(Moniteur belge n°38 du 7 février 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. Lejeune fait l’appel nominal à une heure.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Lejeune présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« L’administration communale de Dinant demande qu’une allocation soit accordée au budget des travaux publics, pour que l’on puisse s’occuper des travaux nécessaires à la navigation de la Meuse.
M. Pirson – Vous venez d’entendre l’analyse d’une pétition de la régence de Dinant, relativement aux réparations à faire à la Meuse, auxquelles il est urgent de pourvoir, notamment au pont de Dinant qui a éprouvé de fortes avaries lors des dernières débâcles. La régence a présenté, il y a quelques jours, une pétition sur le même objet. Vous l’avez renvoyée à la section centrale du budget des travaux publics. Comme cette section centrale a fait son rapport, je demande que la pétition de la régence de Dinant soit renvoyée à cette section centrale comme commission.
- Ce renvoi est ordonné.
M. Rodenbach – Nous voyons, par les journaux français, qu’on présente à la chambre des députés de France un nouveau projet de loi ayant pour but de modifier quelques articles du tarif des douanes. Il est question dans ce rapport d’une augmentation de droit sur les fils et les toiles. L’an passé, il fut également question de ce projet, qui serait fatal à notre industrie linière. Je pense que le ministère n’aura pas perdu de vue cette branche si importante de notre industrie. Je pense que le précédent cabinet aura fait des réclamations à cet égard et je me plais à croire que le nouveau ministère en fera aussi. Peut-être les a-t-il déjà faites.
Lorsque l’an dernier, cette augmentation sur les fils et les toiles a été présentée, plusieurs représentants du nombre desquels était l’honorable M. Liedts, se sont réunis pour faire une proposition tenant à doubler les droits sur les vins de France. Le ministère français ayant retiré son projet de loi, nous avons également retiré notre proposition.
Je demanderai si le ministère n’a pas eu connaissance autrement que par les journaux, de la présentation de ce nouveau projet, et s’il a fait quelques efforts pour empêcher qu’on ne jette une nouvelle perturbation dans notre industrie linière, déjà si souffrante.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – L’honorable député de Roulers se trompe, s’il croit que c’est un projet nouveau qui a été présenté en France. Le projet relatif au tarif des douanes, dont la chambre française est saisie en ce moment, a été présenté à la dernière session législative. Le rapport de la commission a été distribué aux membres de la chambre de France, dans l’intervalle des deux sessions. C’est sur ce rapport que la chambre de France va examiner le projet de loi proposant de porter des modifications au tarif des douanes. Le rapport primitif de la commission était très hostile à notre industrie linière. Mais d’après les informations nouvelles qui nous sont arrivées de Paris, il paraît que la commission a modifié son travail. Si la Belgique ne peut pas échapper à toute majoration quelconque du tarif français, nous avons du moins lieu d’espérer qu’elle sera moindre que le premier travail de la commission pouvait nous le faire craindre. Quoiqu’il en soit, cette question est l’objet d’une correspondance très active entre M. le ministre des affaires étrangères et notre représentant à Paris. Elle est de plus l’objet de tous nos soins.
M. Delehaye – Puisqu’on a soulevé la question linière, la chambre me permettra d’adresser une interpellation à messieurs les ministres.
L’an dernier, une commission nommée par le gouvernement a été chargée d’examiner l’état de l’industrie linière. Depuis lors, la chambre a également nommé une commission chargée d’examiner l’état de l’industrie en général. Cette dernière commission a terminé ses travaux, bien que son enquête fut plus étendue que l’enquête linière, qui n’avait à s’occuper que d’une seule industrie, et nous n’avons encore reçu aucun rapport de l’enquête ordonnée par le gouvernement. Je prie M. le ministre de nous dire si bientôt la chambre sera à même d’examiner les travaux de la commission qu’il a instituée, et les améliorations qu’elle propose d’apporter au sort des tisserands et de toute l’industrie linière.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, quoique la commission nommée par le gouvernement pour examiner l’état de l’industrie linière n’ait eu à s’occuper que d’une seule branche d’industrie, il n’est pas vrai de dire que son travail fût pour cela moins étendu que celui de la commission parlementaire. Quand le résultat de ses investigations sera soumis à la chambre, vous pourrez voir que la matière a été examinée sous toutes ses faces et que son travail est aussi considérable que celui de la commission nommée par la chambre. Je viens de faite livrer à l’impression la partie relative à l’industrie linière en Angleterre. Cette partie n’est pas la moins importante de l’enquête, en ce qu’elle permet d’établir une comparaison entre ce qui se passe chez une nation rivale et ce qui se passe en Belgique. Le reste suivra.
Avant la fin de la session, la commission, qui met beaucoup de zèle ans son travail aura achevé tout ce qui se rapporte à cette importante question.
« Art. 19. Tout fonctionnaire, magistrat ou employé, qui sera révoqué de ses fonctions ou démissionnaire, sans réunir les conditions prescrites par les articles 9 et 10, perdra ses droits à la pension ; cependant s’il est remis en activité, le temps de son premier service lui sera compté pour la pension.
M. Doignon – Je prierai M. le ministre d’examiner s’il ne conviendrait pas de changer la rédaction de cet article et de reproduire celle qui a d’bord été proposée par le gouvernement. Il importe de mettre cette disposition en harmonie avec l’article 9, que nous avons voté. En maintenant dans cet article 9 les mots « pourront être admis », qui se trouvaient dans le projet du gouvernement, on a rendu la collation de la pension facultative. Cependant, d’après la rédaction proposée à l’article 19 par la section centrale, l’Etat serait obligé d’accorder la pension à tout fonctionnaire révoqué. Le fût-il pour des motifs graves, dès qu’il réunit les conditions prescrites par les articles 9 et 10.
La section centrale avait été conséquence avec elle-même. Comme elle avait proposé de rendre la pension obligatoire, naturellement elle devait suivra la même idée dans son article 19. Mais le gouvernement étant revenu à sa première idée, de rendre la collation de la pension facultative, doit également reprendre la rédaction de son article 19.
Il résulte de la rédaction de la section centrale qu’alors même qu’un fonctionnaire aurait mal géré, commis des malversations ou laisse un déficit dans sa caisse, s’il remplit les conditions stipulées dans les articles 9 et 10, il a droit d’exiger la pension.
Nous avons dit que la pension était une récompense pour de bons et loyaux services. Il répugne absolument d’accorder la pension dans des cas semblables. Je pense donc que l’article doit être rédigé de telle sorte que le gouvernement ait toute latitude, de manière à ne pas devoir accorder la pension à ceux qui ne la méritent pas.
M. de Behr – Les considérations que vient d’exposer l’honorable préopinant sont celles qui ont dirigé la section centrale. D’après la disposition qu’elle avait adoptée à l’article 9, elle avait dit : si dans certains cas, il y a droit acquis à la pension, on ne doit pas en dépouiller le fonctionnaire, à moins de jugement et de condamnation à une peine afflictive et infamante. Mais aujourd’hui que la collation de la pension n’est plus que facultative, il semble en effet qu’il faut changer la disposition du projet et en revenir à celle qui avait été proposée par le gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’adhère entièrement à la proposition de M. Doignon et de la section centrale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je crois qu’il résulte assez de la circonstance que cet article est placé sous un titre spécial, qu’il n’est pas applicable aux ministres ; car on sent très bien que les ministres ne peuvent jamais être autre chose que démissionnaires.
M. Sigart – Je trouve dans cet article le mot « pension » reproduit deux fois. Sans doute, dans une loi on doit sacrifier l’élégance à la clarté. Mais je crois qu’ici ce sacrifice est inutile.
En effet, l’article porte : « Tout magistrat, etc. perdra ses droits à la pension. Cependant s’il est remis en activité, le temps de son premier service lui sera compté. » Il est donc évident que c’est « pour la pension ». Il est donc inutile de le dire. Je propose de supprimer ces derniers mots.
- Cette suppression est adoptée.
M. de Villegas – Messieurs, l’article 19, qui se rapporte aux fonctionnaires amovibles, mérite toute votre attention. Je demanderai à M. le rapporteur s’il entend que le fonctionnaire révoqué ou démissionnaire, qui ainsi perd ses droits à la pension, fait perdre également leurs droits à sa veuve et à ses enfants ; s’il entend qu’après le décès du fonctionnaire révoqué, la pension ne sera donné ni à sa veuve ni à ses enfants. C’est une explication que je demande.
M. le président – Vous ne pouvez pas avoir maintenant cette explication.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Sans doute, ce n’est pas le moment d’aborder cette question ; mais je crois que l’honorable membre a bien fait de présenter son observation, afin qu’on ne puisse pas lui opposer plus tard que la question est jugée.
M. de Villegas – C’est dans ce but que j’ai fait mon observation.
M. Doignon – Je crois qu’il y a une lacune à remplir dans ce chapitre. Je proposerai de la combler par la disposition additionnelle suivante :
« Dans le cas de réforme ou de suspension d’emploi ayant pour résultat une réduction réelle dans les dépenses de l’Etat, il sera proposé un crédit spécial destiné à allouer des indemnités annuelles à ceux des titulaires des emplois supprimés, qui ne remplissant pas les conditions voulues pour obtenir des pensions, ne pourraient pas être immédiatement appelés à de nouvelles fonctions.
« Cette indemnité ne pourra pas excéder la moitié du dernier traitement. »
Le gouvernement doit désirer d’avoir une règle fixe pour les cas de suppression d’emploi. Souvent c’est le personnel attaché à certaine institution qui embarrasse le gouvernement.
Je crois donc qu’une disposition sera utile pour prévoir ce cas.
Les employés ou fonctionnaires qui dans cette disposition ne peuvent continuer leurs fonctions, ne peuvent être abandonnés ; il faut y pourvoir. L’article que j’ai proposé aurait l’avantage de fixer le maximum de l’indemnité à laquelle ils auraient droit.
Du reste, je ne tiens pas aux termes de ma proposition. J’ai indiqué le but dans lequel je l’a proposé. Je demande qu’il soit renvoyé à la section centrale.
