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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 juillet 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1854) M. de Villegas fait l'appel nominal à midi 1/4.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Bourcet, capitaine au 3ème régiment de chasseurs à pied, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir l'avancement auquel son rang d'ancienneté lui donne droit. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les entrepreneurs du réendiguement du polder de Lillo demandent le remboursement des frais imprévus qu'ils ne doivent pas supporter aux termes de leur contrat, ou bien une transaction pour régler leur position avec le gouvernement. »

- Dépôt sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi de crédit pour travaux hydrauliques.


« Le sieur Lewis Cubitt, directeur résident, au nom du conseil d'administration de la société anonyme du chemin de fer de la Flandre occidentale, demande que les actions de cette entreprise puissent être cotées aux bourses de Bruxelles et d'Anvers. »

« Le sieur Lewis Cubitt, directeur résident, au nom du conseil d'administration de la société anonyme du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse, demande que les actions de cette entreprise puissent être cotées aux bourses de Bruxelles et d'Anvers. »

M. Osy. - Je demanderai le dépôt de ces deux pétitions sur le bureau, pendant la discussion du projet de loi sur le chemin de fer de Manage à Wavre.

- Cette proposition est adoptée.


« Par dépêche, en date du 2 juillet, M. le ministre de la justice adresse à la chambre des renseignements sur des demandes en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« MM. Kennis et Van Mechelen prient la chambre de statuer dans la session actuelle sur leur pétition relative à la sortie des sabots et cornes d'animaux. »

Ordre des travaux de la chambre

M. de La Coste. - Il s'agit, messieurs, d'une pétition sur laquelle j'ai fait rapport au nom de la commission d'industrie. La commission a présenté un projet de loi tendant à porter le droit de sortie sur les sabots et cornes d'animaux de 3 p. c. à 8 fr. par 100 kilog., j'ai conféré ce matin avec M. le ministre des affaires étrangères sur ce projet, et comme il paraît en effet que si la proposition de la commission d'industrie n'est pas adoptée la fabrication sera immédiatement arrêtée, M. le ministre m'a semblé disposé aussi à traiter cette affaire le plus tôt possible. Je demanderai donc que cet objet soit mis à l'ordre du jour d'aujourd'hui. Il importe que la chambre se prononce sans retard, car la prévision qu'une mesure serait adoptée a eu pour effet de stimuler l'exportation, et si la chambre ne trouvait pas la proposition suffisamment justifiée, il vaudrait même mieux qu'elle la repoussât que de laisser la question en suspens.

M. Osy. - Je demande que l'on ne change rien à l'ordre du jour ; plusieurs fois déjà j'ai proposé à la chambre de s'occuper du chemin de fer de Manage ; si l'on change toujours l’ordre du jour, on n'en finira pas de cette question. Je demande donc qu'on conserve l'ordre du jour, sauf à biffer, d'accord avec M. le ministre des finances, du bulletin le projet de loi relatif à la monnaie d'or.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demande à la chambre de ne pas décider d'une manière aussi générale que rien ne sera changé à l'ordre du jour ; je propose à la chambre de discuter le crédit pour une régularisation au budget de la dette publique, immédiatement après les crédits qui figurent en tête du bulletin de convocation. Quant au projet de loi sur la fabrication de la monnaie d'or, je consens volontiers à ce que la discussion en soit postposée.

- La chambre consultée met le projet de loi indiqué par M. de La Coste, à l'ordre du jour après le chemin de fer de Manage à Wavre.

Motion d'ordre

Négociation commerciales avec les Pays-Bas

M. Delfosse (pour une motion d'ordre). - M. le ministre de l'intérieur nous a dit hier qu'il aurait probablement une communication importante à nous faire aujourd'hui ; c'est ce qui a engagé beaucoup de membres de la chambre à rester à leur poste. Je demande à MM. les ministres s'ils ne sont pas prêts à nous faire cette communication.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le gouvernement avait cru pouvoir communiquer aujourd'hui à la chambre et soumettre à son examen le traité négocié entre le royaume des Pays-Bas et la Belgique. Messieurs, cette communication ne peut pas être faite dans cette séance. La chambre sait que S. M. le roi des Pays-Bas avait nommé comme plénipotentiaires pour négocier le traité, le ministre des affaires étrangères, M. le général de Sarraz, le ministre des finances, M. Vanhall, et le ministre des colonies, M. Baud. De son côté, S. M. le roi des Belges avait nommé comme plénipotentiaires MM. le général Willmar et Mercier, membre de cette chambre. Après une longue et laborieuse négociation, le traité a été parafé dans son entier, article par article, accepté donc par les ministres plénipotentiaires nommés de part et d'autre pour négocier le traité. Ce traité a été parafé à la fin de la semaine dernière et il a été soumis immédiatement à la haute approbation de S. M. le roi des Pays-Bas. S. M. le roi des Pays-Bas avait fixé depuis quelque temps une absence pour lundi dernier, de manière qu'elle n'a pu donner cette approbation avant son départ ; mais, messieurs, le gouvernement n'a aucune raison de croire que S. M. le roi des Pays-Bas désavouerait l'œuvre de ses plénipotentiaires qui n'ont pu agir en dehors des instructions royales. D'autre part, je puis faire connaître à la chambre un fait qui doit laisser croire qu'aucun retard ne sera apporté à la signature définitive de cet acte et qu'il pourra être promptement communiqué aux chambres belges. Ce fait c'est que l'absence que devait faire le roi des Pays-Bas et qui était fixée d'avance sera abrégée de manière à ce que son retour ait lieu à la Haye dans le cours de cette semaine.

Il résulte de cette communication que j'ai l'honneur de faire à la chambre, qu'il est possible que le traité nous parvienne avant que l'ordre du jour ne soit complétement épuisé. Mais, s'il n'en était pas ainsi, la chambre pourrait s'ajourner pour quelque temps en laissant à M. le président le soin de la convoquer dès que le gouvernement pourra lui faire une communication. (Assentiment.)

Une communication devra du reste lui être faite, en tout état de choses, car si le traité ne pouvait pas être soumis aux chambres, contre toute prévision, le projet de loi sanctionnant l'arrêté du 12 janvier devrait être adopté.

M. Delfosse. - La chambre doit se souvenir que j'ai, dans le dernier comité général, interpellé M. le ministre des affaires étrangères sur l'état de nos négociations avec la Hollande. M. le ministre des affaires étrangères m'a répondu alors que l’on n'avait plus à se mettre d'accord que sur quelques points accessoires, et qu'il avait tout lieu de compter sur une prompte conclusion.

Depuis, M. le ministre des affaires étrangères m'a dit, dans divers entretiens que j'ai eus avec lui à ce sujet, que les dernières difficultés étaient aplanies, et qu'il attendait le traité d'un moment à l'autre ; hier, il m'a dit plus ; il m'a dit que M. Mercier arriverait ce matin, porteur du traité.

Je vois avec peine que ces promesses, que ces espérances ne se réalisent pas. J'aime à croire que M. le ministre des affaires étrangères a été sincère dans ses déclarations ; s'il en était autrement, si ses paroles n'avaient été qu'un piège, il n'y aurait pas d'expressions assez fortes pour le blâmer.

J'aurais bien des choses à dire au sujet du traité, mais je ne veux pas qu'on puisse m'accuser de compromettre les négociations au moment où l'on assure qu'elles sont arrivées à leur terme. Je ne sortirai donc pas de la réserve prudente dans laquelle j'ai cru devoir rester jusqu'à ce jour ; je me borne à prendre acte de l'engagement que le gouvernement vient de prendre, de nous faire convoquer aussitôt que le traité lui sera parvenu ; qu'il n'oublie pas qu'une grande responsabilité pèse sur lui !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il m'est impossible, messieurs, de comprendre quel motif pourrait amener l'honorable membre à douter de la sincérité de mes paroles, comment il a pu croire que le gouvernement ait voulu jeter la chambre dans un piège. Mais le gouvernement s'y jetterait lui-même, car les faits ne tarderaient pas à être connus. Il n'a pas dépendu du gouvernement que les négociations fussent terminées plus tôt. Du reste, le gouvernement fera à la chambre les communications qu'il annonce dans le plus bref délai possible.

Je renouvelle la proposition que j'ai faite, qu'il soit bien entendu que M. le président pourra convoquer la chambre dès que le gouvernement sera prêt à faire ces communications. (Assentiment.) Je le répète une seconde fois, la chambre devra être convoquée, quoi qu'il arrive, soit pour examiner le traité, soit pour voter la loi sur laquelle l'honorable M. d'Elhoungne a fait rapport.

Mise en adjudication d'un canal de Diest à Trois-Fontaines

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l'honorable M. Zoude a fait hier un rapport, au nom de la commission des pétitions sur la requête de 370 habitants de Diest qui demandent la mise en adjudication d'un canal de Diest vers Trois-Fontaines. La chambre a renvoyé la pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande d'explications ; M. le ministre étant alors absent, il nous a donc été impossible de l'interpeller à ce sujet ; M. le ministre des travaux publics étant maintenant présent, j'ai l'honneur de lui demander s'il ne compte pas mettre en adjudication ce canal dont les plans sont étudiés depuis vingt ans et terminés.

L'honorable M. Dechamps, lorsqu'il administrait les travaux publics, nous a promis formellement dans cette chambre, que cette voie de communication serait mise en concession de péages, dès que les plans seraient terminés. Ces plans sont achevés à présent, je ne comprends pas les retards mis à l'exécution de cet engagement. Le gouvernement a accordé la concession de voies de communication qui font concurrence à celles de l'Etat. Le canal de Diest à Vilvorde ne fera aucune concurrence aux produits du trésor. Je le répète, se refuser à la mise en concession d'un travail entamé depuis si longtemps, promis à diverses reprises et sur lequel de nombreux intéressés comptent à juste titre, ce serait avoir deux poids et deux mesures ; ce serait ne pas traiter toutes les parties du pays avec une faveur égale, c'est ce que le gouvernement ne peut vouloir, car j'aime à compter sur son impartialité.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois, messieurs, que la mise en adjudication du canal de Trois-Fontaines à Diest ne produirait aucun résultat. Ce projet remonte à plus de 15 ans, et jusqu'à présent il n'a pas été fait de proposition sérieuse pour l'exécution du canal. Les travaux concédés en ce moment sont déjà considérables, et je crois que le gouvernement doit s'abstenir de tout acte qui tendrait à leur donner un nouveau développement. Un acte semblable se comprendrait peu, alors surtout qu'une démarche en ce sens n'aurait aucune chance de succès. Il me semble que dans l'intérêt même du projet il est préférable de laisser encore les choses dans l’état où elles se trouvent.

Projet de loi ouvrant des crédits pour la construction de canaux et travaux hydrauliques

Discussion générale

M. Osy. - Messieurs, le gouvernement nous demande un crédit de 1,038,000 fr. pour les travaux du canal de la Campine, du canal de Zelzaete et du réendiguement du polder de Lillo. Je n'ai rien à objecter relativement à ces trois objets, mais j'ai été frappé de voir, par les développements de M. le ministre des travaux publics, qu'on nous demande 153,000 fr. pour traitements et salaires du personnel attaché à la direction et à la surveillance des travaux du canal de la Campine, et 48,000 francs pour le personnel attaché à la direction des travaux du canal de Zelzaete. Lorsque la chambre a alloué au budget des travaux publics une somme considérable pour les ingénieurs, conducteurs, surveillants, etc., elle a dû croire que tous les employés des ponts et chaussées seraient payés sur ce crédit. Si maintenant nous devons encore allouer plus de 200,000 fr. pour ces employés, il n'est vraiment plus nécessaire de vote des budgets. Il est tel ingénieur qui reçoit des indemnités dont le chiffre s'élève jusqu'à 4,800 fr. par an, et qui sont imputées sur les allocations du budget ; il est tel ingénieur en chef qui a un traitement de 8,800 fr. et 6,000 fr. d'indemnités pour les travaux exécutés dans le pays ; or si les ingénieurs, conducteurs, surveillants touchent encore des sommes sur les crédits que nous votons pour les travaux, alors il y a véritablement double emploi.

Je demanderai à cet égard des explications, si on ne m'en donne pas qui soient satisfaisantes, je serai obligé de proposer un amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, la question soulevée par l'honorable membre n'est pas une question nouvelle ; elle a été agitée à différentes reprises, et notamment lors de la dernière discussion du budget des travaux publics. L'allocation portée au budget des travaux publics pour le personnel des ponts et chaussées s'applique, messieurs, à une situation ordinaire. Depuis l'établissement de nos chemins de fer, il a été nécessaire d'augmenter le personnel de direction et de surveillance dans une proportion assez forte, et les fonds de construction de ces grands travaux ont contribué, pour une certaine part, à rétribuer le personnel. Les choses se sont toujours passées ainsi, à la connaissance des chambres et avec le concours de la cour des comptes. Or, messieurs, si l'imputation, sur laquelle portent les observations de l'honorable M. Osy, n'était pas une imputation régulière, il est probable qu'elle n'aurait pas été admise par la cour des comptes.

Voici, messieurs, quelle a été la marche suivie. On a imputé jusqu'ici sur l'allocation du personnel des ponts et chaussées les traitements des ingénieurs et des conducteurs, plus les indemnités des agents attachés au service ordinaire des ponts et chaussées ; mais les indemnités des ingénieurs attachés à des services spéciaux ont toujours été prélevées sur les crédits spéciaux, et il n'eût pas été possible d'agir autrement sans augmenter d'une manière assez notable l'allocation du personnel des ponts et chaussées.

Il n'y a pas eu de double emploi dans l'indemnité de 3,750 fr. allouée en 1843 à l'ingénieur en chef chargé du service de la Campine. Cet ingénieur touche un traitement fixe de 5,200 fr., plus une indemnité qui représente les frais de bureau et tous les frais de déplacement.

Or, le service de cet ingénieur en chef est extrêmement étendu, il s'étend depuis Liège jusqu'à Anvers, en traversant toute la Campine. Il est (page 1855) à observer encore que le service de la Campine est particulièrement coûteux ; ce pays est généralement dépourvu de moyens de transport ; les ingénieurs sont obligés de se servir de voitures particulières pour leurs déplacements, ce qui élève beaucoup la dépense.

En toutes circonstances, messieurs, le département des travaux publics a eu soin de réduire, autant que possible, les traitements et indemnités portés sur les fonds spéciaux.

Ainsi, dès cette année, les décès et les mises à la pension ont permis de reporter sur l'allocation du personnel des ponts et chaussées, certains traitements qui avaient été payés jusqu'ici sur les fonds spéciaux. Cette marche continuera à être suivie à l'avenir, mais pour le moment il y a impossibilité de supprimer les allocations pour le personnel comprises dans les crédits spéciaux, sans augmenter du même chiffre l'allocation du personnel des ponts et chaussées. Là, messieurs, est toute la question, elle a été discutée par la section centrale du budget des travaux publics de 1846 et cette section centrale a été d'avis qu'il serait utile de laisser provisoirement les choses dans l'état où elles se trouvent.

M. Mast de Vries. - Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque j'ai entendu l'honorable M. Osy dire que si nous accordions les 1,500,000 francs dont il a parlé, il était inutile de voter les budgets. Je ferai remarquer à l'honorable membre qu'il est encore différents traitements d'ingénieurs qui sont portés sur des fonds spéciaux.

Le chiffre des sommes portées sur les fonds spéciaux diminue tous les ans, mais cette année il s'élèvera encore à 84,000 fr. Cet état de choses est provenu de ce qu'il a fallu former un corps d'ingénieurs tout à fait spécial pour la construction du chemin de fer, mais aujourd'hui on rentre insensiblement dans les conditions normales. Il a été nécessaire de suivre ce mode, car si dès le principe on avait voulu donner des nominations définitives à tous les ingénieurs et conducteurs attachés au chemin de fer, on aurait créé un nombre considérable de fonctions nouvelles.

M. Osy. - Messieurs, je vois figurer au chapitre V du budget des travaux publics, pour traitements des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de déplacement, indemnités et dépenses éventuelles 451,000 fr. Il me semble que, pour mettre la cour des comptes et la chambre à même d'apprécier les dépenses de l'Etat, on ne devrait pas imputer sur les fonds spéciaux des traitements d'ingénieurs ou de conducteurs, car de cette manière il peut y avoir de doubles emplois. J'ai vu un arrêté pris par M. d'Hoffschmidt qui alloue aux ingénieurs un traitement fixe et un supplément pour toutes les dépenses faites dans le pays. Si maintenant on peut encore prendre pour cet objet sur les fonds spéciaux, comment voulez-vous que la cour des comptes s'assure qu'il n'y a pas de double emploi ?

