(Moniteur n°332 du 27 novembre 1840)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à 3 heures.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique à la chambre les pièces de la correspondance.
« Les brasseurs d’Anvers adressent des observations contre le projet d’augmentation du droit d’accises sur la bière. »
- Renvoi à la section centrale du budget des voies et moyens, et dépôt au greffe, à la disposition des sections.
« Le sieur Joseph de Jonghe, né en Hollande et habitant la Belgique depuis 1832, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Les administrations communales et des habitants des communes de Roevels et Weelde (province d’Anvers) demandent que leurs communes fassent partie (erratum au Moniteur du 28 novembre 1840) du canton de Turnhout. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les régisseurs de six wateringues situées à l’est de la Flandre occidentale, demandent la construction du canal de Zelzaete. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif à cet objet.
« L’administration communale et les habitants de Santvliet demandent que la chambre s’occupe du projet de loi relatif aux indemnités. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la matière.
M. Smits – Messieurs, je recommande à la sollicitude de la chambre une des pétitions dont il vient d’être donné lecture ; elle émane de l’autorité locale de Santvliet et demande que la chambre s’occupe le plus tôt possible de la loi sur les indemnités, de cette loi qui a été mise à l’ordre du jour trois ou quatre fois, et qui est présentée depuis 1833. L’honorable M. Lebeau, aujourd’hui ministre des affaires étrangères, vous disait déjà en 1837 que « reculer devant la loi des indemnités, c’était un déni de justice, et un déni de justice des plus cruels ; qu’il était de la sagesse du gouvernement, des chambres et de tous les pouvoirs de s’occuper enfin de cette question. » Je rappelle ces paroles à la chambre pour prouver que la pétition mérite toute sa sollicitude. J’ose la lui recommander de la manière la plus instante. Il est temps, messieurs, qu’on fasse cesser l’infortune des malheureux propriétaires des poldres inondés de Santvliet et de Lillo, et qu’on vienne enfin à leur secours, soit par une loi générale, soit par une loi particulière.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) dépose trois projets de loi dont le premier a pour objet d’allouer un crédit supplémentaire pour l’entretien des détenus pendant l’année 1840 ; le second a pour objet la création d’un nouveau siége militaire à la haute cour militaire ; et le troisième porte interprétation de la loi sur les adjudications de marchandises neuves.
Il est donné acte à M. le ministre de la présentation des projets, qui seront imprimés et distribués.
Le premier projet est renvoyé à la section centrale, chargée de l’examen du budget de la justice ; les deux autres sont renvoyés à des commissions qui seront nommées par le bureau.
M. Ullens lit un rapport sur les pétitions de différentes communes tendant à ce que le trésor public se charge de la totalité du traitement de leurs desservants et de leurs vicaires.
- Le rapport conclut au renvoi des pétitions à M. le ministre de la justice.
M. Delehaye – Je demande la parole.
Messieurs, comme déjà j’ai eu l’honneur de le faire remarquer à la chambre, les pétitions dont on vient de faire le rapport ont pour objet de retrancher du budget communal le supplément de traitement accordé aux desservant pour le porter au budget de l’Etat.
Aujourd’hui ces pétitions méritent une attention plus particulière.
Alors même que la constitution ne vous ferait point un devoir d’admettre la demande, l’équité, qui toujours a été le mobile de votre conduite parlementaire, vous engagerait à l’accueillir favorablement.
Plusieurs fabriques de toiles de lin et de coton ont cessé de travailler. Elles ont abandonné à eux-mêmes un grand nombre d’ouvriers qui ne tarderont point à ne trouver d’existence que dans la charité publique ; plusieurs d’entre eux seront entretenus aux frais des communes.
Je prie M. le ministre de soumettre promptement à la chambre le projet de loi si vivement réclamé.
Je n’entrerai point aujourd’hui dans d’autres détails, me confiant entièrement aux sentiments de justice qui distinguent ce haut fonctionnaire.
