(Moniteur belge n°85 du 26 mars 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. Lejeune procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. de Villegas donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée.
M. Lejeune fait connaître l’analyse des deux pièces suivantes.
« Le sieur Jean-Louis Banning, pilote, domicilié à Anvers, né dans le grand-duché d’Oldenbourg, ayant navigué pendant 9 ans sur des bâtiments belges, demande la naturalisation. »
Renvoi à M. le ministre de la justice.
« La chambre de commerce et des fabriques d’Anvers, adresse des observations en faveur du projet de loi relatif au traité de commerce et de navigation avec les Etats-Unis. »
- La chambre renvoie cette pétition à la commission chargée de l’examen de ce projet de loi, et en ordonne l’insertion au Moniteur.
« Les boutiquiers des villes de Bouillon et de Tirlemont demandent une loi répressive du colportage. »
« Même pétition des boutiquiers de la commune d’Arquennes. »
M. le président – D’après les antécédents de la chambre, ces pétitions sont renvoyées à M. le ministre de l'intérieur.
M. Zoude – J’allais demander ce renvoi. Puisque M. le ministre de l'intérieur est présent, je lui rappellerai qu’il a promis de prendre des mesures propres à faire cesser l’espèce de brigandage dont on se plaint. Je lui demanderai s’il croit pouvoir remplir bientôt l’engagement qui a pris envers la chambre. Deux de nos honorables collègues, MM. Van Cutsem et Pirson, se sont rendus, dans une de nos dernières séances, les interprètes de ces plaintes. M. le ministre de la justice a promis de rendre compte à M. le ministre de l'intérieur de ce qui s’est passé dans cette séance.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Il est vrai que cette affaire est soumise à une instruction qui n’est pas encore achevée. Du reste, il ne s’agit pas d’interdire le colportage, mais de le mettre au niveau des industries existant dans toutes les communes. Dans l’état d’instruction où se trouve cette affaire, il m’est impossible d’indiquer les mesures qui seront proposées. Quoi qu’il en soit, dès que l’instruction sera achevée, le gouvernement présentera un projet de loi.
M. Zoude – On ne se plaint pas seulement dans le Limbourg et dans le Luxembourg ; mais encore dans les Flandres et dans la province de Namur. Il est donc à désirer qu’une mesure soit bientôt prise.
M. Lejeune continue l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal de Marbais, adresse des observations en faveur de l’industrie du sucre de betteraves. »
- Renvoi à M. le ministre des finances.
« Des cultivateurs de la ville de Roulers et des communes de Bellaines, Merdorp, Avin et Wasseiges (Liége), des communes de Jandrain, Orp-le-Grand et Marilles (Brabant), adressent des observations contre le projet de loi relatif aux céréales. »
M. Rodenbach – J’ai été chargé de la part d’une centaine d’habitants de la ville de Roulers de déposer sur le bureau une pétition qui demande l’établissement d’un droit à la sortie des lins. D’autres communes dont M. le secrétaire vient de dire le nom demandent la même chose. Je demande que la chambre, conformément à ses antécédents, ordonne le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du projet de loi et leur insertion au Moniteur.
- La proposition de M. Rodenbach est mise aux voix et adoptée.
« Des habitants de plusieurs communes de l’arrondissement de Philippeville demandent que la chambre accueille favorablement la proposition de MM. Brabant et Dubus (aîné). »
« Pétition en sens contraire de plusieurs habitants de Cerfontaine. »
- La chambre ordonne le dépôt de ces pétitions sur le bureau pendant la discussion de la proposition et leur insertion au Moniteur.
« Le sieur Joseph Platel, distillateur à Hasselt, demande que la chambre intervienne pour qu’il soit établi une chambre de commerce dans le Limbourg. »
- La chambre, sur la proposition de M. Raymaeckers, renvoie cette pétition à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
« Le sieur J.-J. Moreau, fourrier dans la 2e légion de la garde civique de Bruxelles, blessé à Louvain, en activité de service et souffrant toujours de sa blessure, demande une pension, à laquelle il prétend avoir droit, en vertu de l’article 59 de la loi sur la garde civique. »
« Le milicien Braun, atteint de cécité, infirmité contractée au service, se plaint d’avoir été congédié par le ministre de la guerre, avec une simple gratification de 120 fr. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
« Message du sénat faisant connaître l’adoption des projets de loi suivants :
1° Projet de loi relatif à la séparation du village de Ganshoren de la commune de Jette-Ganshoren ;
2° Id. contenant le budget des travaux publics, pour l’exercice 1841 :
3° Id. relatif à la libre entrée des machines et mécaniques ;
4° Id. modifiant divers articles du tarif des douanes ;
5° Id. augmentant le personnel du tribunal de Bruxelles ;
6° Id. relatif à un crédit supplémentaire au budget des travaux publics, pour 1840 et années antérieures :
7° Id. relatif à la remise des pénalités encourues pour contraventions aux droits de timbre, etc. ;
8° Id. modifiant la législation sur les sucres ;
90 Id. relatif à la division de la commune de Villers-la-Louc ;
10° Id. relatif aux ventes à l’encan. »
« Message du sénat faisant connaître le rejet du projet de loi relatif aux foins. »
« Message du sénat faisant connaître les noms des membres du jury d’examen nommés par cette assemblée. »
« Message du sénat accompagnant le projet de loi amendé relatif aux chemins vicinaux. » (La chambre, dans la séance du 19 de ce mois, a ordonné l’impression de ce projet de loi et l’a renvoyé à la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi primitif.)
« Message du sénat accompagnant le projet de loi, ayant pour objet de laisser à la disposition du gouvernement les miliciens des classes de 1834, 1835 et 1836. »
« Message du sénat accompagnant le projet de loi interprétatif de l’article 139 du Code pénal. »
« Message du sénat accompagnant le projet de loi, amendé, relatif au droit de transcription des actes emportant mutation d’immeubles. » (La chambre ordonne l’impression de ce projet de loi et le renvoie à la section centrale chargée de l’examen du budget des voies et moyens.)
« Message du sénat faisant connaître l’adoption de 46 projets de loi de naturalisation ordinaire. »
« Message du sénat accompagnant 52 demandes de naturalisation ordinaire, prises en considération. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
Il est fait hommage à la chambre par l’académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles des 13e et 14e volumes de ses mémoires.
- Dépôt à la bibliothèque.
MM. Quetelet et de Block, nommés par la chambre membres du jury d’examen, adressent des remerciements à la chambre.
- Pris pour notification.
M. Zoude, rapporteur – Les pétitionnaires se plaignent d’une vexation qu’ils disent éprouver par suite d’une interprétation donné depuis quelque temps à la loi du 12 mars 1837 sur le droit imposé aux chevaux d’un usage mixte.
M. d’Huart, ancien ministre des finances, auteur de cette loi, la faisait appliquer, suivant les pétitionnaires, d’une manière différence et surtout plus conforme à la protection due à l’agriculture. Ils ajoutent même que ce ministre avait expliqué dans une circulaire le sens dans lequel la loi avait été conçue, et qui excluait l’application qu’on lui donne aujourd’hui.
Cette pétition, messieurs, a paru assez sérieuse à votre commission pour la déterminer à vous en proposer le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d’explications, et c’est la conclusion que j’ai l’honneur de vous présenter en son nom.
M. Eloy de Burdinne – J’appellerai l’attention de M. le ministre des finances sur cette pétition et sur le rapport dont elle vient de faire l’objet. Il paraît que les tribunaux ne sont pas d’accord sur la question dont il s’agit. Ainsi, la cour d’appel de Bruxelles vient de décider que les chevaux dont on parle dans le projet de loi ne sont pas passibles du droit.
Lors de la discussion du projet de loi, l’honorable M. d’Huart, alors ministre des finances, interpellé par moi à ce sujet, fit une réponse en ce sens.
J’engage donc M. le ministre des finances à examiner cette affaire avec attention, et à présenter, s’il y a lieu, un projet de loi interprétatif.
M. Peeters, au nom de la section centrale, dépose le rapport sur le projet de loi relatif aux chemins vicinaux, amendé par le sénat.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) présente deux projets de loi, le premier tendant à allouer au département de l’intérieur un crédit supplémentaire relatif aux exercices 1839 et 1840 ; le second ayant pour objet d’allouer au jardin d’horticulture un subside annuel de 24,000 francs, au lieu de celui de 12,000 fr. qui lui a été alloué jusqu’à présent.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets de loi et des exposés de leurs motifs et le renvoie à l’examen des sections.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) présente un projet de loi, tendant à proroger la loi du 21 juin 1840, relative à la perception des péages sur le chemin de fer.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi et de l’exposé de ses motifs et le renvoie à la section centrale qui a examiné le budget des travaux publics.
Aucun membre ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe à la discussion des articles.
La chambre adopte la proposition de la section centrale de ne s’occuper que des articles amendés.
Les amendements introduits par le sénat dans les articles 1 à 5 sont successivement mis aux voix et adoptés ; ces articles sont ainsi conçus.
« Art. 1er. Dans les communes où il n’existe pas de plans généraux d’alignement et de délimitation des chemins vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans dans le délai de deux ans, à dater de la publication de la présente loi.
« Elles feront, dans le même délai, compléter, ou réviser, s’il y a lieu, les plans existants, qui devront réunir les mêmes conditions que les plans à dresser en conformité de la présente loi. »
« Art. 2. Les plans dressés, complétés ou révisés d’après les règles qui seront prescrites par le gouvernement chargé d’en assurer la bonne exécution, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, y compris les fossés, la largeur qu’il doit avoir par suite des recherches et reconnaissances légales, ainsi que la contenance et la désignation des emprises à faire sur les riverains.
« Ils contiendront de plus la désignation prescrite à l’article 13.
« Art. 3. La dépense à résulter de l’exécution des articles qui précèdent, sera pour moitié à la chambre de l’Etat et pour moitié à la charge des communes. »
« Art. 4. Ces plans seront exposés pendant deux mois au secrétariat de la commune.
