(Moniteur belge n°113, du 23 avril 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi un quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn fait connaître l'objet des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur Xavier Prinz, professeur au collège de Hasselt, né à Aix-la-Chapelle, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le sieur Petroment, fabricant de drap à St.-Léger, demande que la loi qui établit des privilèges en faveur des fabricants de drap, molletons, etc., qui se trouvent dans la partie cédée du Luxembourg, soit rapportée. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administrateur-gérant de la société pour la fabrication de glaces, verres à vitres, etc., demande qu'il soit pris des mesures protectrices de cette industrie. »
- Sur la proposition de l'honorable M. Zoude, cette pétition est renvoyée à la commission d'industrie.
« Le conseil communal d'Anvers demande que la chambre ne donne pas son adhésion au projet de loi portant des modifications à la loi communale, en ce qui concerne les comptes communaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
« L'administration communale de Verrebroeck réclame la reconnaissance d'une somme de 60,000 florins payée au gouvernement autrichien comme avance pour l'exemption des contributions de ce poldre. »
- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport, sur la proposition de l'honorable M. Van Hoobrouck de Fiennes.
« Le sieur Nagant, distillateur, adresse des observations sur la pétition des distillateurs de Liége, analysée à la séance du 18 de ce mois. «
« Le sienr Nagant, distillateur à Liége, adresse à la chambre un mémoire contenant des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
« Le sieur C. Verkissen, distillateur, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
« Les distillateurs de la ville d'Audenaerde et des environs adressent des observations sur le projet de loi relatif aux distilleries. »
- Dépôt de ces quatre pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet, et insertion au Moniteur.
« Le sieur van Baerlem demande à être autorisé à plaider pour obtenir le remboursement de sommes prétendûment payées au sieur Hap, en sa qualité de bourgmestre d'Etterbeek par le gouvernement anglais, pour prestations militaires faites en1814 et 1815, par lui et d’autres habitants de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
Par message en date du 21 avril, le sénat informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi relatif aux indemnités.
- Pris pour notification.
M. Osy. - Messieurs, la deuxième section s'est réunie ce matin pour examiner la loi sur les sucres ; mais elle a été arrêtée dans cet examen, parce qu'elle désire avoir les réponses de M. le ministre des finances aux différents mémoires des comités d'agriculture et des chambres de commerce ; la deuxième section ne s'assemblera plus, avant d'avoir reçu ces réponses.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, je dois faire remarquer que ces réponses ne m'ont pas été demandées et que c'est spontanément que je les ai annoncées à la chambre. Quoi qu'il en soit, on travaille à ces notes qui sont assez étendues, et quand elles seront terminées, je m'empresserai de les faire remettre aux sections respectives.
M. Eloy de Burdinne. – Messieurs, les réfutations que l'on demande se trouvent déjà, me paraît-il, dans l'exposé même des motifs du ministre. La chambre a déjà le pour et le contre, et c'est maintenant à elle à décider. Pourquoi retarderait-on la discussion d'un projet si important pour le trésor ? Tous les jours nous votons des dépenses, et nous ne voulons pas créer des ressources pour les couvrir. Je ne conçois pas cette manière d'agir. Si l’on crée des dépenses, il faut aussi chercher des voies et moyens pour y faire face. Activons donc le plus possible le projet de loi sur les sucres dont l’impôt devrait rapporter à la rigueur 7 à 8 millions ; mais pour empêcher que le trésor ne les perçoive, on ne cesse d'apporter des entraves.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Les observations faites par l’honorable préopinant sont parfaitement exactes, dans ce sens qu'il n'y a pas de motifs pour les sections de retarder l’examen du projet de loi jusqu'à la remise de notes ultérieures. Il existe en effet un exposé des motifs qui contient tous les renseignements désirables ; la chambre est régulièrement en possession des avis des chambres de commerce et des commissions d'agriculture. J'ai, je le répète, spontanément offert une note subsidiaire ; mais si cette note ne paraît pas suffisante aux sections, serait-ce un motif pour elles d'ajourner encore l’examen du projet de loi ? Cette manière d'agir serait inusitée.
M. Cogels**.** - Messieurs, s'il ne s'était agi que d’opinions erronées, la deuxième section n'aurait pas retardé son travail, parce qu'il lui aurait été très facile de les réfuter elle-même ; mais il s'agit ici d'erreurs de fait. Il est possible que ce soient des erreurs de statistique. L’instruction n'est dès lors pas complète, et pour que la section puisse procéder avec fruit à l’examen du projet, elle doit savoir en quoi consistent ces erreurs.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, je crois aussi qu'il est intéressant que les sections soient mises à même d'examiner, avec tout le soin qu'il mérite, un projet de l’importance de celui qui concerne l’accise sur le sucre ; je dis un projet de cette importance, car la plupart des chambres de commerce qui appartiennent aux localités où existent des sucreries indigènes, de même que la plupart des commissions d'agriculture, signalent le projet comme devant amener la ruine inévitable de tous les établissements de sucrerie indigène. Vous conviendrez qu'en présence d'une pareille accusation, nous ferons bien d'attendre les observations de M. le ministre en réponse aux avis des collèges dont je viens de parler.
Au surplus, ces avis ne sont pas encore au complet ; d'ici au moment où M. le ministre communiquera ses nouvelles observations, il sera probablement à même de nous communiquer en même temps les avis de celles des chambres de commerce, des commissions d'agriculture, qu’il n'a pas encore reçus. Au reste, ce n'est pas la première fois que les sections demandent des renseignements au gouvernement, avant de procéder à l’examen d'un projet.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, j'ai adressé à la chambre toutes les observations qui me sont parvenues, et à mesure qu'il m'en parviendra d’autres, si tant est qu'il doive m'en parvenir, je m'empresserai de les remettre au président. J'ai écrit aux chambres de commerce et aux commissions d'agriculture que si elles avaient des observations à faire, elles voulussent bien me les transmettre avant les reprises des travaux de la chambres, c'est-à-dire avant le 12 avril courant. Il est donc probable que je n'en recevrai plus.
M. Osy. - Messieurs, ce ne sont pas les avis manquants des chambres de commerce que la deuxième section réclame ; mais elle demande uniquement que M. le ministre lui transmette le plus tôt possible les observations qu'il s'est offert à donner dans la lettre qu'il a adressée à la chambre.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je m'empresserai de rédiger ces nouvelles observations, mais il n'y a pas là un motif pour retarder l'examen du projet de loi.
M. Le ministre des finances (M. Smits) présente le projet de loi suivant, contresigné par lui et son collègue de l'intérieur :
« Art.1er. Le gouvernement pourra apporter au régime d'importation de transit direct et transit par entrepôt, telles modifications qu'il jugera favorables au commerce et compatibles avec les intérêts du trésor et de l'industrie nationale. »
« Art. 2. La présente loi n'aura d'effet que pour un au et sera exécutoire à partir du jour de sa promulgation. »
- Il est donné acte à M. le ministre des finances du dépôt de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.
La chambre en ordonne le l'envoi aux sections.
M. Devaux. - Messieurs, un amendement présenté dans la séance d'hier a placé la discussion sur un terrain nouveau. J'ai demandé la parole pour le combattre.
Il faut d'abord se rendre compte de la portée de cette disposition présentée par les honorables MM. Fleussu et Osy.
Le canal de Zelzaete se compose de deux sections, l'une de la mer à Damme et l'autre de Damme à Zelzaete.
Le projet de loi déposé par l'honorable M. Lejeune, ainsi que les amendements que M. le ministre a proposés sanctionnent en principe la construction du canal tout entier de la mer à Zelzaete. Mais le gouvernement et M. Lejeune sont d'accord pour ne demander actuellement que l'exécution de la première section. La section de la mer à Damme, comparée à la section de Damme à Zelzaete, présente sur la carte une grande différence avec l'autre, puisqu'elle ne forme guère que la 5e ou 6e partie du tout ; mais c'est la partie proportionnellement la plus coûteuse ; comme c'est cette section qui doit recevoir les eaux du reste du canal, elle dort être plus large, et il lui faut d'ailleurs des écluses très coûteuses qui absorberont presque la moitié de la somme qu'elle doit coûter.
Toutefois, MM. Fleussu et Osy sont d'accord avec M. le ministre et M. Lejeune sur ce point que cette section de Damme à la mer doit être creusée dans la prévision de l'exécution du canal complet de Zelzaete à la mer, car ils ont établi leurs calculs sur le chiffre demandé par M. Lejeune et M. le ministre, qui est de 1,700,000 fr.
Ils ont pris le tiers de cette somme pour le mettre à la charge de l'Etat, laissant les deux autres tiers à la charge de la province de la Flandre occidentale. Ainsi, dans l'opinion des auteurs de l'amendement comme dans l'opinion de M. Lejeune et du ministre, la section de Damme à la mer serait construite dans la prévision de la construction complète du canal de Zelzaete à la mer. On lui donnerait les proportions qu'elle doit avoir non seulement pour décharger les eaux du bassin du Zwyn, mais pour recevoir, quand le canal entier sera construit, celles du bassin du Brackman.
Il importe de bien comprendre cette portée de la proposition. Vous voyez que, bien que MM. Fleussu et Osy dans la rédaction du projet aient l'air d'exclure la construction de la section de Damme à Zelzaete, que les autres posent en principe sans en arrêter l'exécution, ils prévoient cependant cette exécution. Elle est dans leur pensée lointaine, si l'on veut, soumise dans son exécution à un nouveau vote des chambres, comme dans le projet de M. Lejeune et celui du gouvernement. Si on n'avait voulu qu'un canal d'évacuation des eaux du Zwyn, on n'aurait pas calculé la dépense sur un pied aussi élevé ; s'il ne s'agissait que de la seule évacuation des eaux du bassin du Zwyn, les frais seraient beaucoup moindres.
Je voudrais examiner la question sous plusieurs points de vue. Puisqu'on ne demande aujourd’hui que l'exécution du canal de Damme à la mer, et que l'exécution de l'autre partie dépendra d'un vote ultérieur de la chambre, je m'attacherai d'abord à prouver que l'exécution du canal de Damme à la mer est réclamée aujourd'hui comme une mesure de justice, je dirai presque comme un droit par ceux qui la demandent.
L'état du bassin du Zwyn vous est probablement connu maintenant. Vous savez que là les terres ont perdu tous les écoulements qu'elles possédaient avant la révolution, sauf le plus insuffisant de tous, celui qui est situé à l'ouest de cette partie de la Flandre, le Hazegras. Les écluses du Watergang, d'Ecloo, de l'Eede, l'écluse du Panewater, l'écluse Noire, l'écluse Bleue, ont été complètement supprimées.
On a été forcé, par suite des événements politiques, de supprimer les écoulements par ces voies ; ou plutôt on a concouru à cette suppression des deux côtés ; la Hollande, dans un but d'agression et de défense, et la Belgique dans l'intérêt de sa défense.
Les cours d'eau ont donc été interrompus, et l'ensablement du Zwyn n'ayant plus été combattu par les chasses d'eau, il est arrivé à un point tel que ces débouchés sont aujourd'hui absolument inutiles et qu'on ne pourrait plus les rétablir qu'en faisant de très grands frais, en construisant des travaux sur le terrain de l'étranger avec la perspective de les voir dépendre de lui et de plus de les voir s'ensabler un jour de nouveau.
Vous voyez, messieurs, que ce que ces localités demandent au gouvernement n'est pas une indemnité du genre de celles qui ont été réclamées de vous, il y a quelque temps. Pour le passé, on ne vous demande aucune indemnité ; les pertes ont été grandes, mais on ne vous demande rien, ni pour non-jouissance, ni pour destruction. Tout ce qu'on demande, c'est d'empêcher pour l'avenir le retour de désastres qui ont lieu périodiquement et qui ont lieu par le fait de l'Etat, par le fait d'événements politiques, par le fait de mesures prises dans l'intérêt de la défense du pays.
Ceux qui défendent le canal de Zelzaete ne sont pas dans la position d'un propriétaire qui dirait : Ma maison a été bombardée ; je vous demande une indemnité pour réparer les pertes que j'ai éprouvées par ce bombardement. Ils sont au contraire dans la position du propriétaire qui vous dirait : Ne bombardez plus ma maison, ne me faites plus subir les pertes que vous m'avez jusqu'ici occasionnées. Passons l’éponge sur le passé, mais ce que je demande, c'est de ne plus souffrir chaque année de nouveaux désordres qui ne sont pas mon fait, dont la cause est le fait de la généralité. Ce que je demande en ce moment, c'est que vous me remettiez dans la situation ou j'étais avant 1830.
J'ai entendu l'honorable M. Dubus contester l'urgence de la nécessité des travaux dont il s'agit. Il nous a dit : Mais cela est réclamé depuis bien longtemps ; en 1836 le projet n'a pas été adopté par le sénat ; qu'en est-il résulté. Les Flandres n'ont pas péri !
Non, les Flandres n'ont pas péri ; elles ne sont pas rentrées dans le sein des eaux d'où la persistance et l'industrie de leurs habitants les ont fait sortir. Et s'il faut un argument de ce genre pour faire adopter le canal, je suis assez heureux, je l'avoue, pour ne pas pouvoir le présenter.
Mais les Flandres n'ont-elles pas souffert considérablement ? Consultez l'état officiel des travaux hydrauliques nécessites par le défaut d'écoulement et des pertes causées par les inondations, vous verrez que, pour les terrains situés entre Damme et la mer, les pertes s'élèvent à plus de 700 mille francs ; les travaux extraordinaires au canal d'Ostende (indépendamment des travaux d'entretien) pour remédier aux détériorations que ce canal a subies, s'élèvent à 3 ou 400 mille francs. Voilà un million à onze cent mille francs de charges pour une localité peu étendue, par suite d'un fait politique et imputable à la généralité. Ces faits ne constatent-ils pas la nécessité des travaux proposés ? Faut-il de plus grandes pertes que celles là ? Pour le canal d'Ostende, on a dépensé 3 à 400 mille francs en travaux extraordinaires. .
Mais ce n'est pas tout ; ce canal, pour être mis dans un état satisfaisant nécessite de grands travaux nouveaux dont la dépense devra être faite en l'échelonnant sur un grand nombre d'années. Cette dépense tellement considérable que le conseil provincial à qui elle a été demandée n'a pas encore pu se décider à la décréter. Voilà dans quelle position l'état de choses qui existe a mis les propriétés du bassin du Zwyn et le canal de Bruges à Ostende.
Les poldres ont souffert également par des causes de force majeure là le gouvernement est intervenu. Hier M. le ministre des travaux publics a évalué à 7 millions les dépenses faites pour les polders, et je ne crois pas que les propriétaires aient été taxés, qu'ils aient dû intervenir pour un quart dans la dépense. Ici les propriétaires auront non seulement à contribuer pour un quart dans la dépense, si vous adoptez la proposition du gouvernement, mais encore à changer complètement la direction des voies secondaires d'écoulement vers le canal. Voyez, sous ce rapport, combien leur position est fâcheuse. En 1830 les anciens moyens d'écoulement sont supprimés ; il faut se servir du canal d'Ostende. Dès ce moment, des voies d'écoulements secondaires sont faites à leurs frais par les propriétaires. Maintenant, si on rétablit l'ancien ordre de choses ou si on en établit un nouveau, il faut que les propriétaires changent de nouveau les travaux qu’ils ont dû faire, pour les mettre en harmonie avec la nouvelle direction du canal.
L'honorable M. Dubus a dit aussi que le chômage du canal de Bruges à Ostende n'était pas considérable. Mais qu'il veuille jeter les yeux sur le rapport fait en 1837 par M. Nothomb, page 43 ; il verra le tableau, jour par jour, des époques de chômage du canal d'Ostende ; il verra qu'en moins de 7 ans il y a eu 533 jours de chômage, c'est-à-dire du cinquième au quart de tout le temps.