Lorsque la chambre sera saisie d’une proposition relative au traitement des desservants, j’aurai l’honneur de convaincre la chambre que les pétitions ne peuvent, sans injustice, être rejetées.
- Le renvoi des pétitions à M. le ministre de la justice est ordonné.
M. le président – La discussion générale est ouverte ; la parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, la chambre peut se rappeler qu’en 1833 le ministre du Roi à Vienne fut chargé d’une mission spéciale près la Sublime Porte.
Cette mission avait pour objet d’ouvrir des relations régulières entre les deux gouvernements et d’arriver à un traité de commerce et de navigation. Les efforts de notre ministre plénipotentiaire furent couronnés d’un plein succès : le 3 août 1838, il signa avec le ministre des affaires étrangères de la Porte un traité de commerce et de navigation qui, après avoir été ratifié par les deux monarques, a été porté à la connaissance des chambres pour recevoir la sanction dont il a besoin, aux termes de l’article 68 de la constitution.
M. le président a déjà donné lecture du projet de loi qui a déféré aux chambres l’examen de cette convention. Ce projet renvoyé dans le temps à une commission spéciale, y a fait l’objet d’une très longue et très sévère instruction, instruction que la commission crut utile de compléter en interrogeant les principales chambres de commerce du royaume.
Je dois prier la chambre de remarquer que presqu’à la même époque, un traité de commerce et de navigation avait été signé entre le gouvernement français et le gouvernement belge ; que ce traité de commerce fut également soumis à la sanction des chambres, livré à une instruction très minutieuse, très approfondie devant la commission spéciale ; et que le rapport présenté par l’honorable M. Mast de Vries concerne à la fois le traité signé avec la Porte Ottomane et le traité signé avec la France.
Bien que la commission conclue à la sanction de ces deux arrangements, il y a une assez grande différence dans son appréciation qu’elle fait du traité de commerce avec la Porte Ottomane, et du traité de commerce avec la France.
Dans l’opinion de la commission spéciale, le traité de commerce avec la France peut rencontrer des difficultés dans la discussion ; mais, quant au traité conclu avec la Porte Ottomane, aucune difficulté n’a été signalée ni par la commission spéciale, ni par les chambres de commerce qu’elle a consultées.
El l’on comprendra facilement qu’aucune difficulté ne pouvait s’élever à ce sujet, puisqu’après une lecture approfondie, un examen sérieux de cette convention, il paraît évident que la grave question des droits n’y était pas préjugée, tandis que cette question est entamée par le traité signé avec la France.
Que la chambre me permette de lui lire quelques fragments du rapport de la commission :
« Si nous avons tardé, dit-elle, à vous soumettre notre opinion sur ces conventions, c’est que nous avons voulu permettre à tous les intérêts de se faire entendre, à tous les renseignements de nous parvenir. Un appel indirect a été fait aux chambres de commerce ; celle d’Ostende, de Bruges, de Gand et d’Ypres ont fait parvenir des observations contre le traité conclu avec la France ; d’un autre côté, le gouvernement a reçu des félicitations et une complète adhésion à cette convention des chambres de commerce de Liége et d’Anvers.
« Aucune objection ne nous a été adressée contre le traité conclu avec la Sublime Porte, votre commission n’hésite donc pas à vous en propose l’adoption, qu’il mérite d’autant mieux qu’il garantir au pavillon et à l’industrie belges le traitement le plus favorisé dans toute l’étendue de l’empire ottoman. »
Voilà, messieurs, l’opinion de la commission spéciale qui s’est livrée, je le répète, à un travail assez long, puisque le projet de loi a été présenté le 20 novembre 1838, et que le rapport de la commission n’a été déposé que le 7 mai 1839. Je ferai remarquer que ce traité a reçu la ratification des deux souverains, qu’il s’exécute avec une fidélité scrupuleuse dans les ports de l’empire ottoman, et que ce serait manquer aux égards dus à une puissance amie, que de tarder plus longtemps à donner au traité le complément qu’il doit recevoir de votre sanction.