« Pendant ce délai, et sauf ce qui est statué à l’article 5 à l’égard des propriétaires, tout individu à droit de réclamer en se conformant à l’article 6. »
« L’exposition sera annoncée par voie de publication et d’affiches, dans la forme ordinaire et dans un journal de la province ou de l’arrondissement, s’il en existe. »
« Art. 5. Les propriétaires des parcelles indiquées au plan comme devant être restituées ou incorporées au chemin, seront avertis du jour du dépôt du plan.
« L’avertissement contiendra la désignation de ces parcelles et sera donné sans frais, à la requête du collège des bourgmestre et échevins, par l’officier de police ou le garde champêtre du lieu, soit à personne, soit à domicile, si les propriétaires habitent la commune. Dans le cas contraire, l’avertissement sera adressé par la voie de la poste aux lettres et chargé d’office, si leur résidence est connue ; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d’intervalle suivant le mode usité.
« Les propriétaires pourront réclamer pendant le délai de deux mois, à partir du jour de l’avertissements. »
« Art 13. Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes.
« Néanmoins, les conseils provinciaux pourront statuer que ces dépenses seront, en tout ou en partie, à la charge des propriétaires riverains, là où l’usage en est établi.
« En cas de contestation sur la charge d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente du conseil provincial, pourvoir provisoirement à l’entretien des chemins qui font l’objet de la contestation, sauf le recours des communes contre les tiers, s’il y a lieu.
« Il n’est rien innové, par le présent article, aux obligations résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi, ni aux règlements des polders et wateringues. »
« Art 13. Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes.
« Néanmoins, les conseils provinciaux pourront, là où l’usage en est établi, statuer que ces dépenses seront, en tout ou en partie, à la charge des propriétaires riverains qui jouissent des plantations sur le bord du chemin et veulent conserver cette jouissance..
« En cas de contestation sur la charge d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente du conseil provincial, pourvoir provisoirement à l’entretien des chemins qui font l’objet de la contestation, sauf le recours des communes contre les tiers, s’il y a lieu.
« Il n’est rien innové, par le présent article, aux obligations résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi, ni aux règlements des polders et wateringues. »
M. de Garcia – L’article 13 a subi au sénat un amendement, et cet amendement lui-même a été amendé par la section centrale. Je pense que ces deux amendements, tant celui introduit par le sénat que celui proposé par la section centrale sont complètement inutiles. C’est ce que je me propose de démontrer. Le paragraphe premier de l’article 13, qui contient le principe fondamental de la loi est conçu comme suit : « Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes. »
Vient ensuite l’amendement proposé par le sénat, portant :
« Néanmoins les conseils provinciaux pourront statuer que ces dépenses seront, en tout ou en partie, à la charge des propriétaires riverains, là où l’usage en est établi. »
Voilà l’amendement adopté par le sénat. C’est celui que je me propose d’examiner en premier lieu. Pour cette disposition nouvelle, vous voyez que le conseil provincial est appelé à statuer sur l’entretien des chemins vicinaux. Cet amendement est-il bien en harmonie avec l’esprit de l’article 13 ? C’est ce que je ne comprends pas, ou au moins que je ne puis m’expliquer. En effet, que dit le paragraphe 3 du même article ? Il porte :
« En cas de contestation sur la charge d’entretien, les communes devront, sur la décision de la députation permanente du conseil provincial, pourvoir provisoirement à l’entretien des chemins vicinaux qui font l’objet de la contestation, sauf le recours des communes contre les tiers, s’il y a lieu. »
Vous voyez que le même article contient deux dispositions essentiellement distinctes, et pour moi évidemment contradictoires ; en effet, que porte l’amendement introduit par le sénat ? Il dit que les conseils provinciaux pourront statuer, en tout ou en partie, à la charge des propriétaires riverains, là où l’usage en est établi, et le paragraphe 3 du même article dit en quelque sorte le contraire. Il porte qu’en cas de contestations, l’entretien sera provisoirement déclaré être à la charge des communes.
Sous ce point de vue, si l’amendement du sénat n’est contradictoire avec les autres dispositions de l’article 13, il est au moins complètement inutile. Envisagé de cette manière et voulant en finir d’une loi réclamée partout, je ne pourrais me décider à rejeter l’amendement du sénat que je suis bien éloigné de considérer comme bon et rationnel.
Quant à celui de la section centrale, je le crois encore plus inutile et beaucoup plus mauvais. Il étend celui du sénat en faisant intervenir les plantations sur les chemins vicinaux. Voici comment il est conçu :
« Néanmoins, les conseils provinciaux pourront, là où l’usage en est établi, statuer que ces dépenses seront en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains qui jouissent des plantations sur le bord du chemin et veulent conserver cette jouissance. »
Cet amendement n’est propre qu’à augmenter et compliquer les difficultés que fait naître celui proposé par le sénat. En effet, il pourra se faire que les usages soient tels, que l’état des chemins soit tel, que les plantations ne soient point praticables sur ces chemins et que cependant le riverain soit tenu à la réparation.
Je ne connais pas bien les localités où ces usages existent ; mais comme dans cette enceinte, il se trouve des députés qui les connaissent parfaitement, ils pourront nous expliquer ce point.
Quant à moi, je pense, d’après les explications même qui ont été données dans cette chambre, qu’il y a des localités où, sans qu’il existe de plantations, les riverains sont tenus de la réparation des chemins. Cependant qu’arrivera-t-il si le chemin a une largeur telle qu’on ne puisse y faire des plantations, et quand le riverain sera tenu à entretenir le chemin ? Le conseil provincial ne pourra rien faire, il ne pourra statuer. Que fera-t-on dans ces cas ? Poser la question, c’est en démontrer l’inapplication.
Vous voyez que l’amendement de la section centrale, en voulant modifier l’amendement du sénat, le complique et le rend d’une application plus difficile.
Au fond donc, je pense que, pour en finir avec cette loi, il vaut mieux adopter l’amendement du sénat, amendement que je regarde au moins comme inutile dans l’esprit qui domine l’article ; mais que je voterai, je le répète, pour finir d’une loi que je regarde comme urgente.
Quant à l’amendement de la section centrale, je crois qu’il serait plus nuisible qu’utile, et rendrait l’application de la loi impossible ou injuste.
Je n’en dirai pas davantage. Mais dans tous les cas je voterai contre l’amendement présenté par la section centrale.
M. Milcamps – Messieurs, j’ai quelques observations à présenter sur l’amendement introduit par le sénat, dans l’article 13 de son projet correspondant à l’article 12 du projet adopté par la chambre des représentants.
La chambre des représentants, animée du désir de faire une loi uniforme pour tout le pays, avait posé en principe dans l’article 12, que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes, mais avec cette exception qu’il n’était rien innové aux obligations résultat des droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi, ni aux règlements des polders et wateringues.
J’ai soutenu dans la discussion de la loi sur les chemins vicinaux, que, suivant le droit commun en Belgique, soit que ce droit résultât des dispositions coutumières, soit qu’il résultât des édits de police de nos souverains, l’entretien des chemins était généralement à la charge des riverains, et s’il fallait examiner s’il ne convenait pas de mettre cet entretien à la charge des communes ; mais on a cru devoir s’arrêter aux dispositions de l’article 12 du projet adopté par la chambre des représentants.
Les dispositions de cet article 12 semblaient ne devoir rencontrer aucune objection. L’entretien des chemins vicinaux était une charge de la commune ; telle serait la règle, sauf à la commune à justifier que cet entretien était une charge des riverains, telle était l’exception.
Ces dispositions traçaient une marche simple, claire et précise. Permettez-moi de vous donner un exemple d’application.
L’article 2 du chapitre 34 des chartes générales du Hainaut porte : que les rivières et chemins de ce pays, seront entretenus en telle largeur qu’ils ont toujours eue et sera trouvé devoir appartenir, et l’article 3 dispose que : « Tout possesseurs d’héritages marchissants auxdits chemins, rivières et courants d’eaux, seront tenus à l’advenant de leurs dits héritages, les entretenir à leurs dépenses. S’il n’y a fait spécial au contraire. »
Eh bien ! en présence des dispositions tant de la loi adoptée par la chambre que de l’ancienne loi, le conseil provincial aura à examiner si dans le pays du Hainaut l’entretien des chemins n’est pas une charge des riverains, si depuis les articles 2 et 3 de la section 6 du titre 1er de la loi du 28 septembre 1791, depuis la loi du 9 ventôse an XIII, ou depuis l’instruction du 13 prairial an XIII, qui ont mis l’entretien des chemins à charge des habitants, par un service personnel rachetable à volonté à raison du prix de la journée fixé par le conseil municipal, les riverains ne sont pas aujourd’hui, par la prescription, affranchis de cette charge, s’il n’y a pas lieu, dans l’intérêt de la bonne viabilité des chemins, de suivre la règle que l’entretien des chemins est une charge de la commune.
C’est là, je le répète, une marche claire, simple et précise.
En sera-t-il de même des dispositions proposées par le sénat par l’amendement à l’article 13 ? Oui sans doute, puisqu’il pose en règle générale que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes, et que, seulement par exception, il pourra en être différemment là où l’usage en est établi.
Comment agiront les conseils provinciaux ? Je prends pour exemple la province du Hainaut. Dans le Hainaut, l’entretien des chemins était une charge des riverains. Ces riverains étant chargés de l’entretien, on doit présumer que les chemins sont à eux, du moins si on décide d’après le principe de nos lois actuelles que les chemins vicinaux appartiennent aux communes parce qu’elles les entretiennent.
Eh bien, avec la règle générale que l’entretien des chemins vicinaux est une charge de la commune, les conseils provinciaux ont une direction certaine, et avec l’exception, sauf les obligations résultant des droits acquis aux communes, tout se conclut. Je désirerais dont le maintien de l’article 12 du projet adopté par la chambre des représentants. Dans tous les cas, j’appuierai le sous-amendement proposé par le sénat ou par la section centrale comme reproduisant la règle générale que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes, car c’est à cette règle générale que l’entretien des chemins vicinaux est à la charge des communes que j’attache la plus grande importance, et cette règle se retrouve tant dans l’amendement du sénat que dans celui de la section centrale.
