(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 13) M. de Villegas procède à l'appel nominal à 1 heure et un quart.
- La séance est ouverte.
M. T’Kint de Naeyer donne lecture des procès-verbaux de la dernière séance de la précédente session et de la séance d'hier.
M. de Villegas fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Ad. Scheler, médecin vétérinaire du gouvernement, né à Ebnat (Suisse), demande la naturalisation ordinaire. »
« Même demande des sieurs L.-D. Regost, gendarme à cheval à Termonde, né à Hondschoote (France). »
« Le sieur J.-Aug.-Jacques Lacroix, caporal au 6ème régiment de ligne, qui, sans autorisation du Roi, a pris du service militaire à l'étranger, demande à recouvrer la qualité de Belge. »
« Même demande du sieur Lucien Janssens, gendarme à cheval à Santhoven, né à Wemmel, qui, sans autorisation du Roi, a pris du service militaire à l'étranger. »
« Le sieur Michel Isaac, dit Jean Vanderlinden, demeurant à Liège, né à Eysden (Pays-Ras), demande la naturalisation ordinaire. »
« Le sieur Mathias Britz, instituteur à Bonnert, né à Berglicht (Allemagne), demande la naturalisation avec exemption du droit d'enregistrement. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Vandergucht, colon belge à Hajahy-Grande, se plaint de la manière d'agir de cette colonie. »
« Le sieur d'Henry présente des observations relatives à des fonctions publiques qui seraient illégalement exercées dans les hôpitaux militaires. »
« Le sieur Chable, ancien portier à l'hôpital militaire à Liège, réclame l'intervention de la chambre pour qu'il ne soit plus opéré de retenue sur la pension dont il jouit et que le gouvernement lui rembourse les sommes retenues par ses ordres. »
« Les cabaretiers et débitants de boissons distillées de Sotteghem, Strypen, Rooborst, Velsique, Hundelghem, Nederbrakel, Baelegem, Erwetegem et Grootenberge demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1836, qui établit un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
« Même demande des cabaretiers et débitants de boissons distillées de Nederbrakel, Opbrakel, Destelbergen, Dadizeele et de plusieurs habitants d'Elseghem, Meuwerkerken et Heurne. »
M. Rodenbach. - Voici déjà plusieurs années qu'on nous adresse des pétitions pour que l'on présente un projet de loi dans le but de faire disparaître cette loi qui n'est pas équitable. Je demande donc un prompt rapport.
M. Manilius. - Comme nous n'avons pas encore le rapport sur le budget des finances, il serait, je crois, préférable de renvoyer la pétition à la section centrale chargée de son examen.
M. Rodenbach. - Je me rallie à cette proposition.
- La proposition de M. Manilius est adoptée ; en conséquence la pétition est renvoyée à la section centrale du budget des finances.
« Le sieur Bissot, élève pharmacien à l'hôpital militaire d'Anvers, demande si la limite d'âge fixée par l'article 6 de la loi du 10 mars 1847, est applicable à ceux qui, antérieurement à cette loi, étaient admis dans le service sanitaire pharmaceutique en qualité d'élèves pharmaciens. »
« Le sieur Joseph Ruche, milicien de 1817, réclame l'intervention de la chambre pour être exempté du service militaire. » „
« Le conseil provincial de Liège prie la chambre de prendre des mesures propres à prévenir et à réprimer les fraudes électorales. »
« La dame Chiquet demande que son mari, le sieur Georges, qui a été condamné à 6 mois d'emprisonnement, soit gracié, ou qu'on lui accorde une remise de peine. »
« Les secrétaires communaux du canton de Houffalize demandent une augmentation de traitement et leur participation à la caisse de retraite des employés de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Belboom, ancien sous-officier sous l'empire, réclame des arriérés de solde. »
- Même renvoi.
« La dépuiation permanente du conseil de la Flandre orientale demande la révision de la loi du 23 septembre 1842, organique de l'instruction primaire. »
- Même renvoi.
« La députation permanente du conseil provincial du Limbourg, prie la chambre d'accorder le crédit nécessaire à la construction d'un canal de Hasselt à la ligne des canaux de la Campine. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« La députation permanente du conseil provincial du Liinbourg prie la chambre de dégrever cette province de la surcharge qu'elle supporte dans la contribution foncière, depuis l'achèvement du cadastre. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi sur la péréquation générale de la contribution foncière.
« Le sieur Vanderlinden, ancien maréchal ferrant au 2ème régiment de lanciers, prie la chambre de le faire entrer de nouveau dans l'armée ou de lui faire obtenir un emploi au chemin de fer. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« La veuve Wilmer réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le payement des bons de la masse d'habillement et de fourrages qui revenait à feu son mari, brigadier à cheval de maréchaussée du Luxembourg. »
- Même renvoi.
« Le sieur J.-B. Dury, ancien sergent-fourrier, né à Bruxelles, qui, sans autorisation du Roi, a pris du service militaire à l'étranger, demande à recouvrer la qualité de Belge, et à être exempté du droit d'enregistrement pour l'acte de naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur J.-A. Wissocq, maréchal des logis chef au 2ème régiment de cuirassiers, prie la chambre de statuer sur sa demande de naturalisation. »
- Renvoi à la commission de naturalisation.