Et cependant, messieurs, remarquez-le, ce qui importe, ce n'est pas seulement la durée, mais encore l'époque de chômage. Un chômage d'un mois par an, s’il a lieu à une époque où le commerce est actif, peut être extrêmement préjudiciable. Que sera-ce d'un chômage de deux ou trois mois. Cela est si bien senti que nous avons une pétition de la chambre de commerce de Mons, en faveur du canal de Zelzaete, et la raison en est que le commerce houiller du Hainaut est intéressé à ce que les baisses d'eau du canal d'Ostende, nécessitées par le défaut d'écoulement par le Zwyn, ne se répètent pas comme cela se fait aujourd'hui.
A l'ouverture de la session, quand j'étais à Bruges (je ne sais ce qui s'est passé depuis) quatre-vingts bateaux charges de houille avaient été retenus pendant environ trois semaines, parce que les eaux du canal avaient dû être baissées pour laisser écouler les eaux du bassin du Zwyn.
Dans la discussion de 1836, on a cité une correspondance entre le gouverneur du Hainaut et le gouverneur de la Flandre occidentale contenant les réclamations de la province du Hainaut contre la baisse des eaux du canal d'Ostende qui nuisait au transport des houilles du Hainaut.
Il y a plus, le canal de Bruges sert aux vaisseaux de mer ; il amène dans le port de Bruges les vaisseaux de ce port qui font le commerce maritime. Qu'arrive-t-il ? Lorsqu'un vaisseau revient d'un voyage par delà la mer, si les eaux sont baissées, il est obligé de séjourner à Ostende jusqu'à ce que le niveau des eaux soit relevé. D'un côté, les ponts et chaussées se trouvent dans cette singulière position, que l'agriculture leur crie baissez les eaux pour nous délivrer des inondations ; les commerçants leur disent de leur côté vous nous ruinez, si vous ne retirez pas les eaux du canal. Car nos vaisseaux ne peuvent revenir à Bruges et sont forcés de séjourner à Ostende ou de transborder. Voilà quelle position la situation actuelle du canal fait à la navigation du canal de Bruges.
L’honorable M. Dumortier, pour prouver que la construction du canal n'est pas urgente, a dit qu'il n'y a pas d'ensablement. La preuve, a-t il ajouté, c'est qu'il y a deux rivières qui débouchent dans le Zwyn. Laissez faire ces rivières, dit-il, et ne vous inquiétez pas de cet ensablement. Mais depuis 1830, les eaux de ces deux rivières, qu'on flatte un peu en leur donnant ce nom, se déchargent, par le canal de Damme, dans celui de Bruges à Ostende. Ainsi, ces deux rivières qui devaient entretenir la profondeur du Zwyn sont en quelque sorte détournées. S'il y a encore une partie des eaux qui arrive au Zwyn, ce ne peut être que lorsque les eaux sont tellement hautes quelles parviennent à franchir l'obstacle qui s'est formé à leur embouchure dans le Zwyn ; et quand elles arrivent à cette hauteur, les propriétés voisines sont inondées. Car vous savez que ces canaux sont formés de digues ; c'est-à-dire qu'ils sont en quelque sorte autant au-dessus qu'au-dessous du niveau du sol. Par conséquent, si on élève le niveau de leurs eaux, les canaux d'assèchement ne servent plus qu'à inonder les terres.
Si vous pouviez rendre au bassin du Zwyn les anciennes embouchures, l'intérêt local, l'intérêt actuel de la localité et même de la navigation du canal d'Ostende serait satisfait. Mais vous ne le pourriez pas sans de très grands frais, aussi grands, plus grands peut-être que ceux de construction du canal. Ensuite vous seriez obligés de faire ces travaux considérables à vos frais sur le territoire de l'étranger, pour les mettre sous la dépendance et afin peut-être qu'un jour il s'en serve contre nous.
Un honorable sénateur disait en 1836, dans la discussion du sénat, qu'il avait contribué autrefois, pour sa part, pour 6000 fr., dans la construction d'une écluse sur le territoire hollandais. Cette écluse, pendant nos premiers démêlés avec la Hollande, il fut condamné à la voir aux mains de l'étranger, qui en dirigeait les manoeuvres dans un intérêt précisément contraire à celui des propriétaires belges qui en avaient fait les frais.
Pourriez-vous consentir à des dépenses qui auraient pour objet de faire construire des écluses sous la direction du gouvernement hollandais, de construire à grands frais sur ce territoire des canaux qui seraient d'ailleurs ensablés quelques années plus tard, sauf à devoir ensuite abandonner ces écluses, et à les voir diriger contre vous, lorsque cette direction vous serait le plus utile en cas d'inondations de guerre ?
Il y a une grande erreur à croire que le canal de Damme est une espèce de Pactole pour le bassin du Zwyn, à croire que ce bassin va se trouver tout à coup amélioré beaucoup au-delà de sa position d'autrefois. Il y aura amélioration quant à aujourd'hui, cela est vrai quant à la situation qu'ont faite les événements politiques, mais quant à l'état de choses qui existait avant les événements politiques de 1830, il n'y aura pas. La seule amélioration qu'il puisse y avoir pour les propriétaires du bassin du Zwin est une amélioration d'avenir, une amélioration éventuelle. C'est que le Zwyn s'ensable peu à peu ; dans un demi-siècle, un siècle peut- être, il aurait fini par s'ensabler. Voilà l'avantage, avantage éventuel, avantage lointain, très peu appréciable en argent, que dans tous les cas les propriétaires payent puisque, d'après le projet du ministre, ils interviennent pour un quart dans la dépense.
Je crois que ces considérations prouvent qu'il y a non seulement urgence, mais justice, dans le projet de loi proposé, et que ceux qui le réclament ont en quelque sorte un droit rigoureux à invoquer.
Permettez-moi de ne pas me borner là et d'examiner la question sous d'autres aspects encore.
Un des honorables auteurs de l'amendement nous a dit : Ce que vous demandez est un canal d'écoulement ; si c'était un canal de navigation, s'il s'agissait d'une voie navigable comme l'Escaut ou la Meuse, alors-nous concevrions l'intérêt général, tout le pays a intérêt à naviguer sur la Meuse où l'Escaut ; ce n'est un pas intérêt isolé. Mais assécher des terrains, cela ne profite qu'au propriétaire de ces terrains. Il s'agit d'un canal d'assèchement, cela est vrai, mais l'intérêt de ce canal se lie de la manière la plus étroite à celui de la navigation ; car enfin, existe-t-il dans le pays beaucoup de voies de navigation plus belles, plus larges, plus profondes, que le canal de Bruges à Ostende.
Or, c'est dans l'intérêt de la navigation de ce canal que le Hainaut, comme la Flandre occidentale, demande la construction du canal de Damme. Il y a là deux intérêts : un intérêt d'assèchement et un intérêt de navigation.
Quelle différence faites-vous entre la navigation du canal de Bruges à Ostende et la navigation de la Meuse, par exemple ? La Meuse n'est navigable qu'une partie de l'année ; le canal de Bruges à Ostende serait navigable toute l’année, si les eaux ne devaient pas être baissées. La Meuse, en Belgique, ne porte que des bateaux d'un faible tirant d'eau ; les vaisseaux de mer d’un fort tonnage naviguent sur le canal d'Ostende. La Meuse conduit en Hollande, le canal d'Ostende fait partie de notre ligne de navigation sur Dunkerque. La Meuse transporte les marchandises à Rotterdam, port étranger ; le canal de Bruges, touche par un bout au port de Bruges, et par l'autre à celui d'Ostende, deux ports belges. Le port d'Ostende a lui seul n'est-il pas d'un intérêt général pour la navigation.
Or, on a dit l'autre jour que la baisse fréquente des eaux présentait des dangers d'ensablement pour le port d'Ostende. Cela s'explique de la manière la plus simple : c'est que les écluses de chasse d'Ostende ne peuvent agir avec efficacité qu'autant qu'il y a une grande différence de niveau entre les eaux du canai et les eaux de la mer. Si le canal d'Ostende doit servir de canal d'écoulement il faut baisser fréquemment les eaux, alors les écluses de chasses perdent leur puissance, elles ne chassent plus avec assez de force ; les eaux qu'elles envoient dans la mer ne tombent plus d'assez haut et ne se précipitent plus avec assez d'énergie.
Je n'ai parlé que du bassin de Zwyn, parce qu’il m'est le mieux connu. Mais ces raisons d'utilité et même de justice existent aussi pour le bassin du Brackman.
Outre les faits de la révolution, il y a dans ce bassin un fait du gouvernement, qui a changé sa situation, c'est le creusement du canal de Terneuzen qui est venu substituer un canal de navigation à un canal d'écoulement.
Aujourd'hui, messieurs, le canal de Terneuzen est très favorable à la navigation, mais il est nuisible aux assèchements. Là comme dans le canal d'Ostende, l'intérêt des assèchements exige qu'on abaisse les eaux, et l'intérêt de la navigation qu'on les lève.
On s'est beaucoup plaint depuis quelque temps des inondations du haut Escaut, et je dirai à ce sujet que j'ai dans les mains une pétition venant de l'arrondissement de Tournay, où l'on prie la chambre de donner au gouvernement les moyens de prolonger les voies d'assèchement jusqu'à la mer. Ainsi on se plaint des inondations de l'Escaut, non seulement dans les Flandres, mais dans le Hainaut. Or, à quoi tiennent les inondations du Hainaut dans l'opinion des hommes de l'art ? Quel est le remède à y apporter ? la cause de ces inondations, c'est qu'à Gand les eaux ont un débouché insuffisant ; le remède, c'est d'élargir le débouché des eaux à Gand.
Le canal de Terneuse qui pourrait sous ce rapport rendre de très grands services, s'il n'était pas canal de navigation, est un moyen très insuffisant, comme débouché du trop plein des eaux de l'Escaut. Que fera le canal de Zelzaete à la mer ? Il rendra à Gand les moyens d'écouler les eaux sans nuire à la navigation. Le canal de Zelzaete à la mer ne sauve pas seulement le canal de Bruges à Ostende, mais aussi il sauve la navigation du canal de Gand à Terneuse. Il y a là deux canaux de navigation qui dans ce moment doivent servir à la fois pour la navigation et pour l'assèchement ; ou il faut que la navigation souffre, ou il faut que l'assèchement souffre. Le canal de Zelzaete se pose entre ces deux canaux, comme simple moyen d'écoulement ; il permet ainsi de donner à chacun des deux sa pleine navigabilité, et en même temps il permet d'écouler le trop plein des eaux qui arrivent à Gand par l'Escaut et par la Lys.
Messieurs, il y a encore en faveur de la construction du canal, qui est en discussion un autre ordre de motifs, qui me paraissent devoir avoir leur gravité à vos yeux.
Vous savez combien, de tout temps, cet écoulement des eaux par le territoire étranger a amené de difficultés pour la Belgique, combien il en est résulté de débats, combien de tiraillements, par suite de la malveillance, ou si vous le voulez, par la négligence de nos voisins. C'est une situation très fâcheuse, messieurs, que d'être dans la nécessité d'avoir constamment de pareils démêlés avec ses voisins, d'avoir de ces procès qui n'ont pas de tribunal où on puisse les faire juger.
Car enfin, si on vous ferme une écluse, si on ne fait pas le service comme vous le voulez, vous n'irez pas faire la guerre parce qu'un ruisseau se trouve bouché, parce que quelques hectares de terrain souffrent. Vous n'allez pas faire la guerre, et cependant vous subissez une humiliation. S'il s'agissait d'un grand fleuve, s'il s'agissait de l'Escaut, de la Meuse, vous auriez pour vous le droit des gens, l'intérêt de puissance ; l'intérêt d'ailleurs est tellement grave que vous armeriez pour le sauver, et, au besoin, vous feriez la guerre. Mais de petits intérêts comme ceux dont je viens de parler, peuvent donner lieu à des discussions de tous les jours, discussions désagréables, irritantes, inquiétantes, et qui ne valent pas cependant qu'on répande le sang pour les terminer.
Je sais bien qu'on vous a dit que vous avez à l'égard de la Hollande une arme toute prête, ne payez pas la dette. Mais, on a oublié que ce moyen ne sera pas longtemps praticable. On a oublié qu'avec le traité des 24 articles tel qu'il est rédigé, ce moyen est une arme impuissante. Car vous devez transcrire la dette hollandaise sur votre grand livre, et dès lors le gouvernement hollandais ne sera plus en cause. Vous direz peut-être que ce sont des Hollandais qui .seront porteurs des coupons. Il peut en être ainsi pendant quelques années ; mais il arrivera pour cette dette, ce qui est arrivé pour la dette belge. Pendant quelques années des étrangers seront porteurs de ce fonds ; mais bientôt, ce seront des Belges. Et alors, si vous les frappez, vous frappez sur vous-mêmes ; vous frappez sur des Belges.
N'est-ce pas un intérêt général pour un pays que la formation, la délimitation de la frontière ? Or, je dis que tant que les choses restent dans l'état où elles sont, vous n'avez réellement pas de vraies limites. Vous êtes à cet égard dans une position où un particulier ne resterait pas un mois à l'égard de son voisin.
Quand on fait un traité de paix, quand il y a un changement de territoire, quelle est la première mesure que l'on prend ? On nomme des commissaires pour délimiter bien exactement les terrains, afin qu'il n'y ait aucun mélange d'intérêt, aucune occasion de conflit entre les deux peuples voisins. Ici vous avez un contrat continuel avec vos voisins, vos intérêts sont mêlés aux siens au-delà de la frontière, vos propres écluses sont chez lui, vous devez continuellement avoir recours à lui. Il peut vous nuire à toute heure sans même en avoir l'air. En un mot, vous êtes dans la position de deux associés qui, d'humeur incompatible, ont séparé leurs affaires, mais qui restent les mains dans les poches l'un de l'autre. Ou si vous l'aimez mieux, c'est une propriété, une maison, dont on en fait deux, qui sont vendues à des propriétaires différents, mais auxquelles on donne une seule porte, une seule gouttière, un seul égout.
Ne suis-je pas fondé à dire que le pays a un grand intérêt à sortir de cet état de choses irrégulier ; et puisque l'occasion s'en présente, puisqu'il y a nécessité de mettre la main à l'œuvre, je dis qu'il est utile, qu'il est prévoyant de le faire ; de telle sorte que les intérêts des deux pays soient bien séparés, bien indépendants.
Cet ouvrage, messieurs, serait fait depuis longtemps, si la Belgique depuis sa première séparation de la Hollande, n'avait été longtemps soumise à des gouvernements étrangers. Si elle avait eu un gouvernement national, elle ne serait pas restée pendant deux siècles dans l'état de choses actuel. Elle se serait fait une frontière ; elle aurait fait ce que font tous les gouvernements, elle aurait mis le plus grand soin à établir la délimitation de la frontière, la distinction d'indépendance des deux territoires.
Joseph II l'avait voulu ; malheureusement, vous le savez, Joseph II a eu à cet égard comme à l'égard de la liberté de l'Escaut, des velléités que sa politique comme monarque autrichien, allié avec la France qui l'était avec la Hollande, l'a forcé d'abandonner. Mais au moins il avait bien compris que c'était un intérêt grave pour le pays. Il y avait attaché une telle importance, qu'il ne s'en était pas fié aux ingénieurs du pays pour étudier la question, et qu'il avait chargé de ces études un ingénieur autrichien jouissant de toute sa confiance.
Nous sommes assez heureux pour pouvoir faire ce que Joseph II n'a pas fait ; nous n'avons plus d'intérêt étranger à la Belgique, nous n'avons que l'intérêt du pays à consulter, et le moment est venu de faire pour la frontière qui nous sépare de la Hollande, ce qui eût dû être fait depuis deux siècles.