M. Lejeune – Messieurs, le sentiment qui me domine dans cette discussion, c’est la crainte de voir encore la loi sur les chemins vicinaux ajournée, et pour longtemps peut-être.
Je ne pourrais en aucune manière adopter l’amendement du sénat ; mais quelque mauvais qu’il me paraisse, je ne voterai pas contre cet amendement, parce que je ne sais s’il n’est pas préférable d’avoir la loi telle qu’elle est dans l’intérêt d’une grande partie du pays que de n’en avoir pas du tout.
Je m’abstiendrai donc sur cet amendement, mais je tiens à relever quelques motifs produits à l’appui dans l’autre chambre. Car il importe qu’on ne reste pas dans l’erreur sur la véritable situation des choses dans les Flandres, et surtout dans la Flandre orientale, que je connais mieux, et sur le sens des avis officiels qui nous sont venus de cette province.
On s’est beaucoup appuyé, messieurs, sur la prétendue unanimité avec laquelle le conseil provincial de la Flandre orientale aurait réclamé le maintien des usages existants, c’est-à-dire l’entretien des chemins vicinaux à charge des propriétaires riverains. Messieurs, je n’admets nullement qu’on puisse dire que le conseil provincial de la Flandre orientale ait réclamé à l’unanimité le maintien de ces usages ; il me sera facile de vous faire voir qu’il ne s’est pas prononcé sur cette question, et qu’il y a grande probabilité qu’au moins un grand nombre de membres voteraient contre une pareille mesure.
On a fait croire, messieurs, que dans les Flandres, il n’y avait qu’un cri pour le maintien des anciens règlements. Eh bien, je puis dire que de toutes les communes de la Flandre que je connais (et j’ai en l’honneur d’administrer deux arrondissements différents dans cette province), il n’en est peut-être pas une seule qui ne réclame la modification de ces anciens règlements, et ne demande avec instance le système adopté par la chambre.
Quand des communes nous passons aux commissaires d’arrondissement, qu’on voie les rapport de ces fonctionnaires, on se convaincra que depuis huit à neuf ans on réclame avec instance aussi le principe d’entretien et d’amélioration des chemins aux frais de la généralité.
Dans le conseil provincial, messieurs, voici ce qui s’est passé :
La loi a été envoyée à l’avis du conseil. Le conseil a renvoyé l’examen de cette loi à une commission spéciale, la quatrième commission. C’est cette commission qui a été saisie de toutes les pièces, de tous les rapports pour les examiner et voir si la loi rencontrait les observations qui depuis longtemps avaient été faire à l’autorité provinciale.
J’ai ici sous la main le rapport de cette quatrième commission du conseil provincial de la Flandre orientale, et je vous demande la permission de vous en lire quelques extraits pour vous montrer combien est erronée l’idée qu’on a fait prévaloir.
Cette commission commence par dire :
« Depuis longtemps le pays réclame une nouvelle législation sur la voirie vicinale. Le besoin d’une nouvelle loi se fait sentir, surtout dans la Flandre orientale, où les ordonnances et des règlements sur cet objet sont devenus sans force. La principale cause de l’inexécution de ces règlements se trouve dans le principe qui met la réparation des chemins à la charge des riverains. »
Ceci, messieurs, est bien clair. Mais la commission ne s’arrête pas là. Voici ce qu’elle dit plus loin :
« Avant d’entrer dans l’examen du projet de loi présente par la section centrale, projet que nous avons choisi pour y proposer des changements, il est nécessaire de vous faire connaître les principes fondamentaux admis à l’unanimité par votre commission, comme devant servir de base à la loi dont le projet est soumis à votre avis. Le premier, c’est que les dépenses relatives à l’entretien des chemins vicinaux doivent être à la charge des communes. »
Ainsi, messieurs, veuillez le remarquer, la commission du conseil provincial décide à l’unanimité que le principe fondamental de la loi doit être : que les dépenses relatives à l’entretien des chambres doivent être à la charge des communes.
Voici l’observation que cette commission fait à l’article 12 :
« La commission pense, qu’aussi longtemps que l’entretien des chemins vicinaux restera exclusivement à la charge des riverains, on ne parviendra pas à mettre à exécution les lois et les règlements sur cet objet ; que les chemins seront toujours mal entretenus, et souvent impraticables. En effet, en beaucoup d’endroits les chemins sont d’un entretien considérable ; et l’on ne pourra jamais forcer un propriétaire riverain à faire des réparations dont la dépense absorberait une partie de la valeur de son terrain même. D’ailleurs, il n’est presque pas de chemins qui ne comptent comme riverains quelques familles pauvres dont les ressources ne se prêtent aucunement à une charge aussi lourde. Une autre considération se présente à l’appui de l’opinion unanime de la commission. Les propriétaires riverains des deux côtés du chemin sont chargés de son entretien jusqu’au milieu du chemin ; rarement ces propriétaires travaillent de concert et à la même époque ; il en résulte que presque toujours les réparations sont incomplètes. Enfin, pour réparer avec avantage les chemins vicinaux, il est souvent nécessaire de les niveler, de combler des ornières, des bas-fonds, etc. Or, dans l’état actuel des choses, un propriétaire riverain ne permettra jamais qu’on enlève la terre devant sa propriété pour l’employer devant la propriété de son voisin. »
Messieurs, je demanderai la permission de lire encore quelques lignes ; ce sera plus court que ce que je pourrais vous dire, parce que mon opinion sur la législation des chemins vicinaux se résume dans les termes de ce rapport.
La commission pense encore que le principe qui charge les riverains de l’entretien des chemins est peu équitable. Est-il juste, en effet, qu’un artisan, qui n’a ni chevaux ni voitures, et qui par conséquent ne peut détériorer le chemin qui longe son habitation, soit obligé de le réparer, tandis que son voisin, grand cultivateur, et qui tous les jours fait usage du même chemin, ne doit pas participer à cette réparation, par le seul motif que sa propriété ne touche pas au chemin ?
Votre commission a pensé, que le moyen le plus équitable de pourvoir à l’entretien des chemins vicinaux, c’était de mettre ces entretiens à la charge des communes ; qu’en effet, les chemins vicinaux sont principalement à l’usage des habitants des communes où ces chemins sont situés ; et que, s’ils servent en même temps aux habitants d’autres communes, ceux-ci à leur tour doivent contribuer à l’entretien des chemins de la commune qu’ils habitent, et fournissent ainsi leur quote-part dans l’entretien général des chemins de la province.
Par ces motifs, la commission a adopté à l’unanimité le paragraphe premier de l’article 12 du projet de la section centrale.
Venait ensuite le deuxième paragraphe du projet du gouvernement renfermant une disposition à peu près semblable à celle qui a été adoptée par le sénat ; sur ce deuxième paragraphe, la commission n’a pas été unanime ; cinq membres en ont demandé la suppression, quatre membres en désiraient le maintien. Voici les termes du rapport :
« La majorité pense que la disposition de ce paragraphe 2 est en contradiction avec le principe posé dans le paragraphe précédent : qu’en tout cas on ne peut laisser l’entretien des chemins, en tout ou en partie, à la charge des riverains, si l’on veut obtenir le résultat désiré. »
Lorsque la loi a été discutée dans le sein du conseil provincial, sur quoi le conseil a-t-il été unanime ? Sur une question posée par motion d’ordre. Voici un extrait du procès-verbal :
« M. Van Crombrugghe propose que le conseil émettre l’avis que la législature ne prenne pas de mesures générales en cette matière, et qu’il convient de laisser aux conseils provinciaux le soin de régler, par des ordonnances provinciales tout ce qui concerne les chemins vicinaux, leurs fossés et plantations, ainsi que les cours d’eau vicinaux, sauf au conseil à émettre subsidiairement son opinion sur le projet qui lui est soumis.
« Cette proposition est adoptée à l’unanimité des membres présents, sauf un. »
Eh bien, messieurs, que résulte-t-il de là ? C’est que le conseil provincial s’est déclaré compétent pour faire tout ce qui concerne les chemins vicinaux. Cela est assez naturel.
Ensuite, messieurs, est venue la discussion du projet de loi, et l’on a demandé le maintien du paragraphe 2, qui était identique à l’amendement adopté par le sénat ; cette proposition a été également adoptée à l’unanimité.
C’est peut-être encore de là qu’on a tiré la conséquence que le conseil provincial était unanime pour maintenir les anciens usages.
Il est toujours à remarquer que l’amendement du sénat ne consacre qu’une simple faculté ; en vertu de cet amendement, le conseil provincial ne doit pas nécessairement maintenir les anciens usages et ce n’est pas sur le maintien de ces usages que le conseil provincial s’est prononcé, comme je l’ai prouvé tout à l’heure ; il ne s’est prononcé que sur la question de savoir si lui, conseil provincial, pourrait statuer sur ce qui est relatif aux chemins vicinaux.
Je pense, messieurs, qu’après les citations que j’ai faites on sera revenu de l’opinion que le conseil provincial de la Flandre orientale aurait décidé à l’unanimité qu’il faut maintenir les anciens usages d’après lesquels l’entretien des chemins vicinaux était à la charge des propriétaires riverains.
On a dit, messieurs, que cet usage est très ancien, qu’il existe de temps immémorial. Je ne contesterai pas l’ancienneté de cet usage, il est en effet très respectable comme monument antique ; qu’on lui donne une bonne place dans l’histoire, mais qu’on ne le maintienne plus dans nos lois.
Anciennement, messieurs, les chemins vicinaux ont été formés par les propriétaires eux-mêmes. Toute une commune appartenait alors au même propriétaire. C’étaient de grands fiefs.
Il était tout naturel que celui qui traçait un chemin à travers sa propriété se chargeât de l’entretien de ce chemin ; ce n’était là que l’application du principe que nous voudrions voir prévaloir, c’était toujours en quelque sorte à frais communs que l’entretien des chemins avait lieu, puisque celui qui les entretenait était propriétaire de toute ou de presque toute la commune. Maintenant que la propriété est divisée à l’infini, cet usage, qui était très respectable et très juste à son origine, n’est plus qu’un abus. Dans l’état actuel des choses les propriétaires sont souvent dans l’impossibilité absolue de faire aux chemins les réparations nécessaires.