M. le ministre des travaux publics dit que les mesures prises à cet égard l'ont été au su de la chambre. Eh bien, messieurs, depuis 5 ans que je siège dans cette enceinte, j'ai examiné avec soin les affaires du gouvernement, et je dois dire que si de semblables actes ont été posés on nous les a cachés, car jamais nous n'avons eu de développement des dépenses, jamais on n'a dit que sur ce fonds spécial on prenait les traitements.

Les traitements fixés par arrêté royal se prennent sur le budget ; et dans l'état déposé par le ministre, je vois figurer les traitements variables, les traitements fixes, les frais d'études et les frais de route, de sorte qu'indépendamment de ce que nous votons, on donne encore des suppléments. L'ingénieur de la Campine, qui jouit d'un traitement fixe de 3,400 fr., a reçu 4,800 fr. de supplément de traitement ; l'ingénieur de seconde classe, qui a un traitement de 2,200 fr., a reçu un supplément de traitement de 1,800 fr., ce qui a porté son traitement à quatre mille fr. C'est là une marche irrégulière. Je pense que la cour des comptes veillera à ce qu'il n'y ait pas double emploi, et qu'elle n'autorisera le payement que des traitements et indemnités fixés par arrêté royal. J'engage le gouvernement à abandonner cette marche et à ne plus prendre à l'avenir sur les fonds spéciaux que les dépenses de travaux.

J'engage la cour des comptes à tenir note de la déclaration faite par le ministre des travaux publics.

M. de La Coste. - L'observation que j'ai à présenter n'a pas rapport à l'objet dont vient de parier M. Osy, mais à celui dont M. de Man a entretenu la chambre ; les fonds demandés ont en partie pour but l'exécution de canaux décrétés en vertu du principe que nous invoquons à notre tour ; c'est que pour l'écoulement des eaux et pour la navigation, il faut des voies différentes. On demande un canal latéral au Demer pour que la navigation ait lieu dans la direction de cette rivière, en même temps que l'écoulement des eaux et sans lui nuire, comme on a obtenu des canaux dans d'autres contrées pour séparer l'écoulement de la navigation, attendu qu'on a reconnu qu'en les confondant on n'obtenait que des résultats fort incomplets.

Sentant la nécessité d'être court, je me bornerai à dire que la déclaration de M. le ministre des travaux publics causera une impression très pénible dans les localités qu'elle intéresse, mais je me flatte que nous ne devons pas la regarder comme une fin de non-recevoir définitive et j'engage le gouvernement à s'occuper sérieusement de cet objet.

M. Dubus (aîné). - J'avais demandé la parole pour ajouter quelques mots à la réponse que M. Mast de Vries a faite à M. Osy. On a critiqué l'emploi des crédits votés par la chambre, parce qu'une partie a été affectée au payement des traitements et salaires du personnel attaché à la direction et à la surveillance des travaux de canalisation dans la Campine.

Je dois faire remarquer que cette application est parfaitement régulière, puisqu'elle est conforme aux prévisions qui avaient été soumises à la chambre car, quand la chambre a voté ce crédit, elle l'a voté avec cette destination. Quand au mois de septembre le gouvernement a demandé le crédit pour continuer les travaux de canalisation de la Campine, il a donné un tableau de l'emploi de ce crédit. Voici ce que j'y lis :

Les traitements et salaires du personnel attaché à la direction et à la surveillance des travaux s'élèvent jusqu'à ce jour à fr. 119,076 46 c. L'on ajoute la somme estimée nécessaire au payement des traitements et des salaires du personnel attaché à la direction et à la surveillance des travaux pendant le premier semestre de 1846 à 19,800. Ainsi, voilà à 14 mille francs près les 153 mille francs mentionnés dans le projet qui vous est soumis.

Pourquoi y a-t-il eu 13,000 fr. de plus ? Apparemment à cause de la situation malheureuse des populations ; on aura voulu donner une plus grande activité aux travaux, on aura fait travailler partout à la fois, et par conséquent les frais de surveillance auront été plus considérables.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Les crédits de 1,750,000fr., de 1,110,000 fr. et de 930,000fr., successivement alloués par les lois des 29 septembre 1842, 24 juillet 1844 et 24 septembre 1845, pour les travaux du canal de la Campine, sont augmentés de 200,000 fr. »

- Adopté.


« Art. 2. Les crédits de 550,000 fr. et de 700,000 fr., successivement alloués par les lois du 26 juin 1842 et du 20 février 1844, pour les travaux de la première section du canal de Zelzaete à la mer du Nord, sont augmentés de 330,000 fr. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Un crédit de cinq cent huit mille francs (508,000 fr.) est ouvert au département des travaux publics pour le payement de l'entreprise du réendiguement du polder de Lillo. »

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, les travaux de réendiguement du polder de Lillo ont été autorisés par la loi du 9 avril 1844. Il résulte de l'article 2 de cette loi, que la pensée de la législature était, que les propriétaires intéressés avaient à contribuer à cette dépense.

En voici le texte : « Le gouvernement, dans la prochaine session, rendra compte aux chambres des sommes que le trésor public est en droit de recouvrer des propriétaires par suite des réserves apportées aux lois relatives aux réendiguements des polders. »

Ainsi, messieurs, le gouvernement était tenu de rendre compte, dans la session qui a suivi la promulgation de la loi, des sommes qu'il avait à recouvrer sur les propriétaires intéressés ; ainsi le trésor ne devait pas supporter cette dépense à lui seul.

Je ne sache pas que le compte ait été rendu. S'il ne l'a pas été, je demanderai à M. le ministre des travaux publics, comment il arrive qu'il n'ait pas été satisfait aux prescriptions de la loi, et j'insiste, en tout cas, pour que ce compte soit rendu sans retard.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, les fonds votés pour le réendiguement des polders des deux rives de l'Escaut, ont été accordés sous la réserve d'un recours contre les propriétaires intéressés, s'il y a lieu ; c'est la formule insérée dans toutes les lois de crédit. On a donc fait la réserve d'un recours, pour le cas où l'on croirait ce recours convenable. Cette question du concours des intéressés a été discutée dans un rapport antérieur à la loi qui a autorisé le dernier réendiguement du polder de Lillo, et les conclusions de ce rapport étaient qu'à n'envisager que la législation sur les polders, le recours serait de droit. Mais on a en même temps fait observer à la chambre que cette question avait une affinité très grande avec celle des indemnités par suite des événements de guerre. On se souviendra que des indemnités n'ont pas été accordées aux propriétaires des polders inondés pour non-jouissance de leurs propriétés. C'était là, messieurs, une circonstance à prendre en considération. Ces propriétaires ont souffert gravement des événements de guerre de 1830. Toutefois, la question de concours est restée ouverte, parce qu'elle avait été réservée par les chambres.

Je reconnais que le délai dans lequel un rapport ultérieur devait être fait à la chambre est expiré.

Je donnerai mes soins à ce que cette omission soit réparée le plus tôt possible. Mais cette observation ne peut en aucune manière infirmer la demande de crédit qui est actuellement soumise aux chambres, par la raison qu'il y a un contrat entre le gouvernement et les entrepreneurs, et que le gouvernement doit remplir les obligations que ce contrat lui impose, quelle que soit sa position vis-à-vis des propriétaires intéressés.

M. Mast de Vries, rapporteur. - Il entre sans doute dans les intentions de M. le ministre des travaux publics de faire supprimer désormais dans le budget des travaux publics toute allocation pour la surveillance des polders.

On a présenté dans la séance de ce jour l'analyse d'une pétition par laquelle les entrepreneurs du réendiguement du polder de Lillo demandent des indemnités.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, il y a eu effectivement une contestation entre le gouvernement et les entrepreneurs du réendiguement du polder de Lillo, après la seconde rupture de l'ouvrage. Cette contestation avait été portée devant les tribunaux ; mais les entrepreneurs ont fait au gouvernement la proposition de reprendre les travaux en postposant le litige. Le gouvernement a accédé à cette proposition, en faisant la réserve de tous ses droits. Ce qui résulte de cet état de choses, c'est que les entrepreneurs élèvent une prétention contre le gouvernement, prétention dont le gouvernement n'a jamais reconnu la légitimité ; le gouvernement s'est renfermé dans la lettre du contrat, (page 1857) et n'a admis aucune déviation à ce qui lui semblait être compris dans ce contrat.

Il est très vrai que les travaux du réendiguement de Lillo ont été entravés par des circonstances malheureuses ; il y a eu, je pense, jusqu'à trois ruptures de la digue. Les entrepreneurs ont toujours repris l'ouvrage, et ils ont fini par le mener à bien. Il y aurait peut-être lieu, en équité, de prendre cette position en considération ; mais, je le répète, ce serait là une indemnité accordée par des considérations d'équité en dehors du contrat, et le gouvernement ne s'est pas cru autorisé à admettre cette déviation aux conditions du contrat.

L'honorable M. Mast de Vries a demandé si les frais de surveillance du polder de Lillo sont à la veille de cesser. Je puis lui répondre affirmativement : la réception définitive du travail aura lieu au mois de novembre prochain ; à cette époque, la digue sera remise à la direction du polder, et le gouvernement deviendra étranger aux travaux qui ont été exécutés sur ce point. Il n'y aura donc plus d'allocation à porter aux budgets subséquents pour le service du polder.

M. Rogier. - Des réclamations ont été adressées au département de la guerre et à celui des travaux publics pour obtenir la construction d'un pont indispensable à la circulation dans la commune de Lillo. Je ne sais si une somme destinée à cet ouvrage est comprise dans le crédit demandé. Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir s'occuper de cet objet, de concert avec son collègue de la guerre ou de l'intérieur.

La communication dont il s'agit peut s'établir à peu de frais, elle a toujours existé avant les inondations et elle est, je le répète, indispensable à cette commune, qui n'a eu que trop à souffrir des malheurs de la guerre.

M. Fleussu. - M. le ministre des travaux publics vient de nous entretenir des difficultés survenues entre le gouvernement et les entrepreneurs du réendiguement du polder de Lillo. La somme qui nous est demandée a pour objet de payer le prix du marché à forfait. Je vois dans une pétition que les entrepreneurs demandent une somme pour travaux extraordinaires qu'ils ont dû faire, attendu que le terrain fourni par le gouvernement présentait de grands défauts qui ont entraîné dans des dépenses considérables. Cette pétition a été déposée sur le bureau ; elle est accompagnée de consultations d'avocats distingués. Je demande, pour que suite soit donnée à cette pétition, qu'elle soit renvoyée au ministre des travaux publics.

M. Veydt. - Le réendiguement du polder de Lillo a produit un grand bien, en rendant à la culture des centaines d'hectares de bonnes terres. Mais il y a encore autre chose à faire. Il n'existe plus, à proprement parler, de commune de Lillo ; ses malheureux habitants sont dispersés dans les communes voisines, ou vivent dans de misérables cabanes, qui forment ce que l'on a nommé le village de paille (strooyen dorp). Les maisons du centre de l'ancienne commune ont toutes été détruites.

Si l'on veut la reconstituer il faut bâtir.

L'on a eu un moment l'idée de fondre Lillo dans le territoire des villages voisins ; mais un grand nombre de réclamations se sont élevées contre ce projet. Une commission chargée d'étudier cette question a cru devoir l'abandonner et s'est prononcée pour une reconstruction. Elle a fait un travail qui fournit d'excellents renseignements et qui est, je pense, entre les mains de M. le ministre de l'intérieur. Je le prie, en conséquence, d'en faire le plus promptement possible l'objet de son examen et de nous présenter un projet de loi avant la fin de notre session.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable préopinant a demandé qu'on présentât un projet de loi pour reconstituer la commune de Lillo. Avant de présenter une demande de crédit pour cet objet, j'ai dû consulter le département des finances. Mon collègue connaît parfaitement la situation de cette localité. Mais je pense qu'une autre proposition a été faite, celle d'annexer la commune de Lillo à d'autres communes, parce que la reconstruction de cette commune exigerait des dépenses considérables, et qu'il faudrait ensuite pourvoir aux frais d'administration. Cette seconde phase ne m'ayant pas été communiquée, je n'en ai pas pris connaissance. Je dois donc soumettre la question à un nouvel examen. A la session prochaine il me sera possible de faire une proposition aux chambres dans l'un ou l'autre sens, suivant qu'on le trouvera plus convenable.

- Le renvoi de la pétition au ministre des travaux publics, proposé par M. Fleussu, est mis aux voix et prononcé.

L'article 3 est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Les majorations de crédit, et le crédit qui fait l'objet des articles 12 et 13 seront provisoirement couverts au moyen de bons du trésor à émettre au fur et à mesure des payements à effectuer pour les travaux qui seront exécutés. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

- Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité des 55 membres qui ont répondu à l'appel ; il sera transmis au sénat.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère de l'intérieur

Discussion générale

M. Osy. - Vous aurez tous été frappés comme moi de la masse de demandes de crédits supplémentaires qu'on nous présente à la fin d'une session. C’est la marche la plus désastreuse, car à la fin d'une longue session, il est impossible d'examiner avec soin les actes du gouvernement qui nécessitent ces demandes.

Cependant, je dois dire que cette fois-ci du moins le crédit du département de l'intérieur a été examiné, j'en fais mon sincère compliment à l'honorable rapporteur.

Nous devons, je pense, examiner ceci avec attention et adopter la proposition de la section centrale.

Avant d'aborder la discussion des articles, je demanderai à M. le ministre de l'intérieur pourquoi il a accordé plus de faveur aux commissaires d'arrondissement qu'aux membres de l'ordre judiciaire et de la cour des comptes. Ceux-ci, d'après la loi qui a fixé leurs traitements, ont six mois pour opter. Pourquoi a-t-on accordé un délai d'un an aux, commissaires d'arrondissement ?

Je demanderai également pourquoi le commissariat du district d'Anvers reste vacant depuis près de cinq mois. Si l'on veut y nommer un homme politique, un homme qui n'y ait pas de droits, je conçois qu'on hésite. Mais si l'on veut nommer un commissaire de district d'un arrondissement secondaire, ayant acquis par de longs services un titre à l'avancement, comme il y en a plusieurs dans les Flandres, je ne conçois pas pourquoi cela traîne autant.

Je demanderai quelles sont à cet égard les intentions de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable membre demande pourquoi l'on a donné aux commissaires d'arrondissement un délai d'un an pour opter, alors que la loi n'a accordé que six mois aux membres de l'ordre judiciaire. Je ferai remarquer que l'article 16 de la loi du 20 mai 1845 qui interdit aux magistrats, sous des peines disciplinaires, toute espèce de commerce et l'administration de sociétés ou établissements industriels, ne fixe pas le délai dans lequel ils devront opter.

Lorsque j'ai annoncé que mon intention était de proposer au Roi de prendre un arrêté pour appliquer la même règle aux commissaires d'arrondissement, je n'ai pas fixé de délai. Si l'on considère la nature des intérêts engagés et la position difficile d'un fonctionnaire qui doit abandonner la carrière administrative, à laquelle il s'est voûté depuis un grand nombre d'années, ou sacrifier des intérêts considérables, on ne trouvera pas que le délai d'un an soit trop long.

L'honorable membre regrette que le commissaire de l'arrondissement d'Anvers ne soit pas encore nommé ; cette place est vivement sollicitée par un grand nombre de candidats. Jusqu'à présent, je n'ai pas eu le loisir d'examiner toutes les demandes, de peser tous les titres. C'est une affaire dont je m'occuperai ultérieurement.

En attendant, l'intérimaire remplit convenablement ses fonctions, et le service administratif de l'arrondissement n'est pas en souffrance.

M. Manilius. - Je demande la parole pour déclarer que je ne pourrai donner mon assentiment au projet de loi qui, comme l'a fort bien dit l'honorable M. Osy, nous a été présenté à la fin de la session, et est mis en discussion, alors que nous sommes au moment de nous séparer.

Il est une autre raison pour laquelle je ne voterai pas le crédit, c'est qu'une partie a pour objet de couvrir des dépenses faites par différentes provinces, au-delà des limites de leur budget, pour le mobilier de l'hôtel provincial.

Or, vous avez tous présent à la mémoire ce qui s'est passé il y a peu de temps, lors de la discussion du budget de l'intérieur. Il s'agissait de demandes de crédit pour plusieurs provinces où le matériel délabré exige des réparations ; la parcimonie a été poussée si loin que l'on a refusé à la Flandre orientale une somme minime de 2,000 fr.

