(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 375) M. T’Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à une heure et un quart.
La séance est ouverte.
M. Troye donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.
M. T’Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
« Le sieur Janssens demande que les employés de l'administration des chemins de fer de l'Etat ne puissent circuler gratuitement sur les chemins de fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Plusieurs habitants de Ruisson prient la chambre de rejeter le projet de loi sur le droit de succession et toute augmentation de dépenses ou d'impôt qui lui serait proposée. »
« Même demande de plusieurs habitants d'Ortho et de Flamierge. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi, et dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Plusieurs habitants des provinces de Namur et de Luxembourg prient la chambre de rejeter le projet de loi relatif au droit de succession. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi.
« Plusieurs boutiquiers et habitants de Sleenhuyse-Wynhuyse demandent que le gouvernement interdise au percepteur de contributions d'Ophasselt d'exercer un négoce, ou qu'il l'oblige à demeurer au chef-lieu de sa perception. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Message du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de loi relatifs : 1° à un crédit de 500,000 fr. au département de l'intérieur ; 2° au contingent de l'armée pour l'exercice 1848.
- Pris pour notification.
Dépêche de M. le ministre de la justice accompagnant l'envoi de 110 exemplaires de l'état des fondations de bourses pour, Etudes et d'instruction publique, inséré l'année dernière. dans le Moniteur.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. Loos, au nom de la commission qui a examiné le projet de loi tendant à proroger la loi du 18 juin 1842 relative au transit, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La commission, à l'unanimité, en propose l'adoption.
La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et sur la proposition de M. Loos met ce projet de loi à l'ordre du jour après la discussion du budget des voies et moyens.
M. le président. - La discussion continue sur l'article « Impôt Personnel ».
M. Delfosse. - J'ai insisté, à la séance d'hier, pour que la chambre n'adoptât pas légèrement, sans un examen bien réfléchi, la proposition que la section centrale nous fait d'augmenter de 200,000 francs environ, l'évaluation portée au budget des voies et moyens pour le produit de la contribution personnelle.
Je suis heureux que la chambre se soit rendue, sinon par une décision directe, au moins par le fait, en continuant la discussion à la séance de ce jour, en ne prenant pas, par une décision à la fin de la séance d'hier, que la chambre, dis-je, se soit rendue au désir que j'avais exprimé que la question fût examinée plus attentivement.
J'ai mis à profit le temps que la chambre, a bien voulu nous accorder, pour faire quelques recherches. Il est résulté pour moi, de ces recherches, la conviction que la proposition de la section centrale ne peut être admise dans l'état actuel des choses, la conviction qu'on ne peut actuellement, immédiatement, changer la classification des communes, faite pour l'exécution de la loi sur la contribution personnelle.
Je tiens d'abord à vous signaler un fait qui a une extrême importance, et qui doit exercer une grande influence sur la résolution que vous êtes appelés à prendre.
Lorsque la loi du 28 juin 1822 a été publiée, on savait quelle serait la classification des communes quant à la perception de l'impôt, quant à l'exécution de cette loi.
Le gouvernement des Pays-Bas avait, en présentant la loi, soumis aux états généraux un mémoire explicatif, dans lequel le rang qui serait assigné à chaque commune était indiqué. Le gouvernement expliquait même comment il avait procédé à cette classification. Il y avait certaines communes que le gouvernement avait favorisées, et il le déclarait, en ne tenant pas compte de certaines parties de leur population. On lit dans un mémoire explicatif le passage suivant :
« On a pris pour base de la classification le nombre des habitants qui se trouvent dans les maisons agglomérées des communes rurales, ce qui procurera à ces communes et à quelques villes un juste soulagement. »
La loi n'a donc été votée par les états généraux qu'avec la connaissance des charges qui en résulteraient pour les diverses communes du pays. La répartition de l'impôt était en quelque sorte indiquée à l'avance et officiellement par le gouvernement.
Il est bien évident que dans l'intention du gouvernement et dans celle des états généraux, cette classification qui était connue avant l'adoption de la loi, qui avait dû exercer de l'influence sur le vote de la loi, devait avoir un caractère de permanence.
Il est bien évident qu'il ne devait pas dépendre du gouvernement de changer cette classification sans l'assentiment du pouvoir législatif.
Ce caractère de permanence, que j'attribue à la classification faite en 1822 ayant l'adoption de la loi, résulte d'ailleurs de la manière dont la loi a été constamment exécutée, non seulement par l'ancien gouvernement, mais par le gouvernement actuel, par tous les ministres qui se sont succédé.
L'ancien gouvernement et le gouvernement actuel, tous les ministres qui se sont succédé ont évidemment attribué à la classification primitive un caractère de permanence. Ils ont tous pensé qu'il ne pourrait être touché à cette classification que par une mesure du pouvoir législatif, et ils ont eu raison ; sans cela, vous devriez accuser et l'ancien gouvernement et le gouvernement actuel, et tous les ministres qui se sont succédé depuis 1830 comme avant 1830, d'avoir violé la loi. Et non seulement vous devriez diriger contre eux cette accusation, mais vous pourriez aussi la faire remonter aux chambres.
Depuis 1822, pas une voix ne s'est élevée dans les chambres pour se plaindre de ce qu'on ne modifiait pas la classification primitive des communes.
Cependant il y a eu, depuis la mise en vigueur de la loi, plusieurs faits dont, si la classification primitive n'avait pas eu un caractère de permanence, on aurait dû conclure qu'il y avait lieu de la modifier.
Remarquez bien, messieurs, que l'on n'a touché à aucune époque, pour aucune commune, à la classification primitive.
On n'y a touché à aucune époque ni pour aucune commune, bien qu'il y ait eu depuis des faits officiels prouvant que le chiffre de la population d'un grand nombre de communes s'était modifié au point de rendre un changement de classification nécessaire si la classification n'avait pas été permanente. Il y a eu, messieurs, en 1829 un recensement général et officiel ; il en est résulté la preuve que beaucoup de communes ne se trouvaient plus dans la classe qui aurait dû leur être assignée d'après leur population, si le gouvernement et les chambres n'avaient pas considéré la classification comme ayant un caractère de permanence. Il y a eu encore autre chose que le recensement de 1829 ; il y a eu des actes émanés de vous, des actes officiels contre lesquels personne n'a protesté : lorsque vous avez adopté la loi communale, vous avez décidé que la classification des communes serait faite par arrêté royal, arrêté qui est intervenu le 12 août 1836 ; cette pièce officielle, contre laquelle personne n'a protesté, constate que beaucoup de communes avaient en 1836 une population supérieure à celle qui a servi de base au classement de 1822. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que la ville de Liège figure dans l'arrêté du 12 août 1836, pris en exécution de la loi communale, comme ayant une population de 58,000 âmes. Ce que je dis de Liège, je puis le dire de cent autres communes. Si la classification faite en 1822 n'avait pas été considérée comme permanente, s'il n'était pas entré dans les intentions du gouvernement, dans les intentions de tous, de ne modifier cette classification qu'après que des faits nouveaux, des faits importants se seraient produits et par une mesure législative, n'aurait-on pas dès 1829 et plus tard en 1836, lorsque le gouvernement a pris l'arrêté dont j'ai parlé tout à l'heure, en exécution de la loi communale, n'aurait-on pas changé la classification ?
Le gouvernement ne l’a pas fait, aucun ministre ne l'a fait, aucun ministre n'a pensé à le faire, et pas une voix ne s'est élevée dans la chambre pour dire au gouvernement : Mais vous n'exécutez pas la loi ; mais vous suspendez l'exécution de la loi ; pas une voix ne s'est élevée pour tenir ce langage. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas moyen d'interpréter la mesure primitive autrement que je ne l'interprète, parce qu'il était reconnu que la mesure avait un caractère de permanence et qu'il ne doit pas dépendre du gouvernement de la changer à raison de quelques (page 376) faits qui se seraient produits. Mais s'il en était autrement, il suffirait, dans tel cas donnée pour faire passer une commune dans une classe supérieure, : que cinq ou six personnes vinssent s'y établir.
Ainsi parce qu'il plairait à cinq ou six personnes de venir s'établir dans une commune, il faudra que les autres habitants, qui sont étrangers à ce fait, en subissent les conséquences ; il faudrait que ceux qui payaient 80 cents par fenêtre payent 1 florin 10 cents ; vous concevez, messieurs, que l'assiette et la perception de l'impôt ne peuvent pas dépendre de toutes ces fluctuations.
Il ne doit pas dépendre du gouvernement de saisir au passage certains faits qui peuvent être fugitifs, qui peuvent disparaître le lendemain ; il ne doit pas dépendre du gouvernement de s'emparer de semblables faits pour changer le, chiffre des impôts que chaque commune est tenue de payer.
Il serait dangereux de laisser cela à l'arbitraire du gouvernement : ce qui prouve qu'on ne l’a pas voulu, c'est que le gouvernement a eu bien soin, en 1832, d'indiquer au pouvoir législatif quelle serait la classification des communes.
Vous voyez, messieurs, que je ne vous demande pas de changer la loi, de suspendre, comme on le disait hier, l'exécution de la loi ; tout ce que je vous demande, c'est que vous restiez dans les termes où se sont tenus tous ceux qui vous ont précédés, le gouvernement avant 1830, le gouvernement après 1830, les ministres du royaume des Pays-Bas, les ministres du Roi des Belges ; je demande que vous restiez sur le terrain où ils se sont placés, que vous exécutiez la loi comme ils l'ont interprétée ; je demande que jusqu'à ce que vous ayez décidé qu'il y a lieu de réviser la classification, cette classification, soit maintenue, comme elle existe depuis 25 ans ; il y a 25 ans que les ministres et les chambres pensent que la classification ne doit être changée que par une mesuré législative.
Il faut convenir qu'on a procédé dans cette affaire d'une manière, bien étrange : la section centrale adresse une question à M. le ministre dos finances, M. le ministre des finances répond à cette question, sans posséder tous les éléments d'appréciation. Je n'adresse pas de reproches M. le ministre des finances ; je comprends toutes les difficultés de sa position ; je sais qu'on est, dans cette position, préoccupé de nombreuses affaires, qu'on n'a pas toujours le temps de faire, au moment de la discussion, toutes les recherches auxquelles il faudrait se livrer, pour bien approfondir une question ; mais enfin M. le ministre des finances fait à, la question posé par la section centrale une réponse qui peut être considéré comme superficielle ; et voilà que tout de suite la section centrale, s'emparant de cette réponse, vient proposer à la chambre, par amendement, de bouleverser un système qui prévaut depuis 25 ans.
Messieurs, ce n'est pas de cette manière qu'on introduit dans la législation, dans le système des impôts, des changements d'une gravité incontestable.
Il y a sans doute des défectuosités, des inégalités, des injustices dans le système actuel ; je suis le premier à en convenir ; et c'est pour cela que je presse, que je supplie le gouvernement de présenter un projet de loi. qui change un état de choses aussi déplorable.
Mais, messieurs, il ne faut pas faire cesser cet état de choses, qui existe depuis 25 ans ; il ne faut pas le changer sur un seul point, dans quelques communes, il faut réviser la loi pour tous ; il faut que les inégalités, quels que soient ceux qui en. profitent, disparaissent ; mais, il faut qu'elles disparaissent par une mesure générale et d'ensemble, et non par un amendement introduit dans un article du budget des voies et moyens.
En 1831, la chambre a adopté un amendement qui permettait aux contribuables de s'en référer, à l'avenir, dans leurs déclarations, à la cotisation admise pour 1831. On a soutenu, avec raison, que cette disposition introduite, trop légèrement peut-être, par amendement, aussi dans un budget des votes et moyens, a fait naître, dans l'exécution de la loi, de monstrueuses inégalités. Je connais beaucoup de personnes qui payent, par suite de cette mesure, pour de petites maisons, beaucoup plus que d'autres pour des maisons très grandes ; c'est ; là une injustice qu'il faut se hâter de faire disparaître. Cette injustice est le fruit d'une mesure introduite incidemment à l'occasion d'un budget des voies et moyens. Prenons garde de tomber dans la même faute, examinons mûrement, attentivement, avant d'introduire des changements dans le système des impôts et notamment dans la classification des communes établie en 1822.
Il est possible, je n'en disconviens pas, que cette classification n'est plus conforme à la réalité des faits ; il est possible, il est même certain, je suis le premier à en convenir, car je veux avant tout dire la vérité, que quelques communes profitent de cette classification. Mais qui vous dit que les communes qui profitent de la classification ne sont pas lésées sous d'autres rapports, qu'elles ne souffrent pas énormément de la disposition introduite par amendement, incidemment, dans le budget de 1832 ? Si vous voulez être justes, si vous voulez faire à chacun la part qui lui revient, il faut réviser l'ensemble des dispositions de la loi, et non s'attacher à un seul point.
Il y avait donc eu un recensement en 1829, il y avait eu de plus un acte, officiel de 1836 dont on se serait emparé pour changer la classification des communes, si elle n'avait pas eu un caractère de permanence. Quel est le fait nouveau qui s'est produit depuis ?
C'est le dernier recensement qui a eu à la fois pour objet la population et la statistique industrielle et agricole, recensement que les chambres ont ordonné, non dans un but fiscal, mais uniquement pour connaître la situation du pays, les forces industrielles et agricoles. C'est dans ce seul but que le dernier recensement a été demandé par l'ancien ministre de l'intérieur, c'est dans ce seul but que les chambres ont accordé les fonds considérables réclamés par le gouvernement.
A quoi bon invoquer le dernier recensement ? Pour modifier la classification des communes ? Puisqu'on n'avait pas tenu compte à ce point de vue du recensement de 1829 ni de l'arrêté de 1836 qui fixait le nombre des conseillers communaux d'après la population, pourquoi tiendrait-on compte du dernier recensement ? Pourquoi le gouvernement actuel ferait-il ce que ses prédécesseurs n'ont pas fait ? Pourquoi irait-il attribuer à la classification des communes de 1822 un caractère temporaire, alors que ses prédécesseurs ont toujours attribué à cette classification un caractère de permanence ?
Dira-t-on que le dernier recensement présente des résultats plus généraux, plus authentiques, qu'il constate des faits plus nombreux plus certains ?
Veut-on considérer ce recensement comme ayant plus de valeur que les actes antérieurs qui auraient dû, selon moi, faire changer la classification des communes, si elle n'avait pas eu un caractère de permanence : j'y consens, mais je vous rappellerai alors, comme je l'ai fait hier, les promesses du gouvernement.
Si on m'oppose le dernier recensement, je dirai que le gouvernement a déclaré en termes formels qu'il ne serait pas tenu compte de cette opération, en matière d'impôt ; il a déclaré que cette opération n'aurait, aucune conséquence fiscale.
Je sais bien qu'il y a moyen d'interpréter les paroles et les écrits de manière à se dispenser de tenir les promesses qu'on a faites. Je sais bien qu'il y a certaine école où l'on enseigne des règles d'interprétation, à l'aide desquelles on se dispense de tenir ses promesses. Mais je ne conseille pas au gouvernement de puiser ses inspirations à cette source. Les populations n'ont pas déjà trop de confiance dans le gouvernement. Prenez garde qu'elles ne finissent, pas voir dans le gouvernement un adversaire toujours disposé à leur tendre des pièges, un ennemi contre lequel elles doivent soigneusement se prémunir. La confiance des populations peut seule faire la force du gouvernement, s'il veut l'obtenir, il faut qu'il tienne largement, loyalement ses promesses.
Y a-t-il eu des promesses ? Ont-elles été formelles ? Oui ; il y a eu des promesses ;oui elles ont été formelles ; et je vais le prouver.
L’honorable M. Malou, qui faisait partie de l'ancien cabinet, qui aurait donc dû avoir, plus que personne, une connaissance approfondie des actes posés, des promesses faites par le gouvernement, nous a cité hier comme la seule pièce dont il ait gardé le souvenir ou qu'il ait trouvée, à la suite de ses recherches, une circulaire, qui est la moins explicite de celles qui ont été publiées, Encore a-t-il cherché à en dénaturer le sens, à atténuer l'engagement formel qui est, selon moi, consigné dans cette pièce.
