(Moniteur belge n°329, du 25 novembre 1842)
M. Kervyn fait l’appel nominal à 3 1/4 heures.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur Coqmartin, ancien officier de la garde civique mobilisée de Bruxelles, demande qu’on applique en sa faveur un arrêté royal de 1834, accordant une gratification aux officiers de cette garde. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Le sieur Mortier réclame l’intervention de la chambre pour obtenir la restitution des droits d’entrée que le département des finances lui aurait fait payer contrairement à la loi du 2 août 1822, concernant les bières et les vinaigres. »
- Sur la proposition de M. Vanden Eynde, qui confirme les faits énoncés dans la pétition, renvoi à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
- La chambre, sur la proposition de M. Cogels, ordonne l’insertion au Moniteur d’une pétition analysée hier, qui demande le rétablissement des droits sur l’orge et sur l’avoine, conformément à la loi de 1834.
Sur la proposition de M. Brabant, elle ordonne l’insertion au Moniteur d’une pétition d’un grand nombre de brasseurs dans un sens différent.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Winckelmans réclame l’intervention de la chambre pour que justice lui soit rendue contre une décision prise, à son égard, par le conseil communal de Jette-St.-Pierre. »
Le conseil communal de Jette-St.-Pierre a écarté la demande du sieur Winkelmans, tendant à être inscrit sur la liste électorale. La députation a confirmé cette décision du conseil.
Le pétitionnaire se plaint de ce que le secrétaire communal, par un calcul machiavélique, l’a induit en erreur, en lui faisant considérer comme suffisante, pour obtenir son inscription sur la liste électorale, la production d’une pièce, que le conseil n’a pas admise comme justifiant de ses droits.
La commission propose l’ordre du jour sur cette pétition.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Tallois se plaint des condamnations prononcées à sa charge, du chef de refus de faire le service de la garde civique. »
Les prétendus griefs allégués par le sieur Tallois n’étant point prouvés, et ne concernant en aucune manière le pétitionnaire, la commission propose l’ordre du jour.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Mangam demande que la chambre veuille statuer sur la pétition qu’il lui adressée, sous la date du 12 décembre 1841, qui tendait à obtenir une augmentation de pension.
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Des habitants de Nivelles et de Braine-Lalleud demandent la révision des lois concernant les barrières et les ponts à bascules. »
Les pétitionnaires demandent que le droit de barrière soit supprimé et remplacé par quelques centimes additionnels aux contributions ; ils signalent aussi comme inutilement vexatoires les ponts à bascule.
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Van Ophem expose que la chambre a renvoyé, au département de la justice, une pétition qu’il avait adressée en 1836, pour que le gouvernement présente un projet de loi tendant à réduire au taux légal l’intérêt de l’argent prêté par les monts de piété ; il demande que M. le ministre de la justice donne suite à cette pétition. »
La commission propose le renvoi au ministre de la justice,
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Jean-Adam Emonts, fondé de pouvoir du sieur Mottard, propriétaire à Tongres, expose que le sieur Mottard a fait, il y a 12 ans, une demande en concession de mines de houille sous ses propriétés, que toutes les formalités ont été remplies depuis longtemps et qu’il ne peut obtenir de décision ; il réclame à cette fin l’intervention de la chambre. »
Le pétitionnaire est engagé dans un procès avec le gouvernement pour le payement de travaux en 1820 et 1823.
Il se plaint de ce que le gouvernement a interjeté appel d’un jugement rendu par le tribunal de Malines.
La commission propose le renvoi de la pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Denambraide, entrepreneur de travaux publics à Bruxelles, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le paiement de ce qui lui revient du chef de travaux exécutés, avant 1830, par ordre du gouvernement. »
- La commission propose le renvoi au ministre des travaux publics.
M. Malou, rapporteur. - « Les sieurs Delmotte et Moes, de Jette-St.-Pierre, appellent l’attention de la chambre sur l’ordre, que le receveur des contributions de cette commune aurait reçu du gouvernement, de ne point leur délivrer les pièces qui devaient servir pour établir leurs droits électoraux. »
La commission propose le renvoi aux ministres de l’intérieur et des finances.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Debertogh, ancien brigadier de la gendarmerie nationale, réclame le paiement des arriérés de sa solde de septembre 1830. »
« Le Sieur Durant, ancien gendarme, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir du ministre de la guerre le paiement d’un mois de solde. »
Le pétitionnaire dit avoir réclamé inutilement auprès du ministre de la guerre la solde du mois de septembre 1830 ; il joint à sa requête un certificat délivré par le capitaine chargé du service administratif de la gendarmerie, duquel certificat il résulte que le sieur Durant est porté sur les états de liquidation pour sommes dues par l’ancien gouvernement.