Aujourd'hui, au dernier moment, lorsque, il faut en convenir, chacun de nous ne pense qu'à s'en aller, on vient nous demander 14,000 francs pour la province d'Anvers, autant pour la province du Hainaut. Il est temps, messieurs, de mettre un terme à cette marche irrégulière.

Je vois dans le travail de l'honorable M. Veydt que déjà le gouvernement s'était opposé à ces dépenses, que déjà des circulaires ont été adressées par M. Van de Weyer, prédécesseur de l'honorable M. de Theux, aux administrations provinciales pour qu'on ne continue plus ces dépenses irrégulières. Néanmoins on les a continuées même depuis que le projet de loi nous est soumis, car une augmentation nous a été demandée à ce titre dans la section centrale.

Si nous ne prenons pas le parti de rejeter les demandes de crédit qui nous sont faites, on persévérera dans ce système, si commode pour l'administration.

Pourquoi d'ailleurs accorderait-on à la province d'Anvers 14,000 fr. pour dépenses extraordinaires de réparations du mobilier de l'hôtel provincial de 1841 à 1844 ? La Flandre orientale a vainement demandé 2,000 fr. pour réparer un mobilier qui date de l'empire et qui, réellement, ne répond pas à sa destination. Car l'hôtel provincial de la Flandre orientale est destiné à recevoir les personnes les plus distinguées, des personnages augustes. Il n'y a pas de palais royal à Gand, il faut donc un ameublement convenable. A Anvers, c'est tout différent, il y a un palais. Quand des souverains étrangers vont dans cette ville, ils descendent au palais du Roi. Quand le Roi va à Anvers, il habite son palais. Mais à Gand, c'est au milieu de vieux débris que l'on doit loger d'augustes personnages. Quand on demande 2,000 fr. pour réparer le mobilier, on nous les refuse. Qu'il me soit permis, à mon tour, de refuser les crédits demandés pour d'autres provinces où ces dépenses étaient bien moins utiles. Il est encore une autre raison pour laquelle je voterai contre le crédit. On demande une somme pour imprimés du ministère de l'intérieur, pour indemnités, pour frais de rédaction. Croit-on que nous ne nous rappelons (page 1858) pas ce qui s'est passé dans cette enceinte ? M. le ministre de l'intérieur a déposé sur le bureau un rapport sur les octrois des villes. La chambre en a ordonné l'impression qui est évidemment à son compte. Comment se fait-il qu'on nous demande maintenant un crédit à ce titre ? C'est, à ce qu'il paraît, pour donner une indemnité à ceux qui ont rédigé le rapport. Mais quand un ministre dépose un rapport, nous n'avons pas à en payer les frais de rédaction. Si le ministre ne rédige pas lui-même, il a son monde, il a ses employés qui sont largement payés.

Il y a plus, je vois dans ce même rapport que l'on a donné aux employés des archives qui ont fourni les éléments du rapport, des faveurs, un nombre d'exemplaires. Il m'est revenu qu'il s'en vend au profit de ceux qui ont fait des travaux pour le rapport. Tout cela est fort irrégulier. (J'en excepte toutefois un archiviste qui a refusé toute récompense pécuniaire, comme le signale le rapport.)

La chambre fera bonne justice en refusant une fois pour toutes un pareil crédit. On dépose le rapport il y a peu de jours, aujourd'hui on ouvre la discussion quasi à l'improviste quand nous ne sommes préparés à rien ; quand nous croyions qu'il nous serait fait une communication importante par le gouvernement, on nous dit : Vous n'aurez pas la communication que vous attendiez, mais vous voterez notre crédit.... Eh bien ! je ne le voterai pas. (On rit.)

M. de Corswarem. - Je demande la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable préopinant est entré dans des considérations de détail. Il serait préférable, je crois, de se renfermer dans la discussion générale, et de discuter ensuite le projet de loi par littera ; sans quoi il y aura inévitablement confusion.

Si donc l'honorable M. de Corswarem ne se propose pas de parler sur l'ensemble du projet, je l'engagerai à renoncer pour le moment à la parole.

M. de Corswarem. - Volontiers ; je me réserve de parler sur le lit. B.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je me bornerai pour le moment à donner une explication sur ce qu'a dit l'honorable membre, quant à l'époque à laquelle le projet de loi a été présenté.

Lorsque je suis arrivé au ministère, ce n'est pas de ce crédit supplémentaire que j'ai pu m'occuper en premier lieu. Nous avons dû nous occuper d'abord d'intérêts plus importants. Cependant je n'ai pas tardé à connaître la situation des crédits dont il s'agit. J'ai aussitôt préparé le projet de loi et je l'ai communiqué à mon collègue des finances.

A entendre l'honorable préopinant, il semblerait que cette discussion arrive par surprise. Il n'en est rien. La section centrale a pris tout le temps nécessaire pour examiner le projet de loi ; tous les renseignements qu'elle a demandés lui ont été communiqués. L'étendue du rapport prouve bien que ni la section, ni son rapporteur n'y ont mis de précipitation.

La discussion vient, dit-on, à la fin de la session ; mais on ne peut en faire un grief au gouvernement ; car à ce point de vue, les divers projets, quels qu'ils soient, que l'on discute à la fin d'une session pourraient également être critiqués.

Il n'y a là aucune espèce de calcul. Le fait s'explique de lui-même tout naturellement.

J'aurais désiré que cette demande de crédit fût discutée depuis longtemps. C'est à regret que j'ai vu cette discussion renvoyée à la fin de la session.

Veuillez remarquer que si le projet de loi relatif au traité avec la Hollande avait été présenté, comme nous l'avions espéré, il aurait fallu l'examiner en sections ; l'ordre du jour aurait donc été maintenu.

Ainsi de ce chef les observations de l'honorable préopinant sont dénuées de fondement.

- La chambre, consultée, prononce la clôture de la discussion générale et passe à la discussion du littera A ainsi conçu.

Discussion de l’article unique

Littera A, 1°

« Projet du gouvernement

« A. 1° Hôtel du gouvernement provincial d'Anvers, fr. 14,282 42

« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 12,895 09

« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement, fr. 5,798 65. »

« Projet de la commission

« A. 1° Hôtel du gouvernement provincial d'Anvers, fr. 12,423 95

« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 10,990 46

« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement, fr. 5,798 65. »

M. le ministre des finances (M. Malou). - Si l'honorable membre avait consulté les pièces jointes à l'exposé des motifs du projet de loi, il aurait vu que la dépense de 14,282 fr. 42 c. s'applique à plusieurs exercices (de 1841 à 1844). Je puis dire que cette dépense, qui excède les limites des crédits, a été faite utilement pour l'hôtel du gouvernement provincial d'Anvers, et m'a permis, pendant les dix mois que j'y ai passés, de ne rien faire pour l'entretien de cet hôtel. Ce crédit est devenu nécessaire, parce que les dépenses datant de plusieurs années déjà, il devient impossible d'en différer davantage le payement.

Je reconnais qu'il est désirable qu'à l'avenir les diverses administrations, tant provinciales que centrales, se renferment dans la limite des crédits, ou demandent des crédits supplémentaires avant que les dépenses ne soient faites.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable M. Manilius se plaint de ce que le crédit demandé pour réparations du mobilier de l'hôtel provincial de la Flandre orientale ait été réduit de 2,000 francs. Mais il n'ignore pas qu'il n'a pas dépendu de moi que le crédit n'ait été alloué intégralement. Ce ne peut donc être un grief contre le ministère.

Mon honorable collègue des finances vous a donné quelques explications. J'en ai reçu également de son honorable prédécesseur au gouvernement d'Anvers.

La section centrale propose une réduction de 2,000 fr., tout en reconnaissant la réalité des créances. Elle espère que l'on pourra trouver cette somme sur les budgets de 1846 et 1847. Il me serait impossible de dire si le gouvernement pourra suivre la marche indiquée par la section centrale. Si ce n'était pas possible, si l'administration devait souffrir de cette réduction, je me réserverais de proposer une augmentation au budget prochain.

Il y a une difficulté, en ce que la cour des comptes ne liquide pas les dépenses arriérées imputées sur des exercices ouverts, à moins qu'on ne leur donne une date nouvelle. Cependant l'intention de la chambre étant connue, cette marche pourra, je pense, être suivie.

M. Veydt, rapporteur. - M. le ministre de l'intérieur s'étant rallié à la réduction de 2,000 fr., je n'aurai qu'un mot à dire.

En réponse à l'honorable M. Manilius, je rappellerai que le rapport a été déposé vendredi et distribué dimanche dans la matinée. J'ai pris très peu de temps pour le faire.

Ce que vient de dire à l'instant M. le ministre des finances vient à l'appui de la proposition de la section centrale. Par suite des dépenses faites antérieurement pour la restauration de l'hôtel et le renouvellement d'une partie de son mobilier, des économies ont été possibles sur l'exercice 1845.

Il est donc à peu près certain que sur le budget courant et sur celui de l'année prochaine, le gouverneur de la province pourra trouver ou économiser la somme de 2,000 fr., dont la section centrale propose la réduction.

Elle s'est arrêtée à cette résolution pour se mettre d'accord ; ç'a été pour elle un terme moyen, qui a fait écarter la proposition du rejet de la totalité du chiffre. La section tenait à poser un acte qui atteste d'une manière plus positive que par de simples observations, qu'elle désapprouve entièrement la marche irrégulière qui a été suivie.

M. Manilius. - M. le ministre de l'intérieur semble croire que mon refus de voter le crédit est basé sur le besoin d'attaquer le ministère, mais M. le ministre de l'intérieur n'est pour rien dans tout cela : lui qui n'est ministre que de cette année, n'a pu commettre ces fautes l'an passé.

J'ai demandé la parole pour inviter M. le ministre des finances à expliquer mieux ce qu'il a dit tout à l'heure. Il a dit que pendant dix mois qu'il a passés à Anvers comme gouverneur, il n'avait fait aucune dépense. A ce compte le crédit serait intact et un crédit supplémentaire ne serait pas nécessaire. Mais, soyez-en sûrs, on aura bien trouvé le moyen, pendant la durée de l'exercice, de dépenser la totalité du crédit. Ce qui le prouve, c'est qu'on nous demande maintenant un crédit supplémentaire pour des dépenses faites il y a quatre ou cinq ans.

M. le ministre de l'intérieur a dit que je n'avais pas examiné l'affaire ; qu'il s'agissait de dépenses faites de 1841 à 1844. Mais je l'ai positivement déclaré : c'est précisément parce qu'il s'agit de dépenses cachées pendant plusieurs années que je refuse le crédit, pour apprendre au gouvernement à suivre une marche régulière et plus conforme à la marche administrative et en harmonie avec la bonne comptabilité.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Les explications que j'ai données sont fort simples. J'ai reconnu que les dépenses dépassaient le crédit ; j'ai ajouté qu’elles avaient été faites utilement, et que j'avais pu par suite ne pas absorber le crédit porté au budget dans la proportion du temps pendant lequel j'ai rempli les fonctions de gouverneur.

M. Delfosse. - Il est bon que l'on sache quelle est la portée de la proposition de la section centrale ; elle a proposé une réduction, moins pour opérer une économie que pour blâmer et faire cesser des irrégularités qui se commettent dans tous les ministères. Vous êtes appelés à voter les budgets, mais à quoi sert ce vote, à quoi sert la limitation des dépenses s'il est permis à MM. les ministres de faire des dépenses plus fortes que celles que vous avez votées ?

La chambre montre parfois l'intention de réaliser des économies, elle réduit certaines allocations des budgets, eh bien ! il arrive fréquemment que le ministère dépasse de beaucoup le chiffre des allocations ; c'est se jouer du pays, c'est se jouer de la chambre qui représente le pays. Il est temps de mettre un terme à ces irrégularités qui ont plus de gravité qu'on ne le pense. Tous les ans nous votons des crédits supplémentaires considérables, cela jette le désordre dans nos finances, c'est là une des principales causes du déficit.

Lorsqu'un ministre a fait des dépenses qui excèdent les limites du budget, il se garde bien de venir nous demander lui-même des crédits supplémentaires, il laisse ce soin à son successeur. Celui-ci a une position facile : si l'on fait des observations, il se tire d'embarras en répondant qu'il n'y a pas de sa faute, que c'est le fait de son prédécesseur. La chambre désarmée alloue les fonds, et le ministre qui les a obtenus aussi facilement ne manque pas de suivre l'exemple de son prédécesseur, il fait aussi des dépenses en dehors des budgets, laissant à ceux qui viendront après lui, le soin de les payer.

La chambre, je le répète, doit mettre un terme à ces dépenses irrégulières. Jusqu'à présent nous avons voté sans trop de difficulté les crédits supplémentaires que l'on nous a demandés, nous nous sommes bornés à inviter MM. les ministres à se renfermer dans les limites des budgets, (page 1859) nous nous sommes bornés à donner des avertissements qui ont été inutiles.

Si l’on ne veut pas que l'abus se perpétue, il faut aller plus loin, il ne faut accorder qu'une partie des crédits qui nous sont demandés. C'est dans ce but que la section centrale a proposé une réduction de deux mille francs ; elle a entendu blâmer la marche qui a été suivie ; le vote aura cette portée.

Les ministres doivent se renfermer dans les allocations du budget. Lorsqu'elles sont épuisées et insuffisantes, ils doivent demander des crédits supplémentaires avant que les dépenses soient faites et non après. Lorsque les dépenses sont faites, la chambre n'a plus une entière liberté de vote ; il est bien des dépenses qui sont permises parce qu'elles sont faites, qui seraient rejetées si elles étaient à faire.

Donnons une fois une leçon à MM. les ministres, et réservons-nous d'en donner une plus sévère, si elle ne suffit pas. Rejetons aujourd'hui une partie du crédit, et plus tard, si l'abus ne cesse pas, nous le rejetterons tout entier.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - De quelque manière qu'on veuille entendre la proposition de la section centrale, le blâme même implicite ne peut en aucune manière retomber sur le ministère, puisque le ministère actuel est entièrement étranger à ces faits ; il ne peut pas retomber davantage sur le ministère précédent, puisqu'on sait que ces dépenses ont été faites sans autorisation spéciale et préalable du ministre.

Pour moi, je désire vivement que les crédits ne soient jamais dépassés ; car de toutes les missions du ministère, une des plus désagréables est de venir demander des fonds pour combler des déficits. Toutefois il y a une distinction à faire.

Les crédits supplémentaires que j'ai demandés sont assez considérables ; mais en général ils concernent des dépenses qu'il était impossible d'évaluer à l'avance.

Ainsi la dépense relative aux épizooties dépend du nombre des animaux abattus, du nombre des cas d'épizootie qui se sont présentés. Tout cela est tarifé par les règlements. Si ces dépenses excèdent les prévisions, il faut un crédit supplémentaire.

Il en est de même pour les dépenses des jurys d'examen et pour beaucoup d'autres.

Ainsi les observations de l'honorable membre ne peuvent s'appliquer qu'aux dépenses du matériel, soit des ministères, soit des gouvernements provinciaux. Eh bien, tout en reconnaissant avec l'honorable membre que ce doit être un principe aussi fixe que possible de ne pas dépasser un crédit voté, cependant on peut aussi tenir compte des circonstances spéciales qui se présentent ; notamment lorsqu'il arrive un nouveau fonctionnaire qui désire, par exemple, que l'hôtel soit convenablement arrangé, on conçoit qu'il y ait une dépense supplémentaire à faire. Je sais qu'il eût été régulier d'attendre que le crédit eût pu être voté au préalable, mais la chose essentielle est de savoir si la dépense a été faite utilement.

Si les fonds avaient été contestés, je comprends que le blâme aurait pu être sévère ; mais si la dépense était utile et que les faits eussent été portés préalablement à la connaissance de la chambre, la chambre aurait alloué le crédit ; ainsi les observations ne doivent pas être aussi sévères que celles que vient de vous présenter l'honorable préopinant. Telle est, je pense, la situation, en ce qui concerne les gouvernements d'Anvers et du Hainaut.

M. Delfosse. - Messieurs, M. le ministre de l'intérieur vient de prononcer des paroles que je considère comme imprudentes ; justifier des dépenses faites par un gouverneur en dehors du budget, par la raison qu'elles ont été utiles, c'est encourager tous les gouverneurs à entrer dans une voie irrégulière ; que pourra répondre M. le ministre de l'intérieur, lorsque ces fonctionnaires auront dépassé les allocations du budget, et qu'ils diront : Les dépenses que nous avons faites sont aussi utiles que celle que vous avez justifiée devant la chambre.