Il est vrai que quelques personnes timorées ont conservé des doutes, il est vrai qu'elles n'ont pas trouvé dans cette circulaire un engagement assez formel ; on dirait qu'elles avaient en quelque sorte prévu l'interprétation de l'honorable M. Malou.
L'honorable M. Malou vous l'a dit : l'ancien ministre de l'intérieur avait inséré dans sa circulaire du 3 juillet. 1846 le passage suivant : « Je ne saurais trop vous recommander qu'ils (les agents chargés de l'opération) évitent dans le cours de l'opération tout ce qui pourrait lui donner un caractère de fiscalité qu'elle n'a réellement pas. » Il paraît que beaucoup de personnes se sont dit qu'il y avait dans le pays des esprits disposés à interpréter les paroles et les écrits de telle sorte qu'il est prudent d'être sur ses gardes.
Il paraît que beaucoup de personnes, peu rassurées par les termes de la circulaire, se disposaient à tromper le gouvernement, ou du moins à ne pas être très explicites dans leurs déclarations. Elles craignaient de s'exposer si elles étaient sincères dans leurs déclarations, à une aggravation de charges. Bien leur a pris d'avoir cette crainte. Si elles ne l'avaient pas eue, le système que l'honorable M. Malou a exposé hier aurait pu prévaloir ; ces personnes auraient été victimes de leur confiance, elles auraient eu une aggravation d'impôts pour récompense de leur sincérité !
L'ancien ministre de l'intérieur, ayant appris qu'il y avait des doutes sur la portée de la première circulaire, crut devoir en publier une autre plus explicite, plus formelle. L'honorable M. de Theux adressa le 21 septembre 1846, aux gouverneurs, une circulaire en tête de laquelle on lit : » Circulaire à MM. les gouverneurs. Craintes manifestées sur l'application des résultats du recensement aux charges qui pèsent sur les habitants. ».
On trouve dans cette circulaire le passage suivant destiné à rassurer les plus craintifs. :
« Un de MM. vos collègues vient de m'informer que des administrations communales, pour rendre moins lourdes les charges qui pèsent sur les habitants et qui sont réparties dans la proportion de la population, ont porté à la connaissance de l'autorité supérieure, lors du dernier recensement, un chiffre de population inférieur ou chiffre réel. Il a manifesté la crainte de voir se reproduire un pareil abus au recensement du mois d'octobre prochain.
« J’ai déjà fait connaître, par ma circulaire du 3 juillet dernier, que l'opération du recensement général n'avait aucun caractère de fiscalité.
(page 377) « Comme c'est au bourgmestre ou à l'un des échevins qu'il appartient de présider le jury chargé de surveiller et de contrôler les opérations de recensement dans les communes, ces fonctionnaires s'attacheront à faire comprendre à leurs administrés que le recensement ne doit avoir nullement des effets onéreux pour les habitants. »
Cette fois l’engagement pris par l'honorable M. de Theux était bien explicite, bien formel, et chacun a pu croire qu'il n'y avait pas le moindre danger à faire une déclaration sincère. Qui sait même si quelques-uns, se voyant à l'abri du côté de l'impôt, n'ont pas cédé, dans le but d'avoir un représentant de plus, à la tentation de forcer quelque peu le chiffre de la population. Je ne dis pas que cela se soit fait. Je ne veux accuser personne. Mais il n'est pas impossible que cela soit arrivé dans quelque coin du royaume. On en a vu bien d'autres.
Ce n'est pas tout. L'honorable M. de Theux ne s'en est pas tenu à ces deux circulaires. Il avait en outre soigneusement recommandé à MM. les membres de la commission de statistique de répandre dans tout le pays l'idée que le recensement n'avait pas de but fiscal, qu'il n'en serait fait aucun usage en matière d'impôt.
Ce que j'ai l'honneur de vous dire, messieurs, n'est pas une simple allégation. Je puis le prouver par une lettre de la commission de statistique à l'ancien ministre de l'intérieur.
On lit en effet dans cette lettre qui porte la date du 23 décembre 1846 le passage suivant (la commission avait commencé par se féliciter des résultats obtenus, elle disait ensuite à M. le ministre de l'intérieur) : « Du reste nous ne nous dissimulons pas que ce résultat est dû en grande partie à la déclaration que vous nous avez autorisé à faire et que vous-même, M. le ministre, avez reproduite à deux reprises différentes par la voie du Moniteur, que le recensement n'avait aucun caractère de fiscalité. »
Vous voyez, messieurs, qu'il n'y a pas seulement la circulaire lue dans la séance d'hier par l'honorable M. Malou. Il y a deux autres circulaires plus explicites, plus formelles.
Je pense qu’après la lecture que je viens de donner de quelques passages de ces pièces, il n'entrera plus dans l'esprit de personne de révoquer en doute l'étendue des engagements pris par le gouvernement.
Reste une objection ; elle a été faite hier ; elle se reproduira peut-être aujourd'hui.
Le gouvernement, a-t-on dit, n'avait pas qualité pour prendre des engagements sur ce point ; le gouvernement était sans pourvoir ; les engagements qu'il a pris sont nuls et ne lient pas la chambre.
Il y a à cela une réponse bien simple : les engagements du gouvernement ont été publiés, ils ont été connus de tous les membres de la chambre. Il y a eu, depuis que ces engagements ont été pris et publiés, deux sessions. Quelqu'un de vous a-t-il élevé la voix pour prévenir, pour avertir les populations que ces engagements étaient (erratum, p. 424) nuls, que ces engagements pourraient plus tard, par le fait, être considérés comme un piège qui leur aurait été tendu ? Quelqu'un a-t-il élevé la voix ? Non, vous avez tous gardé le silence.
Et après coup, lorsque l'effet a été produit, vous viendriez dire : Le gouvernement n'avait pas qualité pour l’engager ; nous ne tenons pas ses engagements. Je rougirais, messieurs, de faire partie d'une chambre qui s'abaisserait à ce point.
Nous n'avons qu'une chose à nous demander : Le gouvernement a-t-il bien fait de prendre ces engagements ? Ces engagements ont-ils eu le résultat désiré ? Ont-ils provoqué des déclarations sincères ? Ont-ils amené, autant que possible, la connaissance exacte de la situation du pays ? Oui, le gouvernement a bien fait de prendre ces engagements. Oui ces engagements ont amené le résultat désiré ; dès lors je ne puis croire que vous hésitiez un instant à les ratifier.
M. Malou (pour un fait personnel). - L'honorable M. Delfosse, fidèle à ses habitudes de personnalité envers moi, s'est permis de dire, contrairement à un article du règlement, qu'en donnant hier lecture du passage d'une circulaire, j'avais cherché à en dénaturer le sens.
Qu'il me soit permis de rappeler comment la question s'est présentée hier, imprévue, incidemment pour moi, comme pour tout le monde.
Mon honorable collègue et ami M. de Theux a fait la motion de procéder à un examen préalable des engagements du gouvernement. Pendant ce débat, ému par le seul désir d'être utile à vos discussions, je me suis mis à feuilleter le Moniteur et le Bulletin de la commission centrale de statistique. Y ayant trouvé un passage relatif au caractère que le gouvernement avait assigné au recensement, j'en ai donné lecture.
Mais, j'ai eu bien soin de dire à la chambre, et j'en appelle à ses souvenirs, que je n'avais trouvé, dans mes recherches pendant la discussion, que ce seul passage. Je n'ai pas dit, il eût été téméraire, j'allais dire absurde de déclarer qu'il n'y avait pas eu d'autre engagement pris ni à la tribune, ni dans d'autres circulaires.
Vous voyez donc bien que les injures de l'honorable M. Delfosse sur certaine école, sur l'intention que j'aurais eue de dénaturer le sens d'un passage dont j'ai donné textuellement lecture, tombent devant l'exposé des faits.
M. Delfosse (pour un fait personnel). - Je n'ai pas recherché quelles avaient été les intentions de l'honorable M. Malou. Je laisse au public le soin d'apprécier les intentions de l'honorable membre comme les miennes, j'avais le droit, et j’en ai usé, de signaler les faits. J'ai eu le droit de dire que l'honorable M. Malou, qui avait été membre du cabinet précédent, aurait dû connaître mieux que personne les engagements pris ; j'ai ajouté, c'était encore mon droit, que l'honorable M. Malou avait dénaturé le sens de la première circulaire ; qu'il n'avait pas voulu y avoir qu'il n'avait pas voulu y trouver un engagement formel.
Je suis convaincu que la grande majorité du pays et de la chambre ne seront pas de son avis. L'honorable M. de Theux, collègue de M. Malou, a reconnu lui-même dans une seconde circulaire que l'engagement était formel.
J'ai parlé de certaine école, mais ce n'est pas moi qui ai appris au pays que l'honorable M. Malou y avait fait ses études ; c'est l'honorable membre lui-même qui. étant assis au banc des ministres du roi, s'est fait à l’avance l'application de mes paroles. L'honorable membre s'est glorifié d'avoir été l'un des adeptes de cette école, dont j'ai certes le droit de qualifier les funestes tendances.
M. Malou. - Quelles que soient les personnalités nouvelles que l'honorable-M. Delfosse vient d'ajouter à celles que, contrairement au règlement, il s'était permises contre moi, je n'ajouterai qu'un seul mot : je crois, depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette chambre, avoir toujours mis la plus grande franchise dans l'expression de mon opinion. Je n'ai pas à cet égard de leçons à recevoir de l'honorable M. Delfosse.
M. Delfosse. - Je n'ai pas fait d'allusions personnelles.
M. Mercier. - L'honorable M. Delfosse, pour combattre, non pas !a proposition faite par la section centrale, mais l'application de la loi sur la contribution personnelle, s'est servi de trois espèces d'arguments : les uns se rapportent à la base de la loi, les autres sont puisés dans les engagements pris à l'occasion du recensement, et enfin les troisièmes concernent l'interprétation même de la loi.
Quant à la base de la loi, nous n'avons pas à la discuter maintenant, Cependant j'aime à dire que je partage l'opinion de l'honorable M. Delfosse sur ce point : je ne crois pas que la base de l'impôt personnel sur les portes et fenêtres soit bien établie à raison de la population.
Quant aux engagements pris lors du recensement, je déclare bien volontiers que je ne me suis pas rappelé hier toutes les circonstances dont l'honorable M. Delfosse vient de nous rafraîchir le souvenir en citant les circulaires de M. le ministre de l'intérieur. Je me hâte donc de déclarer que bien que je sois encore d'avis que la loi est très formelle, qu'il ne dépendrait pas de nous, sans une disposition expresse, de dispenser le gouvernement de l'appliquer, je déclare, dis-je, que je suis tout disposé à renoncer à l'augmentation qui devrait résulter de l'application complète de la loi.
Mais, quant à l'argumentation de l'honorable M. Delfosse sur la loi elle-même, je ne puis nullement l'admettre : de ce que le gouvernement des Pays-Bas, en 1822, lorsqu'il a présenté le projet, l'a accompagné d'un exposé des motifs indiquant une classification des communes, telle qu'elle devait résulter des faits connus à cette époque, pour l'application de la base de l'impôt des portes et fenêtres, je ne puis tirer la conséquence que le législateur ait entendu arrêter une classification qui ne pourrait être changée, à l’avenir, que par la loi elle-même ; c'est une simple indication qu'il devait nécessairement consigner dans l'exposé des motifs, et il eût été fort étonnant qu'elle n'y eût pas été comprise.
Ce qui prouve, d'ailleurs, que l'intention du gouvernement n'a pas été d'établir une classification permanente, c'est qu'il y avait un précédent qu'il n'a pas voulu suivre ; le précédent, c'est la loi des patentes qui établit aussi des droits qui varient selon l'importance des communes, et qui a arrêté elle-même leur classification.
Cette loi est antérieure à celle qui régit la contribution personnelle. Si donc, le législateur avait entendu établir une classification permanente, s'il avait entendu que la classification ne pût être modifiée que par une loi, il aurait manifesté son intention dans la loi même, et s'il ne l'a pas fait, ce n'est un oubli de sa part, puisque antérieurement il avait agi de cette manière à l'égard d'une autre contribution directe. Je veux bien, avec l'honorable M. Delfosse, que l'intention du législateur n'ait pas été de saisir au passage, comme on l'a dit, certaines circonstances fugitives qui viendraient momentanément augmenter la population de telle ou telle commune, mais il est évident qu'il a voulu que lorsque les résultats généraux et permanents seraient connus, on en vînt alors à l'application réelle des articles 13 et 14 de la loi. Or, messieurs, il s'agit ici de résultats généraux constatés par un recensement officiel.
Toutefois, messieurs, eu égard aux engagements pris par le gouvernement, d'une manière bien plus précise et plus étendue que mes souvenirs ne me le rappelaient hier, je suis pour ma part décidé à ne pas insister sur l'augmentation. Cependant, je dois appeler l'attention du gouvernement et de la chambre sur ce point essentiel, selon moi, c'est qu'il ne doit cependant pas résulter des engagements pris à l'occasion du recensement, qu'à tout jamais il serait interdit de faire usage des connaissances acquises au moyen de cette opération pour rétablir l'égalité proportionnelle qui doit, d'après la loi, exister entre tous les contribuables. Ce serait pousser trop loin les conséquences des circulaires émanées du département de l'intérieur.
M. Lejeune, rapporteur. - Messieurs, à entendre certains orateurs, on dirait que la section centrale a, commis une énormité, qu'elle a inventé en quelque sorte à plaisir, un impôt vexatoire. Je prends à tâche de rétablir le fait, qui est fort simple.
Il a été question de l'exécution de l'article 13 de la loi de 1822. La section centrale a cru que la loi devait être exécutée ; elle a demandé au gouvernement quelle serait l'augmentation de recettes qui résulterait de l'augmentation de la population, se réservant toutefois de discuter les (page 378) explications dont ce renseignement pourrait être accompagné de la part du gouvernement. La section centrale a reçu purement et simplement l'indication du chiffre de l'augmentation, et il y a eu très peu de discussion à ce sujet dans la section centrale. Comme il s'agissait de l'exécution d'une loi, et que le gouvernement ne paraissait faire aucune observation…
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le ministre a fait des réserves.
M. Lejeune. - Je vais lire la note telle qu'elle a été transmise à la section centrale. Voici d'abord la question qui était posée :
« L'article 13 de la loi du 28 juin 1822 établit la contribution personnelle sur les portes et fenêtres, d'après la population des villes ou communes ; aujourd'hui qu'un recensement officiel a été opéré et qu'il a constaté une augmentation de population dans un grand nombre de communes, la section centrale a désiré savoir quelle est l'augmentation de produit qui résultera de l'application de la loi, au chiffre actuel de la population ? »
La réponse a été que cette augmentation de produits s'élèverait à la somme de fr. 208,981-69 en principal. Ensuite, messieurs, en réponse à une autre question, le gouvernement nous a fait connaître que la révision de la loi sur la contribution personnelle était poussée avec activité. C'est principalement...
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Lisez l'observation.
M. Lejeune. - Voici la noie qui se trouve à la même page 6 du rapport, mais qui répond à une autre question :
« L'administration s'occupe d'un projet de loi sur la contribution personnelle, l'étude en est déjà assez avancée. Le projet, sans changer fondamentalement le système de l'impôt, a essentiellement pour objet de remédier aux vices de la législation actuelle sur la matière, et d'arriver à une répartition plus équitable de la contribution personnelle. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - « Et l'on pense qu'il serait peu opportun d'apporter en ce moment à l'application de la loi de 1822 la modification qui résulterait du recensement de la population, en ce qui concerne la deuxième base de l'impôt.»
M. Lejeune. - Je n'ai pas la note originale sous les yeux mais je sais très positivement que je l'ai insérée entièrement dans le rapport, et que le passage que M. le ministre de l'intérieur vient de citer ne se trouvait pas dans la réponse qui a été remise à la section centrale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai ici la suivante.