La commission propose de renvoyer les deux pétitions ci-dessus au ministre de la guerre avec demande d’explications.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Vercruysse réclame l’intervention de la chambre pour obtenir du ministre des travaux publics la réintégration des 136 employés lu chemin de fer qui, par mesure d’économie, ont été congédiés le 31 mai dernier. »
M. Rogier. - Je demanderai si la commission a pris quelques renseignements sur le fait allégué par le pétitionnaire. Je crois qu’il est dénué de tout fondement, et qu’il n’est pas exact que M. le ministre des travaux publics ait renvoyé 136 employés. Je demanderai dans quel but la commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
M. Malou, rapporteur. - Pour que M. le ministre voie s’il y a lieu de réintégrer le pétitionnaire. La pétition ne peut avoir d’autre but. Le pétitionnaire allègue que, par mesure d’économie réclamée par la chambre, M. le ministre des travaux publics a renvoyé 136 employés, au nombre desquels il se trouve. En proposant le renvoi à ce ministre, nous n’avons eu d’autre but que de lui soumettre la question de savoir s’il y a lieu de réintégrer le pétitionnaire.
M. Rogier. - Je regrette que M. le ministre des travaux publics ne soit pas présent ; il aurait pu s’expliquer sur le fait du renvoi de 136 employés, fait que je crois complètement erroné.
Plusieurs membres. - L’ordre du jour !
- L’ordre du jour sur cette pétition est mis aux voix et prononcé.
M. Malou, rapporteur. - « Plusieurs commerçants notables de l’arrondissement de Bruxelles demandent que la législature détermine, par voie d’interprétation, la portée des articles 622 et 623 du code de commerce, concernant la nomination du président du tribunal de commerce. »
Messieurs, un grand nombre de négociants notables de Bruxelles exposent à la chambre qu’étant en divergence d’opinion avec M. le ministre de la justice sur l’interprétation à donner aux articles 622 et 623 du code de commerce, ils ont cru devoir demander l’interprétation législative de ces articles.
Ces dispositions sont ainsi conçues : « Art. 622. A la première élection, le président et la moitié des juges et des suppléants, dont le tribunal sera composé, seront nommes pour deux ans, la seconde moitié des juges et des suppléants sera nommée pour un an aux élections postérieures, toutes les nominations seront faites pour deux ans. » « Arts 623. Le président et les juges ne pourront rester plus de deux ans en place, ni être réélus qu’après un an d’intervalle. »
En instituant, en qualité de président, l’un des juges du tribunal de commerce de Bruxelles, le gouvernement a cru devoir restreindre les effets de cette institution au terme pour lequel le membre appelé aux fonctions de président avait été institué juge.
Les pétitionnaires pensent que, dans ce cas comme dans tout autre, l’institution devait être faite pour deux années.
Cette dernière interprétation nous a paru en opposition directe avec le texte et avec l’esprit du code de commerce.
L’art. 623 ne permet pas que le président et les juges des tribunaux consulaires restent en place pendant plus de deux ans ; ils ne distingue pas entre la participation aux travaux du tribunal comme juge président, et la participation comme juge simple. La conséquence inévitable de l’opinion des pétitionnaires serait qu’un même individu pourrait exercer, indéfiniment et sans aucun intervalle, les fonctions de juge consulaire dont la loi borne la durée à deux ans. Si, en effet, le mandat de président est distinct de celui de juge, dans le sens que les pétitionnaires indiquent, le négociant peut être revêtu de l’un de ces mandats immédiatement après avoir rempli l’autre ; or, il est évident que tel n’est pas le vœu de la loi.
Le compte rendu des discussions du conseil d’Etat et les discours prononcés lors de la présentation de ce titre du code de commerce suffiraient pour dissiper tous les doutes, si le texte de l’art. 623 pouvait en laisser.