M. Zoude, rapporteur – Cette observation a été faite à la section centrale, qui n’a pas cru qu’il y eût lieu à insérer à cet égard une disposition dans la loi. Récemment le gouvernement a demandé pour indemniser les employés du cadastre, dont l’emploi avait été supprimé, un subside que la chambre a voté avec empressement. Le gouvernement a également indemnisé les fonctionnaires qui se sont trouvés sans emploi par suite de la cession d’une partie du territoire. Nous avons pensé que le gouvernement agirait toujours ainsi, et qu’il n’y avait pas lieu, par conséquent, à insérer une disposition dans la loi.
Je crois donc que l’amendement ne doit pas être pris en considération.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il me semble qu’il serait bien que le principe fût consacré dans la loi qui traite des pensions. Je demande donc le renvoi à la section centrale, qui pourra l’examiner plus mûrement et présenter ensuite son rapport.
M. Doignon – L’honorable rapporteur n’a pas fait attention que mon amendement fixe un maximum. Ce maximum a été jusqu’ici laissé à l’arbitraire du gouvernement. Une fois le principe posé dans la loi, le ministère pourra se retrancher derrière la loi, et repousser aussi toutes les sollicitations qui lui seront adressées, dans la vue d’obtenir une indemnité plus considérable.
Je pense donc que la règle doit être tracée dans la loi.
M. de Garcia – J’appuie le renvoi à la section centrale. Si l’amendement de l’honorable M. Doignon ne contenait pas un maximum, il n’aurait pas de but. Mais comme il contient un maximum, il présente cet avantage qu’il fait connaître aux fonctionnaires et employés les chances qu’ils peuvent courir.
Sous ce rapport, je crois qu’il est essentiel que la disposition soit insérée dans la loi.
- La chambre, consultée, renvoie à l’examen de la section centrale la disposition additionnelle proposée par M. Doignon.
M. le président – D’après la décision de la chambre, nous abordons maintenant la discussion du chapitre IV - Pensions des ministres des cultes. Premier paragraphe – Ministres du culte catholique
Le premier article de ce chapitre est ainsi conçu :
« Art. 27. Les membres du clergé du culte catholique romain qui jouissent d’un traitement sur le trésor public et qui auront obtenu leur démission de l’autorité ecclésiastique compétente, auront droit à une pension de retraite d’après les règles ci-après établies. »
M. Doignon – Dans la discussion générale j’ai annoncé que j’aurais présenté quelques amendements conformes aux dispositions d’un arrêté du roi Guillaume de mai 1838. Je crois que la chambre et le ministère ne voudront pas se montrer plus difficiles que le roi Guillaume. A coup sûr l’on n’accusera point le gouvernement hollandais de vouloir donner trop d’extension aux avantages du clergé catholique. Je me bornerai donc à rappeler à la chambre les dispositions de cet arrêté. Pour mon amendement, j’en emprunterai les propres expressions.
« Les prêtres catholiques, placés dans le royaume, ont droit à une pension, à la charge de l’Etat, s’ils sont dans le ministère ecclésiastique depuis 40 ans, à dater de leur ordination comme prêtres, et s’ils ont atteint l’âge de 65 ans.
« Ceux qui n’ont pas atteint cet âge et qui ont au moins 40 ans de service, et toutefois plus de 10 ans, ont droit de demander une pension, si des infirmités corporelles ou intellectuelles les mettent entièrement hors d’état de s’acquitter plus longtemps de leurs fonctions.
« Par ministère ecclésiastique, on entend l’accomplissement de charges ecclésiastiques ou fonctions spirituelles publiques, auxquelles on a été appelé par l’ordinaire. La simple qualité de prêtre ne donne pas droit à la pension, si on n’a pas rempli de fonctions ecclésiastiques.
« Tout droit à la pension se perd si un ecclésiastique, au lieu d’attendre qu’il soit démissionné honorablement de ses fonctions sur sa demande ou autrement, donne lui-même sa démission par caprice ou arbitrairement, s’il quitte son emploi de la même manière ou si, par inconduite, il a fallu l’en démettre. »
D’après le projet du gouvernement et de la section centrale, on exigerait pour condition que les membres du clergé jouissent d’un traitement à charge du trésor public. Cette condition n’est pas exigée dans les dispositions de l’arrêté du roi Guillaume. De plus, aux termes de l’ancienne loi fondamentale (article 194) : « Les traitements, pensions et autres avantages, de quelque nature que ce soit, dont jouissent actuellement les différents cultes et leur ministres, leur sont garantis. »
Cette garantie est pure et simple.
Vous voyez qu’elle est donnée sans aucune distinction, soit que le ministre du culte eût un traitement à la charge de l’Etat, soit qu’il n’en eût pas. L’article 117 de la constitution qui décide que les traitements et pensions des ministres du culte sont à la charge de l’Etat, ne fait pas de distinction. En effet, on ne peut pas jouir d’un traitement à la charge de l’Etat, dans une foule de fonctions ecclésiastiques, telles que celles d’aumônier d’hôpital, de secrétaire d’évêché, de coadjuteur, de professeur de petit séminaire, etc., et cependant être employé très activement au service du culte, et par suite mériter la pension, aussi bien qu’un curé ou desservant.
A l’égard des professeurs des petits séminaires, mon honorable collègue, M. d’Hoffschmidt a déposé une pétition du petit séminaire de Bastogne. Je ne puis rien ajouter aux motifs énoncés dans cette pétition :
« La disposition du gouvernement est injuste d’abord, puisque les séminaires diocésains, étant divisés en première et deuxième sections, les droits des prêtres employés dans les premières sections ou petits séminaires, doivent être les mêmes que ceux de prêtres enseignant dans les deuxièmes sections ou grands séminaires. Cela est tellement vrai que l’évêque peut faire participer les professeurs des petits séminaires à la somme globale que le gouvernement met à sa disposition pour les besoins de son séminaire. Ainsi disparaîtrait même l’objection que l’on pourrait faire, que ceux-ci ne sont point salariés par l’Etat.
« Injuste ensuite, parce que les professeurs prêtres des petits séminaires, sont à la nomination de l’évêque diocésain comme les autres prêtres reconnus explicitement dans le projet de loi comme ayant droit à la pension. Comme eux, ils travaillent à une œuvre reconnue nécessaire à la religion, et exigée même par la constitution de l’Eglise. Comme eux, plus qu’eux et plus tôt qu’eux, ils usent leurs forces et leur santé, dans les fonctions pénibles qui leur incombent. Dès lors, parce qu’ils auront obéi à leur évêque, en se consacrant à l’enseignement, n’y aura-t-il pas d’injustice, de les mettre en quelque sorte hors de la loi ?
« En second lieu, cette exclusion ne peut être que nuisible.
« Tout homme cherche à se ménager une ressource pour l’avenir. Les professeurs des petits séminaires feront bien de chercher des postes qui leur assureront cet avenir. De là deux inconvénients : le premier pour le trésor ; car il en résultera que beaucoup de postes actuellement vacants seront remplis ; donc autant de traitements à la charge du trésor, sans éviter éventuellement, plus tard, la pension à donner à ce même nombre d’individus.
« Le second inconvénient, plus grave encore, c’est qu’il en résultera des changements fréquents des professeurs dans les séminaires, et l’on sait combien ces changements continuels sont de nature à nuire aux bonnes études. »
A l’égard de ces établissements, on objectera peut-être que nombre d’élèves qui sortent de ces maisons d’éducation se livrent ensuite à d’autres professions, ne suivent pas la carrière ecclésiastique. Mais nous disons que, pour apprécier une institution, c’est par sa destination qu’il faut la juger. Ainsi pour l’école militaire, beaucoup d’élèves sortants suivent aussi une autre carrière que celle des armes. Il n’en est pas moins vrai que l’école militaire a pour but de former des officiers pour l’armée, et que cette institution doit être à la charge de l’Etat.
Il en est de même des petits séminaires ; bien qu’une partie de leurs élèves embrassent une autre profession, il n’en est pas moins vrai que ces institutions sont indispensables, et qu’ayant pour but de fournir une pépinière pour le sacerdoce, elles font parte intégrante de l’organisation ecclésiastique et forment ainsi un des premiers besoins de l’administration de l’Eglise.
C’est un fait certain que le culte ne peut subsister sans le personnel du clergé. Or, les petits séminaires ont précisément pour objet d’alimenter ce même personnel.
Les ecclésiastiques attachés à ces établissements essentiels ont donc autant de droits à une pension que les desservants et les curés de nos paroisses.
Du reste, s’il y avait du doute sur ce point, je crois qu’il faudrait au moins consulter l’autorité compétente ; ce ne serait pas à nous à trancher cette question sans avoir été aux sources officielles.
D’après cette observation, je proposerai de rédiger l’article 27 ainsi qu’il suit :
« Art. 27. Les membres du clergé du culte catholique, remplissant les charges ecclésiastiques ou des fonctions spirituelles publiques auxquelles ils ont été appelés par l’ordinaire, et qui auront obtenu leur démission de l’autorité ecclésiastique compétente, auront droit, sur la demande de celle-ci, à une pension de retraite d’après les règles ci-après établies. »
J’ai ajouté ces mots : « sur la demande de celle-ci » ; car il importe que les pensions soient accordées de la même manière que les traitements. Or, les traitements ne sont jamais accordés à des titulaires ecclésiastiques que pour autant qu’ils soient reconnus par leur supérieur, par le chef diocésain. Je crois même qu’en pareil cas les chefs de diocèse font des tableaux dans lesquels ils comprennent tous les titulaires et qu’ils les adressent tous les ans au gouvernement.
Je pense qu’il faut qu’il en soit de même pour les pensions. Car dans l’ordre ecclésiastique comme dans l’ordre civil, il faut observer la hiérarchie ; je propose donc l’insertion de ce mots : « sur la demande de celle-ci », c’est-à-dire sur le demande de l’autorité supérieure ecclésiastique.
M. Desmet – Je crois, messieurs, que l’honorable M. Doignon devra modifier son amendement. Il l’a tiré d’un arrêté royal rendu par le gouvernement précédent. Mais je crois qu’il a oublié une disposition de cet arrêté qui était avantageuse au clergé. D’après cette disposition, il n’était pas nécessaire que la démission fût donnée aux membres du clergé ; on en accordait une aux vieux curés, aux curés invalides, bien qu’ils reçussent encore leurs appointements.