M. Lejeune. – J’apporterai la note remise à la section centrale demain ; mais il est certain que ce passage ne s'y trouve pas.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Le passage qui vient d'être indiqué n'est pas dans la note remise à la section centrale, il a été supprimé par moi.
Il n'y a eu, messieurs, qu'une seule question posée au sujet de la contribution personnelle par la section centrale.
Les souvenirs de l'honorable M. Lejeune ne me semblent pas exacts quand il exprime l'opinion que cette section avait posé deux questions. Ma réponse portait, après la citation du chiffre de fr. 208,981, que l'administration s'occupe d'un projet de loi sur la contribution personnelle, que l'étude en est déjà assez avancée. J'ai supprimé ensuite ces mots : « L'on pense qu'il serait peu opportun d'apporter, en ce moment à l'application de la loi de 1822 la modification qui résulterait du recensement de la population, en ce qui concerne la deuxième base de l'impôt.» Le reste est conforme à la note qui a été lue par l'honorable rapporteur.
M. Lejeune. - La note que M. le ministre des finances vient de lire est exactement celle qui a été remise à la section centrale et qui se trouve reproduite dans le rapport. C'est celle dont j'ai moi-même donné lecture.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande à ajouter un mot. La minute que j'ai lue m'a été remise par M. le ministre des finances ; j'ai remarqué une barre sur le passage dont il s'agit, et je lui ai demandé si ce passage avait été biffé ; il m'a répondu négativement. (Interruption.) M. le ministre aura compris que je lui parlais de la première partie de la note qui seule semble avoir été copiée pour la section centrale. Voilà sans aucun doute d'où provient le malentendu.
Je suis fâché d'avoir dû par cette rectification détruire l'espèce de jubilation qui avait éclaté sur certains bancs, au moment où l'on a cru qu'un dissentiment existait entre M. le ministre des finances et moi. (Nouvelle interruption.) Je suis fâché pour l'honorable M. Orban d'avoir dû contrarier la joie qu'il en montrait ; mais je crois que l'explication que je viens de donner satisfera complètement tous les hommes de bonne foi.
M. Lejeune. - Il s’agit précisément d'une question de bonne foi et c'est à la bonne foi que je fais appel. Je dois ajouter un seul mot. M. le ministre des finances croit que j'étais dans l'erreur lorsque j'ai dit que deux questions ont été posées. Je rappellerai à M. le ministre que la question relative à l'article 13 de la loi de 1822 a été posée par la section centrale, et qu'une autre question a été posée par la deuxième section, en ces termes :
« La deuxième section insiste de nouveau sur l'urgence de réviser la loi sur le personnel. » Vous voyez, messieurs, que ce que j'ai avancé est rigoureusement exact, du reste nous avons tous raison, chacun suivant la manière qu'il a vu les choses.
Je disais donc que telle a été la réponse, que la section centrale a vu en quelque sorte, dans le chiffre donné, l'indication d'une augmentation du chiffre du budget. Maintenant, puisque tel n'était pas le sens que M. le ministre des finances attachait au chiffre indiqué, il s'ensuit que nous nous sommes appuyés sur une fausse base en quelque sorte.
Messieurs, la même question s'est présentée devant la section centrale, par suite d'une requête, adressée à la chambre par le conseil communal de Bruxelles. Le conseil communal de Bruxelles a demandé qu'on exécutât l'article 13, qu'il fût tenu compte de l'augmentation de population. Cette demande est faite avec d'autant plus de force et de raison qu'elle s'appuie sur la loi. Quand nous avons examiné cette demande, nous n'en avons pas tiré la conclusion qu'il fallait augmenter le budget des voies et moyens ; mais nous avons recommandé cette demande à la sérieuse attention du gouvernement et de la chambre ; nous en avons proposé le renvoi à M. le ministre des finances, afin qu'elle fut prise en considération aussitôt que possible.
Cette demande était accompagnée de plusieurs autres ; on demandait que l'article 29 de la loi de 1822 fût modifiée ; il y avait d'autres observations qui ont été toutes recommandées au gouvernement par la section centrale.
La section centrale n'a donc fait en quelque sorte que suivre une indication donnée ; mais, je l'ai déjà dit hier, en ce qui me concerne personnellement, du moment que le gouvernement a des motifs graves pour ne pas adopter l'amendement, je n'insisterai nullement.
D'après la discussion qui a déjà eu lieu, je trouve, pour mon compte, des motifs graves pour ne pas adopter l'amendement ; je trouve un motif grave, en ce que la loi n'a réellement pas été exécutée antérieurement ; je trouve un autre motif grave, en ce qu'il y a des engagements pris par le gouvernement, des engagements, quels qu'ils soient, qui ont été interprétés, qui ont été compris dans ce sens que l'augmentation de population ne donnerait pas lieu à une augmentation d'impôt. Pour moi, cela me suffit, pour que je n'insiste pas sur l'amendement proposé.
Je dois rencontrer un argument qui a été produit hier. Je ne sais jusqu'à quel point il faudrait s'arrêter devant cette considération que quelques communes des Flandres, si malheureuses dans ce moment, seraient augmentées comme d'autres.
Je dois faire observer, à ce sujet, que l'augmentation d'impôt a d'un autre côté un effet favorable ; lorsqu'une commune est portée dans une classe supérieure, les plus riches payent un peu plus, mais d'autre part, suivant l'article 49 de la loi de 1822, les pauvres payent un peu moins ; les exemptions sont plus étendues en faveur de la classe la plus malheureuse ; ainsi, de ce chef, il pourrait bien y avoir compensation pour les classes les moins aisées.
Mais s'il y a des motifs pour ne pas exécuter aujourd'hui la loi, pour ne pas augmenter la contribution personnelle, il y a des motifs d'autant plus grands pour demander au gouvernement qu'il prenne l'engagement de présenter, pour le budget prochain, sans plus de délai, des mesures propres à faire disparaître les abus les plus graves, si la loi ne peut être révisée entièrement, et je n'insiste pas beaucoup sur la révision totale : car il y a seize ans que nous l'attendons ; si cette révision complète n'est pas possible pour le budget prochain, que du moins on fasse disparaître provisoirement les inégalités les plus choquantes.
L'honorable M. Delfosse a fait observer qu'aucune voix ne s'était élevée pour demander que l'article 13 fût exécuté en raison de l'augmentation de population. Cela peut avoir été vrai jusqu'à une certaine époque ; mais aujourd'hui des réclamations ont surgi ; on demande l'exécution de la loi, on désigne tant d'abus, tant d'inégalités, qu'on ne peut plus résister à une révision sinon totale, au moins partielle ; c'est sur les articles 13 et 14, 29, etc., que la révision doit porter ; j'engagerai aussi beaucoup le gouvernement à modifier l'article 4 de la loi du 29 décembre 131, qui est une des causes des inégalités dont on se plaint avec raison.
M. Malou. - Messieurs, le débat, tel qu'il s'est engagé à la séance d'hier et tel qu'il continue à la séance d'aujourd'hui, me paraît manquer d'un élément essentiel. Nous sommes en présence de deux chiffres, le chiffre primitif du gouvernement et celui de la section centrale. Jusqu'à présent, nous ne savons pas si le gouvernement se rallie ou ne se rallie pas au chiffre de la section centrale...
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je demande la parole.
M. Malou. - Il me paraît résulter du débat, qu'il ne s'y rallie pas.
Si j'ai bien compris la pensée du cabinet, je n'insisterai pas non plus, parce que je crois que c'est surtout au gouvernement qu'il appartient d'apprécier les mesures qui doivent être prises en cette circonstance.
Je prierai donc M. le ministre des financés de vouloir bien nous dire, s'il persiste dans l'idée qu'il paraissait avoir hier, qu'il y a lieu d'appliquer la loi ; et s'il n'y persiste pas, de vouloir bien saisir la chambre d'une proposition qui régularise cette affaire ; en ce sens que l'application des articles 13 et 49 de la loi de 1822 soit suspendue, que la population constatée par le recensement n'ait pas d'effet sur la formation des rôles de l'année prochaine.
J'attendrai que le gouvernement se soit expliqué sur ce point, avant de parler du fond, parce que si le gouvernement ne se rallie pas à la proposition de la section centrale, je ne la voterai pas.
(page 379) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, les opinions, depuis hier, me semblent avoir fait un grand pas vers celle que j'ai exprimée à la fin de la séance. J'ai demandé, de concert avec mon honorable ami, M. le ministre des finances, qu'avant d'introduire une modification aussi importante dans une loi qui déjà est peu populaire, qui donne lieu à de justes et nombreuses plaintes ; j'ai demandé, dis-je, que la chambre voulût bien se livrer à un examen plus réfléchi ; j'ai proposé le renvoi de l'article à la section centrale. Mais hier les opinions étaient tellement faites, il y avait sur cette question des convictions tellement arrêtées que ce renvoi fut jugé complètement inutile, et notre proposition ne fut pas acceptée. Heureusement que la fin de la séance est venue interrompre le débat, et que la chambre n'a pas procédé à un vote ; je crois que si la chambre avait voté hier la proposition de la section centrale, elle en aurait été au regret aujourd'hui et que force lui eût été de revenir sur cette décision improvisée. Ceux qui eussent été les premiers à la regretter, ce sont, sans contredit, les membres de l'ancien cabinet.
L'honorable M. Malou inclinait fortement hier pour qu'on introduisît dans la loi la modification proposée par la section centrale…
M. Malou. - J'ai demandé qu'on ne votât pas dans la séance d'hier.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je suis convaincu que son opinion d'aujourd'hui n'est plus la même ; elle ne peut plus être la même, je fais un appel à sa franchise.
M. Malou. - C'est vrai.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il aura sans doute revu les circulaires émanées du cabinet dont il faisait partie. Or, l'honorable M. Delfosse vous a donné lecture de divers paragraphes de ces circulaires qui ne laissent pas ouverture au moindre doute sur les intentions du cabinet dont M. Malou faisait partie.
Une première circulaire de l'honorable M. de Theux n'ayant pas paru assez claire aux gouverneurs, ils ont demandé de nouvelles instructions au ministre de l'intérieur pour rassurer les populations sur la portée du recensement. C'est alors que M. de Theux a chargé les gouverneurs d'écrire aux bourgmestres qu'ils eussent à rassurer complètement leurs administrés sur les conséquences du recensement, et à leur déclarer, au nom du gouvernement, que dans aucun cas il ne devait avoir d'effet onéreux pour eux.
Après une pareille déclaration, je dis qu'aucun bourgmestre ne pourrait se présenter sans rougir vis-à-vis de ses administrés, s'il avait à concourir à l'application d'une nouvelle loi d'impôt, due à la sincérité des renseignements fournis par eux.
Quand on parle aux populations, il faut le faire avec franchise et sans arrière-pensée ; quand c'est au nom du gouvernement qu'on promet, c'est un motif de plus de tenir parole.
La marche contraire serait chose très fâcheuse au point de vue administratif. Vous promettez que telle déclaration faite par l'administré n'aura aucune conséquence onéreuse pour lui, et bientôt après cette déclaration sincère tourne contre lui et provoque une augmentation d'impôt ! Avec un tel système, il deviendrait impossible à l'avenir d'obtenir un recensement sincère sur quoi que ce soit.
Et non seulement cela deviendrait impossible, mais peut-être ne trouveriez plus de fonctionnaires qui voulussent se charger de l'exécution de vos lois, de la publication des circulaires du gouvernement, après que vous seriez venu leur donner un démenti aussi sanglant aux yeux de leurs administrés.
La circulaire de M. de Theux, du 21 septembre, est des plus explicites. Le recensement ne devait exercer aucune influence sur les impôts. Après avoir lu la circulaire, ii ne peut rester le moindre doute à cet égard.
Après avoir recommandé aux bourgmestre et échevins de s'attacher à faire comprendre à leurs administrés que le recensement ne doit nullement avoir des effets onéreux pour les habitants ; le ministre ajoute ce paragraphe très significatif :
« Ce n'est, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne la milice que de pareilles craintes pourraient avoir quelque apparence de fondement. »
Donc sur tout autre point de pareilles craintes étaient sans fondement. Le ministre prenait soin de rassurer d'avance les populations, même sous le rapport de la milice.
Il faisait remarquer que, d'après la nouvelle loi proposée, la répartition du contingent aurait lieu non plus d'après la population, mais d'après le nombre des jeunes gens inscrits. Donc sous ce point de vue encore, pas de motif pour les habitants de s'alarmer et de fausser leurs déclarations.
Messieurs, l'opinion de M. de Theux, l'opinion du cabinet d'alors n'était donc pas douteuse. Le recensement ne devait avoir aucun effet onéreux.
Il l'avait solennellement promis ; cet engagement seul suffirait pour rendre impossible l'adoption de la disposition, que l'honorable M. Malou appuyait hier. Le cabinet précédent, parfaitement conséquent avec ses engagements publics, ne s'était pas arrêté à l'idée d'imposer les communes à raison de l'augmentation de leur population. L'honorable M. Malou a présenté son budget des voies et moyens le 12 avril 1847, et il n'a pas proposé d'augmentation à l'article de la contribution personnelle, du chef de l'augmentation de la population.
Hier, l'honorable membre a dit que la population des communes ne lui était pas connue à cette époque. Il se trompe, elle était parfaitement connue du gouvernement, le 12 avril 1847 ; elle était connue le 15 octobre 1846 ; les documents publiés à cette époque le prouvent. Voici le tableau publié le 15 octobre 1846. L'honorable membre connaissait tout au moins la population des communes le 12 janvier 1817, car l'honorable M. Dumortier, dans son rapport sur la loi d'augmentation du nombre des représentants, avait reçu de l’administration et publié la liste de toutes les communes du royaume avec la nouvelle population. Donc le gouvernement avait connu assez à temps les changements de population pour appliquer aux communes, dès 1848, l’article 13 de la loi sur la contribution personnelle, s'il avait cru pouvoir le faire honorablement ; et s'il ne l'a pas fait, c'est que sans doute il aura pensé qu'un pareil procédé vis-à-vis du pays serait indigne d'un gouvernement qui se respecte.
Je ne pense pas non plus que M. Malou, en s'abstenant, aurait songé à léguer cet embarras à ses successeurs. A l'époque où le budget des voies et moyens a été présenté, il n'était pas question de changement de ministère, et l'honorable membre ne pressentait pas sans doute ce qui est arrivé au 8 juin.
Messieurs, mon honorable ami, M. le ministre des finances, vous a dit hier que, si l'article était voté il exécuterait la loi. Et cela se conçoit, si vous aviez fait entrer forcément dans le budget des voies et moyens un article nouveau en vertu duquel 208 mille fr. en plus auraient dû être perçus, il fallait bien exécuter la loi. Un ministre des finances est, après tout, ministre des finances, et quand la chambre lui offre des ressources nouvelles, il lui faudrait en quelque sorte un effort d'abnégation pour repousser de pareilles ouvertures.
Je me suis renfermé jusqu'ici, messieurs, dans la question de bonne foi, de loyauté gouvernementale. Je vous ai fait entrevoir aussi quels inconvénients et quel embarras naîtraient pour l'administration, si les populations étaient ramenées par votre fait au souvenir de ces anciens temps où, sous prétexte de faire des relevés statistiques, on cherchait au fond le moyen de leur enlever des hommes et des écus. Le danger serait grand pour la bonne administration, si nous suivions de tels antécédents et si nous donnions aujourd'hui dans un pays de publicité, sous un gouvernement de loyauté, si nous donnions ces exemples qui ont été si hautement blâmés à une autre époque. Ce sont ces souvenirs d'une autre époque qui ont rendu la plupart de nos campagnards si récalcitrants en présence des demandes de renseignements ; et il faut entièrement effacer de pareils souvenirs, sous peine, je le répète, pour l'administration, de n'obtenir, au lieu de renseignements sincères, que des déclarations la plupart du temps incomplètes et mensongères. Aujourd'hui, j'espère que les populations reconnaîtront qu'il y a de la loyauté dans le gouvernement belge et dans les chambres belges.
Mais, à part cette question de loyauté et de bonne foi qui domine toutes les autres, il y aurait un obstacle en quelque sorte matériel à l'introduction de l'augmentation proposée dans la loi du budget des voies et moyens ; et la voici en peu de mots.