La commission vous aurait proposé le renvoi de la pétition des négociants notables de Bruxelles à M. le ministre de la justice, avec demande d’explications, si l’examen de la question soulevée ne lui avait démontre que le gouvernement a fait une juste application des articles 622 et 623 du code de commerce.
Elle a l’honneur de vous proposer le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Malou, rapporteur. - « Le sieur Claessens, docteur en médecine à Moerzeke, réclame l’intervention de la chambre pour qu’on fasse droit à la plainte qu’il a adressée au gouvernement contre le bourgmestre de cette commune. »
Le bourgmestre de Moerzeke a publié et fait affiché, le 20 décembre 1841, un avis par lequel il invite les pauvres à lui signaler les actes de négligence que pourrait commettre le sieur Claessens, médecin des pauvres.
M. Claessens adressa au ministre de l’intérieur une plainte contre le bourgmestre ; il lui fut répondu que, d’après les renseignements recueillis, l’acte qui avait donne lieu à sa plainte et les circonstances dans lesquelles cet acte avait été posé ne pouvaient motiver une mesure de répression administrative.
La commission propose de passer à l’ordre du jour sur la pétition par laquelle le sieur Claessens réclame l’intervention de la chambre ; le pétitionnaire peut recourir aux tribunaux, s’il s’y croit fondé : la chambre ne connaît point les circonstances de ce différend, auquel elle n’a d’ailleurs pas mission d’intervenir.
M. Sigart. - Messieurs, il me semble qu’on ne doit repousser par l’ordre de jour que les pétitions qui blessent le bon sens et la morale, Ici c’est un bourgmestre qui est accusé d’avoir abusé de son ministère au profit de rancunes privées, qui paraît avoir rendu une espèce de proclamation contre un de ses administrés. Il me paraît que le gouvernement peut avoir des devoirs à remplir envers de pareils bourgmestres. Je demande donc le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
M. Dedecker. - Je ne connais pas personnellement le docteur en médecine dont il est question. Tout ce que je puis vous dire, c’est que le bourgmestre de la commune de Moerzeke est un homme trop honorable pour qu’on puisse le supposer capable d’exercer de petites vengeances, ou de conserver à l’égard d’un de ses administrés des sentiments de rancune.
Je dois dire, comme l’honorable rapporteur, que je ne connaissais pas les faits dont il s’agit ; mais je crois que la chambre n’a rien de mieux à faire que de passer, conformément aux conclusions de la commission, à l’ordre du jour, le pourvoi devant les tribunaux restant ouvert au pétitionnaire, si réellement il a le droit de se plaindre, comme il le dit.
M. Malou, rapporteur. - J’ajouterai que la commission a proposé l’ordre du jour, parce qu’elle ne croit pas que cette mesure ne doit être réservée qu’aux pétitions qui blessent la morale et les convenances ; il lui a paru que l’ordre du jour devait aussi être adopté sur les pétitions qui ne pouvaient concerner la chambre.
Or quelles que soient les circonstances du différend dont il s’agit, il est judiciaire ou administratif, mais ne peut concerner la chambre. S’il y a calomnie, et quant à moi je ne le crois pas, le pétitionnaire peut en appeler aux tribunaux, il peut même intervenir par action civile.
Quant à la répression administrative, il l’a sollicitée et il ne l’a pas obtenue.
La chambre ne peut être appelée à juger de ce fait. C’est ce qui engagé votre commission à vous proposer l’ordre du jour.
M. Sigart. - Je sais très bien que le pétitionnaire a le droit de se pourvoir devant les tribunaux, mais nous ne savons pas s’il en a les moyens. Il me semble infiniment plus simple de renvoyer le pétition à M. le ministre de l’intérieur pour qu’il examine de nouveau la question. Ce ne serait pas la première fois que la chambre aurait ordonné le renvoi à un ministre qui aurait déjà pris une décision.
- L’ordre du jour, proposé par la commission, est mis aux voix et adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Des propriétaires, habitants de Bruxelles, réclament l’intervention de la chambre pour que le ministre des travaux publics donne suite à leur requête qui a été transmise à son département le 16 novembre 1831, et qui avait pour objet le rétablissement d’une communication directe de la rue Verte avec la place des Palais. »
Les pétitionnaires exposent à la chambre qu’il existait, il y a 3 ans environ, une rue dite Héraldique qui, traversant le Palais Royal, établissait une communication entre les rues Verte, Thérésienne et le Parc ;
Que pendant la construction du portique qui unit les deux ailes du palais, on interrompit momentanément le passage pour éviter les accidents qui auraient pu arriver. C’est, en effet, ce qui résulte d’une décision de la régence de Bruxelles, mentionnée dans un arrêté royal de 1819, dont copie est jointe à la pétition ;
Que pendant qu’on exécutait ces travaux, on avait fermé ce passage par une grille dont on donnait la clef aux intéressés qui la réclamaient, mais que bientôt après, la serrure fut changée et le passage resta fermé.