« Il serait injuste, a-t-on dit, d’affranchir les propriétaires riverains de cette charge pour la faire peser sur la commune. » Je ne conçois pas, messieurs, que l’on puisse dire qu’il est injuste de faire payer par la généralité des frais qui sont destinés à un objet d’utilité générale, à des améliorations d’ordre public.
Dans cette discussion, messieurs, il est souvent arrivé qu’au lieu de se placer au point de vue législatif, on est descendu dans des détails qui ont fait perdre de vue les résultats que doit avoir une bonne loi sur les chemins vicinaux. Comment, messieurs, il serait injuste que la communauté fît les frais de l’entretien de chemins qui sont à l’usage de tous, et il serait juste qu’un particulier s’en chargeât au profit de tous !
Et il faut en convenir, messieurs, il ne s’agit pas seulement de cet entretien que nous avons vu jusqu’ici, cet entretien ne vaudrait pas la peine que la législature s’en occupât ; il s’agit d’une amélioration réelle des chemins vicinaux, d’une amélioration qui est d’intérêt général Or, il est incontestablement juste que ceux qui profitent d’une amélioration contribuent aux frais qui en résultent.
Un de nos honorables collègues, dans un ouvrage qu’il a publié sur cette matière, dit que les perfectionnements des moyens de transport sont une véritable source de jouissance politique et industrielle pour les nations. Si cela est vrai, comme on ne peut le contester, serait-il injuste de faire payer par la généralité les frais de l’amélioration des chemins vicinaux ? Quant à moi, je pense qu’il est souverainement injuste d’en charger les propriétaires riverains qui, très souvent, n’y sont pas personnellement intéressés.
« Mais, dit-on, la charge sera trop lourde pour les communes. » Je le demande, messieurs, si la charge est trop lourde pour les communes, ne serait-elle pas insupportable pour les particuliers ? Il me semble que cet argument tombe de lui-même. Si la charge est trop lourde pour les communes, les riverains ne feront rien et les chemins ne seront pas améliorés.
On a dit encore et à plusieurs reprises, dans l’autre chambre, que dans les Flandres les chemins sont bons, qu’ils sont bien entretenus. J’ai entendu assurer que dans la Flandre occidentale les chemins sont bons ; je ne pourrais pas contester cette assertion pour avoir vu les choses ; mais j’avais toujours ouï dire que dans la partie de la Flandre qu’on appelle le Nord, les chemins sont bien mauvais. Quant à la Flandre orientale, je pourrais dire avec autant d’assurance que les chemins y sont mauvais, et s’il y a de l’exagération dans ce que je dis, je suis à coup sûr beaucoup plus près de la vérité que ceux qui soutiennent que les chemins sont bons.
Remarquez du reste, messieurs, que la viabilité des chemins de la Flandre orientale dépend, dans l’état actuel des choses, de la nature du sol et non pas de l’entretien qui est bien près d’être nul.
Là où les chemins sont sablonneux, ils sont bons sans que l’on ait pour ainsi dire besoin de mettre pelle en terre, mais partout où il faudrait le moindre effort pour améliorer les chemins, ils sont mauvais pendant sept ou huit mois de l’année.
Il est assez probable que l’amendement introduit dans le projet par le sénat, eût été motivé par la crainte de voir enlever aux riverains la jouissance des plantations ; je ne puis admettre cette crainte, mais je ne puis surtout admettre que pour ce motif, quelle qu’en soit la valeur, on fasse une dérogation à un principe général reconnu bon pour tout le pays. Comment peut-on craindre que le projet enlève aux riverains le droit de plantation ? Il n’en dit pas un mot. Le droit ne doit pas reposer sur une base bien solide si l’on craint de le voir abolir par une loi qui ne renferme aucune disposition de nature à autoriser une semblable abolition. Mettez l’entretien des chemins vicinaux à la charge des communes sans parler des plantations ; si après cela des riverains ont le droit de planter, quoique les communes entretiennent les chemins, évidemment ce droit sera maintenu. S’il y a contestation à cet égard, ce sera une question du mien et du tien qui devra être décidée par les tribunaux.
Nous ne voulons enlever aucun droit aux riverains, mais si par hasard ils n’avaient pas le droit dont il s’agit (ce que je n’affirme pas, je crois qu’il est beaucoup de cas où il y a de bons arguments a faire valoir en faveur de ce droit), mais enfin si les propriétaires riverains n’avaient pas le droit de plantation, et s’ils succombaient devant les tribunaux, je ne vois pas quel grand mal il y aurait à ce qu’il serait reconnu que les plantations peuvent être faites au profit des communes au lieu de l’être au profit des particuliers.
Il paraît qu’on a regardé les plantations des propriétaires riverains comme une espèce de compensation pour la charge d’entretien, mais je n’ai encore trouvé nulle part que cette jouissance eût une pareille origine.
D’un autre côté, on a dit que si l’on affranchit le propriétaire riverain de la charge d’entretien, il faut en même temps lui ôter la jouissance des plantations ; qu’il serait injuste de le décharger de ses obligations et de lui laisser les avantages. Je ne m’arrêterais pas non plus, messieurs, devant cette considération. Pour moi, le but de la loi c’est d’améliorer ces chemins ; voilà la considération de haut intérêt général qui doit prédominer ; je laisse de côté le détail des intérêts particuliers. L’obligation qui pèse sur les propriétaires riverains d’entretenir les chemins, résulte d’un règlement administratif d’ordre public. Du moment qu’il est reconnu que ce système d’entretien est mauvais, qu’il ne répond plus au but d’utilité générale, aux besoins de notre époque, nous pouvons changer le système et lui en substituer un autre sans nous occuper des conséquences avantageuses ou défavorables qui peuvent en découler pour quelques particuliers. Et s’il était vrai que certain avantage dût résulter d’un nouveau système pour les propriétaires riverains, serait-ce là une injustice ? serait-ce une considération assez puissance pour ne pas admettre une loi d’intérêt général ? D’après ce principe, il faudrait renoncer à tous les travaux publics qui font augmenter, doubler quelquefois les propriétés avoisinantes.
Selon moi, dans l’espèce, on peut fort bien changer le système d’entretien des chemins et laisser dans le statu quo la question des plantations dont chacun réclamerait la jouissance selon son droit.
Je bornerai là mes observations.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, le principe général adopté par cette chambre dans la loi actuelle, c’est que les dépenses relatives à l’entretien des chemins vicinaux sont à charge des communes. Le gouvernement, dans son projet primitif avait admis une exception à cette règle générale, exception conçue en ces termes :
« Néanmoins, les conseils provinciaux pourront statuer que ces dépenses demeureront en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains là où l’usage en est établi. »
La chambre avait rejeté cette exception à la règle générale ; le sénat, au contraire, y est revenu et l’a adoptée, et c’est dans cet état de choses que la loi, messieurs, se représente devant vous.
Le gouvernement connaît tous les avantages qui s’attachent à un système uniforme d’entretien des chemins vicinaux dans le pays ; moi particulièrement j’apprécie d’autant mieux ces avantages que j’ai été un de ceux qui ont le plus insisté dans cette assemblée pour faire triompher le système d’uniformité lorsque la loi fût soumise pour la première fois à vos délibérations.
Aussi ne me suis-je pas fait faute de faire ressortir ces avantages dans l’autre chambre, mais je dois déclarer que tous les efforts du gouvernement sont venus échouer devant l’usage invétéré depuis des siècles dans les deux Flandres, usage d’après lequel les règlements mettaient l’entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains.
Cet usage, je le répète, a tant de force dans les deux Flandres, que toutes les lois qu’on a pu faire jusqu’ici sont restées sans exécution. L’usage a triomphé de la législation. C’est ainsi que la loi française, qui portait en termes exprès que les chemins vicinaux seraient entretenus par les communes ; que cette loi, dis-je, n’a jamais été exécutée dans les Flandres.
Ce qui confirme encore la force de cette usage, ce sont les craintes manifestées par les conseils provinciaux des deux Flandres, que, si on vient à bouleverser ce qui existe depuis des siècles dans ces provinces, les chambres n’y soient plus entretenus dans un aussi bon état de viabilité qu’ils le sont actuellement.
Messieurs, je sais bien que ceux qui prétendent que les chemins vicinaux dans les deux Flandres sont tous en bon état de viabilité, se trompent, ils se trompent tout aussi bien que ceux qui pensent que les chemins vicinaux n’y sont pas en bon état de viabilité. Je crois connaître assez ces provinces pour pouvoir assurer qu’il faut distinguer entre les localités. C’est ainsi, par exemple, que dans le pays d’Alost, les chemins vicinaux sont généralement en mauvais état, tandis que dans d’autres contrées de la Flandre, ces chemins, grâce à la législation qui les régit, et de l’aveu unanime de la députation permanente du conseil provincial, qui, sans doute, connaît aussi bien la province que l’honorable membre qui me fait un signe négatif ; ces chemins, dis-je, sont entretenus en un état parfait de viabilité.
Messieurs, une chose qu’on semble perdre de vue, c’est que l’amendement introduit par le sénat n’est pas une disposition impérative pour les conseils provinciaux ; il n’ordonne pas aux conseils provinciaux de respecter les usages établis depuis tant de siècles, il ne leur prescrit pas de maintenir l’entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains ; mais il leur permet de décider par un règlement provincial que cet entretien continuera d’être à la charge des riverains dans les localités où les conseils reconnaîtront que cet usage peut être conservé.
L’honorable orateur qui, le premier a pris la parole dans cette discussion, a dit que l’amendement du sénat qui forme le paragraphe 2 de l’article, est en contradiction avec le paragraphe 3 du même article, attendu (si j’ai bien compris le raisonnement de l’honorable membre), que dans le paragraphe 2, on semble s’en rapporter aux règlements provinciaux pour savoir si ce seront les riverains ou les communes qui entretiendront les chemins vicinaux, tandis que, dans le paragraphe 3, on paraît s’en référer aux décisions des tribunaux.
