de nuire aux intérêts d'une des industries les plus importantes pour les Flandres, et qui, comme j'ai eu l'honneur de le dire, décline sensiblement depuis quelques années.

M. Rodenbach. - L'honorable M. Bruneau a combattu mon amendement ; mais il y a depuis quelques années sur les tourteaux une augmentation de 30 à 40 p. c. Je vous demande si ce n'est pas très considérable pour l'agriculture qui a besoin des tourteaux pour les terres et pour engraisser le bétail.

On nous a dit que très peu de tourteaux nous arrivaient de France. Messieurs, c'est très vrai, le commerce des tourteaux n'existe plus guère entre la France et la Belgique. Ce commerce s'est tout à fait déplacé. Aujourd'hui les habitants de la Flandre occidentale, qui veulent se procurer des tourteaux, ne vont plus à Lille ; ils sont forcés d'aller les chercher à Bruxelles et même à Anvers, où ils doivent faire 25 ou 30 lieues pour le procurer des tourteaux venant de l'Allemagne. Les chiffres qu'on vous a cités ne concernent que les exportations de la France ; mais je soutiens qu'il entre considérablement de tourteaux en Belgique, et nous en avons besoin ; ce qui le prouve, c'est que non seulement nous devons nous procurer cet engrais, mais que nous devons encore en faire venir d’autres, tels que cendres, etc. L'engrais manque en Belgique et dès lors un pays aussi agricole que le nôtre doit en favoriser l'entrée.

Je crois en avoir dit assez pour vous engager à rejeter l'amendement de l'honorable M. Bruneau. Je ne pense pas que cet amendement puisse avoir des chances de succès. Tous les habitants des Flandres qui ont quelques connaissances en agriculture savent que les engrais y sont très chers et qu'il faut aller les chercher à 25 et 30 lieues.

M. Dedecker. - Messieurs, je me fais un devoir d'appuyer les observations que vient de vous présenter l'honorable M. Bruneau. Pour quiconque a examiné la question sous son triple point de vue, agricole, commercial et industriel, il ne peut rester aucun doute sur la nécessité de diminuer les droits de sortie sur les tourteaux.

Quant au côté industriel de cette question, il est certain que l'industrie de la fabrication des huiles a pris en Belgique une importance extraordinaire. Rien que sur le marché de Termonde il se fait annuellement des transactions en graines oléagineuses et en huiles pour une valeur de 50 millions de francs. Je vous cite ce chiffre, pour vous donner une idée de l'importance des transactions de ce genre. Or, si une fabrication aussi importante a quelques droits à vos sympathies, et si vous ne voulez pas arrêter son essor, il faut donner un facile écoulement à ses produits, et notamment aux tourteaux qui sont le résidu de la fabrication des huiles.

La question offre encore un autre intérêt industriel. Je ne conçois pas comment l'honorable M. de Haerne, qui s'est toujours montré le zélé défenseur de l'industrie linière, n'a pas remarqué que l'exportation des tourteaux a aussi une influence directe sur la culture du lin. Il est évident que, si l'on peut se défaire facilement de la graine de lin qui sert à la fabrication des tourteaux, on augmentera la culture du lin, et que le prix en diminuera ; car le produit qu'on retire de la graine de lin entre dans les calculs de l'agriculteur. S'il obtient un bon prix de sa graine de lin, il peut se contenter d'un prix moindre pour le filament du lin même.

Ainsi, outre l'intérêt agricole direct qu'a fait ressortir l'honorable M. Bruneau, il y a encore, en faveur de la culture du lin, un intérêt très sérieux.

L'intérêt commercial est aussi très évident.

Nous avons peu de matières encombrantes à exporter, comme vous l'a dit l'honorable M. Bruneau, et nous aurions tort de ne pas en favoriser l'exportation surtout vers l'Angleterre, pays qui les admet aujourd'hui sans droit et vers lequel nous n'avons presque pas de produits belges à exporter.

M. d'Hane. - Je demande que la chambre, avant de prendre une résolution sur cette question importante d'exportation et d'importation des tourteaux, y réfléchisse bien ; et pour la mettre au courant de son importance, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur de bien vouloir communiquer à la chambre les observations que lui ont faites les commissions d'agriculture qui sont le plus intéressées dans la question ; ce sont les provinces des deux Flandres. Ces observations mettront la chambre à même de décider avec justice.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le droit actuel date, comme on vous l'a dit tout à l'heure, de 1828. Il a été modifié, mais d'une manière peu notable, par l'arrêté du 29 juillet 1845 qu'il s'agit aujourd'hui de ratifier.

Le droit actuel à la sortie équivaut à environ 10 p. c.