M. le ministre de l'intérieur nous a dit qu'il y a certaines dépenses qui doivent nécessairement se faire et auxquelles un ministre ne peut pas échapper. Je reconnais qu'il y a des dépenses de ce genre ; telles sont celles qui résultent des séances du jury d'examen ; s'il y a plus de séances qu'on n'en a prévu, il faut bien payer. Pour ces dépenses-là il n'y a rien à dire, et nous ne disons rien, nous proposons d'accorder le crédit tout entier.

Mais il y a d'autres dépenses, et ce sont celles-là que je blâme, que l'on peut empêcher. Nous nous occupons en ce moment de dépenses de ce genre, faites par un gouverneur ; eh bien, je dis que si la chambre les accueille avec trop de facilité, nous aurons chaque année, pour MM. les gouverneurs, des demandes de crédits supplémentaires très considérables.

Tantôt nous aurons à nous prononcer sur des dépenses qui ont été faites par le ministère lui-même. Le ministère a fait acheter du bétail en Angleterre pour une somme plus forte que celle qui est allouée au budget. Pourquoi cela ? Pourquoi ne pas s'arrêter au chiffre du budget ? Si vous aviez besoin d'une somme plus forte, il fallait soumettre une proposition à la chambre et attendre qu'elle eût prononcé. Ce n'est pas la volonté de MM. les ministres, c'est celle de la chambre qui doit régler l'emploi du produit des impôts ; la marche irrégulière qui est suivie en une véritable usurpation de pouvoirs.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, l'honorable membre a mal compris mes paroles ; je n'ai pas approuvé ce qui s'est fait, loin de là ; lorsque j'ai occupé précédemment le ministère de l'intérieur, j'ai eu différentes occasions d'inciter les gouverneurs des provinces et même les employés du gouvernement à se renfermer strictement dans les limites du crédit. Ce que je dis s'applique aux dépenses du matériel ; il arrive parfois dans un département ministériel qu'on dépasse le crédit, sans que le chef du département en ait la moindre connaissance. Il en est de même en ce qui concerne certaines dépenses dans les gouvernements provinciaux. Ainsi, par exemple, le gouverneur de la province d'Anvers, qui a la plus grande part dans cette dépense, m'a informé qu'il a été tout aussi surpris que moi-même, en voyant arriver les comptes qui lui ont été soumis et auxquels il ne s'attendait pas.

J'ai dit que je trouvais le blâme de l'honorable membre trop sévère pour les dépenses qui pouvaient être considérées comme utiles, quoique irrégulières dans la forme. Je n'entends pas du tout approuver l'irrégularité ; je suis d'avis, au contraire, qu'on doit rester dans la régularité, autant qu'il est humainement possible de le faire.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.

Littera A. 2° et 3°

« 2° Hôtel du gouvernement provincial de Mons, fr. 12,895 09 »

La section centrale propose de réduire le chiffre à 10,990 francs 6 centimes.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - C'est la même question que pour le chiffre précédent ; je me rallie au chiffre de la section centrale.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.


« 3° Frais de voyage dus à des commissaires d'arrondissement : fr. 5,798 francs. »

- Adopté.

Littera A, 4°

« 4° Frais de rédaction et d'impression d'un rapport sur les octrois communaux : fr. 20,372 fr. 90 c. »

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, la section centrale n'a pas proposé de réduction sur ce chiffre. Cependant, il est de l'intérêt de l'administration de donner quelques explications sur les faits, parce que celles qui sont contenues dans le rapport de la section centrale sont incomplètes. Voici une note qu'on me fait parvenir à l'instant même.

« Si le rapport de la section centrale n'était expliquée devant la chambre, il pourrait conduire les membres à deux suppositions inexactes et fâcheuses pour la première direction, à savoir : 1° que la part de travail de cette direction dans le rapport sur les octrois se serait bornée aux deux notices signées par M. de Ham ; 2°que la somme de 6,348 fr. 50 c. serait réclamée entièrement pour ce chef de bureau.

« Il y aurait lieu de faire remarquer que la part de travail de l'administration centrale ne se borne pas aux deux simples notices auxquelles on fait allusion ; mais qu'elle comprend en outre et d'abord toute la rédaction du corps du rapport présenté par M. Nothomb, rédaction qui est due à la première direction et à la même plume. »

Je dois ajouter que mon honorable prédécesseur s'est naturellement réservé le soin de diriger la rédaction et qu'il y a mis la dernière main ; mais il n'en est pas moins vrai que c'est un ouvrage extrêmement considérable, et l'on comprend que l'employé chargé de travaux journaliers ne peut pas faire un semblable rapport, si ce n'est en dehors des heures du bureau.

Je reprends la lecture de la note :

« En outre, la première direction a dû faire dresser les nombreux étals statistiques qui forment la matière de la deuxième partie. Neuf employés y ont travaillé assidûment pendant sept mois, hors des heures de bureau.

« La somme demandée est destinée à salarier également les copistes.

« L'indemnité que l'on a cru équitable d'accorder au principal rédacteur du rapport et des deux notices dont il a été fait mention, ne s'élève qu'à 1,800 fr. La somme restante de 4,548 fr. 50 c. doit être répartie entre seize employés d'un ordre inférieur. »

J'ai cru qu'il était opportun de donner communication de ceci à la chambre, afin qu'on ne pût pas dire que certains employés étaient traités d'une manière exceptionnellement favorable.

M. Veydt. - Il n'est pas étonnant que le rapport ne soit pas complet, car nous ne connaissions pas les renseignements que M. le ministre vient d'apporter à la chambre. Nous n'avons eu que le rapport imprimé sur les octrois et les réponses aux questions adressées au gouvernement par la section centrale. Au surplus, je reconnais volontiers que le chef de bureau qu'on a cité a pris une très grande part au travail sur les octrois, et d'après ce qui m'a été communiqué ce matin, il a, indépendamment de la rédaction des notices, dirigé et revu l'ensemble de cette volumineuse publication.

M. de Corswarem. - J'ai demandé la parole quand j'ai entendu dire que le rapport sur les octrois avait été imprimé aux frais de la chambre. Il est vrai que M. Nothomb, alors ministre de l'intérieur, a déposé ce rapport sur le bureau de la chambre qui en a ordonné l'impression. Mais les documents de la chambre ne sont tirés qu'à un certain nombre d'exemplaires et quand le gouvernement demande des exemplaires en sus du nombre fixé pour la chambre, il doit les payer. Le gouvernement a demandé 350 exemplaires en sus, ce sont ces 350 exemplaires qui sont à charge du gouvernement que la somme demandée est destinée à payer.

- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.

Littera B, 2°

« 2°. Fourniture d'exemplaires des exposés des situations administratives des provinces et des recueils des procès-verbaux des séances des (page 1860) conseils provinciaux, 6,792 fr., pour payer la part contributive du gouvernement dans l'acquisition de 300 exemplaires des exposes des situations administratives des provinces et d'un même nombre de recueils des procès-verbaux des séances des conseils provinciaux (1845), distribués aux membres des chambres législatives et aux principales administrations du royaume. »

- La commission propose l'ajournement de toute la somme.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je consens à l'ajournement ; je produirai les renseignements que désire la commission.

« Ces allocations formeront le chapitre XXVI, art. 1er et 2 du budget de 1845. »

Littera C, 1°

« C. Agriculture. 1° 2,040 fr. pour payer les indemnités dues pour bestiaux abattus ; des frais de voyage des médecins vétérinaires ; des frais de la commission d'agriculture du Luxembourg et des frais de voyage d'un membre de la commission chargée de la visite des étalons dans le Hainaut, 2,040 fr. »

- Adopté.

Littera C, 2°

2° Indemnités dues pour bestiaux abattus en 1845 et pour frais de voyages dus à des médecins vétérinaires : fr. 63,000 fr.

- La commission propose une réduction de 14,000 fr. sur les frais de voyage, ce qui réduit le chiffre à 49,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je regrette de ne pouvoir me rallier à la proposition de la commission. La commission pense que les artistes vétérinaires ont exagéré les états de leurs honoraires. Il importe de donner à la chambre une connaissance complète des dispositions sur la matière pour faire comprendre qu'il est impossible aux artistes vétérinaires d'exagérer les états de leurs honoraires. Je suis persuadé que les membres de la section centrale et de la chambre ne voudront, pas, priver les artistes vétérinaires des salaires qui leur sont dus.

L'arrêté royal du 26 juillet 1841 a organisé le service vétérinaire, d'après les bases suivantes :

Je ne lirai que les articles qui sont relatifs à l'objet en discussion :

« Art. 3. Les médecins vétérinaires du gouvernement sont chargés :

« 1° D'exercer une surveillance active sur la santé du bétail, et d'informer le gouvernement et les administrations communales de l'existence des maladies contagieuses ou épizootiques qui se manifestent dans les communes de leur ressort ;.

« 2° De rechercher et de traiter, sur la réquisition des autorités compétentes, les animaux atteints de ces maladies ;

» 3° D'assister aux foires et marchés de leur district, à l'effet de constater l'état sanitaire des animaux qui y sont exposés en vente ;

« 4° D'adresser, tous les trois mois, au gouvernement de leur province, un rapport énonçant les cas de maladies, contagieuses ou épizootiques qu'ils ont observés, ainsi que les faits qu'ils jugent devoir porter à la connaissance du gouvernement, dans l'intérêt du service qui leur est confié.

« Art. 4. Les médecins vétérinaires du gouvernement sont exclusivement appelés par les autorités communales pour rechercher les animaux atteints de maladies contagieuses ou hors d'état de continuer le service public auquel ils sont employés..

« Ils seront également appelés, de préférence aux autres vétérinaires, à faire partie des commissions provinciales chargées de l'expertise des étalons à approuver pour la monte. »

Voici les dispositions qui garantissent les intérêts du trésor :

« Art. 5. Les gouverneurs des provinces,, les commissaires d'arrondissement, le commissaire du service de santé civil, les membres des commissions provinciales d'agriculture et les administrations communales ont seuls le droit de requérir les vétérinaires du gouvernement. »

Vous voyez qu'ils ne peuvent se présenter spontanément et exiger des salaires pour des visites spontanées. Ils doivent avoir été requis.

« Art. 6. Les médecins vétérinaires appelés par les autorités communales à visiter ou à traiter les animaux atteints de maladies contagieuses ou épizootiques, ne peuvent, être chargés de visiter les mêmes animaux plus de deux fois, sans un nouvel ordre écrit du gouverneur de la province, du commissaire, de l'arrondissement, du commissaire du service de santé civil ou de l'un des membres de la commission d'agriculture. Ces ordres ne pourront être délivrés que sur un rapport écrit et motivé des vétérinaires.

« Les visites autres que celles, ci-dessus énoncées, sont à la charge du propriétaire. »

Cet article contient une nouvelle garantie, car ils ne peuvent se présenter plus de deux fois, sans un nouvel ordre écrit.

« Art. 8. Les médecins vétérinaires requis pour un des services publics énoncés dans le présent arrêté devront rendre immédiatement un compte écrit de leur mission à l'autorité dont ils ont reçu les ordres, ainsi qu'au commissaire de leur arrondissement.

« Art. 9. Les médicaments nécessaires au traitement des animaux confiés aux soins des médecins vétérinaires du gouvernement par une des autorités ci-dessus mentionnées seront à la charge des propriétaires, à moins que ceux-ci ne soient reconnus indigents ; dans ce cas, les médicaments seront payés sur le fonds d'agriculture.

« Art. 10. Les frais de route et de séjour des médecins vétérinaires du gouvernement leur seront payés à raison de deux francs par lieue et de quatre francs pour chaque jour employé, tant en voyage qu'en vacation.

« Lorsqu'ils seront requis à l'effet de procéder à des expertises ou à des visites dans la commune du lieu de leur, domicile,, et qu'ils auront employés ces vacations au moins une demi-journée, ils recevront, à titre d'indemnité, le double des frais de séjour mentionnés ci-dessus.

« Dans le cas où ils auront employé à ces vacations moins d'une demi-journée, il leur sera alloué l'indemnité de séjour simple.

« Art. 11. Les médecins, vétérinaires dresseront, tous les trois mois, l’état général de leurs frais de voyage. Ils devront y joindre les pièces suivantes. ;

« 1° Les ordres de voyage ;

« 2° Une copie des rapports adressés par eux aux autorités qui ont ordonné les voyages ;

« 3° Des déclarations des administrations communales énonçant tel jours et les heures de leur arrivée dans les communes, le temps pendant lequel ils y ont séjourné, ainsi que la distance de la commune du lieu de départ ;

« 4° Des déclarations délivrées par les mêmes administrations ou par les propriétaires des animaux qu'ils ont traités, constatant que leurs soins ont été gratuits. »

Il est certain que cet arrêté, qui date déjà de 1841, a reçu son exécution pendant plusieurs années, et qu'il y aurait aujourd'hui en quelque sorte injustice à changer le tarif, au moins en ce qui concerne le passé.

«Il n'y a aucun abus à relever à l'occasion de ces voyages. Ces abusons peuvent même être commis.

En effet, pour être admis en compte ces états doivent être appuyés des pièces suivantes :

(Art. 11 de l’arrêté royal du 26 juillet 1841.)

Un ordre de voyage donné par l'autorité compétente, un certificat du bourgmestre, constatant, que le voyage a eu lieu.

Un certificat du propriétaire du bétail constatant que son bétail a été traité gratuitement.

Toutes ces pièces ont été fournies, et l'on ne peut supposer de la mauvaise foi simultanément chez ces trois personnes et le vétérinaire.

Les vétérinaires du gouvernement font des voyages aux frais du fonds d'agriculture :

1° Pour la surveillance des animaux atteints de maladie contagieuse ;

2° Pour la visite des foires et marchés de bestiaux ;

3° Pour la surveillance des étalons et des taureaux approuvés, employés à la monte publique.

Les frais de voyage fixés par l'arrêté royal du 26 juillet 1844, article 10, sont fixés :

1° à 2 fr. par lieue ;

2° à 4 fr. de séjour.

Le séjour n'est accordé que dans le cas où toute la journée a été employée en vacation ou en voyage.

Ces frais sont-ils trop élevés ? Evidemment non.

Si certains vétérinaires font quelquefois des états qui paraissent trop élevés, cela n'est qu'accidentel et dépend entièrement de l'état sanitaire momentané de son canton, du nombre de foires et marchés qu'il doit surveiller, ainsi que de l'étendue de son district.

Voici maintenant, les frais de voyage par province

Anvers : Nombre de vétérinaires : 8. Frais de voyage : 12,213 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 1,526 fr.

Brabant : Nombre de vétérinaires : 27. Frais de voyage : 8,421 fr. 30 c. Moyenne par vétérinaire : 311 fr.

Flandre occidentale : Nombre de vétérinaires : 11. Frais de voyage : 9,032 fr. 80 c.. Moyenne par vétérinaire : 821 fr.

Flandre orientale : Nombre de vétérinaires : 10. Frais de voyage : 9,032 fr. 80 c. Moyenne par vétérinaire : 1,526 fr.

Hainaut : Nombre de vétérinaires : 31. Frais de voyage : 3,661 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 118 fr.

Liége : Nombre de vétérinaires : 18. Frais de voyage : 5,338 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 291 fr.

Limbourg : Nombre de vétérinaires : 7. Frais de voyage : 2,120 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 320 fr.

Luxembourg : Nombre de vétérinaires : 5. Frais de voyage : 6,506 fr. 00 c. Moyenne par vétérinaire : 1,301 fr.

Namur : Nombre de vétérinaires : 12. Frais de voyage : 7,991 fr. 91 c. Moyenne par vétérinaire : 665 fr.

Ensemble : Nombre de vétérinaires : 129. Frais de voyage : 70,457 fr. 11 c. Moyenne par vétérinaire : 546 fr.

Vous voyez, messieurs, qu'il y a quelquefois des circonstances extraordinaires qui justifient un chiffre dont la justification paraît difficile à ceux qui ignorent ces circonstances.

Je dis donc que les dispositions réglementaires de l'arrêté royal sont suffisamment garantissantes pour les intérêts du trésor, les vacations des vétérinaires ayant été constatées et le tarif décrété en 1844 n'ayant donné lieu, jusqu'à ce jour, à aucune critique, on ne peut pas prendre une mesure rétroactive relativement à- une réduction de ce tarif.

J'espère, messieurs, que l'honorable rapporteur de la section centrale, ayant entendu ces explications et ayant pris connaissance de l'arrêté royal, ne persistera pas à défendre les conclusions de son rapport.