Vous avez compris dans une autre question, combien cette dépendance de la Belgique à l'égard de la Hollande était fâcheuse, combien la séparation des deux pays emportait avec elle la nécessité de faire cesser cette confusion d'intérêt d'un côté de la frontière à l'autre ; le diocèse de Liége avait son petit séminaire à Rolduc ; il n'était pas impossible que les jeunes gens belges allassent étudier à Rolduc ; ils y auraient étudié peut-être aussi bien qu'ailleurs. Mais on a trouvé que cela n'était pas convenable ; on a trouvé que le diocèse de Liége devait avoir ses établissements diocésains sur le territoire belge et non sur le territoire étranger. Il n'est venu à personne l'idée que c'était, par exemple, un intérêt provincial, un intérêt diocésain. Non, on a dit : c'est une suite de la séparation. Il faut mettre l'évêché dans la position où il était avant la révolution ; il ne faut pas qu'il dépende de l'étranger, il faut que cet évêché ne dépende que de la Belgique, comme autrefois il ne dépendait que des Pays-Bas.
Il me semble qu'il s'agit précisément ici d'une question du même genre. Nous demandons pour l'écoulement des eaux des Flandres, de ne dépendre que de la Belgique, comme avant la révolution nous ne dépendions que des Pays-Bas.
Remarquez-le bien, messieurs, nous ne sommes pas sur nos frontières dans une situation bien favorable envers la Hollande. Pour la Meuse, pour l'Escaut, pour l'écoulement des eaux, nous avons toujours besoin d'elle. C'est toujours elle qui peut contrarier nos intérêts. Pour l'Escaut, pour la Meuse, c'est elle qui peut nous en disputer l'embouchure, qui peut gêner la navigation.
Le canal de Zelzaete est un moyen de compenser jusqu'à un certain point cette supériorité de position que la Hollande a sur nous. Car il ne nous délivre pas seulement de la dépendance de la Hollande sous le rapport de l'écoulement des eaux, mais il met la Hollande dans votre dépendance. Il est très probable que la Hollande viendra bientôt, si elle ne veut faire un travail du même genre que celui que vous allez décréter, vous demander de pouvoir payer la faculté d'écouler les eaux dans votre canal.
Il y a plus, c'est un moyen de supériorité sur la Hollande. Les rapports des ingénieurs nous disent que le canal de Zelzaete à la mer est un moyen de priver la Flandre zélandaise d'eau douce. Et certainement c'est là un moyen stratégique qui mérite d'être pris en considération.
Ainsi, non seulement, vous vous défendez contre la Hollande, non seulement vous lui enlevez le moyen de vous inonder, mais vous acquérez sur elle un moyen de coercition qu'elle avait sur vous.
D'autres membres ont déjà démontré l'intérêt que présentera le canal de Zelzaele comme ligne de défense militaire ; ne fût-ce que contre des excursions qui font toujours beaucoup de mal ; on a également démontré les avantages qui résulteront du creusement de ce canal sous le rapport de la facilité de la surveillance douanière.
Je vais maintenant considérer en lui-même l'amendement des honorables MM. Fleussu et Osy.
Ces honorables membres ne contestent pas les chiffres du gouvernement ; ils reconnaissent que le canal de Damme à la mer, seule partie dont on réclame l'exécution, que le canal de Damme à la mer coûtera 1,700,000 francs ; ils mettent à la charge du gouvernement 1,700,000 fr. et 1,200,000 fr. à la charge de la Flandre occidentale.
Messieurs, cet amendement, c'est le rejet de la loi ; cet amendement est inexécutable ; comment la Flandre occidentale ferait-elle une dépense de 1,200,000 fr. pour ce canal, alors que pour l'écoulement de ses eaux à elle, elle n'a nul besoin de faire une dépense aussi forte ? Les deux tiers que vous mettez à la charge de la Flandre occidentale l'emportent sur la totalité des dépenses qu'il faudrait faire s'il ne s'agissait que de l'écoulement des eaux de cette province. Certes la Flandre occidentale ne dépasserait pas 1,200,000 fr., si elle devait se procurer à ses propres frais tous les moyens d'écoulement dont elle a besoin ; elle y gagnerait de plus un moindre entretien, car ces honorables membres ne se sont pas expliqués sur la manière dont ils voudraient répartir les frais d'entretien, mais je pense qu'ils ne sont pas plus favorables à cet égard que le gouvernement. Sous ce rapport donc la Flandre occidentale aurait beaucoup plus d'intérêt à construire à ses propres frais un canal qui suffit à l'écoulement de ses eaux.
« Mais, dira-t-on peut-être, la Flandre orientale contribuera également. » D'abord, messieurs, cela n'est pas dans l'amendement. Mais, alors même que cela y serait, comment voulez-vous que la Flandre orientale contribue à la construction d'un canal qui ne sera pas fait jusqu'à Zelzaete ? La Flandre orientale dira : « Mais vous voulez que je paie pour une éventualité qui ne se réalisera peut-être pas ; vous voulez que je paie une partie des frais de creusement d'un canal où je ne puis pas déverser mes eaux ! »
Ainsi, messieurs, l'amendement des honorables MM. Fleussu et Osy me paraît tout à fait inexécutable, car on ne sait pas qui l'on chargera des frais que l'on ne met pas à la charge de l'Etat : ce ne peut être la Flandre occidentale, puisqu'elle pourrait se débarrasser de ses eaux à beaucoup meilleur compte, sans l'intervention du gouvernement ; ce ne peut être la Flandre orientale, puisque vous ne voulez pas faire le canal au-delà de Damme.
La preuve, messieurs, que cet amendement c'est le rejet de la loi, c'est ce qui s’est passé en 1836.
Alors le gouvernement a cru ne pas pouvoir mettre à la charge des localités la moitié de la dépense, ce qui était cependant beaucoup plus favorable que la proposition de MM. Fleussu et Osy, d'après laquelle les localités devraient supporter les trois quarts de la dépense. Le sénat adopta un amendement qui mettait la moitié de la dépense à la charge des localités ; mais que devint le projet ? Le gouvernement crut devoir le retirer parce qu’il le considérait comme inexécutable.
En 1836, la chambre des représentants avait décidé que tout ce canal serait construit aux frais de l'Etat ; le sénat décida que l'Etat supporterait seulement la moitié des frais. Dans cette position, que fait M. Lejeune ? Il a tâché de trouver une position intermédiaire entre le projet adopté par la chambre des représentants et le projet amendé par le sénat : la chambre des représentants avait décidé que l'Etat serait chargé de tous les frais ; le sénat avait voulu que l'Etat n'intervînt que pour la moitié ; pour mettre d'accord le sénat et la chambre des représentants, le gouvernement adopta une moyenne assez naturelle entre les deux projets ; il proposa de faire supporter par l'Etat les trois quarts de la dépense ; c'est bien là le milieu entre la moitié et la totalité. Au lieu de cela que proposent MM. Fleussu et Osy ? de nous mettre dans la plus singulière position vis-à-vis du sénat ; vous avez envoyé au sénat un projet de loi où vous dites : les frais du canal seront tous à la charge de l'Etat ; le sénat vous a répondu : « Non, l'Etat ne donnera que la moitié. » Pour nous mettre d'accord avec le sénat, ou pour proposer de ne plus même accorder la moitié, vous ne donnerez plus que le tiers. Vraiment, messieurs, la dignité de la chambre serait compromise, si elle se mettait dans une si étrange position vis-à-vis du sénat, et vis-à-vis du pays.
Je terminerai ces observations par une recommandation que j'ai à faire à M. le ministre des travaux publics.
Il y a quelque temps qu'une pétition a été adressée à la chambre par les propriétaires de bateaux pêcheurs de Blankenherghe, qui demandaient que le tracé du canal soit révisé et qu'on le fasse déboucher à Blankenberghe même. Les pétitionnaires disent que cela pourrait se faire sans beaucoup de frais et avec les mêmes avantages que ceux qui résulteraient du tracé actuel ; au point où débouchera le canal il y aura une espèce de petit port de refuge qui sera très avantageux aux bateaux pêcheurs, ils ajoutent qu'il vaudrait mieux donner cet avantage à Blankenberghe qu'à Heyst, la pêche de Blankenberghe étant beaucoup plus importante que celle de cette dernière localité. Il s'agit ici d'une question d'art, sur laquelle je ne veux pas énoncer d'opinion, et que la chambre ne peut pas trancher. Je demande seulement que le gouvernement veuille bien examiner s'il y aurait en effet moyen de concilier ici l'intérêt de la pêche de Blankenberghe avec les autres intérêts qui se rattachent au canal.
M. Cogels**.-** J'ai été assez surpris, messieurs, d'entendre dans cette discussion, invoquer par quelques membres de cette chambre des principes que dans d'autres circonstances j'ai défendus avec beaucoup d'insistance mais qui n'ont pas été admis alors par ces honorables membres.
L'honorable député de Bruges qui a ouvert la discussion dans la séance d'hier, en parlant de ce qui s'est passé il y a 6 ans, lorsque nous avons adopté une première fois la proposition de l'honorable M. Lejeune, nous a dit que la chambre alors était touchée du sort de cette masse de victimes qui depuis six ans souffraient des inondations auxquelles elles avaient été constamment en butte, qu'il n'y avait alors en réalité qu'une seule voix dans cette enceinte pour soutenir qu'il était de toute équité de rendre à ces malheureux ce que les événements politiques leur avaient fait perdre,
Eh bien, messieurs, c'est là le principe que j'ai défendu dans une autre circonstance, et alors ce principe n'a pas été reconnu, Je ne viens pas du tout blâmer la décision de la chambre ; je m'y soumets, je la respecte ; mais je m'étonne qu'en ce moment, où il s'agit d'un canal qui doit également être fait dans des intérêts particuliers, quoi qu'on en dise, on soit venu invoquer un principe qu'on n'a pas voulu admettre en faveur d'hommes qui souffrent des mêmes événements.
Je dirai plus ; l'honorable membre qui siége à mes côtés, nous a dit que les détériorations des terres qu'il s'agit d'assécher proviennent du fait qui a amené l'indépendance, la nationalité de la Belgique et que par conséquent il est juste que la généralité se charge, non pas d'indemniser ceux qui ont souffert de ces détériorations, mais de prévenir le retour de calamités semblables à celles dont ils ont été victimes. Eh bien, messieurs, les maux dont nous avons demandé la réparation résultaient aussi du fait de l'indépendance de la nationalité du pays ; il n'y qu'une différence, c'est que les maux dont il s'agit en ce moment proviennent d'un traité que la Belgique n'a accepté qu'avec répugnance, d'un traité qui lui a été extrêmement onéreux, tandis les souffrances pour lesquelles nous demandions une réparation provenaient d'une convention qui a été acceptée avec empressement, avec reconnaissance, d'une convention qui a fait jouir la Belgique d'une foule d'avantages, dont le pays seul a recueilli les fruits, dont les inondés ont seuls supporté les résultats fâcheux.
Je demande pardon à la chambre d'avoir fait cette observation et ce ne sera pas un motif pour moi de voter contre le canal de Zelzaete, Seulement je ne puis pas admettre le projet de loi tel qu'il nous est proposé et j'en expliquerai très brièvement les motifs ; car je réclamerai l'indulgence de la chambre ; j'aurai peut-être de la peine à me faire entendre, il me serait impossible de parler pendant longtemps.
Le projet qui nous est soumis décrète non pas la construction du canal de Damme à la mer, mais la construction du canal, depuis la mer jusqu'à Zelzaete. Seulement dans le projet, il est dit que la première section du canal sera exécutée immédiatement, mais la construction du canal tout entier n'en est pas moins décrétée. Nous ne savons pas à quelle dépense cela pourra nous conduire, et si la loi passe, toutes les dépenses devront se faire, quelle qu'en soit l'importance.
Il y aura chose jugée, lorsqu’on viendra nous demander des sommes quelconques pour l'achèvement du canal, on vous dira que vous ne pouvez pas refuser ces sommes, qu'elles vous sont demandées en vertu d'une loi.
Je ne pourrai donc pas accepter un projet qui limite les sacrifices à faire par les propriétaires, mais qui ne trace aucune limite pour les sacrifices que doit faire l'Etat ; je ne proposerai cependant pas d'amendement, mais si le projet n'est pas modifié, je serai forcé de voter contre.
Je voudrais aussi, puisque la seule section du canal qu'il soit urgent de construire en ce moment, la section de Damme à la mer, je voudrais que cette section seule fût décrétée par la loi, ainsi que cela avait eu lieu par une proposition antérieure de l'honorable M. Lejeune et par le premier projet de loi tel qu'il a été amendé par le sénat.
Pour présenter la construction du canal de Zelzaete comme un objet d'intérêt général, l'honorable préopinant nous a fait valoir la nécessité d'une délimitation de frontières. Il a dit que nous n'avions pas de frontières, que nous étions en contact immédiat avec les voisins dont nous nous sommes séparés.
En effet, messieurs, le canal qu'on propose pourra atteindre en quelque sorte ce but, mais cependant il ne l'atteindra pas complètement, parce que derrière le canal, vous laisserez encore beaucoup de terrains qui resteront en contact arec la Hollande. Ce but, vous ne pourrez jamais l'atteindre que partiellement. En effet, ce n'est pas la seule frontière que vous ayez avez la Hollande. Dans nos polders, nous avons les mêmes inconvénients, nous sommes en contact avec la Hollande. Dans nos bruyères, la délimitation est encore plus difficile ; là réellement nous ne savons pas où notre frontière se termine. Ainsi, cette considération ne doit être regardée que comme tout à fait secondaire.
On a dit, probablement dans la prévision de l'argument que j'ai fait valoir en prenant la parole ; on vous a dit que ce n'était pas une indemnité qu'on réclamait. Cela est vrai, messieurs, il ne s'agit pas d'une indemnité pour des pertes éprouvées ; mais cela n'équivaut pas à une indemnité ? On vous demande plus que nous n'avions réclamé. Nous demandions seulement une réparation de dommages soufferts, ici on demande l'amélioration de propriétés particulières. Il est donc bien juste que les propriétaires qui verront s'accroître la valeur de leurs propriétés, contribuent dans la dépense pour une part proportionnelle ; car, il est très possible que l'accroissement de valeur de leurs propriétés qui pourra résulter de la construction du canal, suit plus qu'équivalent à la contribution qu'on leur imposera.
Comme je me sens fatigué, je bornerai là pour le moment mes observations ; mais si les premiers articles, tels qu'ils sont proposés étaient adoptés, j'aurais encore alors à faire des observations sur le mode de paiement, dont il est question à l'art. 9.
M. Maertens. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre en peu de mots à l’honorable préopinant qui m'a fait l'honneur de citer un passage de mon discours pour soutenir que je me trouvais en contradiction avec la conduite tenue par moi dans une autre circonstance, lorsqu'il s'agissait d'intérêts qui concernaient principalement la localité qui a envoyé l'honorable préopinant dans cette enceinte.
Messieurs, ma conduite d'alors n'est nullement en contradiction avec la conduite que je tiens aujourd'hui.
Comme l'a fait remarquer hier M. le ministre des travaux publics, nous avons dépensé au-delà de sept millions pour l'endiguement des polders, pour préserver les polders de nouvelles inondations ; nous avons voté toutes ces sommes avec empressement, et ces allocations ont été toutes mises à la charge du trésor public, sans que les intéressés aient contribué pour une obole dans la dépense.
Nous, messieurs, députés des Flandres, nous qui insistons pour obtenir le canal de Zelzaete, nous ne demandons absolument rien, pour les pertes que les inondations ont occasionnées à nos terres, depuis que la révolution nous a privés de nos voies d’écoulement. Dès lors, nous pensions aussi que nous ne devions rien aux poldres pour les pertes que les inondations leur avaient occasionnées, et que nous avions fait acte de bonne justice, en replaçant ces poldres dans la position où ils se trouvaient avant la révolution. C'est la même chose que nous demandons aujourd'hui : nous ne réclamions aucune indemnité pour les pertes énormes que nous essuyons depuis 12 ans ; nous demandons uniquement que vous nous préserviez des nouvelles pertes dont nous sommes menacées ; nous demandons que vous nous donniez le canal de Zelzaete, pour remplacer des voies d'écoulement qu'avant la révolution nous avions vers la mer, et dont la révolution nous a privés.