« La dame Chauliac, veuve du sieur de Plunkett, receveur des contributions pensionné, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à ce que les services militaires de son mari, en qualité d'officier autrichien, lui soient comptés dans la liquidation de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Schenaerts, capitaine en non-activité, demande une loi sur la vaine pâture. »
- Même renvoi.
« L'administration communale de Vicht, prie la chambre de résoudre affirmativement les trois questions posées dans le rapport sur les pétitions qui ont pour objet la distribution de la graine de lin de Riga et des droits de sortie sur les lins bruts.
« Même demande des sieurs Laleman et Van Overbeke, membres du comité industriel de Clercken. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.
Messages du sénat faisant connaître l'adoption par cette chambre des projets de lois relatifs :
1° Au budget des travaux publics, exercice 1847 ;
2° A la dispense d'une partie des examens universitaires accordée aux boursiers belges de l'université de Rologne ;
3° A des crédits supplémentaires au budget du département de l'intérieur pour les exercices 1846-1847 ;
4° A la réduction des péages sur la Sambre canalisée ;
5° A un crédit supplémentaire au budget des affaires étrangères de l'exercice 1846 ;
6° A des crédits au département des travaux publics ;
7° A des crédits supplémentaires aux budgets de la dette publique des exercices 1845 et 1846 ;
8° A un crédit supplémentaire au budget de la marine de l'exercice 1846 ;
9° A l'augmentation de personnel du tribunal de Nivelles ;
10° A la prorogation de la loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de péages ;
11° A un crédit supplémentaire au département de l'intérieur pour l'exercice 1846 ;
12° Au régime de surveillance des fabriques de sucre de betterave ;
13° A un crédit supplémentaire au département des travaux publics pour dépenses arriérées ;
14° A un crédit supplémentaire au département de la justice ;
15° A l'aliénation de biens domaniaux ;
16° A un crédit supplémentaire de 300,000 fr. au département des travaux publics ;
17° A la naturalisation de 27 personnes.
Messages du sénat faisant connaître qu'il a pris en considération 24 demandes de naturalisation ordinaire, et rejeté une demande de naturalisation ordinaire et une demande de grande naturalisation.
- Pris pour notification.
Par dépêche en date du 6 mai 1847, M. le ministre de l'intérieur adresse à la chambre des explications sur une requête de la députation (page 14) permanente du conseil provincial de Liège, qui appelle l'attention du gouvernement et de la législature sur la nécessité de changer l'époque des élections générales et provinciales ou celle de la révision des listes, de telle sorte que le recours en cassation ne soit plus illusoire.
M. Delfosse. - Ces explications ont une certaine importance. J'en demanderai l'insertion au Moniteur.
M. Fallon. - Il est plus commode de trouver ces explications dans la collection des documents parlementaires. Je demande que ces explications soient imprimées comme pièce de la chambre.
M. Delfosse. - Je me rallie à cette proposition.
- La chambre ordonne l'impression des explications de M. le ministre de l'intérieur, comme pièce de la chambre.
Par dépêche en date du 26 mai 1847, M. le ministre des travaux publics fait hommage à la chambre de 125 exemplaires du rapport qu'il a adressé au Roi le 20 décembre 1846, sur la statistique des mines, des usines minéralurgiques et des machines.à vapeur du royaume.
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
Par dépêche en date du 8 juin 1847, M. le ministre de la justice adresse à la chambre deux exemplaires du premier numéro des procès-verbaux de la commission chargée de la publication des anciennes lois de la Belgique.
- Dépôt à la bibliothèque.
La commission centrale de statistique adresse à la chambre vingt-six exemplaires du tome III de son Bulletin.
- Même dépôt.
Par dépêche en date du 27 septembre 1847, M. le ministre de la justice adresse à la chambre 110 exemplaires des travaux de la commission instituée près de son département pour l'amélioration du sort des classes ouvrières et indigentes du pays.
- Distribution aux membres de la chambre et dépôt à la bibliothèque.
M. le gouverneur du Hainaut adresse à la chambre 106 exemplaires du rapport annuel de la députation sur la situation administrative de la province pour 1846.
- Même décision.
M. Matton fait hommage à la chambre de son Essai de poésie lyrique.
- Dépôt à la bibliothèque.
Par dépêche en date du 11 novembre 1847, M. le ministre des travaux publics fait hommage à la chambre de 125 exemplaires du premier cahier du tome VI des Annales des travaux publics.
- Distribution aux membres et dépôt à la bibliothèque.
M. le ministre des finances (M. Veydt). - J'ai l'honneur de déposer le budget général des voies et moyens pour l'exercice 1848, précédé d’un exposé des motifs indiquant les changements apportés au budget présenté par mon prédécesseur, en avril dernier. Ces changements sont peu nombreux. Les recettes du chemin de fer ont été évaluées par mon honorable prédécesseur à 16,500,000 fr. Après examen, nous avons cru que l'évaluation devait être de 16 millions. Nous nous sommes attaché à trouver, sur 4 ou 5 articles, une somme qui pût compenser ces 500,000 fr., dans le but de conserver le budget de mon honorable prédécesseur dans les mêmes termes.
(page 28) Exposé fait par M. le ministre des finances, dans la séance de la chambre des Représentants du 12 novembre, à l'occasion de propositions nouvelles et de quelques changements qu'il est nécessaire d'apporter au budget des voies et moyens pour l'exercice 1848.
Messieurs,
C'est au mois d'avril dernier que mon honorable prédécesseur présenta à la législature le budget des voies et moyens de l'exercice 1848.