Je fais cette observation parce qu’il est plusieurs cas où des membres du clergé ne trouveraient pas de qui subsister avec leurs pensions, s’ils n’avaient pas de traitements, et surtout les prêtres fort âgés et qui n’ont point de fortune ; si on devait à ces ecclésiastiques retirer leur traitement, je ne sais comment ils pourraient subsister avec cette chétive pension que vous voudrez bien leur donner. Aujourd’hui encore votre budget contient une allocation pour des membres du clergé qui sont dans un âge fort avancé, mais qui cependant sont encore en place, et je crains que, quand votre loi sera passée, on pourra la prendre pour prétexte pour ne plus allouer la somme qui y figure aujourd’hui pour secourir les prêtres vieux et invalides.
Je ferai d’ailleurs remarquer que le clergé a droit à cette allocation. Vous savez aussi bien que moi qu’avant que les biens du clergé n’eussent été pris par le gouvernement français, il y avait dans chaque diocèse un fonds particulier de biens immeubles pour les prêtres invalides et trop âgés. Il s’agit donc ici d’une dette et non d’une allocation gratuite.
Or, si vous ne modifiez pas votre loi, vous allez rendre moins avantageuse la situation du clergé, que celle de la masse de fonctionnaires et employés civils que vous allez grassement pensionner par la présente loi, et qui, certes, n’ont pas le même titre que les membres du clergé, duquel vous jouissez du bien, qui avant leur spoliation leur assura la pension et une honnête existence.
M. de Theux – L’observation que vient de présenter l’honorable M. Desmet me semble étrangère à la loi des pensions. Pour les cas dont il a parlé, le ministre peut porter à son budget un article pour fonds de secours, ainsi que cela s’est fait jusqu’à présent.
Il est, en effet, quelques ecclésiastiques pour lesquels ces secours sont d’une nécessité évidente ; mais toujours ils ont été pris sur un article spécial du budget.
M. Desmet – Si on conserve au budget ces fonds de secours, je n’ai plus d’observation à faire ; mais je craignais qu’il en fût autrement par suite de la loi que nous discutons.
M. de Theux – Il est bien entendu que le fonds de secours doit être réduit en conséquence de la loi des pensions. Mais si le ministre a la conviction que dans quelques cas des ecclésiastiques doivent recevoir un supplément de traitement à titre de secours, il pourra porter une somme à son budget.
M. Zoude, rapporteur – Dans la section centrale, on a proposé d’étendre la faveur des pensions aux professeurs des petits séminaires ; la question a été résolue négativement par la majorité de ses membres, parce qu’on a cru que si vous accordiez des pensions aux professeurs des petits séminaires, vous ne pourriez en refuser aux professeurs d’établissements privés, d’où il sort des élèves pour l’état ecclésiastique. Un second motif qu’on a fait valoir, c’est que votre loi ne s’applique qu’aux fonctionnaires qui reçoivent un traitement de l’Etat.
M. de Behr – J’ai demandé la parole pour faire une observation sur l’ordre adopté dans les articles de la loi.
Dans le système de la section centrale, les retenues devraient se faire sur toutes les pensions ; c’est par ce motif qu’elle a compris les pensions du clergé, ainsi que toutes les autres, sous un même titre. Si la chambre adopte maintenant un autre système, si les traitements du culte catholique ne sont pas soumis à la retenue, il vaudra mieux ranger les dispositions qui les concernent sous un titre séparé.
Il est bien entendu que mon observation ne subsiste que pour autant qu’on admette que les traitements du clergé ne seront pas soumis à une retenue.
M. le président – La question a été décidée ; l’amendement de M. de Theux a été adopté.
M. de Behr – J’ai consulté le procès-verbal ; je n’ai pas vu que cet amendement ait été adopté.
M. Doignon – C’est une lacune dans le procès-verbal.
M. le président – On pourra d’ailleurs revenir à l’observation de M. de Behr au second vote.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, si j’ai bien compris l’amendement de l’honorable M. Doignon sur la lecture qui en a été donnée, cet amendement aurait pour but de faire compter la pension, non pas du jour où un ecclésiastique remplirait des fonctions, mais du jour où il serait ordonné prêtre.
M. Doignon – Pardonnez-moi.
M. le président donne une nouvelle lecture de l’amendement de M. Doignon.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Qu’est-ce qu’on entend par des « fonctions spirituelles » ? Je ne comprends pas ces expressions.
Il me semble qu’il résulte des développements donnés par l’auteur de l’amendement que par sa proposition il entend que les pensions courront du jour où le prêtre a été ordonné, et que les professeurs des petits séminaires seront admis à la pension à ce titre seul.
C’est là le sens de l’amendement, et j’avais raison de dire qui si je le comprenais bien à la lecture qui en a été donnée, il aurait pour effet de faire calculer la pension à partir du jour où un ecclésiastique aurait été ordonné, et non du jour où il aurait reçu une charge. Si c’est dans ce sens qu’il est présenté, je ne puis l’admettre. Je crois que le projet tel qu’il a été rédigé par la section centrale, et tel qu’il a été présenté par le gouvernement, il y a quelques années, satisfait à tout ce qu’exige la justice et concilie avec lui les intérêts du trésor.
Je crois que cet article ainsi rédigé repose, au moins en thèse générale, sur le vrai principe à suivre en matière de pensions. Ce principe, messieurs, est le même que le principe des traitements : le principe des traitements et des pensions ecclésiastiques, comme celui des traitements et des pensions civiles ou militaires, ce sont les services rendus à la chose publique ; sous le rapport religieux, civil ou militaire, il en résulte que là où il y a traitement, il y a pension, et que là où il n’y a pas de traitement, il ne peut, au moins en général, y avoir pension.
D’après le système de l’amendement, au contraire, un simple prêtre aurait droit à la pension, quoiqu’il n’ait droit à aucun traitement et qu’en conséquence il ne jouisse d’aucun traitement.
M. Doignon – Non, non !
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Alors l’amendement est rédigé d’une manière très obscure. Au reste, l’honorable membre a dit lui-même que le temps de service doit compter du jour où l’ecclésiastique a été ordonné prêtre.
Il est très difficile de s’entendre sur un semblable amendement ; je demande au moins que l’on s’explique. L’amendement signifie-t-il, par exemple, que le temps de service court depuis le jour où l’ecclésiastique, qui a rempli des fonctions, a été ordonné prêtre ? Ensuite, l’amendement donne-t-il droit à la pension aux professeurs des petits séminaires ? Quand on aura répondu à ces deux questions, il me sera peut-être possible de m’expliquer sur l’amendement.
M. Doignon – D’abord, messieurs, je ne puis admettre le principe que vient de poser M. le ministre de la justice, qui assimile en quelque sorte les ministres du culte catholique aux fonctionnaires de l’Etat. Je dois protester contre ce principe. J’ai, moi, une autre manière d’envisager la question de pensions ecclésiastiques, je me suis expliqué à cet égard dans la discussion générale.
M. le ministre de la justice n’a pas bien saisi la portée de mon amendement ; il n’est pas question d’accorder des pensions aux simples prêtres, mais conformément à une disposition de l’arrêté du gouvernement hollandais, dont j’ai donné lecture, je propose d’accorder une pension aux ecclésiastiques qui auront rempli des charges ecclésiastiques, des fonctions spirituelles, publiques, des fonctions indispensables à l’administration de l’église, à l’administration des paroisses.
Voilà le sens de mon amendement et si l’on veut éviter tout équivoque, je consens même à ce que l’on y ajoute que la simple qualité de prêtre ne donne pas droit à la pension, si l’on n’a pas rempli des fonctions ecclésiastiques. Je veux bien que l’on ajoute à mon amendement cette disposition que je trouve aussi dans l’arrêté du roi Guillaume.
M. le ministre demande si mon amendement s’appliquera aux professeurs des petits séminaires ; certainement, je me suis expliqué assez clairement à cet égard pour ne laisser aucun doute sur mes intentions. Je pense que les professeurs des petits séminaires remplissent des charges ecclésiastiques, des fonctions spirituelles et que par conséquent ma proposition leur sera applicable. Au reste ce sera une question d’application et si l’on avait plus tard des doutes sur ce point, il me semble qu’il faudrait consulter l’autorité ecclésiastique, qui est seule compétente pour donner des renseignements sûrs à cet égard.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je suppose, messieurs, un curé qui demande la pension, ce curé a été ordonné prêtre depuis 40 ans, il n’est curé que depuis 20 ans ; du jour de son ordination jusqu’au jour où il a été ordonné prêtre, il n’a rempli aucun fonction ecclésiastique ; lui comptera-t-on 40 années de service ou 20 ans seulement ? Telle est la question que soulève l’amendement et à laquelle il faut que son auteur réponde pour que nous puissions en apprécier la portée.
M. Doignon – Je crois, messieurs, que cette question ne trouvera sa place qu’à l’article suivant, où il s’agit de la durée du service. Mon amendement ne préjuge pas la question que pose M. le ministre de la justice.
Je dirai cependant que si le curé que M. le ministre prend pour exemple n’a pas rempli de charges ecclésiastiques, de fonctions spirituelles avant d’être nommé curé, il n’aura réellement que 20 années de service en ce qui concerne la pension, mais s’il a rempli auparavant d’autres fonctions publiques…
M. Duvivier – Salariées par l’Etat.
M. Doignon – S’il a rempli d’autres fonctions publiques salariées ou non par l’Etat, le temps pendant lequel il aura rempli ces fonctions lui sera également compté.
M. Fleussu – Je crois, messieurs, que personne d’entre nous ne s’attendait à voir présenter un amendement semblable ; il paraît que la section centrale s’est occupé de cette question et qu’elle a rejeté une proposition de la nature de celle de l’honorable M. Doignon, qui lui était faite par un de ses membres. Néanmoins je pense qu’il y a encore convenance à renvoyer la proposition à la section centrale, en attendant qu’elle nous fasse son rapport nous pourrons examiner l’amendement et voir jusqu’à quel point il nous paraît pouvoir être admis.