M. Desmet – Si je me lève, ce n’est pas pour m’opposer au projet de loi. Je désire seulement que M. le ministre des affaires étrangères me donne un renseignement. Il existe dans l’empire ottoman deux espèces de douanes, des douanes extérieures et des douanes intérieures ; le projet de traité s’étend-il aux deux douanes ?
C’est pourquoi je demande si nous avons la circulation entièrement libre.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – L’interpellation de l’honorable préopinant me fournit l’occasion de donner quelques explications qui sont en effet nécessaires. Elles le sont, surtout pour expliquer comment il se fait qu’un nouveau traité de commerce a été signé dans le courant de l’année actuelle, entre la Turquie et la Belgique. Le traité sur lequel la chambre a à délibérer en ce moment est antérieur à un fait très important, qui a modifié gravement l’administration intérieure de la Turquie.
Le traité donc il s’agit est du commencement du mois d’août 1838, époque à laquelle les opérations du commerce étranger étaient hérissées de difficultés, dans toute l’étendue de la Turquie, et cela par suite d’une multitude de privilèges et de monopoles.
Vers la fin de 1838, par suite de l’influence dont l’Angleterre jouissait alors sur le cabinet ottoman, il s’est opéré en Turquie une véritable révolution commerciale. Les monopoles ont été abolis, la faculté de faire le commerce à l’intérieur a été agrandie au profit du commerce étranger ; toutes ces dispositions ont été consacrées dans un traité fait à la fin d’août 1838 entre la Turquie et la Grande-Bretagne.
Mais ce traité était postérieur au traité fait avec la Belgique ; de là, la nécessité d’un nouveau traité pour mettre celle-ci en position de profiter de la mesure qui avait aboli les monopoles a profit d’une autre puissance, au profit de l’Angleterre.
Dans ce nouveau traité, qui vous sera soumis à une prochaine séance, il est fait droit à toutes les réclamations que vient de présenter l’honorable M. Desmet.
M. de Theux – Je pourrais ajouter à ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères, qu’en vertu de l’article 3 du traité en discussion les sujets belges et turcs doivent jouir de tous les avantages accordés aux nations les plus privilégiées, qu’en fait les sujets Belges ont joui immédiatement du traité entre la Sublime Porte et la Grande-Bretagne.
Le nouveau traité n’est donc qu’une précaution qu’on peut qualifier de surabondante. Toutefois, il vaut mieux avoir la question décidée par un traité.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je suis jusqu’à un certain point de l’avis de l’honorable préopinant que le nouveau traité est une précaution surabondante ; je dis jusqu’à un certain point, car je ne suis pas sans quelque doute à cet égard, et je dois le remercier d’avoir reconnu que la précaution pouvait encore être utile. Je rends moi-même hommage à la sollicitude qui l’a porté à provoquer un deuxième traité.
Je ferai remarquer que les autres puissances qui pouvaient exciper aussi des traités antérieurs pour soutenir qu’elles avaient le droit d’être assimilées aux nations les plus favorisées, c’est-à-dire avec l’Angleterre, qui venait de stipuler l’abolition des monopoles, ont cependant conclu des traités spéciaux. Elles ont donc jugé la position de leur commerce comme la Belgique a jugé la position du sien, en sollicitant un nouveau traité.
M. de Foere – La très grande majorité de la chambre a été très étonnée que cette question importante ait été hier au soir mise à l’ordre du jour de cette séance. Aussi cette même majorité n’est pas préparée à la discussion. Nous nous trouvons au dépourvu. Un grand nombre des membres de la chambre n’est pas en possession du projet de loi, ni du traité de commerce conclu avec la Porte Ottomane, ni du rapport de la commission qui a été chargée de l’examiner.