(page 29) A cette époque, encore éloignée de l'année qui va s'ouvrir, la balance des recettes et des dépenses de l'Etat n'a pu être établie avec la même exactitude qu'il est possible de le faire aujourd'hui. J'ai l'honneur de vous soumettre, d'après les ordres du Roi, les modifications que l'état actuel des choses nous a paru réclamer.
Dans l'intérêt d'une prompte adoption des budgets, dont le règlement définitif devrait, pour la régularité, être arrêté avant le 1er janvier prochain, le nouveau cabinet s'est attaché à conserver, autant que possible, les propositions du ministère précédent et les chiffres qui les résument. Indépendamment du désir de faciliter la discussion et d'accélérer la marche des travaux législatifs, il y a, pour en agir ainsi, cette autre considération, que trois mois à peine nous séparent de l'époque de la présentation du budget général de 1849, qui, aux termes de la loi sur la comptabilité de l'Etat, est fixée à dix mois, au moins, avant l'ouverture de l'exercice.
Les budgets des dépenses pour tous les services publics comprennent les demandes de crédit suivantes :
Dette publique : fr. 31,813,472 07
Justice : fr. 12,734,145
Affaires étrangères et marine : fr. 2,798,774
Intérieur : fr. 6,128,434 40
Finances : fr. 13,014,950
Non-valeurs et remboursements : fr. 1,951,000
Guerre : fr. 28,841,595 70
Dotations : fr. 3,344,672 75
Travaux publics : fr. 17,833,605 85.
Au mois d'avril, les prévisions sur l'ensemble des dépenses étaient bien inférieures à cette somme ; mais alors le chiffre du budget des travaux publics n'était calculé qu'à 15,332,895 francs, tandis qu'il a été réglé par les chambres à 16,101,110 fr. 55 c., et on s'attendait à une augmentation dans les dépenses au chemin de fer, par suite de l'accroissement du mouvement des transports. Or, c'est cette cause et les frais d'exploitation des nouvelles lignes qui ont principalement exigé une plus forte demande de crédit pour le budget des travaux publics de 1848. Comparativement à l'exercice courant, la différence est de 1,732,495 fr. 38 c. Je me borne à l'indiquer ici ; elle est établis et justifiée au budget même.
Deux allocations (les frais de justice et les frais d'entretien des détenus), reconnues insuffisantes, et qui ont obligé l'administration à recourir constamment à des crédits supplémentaires, réclament une augmentation de 681,400 francs qu'il a fallu ajouter à la somme demandée pour le département de la justice, lors de la présentation du budget, il y a six mois.
Au budget du ministère des affaires étrangères, la compensation entre les augmentations et les diminutions donne lieu à un chiffre plus élevé de 93,000 fr., parce qu'un crédit de 100,000 francs y est proposé pour favoriser l'établissement des comptoirs de commerce dans les contrées transatlantiques et dans le Levant.
Pour le budget des finances, une allocation de 100,000 francs est demandée pour la fabrication de monnaie de cuivre à concurrence de 145,000 francs. Le crédit de 50,000 francs qui se trouvait au budget des travaux publics pour le service des plantations des routes et canaux est transféré à celui des finances. Enfin, une somme de 30,000 francs est proposée pour les travaux à faire et le matériel à acquérir, afin de garantir l'entrepôt d'Anvers contre les dangers de l'incendie.
Les allocations qui étaient demandées pour les budgets de l'intérieur, des non-valeurs et remboursements et de la guerre ont été réduites. Il y a sur le dernier une diminution de 152,404 francs
Quelles sont les ressources pour faire face à cette somme de 118,460,649 fr. 85 c, qui forme le total des charges ordinaires prévues pour l'exercice 1848 ?
Le budget des voies et moyens, d’après les propositions de mon honorable prédécesseur, se serait élevé, d’après les bases posées, à 117,013,550 francs, non compris les 800,000 francs du fonds spécial provenant des ventes de biens domaniaux.
Les évaluations de recettes sont basées sur des calculs modérés. Dans leur ensemble, je les regarde comme voisines de la certitude, et je suis porté à croire qu'elles se réaliseront, si l'année 1848 n'est point traversée par des circonstances extraordinaires.
Il est cependant une évaluation qu'il nous a paru prudent de réduire de 500,000 francs. C'est le produit présumé du chemin de fer, qui ne peut être porté qu'a 16,000,000 de francs, chiffre maximum.
La recette des neuf premiers mois de 1847 s'élève à fr. 11,153,898
Elle dépasse de 9 p. c. le produit des mois correspondants de 1846.
La recette des trois derniers mois de cette année a été de fr. 3,390,719. En admettant que, pour la même période de 1847, il y ait aussi une augmentation de 9 p. c, le produit sera de 3,685,882.
Total probable pour 1847 : fr. 14,849,690.
De manière que, pour réaliser la prévision de 16,000,000 de fr., il faudra obtenir, en 1848, une augmentation de 1,150,000 de francs.
Tout porte à croire qu'il en sera ainsi, parce que l'accroissement des recettes constaté en 1848 a été de fr. 1,173,000 ; en 1846, de fr. 1,252,000, et qu'elle sera pour 1847 de fr. 1,200,000, suivant toutes les probabilités.
Mais la réduction qu'il est nécessaire d'opérer de ce chef peut être compensée par de légères augmentations sur un très petit nombre d'articles du budget des voies et moyens, dont voici les détails.