Lorsqu’un amendement nous a été présenté par M. le ministre des finances, et repris en sous-ordre par l’honorable M. de Theux, dans le but de ne point soumettre à la retenue les traitements des ministre du culte, je me suis senti disposé à appuyer cet amendement, d’abord parce que, à part les grands dignitaires ecclésiastiques, les ministres du culte ne touchent qu’un traitement extrêmement médiocre et qui suffit à peine à leur existence, qui ne les met pas à même de pouvoir soulager les misères qui se présentent à eux. L’amendement de M. Doignon a une bien autre portée, elle a une portée dont il est impossible de calculer dès à présent tous les effets. J’entends toujours parler d’économies dans cette chambre et au sujet de la loi que nous discutons, on manifeste continuellement la crainte d’obérer le trésor dans l’avenir. Quelle sera sous ce rapport la portée de l’amendement de M. Doignon ? Le gouvernement est entièrement étranger à la nomination des ministres du culte ; il dépend donc des évêques de nommer autant de ministres du culte qu’ils le voudront, non pas aux fonctions de curés et de vicaires, mais à d’autres charges. Remarquez, messieurs, qu’il y a une quantité considérable de prêtres en Belgique, qui, sans être curés ou vicaires, sans appartenir à l’administration des paroisses, remplissent cependant des fonctions ecclésiastiques. Pour choisir un exemple dans cette assemblée même, je citerai l’honorable M. de Foere ; il n’est pas en quelque sorte dans le ministère du culte, cependant il remplir des fonctions ecclésiastiques, il est, par exemple, admis à confesser. Je demanderai si un prêtre qui ne remplit d’autre fonction que celle-là pourra exiger du gouvernement une pension de retraite.
Une observation faite par M. le ministre de la justice me semble frappante de vérité, c’est que la pension n’est que la continuation du traitement. Cela est tellement vrai que c’est sur le traitement que l’on établit la pension, que c’est en raison du traitement que la pension se donne. Et par exemple, dans les cas pour lesquels l’honorable M. Doignon nous propose son amendement, quelle sera la base de la pension ? Lorsqu’il s’agira de donner une pension, je ne dirai pas à un fonctionnaire, car je ne crois pas que les ministres du culte occupent cette qualification, mais lorsqu’il s’agira de donner une pension à une personne qui n’aura pas eu de traitement, sur quelle base calculera-t-on cette pension ? Vous voyez, messieurs, que dans l’exécution la chose sera à peu près impossible. Il me semble donc qu’il est indispensable de renvoyer la proposition à la section centrale pour que nous ayons le temps de l’examiner et que nous ne soyons pas pris au dépourvu dans une question de cette importance.
M. le président – M. Doignon propose d’ajouter à son amendement la disposition suivante :
« La simple qualité de prêtre ne donne pas droit à la pension, si on n’a pas rempli de fonctions ecclésiastiques. »
M. Milcamps – J’avais demandé la parole pour demander le renvoi à la section centrale. L’amendement nous arrive inopinément et il me paraît avoir une importance assez grande pour être examinée par la section centrale.
Si mes souvenirs sont fidèles, dans la convention qui est intervenu entre le gouvernement français et le Saint-Siège, il doit y avoir une clause d’après laquelle le gouvernement n’intervient en aucune manière dans la dotation des établissements particuliers. Sous ce rapport encore, il faut examiner s’il convient de créer des droits nouveaux en faveur, par exemple, des professeurs des petits séminaires.
C’est particulièrement cette considération qui m’avait fait demandé la parole. J’appuie le renvoi à la section centrale.
M. Delehaye – Je n’avais demandé la parole que pour proposer le renvoi à la section centrale.
M. de Langhe – Je ne m’oppose pas au renvoi, mais je ferai observer que déjà la section centrale a délibéré sur la question soulevée par l’amendement et qu’elle a rejeté une proposition analogue, veut-on une seconde décision ? Je ne m’y oppose pas, mais je pense que cette dernière décision sera conforme à la première. L’amendement de l’honorable M. Doignon, si j’en saisis bien la portée, donnerait droit à la pension à tout ecclésiastique qui aura été nommé à une fonction ecclésiastique par son évêque, et dont le traitement a été payé sur n’importe quels fonds, autres que ceux de l’Etat.
Or, je crois qu’il est de principe (et ce principe, je pense, a déjà été admis, relativement aux fonctionnaires civils), qu’il faut que le traitement soit payé par le gouvernement pour donner droit à la pension. Par exemple, je ne crois pas que les employés des commissaires de district aient droit à la pension, parce que leurs traitements sont payés, non par le gouvernement, mais par les commissaires de district. Ici, les traitements sont payés par l’évêque, qui les élève à volonté, qui multiplie ad libitum le nombre des fonctionnaires ecclésiastiques : ce serait par conséquent lui donner un moyen de mettre à la charge de la nation une quantité d’ecclésiastiques qu’il faudrait pensionner, bien que le gouvernement ne leur eût pas payer de traitement.
Voilà sur quoi la section centrale a délibéré, c’est pour maintenir l’uniformité des principes qu’elle a écarté l’amendement. Si après cela, la chambre veut renvoyer la proposition à la section centrale, j’ai lieu de croire que sa décision sera encore la même.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je crois que, d’après les doutes émis sur la portée de certaines expressions de l’amendement, il y a lieu de le renvoyer à la section centrale ; lorsque la section centrale aura fait son rapport, et après que chaque membre y aura réfléchi, on pourra prendre une décision en plus grande connaissance de cause.
Messieurs, il résulte pour moi des exemples qui ont été cités, qu’il y a quelque chose à faire ici, et j’appelle sur ce point toute l’attention de la section centrale ; il y a quelque chose à faire en exécution des lois et de la constitution. Si vous bornez les droits à la pension aux ecclésiastiques qui ont un traitement à la charge du trésor, vous ne faites pas tout ce à quoi vous êtes tenus, vous n’acquittez qu’une partie de la dette de l’Etat, dette consacrée par la constitution.
On vous a parlé des aumôniers des hôpitaux. Eh bien, un hôpital considérable, comme l’est par exemple celui de Tournay, demande un aumônier à l’évêque, l’évêque le lui accorde ; dans l’état actuel des choses, l’hospice paie le traitement de cet aumônier ; or parce que cet aumônier est rétribué par l’hospice, au lieu de l’être par le trésor, vous décidez qu’il n’aura pas droit à la pension, et vous croyez avoir satisfait à l’article de la constitution, qui vous oblige à donner des pensions aux ministres du culte catholique. L’aumônier d’un hôpital ne remplit-il pas des fonctions aussi indispensables que le curé d’une paroisse, qui n’est que l’aumônier de sa paroisse ; vous ne pouvez donc pas établir de différence entre ces deux fonctionnaires.
Je pourrais pousser plus loin ces comparaisons, mais je m’arrête ; ce seul exemple vous prouve qu’il y a ici quelque chose à faire.
J’appuie le renvoi à la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, je dois faire quelques observations sur les cas qu’on vient de citer : les critiques ne portent pas sur la loi des pensions, elles portent sur la loi des traitements. La pension est la conséquence des traitements. Là où il n’y a pas de traitement, on n’est pas censé avoir rendu un service public. La loi des pensions ne peut donc pas avoir été critiquée, parce qu’elle ne s’applique pas à telle ou telle classe de personnes. S’il y a des critiques à faire, elles doivent s’adresser à la loi des traitements, dont la loi des pensions n’est que la conséquence. C’est cette loi qu’il faudrait commencer par changer.
Du reste, je ne sais si les critiques qu’on a faites sont bien justes. Il en est des ecclésiastiques employés dans les hospices, qui sont des établissements communaux, comme des fonctionnaires publics attachés à de semblables établissements ; leur traitement ne leur est pas dû par l’Etat, et pourquoi ? Parce qu’ils ne remplissent pas un service de culte public ; et de même que leur traitement leur est payé par l’établissement communal auquel ils sont attachés, leur pension doit leur être aussi payée par cet établissement.
Il en est à peu près de l’aumônier d’un hospice comme d’un aumônier attaché à une chapelle d’une maison particulière ; cet aumônier ne remplir pas un service public, il est payé par le propriétaire de la chapelle ou de la maison, qui lui paie aussi une pension, s’il y a lieu.
M. Dechamps – Messieurs, j’appuierai aussi le renvoi de la section centrale ; je me propose de soumettre maintenant quelques observations qui seront peut-être utiles à la section centrale elle-même.
Je pense que nous sommes généralement d’accord sur le principe ; personne ne veut qu’un ecclésiastique ait droit à la pension par le seul fait qu’il a été ordonné prêtre ; un ecclésiastique n’aura droit à la pension qu’autant qu’il aura rempli une charge publique. Ainsi sur le principe il n’y a aucune contestation. Dans l’interprétation, il s’agit de savoir si tel ecclésiastique, dans telle position donnée, remplit réellement une charge publique. La controverse commence ici. M. le ministre de la justice pose pour seul principe que personne n’a droit à une pension que celui qui reçoit un traitement à la charge de l’Etat.
Messieurs, ce principe me paraît posé d’une manière trop absolue. Je citerai un exemple : Je suppose que la discussion de la loi des pensions eût eu lieu avant la loi qui a fixé les traitements des vicaires ; vous savez qu’avant cette loi les traitements des vicaires étaient à la charge des communes ; eh bien, d’après le principe avancé par M. le ministre de la justice, tous les vicaires du royaume n’auraient pas eu droit alors à la pension. Ce principe est donc posé d’une manière trop absolue.
Peut-être, au lieu de s’en tenir à l’amendement de l’honorable M. Doignon, qui est rédigé en termes peut-être trop généraux, mieux vaudrait spécialiser dans la loi les quelques fonctions sur lesquelles il pourrait y avoir des doutes. L’honorable M. Dubus a cité, par exemple, les aumôniers des hôpitaux. Or, je vous demande si l’aumônier d’un hôpital peut être assimilé à l’aumônier d’une chapelle particulière ; il y a ici charge publique comme pour les fonctions de curé dans une paroisse.
Je crois que la difficulté existe principalement à l’égard des petits séminaires. Il faudra aborder cette question franchement. Je pense que les petits séminaires doivent être considérés comme des succursales des grands séminaires. Cette question a été traitée à la chambre de France, lorsqu’on s’y est occupé de l’enseignement moyen en 1833 ou en 1834 ; elle y a fait l’objet d’un examen long et sérieux ; je ne me souviens plus quelle solution on lui a donnée, mais je prierai les membres de la section centrale d’avoir recours à cette discussion. Pour moi, je pense que les petits séminaires forment des succursales des grands séminaires et ne sont pas des établissements privés, mais des établissements publics, à tel point que les élèves des petits séminaires, si je ne me trompe, lesquels se destinent à l’état ecclésiastique, sont exempts du service militaire.