Je crois, messieurs, que dans toutes les circonstances, les députés des Flandres ont fait acte de patriotisme dans cette enceinte ; si chaque fois qu'il s'agit de construire un ouvrage quelconque d'un haut intérêt sur une partie du royaume situé en dehors du territoire des Flandres ; si, dis-je, les députés de ces provinces voulaient se coaliser, s'ils voulaient contester l'utilité de ces travaux, s'ils voulaient voter contre, la chambre aurait les mains liées, toute administration deviendrait impossible ; rien ne pourrait plus se faire dans l'intérêt général. Mais, nous, députés des Flandres, nous avons agi d'une manière toute différente ; dans tous nos votes nous n'avons eu en vue que l'intérêt général. Ainsi, nous avons voté 8 millions d'indemnité, et certes la ville d'Anvers y est pour une large part, du chef de son entrepôt. Nous, députés des Flandres, nous n'avons rien réclamé et nous n'avions rien à attendre de cette somme pour nos localités. Et, en effet, nous avons payé, nous, les dommages des pillages qui ont été le résultat de la révolution ; c'est nous qui avons indemnisé les perdants, sans que l'Etat ait contribué à ce paiement ; et cependant c'étaient là sans doute des pertes qui, par leur nature, exigeaient l'intervention de la généralité. Dans d'autres circonstances, nous avons voté des dépenses pour préserver la Senne des inondations qui menaçaient incessamment les terrains contigus. Nous payons annuellement de fortes sommes pour la navigation de l'Escaut. Je ne pense donc pas qu'en bonne justice on puisse nous reprocher d'agir par un esprit de localité. (Très bien !)
(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1840) M. Dubus (aîné) - Messieurs, je ne pense pas que nous devions nous séparer ici (erratum, Moniteur belge n°116, du 26 avril 1842) en députés de telle ou telle province. Dans les paroles que j'ai prononcées hier, je n'ai pas fait allusion à la province à laquelle pouvaient appartenir les députés qui soutenaient la proposition du ministre, je n'ai examiné que les questions en elles-mêmes, et je me suis appuyé sur des faits. Je viens ajouter quelques considérations à celles que j'ai fait valoir hier, et cela en réponse aux observations présentées par un honorable député de Bruges, au début de la discussion de ce jour.
J'ai soutenu hier, en ce qui concerne les poldres en aval de Gand, que la situation est meilleure que celle d'autrefois, parce qu'on a recreusé le canal du Sas, qui est devenu le canal de Terneuzen, et qu'on a créé ici une nouvelle voie d'écoulement, meilleure que les précédentes.
On répond que je suis dans l'erreur, que c'est là un canal de navigation, que ce n'est pas là un canal d'écoulement, et qu'il ne peut pas même servir convenablement à assécher les poldres dont j'ai parlé.
Je ferai remarquer à la chambre que ce n'est pas légèrement que j'ai articulé ce fait, mais que j'avais sous les yeux des documents émanés du ministère des travaux publics. J'ai déjà cité des passages du rapport de 1837. Mais depuis 1837, dans les pièces qui ont été adressées à la chambre par M. le ministre des travaux publics, on a toujours présenté le canal de Terneuzen comme ayant la double destination dont je parle, et comme réalisant cette double destination, Et à cet égard, j'invoquerai le cahier qui nous a été distribué dans la session dernière, sous le titre de Nouveaux développements à l'appui du budget des travaux publics de 1841. Voici des extraits de ces développements :
« Ce sont les eaux de l'Escaut et de la Lys qui servent principalement à son alimentation.
« Le canal reçoit, en outre, les eaux des polders d'une partie de la Flandre belge et de la Flandre zélandaise. »
L'on comprendra sans doute que les Hollandais ne sont pas disposés à laisser inonder les polders qui ont besoin du canal de Terneuzen, et quand on baisse les eaux, pour assécher les polders hollandais, il faut bien que nous profitions de la baisse de ces eaux.
« Il est à la fois canal d'évacuation et canal de navigation (…)
« Depuis le Sas de Gand jusqu'au point de séparation à Terneuzen, la largeur au plafond augmente progressivement depuis 12 jusqu'à 30 mètres.
« Une écluse de décharge, établie à Gand, à l'endroit nommé Tolhuys**, et ayant trois passages de 5 mètres chacun, verse, pendant l'hiver, les eaux superflues de la Lys et de l'Escaut dans le canal de Terneuzen (…)
« Il existe sous les digues du même canal un assez grand nombre d'aqueducs et d'éclusettes, ayant depuis 0.50 jusqu'à 4 mètres d'ouverture, et qui sont tous destinés à mettre les eaux provenant des terrains et polders riverains en communication avec le canal. »
(Et plus bas) :
« De la limite jusqu'à Terneuzen, le terrain, composé entièrement de poldres, est depuis un jusqu'à deux mètres plus bas que la ligne d'étiage du canal ; en sorte que pour la décharge des eaux de ce quartier, on est obligé, de temps en temps, de baisser le niveau de l’eau et de faire stater pendant ce temps la navigation. »
C'est toujours le ministre des travaux publics qui parle.
Eh bien, messieurs, j'avais donc raison de dire que ce canal était un canal d'évacuation, en même temps qu'un canal de navigation et qu'il réalisait cette double destination.
J'ajouterai que sur ce point l'intérêt hollandais coïncide avec le nôtre, puisque les Hollandais sont obligés, pour leurs propres poldres, de baisser de temps en temps le niveau des eaux, afin de faire servir ce canal comme moyen d'évacuation des eaux qui se trouvent dans les poldres hollandais. Comment pourraient-ils dès lors s'opposer avec quelque apparence de fondement, comment même leur serait-il possible de s'opposer à ce que nous missions à profit cet abaissement pour l'écoulement de nos propres eaux ?
Je pense donc que cela ne peut pas être mis en doute, qu'il existe là un moyen d'évacuation pour les eaux, ce moyen est plus favorable que celui qui existait précédemment, ai-je dit ; il est même plus durable. Et cela, ce sont les défenseurs du canal de Zelzaete qui se sont chargés de l'établir. Que dit-on à l'appui du projet de loi dont il s'agit ? On dit que ce qui a précipité l'envasement des débouchés actuels, c'est précisément la disposition du traité de Munster, qui a fermé à la navigation le Sas de Gand, le Brackman et le Zwyn ; sans cette fermeture, dit-on encore, des siècles se seraient écoulés avant que l'envasement fût arrivé dans ces parages au point où il est aujourd'hui ; parce que la navigation aurait maintenu un chenal qui aurait permis aux eaux de continuer à s'écouler par cette voie. Considéré ainsi, c'est donc un bien que le canal de Terneuzen, construit pour servir de voie d’écoulement, soit en même temps un canal de navigation.
Je dis cela à ceux qui s'appuient sur la disposition susdite du traité de Munster, en la signalant comme la cause d'un envasement plus rapide du Sas, du Brackman et dû Zwyn.
J'avais dit encore que nous avions d'ailleurs une garantie, que les choses seraient réglées à notre satisfaction dans la clause du traité qui nous oblige à payer cinq millions annuellement à la Hollande. On me répond que cette garantie est illusoire, parce qu'on doit transcrire cette dette sur notre grand-livre. Mais cette transcription n'est pas encore faite, et le gouvernement aura la prudence de ne la faire que quand tout ce qui concerne l'évacuation de nos eaux aura été réglé à notre satisfaction, comme cela est stipulé au traité. Tant qu'un règlement n'aura pas été arrêté, que toutes les clauses nécessaires pour assurer l'écoulement de nos eaux n'auront pas été consenties, je pense que le gouvernement se gardera bien de consentir de sou côté à la transcription de la dette, et qu'il verra dans le traité un acte dont toutes les dispositions sont corrélatives, et doivent s'exécuter à la fois. Je n'ai pas d'inquiétude a cet égard ; je pense que le gouvernement comprend son devoir.
Quant au Zwyn, par où l'on nous dit que les voies d'écoulement sont toutes perdues, sauf le Hazegras, l'honorable député auquel je réponds n'est pas disconvenu qu'elles seraient susceptibles d'être rétablies, au moyen de certains frais. Il a dit seulement qu'il faudrait de très grands frais pour cela.
Mais d'après ce que j'ai dit dans la séance d'hier, les exemples que j'ai cités, à qui incomberaient ces frais ? Aux propriétaires. Ce serait à eux à rétablir ces issues comme ils l'ont fait dans toutes les circonstances antérieures. L'état de guerre ayant cessé, ils n'ont qu'à rouvrir les débouchés momentanément obstrués. C'est donc pour leur épargner cette dépense, que l'on creuserait aux dépens du trésor un nouveau canal.
Toutefois, messieurs, je n'ai pas refusé tout concours de la part du trésor public. Quand j'ai parlé hier pour la première fois, j'ai dit que je ne consentirais jamais à voter une somme aussi considérable que quatre ou cinq millions, et je me suis attaché à justifier ce vote. Mais quand un amendement a été déposé qui limitait à 550,000 fr. le sacrifice de l'Etat, j'ai annoncé l'intention de me rallier à cet amendement.
On a fait valoir différentes considérations pour établir qu'il y aurait ici intérêt général, mais la portée de ces considérations n'est pas de faire disparaître l'intérêt évident de la province, l'intérêt non moins évident des particuliers. La conséquence serait donc seulement que l'Etat, la province et les particuliers doivent concourir à la dépense. Or, tel est le but de l'amendement.
L'intérêt de la province deviendrait plus évident encore, d'après les faits qui viennent d'être allégués par le député auquel je réponds, car s'il est vrai qu'il résulte pour la province, de l'état de choses actuel, un surcroît de dépense aussi considérable qu'on l'a dit, parce que les eaux s'écoulent par le canal d'Ostende, la province a cet intérêt de plus, indépendamment de celui que j'ai démontré hier, à concourir à une construction qui fera cesser ce surcroît de dépense pour l'avenir.
Au reste, si j'avais dit hier qu'en ce qui concerne ce surcroît de dépense et le chômage de la navigation résultant de ce que par moment on emploie le canal de Bruges à Ostende comme canal d'évacuation, les assertions produites à l'appui du projet me paraissaient exagérées, je m'étais fondé précisément pour cela sur les tableaux même qu'on m'oppose. En ce qui concerne le chômage, je répéterai qu'on ne peut pas comprendre dans le calcul de la moyenne, les années extraordinaires où des inondations ont été tendues par les Hollandais. Pour chacune des années 1831 et 1832, il y a eu au-delà de 120 jours de chômage ; ces années ne peuvent pas être prises en considération non plus que l'année 1833. Prenez les quatre années qui suivent sur le tableau, et vous trouverez une moyenne d'environ 50 jours de chômage pour toute l'année ; et encore ce chômage porte sur les mois d'hiver qui ne sont pas assurément ceux où la navigation est la plus active. L'inconvénient dont on se plaint est donc, il faut bien le reconnaître, exagéré de beaucoup.
L'honorable député auquel je réponds repousse l'amendement comme inexécutable, et par suite comme un rejet de la loi. A cet égard, il a fait remarquer que les calculs des auteurs de l'amendement supposent la construction du canal à grande dimension, et que l'Etat, la province et les particuliers supporteraient chacun un tiers de la dépense. Je ne sais comment l'amendement sera expliqué à cet égard ; mais quant à moi, je ne l'avais pas compris ainsi.
Ce qui m'avait satisfait dans la proposition, je le répète, c'est que le sacrifice de l'Etat avait été limité à une somme de 550 mille fr. Mais à cette occasion, j'appellerai l'attention de la chambre sur un tableau qui accompagne le travail général de l'ingénieur Vifquain, qui est déposé sur le bureau et que M. le ministre des travaux publics a jugé être un document inutile à consulter par nous pour la discussion actuelle.
L’évaluation de la dépense nécessaire pour creuser le canal de Zelzaete est comprise dans ce travail général. On nous en a donné, dit-on, la partie qui est relative à ce canal, mais cet extrait me paraît incomplet, car le tableau dont je parle et qu'on ne vous a pas distribué, après avoir résumé les dépenses à effectuer dans les diverses provinces, en établit la répartition entre l'Etat, la province et les particuliers intéressés.
Or, on y lit, en ce qui concerne le canal de Zelzaete, ce qui suit : Désignation des rivières et canaux. - Canal de Zelzaete, 1er section de Damme à la mer, coût, 1,720,000 fr. Répartition de la dépense : somme à provenir du fonds spécial pour l'exécution directe par l'Etat 573,333 fr., portion restant à la charge de la province et des sociétés 1,146,667 fr. Le même travail est fait pour chacun des autres projets dont s'occupe le rapport général que nous n'avons pas encore reçu et qui ne nous sera distribué que plus tard. La chambre comprendra qu'il aurait été du plus haut intérêt pour chacun de ses membres d'avoir sous les yeux ce travail où tous les ouvrages de même nature sont compris et où l'on répartit la dépense entre les intéressés, les provinces et l'Etat, de manière à diminuer la charge du trésor et à permettre peut-être de satisfaire aux besoins de toutes les provinces.
Cependant on laisse ce tableau de côté ; on ne le comprend pas dans l'extrait distribué ; on le considère comme nous étant inutile quant à présent ; et en même temps l'on s'écarte, à notre insu, de ce travail par la proposition qui vous est soumise, qui met à la charge de l'Etat non 575,000 fr., mais toute la dépense du canal, sauf une fraction minime qui pèserait sur les propriétaires.
On a beaucoup invoqué dans cette discussion, en faveur de la proposition ministérielle, l'opinion des ingénieurs ; et voilà qu’il paraît que leur opinion était que les provinces et les sociétés intéressées concourussent pour les deux tiers de la dépense. J’ai pense qu'il était utile de faire connaître cela à la chambre.
M. Dumortier**. -** Il faudrait imprimer cela.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) et M. d’Hoffschmidt demandent la parole.
M. Dubus (aîné) - J'ai oublié tout à l'heure, en parlant du canal d'Ostende, d'ajouter une considération à celles que j’ai fait valoir hier. J'ai dit hier que ce n'était pas un état de choses intolérable que le chômage de 50 jours par an, en moyenne, alors surtout que les moyens de communication jusqu'à la mer pour le transport des marchandises sont déjà augmentés, et le seront encore dans un avenir plus ou moins prochain.
Il m'est tombé sous les yeux un document remontant à 1822, époque à laquelle la seule voie de navigation vers la mer était le canal d'Ostende et où cependant on considérait comme une chose toute simple de faire servir le canal d'Ostende à l'écoulement des eaux. Ce document est une convention entre la Flandre orientale et la Flandre occidentale, relative à une nouvelle écluse dite de Balgerhoeke établie sur la Lieve. Elle est donc antérieure de quelques années à la construction du canal de Terneuzen ; elle se termine ainsi :
« La présente convention recevra plein effet et exécution aussi longtemps qu'il n'aura pas été pris, de concert entre les deux provinces, des arrangements pour procurer à la Flandre Orientale une évacuation importante par la Lieve sur le canal d'Ostende en aval de la ville de Bruges, qui en effet paraît réunir tous les moyens, non seulement capables de soulager cette province de tout malheur que les inondations presque annuelles lui causent, mais encore d'en prévenir toutes les funestes conséquences. »
De ce passage, il résulte qu'on trouvait tout naturel de faire servir le canal d'Ostende, quoiqu'il ne fût pas en concurrence avec un chemin de fer, à l'évacuation des eaux, lorsqu'il y avait nécessité ; en second lieu, que déjà alors il y avait des inondations presqu'annuelles, tandis qu'on nous présente ces inondations comme le résultat de la révolution et du traité. Au reste, ces inondations, presqu'annuelles alors, me paraissent encore être celui qui ont déterminé les propriétaires des poldres en aval de Gand à offrir, en 1823, à créer à leurs frais, un débouché vers la mer, celles par le canal de Sas étant obstrué. Ce à quoi il a été satisfait par le canal de Terneuzen. Cela vient confirmer ce que je disais hier, que la position des propriétaires de ces poldres, loin d'empirer, s'est améliorée depuis la révolution.