Il n’y a aucune contradiction entre ces deux paragraphes. Dans le paragraphe 2, on déclare que les conseils provinciaux pourront, par des règlements, maintenir la force obligatoire des usages existants dans certaines localités, et dans le paragraphe 3, on déclare que si, malgré ces règlements provinciaux, il y avait des droits acquis qui fussent contestés devant les tribunaux, la commune devra pourvoir provisoirement à l’entretien du chemin qui fait l’objet de la contestation, sauf le recours de la commune contre qui de droit.
Un règlement provincial ne statuera pas par individu, il ne déclarera pas que tel ou tel propriétaire doit entretenir un chemin vicinal, mais les règlements provinciaux, comme les lois, statueront par règle générale ; ces règlements déclareront, par exemple, que dans telles localités les chemins vicinaux seront entretenus par la commune, et que dans d’autres localités ils le seront par les riverains, conformément à ce que les riverains étaient tenus de faire jusque-là.
C’est donc par principe général que les règlements provinciaux statueront. Mais, malgré ces règlements provinciaux, il pourra arriver que dans une commune, par exemple, où l’entretien sera mis à la charge du riverain, celui-ci ait un acte en vertu duquel il a le droit de faire entretenir le chemin vicinal par la commune. Evidemment, si cela donne naissance à un débat judiciaire, il faudra bien que le chambre soit entretenu, en attendant la décision des tribunaux. Or, le paragraphe 3 déclare qu’en attendant cette décision la commune devra se charger de l’entretien. Il n’y a donc aucune contradiction entre les deux paragraphes.
Messieurs, dans cette matière comme en beaucoup d’autres, le mieux est quelquefois l’ennemi du bien. En voulant l’uniformité pour toutes les principes, chose préférable, sans doute, nous devons craindre de n’avoir pas de loi du tout. Or, de l’aveu de tout le monde, ce qu’il faut avant tout, c’est une loi. L’absence d’une loi se fait sentir partout ; partout on se plaint de l’espèce de doute jeté sur la force obligatoire des règlements existants. Il faut donc arriver à une loi quelconque. N’oublions pas qu’en fait de lois qui ordonnent un travail matériel, comme l’entretien des chemins vicinaux, la meilleure sera toujours celle dont les agents chargés de l’exécuter poursuivront l’exécution avec le plus de zèle, d’activité et de persévérance.
Messieurs, la commission à laquelle l’amendement du sénat a été renvoyé vous propose de sous-amender cet amendement, et de déclarer que les conseils provinciaux auront la faculté de maintenir la force obligatoire des règlements actuellement existants, de déclarer par conséquent que là où l’usage en est établi, l’entretien des chambre sera en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains ; mais la commission y ajoute cette restriction-ci : « des propriétaires riverains qui jouissent des plantations sur les bords des chemins et qui veulent conserve cette jouissance. »
Ainsi, d’après ce sous-amendement, les conseils provinciaux ne pourraient continuer ce qui a existé depuis des temps immémoriaux qu’à l’égard des propriétaires qui ont le droit de planter sur le chemin vicinal et qui veulent conserver cette jouissance.
Messieurs, outre le danger de renvoyer ce sous-amendement au sénat, et de retarder ainsi d’une année entière la mise à exécution d’une loi qui est attendue avec impatience dans toutes les provinces, je ferai remarquer que ce sous-amendement n’est pas basé sur ce qui est établi dans les localités. En effet, vous voulez ici respecter, ou au moins vous permettez aux conseils provinciaux de respecter les usages locaux ; mais ces usages locaux ne sont pas seulement établis dans les localités où les propriétaires ne jouissent pas de ce droit ; et remarquez que dans ces dernières localités, aussi bien que dans les premières, on pourra objecter que c’est un droit qui est acquis au propriétaire depuis des siècles ; que c’est un usage respectable, et que vous voulez grever la commune au profit du propriétaire qui n’a acquis sa propriété qu’avec la charge de réparer le chemin vicinal qui la longe.
Voilà les motifs qui me font désirer que la chambre n’adopte pas le sous-amendement présenté par la section centrale. La loi n’est sans doute pas parfaite, mais comme l’a très bien dit un honorable préopinant, je préfère avoir une loi qui ne soit pas tout à fait selon nos désirs, que ne pas avoir de loi du tout ; car ce que nous devons souhaiter avant tout, c’est d’avoir une loi, dans l’état actuel où se trouve la législature sur cette matière.
M. Cools – Messieurs, le motif qui détermine M. le ministre de l'intérieur à se rallier à la loi, telle qu’elle a été votée par le sénat, c’est le désir de satisfaire l’opinion qui lui paraît enracinée dans les Flandres. Mais, messieurs, il faut bien se rendre compte de ce qu’est l’opinion des Flandres, il faut rechercher avec soin si réellement l’opinion y est si générale, qu’il convient de maintenir les usages.
Déjà vous avez entendu l’honorable orateur qui a pris la parole avant moi vous dire que tous les commissaires d’arrondissement de la Flandre orientale (et ces fonctionnaires sont des hommes pratiques) se sont prononcés contre les usages locaux, contre le système de l’entretien des chemins vicinaux à charge des riverains. Le même orateur vous a dit encore que la commission nommée par le conseil provincial, à l’effet d’examiner le projet de loi, s’est également prononcée à l’unanimité contre les usages locaux. Vous avez entendu les discussions qui ont eu lieu l’année dernière dans cette enceinte, vous avez entendu tous les députés des Flandres qui y on pris part se prononcer contre les usages.
Il est vrai que dans le sénat une opinion différente a prévalu. Il est vrai encore que dans les conseils provinciaux, on paraît désirer de voir maintenir les usages en vertu desquels l’entretien des chemins vicinaux est supporté par les riverains. Mais vous pouvez facilement vous rendre compte de la possibilité de l’existence d’opinions différentes sur cette question, vous pouvez comprendre comment il se fait que des membres du sénat et une grande majorité dans les conseils provinciaux se prononcent en faveur des usages, tandis que d’autres personnes qui représentent aussi les intérêts des provinces se prononcent contre ces usages. Je ne crois pas devoir m’étendre davantage sur ce point, chacun comprendra que les opinions peuvent être différentes d’après la différence de position.
J’ajouterai quelques autres détails. Quand le premier projet nous a été proposé, je m’en suis entretenu ave les bourgmestres de la Flandre orientale. Parmi ces bourgmestres, les hommes pratiques, ceux qui désirent des améliorations réelles dans l’entretien des chemins vicinaux se sont prononcés pour la plupart pour que cet entretien fût mis à la charge de la généralité. C’est ce qui a été certifié par l’honorable M. Lejeune, et ce qui pourrait l’être encore par d’autres membres.
Quant à l’opinion qu’on croit exister dans les Flandres, je pense avoir démontré qu’on se trompait, s’il y a des personnes qui désirent le maintien des usages anciens, il y en a d’autres qui demandent que cet état de choses soit changé.
Je dois maintenant, comme membre de la section centrale, appeler votre attention sur l’état dans lequel la question se présente devant nous. Vous savez que quand le projet primitif nous a été présenté, il contenait la disposition qui fait l’objet de l’amendement du sénat. La chambre s’est prononcée contre cette disposition, elle a voulu l’abolition des usages. Je crois que l’opinion de la chambre était assez formelle. Il est vrai que le sénat à qui le projet fut renvoyé, a émis une opinion contraire, à une majorité de quelques voix. Le projet, ainsi amendé, vous est revenu et a été renvoyé à la section centrale qui l’avait d’abord examiné. La section centrale, à l’unanimité, a déclaré qu’elle était contraire au système du sénat et à l’amendement introduit.
Qu’a-t-elle fait alors ? Elle a cherché un moyen de transactionner. Elle n’a pas voulu revenir sur ce que la chambre avait formellement décidé, elle n’a pas voulu condamner ce qu’avait fait le sénat, mais elle a voulu trouver un terme moyen qui satisfît aux uns et aux autres. Elle a proposé un amendement maintenant les usages tout en les restreignant. Elle a déclaré que là où il y avait des plantations les usages pourraient être maintenus.
Si vous vous rappelez les discussions qui ont eu lieu dans le sénat, les motifs qu’on a fait valoir en faveur du maintien des usages étaient puisés dans la crainte de voir porter atteinte aux droits relatifs aux plantations. On a confondu le droit de plantation avec la charge d’entretien. Votre section centrale a adopté un terme moyen, elle a admis la faculté pour les conseils provinciaux de maintenir les usages en les restreignant aux cas où il y aurait des plantations.
Il est évident que si on adopte l’amendement de la section centrale, peu à peu les Flandres admettront l’entretien par la généralité. D’abord parce qu’il n’y a pas de plantations partout, et que s’il y en a, les règlements provinciaux en déterminant la largeur des chemins, en feront disparaître beaucoup. Quand ces plantations n’existeront plus, les propriétaires considérant que le droit de planter entraîne la charge d’entretien, déclareront qu’ils préfèrent renoncer à ce droit et laisser l’entretien à la charge de la commune.
La conséquence de l’amendement sera celle-ci : Le riverain qui voudra entretenir en compensation du droit de plantation, paiera tout l’entretien de la partie de la route qui longe sa propriété, mais il ne pourra pas pour cela se soustraire à la charge commune de l’entretien des autres routes. La charge deviendra alors si lourde qu’il préférera s’en débarrasser et l’uniformité s’établira. Comme dans le sénat on a voulu le maintien des usages pour conserver le droit de plantation, l’amendement de la commission est un terme moyen qui doit amener une conciliation.
M. de Langhe – Messieurs, tous les orateurs qui ont parlé jusqu’ici ont semblé reconnaître l’injustice de la disposition rétablie par le sénat. Mais cependant beaucoup paraissent disposés à voter pour le projet, dans la crainte de retarder l’application de la loi ; mieux vaut, disent-ils, une mauvaise loi que par de loi du tout. Moi, je dis, au contraire, mieux vaut n’avoir pas de loi que d’en avoir une mauvaise ; et je le prouve. En effet, la loi que nous faisons est une loi organique. Ce n’est pas une loi que nous allons changer tous les ans. Nous devons donc faire quelque chose de durable, quelque chose qui soit fondé sur les principes d’éternelle justice.