On a parlé de l'exécution de l'article 13, mais on a négligé l'article suivant, l'article 14.
D'après l'article 14, il faut prendre pour base de la population, en rapport avec l'impôt, non pas la commune tout entière, mais l'agglomération de la commune, et c'est à raison de la population de cette agglomération que l'on classe la commune. Les parties éparses de la commune sont taxées au taux de l'agglomération.
Or, de quelles bases est-on parti pour fournir à la section centrale les chiffres qu'on a demandés ? On a pris la population en masse, par commune, et on a dit : Voilà, d'après l'augmentation globale, le chiffre que devrait produire la contribution personnelle. On n'a pas distingué entre la population des agglomérations et la population des parties éparses ; il y aurait pour l'application de l'article 14 une nouvelle répartition, un nouveau recensement à faire.
Il peut arriver, et c'est probablement ce qui arrive, que certaines agglomérations ont perdu en population, tandis que les parties éparses ont gagné ; les centres perdent alors que les extrémités se fortifient.
Vous voyez à combien d'erreurs on serait exposé, si on procédait à un nouveau classement, en ayant égard à la population totale, alors que l'article 14 veut que ce soit l'agglomération de la population seule qui serve de base pour la classification de la commune.
Messieurs, en vous citant les communes des Flandres qui se trouveraient frappées par la mesure proposé, je n'ai pas voulu recourir à un expédient de circonstance. C'est là un mauvais genre d'argumentation. Je n'ai pas voulu enchaîner à mon opinion les représentants des Flandres, en citant les communes qui appartiennent à leurs districts. Mais lorsque je repoussais une proposition que je croyais mauvaise en principe, je devais bien aussi tenir compte des circonstances dans lesquelles elle se présentait. Eh bien ! par une coïncidence fâcheuse, que j'ai peine à m'expliquer et que je dois cependant bien admettre en présence des chiffres, il arrive que dans le nombre des communes qui devraient subir une augmentation d'impôt personnel de 20, de 30, de 40, de 50 p. c. figurent principalement celles où l'on doit porter le plus de secours. Je ne pouvais me dispenser de tenir compte de cette circonstance et je l'ai signalée à la chambre.
On vient de nous dire que dans les communes rurales la contribution personnelle ne frappe pas les classes pauvres. Je sais qu'elle ne frappe pas les classes auxquelles nous devons donner du pain ; mais elle frappe toute la classe riche, la classe moyenne, la classe des fermiers, et ces classes sont déjà très imposées aujourd'hui dans les Flandres. Elles ont, outre les impôts de l'Etat, des charges locales qui ont été doublées et triplées, et elles ont l'aumône qu'elles doivent exercer sur une très grande échelle. Je dis que le moment serait mal choisi pour venir imposer de nouvelles charges à ces localités où nous sommes obligés de porter des secours.
Voilà dans quel sens j'ai cité les communes des Flandres.
(page 380) Il y a plus, et vous allez voir combien on a fait sagement de ne pas adapter hier, d'entrainement, la disposition proposée pour l'impôt personnel, ; l'impôt des patentes devrait s'en trouver également atteint. La loi des patentes, porte aussi sur une classification des communes.
M. Brabant. - Nominative.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Sur une classification nominative, je le sais ; mais de quelle base est-on parti pour créer cette classification ? Principalement, je pense, de la base de la population. Ainsi pour être logique, il faudrait faire l'application du résultat du recensement à la loi des patentes.
Il existe encore peut-être d'autres lois fiscales dans lesquelles le recensement devrait introduire des modifications.
M. Brabant. - La loi des bières.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'honorable M. Brabant cite la loi d'accises. Vous voyez dans quel labyrinthe fiscal et financier l'on se trouverait engagé si l'on avait adopté sans réflexion la proposition qui vous était faite.
Je n'ajouterai plus qu'un mot.
Je reconnais que, malgré les déclarations faites, que le recensement ne pouvait avoir d'effets onéreux pour le contribuable, le pouvoir législatif ne peut être à tout jamais lié. Et qu'avons-nous dit hier ? Nous n'avons pas annoncé qu'à tout jamais il ne serait touché à la contribution personnelle. Nous avons dit seulement que le moment d'introduire une pareille innovation était mal choisi ; que nous nous occupions de la révision de la loi sur la contribution personnelle, qu'un projet vous serait soumis, et que toutes les modifications utiles à introduire pourraient prendre place dans ce projet.
C'est la pensée que l'honorable ministre des finances avait exprimée dans la note dont j'ai donné lecture et dont il paraît qu'une partie seulement a été remise à la section centrale. C'était la pensée du cabinet, c'est la pensée que notre collègue a également exprimée dans la séance d'hier. Il a conjuré la chambre de faire un examen sérieux de la proposition. Sans doute il ne s'est pas montré trop récalcitrant devant l'offre qu'on lui faisait d'une somme de 220,000 francs. Mais si nous aimons à voir le trésor s’enrichir dans un moment où nous avons de grands besoins, nous ne voulons pas qu'il s'enrichisse à tout prix, à toute condition. Nous repousserions certains cadeaux comme funestes, et quant à cette somme de 220,000 fr., nous la repoussons comme un cadeau funeste.
Il est possible que la chambre soit appelée à discuter bientôt une nouvelle loi de contribution personnelle. Mais nous ne voulons pas trop promettre à la chambre ; elle a déjà beaucoup à discuter. L'ordre du jour, tel qu'il existe déjà, peut occuper largement toute une session ; et je me tiendrais pour très satisfait, et je crois que la chambre pourrait se féliciter si elle parvenait à épuiser dans cette session l'ordre du jour de tous les projets qui lui sont soumis. Nous ne voulons donc pas encombrer la chambre de travaux dont elle ne pourrait s'occuper utilement. Nous aimerions mieux employer cet espace de temps à un examen plus approfondi des lois que nous avons à vous soumettre. Mais nous prenons l'engagement, et le travail est déjà très avancé de faire procéder à la révision de la loi de la contribution personnelle, loi qui, je le répète, donne lieu à de justes et nombreuses plaintes, et qui par conséquent était moins susceptible qu’une autre de recevoir de l'extension.
M. Lejeune, rapporteur. - M. le président, permettez-moi de déposer sur le bureau les deux pièces qui ont été adressées à la section centrale et dont il a été fait mention tantôt dans la discussion.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, quand la question a été soulevée, hier, nous avions sous les yeux l'article 13 de la loi de 1822. Me renfermant dans le texte de cette disposition, il avait paru à plusieurs membres de la chambre, et j'étais du nombre de ceux qui croyaient que le gouvernement était tenu d'appliquer la loi suivant sa teneur.
L'honorable ministre de l'intérieur, ne partageant pas cet avis, a demandé que la question fût soumise à un nouvel examen. Aujourd'hui, nous devons tous nous applaudir que cet examen ait eu lieu. Je crois qu'il ne peut plus rester maintenant de doute dans l'esprit de personne que l'article 13 ne peut recevoir une juste application, en prenant pour base les éléments que le département des finances possède en ce moment.
Messieurs, les chiffres de la population, des villes et communes mentionnées au tableau dont il a été parlé hier, sont les chiffres de leur population entière tant de leurs parties agglomérées que des habitations éparses. Or, l'article 14 de la loi de 1822 est très positif ; pour décider s'il y a lieu d'appliquer l'article qui le précède, l'on ne doit tenir compte que des habitants des maisons agglomérées. Il faut donc qu'il s'établisse une déduction sur les chiffres globaux qui jusqu'ici nous sont connus.
Je me trouve en conséquence dépourvu des données nécessaires, et il n'est pas en mon pouvoir d'appliquer immédiatement la loi, suivant l'intention du législateur, en supposant je fusse invité à le faire.
Pour m'en dispenser, je ne crois pas, messieurs, que j'aie besoin d'une autorisation formelle de la chambre ; en présence des antécédents, lorsque nous avons vu le recensement officiel de 1829 et le tableau annexé à la loi communale n'exercer aucune influence sur la classification des communes, en ce qui concerne l'impôt des portes et fenêtres, je pense que nous pouvons provisoirement continuer à en agir de la même manière que précédemment.
Je dis provisoirement, et hier j'avais été plus loin que mon honorable collègue, M. Rogier, en promettant de déposer un projet de révision de la loi. Je pouvais le faire, parce que l'étude de ce projet est fort avancé. Je crois que, d'ici à quelques semaines, je serai en mesure d'en saisir la chambre. Si, de son côté, elle veut bien s'en occuper promptement, la loi serait révisée avant l'année prochaine. Dans l'esprit de cette révision, il sera donné satisfaction aux plaintes, que la loi a soulevées ; c'est-à-dire que toute investigation intérieure chez les contribuables sera supprimée ; que le système actuel sera simplifié ; qu'il y aura plus d'égalité dans la part d'impôt des villes et des campagnes, que les classes peu aisées des contribuables seront ménagées, en ne perdant pas de vue le maintien du chiffre que la contribution personnelle procure à présent.
Messieurs, tout ce qui a rapport à l’article 13 de la loi de 1822. pouvait être considéré comme terminé, j’aborderai le second point.
Je vais avoir l'honneur de rappeler à la chambre les motifs qui ont fait reproduire dans le budget des voies.et moyens de 1832, réglé par la loi du 29 décembre 1831, le paragraphe premier de l'article 4 dont j'ai déjà cité le texte. Je trouve ce motif dans le discours de l'administrateur général des finances, prononcé le 23 décembre 1830, à l'occasion des projets de budget pour l'exercice 1831 : Voici ce passage :
« L'article 5 pourvoit à la réparation d'un grief qui a été bien des fois mis en avant. dans les discussions sur nos lois financières. Il donne aux contribuables soumis à l'impôt personnel la faculté de s'affranchir de toute visite des experts, en même temps qu'il les garantit contre toute crainte d'amende ou de poursuite, moyennant la simple déclaration qu'ils s'en rapportent. à la cotisation admise ou fixée l'année précédente, à l'égard des quatre bases sur la valeur locative : les portes et fenêtres, les foyers et le mobilier. Dans la session des états généraux, où fut voté le dernier budget décennal, les membres de la seconde chambre insistèrent vivement pour que cette amélioration fût apportée dans l'exécution de la loi sur le personnel : tout ce qu'ils purent obtenir fut la mesure contenue dans l'arrêté du 29 décembre 1829 (Journal officiel, n° 84), et d'après laquelle, si les contribuables n'encouraient plus des amendés ou des frais d'expertise, dans le cas d'une déclaration conforme à celle de l'année précédente, pour les deux premières bases seulement, ils n'en demeuraient pas moins assujettis aux formalités gênantes des dénombrements et des visites. »
C'était pour faire droit à un grief.
On ne peut s'empêcher de le dire, messieurs, cette faculté de, se référer à une déclaration de vieille date a pour conséquence les inégalités les plus choquantes ; mais, après seize ans de délai, attendons une année de plus, différons tout changement jusqu'à ce que nous arrivions à la révision de la loi.
Je me bornerai à ces explications. Je les crois suffisantes pour faire apprécier à la chambre les résolutions auxquelles le gouvernement s'est arrête, après en avoir délibéré depuis notre séance d'hier.
- La clôture est demandée.
M. Mercier. - Je désirerais savoir si la section centrale renonce à l'augmentation.
M. Lebeau. - Je tenais à donner quelques explications pour motiver mon vote, afin qu'on ne le considérât pas comme étant en contradiction avec les paroles que j'ai prononcées hier. Cependant, puisque la clôture est demandée, je n'insisterai pas.
- La discussion est close.
L'amendement de. la section centrale est mis aux voix, il n'est pas adopté..
Le chiffre proposé par le gouvernement est adopté.
« Principal : fr. 2,815,000.
« 10 c. additionnels extraordinaires : fr. 281,500.
« Ensemble : fr. 3,096,500. »
M. Osy. - Messieurs, l’année dernière dans la discussion du budget des voies et moyens, j'ai eu l'honneur d'entretenir la chambre de l'exécution donnée à la loi sur les patentes, par suite de l'arrête ministériel du 31 décembre 1845. Depuis lois de nouveaux incidents sont survenus, Les députations permanentes avaient donné raison aux industriels qui prétendaient ne devoir payer la patente que sur les dividendes. Le gouvernement avait cassé les décisions des députations. Les industriels se sont adressés aux tribunaux qui leur ont donné raison et qui ont cassé l'arrêté royal qui était intervenu.
Dans une autre province, il y a eu un autre fait : dans un cas, la députation avait décidé que le droit de patente devait être payé sur les intérêts et les dividendes, et dans, un autre cas, elle a décidé qu'il ne devait être payé que sur les dividendes seuls. L'année dernière, j'ai manifesté mon étonnement de ce qu'une loi, qui existait depuis 25 ans, avait été modifiée par un arrêté ministériel, et je me suis plaint du conflit qui existait. L'honorable M. Malou avait si bien senti les inconvénients de cet état de choses, que son intention était, je pense, de s'entendre avec le ministre de la justice, afin de présenter aux chambres un projet de loi d'après lequel les intéressés auraient pu s'adresser, en cas de conflit, à une autorité supérieure, c'est-à-dire à la cour de cassation. Je crains que c'est là le seul moyen de faire cesser les conflits entre les différentes autorités.
Je demanderai à M. le ministre actuel des. finances comment il entend exécuter la loi sur les patentes ; je lui demanderai s'il compte y donner l'exécution qu'elle avait toujours reçue avant l'arrêté ministériel dont j'ai parlé. Je lui demanderai, en outre, s'il se propose de présenter à la chambre un projet de loi tendant à déférer à la cour de cassation les conflits qui pourraient s'élever à l'avenir.
(page 381) M. Malou. - Si je répondais aux observations de l’honorable M. Osy. je reproduirais toute la discussion qui a occupé la chambre, l’année derrière, pendant à peu près une séance, relativement à la patente des sociétés anonymes. Je ne suivrai donc pas l'honorable membre sur ce terrain.
Je n'avais pas modifié la loi par arrêté royal ; j'avais redressé une erreur d'application. Pour autant que je puisse me fier à mes souvenirs, lorsque j'ai quitté le ministère, les tribunaux n'avaient pas encore statué sur le fond, seulement, le gouvernement avait succombé sur une exception préjudicielle...
M. Dolez. - Et quant au fond également.
M. Malou. - C'est possible. Quoiqu'il en soit, je me rallie aux dernières observations de l'honorable M. Osy. J'ai reconnu, l'année passée, qu'une loi doit intervenir non seulement en ce qui concerne la patentées sociétés anonymes, mais aussi pour les conflits entre les députations permanentes en matière de milice. J'avais commencé l'étude de ce projet et je crois que si on la poursuit avec quelque activité, le projet pourra être présenté et voté dans le cours de la présente session.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, la proposition de présenter un projet de loi à la chambre, pour faire décider la question de principe en la déférant à la cour de cassation, a été faite au département de la justice peu de temps après mon entrée au ministère. Je l'ai fait parce que je partage entièrement l'opinion que c'est là le meilleur, le seul moyen de vider impartialement le différend. Mais il semble que le département de la justice est plus ou moins effrayé du grand nombre d'affaires que cette attribution relative à la loi des patentes pourraient faire arriver à la cour régulatrice. Toutefois cette difficulté n'existera pas. J'ai lieu de croire que le projet sera prochainement présenté, et comme il est dans les vœux de toute la chambre, je suis convaincu qu'il pourra être converti en loi dans le cours de la session actuelle.
Dans ces derniers temps, messieurs, la députation permanente d'Anvers est revenue à une autre manière de voir. Les députations provinciales de Liège et de la Flandre orientale ont de nouveau persisté dans celle qu'elles avaient adoptée. Le ministère des finances n'a exercé de recours contre aucune de ces décisions, rendues dans le même sens. Il avait connaissance du jugement porté par le tribunal de Bruxelles ; il a laissé passer les délais. Tel est, messieurs, l'état actuel des choses. Il importe que l'incertitude sur la véritable portée de la loi, en ce qui concerne la patente des sociétés anonymes, vienne à cesser le plus promptement possible. Le moyen d'atteindre ce but, c'est la présentation et le vote du projet de loi que j'ai annoncé...