M. Veydt, rapporteur. - Je dois d'abord rectifier une erreur qui trouve sa source dans le rapport même. Je me suis servi du mot « réduction », mais dans l'opinion de section centrale, il n'est pas question d'opérer une réduction définitive, c'est plutôt un ajournement de la moitié de la somme pétitionnée par M. le ministre de l'intérieur» jusqu'à ce qu'il ait pu examiner de nouveau les états des frais de voyage (page 1861) dus aux médecins vétérinaires. Lorsque plus tard, après un nouvel examen, M. le ministre aura acquis la certitude que ces états doivent être liquidés en tout ou en partie, il viendra demander un nouveau crédit, en l'appuyant des renseignements qui nous manquent aujourd'hui.

Messieurs, nous avons pris connaissance de toutes les dispositions qui existent, et nous les avons trouvées fort bonnes, mais nous devons croire qu'elles sont tombées, en quelque sorte, en désuétude, ou qu'on a trouvé le moyen de les éluder.

Il y a des mémoires qui s'élèvent à des sommes si fortes, que, sur ce pied, des artistes vétérinaires auraient jusqu'à 4,000 fr. par an pour frais de voyage et de séjour, et cela dans une province où les épizooties, à en juger par le tableau annexé au rapport, n'ont pas sévi avec plus d'intensité qu'ailleurs. Ce fait a tellement frappé la section centrale, qu'elle s'est dit : Il doit y avoir des abus, et il faut fournir au gouvernement l'occasion de les réprimer. La chose devient encore bien plus saillante, lorsqu'on établit une comparaison entre toutes les provinces, car il y en a où les artistes vétérinaires ne portent en compte que 200 à 250 fr. de frais par trimestre, bien qu'ils aient autant et souvent plus de communes à inspecter.

S'il fallait maintenir l'état de choses que la section centrale a cru devoir signaler, mieux vaudrait, suivant moi, instituer des artistes vétérinaires rétribués par l'Etat, et auxquels on accorderait, chaque année, une somme déterminée pour frais de route et de séjour. De cette manière, nous n'aurions certainement pas à payer 77,000 fr., montant de la dépense déjà faite et du crédit supplémentaire que nous discutons en ce moment, rien que pour les frais durant un seul exercice.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Maintenant, messieurs, que l'honorable rapporteur de la section centrale vient d'expliquer qu'il s'agit seulement d'un ajournement et quoiqu'un ajournement soit toujours fâcheux pour celui qui est créancier de l'Etat, je ne m'opposerai pas à cet ajournement parce que je désire moi-même que la chambre ait tous ses apaisements quant aux observations qui ont été faites. Ainsi je me charge bien volontiers d'écrire aux gouverneurs pour avoir des explications encore plus détaillées sur les faits dont on a parlé. Du reste, quant à la comptabilité, les pièces comptables doivent être fournies pour la liquidation des créances et de ce chef il n'y a rien à redire ; la cour des comptes n'admet les créances qu'autant que les pièces comptables soient fournies. Il ne reste donc qu'à fournir des explications quant au nombre de voyages faits par les artistes vétérinaires, et en ce moment je ne puis m'expliquer, à cet égard que par des considérations générales. Je reconnais qu'il y a des améliorations à introduire dans le service des artistes vétérinaires et j'ai fait moi-même la remarque que le nombre des vétérinaires est trop inégal entre les différentes provinces. Il faudra que le gouvernement avise aux moyens d'obtenir partout un nombre suffisant de vétérinaires, de manière à ce que le district qu'ils ont à parcourir ne soit pas trop étendu ; ce qui, d'une part, diminuera les frais de voyage et assurera, d'un autre côté, aux habitants un service plus prompt.

Ce sont là, messieurs, des questions qui restent à examiner. Pour le moment, puisqu'il est reconnu qu'il ne s'agit point de contester l'arrêté royal, qu'il ne s'agit que de quelques détails d'exécution, je m'engage volontiers à recueillir des renseignements nouveaux et à les communiquer à la section centrale. Le crédit sera seulement ajourné.

M. de Garcia. - Il me semble, messieurs, qu'on est d'accord sur le chiffre demandé et en effet, je crois qu'on doit l'accorder. Cependant l'honorable M. Veydt a exprimé le vœu qu'on apportât quelques économies dans cette partie du service public. Au point de vue de l'économie qu'on peut faire, je partage complétement son opinion, mais je ne crois pas qu'on atteindrait le but en salariant les artistes vétérinaires du gouvernement.

Je crois qu'il y aurait un meilleur moyen de diminuer les frais de voyage, et en même temps de rendre service à l'agriculture. Dans l'état actuel des choses, pour constater les cas d'épizootie qui donnent lieu à indemnité, les cultivateurs dépendent nécessairement de certains vétérinaires désignés par le gouvernement. C'est en quelque sorte un privilège donné à ces vétérinaires, qui n'ont pas plus de titres que d'autres. Je voudrais que tous les vétérinaires diplômés qui ont fait preuve de talent, fussent admis à constater les cas d'épizootie qui se présentent. S'il en était ainsi, les cultivateurs n'auraient plus à faire trois ou quatre lieues pour aller chercher un vétérinaire dont l'intervention puisse établir leurs droits à l'indemnité, et l'on éviterait les frais considérables des voyages, qui font l'objet delà critique actuelle.

J'appelle donc l'attention du gouvernement sur le point de savoir s'il ne conviendrait pas d'accorder à tous les vétérinaires diplômés et ayant justifié des connaissances nécessaires, le droit de constater les cas d'épizootie qui donnent droit au payement de l'indemnité votée en faveur de l'agriculture.

- Le chiffre de 49,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Littera C, 3°

« 3° Pour payer des dépenses relatives au haras de l'Etat, les frais résultant d'achats d'animaux de la race bovine et les frais provenant de l'exécution des règlements pour l'amélioration de la race chevaline, 5,878 fr. 34 c. »

M. Delfosse. - Messieurs, les achats étant faits, il faut bien payer. Mais j'espère que M. le ministre de l'intérieur donnera des instructions pour qu'à l'avenir on ne dépasse plus les allocations. Si le gouvernement pense qu'elles sont insuffisantes, qu'il en demande de plus fortes, nous j examinerons s'il y a lieu de les accorder.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Cette recommandation, messieurs, je l'ai déjà faite pour l'exercice courant, mais je m'explique très bien comment les choses peuvent se passer les acquisitions se font à différentes époques ; il en résulte des frais, et on est tout surpris en récapitulant le tout, de voir que le chiffre global a été dépassé d'une somme légère. Cela peut arriver sans qu'il y ait eu la moindre intention d'arriver à ce résultat. Ainsi, on se rend à l'étranger pour faire des acquisitions, les frais de voyage et les frais de transport sont plus considérables qu'on ne l'avait prévu, et lorsqu'on ajoute ces frais au prix d'achat, le crédit se trouve dépassé.

M. Delfosse. - Les agents du gouvernement ne seraient-ils pas portés à multiplier les achats, pour faire plus de bénéfices ?

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). et M. le ministre des finances (M. Malou). - Ils n'ont pas cet intérêt.

- Le chiffre est adopté.

Littera D

« D. Frais de milice. Trois mille cinq, cent cinquante-huit francs dix-neuf centimes, pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué au chap. IV, art. 2 du budget de 1844 : fr. 3,558 19.

« Cette allocation formera le chapitreXXVIII, article unique, du budget de 1845. »

- Adopté.

Littera E

« E. Actes de courage et de dévouement. Neuf mille huit cent quatre-vingt-seize francs, pour les dépenses excédant les allocations votées pour les exercices 1844 et 1845 : fr. 9,896 00 c.

« Cette allocation formera le chapitre XXIX, article unique, du budget de 1845. »

- Adopté.

Littera F

« F. Frais des jurys d'examen pour les grades académiques. Trente et un mille cent quatre-vingt-trois francs, pour faire face aux dépenses excédant le crédit alloué à l'article 2 du chapitre XIX du budget de 1845 : fr. 31,483 00 c. »

« Cette allocation formera le chapitre XXX, article unique du même budget. »

- Adopté.

Littera G, 1°

« G. Beaux-arts et archives : 1° Exposition d'objets d'art en 1845. Huit mille six cents francs, pour payer l'excédant des dépenses résultant de l'exposition d'objets d'arts qui a eu lieu en 1845 : fr. 8,600 00 c. »

La commission propose une réduction de 4,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'engagerai la chambre à allouer le crédit demandé, au moins encore pour cette fois. C'est un usage constant d'allouer des récompenses pécuniaires aux jeunes artistes, à chaque exposition ; cet usage a été constamment suivi. Si l'on veut dévier de cette règle à l'avenir, soit, mais au moins que l'on maintienne ce qui a été fait pour les expositions passées. En général les jeunes artistes ont compté sur une récompense quelconque, et les récompenses dont il s'agit sont celles qui ont été proposées par la commission directrice de l'exposition. Il n'y a point de droit acquis, mais je fais appel à la générosité de la chambre.

- Le chiffre de 8,600 fr. est adopté.

Littera G, 2° et 3°

« 2° Echange d'archives. Cinq mille six cent soixante-et-dix-huit francs soixante-deux centimes, pour payer les dépenses résultant de l'échange des archives des provinces de Limbourg et de Luxembourg, en exécution du traité du 19 avril 1839 : fr. 5,678 62 c. »

- Adopté.

« 3° Statue de Marguerite d'Autriche. Sept mille deux cents francs, destinés à payer le subside accordé en 1842 à la ville de Malines, pour l'érection de la statue de Marguerite d'Autriche : fr. 7,200. »

- Adopté.

Ces allocations formeront le chap. XXXI, articles 1, 2 et 3 du budget du ministère de l'intérieur, exercice de 1845.

Littera H

« H. Matériel du ministère de l'intérieur. Dix-huit mille quatre cent quarante-huit francs quarante-sept centimes, pour dépenses de matériel restant à payer pour l'exercice de 1845 et antérieurs : fr. 18,448 47c.

« Cette allocation formera le chap. XXXII, article unique du budget de 1845. »

La commission propose une réduction de 2,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, il m'est impossible de consentir à la réduction proposée par la commission. Je dois même informer la chambre que je serai obligé de demander un autre crédit extraordinaire pour l'arriéré. Voici, messieurs, les faits tels que je viens de les apprendre.

Lorsque j'ai présenté la demande de 18,448 fr. 47, je croyais que cette somme suffirait pour payer la totalité de l'arriéré, et que moyennant l'augmentation accordée par la chambre, il pourrait être fait face à toutes les dépenses de l'exercice courant. Mais, messieurs, j'ai appris que sur les 30,000 fr. alloués pour l'exercice courant il a déjà été payé (page 1862) actuellement pour 16,712 fr. de créances arriérées et qu'il reste encore à payer d'autres créances arriérées, indépendamment des 18,448 Fr., dont il s'agit en ce moment, pour 13,031 fr., de telle sorte que j'aurais à dépenser pour tout le service du département de l'intérieur, pendant l'année 1846, une somme de 156 fr. Or telle ne peut pas être l'intention de la chambre.

J'ai cru devoir exposer les choses telles qu'elles sont parce que je ne veux pas qu'après ma sortie du ministère on puisse dire que j'ai couvert l'arriéré au moyen des 18,448 fr. que je demande en ce moment et que ce qui resterait à solder serait le résultat de dépenses faites en dehors des crédits votés.

Quand on m'a proposé de présenter la demande de crédit de 18,448 fr., on avait cette idée que les fonds de l'exercice courant serviraient à couvrir les dépenses de l'année précédente, de manière qu'on eût été toujours une année en arrière, sauf les économies qu'on eût pu opérer. J'ai pensé que je ne pouvais pas accepter cette situation et que je devais faire connaître l'état des choses tel qu'il était constaté par les écritures de la comptabilité. La chambre sera certainement étonnée du chiffre de l'arriéré, et je crois devoir lui donner quelques explications à cet égard.

Depuis six ou sept années, messieurs, les crédits du département de l'intérieur ont été constamment insuffisants pour le service courant ; chaque année est venue ajouter un déficit nouveau aux déficits antérieurs. Indépendamment de ce que les crédits étaient insuffisants pour les dépenses normales, différentes circonstances ont nécessité des dépenses extraordinaires. Ainsi à ma sortie du ministère, le département a été occupé par un ministre ayant famille, et il a fallu compléter l'ameublement en conséquence.

Il y a eu des remaniements d'attributions fréquents, et chacun de ces remaniements a amené une dépense qui s'élève en moyenne de 2 à 3,000 francs ; je n'ai pas sous les yeux la note dont j'étais muni lors de la discussion du budget de l'intérieur, mais je crois me rappeler que c'était là le chiffre. Ces trois causes accumulées ont amené la situation que je viens d'exposer.

Je demanderai donc à la chambre d'allouer les 18,448 fr. dont il s'agit maintenant, et je me réserve de faire une autre demande de crédit extraordinaire pour sortir de la situation dans laquelle se trouve le département, car indépendamment de ce qu'il est fâcheux qu'il y ait de nombreuses créances pour fournitures, il en résulte nécessairement un inconvénient que chacun peut apercevoir, c'est que celui qui est créancier depuis de longues années ne livre pas toujours au meilleur marché possible.

Ainsi non seulement pour la régularité, mais dans l'intérêt bien entendu de nos finances, il importe de sortir de cette situation. Quant à moi, je m'engage à prendre, si la situation devient liquide, toutes les mesures possibles pour que les crédits du département ne soient jamais dépassés ; mais il m'est impossible d'administrer avec 156 fr., seul chiffre qui me restera malgré ce crédit extraordinaire de 18,000 fr., de sorte qu'il y aura nécessairement un rappel à faire pour le budget prochain.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, je ne puis plus venir défendre la réduction de 2,000 fr. proposée par la commission. Nous sommes bien loin de compte à présent, puisque M. le ministre nous annonce une nouvelle demande d'un crédit considérable. Tout ce que je puis faire, c'est d'engager M. le ministre à présenter cette demande le plus tôt possible, afin de liquider, une bonne fois, l'arriéré d'une manière définitive et de parvenir à une position qui soit nette.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). Le motif qui m'empêche de faire en ce moment la demande complémentaire dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est que je désire soumettre à la section centrale ou à la chambre les pièces justificatives des faits que je viens d'énoncer ; mais il doit être bien entendu que les créances des années antérieures, qui ont déjà été payées et auxquelles on a dû donner la date de 1846 pour que la cour des comptes les liquidât, que ces créances ne sont pas le fait de mon administration. Dans la session prochaine, je donnerai la situation parfaitement exacte des crédits, tels qu'ils se trouvaient au 31 janvier dernier, et tels qu'ils se trouveront alors.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, lorsque nous discutons les budgets, MM. les ministres consentent assez facilement aux réductions que la chambre est disposée à faire, mais ils se réservent de venir demander des crédits supplémentaires. Eh bien, je déclare que je ne voterai plus un seul de ces crédits, à moins de circonstances tout à fait extraordinaires. Je repousserai surtout de semblables demandes lorsqu'il s'agira de dépenses d'ameublement ; les hôtels des ministères sont suffisamment meublés pour qu'on puisse se renfermer dans les allocations du budget.

Ce qui a surtout contribué à amener ces augmentations de dépense, ce sont les changements continuels de ministère : chaque ministre nouveau trouve toujours qu'il est nécessaire de faire des frais d'ameublement ; chaque ministre nouveau trouve toujours que son hôtel n'est pas suffisamment meublé, surtout lorsqu'il a une famille plus ou moins nombreuse. Quant à moi, je le répète, je ne voterai plus un seul crédit supplémentaire, à moins que ce ne soit pour un objet extraordinairement important, non prévu et de la plus grande urgence. Notre état financier ne nous permet pas d'augmenter ainsi continuellement les dépenses.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les observations de l'honorable préopinant feraient croire qu'il est question de faire de nouvelles dépenses d'ameublement au ministère. C'est là une grave erreur, et je suis charmé d'avoir cette occasion de rencontrer une assertion de la section centrale, qui disait que le ministère de l'intérieur devait être tellement bien meublé que de longtemps il n'y aurait plus rien à y faire. Plusieurs honorables membres de la chambre ont pu voir les bureaux du ministère et les appartements du ministre, et reconnaître que cette assertion est loin d'être fondée. Toutefois, messieurs, il n'est nullement question de faire des dépenses d'ameublement ; tout ce que je demande, c'est que l'ameublement soit bien entretenu. Si l'ameublement est convenable dans quelques appartements de l'hôtel du ministère de l'intérieur, dans d'autres, il présente des défectuosités que je ne veux pas énumérer ici, mais que chacun peut facilement vérifier.