Des réclamations furent adressées au roi Guillaume qui fit en personne, à plusieurs réclamants, la promesse qu’une rue serait percée le long du palais, sur l’emplacement d’une maison qu’il se proposait de faire acheter.
Cette promesse n’ayant pas reçu d’exécution, une requête fut adressée en 1837 à Sa Majesté le roi Léopold qui, par une dépêche, dont copie est également jointe, fit connaître aux réclamants que leur demande avait été transmise à M. le ministre des travaux publics ; mais ce renvoi, fait en novembre 1837, n’a amené jusqu’ici aucun résultat ; c’est pourquoi les pétitionnaires réclament de la chambre de vouloir provoquer du département des travaux publics, des mesures qui mettent fin à la lésion de leurs droits reconnus en rétablissant une communication directe de la rue Verte avec la place du Palais.
Indépendamment de leurs droits, les pétitionnaires citent ce qui se pratique à Paris et à Berlin, où le public est admis à traverser le palais du Roi.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics avec demande d’explication.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur - « « Le sieur A. Lavalleye demande que le gouvernement prenne des mesures pour que les convois sur les chemins de fer ne soient jamais remorqués par plus d’une locomotive. »
La commission conclut au dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur - « Plusieurs propriétaires et maîtres de forges de la province de Luxembourg demandent que la France réduise les droits d’entrée sur les fontes et sur les fers, sinon que le charbon à la sortie de Belgique soient frappés d’un droit de 3 à 4 fr. par kilolitre. »
Les maîtres de forges du Luxembourg exposent à la chambre que leur industrie, qui était, il y a quelques années, la plus importante de la province, est réduite maintenant à tel point, qu’une forgerie qui valait trois cent mille fr. ne trouverait plus d’acheteur à soixante mille.
Pour remédier à un état de choses aussi fâcheux, ils demandent que le gouvernement, dans ses négociations avec la France, obtienne que le droit d’entrée des fontes, en France, par mille kilog., soit réduit à 15 ou 20 fr. par les bureaux de Sapogne et Longwy, et à 60 ou 70 pour les fers battus.
Si le gouvernement français s’y refuse, ils demandent alors que nos charbons de bois soient frappés à la sortie du droit de 4 fr. par kilolitre, ce qui balancerait pour moitié les droits établis sur nos fontes à leur entrée en France.
Les propriétaires forestiers, qui sont nombreux dans la province, n’auraient rien à redouter de cette mesure, parce que, dès son adoption, toutes les usines seront remises en activité, ce qui rendrait de la valeur au bois, donnerait un travail considérable à la classe ouvrière, augmenterait sensiblement le produit des barrières par le nombreux roulage qui serait employé au transport des minerais, des fontes et des fers.
Votre commission enfin, qui sait qu’il faut mettre un terme à la sortie des matières premières que nous pouvons utiliser nous-mêmes, a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à MM. les ministres de l’intérieur, des relations étrangères et à la commission d’industrie de la chambre.
M. Desmet. - Messieurs, j’appuierai d’abord le double renvoi à MM. les ministres des affaires étrangères et de l’intérieur.
Messieurs, l’industrie la plus importante pour le Luxembourg, c’est la forgerie ; je dirai même que c’est la seule qui procure du travail. Et cependant depuis quelques années elle décline extrêmement ; d’une vingtaine de hauts fourneaux qui existaient, il en reste à peine trois ou quatre en activité.
Où devons-nous chercher les causes de cet état de choses ? Dans le défaut de débouchés aussi bien intérieurs qu’extérieurs. A l’intérieur le manque de routes ne permet pas le transport des fontes dont le pays lui-même a besoin. A l’extérieur l’exportation est arrêtée par les droits énormes que la France a établis sur nos fontes.