M. Osy. - Mais en attendant comment la loi s'exécutera-t-elle ?
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Elle est exécutée comme elle l'a toujours été avant que la nouvelle manière d'envisager la loi, d'en appliquer le sens ne prévalût..
M. Osy. – Je prends acte des paroles de M. le ministre des finances. Je vois avec plaisir qu'il veut suivre un système très juste., c'est-à-dire qu'il entend exécuter la loi des patentes comme elle l'était avant la circulaire ministérielle. qui a donné lieu à tous ces conflits : ces conflits étaient déplorables. A Gand la députation avait donné raison aux industriels ; le gouvernement avait annulé la décision de la députation et le tribunal a cassé l'arrêté royal qui était intervenu. Je suis charmé d'apprendre qu'au moins jusqu'à la révision de la loi sur les patentes on reviendra à l'exécution que la. loi avait reçue jusqu'en 1845.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Malgré mon désir d'être agréable à. l'honorable M. Osy, je dois déclarer que dans la conduite que j'ai cru devoir tenir, je ne songeais pas à lui faire plaisir. Une jurisprudence s'est, en quelque sorte établie depuis la derrière session. Les tribunaux de Gand et de Bruxelles ont décidé que les députations permanentes prononçaient sur ces questions en dernier ressort. Je me suis conformé à ces jugements d'autant plus, facilement que c’était aussi ma manière de voir. Les décisions, quoique contraires à l'interprétation de la loi dans le sens adopté par mon honorable prédécesseur, ont reçu leur exécution sans opposition aucune de ma part.
M. Osy. - Vous n'en provoquerez plus l'annulation.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - J'ai sciemment laissé passer le délai utile pour le faire. Les choses sont remises sur l'ancien pied, en attendant que la question de droit puisse être portée devant la cour de cassation.
- L'article est mis aux voix et adopté.
« Principal : fr. 156,000.
« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 15,600/
« 5 centimes sur les deux sommes précédentes, pour frais de perception : fr. 8,580.
« Ensemble : fr. 180,180. »
M. Orban. - J'espère que la chambre voudra bien m'accorder un peu d'attention. Nous avons traité, à l'occasion du budget des voies et moyens, beaucoup de questions, mais je ne crois pas que l’on en ait abordé de plus importante que celle que je me propose d'aborder en ce moment.
Je ne crois pas non plus qu'il y en ait de plus opportune, car je me propose de soumettre à la chambre un amendement relatif à la redevance sur les mines, qui procurerait au trésor une nouvelle ressource assez notable, et cela dans le moment on l’on éprouve le besoin de créer des impositions nouvelles.
Depuis plusieurs années, messieurs, la nécessité d’augmenter la redevance des mines a été signalée à la chambre par la section centrale.
La question, si souvent agitée, est enfin arrivée à l’état de maturité, elle est, selon, moi, en mesure de recevoir une solution. En effet, elle a été soumise à l'examen du conseil des mines, qui a donné un avis, dont la chambre a été saisie. Enfin la question de redevance a subi un examen très détaillé de la part de l'inspecteur des mines dont le travail est en ce moment déposé sur le bureau de la chambre.
Un honorable député d'Anvers disait hier qu’il valait beaucoup mieux rendre plus productives des impositions existantes que d'en créer de nouvelles.
Ce système est très bon pour ceux qui ne payent rien ou qui ne payent pas suffisamment ; mais j'ose dire qu'il est fort injuste et fort peu rationnel.
Quant à moi, je pense, au contraire, qu'on ne peut trop multiplier les bases imposables ; c'est de cette manière seulement que nous parviendrons à soutenir la fortune publique, sans altérer les fortunes privées.
Messieurs, la principale richesse du pays est la propriété foncière ; il est juste qu'elle supporte une forte part des charges publiques, mais aussi, il faut bien convenir qu'elle n'a pas été épargnée. Elle seule fournit à peu près la moitié des ressources du budget, tant par l’impôt foncier qu'elle paye directement, que par les droits d'enregistrement, les droits d'hypothèques, les droits de succession qui la frappent indirectement.
Mais à côté de la propriété foncière, il y a une autre espèce de propriété ; à côté de la propriété superficielle, il y a la propriété souterraine, si je puis m'exprimer ainsi, qui occupe un rang fort considérable dans la richesse nationale, et qui, dans les ressources qu’elle procure à votre budget, figure pour une somme insignifiante.
Il résulte de tous les documents qui ont été publiés sur cette matière,, que le revenu brut de l’une des branches de la propriété minérale de l'industrie houilleresse, s'élève annuellement de 40 à 45 millions ; je n'établirai pas le bénéfice que peuvent faire les exploitants, mais je crois cependant qu'il n'y a rien d'exagéré à évaluer ce bénéfice à 7 ou 8 millions annuellement.
Je n'établirai pas non plus le rapport qui existe entre cette propriété et la propriété foncière ; il me suffit, à mon point de vue, de constater que, tandis que la propriété foncière est frappée directement d'un impôt qui équivaut au moins à 10 p. c. du revenu net, et qu'elle est grevée indirectement d'un somme au moins égale, la propriété minérale n'est frappée que d'un impôt de 2 1/2 p. c. pour le revenu net, impôt qui ne représente en réalité que 1 1/2 p. c, car tout le monde est d'accord pour reconnaître que les moyens d'évaluation sont tout à fait inexacts et insuffisants et renseignent un produit inférieur au produit réel. Ce rapprochement fait voir suffisamment qu'il existe, au profit de cette dernière, un privilège, une inégalité manifeste, qui n'aboutit en définitif qu'à faire supporter une aggravation de charges à la partie du pays qui n'a point l'avantage de posséder de mines et de combustible minéral.
Chose remarquable ! les provinces seules qui possèdent la richesse minérale sont en voie de progrès, tandis que les autres sont ou stationnaires ou dans une voie rétrograde, et l’élément de prospérité auquel est dû cette situation échappe à l'impôt, ne procure qu'une ressource insignifiante.
Quelle peut être la cause qui justifie ce privilège,, cette position exceptionnelle qu'on a créée à l’une des branches de la propriété ?
Devons-nous la voir par hasard dans l'origine de cette propriété ? Mais la propriété foncière est obtenue, soit par héritage, soit par acquisition à titre onéreux ; la propriété minérale, au contraire, est due à la concession, à la concession gratuite faite par le gouvernement ; sous ce rapport, elle devrait moins que la propriété foncière échapper à la contribution ; car le gouvernement aurait pu se conserver une part, non sur le revenu, mais sur la propriété. Il est bien remarquable, en effet, qu'on obtienne gratuitement une concession qui, souvent, représente immédiatement une valeur de plusieurs millions ; et que celui qui acquiert une valeur pareille, ne doive payer au gouvernement aucune charge particulière, aucune rémunération.
Le privilège accordé aux produits de cette propriété est dû à la nature de ces produits, à cette circonstance que le combustible minéral est un objet de consommation pour la classe nécessiteuse ?
Mais, messieurs, il y a des choses qui sont plus nécessaires encore à la classe pauvre que les produits des charbonnages, que les moyens de chauffage ; et cependant ces choses n'échappent pas à l'impôt.
Le pain est la première des nécessités ; eh bien, l'impôt foncier n'est qu'un impôt sur le pain ; car si la propriété foncière n'était pas grevée aussi fortement qu'elle l’est, évidemment on pourrait fournir le pain aux classes nécessiteuses, à meilleur marché.
Le sel, ce sucre du pauvre, n'est-il pas plus nécessaire encore à la classe pauvre que le combustible ? L'impôt sur le sel est cependant une des branches les plus importantes du revenu public.
Enfin, si les produits des houillères devaient être privilégiés comme moyen de chauffage, je dirais à la chambre que le charbon n'est que le chauffage d’une partie de nos provinces ; il a des provinces où le bois seul est connu et employé : est-ce que, dans ces provinces, le bois échappe aux contributions ? Est-ce que dans le Luxembourg, par exemple, les (page 382) forêts ne payent pas une part considérable dans la contribution foncière ? Sous ce rapport donc, on ne peut pas justifier davantage la position exceptionnelle qui a été faite à la propriété minérale.
Est-ce que cette propriété échapperait à l'impôt, parce qu'elle a, en quelque sorte, un caractère industriel ? Mais, messieurs, dans notre système d'impôt, l'industrie n'est point soustraite à la loi commune. Le plus modeste industriel, le travailleur sans capital, qui exerce la profession la moins lucrative, doit payer une patente parfois fort élevée. L'industrie houilleresse y échappe, mais c'est là encore un privilège, et non un droit légitime.
Enfin, messieurs, cette faveur est-elle due au nombre, à la qualité, à la position des détenteurs de la propriété minérale, comparée à celle des propriétaires fonciers ? Examinée sous ce point de vue, la question devrait encore recevoir une solution contraire à celle qui lui a été donnée.
En effet, la propriété foncière est distribuée entre plus de 3 millions de copartageants, tandis que la propriété minérale du pays est la propriété d'un petit nombre d'actionnaires.
Le détenteur de la propriété foncière trouve le plus souvent des moyens d'existence insuffisants dans son revenu, tandis que les fortunes qui consiste en actions de charbonnage sont la plupart du temps considérables. Or, il est plus juste d'atteindre par l'impôt les grandes fortune que les petites, le superflu que le nécessaire.
Toutes ces appréciations démontrent à l'évidence que c'est sans motifs réels, fondés, que la propriété minérale a été jusqu'à ce jour l'objet d'une si grande faveur.
Aussi, messieurs, depuis plusieurs années la chambre a protesté contre cet état de choses ; lors de la discussion de chaque budget des voies et moyens, elle a signalé la nécessité d'augmenter la redevance des mines. La question a été enfin soumise au conseil des mines, à l'ingénieur en chef de cette administration ; nous avons eu de la part de l'un et de l'autre un rapport approfondi ; malgré la sollicitude toute naturelle que le conseil des mines porte à cette industrie, il a reconnu la justesse des considérations sur lesquelles s'appuyait la section centrale pour demander une augmentation d'impôt de ce chef. Vous me permettrez de donner lecture de ce passage ou rapport auquel je fais allusion.
« Si, au point de vue de l'état de prospérité auquel les exploitations de mines sont parvenues en Belgique, du développement de cette industrie et des bénéfices qu'en recueillent la plupart des concessionnaires, on considère que ces bénéfices ont leur source dans un acte de munificence nationale, acte qui constitue, à titre purement gratuit, au profit du cessionnaire, une propriété non moins productive que la propriété foncière, entourée comme celle-ci de tous les avantages dont le droit commun garantit le titre de propriété en général ; si l'on fait attention que le propriétaire de la surface, qui tient son droit d'un titre onéreux, ne recueille pas les fruits du sol sans un renouvellement de frais annuels et n'est pas moins exposé que le concessionnaire de la mine, aux pertes résultant des cas fortuits et des événements de force majeure ; si l'on remarque que le propriétaire de la surface doit concourir aux dépenses de l'Etat au taux de 10 p. c. au moins de la valeur des fruits qu'il recueille, tandis que le concessionnaire de la mine n'est appelé à y contribuer qu'à raison de 2 1/2 p. c. des bénéfices qu'il en retire ; si l'on s'attache surtout à cette circonstance que, tout en soumettant la mine au régime de la contribution foncière, la loi du 21 avril 1810 lui accorde le privilège d'un dégrèvement pour encouragement, en raison de la difficulté des travaux ou comme dédommagement en cas d'accident de force majeure, on devra convenir que cette loi a agi avec beaucoup de modération, en fixant à 5 p. c. au maximum l'impôt établi sur le produit net.
« De ces considérations, il est déjà permis de conclure que si, depuis 36 ans, cette propriété n'a pas été imposée qu'à 2 1/2 p. c. de ce produit net, ce serait faire acte de justice envers les autres contribuables de l'Etat que de majorer ce chiffre, et si non de le porter au maximum, de l'élever tout au moins de manière à couvrir les dépenses d'une administration instituée pour la conservation de cette riche propriété, et pour le service de la police toute spéciale qu'elle nécessite. »
Messieurs, on ne peut pas justifier en meilleurs termes et par des considérations plus fortes l'insuffisance de la redevance sur les mines et la nécessité de la faire contribuer dans une proportion plus juste à l'acquit des charges publiques. Je dois cependant dire que les conclusions du rapport ne me paraissent point en rapport avec ces prémisses. Il se borne à demander que le produit de la redevance des mines soit porté à 4 p. c. de manière à ce qu'il puisse, à l'avenir, couvrir les dépenses relatives à cette administration. Mais, messieurs, est-ce bien là, je le demande, contribuer dans une juste proportion à l'acquit des charges publiques ? C'est comme si vous demandiez à la contribution foncière de ne payer que les dépenses faites pour l'agriculture, les encouragements donnés pour l'amélioration de la race chevaline et les frais d'amélioration des chemins vicinaux.
En raisonnant ainsi, messieurs, qui donc supporterait les dépenses de l'armée, qui donc pourvoirait à la dépense qu'occasionne la construction du chemin de fer, des canaux, qui profilent à l'industrie minéralurgique aussi bien qu'à l'agriculture ?
Toutefois, messieurs, je me bornerai à vous proposer de porter de 2 1/2 à 5 p. c. le taux de la redevance des mines, tout en faisant mes réserves pour l'avenir. Je désire arriver immédiatement à une solution pratique, et c'est pour ce motif que je ne veux point m'écarter du maximum fixé par la loi de 1810. Ma proposition s'éloigne à peine de celle qu'a faite le conseil des mines, qui propose de porter la redevance à 4 p. c. Aucune objection sérieuse, j'ose le dire, ne peut être faite contre une proposition qui reste dans des limites aussi modérées. Qu'il me soit cependant permis de l'appuyer de quelques considérations.
Nous devons à la France la législation excessivement libérale qui a réglé le taux de la redevance sur les mines. Quand elle a admis cette législation, elle se trouvait dans la nécessité d'encourager la production minéralurgique, c'est pourquoi elle a été si modérée dans la fixation du taux des redevances.
La France se trouve encore aujourd'hui, sous presque tous les rapports, sous l'influence des mêmes considérations. Elle se trouve encore dans la même obligation d'encourager la production du combustible minéral. En effet, la France qui a une population de 38 millions d'habitants produit moins de houilles que la Belgique qui n'a que 4 millions d'habitants. La production de la France est de 3,500,000 tonnes, celle de la Belgique est de 4,000,000.
La production de la France est donc évidemment insuffisante pour la consommation, et c'est dans ce pays que l'on conçoit la nécessité d'une protection, d'un encouragement en faveur de l'industrie houilleresse. Eh bien, messieurs, les chambres françaises ont élevé depuis longtemps à 5 p. c. la redevance à payer sur les mines. La France a encore d'autres motifs que nous n'avons pas de ménager ce produit.
En France l'exploitation des houillères se fait avec infiniment plus de frais qu'en Belgique, les couches de houille se trouvent à une profondeur plus grande que celle des houilles exploitées en Belgique, d'où il résulte pour les exploitants français plus de frais et par conséquent moins de bénéfices que pour les exploitants belges.
Il me semble que ma proposition est de nature à être accueillie par la chambre, elle a pour elle l'exemple de la nation à laquelle nous avons emprunté la législation sur les mines, et cet exemple est d'autant plus concluant qu'il nous est donné par un pays qui n'est pas aussi en mesure que nous d'imposer cette matière.
Je ne sais pas si je pourrai atteindre le but que je me suis proposé. J'offre au gouvernement une augmentation de ressources équitable, je devrais m'attendre au concours de M. le ministre des finances, je connais sa loyauté, la droiture de ses vues et en particulier son opinion sur cette question. Ce concours, j'y complais donc, mais après la discussion d'hier soir où nous avons vu M. le ministre de l’intérieur se substituer en quelque sorte à son collègue dans une question financière et venir soutenir une opinion contraire, je ne sais trop si je dois encore y compter.