Déjà la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de réduire ce droit, a occupé le gouvernement. Une instruction a eu lieu au point de vue surtout de l'intérêt agricole. Une des provinces qui ont été consultées, s'est prononcée en faveur de l'abaissement du droit à la sortie ; mais deux autres provinces, le Hainaut et la Flandre occidentale, se sont prononcées pour le maintien du droit actuel.

Il y a donc, messieurs, on ne peut se le dissimuler, une question assez importante dans l'amendement qui vous est soumis.

Il est à observer aussi, messieurs, qu'il y a déjà une exception au droit de 2 fr. 10. En effet, par les bureaux de Lillo, d'Ostende, de Zelzaete et de Gand, l'exportation au lieu au droit de 11 centimes par 100 kil. et c'est précisément par ces bureaux que l'exportation des tourteaux a lieu presque exclusivement à destination de l'Angleterre. En 1846, par exemple, sur la quantité de 1,307,353 kil. qui a été exportée, 1,121,000 kil. ont été exportés par ces bureaux au droit de 11 centimes. Dans tous les cas, je pense que l'amendement de l'honorable M. Bruneau est assez important pour qu'il soit préalablement examiné par la commission d'industrie. On ne doit pas oublier que dans l'instruction ouverte par le gouvernement il s'est manifesté d'assez grandes divergences d'opinion. Il y a ici deux grands intérêts en présence. Ces intérêts doivent être mûrement examinés par la chambre avant qu’elle ne se prononce. .

Je demande donc le renvoi de l'amendement à la commission d’industrie.

M. Bruneau. - J'avais demandé la parole pour ajouter une considération importante à celles que j'ai déjà émises. Il s'agit précisément de l'observation que vous a faite l'honorable comte d'Hane.

Je comprends que la principale objection que l'on puisse faire contre mon amendement, c'est d'être jeté en quelque sorte a l'improviste dans la discussion. Mais, pour moi, la question est éclairée depuis longtemps. Elle a été, il y a trois ans, soumise à une enquête. Une commission, composée de délégués des chambres de commerce et des commissions (page 786) d'agriculture, a été réunie à Gand. L'honorable comte d'Hane présidait, je crois, cette commission.

Cette commission, messieurs, après une enquête minutieuse des intérêts du commerce et des intérêts de l'agriculture, a émis l'avis qui se résume aujourd'hui dans mon amendement.

Vous voyez donc, messieurs, que, pour les Flandres, la question n'est pas nouvelle, et je pense que l'intérêt de la Flandre occidentale n'est pas opposé à celui de la Flandre orientale. Quant à l'agriculture, je, crois que ma proposition lui serait avantageuse, bien loin de lui être défavorable.

Rien n'empêche, d'ailleurs, que les rapports des commissions soient déposés sur le bureau pour le second vote, et si la commission d'industrie voulait se réunir d'ici là, je n'y verrais pas d'inconvénient ; mais je crois que l'on peut adopter provisoirement ma proposition.

M. de Theux. - Messieurs, je m'opposerai aussi, au moins jusqu'à plus ample informé, à l'amendement de l'honorable M. Bruneau. On a fait valoir l'intérêt de l'industrie linière dans l'exportation des tourteaux ; eh bien, on peut faire valoir peut-être avec beaucoup plus de raison l'intérêt de l'industrie linière dans la conservation des tourteaux.

Aujourd'hui que cette industrie est souffrante et que les Flandres ont besoin de conserver tous leurs avantages, quant à l'agriculture, je m'opposerai de toutes mes forces à l'amendement de M. Bruneau, jusqu'à ce qu'une nouvelle information vienne démontrer que cet amendement peut être adopté sans inconvénient.

M. de Muelenaere. - Messieurs, comme on l'a dit, cette question est très importante. Il faut la considérer sous un triple point de vue, sous le point de vue commercial, industriel et agricole. Ainsi que l'a dit l'honorable M. Bruneau, il y a à peine quelques années, la question a été soumise par le gouvernement à une enquête dans trois provinces du royaume ; l'opinion de l'honorable M. Bruneau a été adoptée à une assez faible majorité, si j'ai bonne mémoire, dans la Flandre orientale ; mais dans deux autres provinces, la Flandre occidentale et le Hainaut, c'est l'opinion contraire qui a prévalu. On a pensé dans ces provinces qu'il était du plus haut intérêt pour l'agriculture que les tourteaux fussent conservés autant que possible dans le pays. Cependant, si j'ai bonne mémoire, on a proposé aussi quelques modifications dans l'intérêt des établissements industriels dont il a été parlé tout à l'heure.