Je passe sous silence, et en me référant aux propositions du mois d'avril dernier, tous les articles sur lesquels aucune modification n'est présentée.
(Note du webmaster : le détail de ces modifications n’est pas repris dans la présente version numérisée).
(page 30) En résumé, suivant les prévisions du mois d'avril, les revenus et moyens étaient portés à fr. 117,013,550
Leur chiffre sera à présent de 117,254,680.
Dans cet état des choses, pour parvenir à la balance des moyens et des charges de l'exercice, il est indispensable de procurer de nouvelles ressources au trésor.
Un projet de loi vous sera présenté à cette fin, messieurs, plutôt que de recourir aux centimes supplémentaires. Ce projet, qui doit, en quelque sorte, être considéré comme faisant partie du budget, propose des dispositions additionnelles à la loi du 27 décembre 1817 sur le droit de succession. S'il est adopté par la législature, ces droits, évalués à 6,000,000 de francs, pourront être portés à 6,500,000 francs, d'après des calculs basés sur les probabilités, et aussi exacts qu'il est possible de les faire en pareille matière. Grâce à ce supplément de ressources, l'équilibre du budget général sera garanti. En effet, il y aura :
Pour les voies et moyens : fr. 118,756,650.
Pour les dépenses de tous les services : fr. 118,460,649 85.
Partant un excédant de fr. 294,000 15.
Ce n'est là qu'un équilibre rigoureux et insuffisant, puisqu'une circonstance imprévue peut le compromettre. Nous pensons qu'il faut arriver à un excédant de ressources ordinaires plus considérable ; le maintien de l'ordre dans les finances de l'Etat y est intéressé. Il serait superflu d'insister sur cette vérité, qui a été maintes fois reconnue et exprimée dans les débats parlementaires et dans les rapports des sections centrales. Notre tâche est de travailler à la réaliser, et dans ce but des lois de finances seront présentées dans les premiers mois de la session. L'avenir serait menacé d'un découvert progressif, si le gouvernement ne poursuivait pas l'accomplissement de ce devoir, dont il ne se dissimule ni la gravité, ni la difficulté.
La nécessité d'accroître les ressources devient plus évidente encore quand on reporte les yeux sur la situation de la dette flottante.
Pour faire face aux besoins exigibles, auxquels la législature n'a pas pourvu par les ressources de l'impôt ou par des négociations de rentes sur l'Etat, et qui sont tombés, à défaut d'allocation du budget à la charge du trésor public, la situation financière, à la date du 1er septembre 1847, que j'aurai l'honneur de déposer, constate qu'une émission de bons, jusqu'à concurrence de 22,935,366 fr., soit en somme ronde, 25,000,000 de francs, est nécessaire parce qu'il y a des valeurs que le trésor ne peut avantageusement réaliser en ce moment.
Au moyen de cette somme, toutes les dépenses votées peuvent être couvertes. Mais il y a les dépenses encore à voter pour les exercices antérieurs à 1848. Elles concernent, pour autant qu'il est possible de les connaître, dés à présent, avec exactitude, les services suivants :
Dette publique : fr. 650,000 00
Département de la justice : fr. 1,319,360 00
Département des affaires étrangères. : fr. 160,072 00
Département de la marine : fr. 10,000 00
Département de l'intérieur : fr. 649,329 00 (dont 500,000 francs, comme supplément au crédit extraordinaire de 1847 en faveur des Flandres).
Département des finances : fr. 1,558,962 00
Département des travaux publics : fr. 1,302,500 00
Département de la guerre : fr. 30,744 00
Total : fr. 5,680,967 00
Quelques-unes des ces dépenses doivent faire l'objet de demandes immédiates de crédits supplémentaires. Il en résulte que, pour faciliter la marche du service pendant l'exercice 1848, une émission plus considérable de bons du trésor est nécessaire. Au lieu d'être de 21,000,000 de francs, conformément aux prévisions du mois d'avril dernier, j'estime qu'il convient de la porter à 25,000,000 de francs, chiffre proposé à l'article 3 du projet de loi des voies et moyens.
Ce qui précède concerne le passé. Dans l'avenir, il y aura à faire face à deux autres catégories de dépenses, savoir :
Les dépenses qui seraient la conséquence de l'adoption des projets de loi déjà présentés aux chambres, tels que le projet de la création d'une société d'exportation, le projet de loi d'organisation de l'enseignement moyen, les projets de loi relatifs à l'établissement d'un institut agricole, aux dépôts de mendicité, à la réforme du système des prisons et d'autres encore, auxquels il n'est possible de donner suite qu'à la condition d'y consacrer des subsides sur les budgets de divers départements.
Enfin, la catégorie des dépenses nouvelles qui résulteront des projets de loi à présenter à la législature, tant pour l'achèvement des travaux en cours d'exécution, pour les constructions du chemin de fer et l'augmentation du matériel des transports, que pour d'autres travaux également importants qui ne sont pas décrétés en principe, mais qui sont prévus. Les éléments nous manquent pour fixer actuellement le chiffre précis de ces dépenses.
Cet aperçu, présenté d'un point de vue général, démontre que, pour faire face aux besoins du passé et pourvoir à ceux de l'avenir, il y a une condition essentielle à remplir, c'est l'adoption de lois financières qui puissent, en fortifiant efficacement les ressources du trésor, le maintenir dans une bonne situation. C'est le but que le gouvernement se propose et que le concours et l'appui des chambres, il en a la ferme confiance, le mettront à même d'atteindre.