On dit : Mais cet amendement n’est pas aussi mauvais qu’on le suppose. Les états provinciaux verront ce qu’il faudra faire. Je pense que les états provinciaux mettront l’entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains. Il serait extraordinaire qu’après s’être prononcés d’une manière aussi formelle en faveur du maintien des usages qui mettent cet entretien à la charge des riverains ils ne le fissent pas.
M. le ministre de l'intérieur a dit que les conseils provinciaux pourront maintenir l’entretien à charge des riverains là où l’usage en est établi et faire de cet entretien une charge communale là où l’usage n’existe pas.
Pour moi, je ne comprends pas cette bigarrure. Les droits sont les mêmes partout. Ce qui est vrai pour une commune l’est pour toutes. Vous faites une loi pour laquelle vous déléguez une partie du pouvoir législatif aux conseils provinciaux. Je ne puis admettre une pareille délégation. Si l’on pense que l’entretien des chemins vicinaux doit être à la charge des riverains qu’on le dise, mais qu’on ne donne pas aux conseils provinciaux le droit d’en faire dans certaines communes une charge riveraine et dans d’autres une charge communale.
On dit que dans certaines communes les propriétés ont été acquises avec cette charge, qu’elles doivent continuer à la supporter. On pouvait dire la même chose pour la péréquation cadastrale ; beaucoup de terres avaient été acquises frappées d’une contribution qu’on reconnaissait injuste ; était-ce une raison pour ne pas faire cesser l’injustice. Ce qui est reconnu injuste doit être changé.
Si, dit-on, nous n’adoptions pas l’amendement du sénat, le sénat ne sera plus réuni, on ne pourra pas lui renvoyer la loi, et elle sera remise à la session prochaine. Mais le sénat peut se rassembler encore pour rétablir l’harmonie entre les deux chambres. La chambre s’est prononcée contre l’entretien par les riverains, le sénat au contraire s’est prononcé en faveur de ce mode d’entretien ; je ne vois pas de motif pour que la chambre cède sur ce point sur lequel elle s’était prononcée la première.
Quant à l’amendement proposé par la commission, il est inadmissible, en ce qu’il établit une corrélation entre le droit de plantation et la charge d’entretien. Je connais, je parle d’un pays qui est le mien, je connais une très grande partie de la Flandre occidentale, où les chemins ne sont plantés ni par les riverains ni par les communes, parce que la bonne viabilité des chemins exige qu’ils ne soient pas plantés.
Dans le département du Nord, où j’ai des propriétés, l’entretien des chemins est à la charge des communes ; cependant le droit de plantation est conservé. Ce droit a la même origine dans la Flandre française que dans notre pays. Il n’y a pas de raison pour établir dans les Flandres, entre le droit de plantation et la charge d’entretien une corrélation qui n’existe pas en France. Je pense qu’il y a dans les autres provinces des propriétaires qui ont le droit de planter sans avoir la charge d’entretenir.
Tout considéré, je crois qu’il vaut mieux attendre encore quelques temps afin d’avoir une loi aussi parfaite que possible sur la matière. Nous sommes ici pour faire de bonnes lois et non des lois provisoires. Je voterai contre l’amendement de la commission et contre celui du sénat, et si l’un ou l’autre était adopté, je voterais contre le projet.
M. Desmet – M. le ministre de l'intérieur vient de dire que c’était un ancien usage dans les Flandres que l’entretien des chemins vicinaux fût à la charge des riverains, et que cet usage était tellement enraciné que la loi française n’avait pas pu être mise à exécution. M. le ministre se trompe. Jamais, étant réuni à la France, je n’ai connu une loi française réglementaire sur la police et la réparation des chemins vicinaux. Tout au commencement de la domination française, le premier préfet, M. Faipoult a appliqué la loi existante en vertu de laquelle il a pris un arrêté. Cette loi était un édit ou décret de 1665 ayant force de loi qui était une législation complète sur les chemins vicinaux. On se trompe donc quand on dit que c’est par un usage que les riverains sont chargés de l’entretien des chemins, c’est par le fait d’une loi que cela a été établi, qu’on avait mis à charge des fermiers ou occupant des terres riveraines, l’entretien et la réparation des chemins vicinaux.
M. le ministre de l'intérieur a dit que les chemins étaient bien entretenus dans les Flandres ; d’autres membres ont dit qu’ils ne l’étaient pas du tout. Il est de fait qu’il y a des routes qui sont bonnes et d’autres qui ne le sont pas. D’où cela vient-il ? Non pas comme dit M. le ministre parce qu’elles sont mieux entretenus et surveillées, mais uniquement de la nature du terrain. Celles qui sont sur un terrain sablonneux sont facilement tenus en bon état, on peut le voir dans le district d’Audenaerde ; dans le canton de Cruyshautem, il y a des chemins qui ne sont pas mauvais, parce qu’il y a là des terrains sablonneux, mais qu’on visite les cantons de Bruxelles et de Marie-Hoorbeke on verra combien les chemins sont mal entretenus !
La seule raison, pourquoi les chemins sont mal entretenus ? c’est parce qu’on a fait de cet entretien une charge riveraine. C’est une grande injustice, car cette charge, ce n’est pas le propriétaire qui la supporte, mais le fermier, le pauvre fermier, l’ouvrier ; qu’on veuille bien peser ceci, que la charge de l’entretien n’incombe pas au propriétaire, mais bien au fermier, à l’occupeur de la terre riveraine ; et c’est certainement une injustice des plus criantes ; on fait supporter une charge à celui qui très souvent n’en a aucun profit ; je ne conçois pas comment on ne veut pas comprendre ce qui est de la plus grande exactitude et qu’on sente si peu de compassion envers ces pauvres fermiers qui, s’ils devaient toujours entretenir le chemin qu’on veut mettre à leur charge, seraient très souvent ruinés, et cela se comprend, quand on veut un peu méditer sur la forte charge de cet entretien.
Lorsqu’on a discuté la loi la première fois j’ai cité, pour prouver l’injustice, l’exemple d’un fermier dont la terre, n’ayant que trois verges de largeur, longe la route l’espace de cent verges. Ce pauvre occupeur doit consacrer tout son avoir à l’entretien du chemin.
Je vous demande, messieurs, cela est-il tolérable ? C’est une injustice criante. Quand vous avez adopté le premier projet de loi, vous avez fait un acte de justice. Le principe est resté le même ; car autrefois les chemins n’appartenaient pas à la commune, mais au seigneur ; et c’étaient ses ouvriers qui entretenaient les chemins. Aujourd’hui vous avez décidé que les chemins étaient la propriété des communes, et que les communes les entretiendraient. C’est le même principe. On vous l’a dit, dans les provinces où l’entretien des chemins est une charge des riverains tout le monde a réclamé contre cet abus. Je ne conçois donc pas qu’on puisse revenir sur le projet adopté par la chambre. En définitive, à quoi aboutit l’amendement du sénat ? A vous faire déléguer votre pouvoir aux conseils provinciaux.
La charge d’entretien des chemins vicinaux est un véritable impôt et un impôt considérable. Vous allez donner aux conseils provinciaux le pouvoir d’établir cet impôt sur certaines catégories de personnes. La constitution est tout à fait contraire à cela. Je pense donc qu’il faut maintenir l’article adopté par la chambre. Je voterai contre l’amendement adopté par le sénat et contre celui proposé par la section centrale.
Et quand on parle de la plantation latérale, pour pouvoir trouver un prétexte pour imposer aux occupeurs riverains la charge de l’entretien, on n’apprécie pas à qui est cette plantation, cette plantation profite au propriétaire, et l’entretien est à la charge du fermier. C’est ainsi que le porte le décret de 1765, c’est donc un faux prétexte, car celui par qui vous voulez faire entretenir le chemin, ne jouit pas de la plantation, et c’est donc clair comme le jour que cet entretien tel qu’il était dans les Flandres est un abus, et qu’on ne peut laisser subsister.
M. Milcamps – Lorsque j’ai appuyé tout à l’heure l’amendement proposé par la section centrale, je n’avais pas sous les yeux l’amendement du sénat. Je vois maintenant que ces deux amendements sont presque semblables. D’après ce qui a été dit dans la discussion, je préfère même l’amendement du sénat ; je voterai pour son adoption.
M. Peeters, rapporteur – J’aurai peu de choses à ajouter à ce qu’a dit l’honorable M. Cools.
La section centrale aurait préféré une loi uniforme pour tout le pays. Mais puisque dans les Flandres on paraît porté à maintenir les anciens usages, quoique contraires à la loi française, qui est cependant restée en vigueur.
La section centrale a cru devoir sous-amender l’amendement du sénat. De cette manière, le propriétaire riverain ne pourra être chargé de l’entretien que pour autant qu’il veut conserver l’ancien usage de planter sur les bords des chemins.
Quant à moi j’ai vu que dans la province d’Anvers, avant la loi française, beaucoup de riverains étaient obligés d’entretenir les chemins vicinaux et avaient aussi l’usage de planter. Mais la loi française a fait cesser cet état de choses. Si vous adoptez l’amendement du sénat sans notre sous-amendement, les conseils provinciaux dans les Flandres mettront l’entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains ; ce qui serait une grande injustice, car celui qui aurait dans les Flandres une propriété longeant un chemin vicinal sur une grande étendue, serait obligé de l’entretenir seul ; et s’il avait dans d’autres provinces des propriétés ne longeant pas les chemins vicinaux, il devrait contribuer pour leur entretien par des centimes additionnels ; il serait ainsi frappé doublement.
Je crois donc que le sous-amendement proposé par la section centrale est nécessaire ; avec cet amendement, les riverains des Flandres auront quelque compensation pour l’entretien des chemins.