Il y a plus ; je pense que les professeurs des petits séminaires sont en général rétribués sur les fonds votés au budget pour le personnel des grands séminaires. Je ne sais pas si cette règle est généralisée, mais je crois pouvoir affirmer que, dans certains diocèses, une partie des professeurs des petits séminaires sont payés par l’évêque diocésain sur les fonds dont il s’agit.
Ce sont des observations que je soumets à la section centrale, et sur lesquelles je me propose de revenir plus longuement lorsqu’on agitera la question.
M. de Mérode – Messieurs, je voulais faire une partie de ces observations. Cependant, à l’égard des petits séminaires, il paraît nécessaire que le nombre en soit fixé pour chaque diocèse, car il y a beaucoup d’établissements de ce genre qui ne sont pas indispensables au recrutement des grands séminaires. C’est là une considération très importante pour le trésor public, qui ne peut pas être chargé de pensions en quelque sorte indéfinies.
M. d’Hoffschmidt –Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer le renvoi à la section centrale et pour répondre à une objection qui a été faite contre ce renvoi.
On a dit que la section centrale avait déjà examiné la question. La section centrale s’est occupée, il est vrai, du point relatif aux professeurs des petits séminaires, mais l’amendement proposé par l’honorable M. Doignon est conçu dans des termes plus généraux, il mérite dès lors un nouvel examen de la part de la section centrale.
Je crois donc que conformément à ce qui a été fait relativement aux amendements présentés au projet de loi en discussion, on doit renvoyer celui dont il s’agit à la section centrale, et attendre son rapport avant de le discuter.
M. Desmet – L’argument de M. le ministre de la justice a quelque chose de spécieux, mais ce n’est qu’un sophisme, et si on l’admettait on consacrerait une injustice. L’exemple que M. le ministre a cité prouve qu’il n’a pas compris les services que rendent les ecclésiastiques dont il a parlé. Il dit qu’un aumônier d’hôpital ne rend pas plus de services qu’un aumônier de château ou de maison particulière.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Vous ne m’avez pas compris.
M. Desmet – Soit, le fait est que les aumôniers des hôpitaux sont de véritables curés ; ce sont des curés comme ceux des paroisses. Les curés des paroisses ne peuvent pas faire le service des hôpitaux, c’est pour cela qu’on nomme des aumôniers ; ils rendent des services et des services publics. S’ils ne sont pas payés par le gouvernement, c’est une exception, ils auraient droit de l’être ; en définitive, ils rendent des services comme les autres curés, ils doivent avoir la pension comme eux. En les pensionnant, vous ne ferez qu’un acte de justice, car vous leur avez enlevé leurs biens, il faut les leur rendre en les indemnisant au moyen de pension.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je n’ai pas dit que les aumôniers des hôpitaux ne rendaient pas plus de services que les aumôniers des châteaux, mais j’ai considéré leurs services relativement au public, et sous ce rapport je les ai rangés dans une classe analogue à celle des aumôniers privés ; j’ai dit que les aumôniers des hospices étaient attachés à un établissement communal. Ils rendent sans doute de plus grands services qu’un aumônier de château, mais non pas relativement au public, parce qu’ils ne rendent pas de service public, ils ne rendent de service qu’a un établissement communal.
Il y a cette différence entre le service qu’ils rendent et celui que rend un curé, que l’aumônier n’est attaché qu’à un établissement dans lequel on ne reçoit que des personnes de la commune ; tandis que le curé, bien que nommé pour la commune rend un service public ; le culte auquel il est préposé est un culte public, non seulement pour toutes les personnes de la commune, mais pour toutes celles qui s’y trouvent soit momentanément, soit à demeure. Le prêtre dans la paroisse rend en général un service public, tandis que dans un hospice il rend un service exclusivement communal. J’ajouterai que si l’on devait reconnaître que l’aumônier d’un hospice rend un service public, il faudrait mettre son traitement à la charge de l’Etat et ce ne serait qu’alors qu’on pourrait lui accorder une pension ; mais jusque-là, faute de traitement dû par l’Etat, il fait en conclure qu’il est étranger au culte public, et qu’en conséquence aucune pension ne lui est due. Du reste, je dois attendre, pour m’expliquer définitivement sur tous ces points, que la section centrale ait fait son rapport sur l’amendement, qu’il ne m’est pas possible de bien comprendre à une simple lecture.
M. Dolez – Je demande la parole pour faire une simple observation. L’intérêt qui s’attache aux fonctionnaires honorables attachés aux hôpitaux pour le service du culte est compris par tout le monde. Aussi si je m’oppose au renvoi de l’amendement à la section centrale, ce n’est pas que je ne comprenne pas toute son étendue, c’est parce que je pense que notre vote n’aurait aucune portée pour ces honorables fonctionnaires. A l’heure qu’il est, les hospices accordent des pensions aux aumôniers qui, à cause de leur âge ou de leurs infirmités, ne peuvent plus remplir leurs fonctions. Votre motion n’aurait donc qu’un résultat, celui de faire passer à la charge de l’Etat des pensions qui sont maintenant à la charge d’établissements particuliers. Je ne vois donc pas que l’intérêt des fonctionnaires dont il s’agit soit en question ; il s’agit seulement de savoir si on fera payer par l’Etat ce qui se paie maintenant par les hospices ou par les communes.
M. Dubus (aîné) – Citez un exemple.
M. Dolez – Je ne sais pas si des aumôniers d’hôpitaux ont dû être mis à la pension, mais je sais que dans les établissements des hospices, quand les employés deviennent malades, on leur accorde une pension. Il en est des employés communaux, comme des employés des hospices. Si par impossible un aumônier d’hôpital devenait invalide ou incapable de remplir ses fonctions, il recevrait une pension de retraite. On ferait pour lui ce qu’on fait pour tous les autres employés des hospices.
M. de Mérode – Il me semble que sans mettre leur traitement à la charge l’Etat, on pourrait assimiler les aumôniers des hôpitaux, quant à la pension, à telle catégorie d’ecclésiastiques qui reçoivent des traitements de l’Etat. On pourrait établir que les aumôniers de tels hôpitaux seraient assimilés, quant à leur pension, à des curés de telle ou telle classe. Cela pourrait se faire aussi pour un petit séminaire par province. La limite serait posée pour la pension, et l’Etat ne serait pas obligé de payer le traitement pendant la durée des services. Ce terme moyen me paraît très convenable, je le soumets à l’attention de la section centrale.
M. Doignon – Je ne saurais reconnaître le principe qui vient d’être avancé par M. le ministre de la justice, qu’ici la pension doit toujours être la conséquence du traitement. Cela est vrai pour les fonctionnaires de l’Etat, mais non pour les membres du clergé catholique. J’ai déjà démontré que les titres des ecclésiastiques à la pension, étaient tout autres que ceux des fonctionnaires civils. Leurs titres sont dans l’acte d’expropriation de leurs biens. L’Etat en les leur enlevant a contracté l’obligation de pourvoir aux besoins du clergé. C’est donc une véritable dette. L’article 117 de la constitution n’a fait que confirmer cette obligation.
Cela ne va pas à dire que je veuille accorder la pension à un prêtre, par cela seul qu’il est prêtre ; j’entends qu’il faut, pour obtenir la pension, avoir rempli des fonctions ecclésiastiques.
Il s’agit donc d’une toute autre question que celle posée par M. le ministre de la justice. La question n’est pas de savoir si un traitement à charge de l’Etat sera accordé aux aumôniers des hôpitaux, et autres ecclésiastiques dont j’ai parlé ; mais si le service de ces ecclésiastiques est un service actif indispensable pour l’administration du culte, et si, par cela même, l’Etat est tenu dans ses vieux jours de le secourir, de lui accorder la pension. Voilà comment j’entends la question.
On a signalé avec moi plusieurs lacunes dans l’article en discussion, mon amendement tend à les remplir. Si la section centrale trouve une autre rédaction, un autre moyen d’atteindre le but que je me propose, je ne tiens pas à ce que mon amendement soit adopté plutôt que tout autre.
On a demandé quelle serait la portée de ma proposition et on a semblé en inférer que les chefs diocésains pourraient à volonté augmenter les charges du trésor, en multipliant sans nécessité les nominations. La même objection a été faite quand il s’est agi d’augmenter les traitements des vicaires.
On y a répondu d’une manière satisfaisante. Le gouvernement est toujours juge d’examiner la question de nécessité. Il ne suffira pas qu’on vienne lui demander des pensions, pour qu’il doive les accorder ; il a le droit de juger, s’il y a lieu ou non de les conférer. C’est ainsi que pour les vicaires, il ne suffit pas qu’on en crée autant et où on veut ; l’Etat a de même le droit d’examiner si ces créations sont nécessaires pour l’administration des paroisses. Voilà les droits de l’Etat. Ainsi, au total, la portée de mon amendement est qu’il sera donné des pensions, comme des traitements de vicaire pour les services du culte indispensables à la bonne administration de l’Eglise dans le royaume.
On a dit que la section centrale avait examiné la question. D’après son rapport, elle s’est prononcée contre les professeurs des petits séminaires. Je dirai même en passant qu’elle n’a pas pris la peine de donner une seule raison à l’appui de son opinion. Ici, ce n’est pas une question identique ; mon amendement est conçu en termes généraux. Ce sont ceux de l’arrêté du roi Guillaume, dont les intentions ne sont certainement pas suspectes. Car on ne peut pas penser qu’il ait voulu trop étendre les avantages accordés au culte catholique.
M. le président – Je vais mettre aux voix le renvoi à la section centrale.
Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et ordonné.
M. le président – L’article 27-28 doit être ajourné ; il est subordonné à la décision que prendra la chambre sur l’article précédent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – On peut toujours l’examiner.