- Le chiffre de 18,448 fr. 47 c., demandé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.

Créances diverses

« 1° Créance pour 10 exemplaires des Monuments de Rhodes, etc., fr. 1,947 08. »

- Adopté.


« 2° Traitement arriéré du sieur Biver, fr. 333 33. »

- Adopté.


« 3° Somme due au sieur Koch, greffier du tribunal de première instance, à Arlon : fr. 233 73. »

- La section centrale propose le rejet de ce chiffre.

M. Orban. - Messieurs, je ne sais si la section centrale ne s'est pas montrée trop rigoureuse en proposant le rejet de cette allocation. La créance dont il s'agit était relative à l'exercice 1840, et n'a été présentée qu'en 1844. L'exercice 1844 n'étant plus ouvert alors, la somme n'a pu être payée. Mais la déchéance encourue par le sieur Koch a-t-elle véritablement le caractère de prescription ? Je ne le pense pas ; je crois seulement que le gouvernement ne pouvait plus payer la créance sur l'exercice 1840 ; mais la dette n'en existe pas moins. Or, il s'agissait simplement pour le sieur Koch de régulariser financièrement sa position, en adressant une nouvelle demande au gouvernement, afin que celui-ci pût obtenir un crédit nouveau. Maintenant que la demande est faite et qu'au surplus la dette est parfaitement régulière, je pense que la chambre doit accorder le crédit, en équité et même en bonne justice.

M. Veydt, rapporteur. - Messieurs, la dette est parfaitement régulière et justifiée ; mais la section centrale a néanmoins cru devoir proposer le rejet du crédit, pour maintenir le principe. L'intéressé n'a réclamé le payement de sa créance que cinq ou six ans après que la dépense avait été faite : il en est convenu lui-même ; c'est accidentellement qu'il s'est souvenu qu'il avait droit à un arriéré.

Du reste, la chambre jugera s'il y a lieu de s'arrêter au motif qui a dicté les conclusions de la section centrale. C'est elle qu'il appartient de trancher une pareille question.

M. Orban. - L'honorable M. Veydt s'est trompé, lorsqu'il a supposé que le délai était périmé depuis cinq ou six ans, lorsque le sieur Koch a fait sa demande. Le fait est qu'il a formé sa demande le 1er juillet 1844 ; il n'y avait qu'une année de retard ; la dette était payable jusqu'en l'année 1845.

M. Veydt, rapporteur, donne lecture d'une lettre du 8 novembre 1844, qui est au dossier et dans laquelle M. le gouverneur de la province du Luxembourg s'exprime ainsi. - Il est à regretter que ce fonctionnaire ait attendu plus de cinq ans avant de formuler une réclamation et de faire connaître qu'il s'était occupé de ce travail.

- Le chiffre est mis aux voix ; après une double épreuve, il est rejeté.

« 4° Pour payer les menues dépenses arriérées : fr. 643 78. »

- Adopté.

Article premier

M. le président. - Nous revenons au premier paragraphe de l'article unique du projet de loi.

« Le budget des dépenses du département de l'intérieur pour l'exercice de 1845, fixé par la loi du 13 mars de la même année, est augmenté de la somme de 193,992 fr. 83 c, répartie de la manière suivante : »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à l'appel nominal.

58 membres répondent à l'appel.

55 membres répondent oui.

2 membres répondent non.

1 membre s'abstient.

En conséquence le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.

M. de Garcia. - Le crédit demandé a pour objet de couvrir des dépenses impérieusement nécessaires, mais il a pour objet de couvrir des dépenses qui n'ont pas ce caractère et qui sont tout à fait irrégulières. Dans cet état j'ai cru devoir m'abstenir.

Ont répondu non : MM. Manilius et de Tornaco.

Ont répondu oui : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Van den Eynde, Verwilghen, Veydt, Zoude, Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Villegas et Vilain XIIII.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Discussion générale

M. Osy. - Il y a quinze jours que M. le ministre des affaires étrangères a présenté une demande de crédit supplémentaire pour les missions extraordinaires, au moyen duquel ce chapitre s'est trouvé porté à 80,000 F. au lieu de 40. Aujourd'hui M. le ministre nous demande un crédit supplémentaire au crédit de 78,000 fr. voté l'année dernière, ce qui le porte à 92,000 fr. Comme rapporteur, je vous dirai que la majorité de la commission a adopté le crédit, mais moi je ne lui ai pas donné mon approbation.

Je viens combattre ces crédits extraordinaires qui, véritablement, nous conduiront je ne sais où. Je suis occupé du budget de 1847, je ne puis prendre pour point de départ que le budget de 1845. On m'a bien envoyé quelques notes sur le premier semestre de 1846. J'y vois que nous venons d'envoyer à Washington un ministre au traitement de 25,000 fr. On demande 6 mille fr. pour frais de voyage et transport de meubles. Je vous demande si, quand on va de Belgique en Amérique, on transporte ses meubles. On demande ensuite 2,500 fr. pour une tournée en Amérique. A la manière dont vont les dépenses au département des affaires étrangères, si nous ne donnons pas une leçon en refusant ces crédits supplémentaires, le budget de ce département sera considérablement augmenté. C'est assez vous dire que je voterai contre ce crédit.

Je profiterai de cette occasion pour adresser une interpellation à M. le ministre.

J'avais cru d'abord qu'il était inutile d'avoir un ambassadeur à Rome, mais par suite d'un service qui nous a été rendu, je suis revenu de mon opinion ; je crois qu'un ambassadeur auprès du saint siège peut être très utile, pour lui faire connaître la situation du pays. Il y a maintenant un nouveau pape ; je crois que c'est à l'heure qu'il est que nous aurions eu surtout besoin d'avoir là un ambassadeur. Peut-être y enverra-t-on un intérimaire. J'engage le gouvernement à envoyer le plus tôt possible un représentant auprès du saint siège. Si nous voulons conserver ce poste il est de l'intérêt du pays qu'on y envoie sans retard un titulaire définitif pour bien faire connaître au pape la situation de notre pays. Quand on y a envoyé M. Vandensteen, on a demandé 10 mille fr. de frais de voyage ; si on envoyait d'abord un intérimaire et ensuite un titulaire définitif, on aurait à payer deux fois 10 mille fr., il y a donc avantage à envoyer tout de suite un titulaire.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Le gouvernement n'a pas pu prévoir que la perte que le pays ferait de l'honorable M. le baron Vandensteen coïnciderait avec la mort du souverain pontife. Cette prévision, le gouvernement n'a pas pu l'avoir. La mort de M. Vandensteen est trop récente pour qu'on puisse adresser au gouvernement le reproche de ne l'avoir pas encore remplacé. La légation de Rome est trop importante pour que le gouvernement n'examine pas avec soin les titres qu'on doit réunir pour la remplir convenablement.

Je ne sais ce qui a pu faire supposer à l'honorable membre que le gouvernement aurait l'intention de ne pas envoyer à Rome un ministre définitif.

L'honorable baron Osy n'a pas attaqué le crédit supplémentaire que j'ai demandé, mais il a émis des observations relatives au projet de budget de 1847. Mon intention n'est pas de discuter maintenant ce projet de budget. Cette discussion aura lieu en temps utile. L'honorable membre n'a pas émis d'observations tendant à faire rejeter la demande actuelle de crédit ; elle provient de ce qu'un plus grand nombre de consulats ont été créés à la demande souvent des membres de cette chambre parmi lesquels figure, si je ne me trompe, M. Osy tout le premier, et leur demande était motivée sur la nécessité de ces créations de consulats dans le but d'étendre nos relations commerciales. Ces fonctions ne sont pas rétribuées, mais il y a des frais qu'il faut nécessairement rembourser.

Depuis quelques années on a maintenu constamment au budget le même chiffre pour les frais relatifs aux consulats. Or, messieurs, le nombre des consuls ayant été augmenté, il faut bien subvenir aux frais nouveaux que l'érection de ces consulats nécessite. On a peut-être eu tort de maintenir constamment au budget le chiffre ancien. Je suis forcé par cela même de demander un crédit supplémentaire, qui est un crédit de régularisation.

Je pense donc, messieurs, qu'il est impossible de ne pas voter cette somme de 17,000 fr., qui tend à faire face, non pas à des dépenses extraordinaires, mais à des dépenses qui résultent, je le répète, de la création d'un plus grand nombre de consulats et qui toutes sont appuyées de pièces justificatives.

M. Delfosse. - Je ne crois pas que l'envoi immédiat d'un ambassadeur à Rome nous rendrait les services que l'honorable baron Osy en attend. Je ne crois pas que la cour de Rome connaîtrait par là la véritable situation du pays. Comment l'agent du gouvernement pourrait-il faire connaître la situation du pays à l'étranger, alors que le gouvernement ne la connaît pas lui-même ? Si le gouvernement la connaissait, verrions-nous sur les bancs ministériels des hommes dont l'honorable M. Dedecker a dit que celait un anachronisme, sinon un défi !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, la chambre n'attend pas de moi que je réponde à l'honorable M. Delfosse. Ce serait entamer de nouveau les discussions politiques qui ont eu lieu depuis quelques années. D'après l'honorable M. Delfosse, le gouvernement ne connaît pas la situation du pays ; le gouvernement croit que c'est l'opposition qui ne la connaît pas. C'est là une question d'appréciation sur laquelle je ne veux pas aujourd'hui entamer une discussion. Nous aurons plus d'une occasion d'y revenir.

M. Osy. - Messieurs, au budget de l'année dernière on a déjà augmenté le chiffre. Aujourd'hui on vous demande encore une augmentation de 17,000 fr. Si j'avais l'état sous les yeux, je pourrais vous montrer qu'il ne s'agit pas seulement ici de dépenses pour les consulats, mais qu'il s'agit aussi de dépenses pour missions extraordinaires. L'état a été déposé sur le bureau. Je n'ai pas trouvé convenable de l'imprimer à la suite du rapport, parce qu'il contient beaucoup de noms propres. Si cependant la chambre désire qu'une autre fois on imprime de semblables états, je les joindrai certainement à mes rapports.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Osy se trompe. J'ai sous les yeux l'état des dépenses justificatif de la demande de 17,000 fr. Or, cette demande est appuyée sur des faits relatifs exclusivement aux consulats. Je pourrais en donner lecture à la chambre et elle se convaincrait qu'il s'agit du remboursement de dépenses effectuées par des consuls et justifiées par des pièces à l'appui. Vous savez que, dans l'intérêt du commerce belge, les consulats non rétribués sont astreints à certaines dépenses auxquelles ils ne peuvent échapper et que le gouvernement ne peut leur imposer.

- Personne ne demandant plus la parole, la discussion est close.

Vote de l’article unique et sur l’ensemble du projet

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. Il est ouvert aux départements des affaires étrangères un crédit supplémentaire de dix-sept mille francs (17,000 fr.) destiné à couvrir des dépenses arriérées de 1845.

« Cette somme sera ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre V, article unique, du budget de 1845, intitulé : Frais à rembourser aux agents du service extérieur. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet.

57 membres répondent à l'appel nominal.

55 votent l'adoption.

2 votent le rejet.

En conséquence le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.

Ont voté l'adoption : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Fallon, Goblet, Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts. Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Foere, de Haerne, de La Coste, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de NaEyer, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Villegas.

Ont voté le rejet : MM. Osy et de Bonne.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique

Vote de l'article unique

M. le président. - L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique de l'exercice 1845, un crédit de trente et un mille trois cent trente-trois francs cinquante-six centimes (fr. 31,555-50), pour intérêts de la dette flottante de l'année 1845.

« Cette allocation formera l'article XXV du chapitre premier du budget du susdit exercice.»


- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet ; il est adopté à l'unanimité des 55 membres présents.

Ce sont : MM. d'Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Fallon, Goblet, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Sigart, Thienpont, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Anspach, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, de Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Roo, de Sécus, de Terbecq, de Theux, de Villegas.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique

Vote de l'article unique

L'article unique du projet est ainsi conçu :

« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique de l'exercice 1845, un crédit de cent soixante-neuf mille deux cent soixante-cinq francs dix-sept centimes (fr. 169,265-17), pour intérêts de la dette flottante de l'année 1845.

« Cette allocation formera l'article XXVI du chapitre premier du budget du susdit exercice. »

- Personne ne demandant la parole, il est procédé au vote par appel nominal sur ce projet, qui est adopté à l'unanimité des 52 membres présents.

Il sera transmis au sénat.

Projet de loi autorisant la concession du chemin de fer de Manage à Wavre

Discussion générale

M. Osy. - Messieurs, dans tous les projets de concessions de chemins de fer qu'on nous présente, ce à quoi je m'attache surtout, c'est à (page 1864) m'assurer si les voies qu'il s'agit de concéder peuvent nuire au chemin de fer de l'Etat. Je crois que celle dont nous nous occupons n'est pas dans ce cas, et, pour ma part, je donnerai volontiers mon assentiment au projet qui nous est présenté, d'autant plus que la route nouvelle traversera un arrondissement très intéressant et qui, jusqu'à présent, a été complétement délaissé sous le rapport des chemins de fer.

Mais, messieurs, ce dont je veux surtout m'occuper, c'est de l'article 42 du cahier des charges.

Déjà l'année dernière dans les cahiers de charges des concessions qui ont été accordées, on a introduit la clause qu'on ne pourrait émettre des actions que lorsqu'il y aurait 36 p. c. de versé, et que les actionnaires ne pourraient faire coter les actions aux bourses de Bruxelles et d'Anvers qu'après l'achèvement du chemin de fer concédé.

Vous vous rappellerez, messieurs, que l'année dernière, lorsque nous avons voté les projets de concessions, il y avait, tant à Paris qu'à Londres, une véritable frénésie pour les chemins de fer. Les actions sur lesquelles on avait versé seulement 80 fr., ou 10 p. c, se payaient jusqu'à 200 fr. de prime.

Aujourd'hui, messieurs, il en est tout autrement. Les actions sur lesquelles on a versé 4 liv. st. ou 20 p. c. se vendent à grande perte.

Je crois, messieurs, que le moment est venu de faire un changement à cet article 42 du cahier des charges de la concession dont nous nous occupons, ainsi qu'aux dispositions semblables de concessions déjà accordées. Car ces dispositions, messieurs, peuvent réellement se traduire ainsi : Belges, prenez garde ; les chemins de fer que nous concédons forment de mauvaises entreprises dans lesquelles je ne veux pas que vous entriez.

A Paris et à Londres, messieurs, pour toutes les concessions de chemins de fer, les premiers preneurs sont obligés de conserver en nom les actions jusqu'à ce qu'il ait été versé 30 p. c, de sorte que jusqu'à ce que ce versement ait eu lieu, il y a obligation personnelle. Mais les 30 p. c. versés, on donne des titres au porteur.

En défendant de vendre en Belgique des actions des chemins de fer, vous obligerez ceux qui voudraient en avoir à faire de grandes dépenses. Car vous ne pouvez empêcher personne d'aller acheter des actions aux bourses de Paris ou de Londres. Aujourd'hui qu'il y a beaucoup moins d'agiotage, que la perte sur les actions est même sensible, il serait possible que des personnes du pays, ayant foi dans l'avenir des chemins de fer concédés, voulussent y prendre un intérêt. Car, je crois, messieurs, que nous faisons une affaire sérieuse, que ce n'est pas seulement pour doter le pays de chemins de fer que nous avons accordé toutes ces concessions, mais que nous regardons la réussite de ces entreprises comme assurée. S'il en était autrement, nous tromperions réellement l'étranger.

Si, messieurs, nous continuons à exiger cette clause des entrepreneurs qui se présentent, soyez persuadés que personne ne voudra plus vous faire des propositions de concessions. Cependant nous désirons tous que le pays continue à être doté de nouveaux chemins de fer, pour autant, bien entendu, qu'ils ne puissent nuire au railway de l'Etat.

Aujourd'hui aux bourses de Paris et de Londres on ne veut plus entendre parler des chemins de fer belges, et on nous y dit : Comment voulez-vous que l'on négocie à nos bourses des actions de chemins de fer belges, alors que ces actions sont repoussées par le gouvernement de votre pays ? De sorte, messieurs, qu'à Paris et à Londres où l'on est obligé de faire les versements, il n'y a pas moyen de connaître la valeur des actions de nos chemins de fer, il n'est pas possible aux actionnaires de se procurer des fonds sur ces actions, même lorsqu'il y a 30 p. c. de versé.