Depuis que la forgerie a décliné dans le Luxembourg, elle a considérablement prospéré sur l’extrême frontière du pays voisin, en Lorraine, et comment ? Au moyen de notre propre combustible. Si la forgerie de la Lorraine n’avait pas le bois de Luxembourg, elle ne pourrait travailler, à tel point que certaines forgeries n’ont été octroyées par le gouvernement français, qu’à la condition qu’elles n’emploieraient pas du bois de la France, mais du bois du Luxembourg.
C’est donc au moyen de votre propre combustible qu’on fait un tel tort aux forgeries du Luxembourg. Il est cependant dans l’intérêt du pays de conserver ces forgeries ; en effet, il n’est pas de meilleures fontes que celles du Luxembourg, à tel point que, sous l’empire, c’étaient les seules qui puissent être employées dans les arsenaux, et qu’il était détendu de les livrer au commerce.
J’appuie donc les conclusions de la commission, et je demande que le gouvernement prenne une mesure en faveur de la forgerie luxembourgeoise. Cette mesure devrait consister dans l’établissement d’un droit à la sortie du bois. Les pétitionnaires demandent un droit de 4 francs par kilolitre ; ce droit serait suffisant pour les mettre à même de concourir avec les forgeries de France. Vous feriez d’ailleurs une chose agréable aux consommateurs français, qui ont besoin des fontes belges.
M. de Garcia. - J’ai demandé la parole, messieurs, non pas pour m’opposer aux conclusions de la commission, mais pour combattre une partie des raisons qui ont été alléguées par l’honorable M. Desmet. Mon but n’est autre que de détruire l’impression des paroles et des observations présentées anticipativement sur l’objet de la pétition dont le rapport vient de vous être présenté. Cet honorable membre suppose que l’industrie métallurgique du Luxembourg est tombée, parce que nos bois entrent en France en ne payant qu’un droit insignifiant à la sortie de la Belgique. Messieurs, ce n’est pas là que réside la cause du dépérissement de l‘industrie dont il s’agit ; cette cause gît dans la fabrication du fer avec le charbon de terre, et quoi qu’on fasse, l’industrie métallurgique du Luxembourg, comme tous les établissements métallurgiques où l’exploitation se fait au charbon de bois, ne peuvent plus lutter contre les établissements de même nature qui fabriquent au coak. Témoin les forgeries au bois des provinces de Namur et de Liége, qui ne peuvent lutter que par la qualité et la supériorité de leurs produits.
Vous avez maintenant dans la seule province de Liége des hauts fourneaux et des forgeries au coak qui peuvent fournir tout le fer dont la Belgique a besoin. En présence des prix auxquels ces établissements fournissent à la consommation, il est impossible que les établissements qui travaillent au bois soutiennent la concurrence ; aussi dans la province de Namur toutes les forgeries au bois sont presque dans un état constant de chômage et sans activité. Il faut le reconnaître franchement, la forgerie au bois ne pourra se maintenir dorénavant que par la supériorité dans la qualité de ses produits, ou par le renchérissement des charbons de terre. Dans l’état actuel des choses, si vous empêchez l’exportation des bois dans le Luxembourg, vous ne porterez aucun secours à l’industrie dont il s’agit, mais vous en détruirez une autre, c’est celle des propriétaires de forêts ; vous empêcherez le Luxembourg de tirer parti de ses bois, c’est-à-dire de la seule ressource ou du moins d’une des ressources essentielles de ses richesses et de sa propriété.
M. Desmet. - Je ne veux pas méconnaître le tort que les hauts fourneaux au coak font à la forgerie au bois, mais il n’en est pas moins vrai que les forgeries du Luxembourg pourraient être relevées. En effet, il y a une grande différence entre le fer fondu au coak et le fer fondu au charbon de bois ; il est bien des objets pour lesquels cette dernière espèce de fer est indispensable ; les canons de fusil, par exemple, ne peuvent se fabriquer qu’avec du fer fondu au bois ; mille autre articles sont dans le même cas.
Ce qui tue les forgeries du Luxembourg, ce sont les droits élevés dont leurs produits sont frappés en France et qui assurent dans ce pays un véritable monopole aux fers français ; cela est tellement vrai que le fer qui se vend ici 140 fr., coût en France 200 fr.