(page 14) M. le ministre des finances (M. Veydt). - Je dépose en outre :
La situation du trésor à la date du 1er septembre dernier ;
Le projet de loi de budget du ministère des travaux publics pour l'exercice 1848 ;
Des amendements au budget du département des finances et au budget des non-valeurs et des remboursements, pour l'exercice 1848 ;
Et enfin un projet de loi ainsi conçu :
« Léopold, Roi des Belges,
« A tous présents et à venir, Salut.
« Sur la proposition de notre ministre des finances,
« Nous avons arrêtons et arrêtons :
« Le projet de loi, dont la teneur suit, sera présenté, en notre nom, à la chambre des représentants, par notre ministre des finances.
« Art. 1er. Dans le courant des quinze jours qui suivent le délai fixé par l'article 13 de la loi du 27 décembre 1817, pour la rectification des déclarations, les parties déclarantes de la succession d'un habitant du royaume se présenteront en personne, soit devant le tribunal de première instance, soit devant le juge de paix du ressort de leur demeure ou de l'ouverture de la succession, dans l'un et l'autre cas à l'audience publique, et elles affirmeront sous serment ou de la manière prescrite par leur religion qu'elles croient en sincérité de conscience que tous les biens meubles, autres que les créances hypothécaires, inscrites dans a le royaume, ont été compris, sans exception ni omission, dans la déclaration de la succession de.................et qu'elles ont porté à leur véritable valeur les biens meubles dont l'évaluation est laissé par la loi aux parties déclarantes.
« Ce serment, pour les objets auxquels il est restreint, sera décisoire. Ce qui serait ultérieurement déclaré ne donnera lieu à aucune pénalité.
« En cas de maladie ou d'absence du royaume, le délai pour la prestation du serment pourra être prorogé par le Roi.
« La minute du procès-verbal de la prestation de serment sera exempte des droits de timbre, d'enregistrement et de greffe.
« A défaut d'avoir prêté serment dans le délai fixé, chacune des parties déclarantes sera passible d'une amende de cinquante francs (fr. 50) par semaine de retard. »
« Art. 2. Il sera perçu, à titre de droit de succession, un impôt de 1 p. c. sur la valeur de tout ce qui, après déduction des dettes mentionnées en l'article 12 de la loi du 27 décembre 1817, sera recueilli ou acquis en ligne directe dans la succession d'un habitant de ce royaume.
« Le droit sera de moitié pour ce qui n'est recueilli ou acquis qu'en usufruit. »
« Art. 3. Sont exemptes du droit établi par l'article précédent, les successions dont la totalité de la valeur, après déduction des dettes, ne s'élève pas à dix mille francs (fr. 10,000).
« Sont maintenues les exemptions portées aux numéros 2 et 3 de l'article 24 de la même loi du 27 décembre 1817. »
« Art. 4. Ne sont pas soumises à l'affirmation voulue par l'article 1er ci-dessus :
« 1° Les déclarations de successions ouvertes en ligne directe ;
« 2° Les déclarations prescrites par l'article 5 de la loi du 27 décembre 1817, pour le cas de réunion de l'usufruit à la nue-propriété. »
« Art. 5. Sauf les exceptions qui résultent des articles précédents, toutes dispositions de lois régissant le droit établi sur les successions collatérales, sont applicables aux successions échues en ligne directe.
« Art. 6. Les successions d'habitants du royaume, dont ne dépend aucun bien, cessent d'être sujettes à la déclaration négative, pourvu qu'il en soit justifié par un certificat de l'autorité communale du domicile du défunt, portant qu'il n'est pas à sa connaissance qu'il ait délaissé des meubles ou immeubles.
« Art. 7. La présente loi ne recevra son effet qu'à l'égard des successions ouvertes après le 31 décembre 1847.
« Donné à Laeken, le 8 novembre 1847.
« LÉOPOLD.
« Par le Roi :
« Le Ministre des finances, « Veydt. »
M. Rodenbach. - C'est du hollandais !
- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de cette communication, dont elle ordonne l'impression.
Elle renvoie le projet de budget du département des travaux publics et le projet de loi relatif aux droits de succession à l'examen des sections.
Elle renvoie respectivement aux sections centrales le projet de budget des voies et moyens et les amendements au budget du département des finances et au budget des non-valeurs et remboursements pour l'exercice 1848.
M. Simons, admis comme membre de la chambre dans une séance précédente, prête serment.
Nombre des votants, 90.
Billets blancs, 4.
Reste, 86
Majorité absolue, 44
M. Dolez obtient 86 suffrages.
M. Osy, 71 suffrages.
M. Lebeau, 50 suffrages.
M. d’Elhoungne, 49 suffrages.
M. de Brouckere, 48 suffrages.
M. Le Hon, 46 suffrages.
M. Fallon, 37 suffrages.
M. Pirmez, 37 suffrages.
M. de Foere, 36 suffrages.
M. Dedecker, 34 suffrages.
M. Dubus (aîné), 12 suffrages.
En conséquence, MM. Dolez, Osy, Lebeau, d'Elhoungne, de Brouckere et Le Hon sont proclamés membres de la commission d'adresse.
M. le président. - J'invite la commission à se réunir un instant au bureau de la présidence après la séance.
- Pendant le dépouillement du scrutin, M. le président a procédé au tirage au sort des sections de novembre.