Je crois, messieurs, qu'en exigeant un versement de 30 p. c. pour permettre la cote des actions aux bourses d'Anvers et de Bruxelles, c'est tout ce que nous devons faire dans l'intérêt des personnes du pays qui voudraient s'intéresser dans ces entreprises. Je demande d'autant plus qu'il en soit ainsi, messieurs, que nous permettons la cote de tous les fonds étrangers, que nous permettons la cote de toutes les loteries faites en Allemagne. L'honorable M. Pirmez pourra vous donner lecture de quelques articles de la cote officielle arrêtée tous les mois ; vous verrez que les loteries de Pologne, de Prusse, d'Autriche y figurent ; vous verrez que les fonds les plus mauvais de l'Amérique, ceux qui ne valent pas 20, 10 et même 5 p. c, sont cotés par nos agents de change.

Messieurs, comme la cote de nos agents de change ne peut donner la valeur des actions de nos chemins de fer, je vous demande ce qui arrive lorsqu'il y a dans une mortuaire de ces actions. Et ce cas s'est présenté. Il est impossible, dans la déclaration de succession, de faire figurer la valeur de ces actions.

Messieurs, je n'ai jamais pris un intérêt dans des entreprises de chemins de fer, et je ne le ferai jamais. Ce n'est donc pas pour moi que je parle, mais c'est pour remplir mon devoir de député. Car je comprends que des Belges puissent désirer prendre par là ces entreprises, et d'ailleurs, je n'aime pas d'entendre dire à l'étranger : Quelle confiance peuvent inspirer vos chemins de fer, alors que vous-mêmes en empêchez la cote ?

Messieurs, je maintiens dans tous les cahiers de charges la première clause qui dit que le gouvernement ne peut permettre l'émission des actions au porteur avant que 30 p. c. n'aient été versés. Mais je demande que nous permettions la cote des actions aux bourses de Bruxelles et d'Anvers après ce versement de 30 p. c, et lorsque le gouvernement s'est assuré que l'entreprise est sérieuse, que les travaux s'exécutent. C'est dans ce sens que je proposerai un article 2 à la loi en discussion.

M. Donny. - C'est un projet nouveau.

M. Osy. - Pardonnez-moi. Je fais cette proposition parce qu'elle est nécessaire en présence de l'article 42 du cahier des charges. Je ne propose pas une modification au cahier des charges lui-même, parce que les actionnaires qui nous ont déjà demandé de ne pas sanctionner la loi, saisiraient le prétexte de cette modification, bien que toute en leur faveur, pour renoncer à l'entreprise. Je ne demande donc qu'une simple faculté pour le gouvernement. Voici la disposition que je propose :

« Art. 2. Le gouvernement pourra autoriser la négociation et la cote aux bourses d'Anvers et de Bruxelles, des actions des chemins de fer concédés, lorsqu'il aura été versé au moins 350 p. c., et que les travaux sont en voie d'exécution. °

Messieurs, il y a peu de jours, nous avons voté la concession du chemin de fer du Luxembourg. J'ai eu alors l’honneur de vous dire que le personnel m'était parfaitement connu, et que je pouvais en donner les meilleurs renseignements.

J'ai voulu, messieurs, aller plus loin. Comme il s'agit d'une entreprise extrêmement importante, j'ai voulu en connaître les détails. Je puis vous dire que sur une émission de 142,400 actions, il y a 14,084 parties prenantes ; de manière qu'en moyenne, chaque partie prenante n'a que 96 actions. J'ai vu la liste de souscription, et je puis vous dire encore que le premier banquier du monde y figure pour 3,000 actions. Vous voyez donc qu'il s'agit d'une entreprise sérieuse. Les personnes qui ont souscrit, messieurs, sont responsables jusqu'après un versement de 30 p. c. ; et comme jusqu'à présent 20 p. c. seulement ont été versés, ces personnes continueront encore à être responsables.

Peut-on laisser croire, messieurs, à l'étranger, lorsqu'on voit les noms respectables qui figurent sur cette liste, que nos chemins de fer forment de mauvaises entreprises dans lesquelles nous empêchons nos concitoyens de prendre part ? Véritablement, je le répète, c'est pousser l'étranger à ne plus nous faire à l'avenir de propositions de concessions.

J'engage donc beaucoup le gouvernement à se rallier à ma proposition. Il pourra voir alors quelles sont les entreprises dans lesquelles les travaux sont arrivés à un certain point d'exécution, et pour lesquelles il a été versé 30 p. c. du capital, et en permettre la cote à nos bourses.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, dans la dernière session et dans le cours de la session actuelle, les chambres ont concédé plusieurs chemins de fer dont les cahiers de charges reproduisaient tous une disposition analogue à celle de l'article 42 du projet de chemin de fer de Manage à Wavre.

Je dirai d'abord qu'en admettant cette disposition, le gouvernement ni la législature n'ont pu avoir pour but de tendre un piège à des étrangers, de les attraper, comme l'a dit l'honorable préopinant, de leur faire croire que ces chemins de fer n'étaient pas des entreprises sérieuses et qu'elles ne pouvaient être profitables à ceux qui s'y engageraient ; mais la pensée de la législature et du gouvernement était qu'il s'agissait ici d'appeler le concours des capitaux étrangers, pour l'exécution de voies de communication, destinées à compléter les travaux que le gouvernement lui-même a exécutés depuis 1830.

Je reconnais que depuis les premières concessions, les circonstances sont quelque peu changées, en ce qui concerne la situation des bourses étrangères et la cote des actions de chemins de fer à ces bourses. Cependant il me paraîtrait imprudent de décider aujourd'hui par mesure de disposition générale, à l'occasion du chemin de fer de Manage, qu'on modifiera tout d'un coup les dispositions des cahiers des charges, déjà approuvés par la législature ; il serait utile à tous les intérêts de disjoindre cette question du projet de loi en discussion ; moi-même, je regrette de n'avoir pu encore, depuis la présentation du rapport de l'honorable M. Pirmez, examiner la question sous toutes ses faces ; nos travaux m'en ont empêché. Il est probable que d'ici à quelque temps la chambre qui va s'ajourner, se réunira encore ; alors j'aurai l'honneur de lui donner des explications complètes sur la question. Je demanderai donc qu'on ajourne jusque-là cette discussion qui ne se rattache pas essentiellement au projet de loi actuel. Il ne faut pas qu'une question aussi importante soit tranchée incidemment, lorsque l'instruction n'en est pas complète. (Appuyé.)

M. Rogier. - Messieurs, j'appuie l'ajournement qui vient d'être proposé par M. le ministre des finances ; l'article général des cahiers de charges qui interdit de coter les actions des chemins de fer aux bourses de Bruxelles et d'Anvers, n'a pas été sans doute introduit sans motif et à la légère.

L'année dernière, on s'est fortement appuyé sur cette disposition pour répondre aux craintes de ceux qui voyaient dans les demandes multipliées de concessions de chemins de fer une source ouverte à l'agiotage, on leur disait : « Le pays n'a rien à craindre, les actions ne sont pas cotées aux bourses d'Anvers et de Bruxelles. C'est l'Angleterre qui fournira les capitaux nécessaires ; ne repoussons pas les capitaux étrangers. Ils courront seuls les chances des entreprises ; et les capitaux belges ne seront excités à s'y jeter que lorsque les chemins de fer, complétement exécutés, seraient devenus matière à placement stable et sérieux. »

Revenir dès maintenant sur cette disposition, ce serait singulièrement précipiter les choses. Je demande pour le gouvernement et pour les chambres le temps de réfléchir. A notre prochaine session, les ministres pourront nous faire un rapport sur l'état des travaux des chemins de fer concédés. Selon leur degré d'avancement, une résolution pourra être prise.

J'espère donc que l'honorable M. Osy n'insistera pas pour que nous (page 1865) votions d'emblée la suppression d'un principe qui a été admis comme sage et tutélaire il y a un an à peine.

Messieurs, je dirai maintenant quelques mots sur le chemin de fer de Manage à Wavre. Lors d’une première discussion, je m'étais réservé de prendre ultérieurement la parole, relativement à quelques circonstances qui ont précédé ou accompagné la concession de ce chemin de fer. J'ai regret d'avoir à tenir un langage peut-être un peu sévère ; mais je ne puis reculer devant l'accomplissement d'un devoir..

Il s'est passé pour la concession du chemin de fer de Manage à Wavre des faits qui révèlent de la part du gouvernement une complaisance extrême, presque inexplicable en faveur de certains intérêts particuliers. Le 22 avril 1845, M. l'ingénieur Vifquain écrit à M. le ministre des travaux publics une lettre dans laquelle il lui annonce le dépôt d'un plan et profil d'un chemin de fer. Le 6 mai suivant, un honorable particulier qu'il n'est pas besoin, de nommer, fait savoir au ministre que par suite de la cession que M. Vifquain lui a faite de ses droits, il prie le ministre de lui accorder une convention provisoire pour la concession de cette ligne.

En quoi pouvaient consister les droits de M. Vifquain ? A mes yeux, ces droits étaient complétement nuls. M. Vifquain avait remis un plan avec profil, d'un chemin de fer. Mais d'ailleurs ni les pièces requises par l’arrêté royal du 29 novembre 1836 n'avaient été fournies, ni aucune des formalités prescrites par le même arrêté n'avait été remplie.

Tous les droits de M. l'ingénieur Vifquain consistaient dans le seul dépôt qui a été mis sous les yeux de la chambre.

Aux termes de l'arrêté royal du mois de novembre 1836, toute demande de concession pour l'exécution de travaux d'utilité publique, routes, canaux, chemins de fer, etc., doit être accompagnée des pièces suivantes :

« 1° Mémoire descriptif dans lequel on fera connaître le but de l'entreprise, les avantages qui doivent en résulter pour le public, de quelle manière elle se lie aux communications existantes, et quelle sera son influence probable sur ces dernières ;

« 2° Estimation détaillée de la dépense ;

« 3° Tarif des droits de péages et exposé raisonné des revenus probables. ;

« 4° Projet complet de cahier des charges.

« 5° Plan général des localités avec indication du tracé que l'on se propose de suivre ;

« 6° Nivellement en long, accompagné de profils en travers, en nombre suffisant pour que le relief du terrain soit connu ;

« 7° Plan de détail, indiquant les dimensions des ouvrages, les plus importants. »

Suit alors l'énumération de beaucoup de conditions et de formalités relatives à l'enquête, et dont aucune n'avait été remplie par le demandeur en concession. Il se trouvait donc absolument sans droit, et cependant le 6 mai, la personne à laquelle, je fais allusion écrit au ministre que l’ingénieur Vifquain lui a fait cession de ses droits et demande une convention provisoire.

Le 8 mai, M. le ministre s'empresse de répondre : « Les études m’ayant été soumises, (nous avons vu en quoi consistaient ces études), les études m'ayant été soumises, avant la publication d'un arrêté qui va paraître, je puis vous accorder ce droit de priorité.»

Cet arrêté qui allait paraître, expliquant l'arrêté assez clair d'ailleurs du mois de novembre 1836, étendait à toutes les demandes de concession de chemin de fer qui devaient être soumises à la législature, les formalités que je viens de rappeler. Le ministre tenait cet arrêté en main, et devait l'appliquer à la demande de l'ingénieur Vifquain. L'intérêt général non moins que les convenances et les règles administratives l'exigeaient. Mais non, parce qu'un particulier vient demander la faveur d’une convention provisoire, M., le ministre suspend son arrêté, et soustrait le chemin de fer de Manage à toutes les formalités que devait lui imposer l'arrêté qui paraît quelques jours après. La faveur demandée le 6mai est accordée par une lettre ministérielle du 8 ; et dès le 17 mai, intervient une convention avec une compagnie anglaise dans laquelle ne figure pas le nom du bénéficiaire. Il n'y figure pas ; mais il a vendu son droit 15 mille livres sterling à la compagnie anglaise. La lettre ministérielle du 8 mai a été pour lui une lettre de crédit de 15 mille livres sur la compagnie anglaise. C'est contre cet acte que les actionnaires anglais ont réclamé devant le parlement belge.

Dira-t-on que le bénéficiaire s'est donné grande peine pour réunir les sociétaires anglais ? Non ; la compagnie était à Bruxelles, le ministre pouvait entrer directement en relation avec elle et stipuler au besoin jusqu'à concurrence de 15 millions au profit du trésor.

Il a préféré abandonner ce bénéfice à une tierce personne qui s'est interposée entre le gouvernement et la compagnie.

Une fois la convention du 17 mai conclue, plus d'obstacle ; on publie l'arrêté du 21 mai. A partir de cette date, toute demande de concession de chemin de fer devra être rigoureusement soumise à l'enquête et à toutes les formalités requises dans l'intérêt public. L'intérêt public parle enfin à M. le ministre, mais, il parle un peu tard, car ces formalités tournent au profit de ceux qui en sont nantis ; ce sont, des restrictions apportées à des demandes nouvelles, qui auraient pu faire préjudice aux concessions accordées.

Je dois blâmer sévèrement une pareille conduite, elle n'a pas de côté excusable, et si on cherchait à l'expliquer, les explications ne tourneraient qu'à la confusion du gouvernement. A-t-on voulu indemniser un généreux entrepreneur de colonie des sacrifices qu'il a pu faire ? J'eusse mieux aimé que le gouvernement, au lieu de reculer devant l’accomplissement des engagements qu'il a pu prendre, vînt saisir la chambre d'une demande de crédit. Faut-il assigner une autre cause à cette insigne faveur ? Rapprochons les dates. La négociation que nous venons de rappeler fut l'affaire de quelques jours ; elle eut lieu dans le courant de mai 1845 ; il s'agissait d'un chemin de fer pour un district privé jusqu'à présent de ces voies de communication ; ce district avait des élections à faire quelques jours plus tard ; des candidats se trouvaient fortement ébranlés dans l'esprit des électeurs, on les accusait de tiédeur, d'hostilité à l’égard du chemin de fer. Si je suis bien informé, cette circonstance ne fut pas étrangère à la précipitation qu'on mit à concéder les chemins de fer qui devait donner satisfaction au district de Nivelles ; est-ce pour cela qu’on a suspendu la publication de l'arrêté qui devait soumettre la demande en concession à de longues et salutaires formalités. S'il en est ainsi, si l’on a agi avec une précipitation si extraordinaire, n'est-il pas permis de croire que cette concession est devenue un instrument électoral ? C'est un deuxième côté de l'opération : trafic financier, d'un côté ; trafic politique de l'autre.

J'observe que le bénéficiaire passait pour avoir des relations d’influence dans le district de Nivelles, qu'il possède de grandes propriétés dans ce district ou les environs.

Voilà, messieurs, comment on a su mêler les affaires particulières aux affaires générales, et concilier les intérêts matériels avec les intérêts politiques.

Ce n'est pas, messieurs, le premier exemple qui nous en est donné. Dans la dernière discussion, celle de la convention avec la France, nous avons encore vu des traces de cette politique peu franche et peu digne, qui consiste à rechercher une influence politique au moyen de certaines concessions d'affaires, concessions sur lesquelles plus tard on se réserve de revenir, concessions qu'on abandonne alors qu'il est question de gagner des influences et des partisans. C'est ainsi que dans la mesure relative aux draps et fils de laine étrangers, il fut facile de voir qu’il s'agissait bien moins de procurer aux Verviétois un avantage pour leur industrie .que de procurer au gouvernement une certaine influence, une certaine popularité dont on avait besoin dans le moment. Voilà comment l'arrêté a été expliqué alors, et la suite a entièrement prouvé aux Verviétois qu'on les leurrait, que ce que l'on voulait alors, c'était une popularité de circonstance, que leur intérêt, leur intérêt sérieux, était ce qui occupait le moins.

L'arrêté, dira-t-on, est du 14 juillet, et les élections avaient eu lieu au mois de juin. Mais il est de notoriété que des promesses avaient été faites, que des engagements avaient été pris auparavant.

Par une remarquable coïncidence, ce qui est arrivé à Verviers s’est passé également dans l'arrondissement de Tournay, où devaient aussi avoir lieu des élections, dans lesquelles des candidats trouvaient leur position parlementaire plus ou moins menacée.

M. Dumortier. - Je repousse cette assertion en ce qui concerne l'arrondissement de Tournay. Elle est inexacte !

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Comme pour l'arrondissement de Verviers.