Je pense qu'il serait extrêmement difficile à la chambre de se prononcer, en quelque sorte, sans préparation sur une semblable question, de la résoudre à l'occasion d'un amendement présenté par un membre de l'assemblée. Il me semble que la seule mesure à prendre dans cette circonstance, c'est, comme l'a proposé M. le ministre des affaires étrangères, de renvoyer cette question à la commission d'industrie, ou bien de la renvoyer au gouvernement, pour qu'il l'examine, en rapport avec tous les documents qu'il a sous les yeux (car tous les documents se trouvent maintenant au département de l'intérieur), et pour qu'il fasse ensuite la proposition qu'il croira la plus utile dans l'intérêt général du pays.

Quant à moi, je vous avoue, messieurs, que mon opinion est extrêmement flottante à cet égard. J'ai eu l'honneur d'assister à une de ces enquêtes et on a allégué de part et d'autre des motifs extrêmement déterminants. Dans la Flandre occidentale et dans le Hainaut, c'est l'intérêt agricole qui a prévalu ; et c'est dans l'intérêt de l'agriculture qu'on a donné au gouvernement un avis contraire à la proposition faite par des industriels de l'arrondissement d'Alost et de l'arrondissement de Termonde.

Sans donc vouloir préjuger en rien cette importante question, je demande qu'elle soit soumise à un examen approfondi, et que le gouvernement ou des membres de l'assemblée fassent ensuite la proposition qui leur paraîtra la plus utile.

- La chambre, consultée, renvoie la proposition de M. Bruneau à l'examen de la commission d'industrie.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition du projet, qui est ainsi conçue :

« Tourteaux de navette, de colza, de chènevis et de lin, par 100 kil., à l'entrée 1 fr. 10, à la sortie 2 fr. 10. »

« Id. Tous autres de graines et de fruits oléagineux, par 100 kil., à l’entrée 50 c, à la sortie 50 c. »

M. Osy. - Je propose de renvoyer tout l'article « tourteaux » à la commission d'industrie.

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Je crois, en effet, que le plus sage serait de renvoyer le tout à la commission d'industrie, mais il est bien entendu qu'elle en ferait l'objet d'un projet spécial, s'il y a lieu.

- La proposition de M. Osy est mise aux voix et adoptée.

Natrons

M. le président. - Je crois que c'est ici le lieu de s'occuper de la proposition de la commission d'industrie en ce qui concerne le natron d'Egypte. (Adhésion.)

La commission d'industrie, d'accord avec M. le ministre des finances, propose d'admettre le natron brut au droit de 6 p. c. à la valeur.

M. Lys. - Je crois que M. le ministre des affaires étrangères avait un amendement à présenter. Ce serait le moment de le mettre sous les yeux de la chambre. (Interruption.)

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - Nous passons provisoirement à l'article 2.

« Sont fixés à cinq centimes par cent kilogrammes ou par cent francs, selon qu'ils sont établis à l'entrée, d'après l'une ou l'autre de ces bases, les droits de sortie sur les articles compris au tarif sous les dénominations suivantes :

« Acier ouvré, etc. ;

« Bonneterie de coton non dénommée et de lin ;

« Chandelles et bougies ;

« Chanvre : tiges ou filasse de bananier, aloès, chanvre de Manille, phormium tenax et autres filaments de la même nature non spécialement tarifés ;

« Colle-forte ;

« Colle de poisson ;

« Couperose ;

« Dentelles de coton ;

« Fer-blanc ouvré, etc. ;

« Fil à dentelles et fil pour filets à hareng ;

« Fromages ;

« Gommes ;

« Laines peignées ou teintes ;

« Livres, sans distinction d'origine ;

« Machines et mécaniques, appareils complets, ceux en bois exceptés ;

« Passementerie de toute espèce, excepté la passementerie de soie et celle qui n'est pas spécialement tarifée ;

« Porcelaines blanches ou teintes, peintes ou dorées ;

« Soude, sels de soude et natron ;

« Sels ammoniacaux ;

« Tapis et tapisseries.

« Est fixé à cinq centimes par cent pièces, le droit de sortie sur les bois merrains à futailles ;

« Sont réduits à un centime par mille pièces, les droits de sortie sur les articles suivants :

« Pipes de terre ;

« Terre cuite (briques) ;

« Tuiles et pannes.

« Sont réduits à un centime par kilogramme, les droits de sortie sur les tissus de soie écrus pour foulards, non teints ni imprimés, et à dix centimes par cent kilogrammes, le droit de sortie sur les tissus et étoffes de laine mélangés avec de la soie, du poil de chameau ou du fil de Turquie. »

M. le ministre des affaires étrangères propose de comprendre dans les marchandises dénommées à l'article 2 du projet de loi les « sucres bruts autres que de canne. »

- L'article 2, ainsi amendé, est adopté.

Discussion du tableau du tarif

Natron

M. le président. - Nous revenons à l'article natron d'Egypte. Voici l'amendement que propose M. le ministre des affaires étrangères :

« Produits chimiques. Natron d'Egypte, marquant au moins 30 degrés à l'alcalimètre, importé directement de ce pays sous pavillon belge, moyennant les justifications à déterminer par le gouvernement, et seulement par le bureau d'Anvers, 50 c. les 100 kil.