Sur la proposition de M. le président, la chambre décide que la commission de comptabilité sera nommée par les sections.
La chambre décide qu'elle procédera par un seul scrutin et par bulletins de liste à la nomination des commissions des finances, d'industrie et des naturalisations.
Nombre des votants, 86.
Billets blancs, 2.
Reste, 84.
Majorité absolue, 43.
La commission doit être composée de 9 membres.
M. Osy obtient 76 suffrages.
M. de Man d'Attenrode, 79
M. Rousselle, 44.
M. Anspach, 47.
M. d'Hane, 47.
M. Lys, 47.
M. Broquet, 47.
M. d'Elhoungne, 46.
M. Dautrebande, 46.
M. Mast de Vries, 29.
M. Fallon, 30.
M. Lejeune, 31.
M. Brabant, 34.
M. Dubus aîné, 32.
En conséquence, MM. Osy, de Man d'Attenrode, Rousselle, Anspach, d'Hane, Lys, Broquet, d'Elhoungne et Dautrebande ayant obtenu la majorité absolue, sont proclamés membres de la commission des finances.
La commission doit être composée de 9 membres.
M. David obtient 49 suffrages.
M. Manilius, 73.
M. Dumont, 44.
M. Lesoinne, 47.
M. Loos, 46.
M. Gilson, 46.
M. Bruneau, 46.
M. Herry-Vispoel, 46.
M. Cans, 45.
M. Pirmez, 33.
M. Zoude, 33.
M. Eloy de Burdinne, 31.
M. Rodenbach, 29.
M. de La Coste, 31.
M. Brabant, 30.
En conséquence, MM. David, Manilius, Dumont, Lesoinne, Loos, Gilson, Bruneau, Herry-Vispoel et Cans ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, sont proclamés membres de la commission d'industrie.
La commission doit être composée de 7 membres.
M. Maertens obtient 76 suffrages.
M. Delehaye, 73.
M. de Brouckere, 47.
M. Destriveaux, 47.
M. Van Cleemputte, 47.
M. Moreau,46.
M. Sigart, 43.
M. Henot, 33.
M. Van Cutsem, 32.
M. Mast de Vries, 31.
M. d’Elhoungne, 28.
En conséquence, MM. Maertens, Delehaye, de Brouckere, Destriveaux, Van Cleemputte, Moreau et Sigart ayant obtenu la majorité absolue, sont proclamés membres de la commission des naturalisations.
M. le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, je viens vous donner les explications annoncées par le discours de la Couronne sur l'incident qui est survenu dans nos rapports avec le Saint-Siège.
Il nous a paru que ces explications devaient précéder le discussion du projet d'adresse.
Elles consisteront, du reste, dans le simple exposés de faits.
Vous vous rappelez, messieurs, dans quelles circonstances a eu lieu la nomination de M. le comte Vander Straeten Ponthoz au poste d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Rome. A la suite des élections du 8 juin dernier, le cabinet précédent avait, le 12 du même mois, offert au Roi sa démission. L'arrêté qui nomme le comte Vander Straeten Ponthoz est du 7 juillet suivant. Près d'un mois s'était donc écoulé depuis la démission du ministère ; et l'honorable M. Rogier avait déjà été mandé par le Roi, lorsque cet arrêté parut au Moniteur.
Cette nomination, faite par un cabinet démissionnaire, excita, on doit le reconnaître, une vive surprise, et fut généralement envisagée comme inopportune.
Ces considérations, jointes à d'autres beaucoup plus puissantes, nous déterminèrent à proposer au Roi de ne point maintenir la nomination.
Le cabinet attachait une importance toute spéciale à ce que le poste de Rome fût occupé par un homme de son choix. On conçoit, en effet, de quel haut intérêt il est pour le ministère sorti des rangs de l'opinion libérale, que le véritable caractère de sa politique soit parfaitement connu, expliqué et apprécié à la cour de Rome ; que l'on ne s'y méprenne point sur ses principes, sur ses intentions, sur ses tendances ; qu'en un mot, on y ait une juste idée de son respect sincère pour la religion et pour les libertés consacrées par la constitution.
A qui donc, messieurs, cette mission si importante pouvait-elle être mieux confiée qu'à un des hommes les plus respectés de l'opinion libérale, qu'à l'honorable M. Leclercq ?
Le gouvernement du Roi n'use-t-il pas, d'ailleurs, du droit le plus incontestable en remplaçant ses agents, lorsqu'il le juge utile à sa politique et aux intérêts du pays ?
On ne pourra pas prétendre sans doute que cette simple mutation diplomatique était de nature à blesser le Saint-Siège ?
Le cabinet actuel ne donnait-il pas, au contraire, le témoignage le plus expressif de sa déférence pour la cour de Rome, de son respect pour le pontife illustre qui est à la tête de l'Eglise, en faisant choix, pour représenter la Belgique, d'un des hommes les plus considérables du royaume ?
Ce choix fut notifié le 12 août, c'est-à-dire, le jour même de l'installation du ministère.