M. de Theux – La loi relative aux chemins vicinaux est instamment réclamée dans toutes les provinces. Cependant c’est dans les Flandres seules qu’existe l’usage de faire entretenir les chemins vicinaux par les propriétaires riverains. Il est donc évident, puisque la nécessité d’une loi se fait sentir dans tout le royaume, que ce n’est pas cette question qui est la question fondamentale du projet de loi. C’est à mon avis une question accessoire. Ce dont on se plaint dans tout le royaume, c’est le manque de moyens de rétablir les chemins dans leur largeur primitive, de réprimer promptement les usurpations. C’étaient en un mot les moyens de police qui manquaient principalement car, quant à la charge d’entretien, il y est pourvu par les règlements provinciaux. Les impositions établies en vertu de ces règlements, se perçoivent comme toutes les autres ; il ne peut donc y avoir de ce chef une opposition sérieuse.
Seulement, le chapitre II – De l’entretien et de l’amélioration des chemins vicinaux, introduit une disposition nouvelle qui est de la plus haute importance et qui paraît devoir donner satisfaction aux plaintes qu’a excitées l’état des chemins vicinaux ; c’est la disposition de l’article 24 ; cet article est ainsi conçu :
« Art. 24. Lorsqu’un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, la députation du conseil provincial, après avoir pris l’avis des conseils communaux, pourra le déclarer chemin vicinal de grande communication. Elle pourra prescrire soit l’empierrement, soit le pavement en tout ou en partie, ou toute autre dépense extraordinaire, et régler le mode d’exécution et de surveillance.
« La députation provinciale désignera les communes qui devront contribuer à ces dépenses, ainsi qu’aux dépenses d’entretien et fixera la proportion dans laquelle chacune d’elles devra y contribuer, sauf recours au Roi de la part des communes intéressées, ou de la part du gouverneur de la province. »
« Sauf les cas extraordinaires, aucune commune ne devra contribuer à l’entretien ou à l’amélioration des chemins traversant le territoire d’une autre commune. »
Voilà la principale disposition du chapitre II, qui a pour objet l’amélioration des chemins vicinaux. Or, cette disposition reste intacte, malgré l’amendement du sénat ; car dans la Flandre même, l’entretien seul des chemins vicinaux (si les conseils provinciaux croient devoir maintenir l’usage existant) incombera aux propriétaires riverains ; mais les améliorations extraordinaires, aux termes même du règlement des Flandres sont à la charge des communes. Ce règlement est en ce point conforme à l’article 24. Seulement la députation du conseil provincial pourra d’office ordonner le pavement et l’empierrement des chemins vicinaux, à la charge des communes qu’elle désignera. C’est en vertu de cette disposition que vous verrez améliorer les chemins vicinaux les plus intéressants, ceux qui vont d’une commune à une autre, ceux qui rattachent les communes aux villes ou aux grandes routes. Je considère donc l’amendement, introduit par le sénat à l’article 13 comme une disposition secondaire comparativement aux autres dispositions du projet de loi. Il résulte clairement des termes de cet amendement qu’il ne laisse aux conseils provinciaux qu’une faculté. Cet amendement n’est pas impératif. Il est même à remarquer que les conseils provinciaux pourront ne maintenir qu’en partie l’usage établi dans ces deux provinces, d’après lequel l’entretien est à la charge des propriétaires riverains.
On a dit que les chemins étaient mauvais dans une partie de la Flandre, et qu’on devrait l’attribuer à cet ancien usage. Je ne puis l’admettre ; car dans les parties du pays où ce sont les communes qui entretiennent les chemins vicinaux, ils sont également mauvais. Pourquoi ? A cause de la nature du sol. A cela il n’y a qu’un remède ; c’est l’empierrement des chemins vicinaux. Il faut qu’on y procède graduellement.
On a dit qu’il était souverainement injuste de laisser aux riverains la charge d’entretien, en ce que les propriétaires l’imposent aux locataires. Mais il est évident qu’à raison de cette clause le propriétaire afferme à un moindre prix ; car tout locataire calcule non seulement ce qu’il doit payer au propriétaire en argent ou en nature, mais encore toutes les charges du bail, comme il a égard à la qualité du sol qui lui est donné en location. Il n’y a donc aucune injustice à laisser l’entretien des chemins vicinaux à la charge des propriétaires riverains.
On a dit que, d’après cet amendement, les conseils provinciaux pourraient, en quelque sorte, établir des impositions ; mais il s’agit d’une imposition locale, ce qui est dans les attributions des conseils provinciaux et communaux. Il ne s’agit, d’ailleurs, de rien innover, mais de laisser aux conseils provinciaux la faculté de maintenir ce qui existe. Lorsqu’on se trouve en présence de la demande faite unanimement dans les conseils des deux Flandres, et, d’autre part, en présence du vote d’une des branches du pouvoir législatif, ce sont des motifs de se concilier, alors surtout que les autres dispositions fondamentales de la loi n’ont rencontré aucune opposition dans l’autre chambre. Par ces motifs, je voterai pour l’amendement du sénat.
M. Rodenbach – Je n’ai demandé la parole que pour motiver mon vote.
Je donnerai la préférence à l’amendement du sénat par les motifs qui ont été allégués par l’honorable député d’Eecloo.
Un honorable député de Namur nous a dit que l’amendement du sénat se trouvait dans l’esprit de la loi. Je ne vois donc pas grand inconvénient à l’accepter. Le sénat a formulé ce qui se trouvait dans l’esprit de la loi ; ainsi le projet n’est pas changé ; et les motifs que l’honorable M. de Garcia a fait valoir m’ont convaincu qu’il n’y a pas d’inconvénient à l’admettre tel que le sénat nous l’a renvoyé. Je crois même que l’honorable député de Namur votera dans ce sens, c’est-à-dire pour l’amendement du sénat, bien qu’il le considère comme superflu.
Messieurs, les chemins en Flandre sont en général assez mauvais. Il y a plusieurs motifs pour lesquels ils n’ont pas été améliorés. D’abord, c’est qu’il n’y avait pas de dispositions légales ; on contestait, on allait devant les tribunaux. Mais avec la loi, la disposition deviendra légale et les chemins seront réparés.
L’honorable M. Desmet vous a dit que cette disposition froissait l’intérêt des fermiers. Mais, comme vous l’a dit l’honorable M. de Theux, quand une ferme est louée, le locataire sait s’il aura beaucoup de chemins à entretenir, et il fait son bail en conséquence.
Le député d’Ypres vous a dit que cette loi est mauvaise. Mais je ne la crois pas aussi mauvaise qu’il le dit. Elle a reçu l’assentiment d’une grande partie de la chambre et du sénat. Les lois de cette espèce ne sont jamais parfaites ; d’ailleurs, il faut qu’on se souvienne que souvent le mieux est l’ennemi du bien.
Je voterai donc pour l’amendement du sénat. S’il n’était pas adopté, vous pouvez être certain que la loi serait encore ajournée pour une année, et pendant ce temps les chemins resteraient détestables, comme ils le sont aujourd’hui dans tout le royaume.
M. de Langhe – Je dois rectifier un fait avancé par l’honorable M. Peeters. Il vous a dit, si je ne me trompe, qu’en France, d’après la loi française, on n’avait pas le droit de planter sur les chemins.
M. Peeters – Je n’ai pas dit cela.
M. de Langhe – Si vous ne l’avez pas dit, je n’ai rien à répondre. J’avais cru comprendre que vous disiez que, d’après la loi française, on n’était pas chargé de l’entretien des chemins, mais qu’on ne pouvait y faire des plantations.
M. Peeters – Je demande la parole.
M. de Langhe – L’honorable M. de Theux vous a dit qu’en adoptant l’amendement du sénat, on n’entendait mettre à la charge des riverains que les réparations ordinaires, et non les réparations extraordinaires. Mais je ne vois dans la loi aucune disposition qui fasse cette distinction. Les états provinciaux sont chargés de maintenir l’état de choses actuel ; et maintenant les riverains sont obligés, non seulement aux réparations ordinaires, mais aussi aux réparations extraordinaires. Ils doivent non seulement égaliser le chemin, mais y mettre des palissades, et détériorer une partie de leurs propriétés pour établir cette espèce de plancher. C’est bien là une réparation extraordinaire ; les propriétaires riverains y sont obligés et je ne vois pas que par votre loi ils ne le seront plus.
L’honorable M. de Theux vous a dit que c’était là un intérêt secondaire ; mais je ne comprends pas que l’intérêt de deux provinces qui forment le tiers de la population du royaume soit un intérêt secondaire.
On laisse la question à décider, dit encore M. le ministre de l'intérieur. Mais on la laisse à décider par un pouvoir qui, selon moi, n’a pas le droit de trancher. C’est à la chambre qu’appartient ce droit et je ne crois pas qu’elle doive se dessaisir de cette portion du pouvoir législatif.
Je crois donc que le chambre doit persister dans le vote qu’elle a émis lors de la première discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – J’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre que si nous avions à choisir, nous préférerions la rédaction primitive qui avait été adoptée par la chambre. Mais il ne fait pas s’exagérer la portée de l’amendement du sénat. Il ne tranche pas la question ; il ne décide pas que dans les Flandres les chemins vicinaux seront réparés par les riverains ; mais il abandonne cet objet aux règlements provinciaux, et conformément aux usages locaux. Si un règlement provincial s’écartait de ces usages locaux, si on voulait établir un droit nouveau, si on voulait imposer la charge des chemins vicinaux à des riverains qui ne l’ont pas eue jusqu’à ce jour, évidemment le gouvernement ne sanctionnerait pas un pareil règlement.
Il ne s’agit donc pas d’établir un droit nouveau, mais de consacrer ce qui est. Et si cadeau il y a par la loi, ce serait un cadeau aux riverains et non aux communes ; ce serait décharger les riverains aux dépens des communes et non charger les riverains en faveur des communes.
J’ai entendu révoquer en doute la légalité de pareils règlements. Mais jamais dans une chambre législative on n’a révoqué en doute le pouvoir des conseils provinciaux, de déterminer par des règlements l’entretien des chemins vicinaux ; et cela est tellement évident que l’article 650 du code civil suppose l’existence de ces règlements provinciaux. Il dit que les servitudes établies par la loi sont : les chemins de halage, les constructions ou réparations des chemins et autres ouvrages publics provinciaux ou communaux ; l’article ajoute que ce qui concerne ces espèces de servitudes est déterminé par des lois ou des règlements particuliers.