« D'ailleurs ou autrement importé, droit actuel. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, la difficulté douanière qui existe en ce qui concerne le natron, est de le distinguer de la soude ; mais du moment où l'on peut avoir des garanties sur ce point, il est rationnel de faciliter l'introduction de cette matière première. Le natron naturel vient d'Egypte ; ainsi les importations directes de ce pays, sous certaines garanties, ne peuvent soulever aucune objection sérieuse. L'amendement dont il vient d'être donné lecture offre ces garanties, et il procure, en outre, l'avantage de recevoir le natron d'Egypte à un droit bien inférieur à celui qui existe ; cette matière première était frappée autrefois d'un droit de 2 p. c. ; il est maintenant frappé d'un droit qui va de 20 à 24 p. c.

L'amendement rétablit le droit primitif.

Je crois donc que cet amendement peut être adopté par la chambre.

M. Lys. - Messieurs, d'après l'amendement qui vient d'être proposé par M. le ministre des affaires étrangères, je suis assez satisfait ; je ne viens donc nullement m'opposer à l'amendement ; quoique ce soit encore un droit de 2 p. c. imposé sur une matière première, en ce qui concerne la fabrique de Verviers ; l'amendement propose un droit de 50 c. par 100 kilog. : ce qui fait 2 p. c. sur la valeur du natron d'Egypte, qui est une matière première pour la fabrication du drap ; en effet, le natron est employé pour la première opération, il sert à dessuinter la laine. Le natron est une production du sol de l'Egypte ; c'est à la suite des inondations du Nil, et après le dépôt que le Nil, en rentrant dans son lit, laisse en arrière, que le natron d'Egypte se forme ; il s'expédie comme on le tire de la terre ; arrivé en Belgique, il sert, comme je l'ai dit, à dessuinter la laine, sans qu'il soit l'objet d'aucune préparation. Sur 100 kilog. de natron, il y a 17 kilog. de matière terreuse qui ne sert à rien ; cela augmente encore le droit.

Je ne crois pas devoir entrer dans d'autres explications ; la chambre sait maintenant ce que c'est que le natron d'Egypte ; d'un autre côté, je ne pense pas que l'amendement de M. le ministre des affaires étrangères rencontre ici des contradicteurs. Je ferai seulement encore observer que le droit d'entrée sur le natron d'Egypte n'était réellement que 42 1/2 c. en 1842 et en 1843, et que c'est seulement en 1844 qu'on est venu le frapper non pas d'un droit de 6 p. c. à la valeur, mais de 6 fr. les 100 kilogrammes : ce qui était un impôt de 30 p. c. à la valeur. Depuis ce temps, cette matière première pour la fabrication du drap n'a pu arriver encore en Belgique, parce que le droit de 30 p. c. était trop exorbitant.

(page 787) M. Zoude, rapporteur de la commission d’industrie. - Je crois pouvoir me rallier à l'amendement de M. le ministre des finances ; les explications qu'on vient de donner me dispensent d'entrer dans des détails.

- La discussion est close.

M. le président. - Je mettrai d'abord aux voix le chiffre le plus élevé, celui qui est proposé par la commission ; la commission propose de frapper le natron d'Egypte d'un droit de 6 p. c. à l'entrée.

M. Lys. - C'est inutile ; le rapporteur de la commission centrale s'est rallié à l'amendement de M. le ministre des affaires étrangères.

M. le président. - L'honorable M. Zoude ne constitue pas à lui seul la commission d'industrie.

- La proposition de la commission d'industrie est mise aux voix et n'est pas adoptée.

La chambre adopte ensuite l'amendement présenté par M. le ministre des affaires étrangères.

M. le président. - Par suite de la résolution que la chambre vient de prendre, je pense qu'il y a lieu de supprimer le mot « natron » dans l'article 2 que la chambre a adopté tout à l'heure.

« Art. 3. Par modification au dernier paragraphe de l'article 4 de la loi du 26 août 1822 [Journal officiel, n° 39), la tare sera de trois kilog. par 100 kilog. du poids brut pour les emballages en nattes, en toiles et pour tous autres emballages delà même nature.

« Cette disposition ne déroge point aux tares fixées spécialement pour certaines marchandises, soit par le tarif, soit par d'autres lois particulières. »

- Adopté.

M. le président. - Comme il y a eu des amendements, il y a lieu à un second vote. S'il n'y a pas d'opposition, il est fixé à vendredi après le rapport des pétitions. (Adhésion.)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de péréquation cadastrale.

Plusieurs voix. - A demain.

- La séance est levée à 4 heures et quart.