M. Rogier. - Je la maintiens comme très exacte.

M. le président. - Revenons-en au chemin de fer.- Ces observations y sont tout à fait étrangères.

M. Rogier. - Je vous demande pardon, M. le président. Je suis dans la discussion générale, et je dois blâmer la conduite politique tenue par le gouvernement dans cette circonstance. Puisqu'on fait de la politique avec des chemins de fer, force m'est bien de mêler les chemins de fer à la politique. Qu'on ne mêle pas la politique aux intérêts matériels, je ne le ferai pas non plus.

Et quand je recherche le côté politique de la question, quand je lui assigne une portée politique, je l'agrandis, je la relève même. Est-ce qu'on préférerait que je présentasse cette question réduite aux basses proportions d'un intérêt privé ? Mais vous devriez me savoir gré de la relever au moins à la hauteur d'un intérêt politique.

M. de Mérode. - Avec toutes ces observations, on nous fera manquer le chemin de fer.

M. Rogier. - Je ne sais si l’honorable M. de Mérode est devenu un partisan fougueux des chemins de fer.

M. de Mérode. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Rogier. - Je ne pourrais que le féliciter de cette conversion. Je sais qu'au mois de juin 1845, l'honorable M. de Mérode s'est donné beaucoup de peine pour faire savoir aux habitants électeurs du district de Nivelles qu'ils auraient un chemin de fer. (Réclamations.)

Dans un précédent débat, relatif au chemin de fer de Manage, j’avais dit, messieurs, que je me réservais de présenter quelques réflexions au moment où le projet de loi viendrait en discussion. C'est ce que j'ai fait. Je regrette que des interruptions m'aient peut-être fait aller un peu trop loin. Si je n'avais pas été interrompu, j'aurais pu moi-même user de plus de réserve.

D'après ce que je viens de dire, messieurs, il me semble que si jamais il s'est présenté pour la chambre une occasion d'infliger un blâme au ministère, ce serait bien celle-ci. Quant à moi, je ne me suis pas encore prononcé quant au fond de la question. Si le chemin de fer est utile en lui-même, utile à des localités qui en manquent, messieurs, nonobstant les griefs que j’élève contre le ministère, il faudra bien le voter. On ne (page 1866) peut rendre tout un district responsable des fautes qui ont été commises.

Je réserve donc mon vote sur la question du chemin de fer en lui-même. Mais si je vote ce chemin de fer, ce ne peut être qu'avec un blâme explicite ou implicite pour les opérations qui ont précédé et accompagné la concession.

M. de Mérode (pour un fait personnel). - Je n'ai jamais, conformément à l'allégation gratuite de l'honorable M. Rogier, montré d'antipathie pour les chemins de fer. Je n'ai manifesté d'opposition vive que contre la dilapidation du trésor public, soit par des travaux trop coûteux, soit par des réductions exagérées de tarifs qui entraînent des déficits dont la charge retombera bientôt en plein sur les contribuables. Ceux-ci trop souvent inattentifs au désordre financier, lorsqu'il ne les frappe pas immédiatement, ont besoin que leurs représentants sincèrement dévoués rappellent un danger grave, écartent une tendance fatale à l'avenir. Je persisterai dans cette opposition pour remplir un de mes plus essentiels devoirs envers mes commettants, quelque fausse interprétation qu'on lui donne si mal à propos.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je n'accepte pas le blâme que l'honorable M. Rogier a voulu infliger au gouvernement pour un acte qui concerne mon administration, lorsque j'étais à la tête du département des travaux publics.

L'honorable M. Rogier, élevant à la hauteur d'un fait politique un fait excessivement simple et que je n'aurais jamais soupçonné devoir prendre de telles proportions, prétend que le gouvernement s'est servi de ce chemin de fer comme un moyen de complaisance financière et en second lieu comme un moyen électoral.

Messieurs, je fais remarquer en passant que c'est là un langage adopté par toutes les oppositions. Récemment encore à la tribune de France nous avons entendu les mêmes accusations retentir contre le gouvernement. Là aussi on disait que le gouvernement s'était servi des chemins de fer, voire même des adjudications pour l'armée, dans un but complétement électoral. Le gouvernement français a repoussé, comme le gouvernement belge repousse de telles allégations que l'honorable M. Rogier aurait mieux fait de laisser en pâture à une opposition plus obscure que la sienne.

L'honorable M. Rogier a dit que le gouvernement avait agi de la même manière lorsqu'il a pris l'arrêté du 11 juillet 1845, qu'il avait aussi voulu par cet arrêté accomplir des promesses électorales.

D'abord, messieurs, l'honorable membre l'a remarqué lui-même, l'arrêté du 14 juillet 1845 était postérieur aux élections de juin de la même année, et j'ajoute que le gouvernement avait succombé dans les élections de Verviers. Il eût été fort singulier qu'il eût voulu récompenser le district de Verviers de l'échec qu'il venait d'y subir.

Messieurs, permettez-moi de rétablir un fait très simple en lui-même, et qu'on a voulu démesurément agrandir. J'ai déjà eu occasion de le faire connaître à la chambre. Je renouvelle ces explications.

Il s'agit, messieurs, d'une lettre de préférence toute conditionnelle que j'aurais accordée à un ingénieur et à un personnage auquel on a fait allusion.

Messieurs, la chambre sait que l'arrêté de 1836 ainsi que la loi de 1832 sur les concessions de péages renferment un principe en vertu duquel un droit de préférence, des avantages particuliers sont toujours accordés aux auteurs des projets de concessions.

L'arrêté de 1836 suppose l'adjudication publique. Il y a deux avantages pour les auteurs des projets. Le premier avantage, c'est que le rabais sur le taux des péages doit toujours dépasser de 5 p. c. le rabais formé par l'auteur même du projet ; et en cas d'éviction des indemnités lui sont toujours assurées.

Tel est le principe de l'arrêté de 1836. Ce principe repose aussi au fond de la loi sur les mines, de la loi sur les brevets et d'autres lois de même nature.

Ici, messieurs, il n'y avait pas d'adjudication publique. Il s'agissait de concessions directes. Eh bien, qu'a fait le gouvernement ? Il a appliqué les mêmes principes. Il a adopté pour règle d'accorder un droit de préférence très légitime, très juste aux auteurs des projets, quand les autres conditions étaient remplies.

Messieurs, je rappelle ici que l'année dernière, lorsqu'on s'est occupé des concessions de chemins de fer et dans la chambre et dans le sénat, plusieurs membres ont recommandé au gouvernement de prendre en main les intérêts des auteurs des projets, de les faire valoir auprès des compagnies concessionnaires.

C'est un devoir que le gouvernement a rempli non seulement à l'égard de M. l'ingénieur Vifquain dont il s'agit ici, mais à l'égard des anciens concessionnaires du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, à l'égard de l'auteur du projet du canal d'Erquelinnes, à l'égard de Mme la veuve Fallot pour le chemin de fer de Namur à Liège.

Le gouvernement, messieurs, a admis ce principe. Il a cru qu'il devait prendre en considération les intérêts des auteurs belges de divers projets, et leur accorder un droit de préférence ou stipuler une indemnité en leur faveur.

M. l'ingénieur Vifquain a déposé un avant-projet avec plan et profils ; et je l'ai déjà dit à la chambre, ce projet n'était pas, comme on l'a prétendu, un projet informe et peu étudié. La preuve en est, que M. l'ingénieur Dandelin, chargé de vérifier ce projet, n'a trouvé à y modifier que fort peu de chose.

Il est vrai que l'ingénieur Vifquain n'a déposé qu'un plan et un profil, mais ce plan et ce profil étaient le résultat d'études approfondies, faites sur le terrain. Tous les détails démontrent que le projet avait le caractère le plus sérieux.

Ainsi, messieurs, quel est le fait ? Un ingénieur, accompagné d'un homme honorable auquel on a fait allusion, se présente au ministère, avec un projet sérieusement étudié, projet d'une utilité évidente et qui ne soulevait aucune espèce d'objection possible. Eh bien, le gouvernement accorde à l'auteur de ce projet, quoi ? Une convention provisoire ? Non, messieurs, la convention provisoire était demandée et je l'ai refusée, mais j'ai cru pouvoir accorder dans la correspondance un droit de préférence conditionnelle, un droit de préférence pour le cas où ces demandeurs pourraient former une société qui donnât au gouvernement toutes les garanties de solvabilité et de moralité, toutes les garanties relatives à l'exécution, que le gouvernement a toujours exigées des compagnies qui demandaient la concession de chemins de fer.

Ainsi, messieurs, ce n'est pas une convention provisoire, comme l'honorable membre l'a avancé, c'est une lettre de préférence conditionnelle, à raison du droit de priorité résultant de l'arrêté de 1836 et de la loi de 1832.

Messieurs, lorsque cette lettre de préférence a été donnée, évidemment je ne pouvais pas prévoir quel usage on voulait en faire. Lorsqu'on me demandait cette lettre de préférence on me disait : « Nous voulons former une compagnie à Londres ; nous sommes en négociation pour réunir les capitaux nécessaires ; mais nous avons besoin de deux choses ; il faut que nous puissions prouver que nous sommes les auteurs du projet et que nous négocions avec le gouvernement ; c'est par la correspondance que nous devons constater ces deux faits. »

Voilà, messieurs, ce qu'on me demandait, et cette demande m'a été faite, ainsi qu'à mes honorables successeurs, pour la plupart des lignes de chemin de fer à concéder.

Il n'y avait donc pas là, dans ma pensée, un moyen d'indemnisation, un moyen de compensation financière, ni un but électoral, toutes choses auxquelles le gouvernement n'a pas songé.

Permettez-moi de le dire, messieurs, ces sortes d'accusations, je devrais être le dernier auquel on devrait les adresser. Toutes les concessions de chemins de fer que j'ai proposées à la chambre, je les ai entourées, et dans les conventions provisoires et dans les cahiers de charges, de toutes les précautions possibles pour empêcher l'agiotage, pour prévenir les abus qui s'attachent toujours à ces sortes de spéculations ; j'ai cherché à donner aux concessions de chemins de fer tous les caractères de moralité, et les précautions que j'ai prises, les conditions que j'ai posées à la formation des compagnies, sont aujourd'hui considérées comme trop rigoureuses ; l'honorable M. Osy vient de proposer de modifier une clause de ces cahiers de charges relative à la cote des actions, comme étant trop sévère et suscitant trop d'entraves.

J'ai exigé des garanties personnelles des demandeurs en concessions ; j'ai voulu que les actions ne fussent pas cotées aux bourses de Bruxelles et d'Anvers, afin d'éloigner cette fièvre de spéculation qui agitait, il y a un an. J'ai exigé qu'avant l'émission des actions 30 p. c. de la dépense fussent faits. Enfin j'ai entouré les concessions de garanties qui n'ont pas été introduites dans les actes de concessions en Angleterre et en France.

Je puis le dire, les cahiers de charges que j'ai présentés à la chambre ont été suivis depuis par le gouvernement français. M. le ministre des travaux publics de France m'a dit récemment, à moi-même, qu'il considérait le système des concessions directes, avec toutes les précautions dont je l'ai entouré, comme étant le meilleur, que l'expérience en France l'avait démontré, et que nos cahiers de charges avaient été adoptés en France comme modèles.

Ces règles de moralité et de prudence pour les actes de concessions, je les ai appliquées dans la sphère administrative. J'ai défendu aux fonctionnaires de l'administration de prendre aucun intérêt dans les compagnies et j'ai fait opter ceux qui voulaient y prendre part entre cette position et leurs fonctions.

Permettez-moi de dire, en finissant, que lorsque j'ai adopté le système des concessions directes, sans adjudication publique, je l'ai fait dans un but d'utilité publique. L'expérience a prouvé que c'était le seul moyen d'éviter les abus qui ont soulevé tant de plaintes en Angleterre et en France.

Lorsque je l'ai adopté, je savais à quelles difficultés personnelles je m'exposais. Je l'ai déclaré l'année dernière à la chambre et j'étais résigné d'avance aux reproches auxquels je réponds en ce moment.

Dans le système des concessions directes, les demandeurs en concession désappointés attribuent souvent la préférence donnée à d'autres par le gouvernement, à des motifs politiques ou personnels, et l'on ne peut éviter les insinuations.

Pour adopter le système des concessions directes, il faut qu'un ministre ait la confiance que son impartialité, sa probité personnelle sont assez haut placées aux yeux de ses amis comme aux yeux de ses adversaires politiques pour qu'aucune insinuation de ce genre ne puisse l'atteindre. C'est parce que j'ai eu cette confiance que je n'ai pas hésité à subir les difficultés attachées aux concessions directes, dans le but de rendre au pays le service que je crois lui avoir rendu (Assentiment.)

Plusieurs membres. - La clôture !

- Un grand nombre de membres ont quitté leurs places et paraissent disposés à se retirer.

M. David. - D'après la physionomie de la chambre, j'ai, je (page 1867) crois, plus de chances d'être lu demain que d'être écoule aujourd'hui. Je renonce donc à la parole, me réservant de faire insérer au Moniteur les observations que je comptais présenter à la chambre (Approbation.)

- La clôture est prononcée.

Discussion des articles

Article premier

L'article est adopté dans les termes suivants :

« Article unique. Le gouvernement est autorisé à accorder aux sieurs sir John-Mark-Frederic Smith, lieutenant-colonel du génie, de Chatham, et consorts, la concession d'un chemin de fer de Manage à Wavre, d'après les bases posées dans la convention et le cahier des charges, signés le 19 février 1846. »

Article 2

La chambre passe à l'article 2 proposé par M. Osy.

M. Osy. - Comme la séance est très avancée, je ne veux pas combattre la proposition de M. le ministre des finances. Mais je dois à cette occasion dire quelques mots de la proposition que j'ai faite, dans la discussion de la loi relative au chemin de fer du Luxembourg, au sujet des 75,000 fr. demandés à titre d'indemnité pour les ingénieurs. M. le ministre des finances a demandé la disjonction de cette proposition, qui a été renvoyée à la section centrale. Mes honorables collègues m'ont fait appeler, lors de l'examen de ma proposition. M. le ministre des travaux publics est également venu. Je lui ai demandé de faire connaître la répartition de ces 75,000 fr. ; en ma présence il s'y est formellement refusé, et, lorsque je me suis retiré, il a déclaré qu'il la ferait connaître confidentiellement à la section centrale. Cela est tout à fait irrégulier. J'engage M. le ministre à réfléchir d'ici à la prochaine réunion de la chambre (car je ne voudrais pas que ceci fût ajourné à la session prochaine), à réfléchir, dis-je, au refus qu'il m'a fait.

Mais, je les déclare, s'il persiste dans son refus, je saurai bien me procurer ces renseignements d'une autre manière.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je dois donner à la chambre une explication sur l'incident auquel l'honorable M. Osy vient de faire allusion.

Nous avons été appelés en section centrale, l'honorable M. Osy et moi ; l'honorable M. Osy avait certaines observations à présenter ; moi, j'avais des explications à donner à la section centrale, et j'ai pensé que ces explications étaient dues à la section centrale et non à l'honorable membre. En section centrale, on a d'abord agité différentes questions de principe, je ne me suis pas refusé positivement à fournir l'état demandé par l'honorable membre, mais j'ai dit que, selon moi, l'opportunité de la production de cet état était subordonnée à la solution que l'on donnerait aux questions de principe.

Cette discussion en section centrale n'a pu être menée à fin, à cause de l'heure de la séance publique qui était arrivée ; elle devra donc être reprise, et je me tiendrai alors à la disposition de la section centrale.

En ce qui concerne l'article qui est proposé aujourd'hui par l'honorable M. Osy, M. le ministre des finances a déjà fait connaître que le gouvernement examinerait ce point et ferait, le cas échéant, une proposition, lors de la prochaine réunion de la chambre.

Disjonction d'un amendement pour en faire une proposition de loi distincte

M. Osy. - Je consens à l'ajournement de mon amendement. Je demande qu'il soit imprimé et distribué.

Des membres. - Cela est de droit.

M. d’Hoffschmidt. - Il est bien entendu qu'avant la clôture de la session, il sera pris une résolution sur la proposition de l'honorable M. Osy.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je ne me suis pas engagé à faire une proposition, mais seulement à examiner la question et à faire connaître l'opinion du gouvernement ; l'on verra ensuite quelle résolution doit être prise.

- La discussion est close.

Vote sur l’ensemble du projet

On procède à l'appel nominal sur l'article unique du projet de loi. Le projet est adopté à l'unanimité des 51 membres présents.

Il sera transmis au sénat.

Ordre des travaux de la chambre

Ajournement indéfini

Sur la proposition de M. le président, la chambre s'ajourne indéfiniment.

- La séance est levée à 5 heures.