Du reste, je dois m'attendre à rencontrer ici de nombreux et puissants adversaires. Les intérêts auxquels je m'attaque sont concentrés dans un petit nombre de mains. C'est ce qui rend équitable leur participation dans une large part aux charges publiques, mais aussi c'est ce qui doit rendre les réclamations plus difficiles à surmonter.
En matière d'impôt ce sont les intérêts concentrés qui sont les plus intraitables, de manière qu'il arrive la plupart du temps que les impositions les plus justes sont aussi les plus difficiles à établir.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, l'honorable M. Orban, en terminant les observations qu'il a cru devoir vous soumettre relativement aux redevances des mines, s'est permis, selon moi, un acte d'inconvenance vis-à-vis du ministère.
M. Orban. - M. le président, si vous vouliez bien écouter ?
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je répète que l'honorable M. Orban s'est permis un acte de haute, de grave inconvenance vis-à-vis du ministère et vis-à-vis de mon honorable collègue, M. le ministre des finances. Je me permets, à mon tour, de blâmer de la manière la plus catégorique et la plus énergique un tel procédé.
M. Orban. - Je n'accepte aucun blâme d'un ministre qui, depuis le peu de temps qu'il est à la chambre, s'est écarté lui-même si souvent des convenances.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne puis admettre aucune espèce d'observation de la part de l'honorable M. Orban. Il n'a ni titre ni qualité pour cela. (Interruption.)
M. de Garcia. — Il est membre de la chambre.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il n'a ni titre ni qualité pour m'adresser les paroles offensantes qui viennent de sortir de sa bouche.
M. Orban. - Je ne vous ai pas adressé des paroles offensantes.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Vous avez adressé au ministère entier des paroles offensantes ; vous vous êtes permis une grave inconvenance vis-à-vis du ministère, et particulièrement vis-à-vis mon honorable collègue M. le ministre des finances, lorsque vous avez dit que vous trouviez étrange que lui, que vous croyiez ministre des finances, ne l'était pas en réalité, que c'étaient d'autres qui gouvernaient, qui administraient les finances ; lorsque vous avez ajouté que, connaissant sa droiture et sa loyauté, vous auriez compté sur son appui pour la proposition que vous venez de soumettre à la chambre ; mais que maintenant vous avez des doutes sur l'accueil qu'elle recevra de la part du gouvernement. Je dis que cela est souverainement inconvenant, souverainement blâmable.
M. de Mérode. - C'est M. le ministre des finances qui doit répondre aux observations qu'on lui fait.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - C'est le ministre des travaux publics qui entend donner ici une leçon de convenance à l'honorable M. Orban.
(page 383) M. Orban. - Je ne l'accepte pas.
M. de Mérode. - Vous en avez vous-même besoin tous les jours.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Si j'en ai besoin, ce n'est assurément pas l'honorable M. de Mérode qui pourra me donner des leçons.
M. de Mérode. - Je suis ici plus ancien que vous.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'ancienneté n'y fait rien. J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de reprendre à M. le comte de Mérode sur ce chapitre.
M. Delfosse. - Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Le règlement défend les interruptions. Cependant l'honorable comte de Mérode se pose continuellement en interrupteur. L'honorable comte vient de dire une chose très vraie : c'est qu'il est le plus ancien membre de la chambre ; mais j'ajouterai une chose qui est tout aussi vraie, c'est qu'il est le plus ancien et le plus constant interrupteur de la chambre.
M. le président. - J'invite à mettre un terme aux interruptions. Chacun a le droit de répondre lorsqu'il le désire et que son tour de parole est venu.
La parole est continuée à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Cela dit, je m'explique en fort peu de mots sur la proposition.
Lorsque j'ai eu l'honneur d'être appelé au département des travaux publics, mon attention a été portée sur la question de la redevance des mines. J'ai trouvé, messieurs, que depuis longtemps cette question avait été successivement agitée dans la chambre, avait fait l'objet des études de mes prédécesseurs, et que jamais, à aucune époque, elle n'avait reçu de solution.
j'ai rencontré parmi les documents deux pièces d'instruction : l'une émanait du conseil des mines, l'autre de M. l'inspecteur général des mines. Le conseil des mines propose un système relativement à la redevance ; ce système consiste à porter la redevance à 4 p. c. du revenu net. Un autre système a été proposé par M. l'inspecteur général des mines ; il consiste à atteindre le produit brut dans une proportion différente.
Vous voyez que les autorités dont vous devez connaître l'opinion, vous voyez que les personnes les plus compétentes ne sont pas d'accord sur ce qu'il y a à faire en cette matière.
En présence de ces systèmes contradictoires qui étaient connus du cabinet précédent à la date du 15 avril.....
M. Malou. - Le rapport est du mois de mai 1847.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - C'est possible, j'admets qu'il soit du mois de mai 1847. Avril ou mai, cela importe peu, je cite de mémoire, et je puis commettre une inexactitude.
J'ai trouvé ces documents qui n'avaient pas été soumis à une instruction ultérieure. Je me suis empressé de les transmettre à l'avis des députations permanentes des localités qui sont le plus particulièrement intéressées dans les questions que cette affaire soulève. Ils ont été également transmis aux chambres de commerce pour avoir leur avis. Je n'ai pas jusqu'à présent reçu les renseignements qui sont indispensables pour qu'on puisse donner une solution à la question qui est agitée en ce moment. Je ne me suis pas borné à transmettre ces pièces à l'avis des autorités. J'avais hâte d'en finir ; j'ai écrit des lettres de rappel pour obtenir les renseignements nécessaires ; car je tenais à donner satisfaction à la chambre sur un point si souvent discuté devant elle, et qui demeure toujours indécis.
Je n'aurai pas besoin, les choses étant en cet état, de donner mon opinion sur la redevance en elle-même. Mais je dirai que le produit de cette redevance ne me parait pas suffisant. Il n'est pas suffisant, et cela tient moins à la quotité que la loi détermine, qu'au mode en vertu duquel on cherche à obtenir l'impôt. C'est là ce qu'il y a de fâcheux, c'est là ce qu'il y a de grave dans cette affaire, et c'est ce qui ne permet pas d'accueillir, avec autant de facilité que le supposait l'honorable M. Orban, la proposition qu'il vous a faite.
L'honorable M. Orban part de cette idée, qu'en doublant le droit, on doublera le produit. Il se trompe complètement. Avec le taux de 2 et demi pour cent, on devrait percevoir une somme beaucoup plus considérable que celle qui a figuré jusqu'à présent au budget. Mais il y a des dissimulations, il y a certaines fraudes fort difficiles à atteindre ; et lors même que ces dissimulations ou ces fraudes n'existeraient pas, il resterait encore une grande difficulté, celle de déterminer uniformément quels sont les objets qu'il faut déduire pour établir le produit net.
Voilà où est la difficulté. Si l'on avait des bases fixes, positives, partout applicables et partout appliquées, et l'honorable M. Nothomb, pendant qu'il était au département des travaux publics, c'est particulièrement préoccupé de ce point, il existe, je crois, à cet égard, des instructions émanées de lui ; si l'on parvenait à déterminer des bases certaines, invariables, en vertu desquelles on pût opérer ; si l’on avait des moyens d'obvier à la fraude ou d'en atténuer les effets, la redevance fixée au chiffre de 2 1/2 procurerait au trésor une somme beaucoup plus considérable. Mais on ne peut à la légère, inconsidérément, sans autre examen, porter le droit à 5 p. c ; on frapperait ceux qui acquittent fidèlement le droit ; on pousserait d'autres à la fraude et l’on n'atteindrait par là en aucune façon le but que l’on s'est proposé. On obtiendrait une augmentation ; c'est vraisemblable ; mais elle ne serait certes pas dans la proportion de 2 1/2 à 5 p. c.
En ces matières, comme en beaucoup d'autres, ceux qui sont sincères payent pour ceux qui ne le sont pas.
Les exploitants de houille qui accusent exactement leurs produits et les dépenses qu'ils ont dû faire, acquittent loyalement une redevance qui, pour quelques-uns, s'élève à une somme considérable. Pour quelques autres, au contraire, il n'y a presque jamais de produit net qu'on puisse frapper du droit.
Je suppose, messieurs, qu'après ces observations, vous reconnaîtrez la nécessité de renvoyer cette affaire à un plus ample examen. L'honorable membre qui a fait la proposition, sera bien inspiré, s'il n'insiste pas pour son adoption.
Vous avez vu tout à l'heure, par la discussion qui vient de se terminer, combien il y aurait du danger à écrire dans vos lois des mesures qui n'ont pas été suffisamment méditées.
Je crois que je pourrai m'arrêter ici ; car on reconnaîtra la nécessité d'un examen ultérieur. Que l’on ordonne le renvoi à une commission ou à une section centrale ; que l’on prenne un moyen quelconque à l'aide duquel on aura la certitude d'amener cette affaire à une solution convenable ; j'y souscris volontiers.
Je dirai cependant, avant de terminer, que l'honorable M. Orban a répété une foule d'idées fausses qui sont très répandues relativement à la propriété minière.
L'honorable M. Orban dit et répète avec beaucoup de personnes, avec le vulgaire, que c'est une propriété que l’on donne pour rien ; qu'elle est cédée gratuitement et qu'il est étrange qu'une pareille propriété ne procure pas un revenu plus considérable à l'Etat.
Dans la vérité, messieurs, on ne donne pas cette propriété gratuitement. Pour créer cette propriété, quand le droit de l'exploiter a été concédé, pour mettre la mine au monde, il faut beaucoup d'argent. C'est le capital sans lequel il est impossible de donner une valeur à cette matière enfouie dans le sol. Cela n'a pas d'analogie avec le fonds de terre que vous achetez, dans lequel vous n'avez qu'à mettre la bêche ou à enfoncer la charrue. Avant de pouvoir mettre la pioche dans la mine, il faut dépenser ce que l’on dépense pour acquérir une terre, je me trompe, il faut dépenser des sommes énormes et souvent en pure perte. Les pertes sont telles qu'on a calculé que tous les capitaux engagés dans les mines, et qui, dans la pensée de l'honorable M. Orban, font rouler le Pactole chez chacun des concessionnaires, ne donnent pas 2 1/2 p. c.
Ajoutez à cela, messieurs, qu'il s'agit d'une propriété soumise à bien d'autres chances que la propriété foncière. Cette propriété peut vous être enlevée par un coup de feu, par un coup d'eau. Tous les capitaux engagés peuvent disparaître en une minute : un éclair, une étincelle et cette propriété est dévorée ! Il faut tenir compte, pour apprécier la valeur d'une telle propriété, des chances auxquelles elle expose ceux qui la possèdent. Cette propriété ne peut, sous aucun rapport, être mise en parallèle avec la propriété foncière, qui a pour elle une durée et une stabilité que l’on ne rencontre pas dans la propriété des mines.
Il y a encore une autre considération que M. Orban ne paraît pas avoir aperçue. Qu'est-ce que le charbon de terre ? C'est l'âme de l'industrie, c'est l'âme de nos machines à vapeur ; c'est l'aliment indispensable de toute l'activité industrielle du pays. Doublez, triplez, quintuplez la redevance sur les mines, quel résultat obtenez-vous ? Pensez-vous que lors que vous aurez procuré au trésor quelques fonds de plus, du chef de cette redevance, vous n'aurez pas porté préjudice à l'industrie en général ? Mais si vous augmentez la valeur de vos matières premières, vous vous constituez dans un état d'infériorité à l'égard des nations qui sont vos rivales en industrie. Tous vos produits deviennent plus chers, si vous frappez cette matière première indispensable, et vous vous excluez ainsi des marchés étrangers.
Je m'arrête ici, messieurs, mais je vous engage à ne pas toucher trop légèrement à l'impôt sur les mines, à ne pas l'aggraver, sans avoir examiné sérieusement, complètement toutes les faces de la question, qui n'est pas l’une des moins graves sur lesquelles la chambre peut être appelée à délibérer.
M. Orban (pour un fait personnel). - Messieurs, lorsqu'après avoir traité d'une manière sérieuse une question sérieuse, j'ai entendu M. le ministre des travaux publics annoncer qu'il allait me donner une leçon de convenance, je vous avoue que j'ai été surpris et surpris à un double titre.
J'ai d'abord été surpris qu'un jeune ministre, qui ne siège dans cette enceinte que depuis quelque temps et qui, depuis qu'il y est entré, s'est permis si souvent de s'écarter des règles de bienséance et de modération qui avaient toujours présidé à nos débats, se soit permis d'adresser à un de ses collègues une leçon de convenance. Ensuite, messieurs, mon embarras était grand de deviner en quoi mon discours avait pu motiver une pareille sortie de la part de l’honorable ministre. Nous l'avons enfin entendu, messieurs ; j'ai mérité d'être rappelé aux convenances parce que je m'étais permis d'exprimer le regret que, dans les questions financières les collègues de M. le ministre des finances prenaient trop souvent la parole à sa place, et combattait ni les opinions qu'il avait exprimées.
Je dois croire, messieurs, que l'honorable ministre n'a pas lu nos discussions parlementaires ou qu'il les a oubliées ; car il aurait vu que très souvent les collègues arec lesquels il siège maintenant au banc ministériel ont, alors qu'ils étaient dans l'opposition, adressé des reproches de même (page 384) nature aux membres du cabinet, sans que personne se permît de les taxer d'inconvenance.
Je crois pouvoir affirmer que l'honorable M. Rogier, par exemple, a très souvent adressé des reproches semblables aux personnages qui siégeaient avant lui au banc ministériel.
Lorsque j'ai exprimé le regret que M. le ministre des finances seul ne prît point la parole dans les questions financières, je disais une chose très sérieuse.
En effet, messieurs, lorsque le ministre des finances prend la parole dans une question financière, il l'examine surtout au point de vue de l'intérêt du trésor.
C'est là ce que nous disait tantôt M. le ministre de l'intérieur pour justifier son intervention dans la question soulevée hier, à propos de la contribution personnelle, ce qui, par parenthèse, doit faire supposer que dans les questions financières il se laisse guider, lui, par d'autres considérations, par des considérations politiques, par exemple. Voilà, messieurs, pourquoi je me suis permis d'exprimer le regret de ne pas 'rencontrer M. le ministre des finances lui-même comme adversaire, au lieu de M. le ministre des travaux publics, qui, à raison de sa position spéciale de fortune, devait aborder, moins que tout autre membre du cabinet, cette discussion.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne sais, M. le président, si vous avez entendu l'observation par laquelle vient de terminer l'honorable M. Orban.
M. le président. - La voix de M. Orban est trop faible pour arriver jusqu'à moi. Malgré tout le désir que j'ai de l'entendre, il y a des phrases entières qui m'échappent.
M. Orban. - J'ai dit, M. le président, que je regrettais de voir M. le ministre des finances remplacé, dans l'examen d'une semblable question, par M. Frère, ministre des travaux publics, qui, à raison de sa position de fortune spéciale, devait aborder moins que tout le monde cette discussion.
M. le président. – Il y a au fond de cela une idée que je ne puis laisser passer ; c'est qu'un ministre aurait pris la parole sous l'impression d'un intérêt personnel. Il y a là une personnalité très grave.
M. Orban. - Je dois déclarer que si M. le ministre des travaux publics ne m'avait pas adressé une leçon de convenance aussi imméritée, je ne me serais pas permis de lui en adresser une à mon tour, que du reste, sur votre observation, je n'hésite point à retirer.
M. le président. - Vous admettez donc qu'il y avait au fond de vos paroles une personnalité. Mais je crois comprendre que vous retirez ces paroles.
Des membres. – Oui ! oui !
M. Dolez. - J'ai demandé la parole pour proposer à la chambre le rappel à l'ordre de l'honorable M. Orban.
M. le président. - C'est retiré.
M. Dolez. - Je crois, dans toute ma carrière parlementaire, avoir donné à la chambre des preuves de mon respect le plus profond des convenances qui doivent toujours être observées dans nos débats. Il m'est donc permis de dire combien j'ai été péniblement affecté en entendant l'honorable M. Orban venir insinuer qu'un ministre du Roi, notre collègue, aurait pris la parole guidé par des motifs d'intérêt personnel.