Deux fois, messieurs, ce traité a été annoncé dans le discours du trône et deux fois vous avez répondu, dans votre adresse de l’année dernière et dans cette de cette année, que vous examineriez avec beaucoup de soin ce traité de commerce.
Maintenant, on vous propose de voter ce traité en quelque sorte sans examen ; c’est-à-dire, on vous propose de donner un démenti à votre réponse au discours du trône par laquelle vous vous êtes engagés envers la couronne d’examiner et de discuter ce traité de commerce avec toute l’attention qu’exige l’importance de cette matière.
La chambre est d’autant plus étonnée de cette proposition subite que le projet n’est accompagné d’aucun développement propre à l’éclairer sur cette grave question. Aucun article du traité n’est justifié. On cherche en vain dans l’exposé des motifs aucun éclaircissement sur les nombreuses dispositions du traité, tandis que les projets de loi de peu d’importance sont précédés, presque toujours, de développements très nombreux pour les justifier. Ni le projet présenté par le gouvernement, ni le rapport de la commission ne donnent aucune espèce de développement sur aucune des dispositions du traité de commerce conclu avec la Porte Ottomane. Je ne conçois pas qu’il soit possible d’examiner sérieusement aujourd’hui une semblable proposition qui, par ses dispositions et par les conséquences qui peuvent en résulter pour le pays, est de la plus grande importance. Je ne pense donc pas qu’on puisse prudemment s’occuper aujourd’hui de la discussion d’un semblable projet.
Afin de surprendre, en quelque sorte, le vote du traité soumis à votre sanction, M. le ministre des affaires étrangères vous dit que le projet n’a pas besoin de discussion, que l’avis des chambres de commerce a été appelé sur ce traité. Cet avis n’a pas été demandé. C’est moi-même qui ai fait la proposition à la chambre de demander l’avis de toutes les chambres de commerce. On a répondu que les chambres de commerce, ayan connaissance du traité par la voie des journaux, pouvaient, si elles le voulaient, donner leur opinion. Quelques chambres seulement ont donné leur opinion spontanément.
L’honorable ministre des affaires étrangères vous dit aussi que ce traité de commerce n’a subi, de la part des chambres de commerce, aucune objection. La raison en est que le projet de traité avec la France était simultanément présenté avec le projet conclu avec la Porte Ottomane ; et que le premier de ces deux traités à raison de ces dispositions désastreuses, a occupé toute l’attention du petit nombre de chambres de commerce qui ont répondu sans avoir été directement consultées.
C’est le traité de commerce avec la France qui a absorbé toute leur attention. Le traité avec la Porte, ne contient pas de dispositions dont les dispositions et les conséquences soient aussi sérieuses pour le commerce intérieur et maritime du pays. Il serait donc tout à fait illogique de tirer une conséquence positive, d’abord du silence du plus grand nombre des chambres de commerce qui n’ont donné aucun avis, parce qu’elles n’ont pas été consultées, ensuite du silence d’un petit nombre d’autres qui n’ont donné leur opinion que sur le désastreux traité conclu avec la France, parce que ce traité les avait particulièrement préoccupés.
L’honorable ministre dit encore : le traité est maintenant ratifié entre les deux cours ; ce serait une inconvenance de le rejeter. C’est vouloir éluder la disposition constitutionnelle par laquelle il est statué que les chambres législatives sont investies du droit de sanctionner les traités de commerce avant qu’ils soient mis en exécution. S’il y a inconvenance, elle est du côté du gouvernement. Nous nous trouvons dans l’alternative ou de rejeter le traité et de nous rendre en quelque sorte coupables de cette inconvenance envers la Porte Ottomane, ou d’admettre le traité alors qu’il pourrait être contraire aux intérêts du pays. Affin de ne pas nous placer dans cette situation difficile, il était du devoir du gouvernement de présenter aux chambres la sanction du traité avant de le ratifier.