(Moniteur belge n°113, du 23 avril 1842) M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable préopinant a voulu tirer argument d'une citation qu'il vous a faite d'un passage du travail de M. l'inspecteur Vifquain, pour prétendre que le gouvernement lui-même ne considère pas le canal comme devant être construit pour les trois quarts aux frais de l'Etat, comme il l'a proposé. En déposant le travail de M. l'inspecteur Vifquain sur le bureau de la chambre, j'ai eu la précaution de vous dire que ce n'était pas le travail du gouvernement, mais simplement le travail d'un ingénieur que je communiquais à la chambre, afin qu'elle pût prendre dès à présent connaissance des premiers éléments nécessaires pour le travail général de la navigation du pays.
Mais si M. Vifquain lui-même a indiqué dans son travail, une somme moindre que celle qui vous est demandée pour le canal de Zelzaete, c'est que son travail était relatif à la formation d'un fonds spécial pour travaux de construction et d'amélioration relatifs aux voies navigables. Il n'a donc examiné le canal de Zelzaete que sous le rapport des services que ce canal est appelé à rendre à la navigation, il a estimé que, par suite de ces services, la navigation lui devait la somme qu'il a indiquée dans son tableau.
Aujourd'hui qu'on ne soutient plus que très faiblement la question purement de localité qu’on trouvait auparavant dans le canal de Zelzaete, je me bornerai à résumer les considérations émises sur ce point.
Le canal de Zelzaete est d'abord d'intérêt général, parce que ce sont des faits politiques qui ont amené la nécessité de l'établissement de ce canal. Ces faits politiques remontent très haut. Autrefois, surtout avant la prise de possession par les Hollandais des terrains d'alluvion de la rive gauche de l'Escaut, il existait un bras de ce fleuve marchant sur différentes largeurs de Saffigen au Zwyn par Hulst, Axel, Biervliet, Aardenbourg, Oostbourg et l'Ecluse.
Alors nos eaux avaient leur écoulement libre par ce bras du fleuve que parcouraient et nettoyaient journellement le flux et le reflux. Depuis cette époque, des opérations militaires, la construction de plusieurs forts, tels que Philippeville et autres et de digues nombreuses ont toujours tendu à réduire le chenal qu'on appelle le Passe Gueule. L'établissement du Bakkersdam en 1788, par un fait politique des Hollandais a soumis le Zwyn à une cause très active d'envasement qui a été fortement accéléré par le fait de la révolution de 1830, et ce au point que l'écoulement par le Zwyn est aujourd'hui complètement empêché. L'établissement du Bakkersdam a eu, quoique moins activement, aussi pour résultat l'envasement progressif du Brackman. Mais ce qui est venu encore activer l’envasement pour le Brackman, c'est, quoi qu’en ait dit, l'établissement du canal de Terneusen. L'établissement de ce canal en barrant l'Axelsgat a fait disparaître ce grand chenal, dont je vous parlais tout à l'heure à l'égard du Brackman, et a décidé pour un temps qui n'est pas éloigné son envasement total. Ainsi, par suite de faits politiques, le Zwin a entièrement disparu ; il n'existe plus pour l'écoulement des eaux. Et le Brackman est en grande marche d'envasement.
Ensuite la libre navigation du canal d'Ostende à Bruges n'est-elle donc pas d'intérêt général ?
Lorsque j'occupais le ministère des finances, immédiatement après la conclusion du traité du 19 avril, le gouvernement n'a pas hésité à vous présenter un projet de loi, pour assurer la navigation de l'Escaut. Ce projet de loi a chargé le pays d'une rente perpétuelle de plus de 600,000 fr, par an. Et pourquoi ? pour reconquérir la libre navigation de l'Escaut ; pour remédier aux obstacles à cette navigation qu'un grand fait politique est venu poser tout comme les autres faits politiques que je viens de citer, en mettant obstacle à l'écoulement de nos eaux par le Zwyn et le Brackman ont porté atteinte à la navigation de nos canaux de Gand à Bruges, Ostende, Fumes, Nieuport, Ypres et Dunkerque.
Remarquez-le bien, messieurs, à l'égard de l'Escaut il ne s'agissait pas de 1,700,000 francs, ni de 3 millions, en capital comme au cas présent, il s'agissait d'une rente annuelle de plus de 600,000 francs. Eh, messieurs, la liberté de navigation des canaux d'Ostende et de Bruges, des autres canaux vers Dunkerque, est-ce principalement les Flandres qu'elle intéresse ? Sont-ce principalement les produits des Flandres qui sont portés pour ces canaux chez l'étranger ? Non, messieurs, ce sont surtout les produits du Hainaut : les houilles et la chaux.
Ensuite de cela, messieurs, on vous a démontré à l'évidence que le port d'Ostende avait le plus grand besoin du canal de Zelzaete. Je suis à même de vous citer un fait qui s’est passé depuis que j'ai l'honneur d'occuper au département des travaux publics. Ce fait a eu lieu l'été dernier, lors des grandes pluies qui ont amené des inondations et de fortes eaux à évacuer. Eh bien, messieurs, il a fallu alors que l'ingénieur en chef de la province de la Flandre occidentale se décidât, malgré les réclamations du commerce, à baisser les eaux dans le canal d'Ostende, et plusieurs vaisseaux qui étaient en vue du port d'Ostende ne purent entrer dans ce canal. J'ai reçu alors les réclamations de sept capitaines de navires étrangers ; ils disaient que, puisque le port d'Ostende ne pouvait toujours être fréquenté, ils n'y viendraient plus jamais.
Maintenant, messieurs, restituer à de nombreux terrains qui font partie de notre territoire leur ancienne fertilité, la fertilité que leur ont fait perdre des faits politiques commis contre nous, n'est-ce pas là une affaire d'intérêt général ? En restituant à ces terres leur fertilité, ne restituez-vous pas au pays ses propres richesses ? N'avons-nous pas dû, depuis la révolution, charger notre budget de non-valeurs assez considérables, par suite de ce que ces terrains étaient devenus improductifs ? Car l'abolissement de ces non-valeurs que procurera le canal de Zelzaete, n'est-ce rien quant aux revenus du trésor ?
Ne vous a-t-on pas dit, et un honorable ancien collègue que je regrette de ne plus voir ici, ne vous a-t-il pas démontré à l'évidence que le canal de Zelzaete constitue un moyen défensif excellent pour le pays ? J'entends aussi dire près de moi qu'il constitue un moyen défensif contre la fraude ; et c'est la vérité.
Messieurs, je ne puis assez le répéter : oui, le canal de Zelzaete procurera aux eaux supérieures de l'Escaut un écoulement plus facile, en ce qu'il rendra d'abord les canaux de Bruges et d'Ostende plus disponibles dans certains moments de grandes eaux, pour soulager les contrées qui se trouvent vers le haut Escaut.
Messieurs, d'où viennent maintenant les grandes inondations de l'Escaut, dont-on se plaint très vivement ? D'où proviennent-elles ? Elles proviennent de ce que, à raison des travaux qui ont été exécutés en France depuis nombre d'années, les eaux nous arrivent de ce pays en plus grande abondance et d'une manière bien plus accélérée. Eh bien ! messieurs, il s'est trouvé que le débouché d'Antoing par lequel doivent passer ses eaux, était trop étroit ; de là, des inondations en France et en partie sur notre territoire. Il s'est trouvé ensuite qu'à Audenaerde il en a bientôt été de même ; de là, inondations vers Tournay.
Messieurs, un honorable député de Tournay s'est plaint hier très vivement de ce que, sur la ligne du chemin de fer de Mouscron à Tournay, il ne se trouvait pas assez d'ouvriers employés à la section entre Templeuve et Tournay, pour que les travaux fussent assez tôt terminés.
M. Dumortier. - J'ai dit qu'il ne se trouvait pas un seul ouvrier.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Vous avez dit qu'il ne s'y trouvait pas un seul ouvrier, Eh bien, soit ! mais savez-vous, messieurs, à quoi cela tient ? Aux eaux. Je tiens en mains un rapport de M. l'inspecteur Noël dans lequel je lis : « La présence des eaux dans la vallée de l'Escaut (aux abords de Tournay) et dans les vallons qui en dépendent, n'a pas encore permis de reprendre les travaux avec vigueur. Cependant on achève quelques ouvrages d'art ; on met la dernière main au corps de la route vers Templeuve, et on doit commencer la pose du railway. » Ainsi, vous le voyez, c'est la présence des eaux qui empêche le prompt achèvement de cette section du chemin de fer, et qui est cause du retard dont se plaint l'honorable M. Dumortier, et si le canal de Zelzaete existait il n'en serait pas ainsi.
Messieurs, dans la discussion de 1836, il est encore un autre motif que l'honorable membre de cette chambre qui se trouvait alors à la tête du département de l'intérieur vous a fait valoir pour démontrer que le canal de Zelzaete était d'intérêt général : c'est celui de l'état sanitaire des troupes et des douaniers qui doivent séjourner dans les terrains auxquels il s'agit de restituer leur assèchement. J'y ajouterai encore, messieurs, l'état sanitaire des habitants de ces contrées, et je dirai que c'est là encore un motif pressant d'intérêt général pour construire le canal de Zelzaete.
A tous ces faits qui démontrent à l'évidence l'intérêt général qui se rattache à la création du canal de Zelzaete, qu'oppose-t-on, si ce n'est que c'est un intérêt de localité, parce qu'il s'agit, dit-on, d'améliorer des terres ? Voilà absolument à quoi se réduisent en dernière analyse toutes les objections que l'on fait. Mais, messieurs, je dirai d'abord à ceux qui veulent la canalisation de la Campine, qu'ils produisent un argument très fort contre eux. Car lorsqu'il s'agira de la canalisation de la Campine, ce sera pour améliorer effectivement des terrains, tandis qu'ici, il n'est pas précisément question d'améliorations de terrains, il n'est pas question d'améliorer des terrains qui n'ont jamais été bons ; il est question de restituer à des terrains l'état de fertilité dont ils jouissaient avant que des faits politiques ne le leur ait fait perdre.
Messieurs, on vous a aussi dit qu'il ne fallait pas insérer dans la loi le principe de la construction du canal entier de Zelzaete à la mer, qu'il fallait se borner à décréter dans la loi la construction de la section de Damme à la mer ; que c'était ce qu'on avait fait en 1836 et que c'était ce qu'il fallait encore faire aujourd'hui.
Mais, messieurs, je vous l'ai déjà fait remarquer hier, en 1836 on a aussi décrété implicitement le principe de la construction du canal de Zelzaete à la mer. Car on s'est basé sur le chiffre d'estimation des travaux nécessaires à l'exécution de la section de Damme à la mer, mise en rapport avec l'exécution non immédiate mais certaine du canal entier jusqu'à Zelzaete.
La loi a été votée par la chambre dans l'hypothèse que cette dernière partie serait faite plus tard ; il avait été entendu que tous les travaux, les terrassements, écluses, ponts, etc., seraient construits sur des dimensions telles que le canal pût être prolongé jusqu'à Zelzaete. Or, qu'on le dise implicitement ou explicitement, cela ne revient-il pas au même ? Ne convient-il pas même que dans une loi l'on s'exprime franchement et explicitement ?
Mais, encore une fois, on n'engage pas dès à présent, du moins pour un terme indéterminé, toute la somme nécessaire à la construction du canal de Zelzaete à la mer, on n'engage actuellement que la somme nécessaire pour la section de Damme à la mer et vous restez toujours juges de l'époque à laquelle la construction de la section de Damme à Zelzaete devra être commencée ; on ne cesse de vous le dire ; cette époque n'arrivera que dans un temps indéterminé, et la chambre restera, je ne puis assez le répéter, toujours juge, en définitive, de la question de savoir si l'époque est arrivée, oui ou non, de voter les fonds nécessaires pour l'achèvement du canal.
M. Cogels. - Messieurs, l’honorable député qui m'a répondu, doit m'avoir très mal compris. Il croit m'avoir entendu lui reprocher qu'il était guidé par un esprit de localité, et aux députés des Flandres en général de n'écouter, dans cette circonstance que les intérêts de leurs provinces. Messieurs, je n'ai rien dit de pareil. J’ai dit seulement que si dans cette question il y avait un intérêt général, cet intérêt général était dominé par un intérêt particulier, c'est-à-dire par l'intérêt des propriétés qui doivent se trouver améliorées par la construction du canal de Zelzaete. Voilà ce que j'ai dit. Je ne me suis jamais laissé guider, la chambre me rendra justice, par un étroit esprit de localité ; je n'ai accusé personne de ce tort, je voudrais voir l'esprit de localité aussi bien que l’esprit de parti banni de nos discussions.
L'honorable M. Maertens a encore dit, à propos du vote émis lors de la discussion du projet de loi d'indemnités : « Mais nous avons dépensé pour les poldres sept millions de francs sans que les propriétaires aient dû concourir à la dépense. Messieurs, ces sept millions n'ont pas été exclusivement dépensés dans l'intérêt des poldres, ils ont été dépensés dans l'intérêt du rétablissement des grandes communications entre Anvers et Gand. Une des plus grandes dépenses a été la réparation de la rupture de Burght. Eh bien ! cet ouvrage n'a été fait ni dans l'intérêt de la province d'Anvers, ni dans l'intérêt des poldres, mais dans l'intérêt du rétablissement des grandes communications.
Il y a d'autres dépenses qui ont été faites dans l'intérêt de notre défense, dans l'intérêt des forts ; ensuite, vous aviez encore l'intérêt de la navigation. Vous voyez donc bien que la très grande partie de ces dépenses ont été faites dans l'intérêt général.
L'honorable M. Maertens a cru que, par esprit de localité, je m'opposais complètement à la construction du canal de Zelzaete ; c'est là une erreur ; messieurs, je ne m'oppose pas à la construction du canal de Zelzaete, mais je ne veux pas accorder tout ce qu'on demande pour ce canal, et en cela, je ne fais que suivre l'exemple de l'honorable membre, qui n'a pas accordé non plus tout ce que nous demandions. Je m'oppose à ce que nous décrétions dès aujourd'hui que le canal de Zelzaete sera construit, sans que nous sachions ce qu'il coûtera, et qu'après cela, on puisse venir nous opposer notre vote pour nous demander toutes les sommes dont on pourrait avoir besoin. .
Je n'ai pas voulu prendre l'initiative pour proposer un amendement, je préfère attendre que d'autres le fassent, mais si on ne limite pas le sacrifice qu'il s'agit d'imposer au trésor, certes je ne pourrai pas donner mon vote au projet.
Il ne s'agit en ce moment que de la section de Damme à la mer, pourquoi ne pas borner la loi à cette section ? Nous pourrions voir ensuite ce qu'il y aura à faire pour la section de Damme à Zelzaete ; M. le ministre des travaux publics vient de dire lui-même qu'on ne demande en ce moment que les fonds nécessaires à la construction de la 1ère section, que si l'on ne reconnaissait pas l'utilité de l'autre section ou si l'on reconnaissait que les frais en sont trop élevés, nous serions toujours libres de refuser les crédits demandés pour cette autre section. Ne nous occupons donc pour le moment que de la section de Damme à la mer, la seule qui soit urgente, la seule pour laquelle on demande des fonds.
J'appuierai donc le premier amendement de l'honorable M. Fleussu, qui tendait à modifier la loi en ce sens, qu'au lieu de dire : « Il sera construit un canal de Zelzaete à la mer du Nord, » on dirait : « Il sera construit un canal de Damme à la mer du Nord. »
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il paraît, messieurs, que l'honorable préopinant n'a pas compris ce que j'ai dit tout à l'heure. J'ai dit qu'en 1836 le principe de la construction du canal entier depuis Zelzaete jusqu'à la mer se trouvait implicitement décrété en ce sens qu'on avait calculé la dépense à faire pour la section de Damme à la mer dans la prévision que le canal serait ensuite, quand le besoin s'en ferait sentir, prolongé depuis Damme jusqu'à Zelzaete.