M. Delehaye – Le dernier degré de l’échelle des membres du clergé qui aurait droit à la pension, c’est celui des desservants. Je ne pense pas que la chambre ait besoin de s’occuper beaucoup des vicaires, car j’ai la conviction intime que le nombre en sera très minime ; il sera toujours très facile à l’autorité ecclésiastique de leur donner une position qui les mette à l’abri du besoin. C’est donc en faveur des desservants que je prends la parole.
La position des curés primaires et secondaires a été faite par la loi ; elle est très favorable, et je crois même trop favorable, car on leur accorde ce que vous avez refusé aux desservants. Cependant les uns et les autres rendent le même service et ont les mêmes besoins. Cependant l’Etat donne aux curés primaires deux mille francs de traitement, tandis qu’il ne donne que 700 et des francs aux desservants. Quelques communes, pour venir au secours du desservant, ont été obligées de porter à leur budget une somme de 200 francs et plus. Je demanderai au ministre de la justice s’il pense que ce supplément sera pris en considération lors de la fixation de la pension. Si on ne le faisait pas, il en résulterait que le desservant parvenu à l’âge où les besoins sont plus considérables et plus difficiles à satisfaire, ils n’auront pour toute pension que 750 francs. Je vous demande si cela peut suffire à un homme de 70 ans.
Si je réclame en faveur des desservants, j’aurais également le droit de réclamer en faveur des communes qui paient ces suppléments de traitement. Elle ne le font que parce qu’elles ont la conscience des besoins des desservants. Cependant on ne comptera pas ce supplément de traitement dans la fixation de la pension ; et l’on arrivera ainsi à fixer pour la pension une somme qui ne sera pas suffisante.
C’est un motif nouveau pour qu’il soit fait droit aux pétitions adressées à la chambre, pour que le gouvernement propose des modifications à l’état de choses existant, quant aux traitements des desservants.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – La question des desservants et des vicaires a été longuement discutée dans cette chambre, il y a quelques années ; elle a été décidée et transformée en loi. Je ne pense pas que les circonstances soient changées, ni qu’il y ait lieu de changer la loi.
M. Delehaye – Je ferai remarquer que nombre de pétitions ont été adressées à la chambre, et que la décision qui a été prise est évidemment injuste. Je ne parle pas des vicaires, bien qu’ils ne soient pas assez rétribués, peut-être ont-ils la position à laquelle ils ont droit dans l’état de pénurie du trésor. Mais je dis que la décision qui a été prise pour les vicaires est injuste. J’ai indiqué une marche qui, sans léser le trésor améliorerait la position des desservants. Je pense qu’il faudrait s’occuper de ce moyen , qu’il faudrait faire droit aux pétitions adressées à la chambre ; si l’on n’y fait pas droit, il viendra encore d’autres pétitions, car l’on est décidé à continuer le pétitionnement jusqu’à ce qu’on ait fait cesser un abus si révoltant.
M. le président – Si personne ne demande la parole, je mets l’article 28 aux voix, sauf à y revenir au second vote. (Adhésion.)
- L’article 28 est mis aux voix et adopté.
La chambre passe à la discussion du premier paragraphe de l’article 29, ainsi conçu :
« Art. 29. Pour avoir droit à la pension fixée par l’article précédent, il faut avoir atteint l’âge de 70 ans, et compter 40 années de services. »
Le deuxième paragraphe est ajourné, comme se rapportant à l’amendement relatif à l’article 27, renvoyé à la section centrale.
M. Doignon – Je proposerai à l’article en discussion un amendement conforme à l’arrêté du roi Guillaume dont j’ai parlé. Je propose donc de fixer l’âge à 65 ans, au lieu de 70. Pour les employés civils, l’âge est fixé à 60 ans. C’est un fait notoire qu’à l’âge de 65 ans et avant d’avoir atteint leurs 70 ans, un grand nombre de curés et desservants ne peuvent plus remplir convenablement les fonctions pastorales. Je regrette qu’il n’ait pas été fait de statistique pour constater ce point de fait.
L’honorable M. Wallaert, qui faisait partie de la section centrale, m’a dit qu’il en avait fait une pour son diocèse, et qu’il en résultait que l’âge à fixer devait être 65 ans. La section centrale, dans son rapport, nous dit : « L’expérience démontre que la plupart des ecclésiastiques jouissent encore à l’âge de 70 ans de la force nécessaire pour continuer l’exercice du sacerdoce, et s’il se présente un cas exceptionnel l’article suivant y pourvoit. »
Ainsi, selon la section centrale, il faut que les ecclésiastiques continuent leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils tombent, jusqu’à ce qu’ils soient absolument sans force. D’om vient cette sévérité à l’égard des ministres du culte ? Il est notoire au contraire qu’avant cet âge, un grand nombre d’ecclésiastiques ne peuvent plus exercer, comme il convient, leurs pénibles fonctions. Cela est de notoriété. La section centrale vous dit que l’article 29 pourvoit au cas dont il s’agit. Mais cet article ne parle que des maladies et des infirmités dont ils peuvent être atteints, et qui les mettent entièrement hors d’état de servir ; mais il existe un autre cas dont il faut parler, et qui doit également donner lieu à la pension pour les ecclésiastiques comme pour les fonctionnaires civils : c’est l’âge. Pour les uns comme pour les autres, il est un âge auquel on est présumé ne pouvoir plus remplir ses fonctions d’une manière convenable, et cet âge est évidemment soixante-cinq ans pour les ministres du culte ; c’est par conséquent à ce chiffre qu’il fait ici s’arrêter. Il y a d’autant plus lieu de l’adopter que pour eux l’on exige 40 ans de service, tandis qu’on n’exige que 30 ans de services civils.
M. Zoude, rapporteur – J’ai eu l’honneur de dire que le premier travail de la section centrale a été soumis au ministère, qui l’a renvoyé avec ses observations. J’aurai l’honneur de donner lecture d’une réponse relative à l’article 28 donnée par l’honorable M. de Theux, alors ministre : « Je crois qu’il fait s’en tenir à l’âge de 70 ans, admis par la section centrale. La plupart des ecclésiastiques, réunissant encore à l’âge de 65 ans la force et la santé nécessaire pour continuer l’exercice du sacerdoce. S’il en est autrement, l’article 29 y pourvoit. » Ainsi , c’est d’après l’avis de l’honorable M. de Theux, que nous avons admis l’âge de 70 ans. C’est donc à tort qu’on insinue que nous avons montré une excessive rigueur ; car nous voulions admettre un âge moins élevé. Nous avons cru, d’après l’expérience qu’a l’honorable M. de Theux, pouvoir nous en rapporter au conseil qu’il nous donnait.
M. Desmet – Il faut tenir compte de la différence entre les fonctions ecclésiastiques et les fonctions civiles. Un curé de village est obligé de sortir la nuit, quand un malade l’appelle, tandis qu’à quatre heures les employés civils ont terminé leur travail. Ensuite, les ecclésiastiques, fréquentant les malades, gagnent beaucoup de maladies. Il en résulte qu’en général, à 65 ans, ils sont hors d’état de continuer leurs fonctions.
M. de Mérode – Malgré toute la confiance que j’ai dans les connaissances spéciales de l’honorable M. de Theux sur la position des ecclésiastiques, il me semble que l’âge de 70 ans est fort avancé, et que celui de 65 ans, proposé par l’honorable M. Doignon, est un moyen terme qui devrait être adopté. Il est juste que l’ecclésiastique qui a exercé ses fonctions pendant 40 ans ait quelques années de repos. Il y a peu de personnes qui arrivent à 80 ans. Il me semble que 65 ans est un âge convenable.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je ne crois pas devoir m’opposer à ce que l’on admette l’âge de 65 ans, qui me semble un âge convenable.
Je ferai seulement une observation sur le règlement hollandais que l’on a déjà invoqué plusieurs fois dans cette chambre. Ce n’est pas un règlement en vigueur en Hollande que nous devons prendre pour règle, quant à la manière de traité le clergé ; les deux pays sont très différents sous ce rapport. Si dans quelques cas le clergé hollandais a un avantage sur le clergé belge, sous une foule d’autres rapports, le clergé en Hollande est bien moins traité que le clergé en Belgique, c’est l’ensemble qu’il faut voir pour porter un jugement conforme à la vérité et à la justice ; et je ne pense pas qu’ainsi appréciée, la position des ecclésiastiques dans les deux pays puisse être comparée. S’il y a quelques avantages dans l’un, qui n’existent pas dans l’autre, il ne faut pas les prendre isolément, c’est, je le répète, par l’ensemble qu’il faut juger de la position des uns et des autres.
- L’amendement de M. Doignon est mis aux voix et adopté le premier paragraphe de l’article 29 est mis aux voix et adopté.
Les articles 30 et 31 sont successivement mis aux voix et adoptés ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 30. Les ecclésiastiques qui, n’ayant pas atteint leur 65e année, sont forcés de se démettre de leurs fonctions pour cause de maladie ou d’infirmités seront admis à la pension pourvu qu’ils aient au moins 10 années de services.
« Cette pension est fixée :
« Pour 40 ans de services, au montant de la pension entière ;
« Pour 30 ans, aux 2/3 de la pension entière, plus de 1/30 de cette dernière pour chaque année de services depuis 30 jusqu’à 40 ;
« Pour 10 ans, à la moitié de la pension entière, plus 1/120 de celle-ci pour chaque année de services depuis 10 jusqu’à 30. »
« Art. 31 nouveau. Lorsque les infirmités dont le ministre du culte est atteint seront reconnues provenir de l’exercice de ses fonctions, et l’auront mis dans l’impuissance de les continuer, il pourra, s’il a 5 ans de services, réclamer la moitié de la pension entière. »
« Art. 32. Dans le cas où le titulaire aurait joui simultanément de plus d’un traitement à raison de fonctions différences, un seul de ces traitements, et le plus élevé, s’ils sont inégaux, sera pris en considération pour la fixation de la pension. »
- Cet article est adopté.
Deuxième paragraphe
M. le président – Le paragraphe 2 de ce chapitre « Ministres des autres cultes et leurs veuves », devra être ajourné jusqu’à ce qu’on ait pris une décision sur la pension des veuves et des orphelins. Nous passerons au titre III
« Art. 38. Des arrêtés royaux insérés au Bulletin officiel, détermineront :
« 1° Les formes dans lesquelles seront justifiées les causes, la nature et la gravité des blessures ou infirmités susceptibles d’ouvrir des droits à la pension dans les cas prévus par la présente loi ;
« 2° Les pièces et documents qui devront être produits pour justifier des droits à la pension et régler l’inscription au grand-livre des pensions. »
« Art. 39. Aucune pension ne sera accordée qu’en vertu d’un arrêté royal rendu sur le rapport sur le rapport du ministre au département duquel appartient l’intéressé.