M. Orban. - Je n'ai pas dit cela.
M. Dolez. - J'examine, messieurs, en toutes choses quelle est la pensée qui se cache sous les paroles. Eh bien, les paroles par lesquelles l'honorable M. Orban a terminé son discours ont évidemment la portée que je viens de leur assigner. Si M. Orban a retiré ces paroles....
M. le président. - Il les a retirées, et c'est pour cela que je ne l'ai pas rappelé à l'ordre. Sans cette circonstance je n'aurais pas manqué à ce qui eût été mon devoir.
M. Dolez. - M. Orban n'a pas tout à l'heure retiré les paroles dont il s'agit. Il a prétendu les excuser parce qu'il aurait été lui-même l'objet d'une attaque un peu vive. Entre cette explication et le retrait des paroles prononcées, il y a une distance considérable. Si M. Orban retire ses paroles, je n'insisterai pas, parce qu'il est loin de mon désir de prolonger de tristes débats ; mais si M. Orban ne relire par ses paroles, dans l'intérêt de la dignité de cette chambre, je demande catégoriquement le rappel à l'ordre.
M. le président. - J'ai donc très mal compris une deuxième fois M. Orban.
Un membre. - Vous avez très bien entendu.
M. le président. - C'est pour cela que je ne l'ai pas rappelé à Tordre.
M. de La Coste. - Il n'y a rien, messieurs, qui me soit plus antipathique que de prendre part à une discussion orageuse. Mes forces ne me le permettraient pas d'ailleurs. Je désire seulement faire une simple observation : Dans toute assemblée, il y a des questions sur lesquelles on est d'accord, c'est ce que l’on appelle ailleurs des questions de privilège. Or, je pense qu'il n'a jamais été admis que les ministres pouvaient nous blâmer. Je ne pense pas qu'il appartienne à un ministre de dire : «Je blâme tel membre de la chambre. » Un membre de l'opposition pourrait se laisser emporter jusqu'à prononcer ce mot de blâme, mais je ne puis pas admettre qu'un ministre ait qualité pour nous blâmer.
M. le président. - La parole est à M. le ministre des travaux publics. Je l'engage à être calme.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban).- Je serai très calme et par une raison fort simple, c'est que je me crois extrêmement au-dessus d'attaques du genre de celles qu'on s'est permises à mon égard. Je les considère comme devant nécessairement venir mourir à mes pieds. Je serai calme aussi parce que j'ai à rappeler ce qui a été dit par l'honorable M. Orban, et que je tiens à le préciser. L'honorable M. Orban a dit que « ayant confiance dans la loyauté, dans la droiture de l'honorable ministre des finances, il avait jusque dans ces derniers moments la conviction qu'il aurait son assentiment à la proposition qu'il faisait à la chambre ; mais qu'après ce qui venait de se passer, le ministre des finances n'étant pas en réalité ministre des finances, ses fonctions étant remplies par ses collègues... »
M. Orban. - Je ne me suis pas servi de ces expressions.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Ayez la loyauté de reconnaître que c'est là votre pensée. Je rapporte la plupart de vos expressions ; j'en appelle à la chambre. L'honorable M. Orban a dit que « les fonctions de ministre des finances n'étaient pas remplies par le titulaire, mais par ses collègues ; qu'il doutait, qu'il hésitait. » Maintenant je ne sais pas si l’on peut trouver une plus grave offense que celle que contiennent de pareilles paroles. Que signifient-elles dans la pensée de l'honorable M. Orban ? Elles signifient, sans doute, que la droiture, la loyauté de M. le ministre des finances, il n'espérait pas la rencontrer chez ses collègues, et que c'est pour cela qu'il doutait de leur adhésion à la proposition qu'il soumettait à la chambre. Je dis que c'est là un outrage que j'ai eu le droit de qualifier, que j'ai eu le droit de blâmer, quoi qu'en dise l’honorable M. de La Coste, et que je blâme pour la dernière fois.
M. de La Coste. – Il n'y a que le président qui puisse blâmer un membre de la chambre.
M. Orban. - Je dirai aussi que le blâme de M. le ministre vient mourir à mes pieds.
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - C'est de l'imitation. Cela ne vaut rien.
Quant à la dernière offense, j'ai à constater devant la chambre que, ayant trouvé cette question, que je pouvais sans doute ne pas aborder, que je pouvais laisser dans les cartons, où elle dormait depuis longtemps, je l'ai soulevée, soumise à un examen et envoyée sur-le-champ aux dépurations, en réclamant leur avis immédiatement, parce que mon intention était de soumettre la question à la chambre et de la discuter franchement.
J'ajoute que, sans y être obligé (mon opinion personnelle pouvait ne pas être connue), j'ajoute que j'ai dit à la chambre que, dans mon opinion, la redevance sur les mines était insuffisante.
Après cela, je vous laisse à juger, messieurs, si les outrages de M. Orban peuvent m'atteindre.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, il est tout naturel que dans un débat où mon nom a été prononcé contre mon gré, et je ne sais pourquoi, je demande un instant la parole...
Des membres. - Parlez !
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Messieurs, dans la discussion qui a eu lieu au commencement de la séance, M. le ministre de l'intérieur a pris le premier la parole sur une question qui se rattache au budget des voies et moyens, pourquoi ? Parce que, ce matin, nous nous sommes réunis en conseil à son ministère pour examiner la question, et sous le rapport de la bonne foi, et sons celui de la légalité ; mais je me suis ensuite moi-même expliqué sur cette question, et j'ai fait voir pourquoi je partageais, aujourd'hui, l'avis de mes collègues.
Dans le débat actuel j'aurais agi de la même manière. Qui devait parler le premier dans ce débat ? C'était l'honorable ministre des travaux publics. En effet, il s'agissait de donner des renseignements sur une enquête qui a déjà eu lieu à son département et sur ce qu'il reste à faire. Le ministre des finances n'était pas en cause.
Je crois avec mon honorable collègue des travaux publics que les mines ne rapportent pas assez au trésor ; mais c'est une des affaires qui s'instruisent actuellement et dont la solution sera sans doute prochaine ; ce n'est donc pais le moment pour le ministre des finances d'exiger que le chiffre son augmenté ; je ne puis pas appuyer cette proposition, quelque désir que j'aie de voir augmenter les recettes du trésor.
Messieurs, je ne sais si c'est mon caractère qui me porte à ne pas mettre une grande chaleur dans la discussion ; mais on a tort d'en conclure que je suis à la remorque de mes collègues ; je ne mérite pas ce reproché.
Un grand nombre de membres. - Très bien !
M. le ministre des finances (M. Veydt). - Dans mes discussions avec mes collègues, je suis complètement libre ; je lutte avec eux, je fais valoir mes raisons, et si je cède, c'est lorsque j'ai la conviction profonde qui je dois céder. Autrement je ne le ferais pas.
Plusieurs membres. - Très bien ! très bien !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je serai très court ; je veux seulement répondre à une doctrine qui, je pense, pour la première fois a pris jour... (Interruption.)
Je prie l'honorable M. Orban, à moins qu'il ne veuille entamer aussi une discussion personnelle avec moi, de ne pas m'interrompre. Le veut-il ? Je suis prêt.
Messieurs, un honorable préopinant a mis en avant une doctrine que je ne puis pas laisser passer sans réfutation. L'honorable M. de La Coste (page 385) vient de dire qu'à chacun des membres de cette chambre appartient le droit de blâmer les ministres...
M. de La Coste. - Messieurs, permettez-moi d'expliquer mes paroles ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Volontiers !...
M. de La Coste. - J'ai dit. qu'un membre de l'opposition pouvait se laisser entrainer à prononcer ce mot de blâme ; mais que, dans mon opinion, à un ministre n'appartient pas le droit du blâmer les membres de la chambre ; j'ai ajouté plus tard, en me permettant une interruption, que le président seul rappelle les orateurs à l'ordre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'expression est maintenant très radoucie. (Interruption.)
M. le président. - Je réclame le silence ; ces interruptions rendent la discussion impossible ; si on interrompt encore, je devrai rappeler nominativement les interrupteurs à l'ordre.
La parole est continuée à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le principe que je ne veux pas laisser établir dans cette chambre, c'est qu'aux membres de l'opposition appartiendrait le droit de blâmer tel ou tel ministre, soit par entraînement, soit autrement, sans que le ministre eût le droit, à son tour, par entraînement ou autrement, de renvoyer le blâme. Ce droit, je prétends le conserver, non pas que je me propose d'en faire un fréquent usage ; autant que possible, je m'abstiendrai de jeter du blâme sur les membres de l’opposition, je comprends l'opposition ; je sais que, dans certains moments, on n'est pas maître de certains entraînements, et, sous ce rapport, ce n'est que quand le blâme dégénère en personnalités offensantes que, pour ma part, j'y trouve quelque chose à reprendre. - Maintenant une seconde explication.
L'on a trouvé étrange que, dans une discussion du budget des voies et moyens, des ministres autres que le chef du département des finances prissent la parole ; on a prétendu que nous avions dans d'autres circonstances blâmé certains ministres de prendre la parole au nom de leurs collègues.
Voici, messieurs, ce qui a eu lieu dans diverses circonstances : nous avons souvent blâmé îles ministres d'abandonner leurs collègues soit sur des questions d'administration générale, soit dans des discussions où se trouvait engagée la politique du gouvernement ; il nous est arrivé de blâmer le défaut d'harmonie entre les ministres ; mais jamais, dans l'opposition, il ne nous est venu à l'esprit de blâmer un ministre de prendre part à une discussion qui intéressait plus directement l'un ou l'autre de ses collègues. Cette doctrine n'est pas plus acceptable que celle dont l'honorable M. de La Coste s'est fut l'organe en matière de blâme. Dans l'intérêt du gouvernement, dans l'intérêt des ministres actuels, comme dans celui des ministres futurs, il importe que de pareilles doctrines ne soient pas admises.
M. de La Coste. - Messieurs, je croyais m'être expliqué mieux que M. le ministre de l'intérieur ne paraît m'avoir compris.
Certainement je ne soutiendrai pas l'étrange doctrine, qu'on peut tout se permettre à l'égard des ministres ; ce que je soutiens seulement, dans l'intérêt de la chambre et conformément au règlement, c'est que le seul blâme réel, et cela ne va pas même jusqu'à un blâme, c'est seulement un frein nécessaire dans nos débats, la seule censure enfin, c'est le rappel à l'ordre ; que ce rappel se fait par le président ; quoique n'ayant pas le règlement sous les yeux, je pense aussi qu'il peut être provoqué par les membres ; mais c'est là l'extrême limite de la censure à laquelle nous sommes soumis dans cette enceinte.
M. le président. - Avant de revenir à l'amendement de M. Orban, je dois déclarer que lorsque des orateurs, qui n'ont pas la voix très fort, se tournent à droite ou à gauche, sans s'adresser au président, une partie de leurs phrases ne parviennent pas jusqu'au bureau ; MM. les secrétaires peuvent le témoigner, il m'est, dans ce cas, impossible d'exécuter rigoureusement le règlement.
Nous reprenons à l'amendement.
M. Dolez. - Pardon, M. le président, il y a une motion sur laquelle j'appelle un vote.
L'émotion qui me dominait tout à l'heure est venue à disparaître ; le calme est revenu, et je demande itérativement que l'honorable M. Orban retire les paroles qu'il a prononcées, ou que la chambre lui inflige le blâme qu'il a mérité. Je n'hésite pas à espérer que l'honorable membre retirera ces regrettables paroles.
M. Orban. - M. le président a entendu ce que j'ai dit tout à l'heure ; il a jugé que cette manière de retirer les paroles que j'avais prononcées était suffisante ; et c'est par suite de cette appréciation qu'il n'a pas soumis au vote de la chambre la motion d'ordre de l'honorable M. Dolez. Je m’en rapporte à l'appréciation de M. le président.
M. le président. - J'ai compris que vous aviez retiré ces paroles sans condition aucune.
Veuillez dire si je me suis trompé ?
M. Orban. - Je crois qu'il n'y a pas de formule sacramentelle pour retirer des paroles qu'on a prononcées. J'ai dit que sans la leçon que m'avait aussi indûment adressée M. Frère, jamais il ne me serait arrivé de lui en faire une moi-même ; qu'au surplus, je retirais les paroles que j'avais prononcées.
M. Dolez. - Je retire ma motion.
M. le président. - La discussion continue. La parole est à M. Dolez.
M. Dolez. - Messieurs, je dois d'abord exprimer le regret que cet amendement soit improvisé au milieu de la discussion publique du budget. Il me paraît que par son importance même il méritait de voir le jour en sections et d'être l'objet d'un examen plus attentif, plus approfondi que celui qu'il est permis de donner à une question de finances, dans nos débats parlementaires. Ce regret, du reste, me permet de caractériser au début de mes observations l'espère de précipitation avec laquelle a procédé l'honorable auteur de l'amendement.
En effet l'honorable M. Orban, qui reconnaît qu'une pareille question ne peut être décidée par la chambre qu'après une instruction complète, n'a cru pouvoir vous soumettre sa proposition que par ce qu'il a pensé que la question est arrivée à un état parfait de maturité. Or, savez-vous dans quels documents il est allé puiser cette conviction ? Dans des documents que la chambre ne possède pas, qui ne nous ont pas été distribués. Pour moi, du moins, je n'ai pas, comme membre de cette chambre, connaissance du document dont l'honorable membre a argumenté, et plusieurs de mes collègues m'assurent que ces documents leur sont entièrement inconnus.
M. Orban. - Il a été déposé sur le bureau.
M. Dolez. - Je ne sais pas par qui, quand et comment ; ce que je sais, c'est que nous n'avons pas été saisis des documents dont parle l'honorable M. Orban. Il y a plus, c'est que cette question qu'on prétend avoir été examinée d'une manière complète, définitive, le gouvernement vient de nous annoncer qu'elle est à l'état de simple étude, qu'il l'a soumise à la députation dis provinces intéressées et aux chambres de commerce et qu'il attend les avis de ces autorités.
Si je ne me trompe, les députations provinciales ont cru devoir demander des renseignements aux comités charbonniers qui existent dans presque tous nos centres d'exploitation.
Vous voyez qu'en rectifiant l'erreur de fait qu'il a émise, je puis dire que, de l'aveu de M. Orban, il est impossible que la chambre procède d'une manière sérieuse à l'examen de cette question.
Il est même digne de remarque que les documents invoqués par l'auteur de la proposition attestent par eux-mêmes que l'instruction de la redevance des mines n'est pas terminée. Deux autorités ont été consultées : le conseil des mines, et l'inspecteur général de l'administration. Ces deux autorités sont-elles d'accord sur les mesures à prendre pour accroître les produits de la redevance ? Non. elles sont en désaccord, c'est en présence de ce désaccord que le gouvernement agissant avec une prudence digne d'éloges, a réclamé de nouveaux renseignements, de nouvelles lumières, et c'est au moment où il les attend pour nous communiquer sa pensée, que l'on vient imprudemment nous convier à brusquer une décision qui touche à de graves intérêts.
L'honorable membre vous disait qu'il comptait que sa proposition serait accueillie avec sympathie, parce qu'elle est éminemment équitable. Pour qu'un impôt soit équitable, il faut qu’il ne porte que sur l'avoir réel de ceux qu'on veut assujettir à l'impôt. Il faut donc avant tout reconnaître si l'industrie des mines est susceptible d'aggravation de charges, il faut se rendre compte de la véritable situation de cette industrie.