Il est facile de comprendre que si l'on voulait se borner à faire la section de Damme à la mer sans songer à faire plus tard la section de Damme à Zelzaete, la première de ces sections n'aurait pas besoin d'être faite sur une aussi grande échelle ; les écluses, les ouvrages d'art ne devraient pas être faits sur une aussi grande dimension que lorsqu'on se propose de prolonger dans la suite le canal jusqu'à Zelzaete ; que par conséquent dans le premier cas, la dépense ne serait pas à beaucoup près aussi élevée que celle dont il s'agissait dans le projet de 1836.
Ainsi, messieurs, en 1836 on a volé implicitement le principe de la construction du canal depuis Zelzaete jusqu'à la mer, mais on n'a voté l'exécution immédiate que de la section de Damme à la mer ; eh bien, c'est encore ce que propose le projet actuel ; seulement en ce qui concerne le principe de la construction du canal entier, ce principe est exprimé explicitement dans le projet actuel, tandis qu'il ne se trouvait dans le projet de 1836, que d'une manière implicite.
M. Lejeune. - Messieurs, un honorable préopinant, dont la parole toujours grave, exerce ici beaucoup d'influence, est revenu sur des faits qu'il avait déjà discutés hier, et que je ne puis laisser passer sans quelques explications. Il s'agit du canal de Terneuzen.
Cet honorable député de Tournay vous a dit, entr'autres, messieurs, que les poldres en aval de Gand se sont améliorés par suite de la construction du canal de Terneuzen et que la voie d'écoulement qui leur a été donnée est meilleure. Il a dit aussi que la destination du canal était l'évacuation des eaux de l'Escaut et de la Lys, et en deuxième lieu, l'écoulement des eaux des poldres zélandais. Dans le moment même où l'honorable membre a exposé ces faits, j'ai dit qu'ils sont exacts. En effet, tous les faits qu'il a exposés sont exacts à l'exception d'un seul, savoir que le canal remplirait sa destination. Ces faits, messieurs, sont exacts en eux-mêmes, mais on les a confondus ; l'honorable membre a pris l'un à la droite du canal, un autre à la gauche du canal, un autre sur le territoire belge, un autre encore sur le territoire hollandais, celui-ci en relation avec le bief en amont du canal, celui-là en relation avec le bief en aval du canal. Tous ces faits ont été confondus. C'est de cette confusion qu'il pourrait naître les idées fausses sur les services que nous rend le canal de Terneuzen. J'expliquerai les faits, messieurs, tels qu'ils sont réellement, tels qu'ils sont présents sous mes yeux.
J'ai déjà dit que le canal de Terneuzen a été construit dans un moment où les ensablements avaient rendu presque nulle l'évacuation des eaux par le canal du Sas, pour ce qui concernait l'écoulement des eaux supérieures de l'Escaut et de la Lys, que ces mêmes ensablements avaient presque annulé l'évacuation des eaux des poldres zélandais qui sont situés en aval du Sas-de-Gand, et par conséquent en aval de Gand ; mais, remarquez-le bien, qui sont situés à la droite du canal. La destination du canal était la navigation, en deuxième lieu l'écoulement des eaux supérieures, et en troisième lieu l'écoulement des eaux des terrains inférieurs au Sas de Gand. J'ai dit, messieurs, au début de cette discussion, que cette destination était totalement manquée, que le canal avait manqué son but et la discussion m'a fait voir qu'il est nécessaire d'expliquer ce fait.
L'évacuation des eaux supérieures par le canal primitif du Sas de Gand était bonne ; les eaux se déchargeaient au Sas de Gand immédiatement dans la mer sans devoir se réunir dans un réservoir, avec les eaux des terrains inférieurs. Là les intérêts de l'écoulement des eaux supérieures, et les intérêts de l'écoulement des eaux des terrains bas n'étaient pas confondus. Le canal donc était une bonne voie d'écoulement pour les eaux supérieures qui tombaient directement dans la mer.
En construisant le canal de Terneuzen, il a fallu le séparer en deux biefs : le bief amont qui va de Gand au Sas-de-Gand et le bief aval qui va du Sas-de-Gand à Terneuzen. Je ne dois pas ici m'occuper beaucoup de navigation, mais j'en dirai cependant un mot en passant. Quels services le canal nous rend-il sous le rapport de la navigation, et quelle influence cette navigation a-t-elle sur l'écoulement des eaux ? Messieurs, la navigation est encore un intérêt qui vient en opposition avec l'écoulement des eaux ; pour naviguer sur le canal, il faut le remplir et il faut le remplir à tel point que cette navigation nous a causé, entre Gand et le Sas-de-Gand, des inondations inconnues auparavant. Sous ce rapport donc, abstraction faite des intérêts de la navigation, le canal de Terneuzen nous fait beaucoup plus de mal que de bien.
Le canal doit servir de voie d'écoulement pour les poldres en aval de Gand, disait l'honorable M. Dubus ; mais, messieurs, ces poldres ne sont pas du tout ceux dont il s'agit ici, ce sont les poldres qui n'ont aucun rapport avec la construction du canal de Zelzaete. Ce sont les poldres zélandais situés à la droite du canal de Terneuzen, qui déchargent leurs eaux dans ce canal ; c'est le pays d'Axel et de Hulst qui décharge ses eaux dans le bief aval du canal de Terneuzen.
Dans l'intérêt de l'écoulement des eaux de ces poldres zélandais, il est indispensable de tenir le canal à un étiage très bas, et de là l'honorable M. Dubus a conclu que nous pouvons écouler les eaux belges, attendu que dans l'intérêt même des polders hollandais, il fallait tenir le canal fort bas.
Mais, messieurs, l'effet est précisément contraire ; c'est parce que le bief aval doit être tenu fort bas qu'on doit tenir fermé le barrage du Sas, qu'on doit refuser passage à nos eaux pour ne pas inonder les polders zélandais. C'est de là qu'il résulte que le canal de Terneuzen, pour l'écoulement des eaux supérieures est beaucoup moins bon que l'était le canal du Sas.
Voici, messieurs, ce qui arrive sur le canal de Terneuzen, quand il faut naviguer, on remplit le canal et alors l'étiage du canal, même en aval du Sas, doit être beaucoup plus élevé que les terrains zélandais qu'il doit assécher, de sorte que ces terrains, ces poldres zélandais, pendant la navigation, doivent fermer leurs écluses, et attendre le moment où la navigation est suspendue, pour pouvoir de nouveau écouler leurs eaux.
Pendant la navigation, nous ne pouvons pas non plus écouler nos eaux supérieures, parce que le canal doit être tenu rempli ; lorsque le moment est venu de baisser le canal, il doit être baissé tellement pour pouvoir recevoir les eaux des terrains inférieurs, que l'écoulement de nos eaux supérieures n'est plus possible qu'à petite section.
Je pense que l'honorable membre est tombé à peu près dans la même erreur, quant au canal de Bruges et d'Ostende.
On se plaint, disait-il, que le canal d'Ostende doive servir à l'écoulement des eaux, et d'un autre côté on le réclame pour l'écoulement des eaux.
Cette observation provient, messieurs, de ce qu'on confond les deux intérêts opposés, l'intérêt de l'écoulement des eaux des terrains, et l'intérêt de l'écoulement des eaux supérieures.
Pour faire servir le canal d'Ostende à l'écoulement des eaux des terrains bas, il faut le tenir fort bas, et maintenir le barrage à Bruges. De là il résulte que nous ne pouvons pas écouler par là les eaux supérieures. Si le canal de Zelzaete se construit, les terrains bas auront un écoulement tout à fait séparé et le barrage ne devra plus être maintenu à Bruges : vous ouvrez ainsi une voie nouvelle pour l'évacuation des eaux de la Lys et de l'Escaut, et cet écoulement n'est certainement pas aussi nuisible au canal d'Ostende que celui des terrains.
Une chose fort importante et qui a été encore contestée aujourd'hui, c'est que lorsque le canal d'Ostende doit être tenu fort bas, il est impossible de faire des chasses, parce que pour remplir vos bassins de retenue, il faut avoir le canal bien rempli.
Mais, je pense qu'il est inutile de dire que l'écoulement des eaux des terrains bas, quoique continuel, n'opère pas de chasse, mais qu'il occasionne aucune, au contraire, des envasements. Les chasses ne peuvent s'opérer qu'avec une grande chute.
L'honorable M. Dubus a dit encore que lorsqu'il s'agissait de construire le canal de Terneuzen, les poldres zélandais avaient demandé l'autorisation de construire un canal d'écoulement. On n'a pas donné suite à ce projet, parce que le canal de Terneuzen a été construit, et que les terrains contigus qui sont toujours les poldres zélandais, à la droite du canal, y déversent leurs eaux, moyennant une légère indemnité qui ne représente qu'une très faible partie des frais d'entretien.
Je dois rencontrer ici une observation faite par l'honorable M. Eloy de Burdinne. M. Eloy nous disait hier : « On veut faire construire le canal de Zelzaete pour se soustraire au payement d'une somme de 150,000 florins qu'on paye aujourd'hui. » Eh bien, messieurs, il n'en est pas ainsi. Nous ne voulons pas soustraire les terrains à l'imposition extraordinaire qu'ils supportent, ces impositions existent et continueront à exister. La construction du canal de Zelzaete ne nous déchargera pas de cette charge ; mais jusqu'à complet remboursement de la part dont on frappe les propriétaires, cette imposition sera au moins triplée, et je ne tiens encore aucun compte des dépenses toutes particulières du premier établissement des affluents vers le canal et des écluses.
Messieurs, on a encore insisté sur l'amendement qui tendrait à ne pas décréter le canal de Zelzaete à la mer. Mais je dois répéter ce que je vous ai dit hier : Vous n'auriez rendu justice qu'à demi, et pas même à demi, je vous ai dit que vous voulez remplacer le Zwyn ; vous voulez que les terrains qui s'y jettent, trouvent un autre débouché ! Je vous ai fait remarquer que ces terrains s'étendent jusqu'au delà d'Eccloo, jusqu'à la hauteur de Lembeke et dès lors il y a dès à présent nécessité de construire le canal tout entier.
Messieurs, si vous refusiez de décréter le canal de Zelzaete, ce n'est pas seulement le canal de Zelzaele que nous n'aurions pas, mais ce serait une entrave insurmontable à toute espèce d'amélioration possible et projetées à la Lys et à l'Escaut, tant pour la navigation que pour l'écoulement des eaux. Tout dépend de là. Il faut de nouveaux débouchés pour évacuer les eaux surabondantes que reçoit le pays ; pour les jeter à la mer, il faut de nouvelles ouvertures à la mer, en tant que ces ouvertures ne seront pas faites, il sera impossible, je le répète, d'exécuter aucun travail d'amélioration à la Lys et à l'Escaut tant pour la navigation que pour l'écoulement des caux. Entre-temps les améliorations ne cesseront pas en France, et les inondations augmenteront dans notre pays.
Si le canal de Zelzaete n'est pas fait par le gouvernement, ce canal ne se fera pas ; il est impossible qu'il soit fait autrement que par le gouvernement ; les propriétaires seraient impuissants à le faire.
Que deviendrait alors cette partie du pays ? Abandonnée par la législature belge, elle continuerait à traîner péniblement son existence problématique, dans la dépendance de la Hollande. Il serait vrai de dire alors qu'elle n'appartient à la Belgique que pour alimenter le trésor public. Pour les parcelles de terrain non ruinées, elle payerait toujours des contributions à la Belgique, qui n'aurait rien voulu faire pour elle, qui n'aurait pas même voulu assurer son existence compromise.
M. d’Hoffschmidt**.** - Messieurs, j'ai demandé la parole pour motiver mon vote sur l'amendement qui a été proposé par MM. Osy et Fleussu.
Mon vote sur cet amendement sera négatif, parce que j'en regarde l'adoption comme emportant le rejet du projet de loi. Or, je me suis déjà exprimé à cet égard ; je ne suis pas hostile au projet et il est évident que si nous adoptions l'amendement dont il s'agit, le gouvernement, ou l'honorable auteur de la proposition, M. Lejeune, la retirerait sans doute ; car comment pourrait-il la laisser subsister, puisqu'en 1836 le gouvernement retira le projet de loi tel qu'il avait été amendé par le sénat, bien que ce projet modifié fût beaucoup plus avantageux que l'amendement en discussion ?
Ainsi, messieurs, je suis contraire à cet amendement, au moins dans les termes dans lesquels il est formulé.
Cela prouve que, contrairement à ce qu'on a allégué plusieurs fois, que ceux qui ont proposé ou appuyé l'ajournement de la discussion, n'étaient pas opposés au fond à la construction du canal de Damme à la mer.
Je regrette cependant vivement encore que cet ajournement n'ait pas été adopté. Je le regrette surtout, après avoir entendu ce que l'honorable M. Dubus nous a lu du travail de M. Vifquain. Je crois même que dans l'intérêt du projet qui est en discussion, il eût été à désirer que la délibération qui nous occupe maintenant, n'eût lieu que dans la session prochaine. Je pense que ce rejet n'aurait pas amené de grandes calamités pour les Flandres, et que l'adoption du projet eût alors rencontré moins de difficulté.
En effet, n'est-ce pas une chose vraiment étrange que lorsqu'on vous parlait d'un projet de canal dans cette enceinte, on vous disait toujours : Attendez le rapport de M. Vifquain ; quand vous aurez ce rapport, vous pourrez discuter en parfaite connaissance de cause, et que quand ce rapport vient de nous arriver, nous demandons en vain qu'il nous soit possible de nous livrer à un examen sérieux des détails qu'il contient ?
Quoi qu'il en soit, puisque la chambre en a décidé autrement, ce ne sera pas pour moi un motif suffisant, pour que je me prononce formellement contre le projet de loi.
Je ferai cependant encore remarquer qu'il est possible, maintenant que nous allons voter la partie du canal comprise entre Damme et la mer, qu'il est possible, dis-je, que nous adoptions, pour subvenir aux frais de construction, des principes tout différents de ceux que nous adopterons plus tard pour l'exécution d'autres canaux tout aussi utiles au pays. En effet, le principe qu'on nous propose maintenant, est celui que l'Etat subviendrait pour les 3/4 de la dépense, tandis que, d'après l'honorable M. Dubus, il paraîtrait que M. l'ingénieur Vifquain ne proposerait d'appeler l’Etat à concourir dans ces dépenses que pour le tiers. Il s'en suivrait que si nous adoptions les principes posés pour la dépense par cet ingénieur, nous aurions favorisé considérablement les parties du pays intéressées particulièrement à la construction du canal de Zelzaete.
Malgré mes bonnes dispositions pour le projet, je désirerais cependant, ainsi que l'a demandé M. Cogels, qu'il se bornât à décider en principe la construction du canal de Damme à la mer. Je ne conçois pas pourquoi on veut nous faire poser maintenant le principe de la construction de toute la ligne de Zelzaete à la mer. Comme on l'a déjà dit, le premier projet présenté par le gouvernement en 1836, ne mentionnait que le canal de Damme à la mer.
Le rapport de la commission qui a été fait sur ce projet s'exprimait formellement pour qu'il ne soit question que de cette partie. Il n'a pas été implicitement décidé, comme le disait tout à l'heure M. le ministre, qu'on ferait le canal de Zelzaete à la mer, En voici la preuve évidente, C'est ce que disait le rapport de la commission sur cette question. Ce rapport a été fait par M. de Puydt en 1836 au nom de la commission spéciale chargée d'examiner les amendements et le projet relatifs au canal de Zelzaete.
Voici comment il s'exprime :
« La loi consacrera-t-elle le principe du canal d'écoulement de Zelzaete à la mer, ou simplement la section de Damme à la mer.