Vous n'ignorez pas, messieurs, que l'envoi d'un chef de mission doit être précédé d'une communication directe ou indirecte au gouvernement près duquel cet agent va être accrédité. Mais il n'existe pas sur ce point de règle uniforme et absolue. Ni les auteurs qui ont écrit sur le droit public, ni les divers Etats n'entendent tous de la même façon l'application du principe. Quelques-uns vont même jusqu'à le contester. Plusieurs gouvernements voient dans la notification préalable un acte de simple déférence dont on peut, à la rigueur, se dispenser ; d'autres gouvernements y voient une obligation plus stricte. Ils sont, du reste, à peu près unanimes à reconnaître qu'en tout cas, le refus d'agréation doit être fondé sur des motifs sérieux et formellement énoncés.
Quant aux formalités pour notifier, soit la nomination accomplie ou projetée, soit la non-agréation, elles varient également selon les pays et le degré d'intimité qui règne entre les deux Etats. D'ordinaire, ces questions se traitent verbalement entre le ministre des affaires étrangères de la cour qui nomme et l'envoyé de la cour près de laquelle l'agent doit être accrédité.
Dans la circonstance dont il s'agit, je me suis attaché à suivre la marche la plus conforme aux précédents posés par la Belgique.
J'ai donc eu l'honneur d'annoncer, dès le 12 août, à Mgr le nonce, le choix fait, par le gouvernement du Roi, de M. Leclercq pour le poste d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le gouvernement pontifical. Dans l'entretien que j'eus avec Mgr de St-Marsan, je lui développai tous les motifs qui me faisait croire que ce choix seraient agréable à la cour de Rome ; j'eus soin d'exposer les titres nombreux de M. Leclercq à la confiance du saint Père ; de rappeler les positions éminentes qu'il a occupées, celle qu'il occupe encore, sa capacité, sa modération et l'estime générale dont il est entouré. Son Excellence accueillit favorablement cette communication ; elle me dit qu'elle allait en écrire immédiatement à son gouvernement et qu'elle espérait obtenir une prompte réponse.
Le même jour, j'invitais notre chargé d'affaires à Rome à voir, pour le même objet, le cardinal secrétaire d'Etat ; et, le 24 août, il m'informait que la notification avait eu lieu ; que le cardinal Ferretti l'avait remercié de cette communication et l'avait prié de lui laisser une copie de la dépêche, demande à laquelle il fut satisfait. Rien ne pouvait donc faire prévoir au gouvernement la non-agréation de M. Leclercq.
Vers la mi-septembre, Mgr le nonce se rendit, à deux reprises, au ministère des affaires étrangères ; la première fois, pour annoncer que les dépêches qu'il avait expédiées à Rome avaient été placées sous les yeux du saint-père ; la seconde fois, pour faire connaître que le choix de M. Leclercq n'était pas de nature à être agréé par le Saint-Siège. Ces communications furent reçues, en mon absence, par le secrétaire général du département.
Je ne pouvais, messieurs, sur cette simple communication verbale, me rendre compte d'un fait aussi inattendu ; et, pour apprécier la valeur des objections soulevées, il m'était indispensable d'en avoir un exposé complet. Dès mon retour à Bruxelles, j'adressai, en conséquence, au nonce, la lettre que je vais avoir l'honneur de vous lire ; elle porte la date du 17 septembre :
« Monseigneur,
« M. le secrétaire général des affaires étrangères m'a rendu compte des deux communications verbales que Votre Excellence a bien voulu lui faire le 8 et le 13 de ce mois.
« Je regrette d'autant plus vivement que mon absence ne m'ait pas permis de les recevoir directement, que je ne m’explique pas que des objections puissent être faites au choix d'un homme aussi haut placé dans l'estime générale que l'est M. Leclercq. Quoiqu'il en soit, pour être à même d'apprécier la nature et la portée de ces objections, je dois prier Votre Excellence de vouloir bien me les faire connaître en me donnant communication de la dépêche qu'elle a reçue à ce sujet. C'est avec confiance que je me permets de lui exprimer ce vœu, m'autorisant de l'exemple de Son Excellence monseigneur le cardinal secrétaire d'Etat, qui a demandé à M. de Meester de Ravestein et obtenu de lui copie textuelle de la dépêche que j'avais adressée à notre chargé d'affaires, au sujet de la désignation de l'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Roi près le Saint-Siège.
« En attendant, je saisis l'occasion qui m'est offerte de renouveler let assurances de la très haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur.
« (Signé) d’Hoffschmidt. »
(page 16) Deux jours après la réception de cette lettre, Mgr. de Saint-Marsan vint me trouver. Il me dit qu'il n'était pas autorisé par son gouvernement à me communiquer le texte de ses instructions, mais qu'il avait demandé cette autorisation. Il ajouta cependant que le refus d'agréation était positif, que la dépêche portait en substance que les antécédents de M. Leclercq empêchaient que la cour de Rome pût le recevoir avec plaisir. Je ne dissimulai point à Son Excellence l'impression pénible que me causait cette notification et je lui représentai combien était grave le refus d'agréation s'appliquant à un homme entouré d'une aussi grande considération et appartenant à l'opinion qui est appelée aujourd'hui à la direction du gouvernement.
Je n'avais point cru devoir laisser ignorer à M. Leclercq la communication que j'avais reçue de la part du gouvernement pontifical. C'est alors que cet honorable magistrat, vivement ému d'un refus qui le tournait personnellement, m'adressa, le 25 septembre, la lettre que, plus tard, il fit publier, et dans laquelle il déclare qu'il renonce, sans attendre des explications ultérieures de la cour de Rome, à la mission que je lui avais offerte de la part du Roi.