Or, je le demande à ! honorable membre, s'est-il rendu compte de la véritable situation de cette industrie, quand il vient dire que, sur un produit brut de 48 millions, on peut estimer qu'il y a un produit net de 8 millions, ce qui équivaudrait à environ 18 p. c. ? Quoique étranger personnellement, à l'industrie des mines, quoique n'y étant intéressé ni par moi ni par les miens, je connais assez sa situation pour assurer que si le gouvernement, se livrant à une étude attentive de la question et s'entourant de documents statistiques irrécusables, cherchait à constater cette situation, il acquerrait la conviction qu'elle ne rend pas en moyenne 4 p. c. des capitaux engagés. Je n'ignore pas qu'il est quelques positions exceptionnelles, quelques positions fortunées qui, par leur grande prospérité, frappent les regards de ceux qui n'interrogent que la superficie des choses ; mais le gouvernement ne peut pas procéder ainsi, et quand on propose d'aggraver les charges d'une industrie, il doit tenir compte qu'à côté de quelques industriels qui prospèrent, il en est un beaucoup plus grand nombre qui ne prospèrent pas.
Allez interroger nos provinces et voyez si cette prospérité qu'on vous vante est réelle.
S'il faut en croire l’auteur de la proposition, cette prospérité de l’industrie des mines est attestée par cela seul que les provinces où cette industrie existe sont florissantes. Sans vouloir me départir de cette réserve qu'il faut toujours garder quand on parle dans cette enceinte de la situation industrielle du pays, je n'hésite pas à déclarer que l’honorable membre cède à de véritables illusions, quand il croit, pour certaines de nos provinces, à une grande prospérité.
Je ferai d'ailleurs remarquer qu'il ne faut pas confondre la prospérité qui pourrait exister dans quelques-uns de nos districts où existe l'industrie des mines et la situation de cette industrie elle-même. Il ne lui est en effet que trop souvent arrivé de se ruiner elle-même, tout en répandant autour d'elle la prospérité par le travail qu'elle ouvrait à nos nombreuses populations. Si la prospérité de nos provinces était réelle, il faudrait en remercier l'industrie des mines, il faudrait reconnaître qu’elle sert bien l’intérêt public, il ne faudrait pas lui en témoigner notre reconnaissance par une aggravation des charges qui la grèvent. Que l’on interroge la participation de ces provinces aux charges générales de l'Etat et l'on y verra combien est grande cette participation, qu'il faut (page 386) attribuer pour une partie très importante à l'activité, au travail qu'engendre l'exploitation des mines.
Cette industrie contribue donc largement, directement et indirectement aux charges de l'Etat ; on ne peut le méconnaître, sans perdre de vue l'évidence des faits ; on ne peut provoquer contre elle de nouvelles charges, sans cesser d'être juste.
On vous l’a dit, d'ailleurs, c'est une chimère, rien qu'une chimère que de comparer la propriété des mines à la propriété foncière. L'Etat donne, dites-vous, la propriété des mines. Oui, en ce sens que l'Etat ne demande aucun prix pour leur concession. Mais, messieurs, la propriété des mines, il faut la conquérir ; il faut la conquérir au prix de périls très graves ; et la preuve, c'est que dans nos provinces les traditions attestent que les premiers entrepreneurs de mines se sont toujours ruinés. Ce n’est souvent qu'à la troisième génération que les exploitants arrivent à retirer quelques profits.
Il y a de ce que j'avance des preuves incontestables. Que l'on aille dans le Hainaut, par exemple ; on verra que presque tous les fondateurs de l'industrie minérale s'en sont complètement retirés avec perte. Consultez toutes les familles qui ont eu leur fortune engagée dans cette industrie ; elles vous diront toutes que le plus beau jour de leur vie a été celui où elles en sont complètement sorties.
Je puis, messieurs, vous attester ce que je vous avance ici, non seulement par ce qui est de notoriété publique, mais par mes souvenirs de famille.
La propriété foncière, mais on vous le disait tout à l'heure avec raison, elle a par elle-même une valeur acquise. Elle a une valeur qui ne demande qu'à produire. La propriété des mines, au contraire, elle n'a par elle-même qu'une valeur inerte. Ce n'est que par le capital que l'on y consacre qu'elle commence à produire.
Le système dans lequel on veut entrer aurait pour conséquence, au lieu de fertiliser cette valeur inerte, de décourager ceux qui voudraient y porter la fertilité. J'ai, pour mon compte, la conviction profonde que jamais pensée plus hostile aux véritables intérêts de la prospérité publique n'a été produite dans cette chambre.
Voyez, je vous prie, messieurs, jusqu'à quel point la précipitation de l'honorable membre à nous saisir de cette question a été grande.
Il n'y a pas seulement les mines proprement dites dans l'industrie des mines ; il y a encore les minières dont l'importance n'est peut-être pas moindre que celle des mines proprement dites. Cette importance, l'honorable M. Orban, comme député du Luxembourg, ne peut pas l'ignorer.
Eh bien ! par une inconcevable contradiction, à l'heure qu'il est, l'industrie des minières ne paye aucune espèce d'impôt à l’Etat ; et cependant l'honorable membre ne vient pas demander de frapper d'un impôt cette industrie qui n'en paye aucun.
M. Orban. - Les minières payent comme les houillères.
M. Dolez. - C'est une erreur. L'honorable membre se trompe et c'est une preuve de plus de la précipitation qu'il a apportée dans cette occasion. Que l'honorable membre veuille lire d'une manière complète les documents dont il a argumenté tout à l'heure, il verra que la remarque y est textuellement écrite, que l'industrie des minières ne paye absolument aucune espèce d'impôt à l'Etat.
Voyez, messieurs, jusqu'où va je ne dirai pas l'inconséquence, mais jusqu'où va l'injustice. L'industrie des minières profite de l'administration des mines ; elle en profite non seulement par elle-même, mais par l'intervention de l'administration des mines, dans la surveillance des hauts fourneaux, dans tout ce qui tient à la fabrication des métaux ; et cependant cette industrie, je le répète, est complètement étrangère aux redevances des mines.
Je ne fais pas cette remarque pour dire qu'il faille assujettir l'industrie des minières à un impôt. Si pareille proposition était produite, je crois, messieurs, que je la combattrais. Mais je fais cette remarque pour montrer à la chambre combien elle doit examiner, combien elle doit étudier la question sous toutes ses faces.
L'honorable M. Orban nous dit encore que l'exemple de la France atteste que la proposition qu'il nous soumet doit être accueillie sans plus ample examen, puisqu'en France la redevance est de 5 p. c, tandis que, pour nous, elle n'est que de 2 1/2. M. le ministre des travaux publics vous a démontré tout à l'heure que ce n'était pas la qualité de la redevance, que c'était surtout la manière de calculer ses bases qui pouvait avoir de l'influence sur le produit,. Je ne sais pas, je l'avoue, comment on calcule cette base en France ; je ne puis dire si elle diffère de la manière dont on la calcule ici. Mais je réponds à l'honorable membre par une remarque que je crois décisive.
Il nous a dit : En France l'industrie des mines a besoin d'encouragements dont elle peut se passer chez nous, et la preuve, a-t-il ajouté, c'est qu'en France la production des mines est moins grande, c'est qu'en France les conditions d'extraction sont plus onéreuses. Messieurs, l'honorable membre est tombé dans la plus grave erreur. En France, sous tous les rapports, les conditions d'extraction des mines, le prix des objets de consommation, le salaire des ouvriers, sont beaucoup plus favorables à l'exploitant que chez nous ; en France encore la position des exploitants des mines est infiniment plus prospère que chez nous. C'est là ce que personne ne conteste, si ce n'est l'honorable M. Orban. Je crois, messieurs, presque devoir demander pardon à la chambre de l'avoir entretenue quelques moments d'une proposition qui évidemment ne peut aboutir à aucune espèce de résultat.
M. Orban. - Pourquoi pas ?
M. Dolez. - Je vais vous le dire. Elle ne peut produire aucune espèce de résultat, parce qu'il a été établi tout à l'heure devant vous que le gouvernement étudiait la question, que le gouvernement s'occupait à réunir des documents qui nous seront soumis et qui nous mettront à même d'apprécier en conscience et en connaissance de cause ce que nous ne pourrions apprécier aujourd'hui qu'à la légère. Or, il y a trop longtemps, messieurs, que je vis parmi vous pour ne pas savoir que vous ne procédez pas avec légèreté dans des matières aussi graves. J’avais donc raison de dire que la motion de l’honorable M. Orban ne pouvait produire aucune espèce de résultat.
J'ajouterai qu'il me semble que, dans l'intérêt de nos travaux, l'honorable M. Orban ferait bien de retirer sa proposition, laissant au gouvernement le soin de continuer l'examen auquel il se livre et dont il nous fera connaître le résultat, lorsqu'il sera arrivé à maturité.
M. Dechamps. - Messieurs, je crois, comme l'honorable M. Dolez, que la motion qu'a faite l'honorable M. Orban ne peut être accueillie par la chambre, et qu'elle a très peu de chances de succès. En effet, messieurs, il est impossible que la chambre, déviant de tous ses antécédents, aille accueillir précipitamment une proposition, alors que la question qu'il s'agit de trancher, question très grave, est soumise par le gouvernement à une instruction qui est loin d'être complète.
L'honorable M. Orban a dit, au début de son discours, que te moment de proposer une augmentation sur la redevance des mines était opportun, faisant sans doute allusion à la situation brillante de cette branche de la richesse publique. Messieurs, l'honorable membre me permettra de le lui dire, sa proposition est introduite dans la chambre d'une manière doublement inopportune : inopportune relativement au degré d'instruction où cette affaire est arrivée, et inopportune au point de vue surtout de la situation de crise dans laquelle se trouve l'industrie minérale du pays depuis quelque temps.
Messieurs, le gouvernement a demandé sur la question de la redevance des mines l'avis du conseil des mines d'abord, et en second lieu l'avis de l'inspecteur général des mines. Ces deux avis ont été publiés. Cependant je me permets de renouveler l'observation que ces avis ne sont pas parvenus à la connaissance de tous les membres de la chambre ; ils ne peuvent être la base d'un débat.
Mais le gouvernement a soumis cette question à l'avis des députations permanentes, et cet avis ne lui est pis encore communiqué. Or. lorsque nous sommes en présence de deux systèmes contradictoires défendus, l'un par le conseil des mines, l'autre par M. l'inspecteur général des mines, et lorsque ce double système est soumis à l'appréciation des députations provinciale ?, il serait impossible que la chambre voulût résoudre une pareille question, avant que toutes les pièces ne soient sous ses yeux, avant que l'instruction ne soit complétée.
Messieurs, veuillez ne pas l'oublier, il s'agirait de renverser l’un des principes de la loi de 1810, conservé dans la loi de 1837.
L'honorable M. Orban vous a lu un passage de l'avis du conseil des mines, en semblant s'appuyer sur l'opinion manifestée par ce conseil. Mais il a dû-, en même temps, repousser la conclusion à laquelle cet av. :i aboutissait. Et, en effet, quelle est la conclusion proposée par le conseil des mines ? C'est que la redevance des mines ne peut excéder les frais d'administration nécessités pour la surveillance des mines. Or, c'est là le principe de la loi de 1837 et de la loi de 1810.
Vouloir faire de la redevance des mines une source de revenu pour l'Etat en l'élevant au-delà des frais d'administration, je dis que c'est renverser une des bases de la loi de 1857, loi organique des mines, et qu'il est impossible, en l'absence d'une instruction complète, de vouloir ainsi renverser d'une manière précipite, sans examen préalable, l'un des principes fondamentaux de la loi de 1837.
Ainsi il me parait clair que la motion de l'honorable M. Orban a été introduite d'une manière inopportune relativement au degré d'instruction à auquel la question est arrivée.
Mais j'ajoute, messieurs, que cette inopportunité est bien plus réelle encore si on a égard à la situation fâcheuse dans laquelle se trouve depuis quelque temps l'industrie minérale.
L'honorable M. Orban n'en est pas, je suppose, à ignorer que la crise industrielle frappe rudement les industries métallurgiques et houilleresses dans quelques-unes de nos provinces.
Comment, messieurs, lorsque près du tiers des hauts fourneaux qui avaient été rallumés en 1845 et 1846, se trouvent aujourd'hui éteints, lorsque les rails sont tombés de 52 fr. à 21 fr. 44 c. aux dernières adjudications pour le chemin de fer, c'est-à-dire qu'il y a eu baisse de 30 p. c, lorsque nous sommes en présence de pareils faits, en présence d'une crise qui sévit dans les provinces de Hainaut et de Liège, je ne dirai pas au même degré et pour des causes aussi permanentes que dans les Flandres, mais qui compromet des industries naguère si prospères, je dis que l'honorable membre a complètement méconnu les faits en venant vous dire qu'il était opportun de la soulever une pareille question.
Non, messieurs, il est inopportun de la soulever. Tâchez de ne pas doubler le malaise des Flandres, en y associant les provinces métallurgiques, et n'aggravez pas par des charges nouvelles une situation assez dangereuse par elle-même.
J'attire l'attention de l'honorable M. Orban sur ce fait : c'est que la crise frappe très vivement l'industrie minérale. Je viens de cher des faits ; ils sont irrécusables, et je dis qu'il serait inopportun, et au point de vue de la situation industrielle elle-même, comme au point de vue de (page 387) l'instruction inachevée de cette affaire, de vouloir la trancher précipitamment, sans avoir assez d'éléments pour la résoudre.
Je prie l'honorable M. Orban d'y réfléchir, et je pense qu'il comprendra qu'il doit s'en rapporter au gouvernement pour le choix du moment où cette question devra être soumise à la législature.
Si le produit de la redevance des mines est jugé insuffisant, le gouvernement examinera d'après quel système il faut l'augmenter ; pour moi, je pense qu'il n'est pas nécessaire pour cela d'augmenter le tantième de la redevance.
M. Orban. - Messieurs, je prends la parole pour établir la convenance de continuer cette discussion et la possibilité de la continuer avec fruit.
L'honorable M. Dolez nous a dit que nous ne pouvions arriver à un résultat pratique, parce que cette question est en instruction. Que l'honorable membre me permette de lui dire, et son erreur est, du reste, excusable, parce qu'il n'a pas eu sous les yeux les documents qui sont déposés sur le bureau, qu'il verse dans une grave erreur. L'instruction est complète au point de vue où j'ai présenté ma proposition.
Il y a dans la question dont est saisie l'administration des mines deux choses : la question de la redevance, question qui se résout annuellement par le budget des voies et moyens ; et sur cette question tout le monde est d'accord ; M. l'inspecteur en chef des mines est d'accord avec le conseil des mines qu'il y a lieu d'élever la redevance. Leurs conclusions sont formelles, et on peut, sans jeter la perturbation dans l'administration, adopter une proposition dans ce sens.
Il y a un second point : c'est celui de savoir s'il est bien convenable de percevoir la redevance sur le produit net ou sur le produit brut. M. l'inspecteur général est d'avis qu'il faut la prélever sur le produit brut, le conseil des mines pense qu'il faut continuer, comme par le passé, à percevoir la redevance sur le produit net. C'est sur cette question qu'il y a divergence, et que les députations permanentes et les autorités locales ont été consultées.
Vous reconnaîtrez donc qu'il est parfaitement possible dès maintenant d'admettre ma proposition, et de faire payer à la redevance des mines un impôt qui, d'après M. le ministre des travaux publics lui-même, est juste et convenable. Car il nous a dit que les mines ne produisaient pas ce qu'elles devaient produire.
Plusieurs membres. - A demain.
M. le président. - Ne veut-on pas fixer une séance de soir ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Si demain les travaux de la chambre n'étaient pas assez avancés, on pourrait les continuer dans une séance du soir ?
En ce moment il y a déjà beaucoup de membres sortis ; ces membres ne seraient pas prévenus pour aujourd'hui.
M. Lejeune. - Je prévois que la discussion du budget des voies et moyens ne prendra pas toute la séance de demain ; que discuterons-nous après cela ? Il n'y a plus rien à l'ordre du jour.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - Je demanderai qu'on mette à l'ordre du jour d'autres budgets. Les rapports sont faits sur les budgets de la guerre et de la justice.
Un membre. - Et le budget des dotations ?
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier). - On pourrait également le mettre à l'ordre du jour.
M. Mercier. - Le budget des dotations ne peut être voté avant que le sénat n'ait voté son budget.
- La chambre, consultée, met à l'ordre du jour, à la suite du budget des voies et moyens, le budget de la justice et le budget de la guerre.
La séance est levée à 5 heures.