« Chaque article énoncera les motifs et les bases légales de la fixation de la pension ; il sera rendu public par la voie du Bulletin officiel. »
- Ces deux articles sont adoptés.
« Art. 40. Les pensions conférées en vertu de la présente loi, seront inscrites au livre des pensions du trésor public et payées par trimestre sur certificat de vie des personnes qui les auront obtenues, au chef-lieu d’arrondissement de leur domicile.
« Ces certificats de vie seront délivrés par l’autorité communale du lieu du domicile, et le seront sans frais pour toute pension n’excédant pas 600 francs. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je proposerai de supprimer au premier paragraphe de cet article, les mots « au chef-lieu d’arrondissement de leur domicile. »
On a cru insérer une disposition favorable aux pensionnés ; mais il en serait tout autrement. Par suite de la règle actuellement suivie pour le paiement des pensions, il faut, lorsque le mandat est délivré, obtenir une assignation du directeur du trésor au chef-lieu de la province. Il est dès lors plus avantageux au pensionné d’être payé chez l’agent qui habite le chef-lieu de la province que chez celui qui se trouve au chef-lieu d’arrondissement.
M. Dubus (aîné) – Je demanderai à M. le ministre des finances, s’il n’y a pas moyen de remplir les intentions de la section centrale.
M. le ministre trouve qu’il n’y aurait pas avantage pour le pensionné parce qu’il devrait aller chercher une assignation au chef-lieu de la province avant d’être payé au chef-lieu d’arrondissement. Je demanderai si on ne peut faire remettre cette assignation au chef-lieu d’arrondissement ; car il ne faut pas forcer à des voyages les personnes qui vivent d’une pension.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Nous ne pouvons, à propos de la loi des pensions, modifier tout notre système de comptabilité. Il faudrait créer de nouveaux agents qui délivreraient des assignations sur les agents du caissier de l’Etat. Ce serait, je le répète, un nouveau mode à établir, et ce n’est pas incidemment que cela peut se faire.
M. Zoude, rapporteur – Ce qui nous avait décidé à faire notre proposition, c’est que dans certaines provinces, comme le Luxembourg, il est des endroits pour lesquels les communications avec la province sont difficiles. Le voyage devient dès lors frayeux et pénible. C’est pour éviter aux pensionnés ces frais et ces fatigues que nous avons inséré une disposition dans l’article. Je désirerais que M. le ministre trouvât le moyen de supprimer le voyage au chef-lieu de la province.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je citerai un exemple qui vous prouvera l’avantage que trouveront les pensionnés dans la suppression que je vous propose.
Une personne de Tervueren, village qui appartient à l’arrondissement de Louvain, obtient un mandat pour la remise de sa pension. Elle doit venir à Bruxelles réclamer l’assignation du directeur du trésor, et par suite de la disposition insérée à l’article 40, elle devrait se rendre à Louvain pour toucher le montant de cette assignation.
Si plus tard le gouvernement trouve le moyen de rendre ces formalités plus faciles pour les pensionnés, il ne manquera pas de le faire.
- La suppression proposée par M. le ministre des finances est adoptée. L’article ainsi amendé est adopté.
Les articles 41, 42 et 43, qui se rattachent à la question des veuves et des orphelins, sont ajournés.
« Art. 44. Les arrérages des pensions inscrites se prescriront par deux ans. Si le pensionnaire se présente après la révolution de deux années, la jouissance de la pension ne recommence qu’à compter du premier jour du trimestre qui suit celui dans lequel sa réclamation a été enregistrée au département des finances.
« Il n’y aura lieu à aucun payement d’arrérages au profit d’héritiers ou ayants cause, qui n’auraient pas produit dans l’année l’acte de décès du pensionnaire. »
- Cet article est adopté.
« Art. 45. La condamnation a une peine infamante emporte la privation de la pension ou du droit à l’obtenir ; la pension ne sera rétablie ou accordée que dans le cas de réhabilitation ou de grâce pleine et entière, sans rappel toutefois pour les arrérages antérieurement courus.
« Il sera loisible au Roi d’accorer à la veuve et aux enfants la quotité qui leur est attribuée par les dispositions du chapitre III, titre 2 de la présente loi. »
M. le président – La première partie seule de cet article est mise en discussion ; la seconde doit aussi être ajournée.
M. de Garcia – Messieurs, cet article contient différentes dispositions. La première partie du premier paragraphe prononce une peine, la seconde me paraît contenir un principe contraire à la prérogative royale et une violation de l’article 73 de la constitution. Je vais expliquer ma manière de penser à cet égard.
La première disposition est ainsi conçue : « La condamnation à une peine infâmante emporte la privation de la pension ou du droit de l’obtenir. » Comme j’ai eu l’honneur de vous le faire observer, cette disposition contient une peine, c’est évident.
La seconde disposition veut que cette peine ne soit remise que dans le cas où il y aurait remise pleine et entière de la condamnation encourue par le fonctionnaire, ou dans le cas où il y aurait réhabilitation.
Cette disposition, comme je le disais plus haut, me paraît contraire à l’article 73 de la constitution, qui établir la prérogative royale, et qui est ainsi conçue :
« Il (le Roi) a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux ministres. »
Je vois ici que le Roi a le droit de remettre tout ou partie de la peine. Or, la loi que nous faisons ôte au Roi la latitude qui lui est conférée par le pacte fondamentale. Outre que cette disposition est inconstitutionnelle, elle peut avoir de sérieux inconvénients. Qu’un citoyen, par exemple, par suite de condamnation soit privé de ses droits civiques, il peut se faire qu’il soit utile de conserver cette partie de la condamnation, et que d’un autre côté l’on ne puisse, sans une espèce d’injustice, se dispenser d’accorder une pension à un citoyen qui aurait rendu des services à son pays. Par l’admission du principe posé dans la loi, vous enlevez au Roi une partie de sa prérogative, vous ne l’autorisez à remettre la peine qui prive le condamné de sa pension, que pour autant qu’il lui fasse remise pleine et entière de la peine prononcée par le juge, ou que ce citoyen soit réhabilité.
Selon moi, il est évident que cette disposition est inconstitutionnelle et qu’elle est contraire autant à la prérogative royale qu’aux principes du droit et de justice bien entendue. En conséquence, je proposerai de la supprimer et de la remplacer par une autre en vertu de laquelle le Roi pourrait laisser jouir de la pension l’homme condamné à une peine afflictive sans lui faire remise pleine et entière de la peine et sans réhabilitation.
M. Dolez – Je crois qu’on pourrait faire droit à l’observation de M. de Garcia en supprimant les mots : « pleine et entière », et dire que la pension ne sera rétablie ou accordée que dans le cas de réhabilitation ou de grâce. La grâce pourrait porter sur la privation de la pension comme elle pourrait porter sur la peine partielle ou entière.
M. de Garcia – J’appuie cette rédaction.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je reconnais la justesse de l’observation de l’honorable M. de Garcia, et je me rallie à la rédaction proposée par l’honorable M. Dolez.
- La suppression des mots : « pleine et entière » est adoptée. La première partie de l’article 45, ainsi amendée, est adoptée.
« Art. 46. Les pensions et leurs arrérages sont incessibles et insaisissables, si ce n’est jusqu’à concurrence d’un cinquième pour dette envers le trésor public, et d’un tiers pour les causes exprimées aux articles 203, 205 et 214 du code civil. »
« Art. 47. Toute personne jouissant d’une pension sera tenue, sous peine de déchéance, tant à son égard qu’à l’égard de ses substitués en droit, d’avoir et de conserver son domicile dans le royaume, à moins d’une autorisation expresse du Roi pour résider à l’étranger.
« Art. 48 (nouveau). Tout fonctionnaire, magistrat ou employé qui aura bien mérité, dans l’exercice de ses fonctions, pourra, après la retraite, être autorisé par le Roi à conserver le titre honoraire de son emploi. »
« Art. 49. Les lois, arrêtés et règlements antérieurement rendus sur les pensions de retraite, qui font l’objet de la présente loi sont et demeurent abrogés à partir du …. sans préjudice aux dispositions du titre suivant. »
- Ces articles sont adoptés.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, l’on a ajourné le paragraphe 2 du chapitre IV, comme se rattachant à la question des veuves et des orphelins, mais les deux premiers articles de ce paragraphe sont tout à fait indépendants de cette question, nous pourrions donc prendre une résolution sur ces deux articles.
M. le président – L’article 33 est ainsi conçu :
« Art. 33. Les ministres des autres cultes, qui jouissent d’un traitement sur le trésor public, ont droit, lorsqu’à cause de leur âge ou de leurs infirmités ils sont obligés de se démettre de leurs fonctions, à une pension de retraite calculée d’après les règles établies dans le présent titre. »
M. de Langhe – Il me semble, messieurs, qu’il y a une corrélation entre cet article et la proposition de M. Doignon, car s’il suffit de recevoir un traitement d’une administration quelconque, ne fût-ce pas sur le trésor public, pour avoir droit à la pension, alors il faudrait supprimer dans l’article 33 les mots : « sur le trésor public », car il faut traiter les ministres des autres cultes de la même manière que les ministres du culte catholique.
Je demanderai donc que cet article soit ajourné jusqu’à ce que nous ayons pris une décision sur l’amendement de M. Doignon.
M. Dubus (aîné) – Il y a un autre motif pour ajourner cet article, c’est que nous ne savons pas s’il faut conserver les mots : « présent titre » ou les remplacer par ceux de « présente loi », qui se trouvent dans le projet du gouvernement. Cela dépendra de la manière dont on divisera la loi.
- L’ajournement est mis aux voix et adopté.