Le même jour (25 septembre), j'eus une nouvelle entrevue avec Mgr le nonce. Je lui fis part de mon intention de donner connaissance, dans tous ses détails, de l'incident au conseil des ministres, et de l'obligation où je me trouverais, plus tard, d'en rendre compte aux chambres législatives ; j'ajoutai qu'il importait, en conséquence, que nous fussions bien d'accord sur les termes dans lesquels la non-agréation était conçue. Mgr de St.-Marsan voulut bien alors me donner un extrait de la dépêche de son gouvernement ; voici cet extrait :
« Que tout bien considéré, il a été facile à Sa Sainteté de décider que, dans les circonstances graves où elle se trouve, elle ne pouvait, en aucune manière, accepter comme ministre de la Belgique, que des personnes qui auraient offert, par leurs antécédents, beaucoup plus de garanties que celles que lui offre M. Leclercq. »
En présence d'une déclaration aussi formelle, il était inutile d'attendre une communication ultérieure ; il devenait évident que le gouvernement du Roi ne pouvait point admettre les motifs sur lesquels la non-agréation était fondée ; que, dans la situation des choses, ce serait pour ainsi dire en reconnaître la valeur et paraître s'associer à une appréciation essentiellement et complètement contraire à sa propre opinion. D'accord avec mes collègues, j'adressai donc à Son Excellence le nonce la dépêche dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture. Elle est datée du 28 septembre.
« Monseigneur,
« Dans notre entrevue du 25 de ce mois, Votre Excellence a bien voulu me communiquer les termes de la dépêche qu'elle a reçue de la cour de Rome au sujet de la non-agréation de M. Leclercq, comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Roi près le Saint-Siège.
« Les termes de cette dépêche, tels que je les ai recueillis sous la dictée de votre Excellence, sont les suivants : « que, tout bien considéré, il a été facile à Sa Sainteté de décider que, dans les circonstances graves où celle se trouve, elle ne pouvait, en aucune manière, accepter comme ministre de la Belgique, que des personnes qui auraient offert, par leurs antécédents, beaucoup plus de garanties que celles que lui offre M. Leclercq. »
« Je me suis empressé, comme je l'avais annoncé à Votre Excellence, de donner connaissance de cette communication officielle au Roi et au conseil des ministres. Le gouvernement du Roi n'a pu voir sans une pénible surprise ce refus d'agréation, motivé sur des objections personnelles présentées sous une forme vague et s'appliquant à un des hommes les plus honorables et les plus considérés du royaume.
« La cour de Rome ne précise, en aucune façon, ce qui lui laisserait à désirer dans les antécédents de M. Leclercq, et ce qui pourrait manquer aux garanties qu'il présente. Le gouvernement ne peut, dès lors, se rendre compte des motifs de la non-agréation. M. Leclercq, ancien ministre, l'un des magistrats éminents du royaume, est, aux yeux du gouvernement, un homme aussi distingué par ses talents qu'honorable par son caractère, et dont la vie irréprochable et les opinions essentiellement sages et modérées lui ont mérité les sympathies générales.
« J'ai donc à faire connaître à Votre Excellence que, dans l'état actuel des choses, le ministère se trouve dans l'impossibilité de proposer au Roi la désignation d'une autre personne pour le poste d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le Saint-Siège apostolique.
« Veillez agréer, etc. »
Le nonce m'accusa la réception de cette dépêche en ces termes, sous date du 29 septembre :
« Monsieur le ministre,
« J'ai reçu la lettre du 28 courant que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser, et où elle me fait connaître que, dans l'état actuel des choses, le ministère se trouve dans l'impossibilité de proposer à Sa Majesté la désignation d'une autre personne pour le poste d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le Saint-Siège apostolique.
« Je puis assurer Votre Excellence que le Saint-Père apprendra avec un sensible regret cette résolution qui doit le priver provisoirement de la vive satisfaction qu'il aurait éprouvée, en accueillant bientôt à Rome un successeur de M. le prince de Chimay.
« L'attachement sincère et les profonds sentiments d'estime de Sa Sainteté pour l'auguste personne du Roi, sa cordiale et toute paternelle bienveillance pour la Belgique, doivent lui faire vivement désirer que cette vacance et les pénibles circonstances qui l'ont occasionnée ne se prolongent pas longtemps.
« Que Votre Excellence veuille bien agréer l'assurance de la parfaite et très haute considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être,
« De Votre Excellence,
« Le très humble et très obéissant serviteur,
« (Signé) A. de Saint-Marsan, Archevêque d'Ephèse. »
Cette lettre termine la correspondance et les communications auxquelles a donné lieu cet incident. Nous avons la confiance que la chambre trouvera, dans les explications qu'elle vient d'entendre la preuve que le gouvernement a suivi la ligne de conduite que lui traçaient, tout à la fois, les convenances diplomatiques et les devoirs qu'il avait à remplir. (Très bien ! très bien !)
M. Dechamps. - Il a paru nécessaire à M. le ministre des affaires étrangères, dans les explications qu'il vient de donner sur ce qu'on a appelé l'affaire de Rome, de faire de la nomination de M. Vander Straeten Ponthoz l'objet de sa critique. Je me réserve, quand le document qui vient d'être communiqué à la chambre sera imprimé et publié, de répondre à la partie du travail que vient de lire M. le ministre, qui est relative cette nomination.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du rapport présenté par M. le ministre des affaires étrangères.
La séance est levée à 4 1/2 heures.