« Plusieurs membres de la commission auraient désiré que le canal fût décrété en entier, sauf à ne pourvoir, pour le moment, qu'à la construction de la partie la plus urgente, celle qui doit immédiatement lever les entraves apportées à la navigation du canal d'Ostende. Mais la majorité de la commission a pensé que la forme donnée à la proposition du ministre ne préjugeait rien contre la section de Zelzaete à Damme, dont l'utilité avait été suffisamment constatée par les discussions de la chambre, et consacrée par les motifs mêmes des votes que la commission venait d'émettre sur les questions ci-dessus.
« Il est à observer, en outre, que la législature devant, dans tous les cas, être consultée plus tard pour les fonds nécessaires à l'exécution de cette branche de Zelzaete à Damme, la décréter à l'avance, sans moyens d'exécution, ne servirait à rien.
« La commission a, en conséquence, admis la rédaction du ministre de l'intérieur pour cet article. »
Ainsi vous voyez que la commission s'est bornée à décréter le canal de Damme à la mer et je pense même qu'il ne s'est élevé aucune discussion sur ce point. Dans mon opinion nous ferions bien de nous en tenir à cette section. Je ne vois pas d'avantage dans l'intérêt des Flandres à décider qu'on fera le canal si étendu et si coûteux de Zelzaete à la mer.
Remarquez que plus tard, nous serions plus éclairés sur plusieurs questions que ce canal soulève et plus à même de les résoudre. On veut nous faire décréter l'exécution de ce canal d'urgence. Pour la section de Damme à la mer il paraît que l'urgence existe mais elle n'existe pas pour la section de Damme à Zelzaete. M. le ministre lui même a dit que le temps pour lequel cette section serait exécutée était indéterminé. On veut nous faire décréter cette construction en principe avant que nous ayons pu prendre connaissance du rapport de l'ingénieur Vifquain et que la commission instituée pour s'occuper de l'écoulement des eaux des Flandres nous ait présenté le sien.
M. le ministre nous a dit encore que nous resterions toujours juges de la question d'argent, Quelle nécessité y a t-il donc à décréter maintenant un travail en principe, si par la suite, pour la portion de la dépense à supporter par le gouvernement, nous pouvons refuser les fonds ? Je crois qu'il serait infiniment plus sage de laisser cette question en suspens et de ne la décider que quand tous les éléments dont nous pouvons avoir besoin nous seront remis et que la nécessité s'en fera mieux sentir.
Ainsi, si l'amendement de M. Fleussu, tel même que je l'avais compris hier, se bornait au sens que je viens d'indiquer, je serais disposé à l'adopter. Mais quant à l'amendement en discussion, je serai forcé de le rejeter.
M. Rodenbach. - La province refuserait.
M. d’Hoffschmidt. - Je ne comprends pas pourquoi elle refuserait le canal de Damme à la mer seulement quand, en 1836, elle l'acceptait.
M. Cogels propose de porter à 860 mille fr. la somme de 550 mille fr. fixée comme subside à accorder à la province de la Flandre occidentale par l'amendement de MM. Fleussu et Osy.
M. de Muelenaere. - Un honorable préopinant s'est emparé d'un tableau qui a été déposé sur le bureau par M. .Ie ministre des travaux publics et qui est joint au rapport de M. l'ingénieur Vifquain. La chambre n'a pas vu ce tableau qui n'a été ni imprimé ni distribué. Je désirerais que M. le ministre se chargeât de demander à M. l'ingénieur quelques explications sur ce tableau dont on vient de se prévaloir, car évidemment ce rapport est conçu dans un tout autre ordre d'idées ; sans cela il serait impossible de concilier le tableau joint au travail avec l'extrait de ce travail joint au rapport. Quant à la participation de la dépense, M. Vifquain est d'avis que les propriétaires intéressés ne doivent intervenir que pour un quart dans la dépense. Il est même plus favorable aux propriétaires intéressés que la proposition de M. le ministre des travaux publics. Je vous demanderai la permission de vous lire seulement deux passages de l'extrait joint au rapport. Voici le premier :
« Si ces faits prouvent à l'évidence la nécessité absolue du nouveau canal d'écoulement, ils ne démontrent pas moins la convenance et la justice de son exécution par l'Etat. »
M. Dumortier. - Il ne dit pas aux frais de qui.
M. de Muelenaere. - Il le dira tout à l'heure.
Quelle est la proposition du gouvernement ? C'est celle-ci : que les frais de construction seront supportés jusqu'à concurrence des trois quarts par l'Etat et un quart par les propriétés intéressées, mais qu'une fois le canal entièrement achevé, les frais d'entretien devront être supportes par les propriétés intéressées.
C'était la proposition de M. Lejeune, de faire contribuer les propriétés pour la moitié de la plus-value qu'elles acquerraient. Dans aucun cas les propriétés ne devaient être imposées davantage ; c'était plus juste et plus équitable.
Voyons ce que dit M. Vifquain sur les frais de construction. Après avoir dit que la dépense tout entière devrait être supportée par l'Etat, voici ce qu'il ajoute :
« Que cependant, si l'on considère les difficultés qui s'opposent à la mise à exécution de la loi de 1807, dans l'appréciation de la valeur que les terrains dont il s'agit avaient avant la révolution et de celle qu'elles auront acquise après l'exécution du canal, déduction faite de mille sortes de dépenses que nécessitera même au loin le nouvel étal de l'écoulement ; on sent qu'il conviendrait peut être mieux de fixer tout d'abord dans la loi le quantum de la participation des propriétaires du bassin du Zwyn, à répartir ensuite, par les soins de l'administration provinciale, entre eux suivant le degré d'avantage que leurs terrains auront retiré de l'exécution du nouveau canal. Ce quantum ne devrait pas s'élever, vu toutes les circonstances, au-delà du quart de la dépense de la partie des ouvrages qui, dans le projet du canal de Damme à la mer, peut être considérée comme nécessité, pour l'écoulement des eaux du bassin du Zwyn ; les propriétaires intéressés participeraient aux frais d'entretien dans la même proportion. »
Vous voyez que, pour la construction, M. Vifquain est d'accord avec le ministre des travaux publics, que dans aucun cas la part afférente aux propriétaires intéressés ne devrait aller au-delà du quart de la dépense. De plus, selon lui, ils ne devraient participer que jusqu'à concurrence du quart aux frais d'entretien.
Le projet de loi qui nous est soumis met tous les frais d'entretien à la charge des propriétaires intéressés.
Il me semble qu'il est impossible d'expliquer autrement la pensée de M. Vifquain, que dès lors le tableau dont on s'est prévalu, a été conçu dans un autre ordre d'idées. Cependant, comme on en a argumenté, il serait à désirer que M. le ministre nous donnât des explications sur ce tableau, afin qu'on sût quelles ont été les intentions de M. l'ingénieur.
M. Cogels. - J'ai déjà expliqué les motifs pour lesquels je pensais qu'on devait décréter seulement la section de Damme à la mer et ajourner celle de Damme à Zelzaete. Cependant, comme dans le cas où le prolongement aurait lieu les dimensions de la première section devraient être tout autres que si on se bornait définitivement à la construction de cette seule section, je veux mettre le gouvernement à même de la construire dans les proportions voulues pour servir, au besoin, de tête au grand canal projeté.
Voilà pourquoi j'ai porté à 860,000 francs la somme que MM. Osy et Fleussu avaient fixée à 550,000 francs, et de cette manière je rentre entièrement dans l'esprit du projet de loi adopté par le sénat, parce que ces 860,000 fr. forment la moitié de la somme de 1,720,000 fr. à laquelle est évaluée la construction du canal de Damme à la mer.
M. Osy et M. Fleussu déclarent se rallier au chiffre proposé par M. Cogels.
M. Dumortier.- Je crois d'abord qu'il est facile de donner une explication à l'honorable M. de Muelenaere, l'inspection seule du tableau suffira. Il résulte de ce tableau que l'Etat ne doit payer qu'un tiers. Les deux autres tiers sont à la charge des provinces et des propriétaires.
M. de Muelenaere. - Je demanderai à l'honorable M. Dumortier la permission de l'interrompre un instant.
M. Dumortier. – Très volontiers.
M. de Muelenaere. - Je crois que l'honorable M. Dumortier se trompe. Il n'explique pas la pensée de M. Vifquain. Je me confirme dans cette opinion par le passage suivant (page 12) du rapport de M. Vifquain.
« Relativement à la participation de la province, nous ferons remarquer que celle-ci a déjà soldé sa grande part, tant par les pertes de ses revenus sur les canaux jusqu'ici sacrifiés, que par les dépenses énormes qu'elle a faites pour leur entretien ruineux et toujours insuffisant. »
M. Mast de Vries cite un passage du rapport de M. Vifquain dans le même sens.
M. Dumortier. - Les pièces qui se trouvent imprimées dans les documents de la chambre ne sont qu'un faible extrait du rapport de M. Vifquain. Cet extrait n'est rien en comparaison du rapport et des tableaux qui y sont annexés et qui évaluent à 40,750,000 francs les dépenses à faire pour nos voies navigables.
Je ne conçois pas que l'on s'oppose à ce que les provinces interviennent dans les dépenses d'un canal, dont le but (les auteurs de la proposition en conviennent) est principalement un intérêt provincial, alors que pour faire une route, un pavé, on exige de la plus petite commune qu'elle intervienne dans la dépense. Et cependant une route, tous les Belges peuvent s'en servir, tandis qu'un canal d'assèchement ne sert qu'à la localité qu'il doit assécher.
Je ne puis admettre un tel système. Ce n’est pas de la justice distributive. C'est une injustice, et rien de plus. Prenez-y garde. J'ai toujours eu de la sympathie pour les Flandres. Mais si un tel système pouvait prévaloir, on ne dirait pas que les députés des Flandres entravent les lois, comme semblait nous en menacer tout à l'heure un honorable membre, mais on dirait qu'ils font les lois à leur profit, qu'ils font leurs affaires dans le parlement. Les Flandres depuis 10 ans ont obtenu tout ce qu'elles ont demandé. Jamais on ne leur a refusé ce qu'elles ont demandé.
M. Delehaye. - Mais qu'avons-nous demandé ?
M. Dumortier. - Lorsqu'il s'est agi du chemin de fer, on ne voulait qu'un chemin de fer d'Anvers au Rhin, c'est vous qui, pour former une majorité, avez exigé un chemin de fer jusqu'à Ostende, puis un second chemin de fer que vous avez également obtenu.
M. Delehaye. - Vous avez aussi un chemin de fer.
M. Dumortier. - Qu'on le fasse, et nous serons contents. Nous ne pouvons obtenir ce qui est juste, et vous, vous avez le superflu.
M. de Meer de Moorsel. - Il a été dépensé dans le Hainaut 32 millions depuis la révolution.
(Moniteur belge n°114, du 24 avril 1842) M. Dumortier. - Il n'a pas été dépensé depuis la révolution un demi-million dans l'arrondissement de Tournay, qui est aussi grand et aussi populeux que toute une province. Il ne faut pas avoir d'esprit de clocher, en pareille matière.
N'est-il pas évident qu'un canal d'écoulement doit être construit aux frais des localités ? Que l'état accorde un subside, j'y consens. Mais mettre à la charge de l'état les défenses des localités, c'est marcher vers une ruine certaine. Pour moi, j'ai toujours défendu les intérêts du trésor public ; je les défends encore aujourd'hui. Si vous n'écoutez pas ma voix, vous nous conduisez dans un abîme, dans lequel nous nous perdrons.
Messieurs, ce qui surtout est évident dans l'affaire qui nous occupe, c'est que l'intérêt général n'est ici nullement en jeu ; et tous les efforts que se sont donnés les orateurs qui défendent le projet pour faire valoir l'intérêt général, ne reposent réellement sur rien de sérieux. Il est manifeste que l'intérêt général est absolument étranger à la question.
Et, en effet, que vient-on vous dire pour appuyer cet intérêt général ? Le grand argument, le voici : La révolution nous a privés de nos voies d'écoulement. Eh bien, messieurs, je conteste complètement la vérité de cette allégation. La révolution n'a ni amélioré, ni empiré les voies d'écoulement des Flandres. La révolution a laissé les choses comme elle les a trouvées.
Messieurs, veuillez, je vous prie, jeter les yeux sur la carte qui vous a été distribuée avec le mémoire d’un de nos anciens collègues, M. l'abbé Andries ; vous verrez quelles étaient les voies d'écoulement qui existaient précédemment d'un côté pour la partie de Damme à la mer, et d'un autre côté pour la partie de Damme à Zelzaete.
Quant à la partie de Damme à Zelzaete, il existait des moyens d'écoulement sur le Brackman. Ces moyens restent aujourd'hui absolument les mêmes que la révolution les a trouvés. Et remarquez-le, messieurs, la Hollande a elle-même intérêt à conserver ces moyens d'écoulement qui lui servent comme ils nous servent à nous-mêmes.
Quant à ce qui est de la partie entre Damme et la mer, vous remarquerez, messieurs, que les moyens d'écoulement sont triples ; les uns se dirigent vers le Midi, les autres vers le Nord.
Vers le Midi, vous avez deux écluses donnant dans le chenal d'Ostende, et communiquant avec le Nord-Ede, et qui à chaque marée laisse écouler les eaux. Vous avez donc là un écoulement certain, un écoulement qui est resté le même qu'avant la révolution.
Maintenant, vers le Nord, il existe deux moyens d'écoulement, tous deux dirigés vers le Zwyn ; l'un se dirige vers l'Ecluse, l'autre vers l'écluse de Hazegras. Je crois devoir vous rappeler qu'avant Joseph II, toutes les eaux se dirigeaient vers l'Ecluse. Mais comme à cette époque le gouvernement hollandais avait entravé le cours des eaux, on a construit l'écluse de Hazegras ; à cette écluse on a joint un fort, le fort de Hazegras. Et remarquez-le ici en passant, nous aurons aussi besoin d'un fort pour le canal de Damme ; nous devrons encore consentir de ce chef, à une dépense de cinq à six cent mille francs. On ne parle pas de cette dépense, parce que comme elle sera à la charge du département de la guerre, l'Etat ne paraît pas devoir la payer.
Je dis donc qu'il y avait deux écoulement vers le Nord ; eh bien, ces deux écoulements sont restés les mêmes. A cela que répond-on ? C'est que le Zwyn, vers lequel ils se dirigent, est ensablé ; et ce qui le prouve, c'est qu'autrefois des navires pouvaient y entrer, et qu'aujourd'hui cela n'est plus possible.
Eh bien ! j'admets que le Zwyn soit ensablé, j'admets que les navires ne puissent plus y arriver. Mais quel est l'effet d'un semblable ensablement ? Mon Dieu ! il ne faut pas sortir du pays pour l'apprendre. La même chose est arrivée à Nieuport. Nieuport, autrefois un des plus beaux ports de la Manche, ne peut plus recevoir de gros navires ; mais c'est toujours un magnifique moyen d'écoulement. L'ensablement empêche l'entrée des navires, mais il n'est pas tel qu'il ne reste un moyen d'écoulement des eaux.
Un membre**.** - Nieuport reçoit les navires.
M. Dumortier**.** - Oui de petits navires ; mais il ne peut plus en recevoir de grands ; le Zwin est dans le même cas.
Eh bien ! l'effet d'un écoulement périodique, c'est qu'il emporte tous les jours à marée basse le sable que la marée haute a apporté. Si le flux apporte journellement un peu de sable, lors du reflux, l'écoulement des eaux de l'intérieur emporte ce sable. Il peut se faire que cet écoulement ne soit pas assez fort pour laisser une anse, un port, mais il restera toujours un passage suffisant pour les eaux, parce que l'écoulement de l'intérieur vers la mer est toujours beaucoup plus fort que celui qui vient de la mer vers l'intérieur.