Vous voyez donc que le législateur a supposé que des règlements particuliers pouvaient déterminer ce qui concerne l’entretien des chemins provinciaux et communaux.
M. de Theux – J’ai dit que, d’après les règlements existants, les améliorations dont il est question à l’article 24 n’étaient pas à la charge des propriétaires riverains. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 24. Lorsqu’un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, la députation du conseil provincial, après avoir pris l’avis des conseils communaux, pourra le déclarer chemin vicinal de grande communication. Elle pourra prescrire soit l’empierrement, soit le pavement en tout ou en partie, ou toute autre dépense extraordinaire, et régler le mode d’exécution et de surveillance. »
Les propriétaires riverains sont seulement chargés d’entretenir les chemins vicinaux, et non d’y faire des améliorations extraordinaires. Je me rappelle avoir vu dans le règlement de la Flandre orientale une disposition à cet égard.
J’ai dit encore que lorsqu’il s’agira de faire des améliorations réelles aux chemins vicinaux de grande communication, ce qui intéresse le plus le pays, la charge sera éminemment communale aux termes de la loi, puisque là on sera hors des anciens usages, et on ne pourra par conséquent avoir recours contre les propriétaires riverains.
M. Desmet – L’honorable ministre de l’intérieur vous dit que la question n’est pas tranchée, qu’on laisse aux conseils provinciaux le pouvoir d’établir à qui incombera la charge des réparations des chemins vicinaux. Mais, messieurs, la question est tranchée, elle l’est contre les fermiers des Flandres. C’est dans les Flandres seules que l’entretien des chemins est mis à la charge des riverains, il n’en est pas de même dans les autres provinces ; la question est très bien tranchée : vous laissez aux conseils provinciaux le pouvoir de décider si la charge de l’entretien des chemins incombera à l’occupeur de terre riveraine, si elle devra être supportée par les communes. Comme ce n’est que dans les Flandres qu’existe cette loi, que les riverains devaient entretenir les chemins, ce seront les provinces seules qui seront soumises à l’arbitraire de l’autorité provinciale, et cela pour une si forte charge que c’est un véritable impôt.
Je répèterai encore une fois que, par suite de cette injuste disposition, les chemins ne sont pas réparés. Il faut que la dépense qui résulte de leur entretien soit mise à la charge de la généralité des habitants.
A cet égard, l’honorable M. de Theux vient de vous dire que lorsqu’il y a une réparation extraordinaire à faire, elle est à la charge de la commune. Mais il en est ainsi, parce que sans cela la réparation ne se ferait pas, et quand on vous dit que c’était l’usage de faire réparer les chemins par les riverains et que cet usage était réellement enraciné, qu’une loi même n’a pu le faire changer, mais on ne sait pas que les chemins ne se réparaient que par la force et à l’aide de commissaires spéciaux envoyés par les préfets ou les autres autorités provinciales ou de châtellenie, et que les autorités communales même ne savaient faire réparer les chemins par les riverains ; tout le monde atteste que les chemins dans les Flandres ne sont pas entretenus !
L’honorable M. Rodenbach vous a dit que la raison pour laquelle les chemins n’étaient pas réparés, c’est qu’on contestait la légalité des règlements qui mettaient ces réparations à la charge des propriétaires riverains ; qu’il y avait des procès. Messieurs, il n’y a jamais eu de procès à cet égard, parce que la loi était claire ; il n’y avait pas lieu à contestation.
Il vous a dit aussi que le fermier, lorsqu’il faisait son bail, savait qu’il devait entretenir les chemins. Oui, il le savait bien, mais il ne faisait rien, les chemins ne sont pas entretenus, les réparations ne se font pas. C’est ce qui arrivera encore, si vous maintenez l’état de choses existant, car c’est une mesure injuste et de toute injustice, c’est une mesure de privilège pour le riche et au détriment du pauvre fermier, qui doit mettre souvent tout son avoir dans la réparation d’un chemin, dont il ne profite nullement, et ceux qui en font usage et qui le détériorent n’y devraient contribuer pour rien ; je le dis, c’est une mesure de la plus criante injustice, de la plus criante partialité.
M. Cools – Messieurs, il y a une observation à faire, et dont on n’a pas dit un mot dans la discussion actuelle. L’observation qui vous a surtout déterminés à rejeter le système maintenu par le sénat, c’est que le but qu’on se propose par la loi, est d’avoir un bon entretien des chemins vicinaux. Or, dans la première discussion, il a été établi que si vous mettiez l’agent voyer en contact immédiat avec les propriétaires riverains, si vous voulez que le bourgmestre donne des ordres à son fermier, qui a souvent plus de puissance que lui, surtout dans les élections, vous n’arriverez pas à avoir un bon entretien des chemins.
Je dois encore répondre à une observations faire par l’honorable M. de Theux en ce qui concerne les réparations ordinaires et extraordinaires.
Il y a dans le règlement de la Flandre une disposition qui dit que les travaux extraordinaires sont à la charge de la généralité. Mais quels sont ces travaux extraordinaires ? C’est le pavement. Quant aux autres réparations, de quelque nature qu’elles soient : nivellement du chemin, placement de palissades, etc., elles ont toujours été à la charge du riverain.
Il n’existe donc que les travaux de pavage qui retombent sur la généralité, et je crois qu’il y a là un motif pour rejeter le système du sénat. Si vous voulez que l’entretien se fasse par les riverains, la commune n’aura rien à payer, et dès lors elle ne s’imposera pas une lourde charge pour le pavage. Mais si elle a l’entretien des chemins, la commune calculera que le surcroît de dépenses à résulter du pavage est comparativement très faible ; elle sera plus portée à le faire ; et c’est ce qu’on désire. Du moment que la commune aura l’entretien des chemins, elle calculera ses intérêts ; elle se convaincra qu’en pavant elle aura peu de dépenses, et elle préférera exécuter ces travaux, tandis qu’avec le système du sénat elle s’y décidera beaucoup plus difficilement.
M. Peeters, rapporteur – Je ne veux que donner une explication relativement à ce qu’a dit l’honorable M. de Langhe.
Pour soutenir l’amendement de la section centrale, j’ai dit que dans la province d’Anvers, avant la loi française, il y avait plusieurs communes où les riverains devaient entretenir les chemins et pouvaient faire des plantations sur les bords de ces chemins, et que cet usage avait tombé devant la loi française, que depuis l’entrée des Français les riverains n’ont plus entretenu les chemins et n’ont plus planté.
- L’amendement proposé par la section centrale est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. Dumortier – Je crois qu’il faudrait maintenant mettre aux voix la disposition qui a été primitivement adoptée par la chambre, car si l’on votait d’abord sur la proposition du sénat et si elle était écartée, il ne resterait plus rien, attendu que c’est là la proposition principale.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je crois, messieurs, que l’honorable préopinant se trompe. Nous sommes en ce moment saisis de la proposition qui nous a été transmise par le sénat. L’amendement de la section centrale ayant été écarté et la discussion étant close, sans que personne ait présenté un autre amendement, il est évident qu’il ne reste que la proposition du sénat. Si contre toute attente, cette proposition était rejetée, il faudrait renvoyer le projet à la section centrale. (Assentiment.)
M. Dumortier – Dès qu’il est entendu que le projet serait renvoyé à la section centrale, je n’ai plus rien à objecter.
M. de Theux – Si la proposition du sénat était rejetée, ce serait un amendement introduit dans le projet et au second vote, on pourrait présenter telle autre proposition que l’on jugerait propre à remplacer la disposition écartée. (C’est cela.)
M. le président – Je vais donc mettre aux voix la proposition du sénat. (L’appel nominal ! l’appel nominal !)
Il est procédé au vote par appel nominal.
71 membres sont présents.
2 s’abstiennent (MM. Lejeune et Peeters (rapporteur)).
42 adoptent.
27 rejettent
En conséquence la proposition est adoptée.
Ont voté l’adoption : MM. Coppieters, de Garcia de la Vega, Delehaye, de Man d’Attenrode, de Mérode, Demonceau, de Potter, de Puydt, de Sécus, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, Dolez, Donny, B. Dubus, Hye-Hoys, Kervyn, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Mast de Vries, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, de Baillet, Simons, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen, Vanderbelen, Van Volxem, Wallaert.
Ont voté le rejet : MM. Cools, de Behr, de Langhe, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Nef, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubois, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Manilius, Pirmez, Puissant, Raymaeckers, Sigart, Troye, Vandenbossche, Verhaegen, Zoude et Fallon.
M. le président – Messieurs, les membres qui se sont abstenus sont appelés à faire connaître les motifs de leur abstention.
M. Lejeune – Comme je lai dit dans la discussion, messieurs, je ne pourrai jamais adopter une pareille disposition ; je croirai même devoir voter contre la loi, à cause de cet amendement, mais d’un autre côté, je n’ai pas voulu, par un vote négatif, empêcher l’adoption d’une loi qui peut avoir des résultats fort utiles pour la plupart des provinces du pays.
M. Peeters, rapporteur – Je n’approuvais pas l’amendement du sénat mais je désirais que la loi sur les chemins vicinaux fût votée le plus tôt possible. D’ailleurs, je ne pouvais pas admettre que les propriétaires riverains fussent dégrevés de la charge de l’entretien en conservant l’usage des plantations.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, le sénat vous a transmis un projet de loi interprétatif de l’article 139 du code pénal. Ce projet est urgent, il concerne des personnes qui subissent en ce moment un emprisonnement préventif qui a déjà duré assez longtemps. Je demanderai que la section centrale ou la commission, qui sera chargée de l’examen de ce projet, veuille bien faire un prompt rapport.
- La chambre décide que ce projet sera renvoyé à une commission à nommer par le bureau.
- Le projet de loi relatif à la milice est renvoyé à la section centrale qui a examiné le budget de la guerre.
Le projet de loi relatif au droit de transcription est renvoyé à la section centrale du budget des voies et moyens.
Commission chargée d’examiner le projet de loi interprétatif de l’article 139 du code pénal : MM. Coppieters, de Villegas, Fleussu, Raikem et Raymaeckers.
La séance est levée à 4 heures et demie.