Eh bien, messieurs, il est un moyen de forcer la France à abaisser les droits sur les fers : c’est d’arrêter l’exportation de nos bois ; de cette manière vous mettriez les forgeries au bois, de France, dans l’impossibilité de marcher, et alors ce pays serait bien forcé de nous faire des concessions.
M. Pirson. - Messieurs, il est à ma connaissance que depuis Monmédy jusqu’à Sedan, il y a plus de 20 forgeries qui ont été octroyées par le gouvernement français, à la condition de ne consommer que le combustible qu’ils font venir du Luxembourg. C’est là un fait positif, de l’exactitude duquel on peut s’assurer. Les forgeries an coak portent un coup fatal à la forgerie au bois ; mais puisque la France impose nos fontes d’un droit d’entrée fort élevé, pourquoi n’augmenterions-nous pas quelque peu nos droits de sortie sur le combustible que la France est obligée de tirer de chez nous ?
J’appuie, comme mes honorables collègues, le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, afin qu’il examine s’il n’y a pas lieu de nous proposer une légère augmentation du droit de sortie sur nos bois et nos charbons.
M. Pirmez. - Il me paraît, messieurs, que l’on discute ici le fond de la question, et je serais fâché si les opinions que l’on vient d’exprimer devaient avoir de l’influence sur la résolution que prendra le gouvernement relativement au point dont il s’agit.
Je ne pense pas, moi, qu’il soit possible aux forgeries au bois de lutter contre la forgerie au coak. Les bois sont peut-être le seul article que le Luxembourg puisse exporter, et si vous les frappez d’un droit prohibitif, cette province n’aura plus rien à envoyer à l’extérieur. Avant de prendre une semblable résolution, il faudrait au moins y réfléchir mûrement.
M. Zoude, rapporteur. - Ce qui a détruit les forgeries du Luxembourg, c’est l’établissement en France de 20 à 25 hauts fourneaux qui tirent leur combustible de notre pays. Si vous établissiez le droit de 4 fr. par kilolitre de charbon exporté, ces hauts fourneaux devraient cesser immédiatement leur travail, et alors nos fontes débarrassées de la concurrence française, pourraient entrer en France malgré les droits élevés qui les frappent.
M. de Mérode. - Je pense que l’honorable rapporteur est dans l’erreur lorsqu’il croit que la suppression des hauts fourneaux français situés sur notre frontière, améliorerait la position de la forgerie luxembourgeoise ; car la France pourrait fort bien tirer les fers dont elle a besoin d’autres parties de son pays. Il n’y a point de doute, messieurs, que c’est la forgerie au coak qui rend si difficile la position de l’industrie du fer au bois. Cette industrie souffre autant en France qu’en Belgique.
Le droit que l’on propose n’améliorerait pas le sort de nos forgeries, et il ôterait aux propriétaires de forêts le moyen de tirer parti de leurs produits.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Zoude, rapporteur - « La dame Stempelle, veuve du sieur Benson, capitaine pensionné et membre de la Légion d’honneur, demande une pension. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Les habitants de Miscom, commune de Kaersbeek-Miscom, demandent que Miscom soit séparé de Kaersbeek, auquel il a été réuni par arrêté royal du 27 avril 1825, et qu’il soit érigé en commune. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Des habitants de la commune de Wellen, réclament contre la répartition d’une somme qui leur a été accordée par le gouvernement, à titre d’indemnité des ravages de la grêle. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Des bateliers demeurant à Stekeue, réclament l’intervention de la chambre pour obtenir le curage et le creusement du canal de Stekene. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Les membres de la fabrique de l’église de St.-Hubert prient la chambre de leur faire obtenir les subsides nécessaires pour la restauration de cette église. »
Le conseil de fabrique de Saint-Hubert vient vous demander un secours pour la réparation de son église, la plus remarquable du royaume par son architecture du style le plus pur et le plus gracieux.
Cette basilique, qui appartient à la chrétienté tout entière par les services constants qu’elle rend à l’humanité dans une maladie contre laquelle les secours de la médecine ont été infructueux jusqu’ici, a été sauvée du vandalisme révolutionnaire par le dévouement généreux de quelques-uns de ses habitants et le puissant appui que leur a prêté le vénérable prélat Mgr Pisany de la Gaude, alors évêque de Namur.
Mais cet édifice est menacé maintenant d’un autre vandalisme qui le mine insensiblement c’est l’action lente, mais infatigable du temps qui l’attaque par le sommet ; l’infiltration des eaux du ciel est son agent.