C'est par ce motif que le port d'Ostende n'a pas été ensablé sous l'ancien gouvernement, alors qu'il empêchait la grande écluse de chasse de jouer. Car si le port d'Ostende n'avait pas eu le canal de Bruges pour verser des eaux dans le port d'Ostende, celui-ci se serait ensablé, comme il en arrivera de tous les ports de la Manche, lorsqu'ils n'auront pas de moyens d'écoulement.
Vous le voyez donc, la révolution n'a pas empiré la position des Flandres, elle l'a laissée dans l'Etat où elle se trouvait auparavant. Il n'y a donc pas de ce chef intérêt général ; il n'y a pas non plus la moindre similitude avec le collège de St-Trond, dont vous a tout à l'heure parlé un honorable député de Bruges.
Dans l'affaire du collège de St-Trond, nous avions privé, par notre vote, un établissement d'une de ses succursales ; c'était un effet de la volonté nationale, et la chambre pouvait se regarder comme responsable du fait qu'elle avait créé.
Mais par l'effet de la révolution nous n'avons enlevé aux Flandres aucune espèce de voie d'écoulement. Nous avons au contraire stipulé dans le traité les conditions les plus formelles pour leur conserver leur voie d'écoulement. J'ajouterai qu'une commission spéciale à été nommée pour régler la question d'écoulement des eaux des Flandres, et si je suis bien informé, les deux gouvernements sont parfaitement d'accord pour faciliter par tous leurs moyens cet écoulement. Voilà dans quel état sont les travaux de cette commission. Aucune espèce de désaccord n'existe sur ce point. Il est donc inexact de dire que la révolution aurait empiré la position précédente ; les choses sont aujourd'hui comme elles l'étaient sous le gouvernement autrichien.
Messieurs, ce n'est pas tout. La Hollande, comme je vous l'ai dit, a elle-même intérêt à laisser écouler les eaux des Flandres. Et pourquoi ? C'est que ces eaux ne sont pas les seules qu'elle doive faire écouler. Toute la Flandre zélandaise reçoit aussi les eaux pluviales ; et ces eaux, il faut qu'elle en fasse quelque chose. Est-ce que vous pensez par hasard que la Flandre zélandaise a envie de rester sous les eaux ? Ne, doit-elle pas aussi cultiver ses terres ? Et bien, les moyens d'écoulement qu'elle fait pour elle-même, servent par la force des choses pour le déversement de nos propres eaux.
Ainsi, vous le voyez, l'intérêt de nos voisins est une garantie des services rendus à nos propres intérêts. C'est donc une erreur de venir prétendre que la révolution est une cause qui a aggravé l'état des Flandres. C’est là une erreur capitale ; je viens de le démontrer à l'évidence.
On a poussé les choses à tel point, que M. le ministre des travaux publics a dit que la création de certaines forteresses, comme Philippine, avait diminué l'écoulement des eaux ; et on vient dire que c'est un fait politique qui a nécessité la création du canal de Zelzaete. Mais, je le demande, est-ce depuis la révolution qu'on a construit le fort de Philippine ? Et s'il y a intérêt général, parce que il y a deux ans la Hollande, a élevé le fort de Philippine, je demande comment cet intérêt politique existant, on n'a rien fait depuis deux siècles ?
Je ferai remarquer que cet argument est absolument de même force que celui qu'a produit M. le ministre des travaux publics, lorsqu'il a prétendu que lorsque l'on avait baissé les eaux du canal de Bruges, plusieurs navires n'avaient pu entrer dans le port d'Ostende. J'avoue que je n'avais jamais cru qu'il fallait de l'eau dans le canal de Bruges pour que les vaisseaux puissent entrer dans le port d'Ostende.
M. Delehaye. - Vous avez mal compris.
M. Dumortier. - M. le ministre a ajouté que les capitaines de navire lui avaient écrit qu'ils n'avaient pu entrer dans le port d'Ostende parce qu'il n'y avait pas d'eau dans le canal de Bruges.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je n'ai pas dit cela.
M. Dumortier. - Voici ce que vous avez dit : on a baissé dans l'été dernier les eaux du canal de Bruges, et plusieurs navires qui étaient en vue du port d’Ostende n’ont pu y entrer.
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - N'ont pu entrer dans le canal.
M. Dumortier. - Si c'est ainsi que vous l'avez entendu, c'est différent. Mais je demanderai à M. le ministre des travaux publics s'il s'imagine qu'il y ait des canaux dont on ne doive pas tous les ans baisser les eaux pendant un certain temps. Tous les canaux sont dans le même cas, chaque année on doit baisser les eaux pour les réparations. Vous ne pouvez prétendre que le canal de Bruges soit d'une condition autre que les autres. Les vaisseaux qui ne pouvaient y entrer, n'avaient qu'à attendre quelques jours dans le port d'Ostende jusqu'à ce que les eaux fussent remontées. Ce n'était pas bien difficile, et c'est ce qui se fait dans tous les canaux.
On vous parle de la navigation du canal de Bruges, Eh bien ! la réponse ici est extrêmement facile. Le canal de Bruges, je viens de le dire, est soumis à la condition de tous les canaux ; il faut bien que l'on consente, à des époques plus ou moins rapprochées, à voir baisser les eaux. Mais ce n’est pas tout : l’intérêt du canal de Bruges est singulièrement diminué ; et comme je l'ai fait remarquer hier, c'est l'honorable comte de Muelenaere qui l'a dit, cet intérêt est singulièrement diminué depuis qu'on a autorisé la création du canal de l'Espierre, et le motif en est simple ; c'est qu'au lieu d'aller par le canal de Bruges, les navires se dirigeant vers Dunkerque auront plus court en prenant le canal de l'Espierre.
M. Rodenbach**.** - C'est impossible, il y a eu un amendement pour mettre obstacle à cela.
M. Dumortier**.** - Il n'y a pas d'amendement qui puisse empêcher un navire d'aller à Dunkerque ; Vous ne mettrez pas une écluse sur le territoire français pour l’empêcher d'aller ou il veut.
Ainsi sous ce point de vue, le canal de Bruges a perdu beaucoup de son intérêt.
D'ailleurs, est-ce là un motif pour que le canal entier de Zelzaete soit fait aux frais de l'Etat ? Evidemment non. C'est un motif pour accorder un subside, mais non pour faire toute la dépense.
Car évidemment avec de pareils arguments, il n'y a pas de travail qu'on ne puisse justifier. Je me fais fort, avec de pareils arguments, de justifier tous les travaux, quels qu'ils soient, fussent-ils à l'avantage d'un particulier.
S'il est était vrai, messieurs, que les événements politiques eussent modifié la position des Flandres sous le rapport de l'écoulement de leurs eaux, s'il était vrai que le traité des 24 articles eût enlevé aux Flandres une partie de leurs moyens d'écoulement, alors nous devrions intervenir pour la plus grande part dans la construction du canal, mais, comme je l'ai démontré tout à l'heure, il est manifeste que le traité n'a en rien modifié la situation des Flandres sous ce rapport.
On vient, messieurs, mettre le haut Escaut en avant ; on vient nous dire : « Mais ce n'est pas pour nous que nous faisons le canal, c'est pour vous-mêmes qui vous y opposez. » Messieurs, il faut convenir que nous, députés du Hainaut, nous jouons ici un rôle bien singulier ; nous refusons les faveurs qu'on veut nous donner, nous repoussons les subsides qu’on nous offre.
Ainsi, messieurs, c'est dans notre intérêt qu'on veut construire le canal de Zelzaete, et plus tard, lorsqu'on viendra faire le relevé des sommes qui ont été allouées aux diverses provinces, on comprendra dans la part du Hainaut les 5 millions qu'il s'agit de consacrer à cette construction ! (On rit.)
Eh bien, messieurs, je dis que le Hainaut est complètement désintéressé dans la question, et je vais le prouver.
Il n'existe dans la Belgique aucune localité qui souffre autant des inondations que la localité que j'ai l'honneur de représenter ; au moment où je vous parle, des millions d'hectares de terres sont encore sous les eaux et nous n'avons aucun moyen de faire écouler ces eaux ; c'est une chose véritablement affligeante ; mais croyez-vous, messieurs, que la construction du canal de Zelzaete portera remède à cet état de choses ? Evidemment non ; car la cause des inondations du haut Escaut est complètement étrangère au canal de Zelzaete. La cause de ces inondations est extrêmement simple ; elles résultent de ce que les écluses au-dessus de Tournay sont beaucoup plus larges que celles qui sont situées au-dessous de cette ville, de ce que Tournay se trouve être (permettez moi cette comparaison) comme un entonnoir où il entre beaucoup d'eau, et qui ne peut en écouler que fort peu. Eh bien, messieurs, est-ce le canal de Zelzaete qui nous procurera un écoulement ?
Mais en aucune façon : les écluses qui ne sont pas assez larges pour que nous puissions écouler nos eaux, ne sont ni les écluses de Bruges ni celles d'Ostende, ce sont les écluses d'Audenaerde ; les inondations ne sont pas entre Audenaerde et Gand, mais entre Tournay et Audenaerde, laissez passer nos eaux à Audenaerde et nous n'aurons plus d'inondations.
Les eaux de l'Escaut ne s'écouleront jamais dans le canal de Zelzaete, parce que l'Escaut a un écoulement qui lui est propre, son écoulement est à Anvers et j'espère, que le port d'Amers est assez large pour recevoir les eaux qui passent à Tournay.
C'est donc une erreur de venir invoquer l'intérêt du Hainaut en faveur du canal de Zelzaete ; nous avons un écoulement naturel par Gand et Anvers, et cet écoulement est très facile, car tous les jours, à la marée basse, il y a à Gand une chute de 6, 8 ou 10 pieds pour l’écoulement des eaux. Ainsi, lorsqu'on vient mettre le Hainaut en avant dans cette discussion, c'est mettre la main dans le trésor public et dire aux autres : « C’est pour vous que nous le faisons. » C'est ainsi que l'ancien gouvernement, lorsqu'il donnait tous les emplois à des Hollandais, lorsqu'il voulait nous faire parler une langue qui nous était étrangère, nous disait aussi : « C'est pour votre bien que je le fais. » Il paraît qu'on veut aujourd'hui nous traiter de la même manière, et plus tard, lorsqu'on fera le calcul des subsides alloués aux différentes provinces, on viendra nous dire : " Item au Hainaut, 5 millions pour le canal de Zelzaete. »
M. le ministre des travaux publics nous a dit tout à l'heure que la crue des eaux empêche les travaux du chemin de fer. D'abord, messieurs, j'ai expliqué d'où venait la crue des eaux à Tournay, j'ai dit que la cause en est dans l'insuffisance des écluses d'Audenaerde. Mais je ferai remarquer à M. le ministre des travaux publics qu'il a été induit en erreur ; que les travaux de terrassement peuvent très bien se faire. Il est fort à regretter qu'on nous laisse dans une semblable situation, mais quand il s'agit de Tournay on ne fait jamais rien, nous ne pouvons jamais rien obtenir, depuis dix ans la Belgique n'a rien fait pour nous.
Je viens de démontrer à l'évidence, messieurs, qu'il ne s'agit pas ici d'un objet d'intérêt général ; ne croyez pas cependant que je veuille m'opposer à la construction du canal de Zelzaete ; loin de là, je suis très disposé à ce qu'on fasse le canal si on le juge nécessaire, mais je désire au moins que nous sachions ce que nous votons, je désire que nous n'émettions pas un vote dans le vague ; or, il me semble qu'en adoptant l'amendement tel qu’il vient d'être modifié, nous ferons tout ce qu'il est possible de faire ; cet amendement, qui met la moitié de la dépense à la charge de l'Etat, a d'ailleurs le mérite de rentrer dans le projet qui avait été adopte par le sénat, et la loi aura ainsi d'autant plus de chances d'être adoptée par cette assemblée. Si cet amendement est adopté, la dépense pourra se répartir d'une manière équitable ; l'Etat supporterait la moitié de la dépense ; on pourra ensuite faire supporter un quart par la province et l'autre quart par les particuliers.
Remarquez, messieurs, qu'indépendamment de cette moitié que l'amendement met à la charge de l’Etat, nous aurons bien d'autres dépenses à faire pour le canal ; comme il s'agit de faire des écluses de mer, vous devrez nécessairement construire un fort pour protéger ces écluses, car si vous n'aviez pas de fort pour protéger vos écluses, en cas d'hostilité avec la Hollande celle-ci pourrait venir briser vos écluses et inonder ainsi le pays. La nécessité de construire un fort a d'ailleurs été démontrée dans la première discussion. Eh bien, messieurs, cela entraînera une dépense considérable. Vous voyez donc bien que si vous adoptez l'amendement l'Etat sera en définitive chargé encore des deux tiers de la dépense.
Je pense donc, messieurs, qu'en votant l'amendement vous aurez satisfait aux besoins des localités dont il s'agit et de cette manière au moins vous n'aurez pas posé un précédent ruineux pour le trésor public.
(Moniteur belge n°113, du 23 avril 1842) M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Tout à l'heure, messieurs, on a tiré parti d'un fait qui se trouve dans le rapport de M. Vifquain, et que l'on n'a pas pu expliquer. J'ai déjà eu l'honneur de dire à la chambre que le gouvernement, en déposant ce travail sur le bureau, n'a pas entendu s'expliquer à l'égard de l'adoption ou de la non-adoption des propositions ou des opinions émises dans ce travail. Je ne pense pas non plus que les membres de la chambre soient disposés à adopter tout d'abord sans examen, sans aucune discussion, toutes les opinions qui se trouvent exprimées dans le rapport de M. Vifquain. Quoi qu'il en soit, on a tiré parti d'une contradiction qu'il y a entre deux parties de ce rapport.
La première partie renferme la discussion approfondie, la discussion spéciale des questions relatives au canal de Zelzaete, celle-là vous la connaissez tous, et elle tend, comme l'a fort bien dit l'honorable M. de Muelenaere, à mettre à la charge de l'Etat, non seulement les 3/4 des frais de construction, mais encore les 3/4 des frais d'entretien et d'administration du canal, tandis que le gouvernement, dans le projet qu'il vous a présenté, a mis, en outre du quart du coût de la construction, la totalité des frais d'entretien et d'administration à la charge des intéressés. Or, messieurs, je le répète, la partie du rapport qui conclut ainsi, c'est la partie essentielle en ce qui concerne le canal de Zelzaete ; quant à l'autre partie qui a été citée, ce n'est qu'accidentellement que M. Vifquain y parle du canal de Zelzaete ; à cet égard, je viens de recevoir à l'instant même une lettre de cet ingénieur, et je vais en donner lecture à la chambre.
« Monsieur le ministre,
« J'ai bien entendu que la part des propriétaires à l'exécution du canal ne serait que d'un quart.
« Dans le tableau, j'ai porté le tiers de la dépense à la charge du fonds spécial de la navigation, et c'est par erreur que les deux autres tiers ont été portés dans la colonne (des provinces et des concessions). Ces deux tiers doivent être portés dans une colonne nouvelle, sous le titre de Trésor de l'Etat.
« Votre respectueux serviteur,
« L’inspecteur VIFQUAIN. »
Vous le voyez, messieurs, M. Vifquain a été préoccupé, pour cette seconde partie de son travail, entièrement de la répartition entre le fonds spécial, d'une part, et les provinces et les concessions de l'autre. C'est ce qui fait que, bien qu'il eût songé à mentionner ici aussi le canal de Zelzaete, afin de le doter d'un subside d'un tiers sur le fonds spécial, il n'a pas songé à ouvrir une autre colonne dans son tableau pour y porter les deux autres tiers qui, dans son opinion, très bien, très amplement développée dans la partie de son rapport spécial au canal de Zelzaete, tombent comme l'autre tiers à la charge de l'Etat, avec cette seule différence que le premier tiers, selon lui, doit être prélevé sur le fonds spécial des canaux de navigation qu'il propose de créer, et les deux autres tiers sur les fonds généraux de l'Etat.
- La séance est levée à 4 3/4 heures.