M. le président – Nous passerons aux dispositions transitoires
« Art. 50. Les fonctionnaires, magistrats et employés encore en fonctions, qui auront, par suite de leurs services, acquis des droits à la pension en vertu des lois et arrêtés précédents, pourront faire liquider leurs pensions d’après les bases indiquées dans ces lois et arrêtés, mais seulement pour les années de services antérieurs à la date de la présente loi. »
M. Jadot – Il me semble, messieurs, que l’on ne devrait discuter les dispositions transitoires que lorsque tous les autres articles du projet auront été votés.
M. de Garcia – J’appuierai l’ajournement par d’autres motifs encore. Si nous admettons le principe de l’amendement de l’honorable M. Doignon, d’après lequel il ne faudrait pas nécessairement avoir reçu un traitement sur le trésor pour avoir droit à une pension, je pense qu’il y aura lieu alors d’adopter une disposition transitoire en faveur des professeurs des athénées qui rendent de très grands services à l’instruction et qui ne sont cependant pas payés sur le trésor public. Je sais bien qu’ils reçoivent un subside de l’Etat, mais ils reçoivent aussi un subside des communes. Allez-vous régler la pension de ces professeurs uniquement sur le subside qu’ils reçoivent de l’Etat, ou la réglerez-vous sur les subsides qu’ils reçoivent de l’Etat, de la province et de la commune ? Avant de prononcer sur ce point il faut nécessairement examiner l’amendement de M. Doignon et je pense dès lors qu’il ne fait discuter les dispositions transitoires que lorsqu’on aura pris une décision sur cet amendement.
M. de Mérode – Le motif que fait valoir l’honorable M. de Garcia en faveur de l’ajournement ne me paraît pas fondé, car la situation des ecclésiastiques est une situation exceptionnelle, comme cela a déjà été démontré. Si donc on attribue des droits à la pension à certains ecclésiastiques qui ne reçoivent pas un traitement sur les fonds de l’Etat, il ne s’ensuivrait nullement que le même principe est applicable à tous les autres fonctionnaires qui ne sont pas rétribués par l’Etat.
M. de Garcia – Je n’ai pas dit, messieurs, que si nous adoptons l’amendement de l’honorable M. Doignon, cela devra nécessairement nous entraîner à accorder des pensions à d’autres fonctionnaires qui ne reçoivent pas un traitement sur le budget de l’Etat ; j’ai dit seulement que l’on pourra invoquer le principe de l’amendement en faveur d’employés qui rendent des services notables au pays. Quant à l’amendement de M. Doignon, tout exorbitant qu’il soit, j’avoue franchement qu’il est possible que je lui donne mon assentiment, parce qu’il y a des ecclésiastiques qui ne sont pas rétribués par l’Etat et qui rendent de très grands services ; et à propos de cette proposition, je n’hésite pas à dire que, quant à moi, je regarde la religion comme la meilleure garantie et la base la plus solide des gouvernements des Etats. Je crois donc que j’adopterai les principes de l’amendement de M. Doignon, mais circonscrit et limité.
Si le principe de cet amendement est admis par la chambre, j’en tirerai des conséquences pour l’appliquer aussi à d’autres fonctionnaires qui rendent de grands services, quoi que non rétribués exclusivement sur les fonds de l’Etat. Voilà le motif qui me porte à appuyer la demande d’ajourner l’examen des dispositions transitoires.
M. Dolez – Je ne pense pas que le motif présenté par l’honorable M. de Garcia soit de nature à faire ajourner la discussion des dispositions transitoires. Si des droits nouveaux pouvaient être admis par suite de l’amendement de l’honorable M. Doignon, M. de Garcia pourrait proposer alors telle disposition nouvelle qu’il jugerait convenable. J’ai moi-même une disposition transitoire de plus à présenter à la chambre, mais comme elle est subordonnée à la décision qui sera prise à l’égard des retenues, j’en ajournerai la présentation : cela ne m’empêchera pas cependant de concourir au vote de l’article 50 et des autres articles du titre des dispositions transitoires, parce que l’on pourra toujours présenter des dispositions nouvelles. Je ne vois donc pas qu’il faille ajourner la discussion de ce titre par le motif qu’a fait valoir l’honorable M. de Garcia. Il reste entièrement libre de faire la proposition à laquelle il a fait allusion.
M. Jadot déclare ne pas insister pour l’ajournement.
- L’article 50 est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai demandé la parole, messieurs, pour proposer un article additionnel au titre des dispositions transitoires. Il me paraît juste que les dispositions de la loi qui concernent les ministres, s’appliquent également aux anciens ministres, à tous ceux qui se sont trouvés à la tête d’un département ministériel depuis le 21 septembre 1830 et avant la promulgation de la loi.
J’ai donc l’honneur de proposer la disposition additionnelle suivante :
(M. le ministre des finances donne lecture de cet amendement.)
M. Dubus (aîné) – Je propose le renvoi à la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Oui, oui.
« Art. 51 nouveau. Le deuxième paragraphe de l’article précédent est applicable aux anciens pensionnaires qui rentreraient dans l’exercice de fonctions rétribuées par l’Etat. »
- Adopté.
« Art. 52. Les fonctionnaires et employés actuels ayant, avant la présente loi, plus de dix ans de services, pour lesquels ils ont contribué à la caisse de retraite, conformément au règlement du 29 mai 1822, auront droit, en ce qui concerne ces services, à la liquidation éventuelle de leur pension d’après les bases du règlement précité. »
M. Dubus (aîné) – Je crois que cet article doit être ajourné jusqu’à ce qu’on se sera prononcé sur l’article 1er. (Assentiment).
- L’article est ajourné.
« Art. 53. Les professeurs attachés aux universités avant la loi du 27 septembre 1835 auront également droit à la liquidation éventuelle de leur pension d’après les dispositions du règlement du 25 septembre 1816, mais seulement pour les services rendus avant la publication de la présente loi. »
- Cet article est ajourné, ainsi que l’amendement qui s’y rapporte.
La chambre ajourne également les articles 54, 55, 56 et 57.
« Art. 58. Hors le cas prévu par l’article 50, les pensions à accorder aux fonctionnaires et employés mentionnés dans les articles précédents, ne pourront, quels que soient leurs services antérieurs, dépasser le maximum fixé par la présente loi. »
- Adopté.
« Art. 59. Les dispositions de la présente loi sont applicables pour l’avenir à tous les ministres des divers cultes qui ont, à cause de leur âge ou de leurs infirmités, cessé leurs fonctions postérieurement à la publication de la constitution.
« L’inscription et le payement de leurs pensions, au taux fixé par la présente loi, n’aura lieu qu’à partir du … »
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, le motif de cette disposition provient de ce qu’à partir de la publication de la constitution, on n’a pas liquidé de pensions de l’espèce. Aucune pension ne pouvant être accordée, aux termes de l’article 115 de la constitution, qu’en vertu d’une loi, et comme il n’y avait pas de loi qui réglât les pensions des ministres des cultes, on n’a pas cru pouvoir accorder des pensions à ceux-ci ; l’on s’est borné à leur allouer des secours-pensions, qui ne sont pas des pensions proprement dites, et qui devront être liquidées conformément à la nouvelle loi. Mais l’article est incomplet ; non seulement on n’a pas accordé de pension aux ministre des cultes qui se sont trouvés, dans tous les cas d’en obtenir postérieurement à la constitution, mais on n’en a pas conféré non plus à d’autres qui avaient déjà été démissionnés avant la publication de la constitution, mais dont la pension n’avait pas été liquidée auparavant. Les ecclésiastiques de cette catégorie doivent être compris dans la disposition. Je proposerai donc de déterminer le premier paragraphe de l’article par ces mots :
« ou dont la pension n’avait pas été liquidée auparavant. »
M. Delehaye – Je demanderai s’il n’est pas d’autres fonctionnaires qui n’auraient pas obtenu la liquidation de leur pension, par suite de l’article 115 de la constitution. S’il en était ainsi, il faudrait étendre la disposition de l’article 9.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Il y avait une loi générale pour les pensions, applicable à tous les ordres de fonctionnaires publics.
M. de Theux – Je pense que tous les ministres du culte qui ont été démissionnés avant la publication de la constitution, ont reçu leur pension. Toutefois, comme je ne suis pas absolument certain du fait, je ne vois aucune difficulté à adopter l’amendement.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je n’ai proposé cet amendement qu’après avoir pris des renseignements dans mon administration.
M. Dechamps – Messieurs, il y a des fonctionnaires qui ne jouissent pas de la pension qui leur est due, à cause de l’ignorance où ils se trouvaient du délai pendant lequel eux ou leurs veuves avaient à faire valoir leurs droits. Je ne pense pas que l’Etat doive spéculer sur cette ignorance ; ne pourrait-on pas leur accorder un nouveau délai ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il existe, en effet, des fonctionnaires qui sont déchus de leurs droits pour une partie des services qu’ils ont rendu à l’Etat ; ce sont des employés qui contribuent à la caisse de retraite, qui, à leur entrée dans l’administration des finances avaient à faire valoir des services militaires, et qui dans les 6 mois n’ont pas déclaré ces services, conformément au règlement qui leur impose, en compensation de ce sacrifice une retenue extraordinaire. L’article 15 du projet de loi, article qui a été ajourné prévoit que ce cas, et si cet article est adopté, les personnes dont il s’agit seront relevées de la déchéance.
- Personne ne demandant plus la parole, l’article 59 avec l’addition proposée par M. le ministre de la justice, est mis aux voix et adopté.
« Le temps d’interruption du culte catholique sous le gouvernement de la république française, comptera dans la supputation du service. »
Adopté.
M. le président – Je prie la chambre de régler l’ordre de la discussion pour lundi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je prierai la section centrale de faire son rapport sur les divers amendement le plus tôt possible, pour que nous ne soyons pas obligés d’interrompre la discussion de la loi.
M. le président – En aucun cas, il n’y aurait lieu d’interrompre la discussion, car si le rapport de la section centrale n’était pas prêt, nous pourrions aborder la question des retenues. (Oui !) Je propose donc de maintenir à l’ordre du jour de lundi la loi des pensions ; de discuter les amendements si le rapport de la section centrale est prêt, ou si pas, d’entamer l’examen de la question des retenues. (Appuyé, appuyé !)
Je demanderai que la section centrale soit autorisée à faire imprimer son rapport avant de le déposer. (Oui, oui !)
- La séance est levée à 4 heures et ¼.