La commission des monuments, qui recommande avec les plus vives instances au gouvernement la restauration de ce magnifique édifice. dit, dans son rapport au ministre de la justice, « que la commune et la fabrique ont fait une forte dépense il y a quelques années, mais que, malgré les grands soins qu’on a pris pour boucher les lézardes, il s’est forme de nouvelles crevasses à l’intérieur du mur de la façade, qui laissent des vides déjà de 7 à 15 centimètres, ce qui est une preuve, dit-elle, que cette partie est encore en mouvement et qu’elle finira par tomber si on n’y apporte promptement remède. »
L’intérieur, ajoute-t-elle, est dans le meilleur état possible ; en effet, comme vous le dit la commission des monuments, les plus grands efforts ont été faits pour préserver cette église de toute dégradation ; mais les sacrifices qu’il faudrait faire encore sont au-dessus des forces de la petite ville de Saint-Hubert ; c’est pourquoi on invoque le secours de l’Etat avec la plus entière confiance. L’abbaye qui entretenait ce temple, pour l’utilité du monde chrétien, avait des revenus considérables, en forêts surtout, que font encore partie du domaine de l’Etat.
Ou a bien pourvu à l’alimentation des religieux par des pensions, mais les besoins d’alimentation de l’église subsistent et se développent, dans ce moment surtout, avec une force toute nouvelle.
Votre commission des pétitions, qui a pris connaissance du rapport de la commission des monuments, appuie de tous ses efforts la demande du subside qu’elle a faite au gouvernement. En conséquence elle a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition a M. le ministre de la justice.
M. de Mérode. - Messieurs, les faits signalés dans la pétition sont très exacts. J’ai été à St-Hubert il y a deux ans, et j’ai vu l’état de l’église qui est effectivement tel que les pétitionnaires le dépeignent.
Je pense qu’il est urgent que le gouvernement vienne au secours de St-Hubert, pour la conservation de cet édifice. Il faudrait sans cela démolir le portail, et l’église dépourvue du portait aurait un aspect tout à fait fâcheux et qui déshonorerait l’édifice.
Je désire donc que le ministre que la chose concerne veuille prendre la pétition en très sérieuse considération ; les fonds qu’il serait nécessaire d’allouer pour cet objet pourraient être divisés sur plusieurs exercices.
- Personne demandant plus la parole, les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
En conséquence, le renvoi à M. le ministre de la justice est ordonné.
M. Zoude, rapporteur - « Des habitants de la province de Namur réclament l’intervention de la chambre pour que le gouvernement fasse achever la construction de la route de Ligny à Dence, par Fosse, si le concessionnaire de cette route ne peut être forcé de terminer les travaux. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Plusieurs propriétaires du Limbourg demandent qu’il soit apporté des modifications à la loi sur la chasse. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Le sieur de Lem, entrepreneur du casernement de la ville de Liége, demande qu’il soit donné suite à sa pétition tendant à faire annuler le marché conclu avec la société Legrand et comp.. pour les lits militaires. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Le sieur Bourgeois, ex-sous-officier, réclame l’intervention de la chambre pour que le ministre de la guerre l’autorise à porter la croix d’ancienneté de 2ème classe. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Le sieur Vandergucht, blanchisseur en toile, demande une indemnité du chef des pertes qu’il a essuyées par suite de l’établissement du chemin de fer. »
La commission propose l’ordre du jour.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Le sieur François Dieudonné demande la franchise de droits pour la quantité d’hectolitres d’esprit 3/6 dont il a besoin pour la fabrication de ses chapeaux de feutre. »
La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Des membres du conseil communal d’Ortho demandent que le gouvernement fasse étudier un projet de canalisation de l’Ourthe depuis Liége jusqu’à Laroche et même au delà. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Des habitants de Liége réclament l’intervention de la chambre pour que le gouvernement s’occupe des travaux nécessaires à faciliter la navigation sur l’Emblève. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre des travaux publics.
- Adopté.
M. Zoude, rapporteur - « Le sieur Dickschen réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le paiement de travaux qu’en 1818 il a exécutés dans le bastion n°14 des fortifications de la place d’Ostende. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
- Adopté.
- L’ordre du jour est épuisé.
La séance est levée à 4 heures et demie.