Si un ministère professait une politique en commerce extérieur, tout à fait contraire à l’opinion et aux intérêts du pays, il résulterait d’un semblable procédé, qu’un gouvernement pourrait ratifier des traités de commerce sans en demander préalablement la sanction à la chambre et puis venir taxer d’inconvenance le rejet de ces traités. Messieurs, c’est pour éviter ces abus que la constitution a exigé la sanction préalable. Afin de procéder d’une manière conforme à la disposition constitutionnelle, les traités de commerce projetés avec les gouvernements étrangers doivent être soumis à la chambre avant d’être ratifiés.
L’honorable ministre des affaires étrangères vous a dit aussi que vous pouviez accepter ce traité sans préjuger la grave question des droits différentiels de navigation commerciale. Or, l’article 11 du traité est basé sur le système suivi par la Porte Ottomane, système qui admet la navigation étrangère sur le pied des nations les plus favorisées.
La Porte admettra donc nos navires sur ce pied ; mais sommes-nous en possession de renseignements ou de documents suffisants pour juger l’application et les conséquences de l’article 11 du traité ? Savons-nous si la Porte se réserve, ou non, des droits de protection quant au tonnage et au pilotage ? Or, il résulterait de l’article précité que les navires de la Porte ne seraient soumis dans nos ports à aucun droit de tonnage et de pilotage, attendu que nous avons aboli ce droit à l’égard de presque toutes les nations, en qu’en conséquence il faudrait admettre les navires de la Porte sur le pied des nations les plus favorisées. Nous pourrions donc payer ces droits dans les ports de la Turquie, tandis que ces navires n’y seraient pas assujettis dans nos ports. Ce serait donc un principe de réciprocité entièrement brisé.
Il résulte une autre conséquence du vote du projet sans l’examiner avec maturité. Ce traité doit probablement servir de modèle aux autres traités de commerce que le gouvernement pourra conclure. Je ne dis pas que ce soit une nécessité absolue, mais il sera très difficile de contracter avec d’autres gouvernements des traités de commerce, si vous ne leur accordez pas les mêmes faveurs que vous aurez accordées à la Porte Ottomane. Et si vous accordez à d’autre, surtout aux nations voisines et à celles qui ont une grande navigation, les mêmes faveurs, j’ose vous prédire que votre commerce extérieur sera détruit.
Ce serait l’étranger qui ferait le commerce dans nos ports, qui exporterait ses marchandises de ses ports et importerait chez nous les produits exotiques dont nous avons besoin pour la consommation intérieure ; et nous, nous n’exporterions pas les produits de notre industrie par la raison que nous n’importerions pas de loin les articles exotiques que nous n’aurions pu échanger contre nos propres produits.
Je le répète, il sera très difficile de contracter avec les autres gouvernements des traités de commerce, alors que vous n’accorderiez pas à ces gouvernements les mêmes faveurs que vous accordez à la Porte Ottomane. Il est stipulé dans presque tous les traités de commerce que les faveurs accordées, pendant la durée du traité, à une autre nation, seront censées être de fait accordées à la nation avec laquelle on a déjà traité.
Je vous ai déjà fait remarquer, que, sous le rapport du tonnage et du pilotage, le principe de réciprocité n’est pas observé, du moins il n’est donné à cet égard aucuns renseignements dans les développements, soit du projet du gouvernement, soit du rapport de la commission.
Ensuite il est fait, à la règle générale dans l’article 11, une exception à l’égard du poisson et du sel que la Porte Ottomane ne pourra importer chez nous. Quelle nécessité y avait-il, je le demande, de défendre à la Porte Ottomane d’importer chez nous du poisson salé ou frais ? L’importation en est impossible.
J’appelle, messieurs, votre attention sur cette exception absurde, parce que, si le traité doit servir de type à d’autres traités à contracter avec les nations voisines, cette exception prépare la voie à ces traités qui, sous le rapport de leurs autres dispositions, seraient très nuisibles au commerce du pays. C’est vous prouver combien il est nécessaire d’examiner ce traité avec maturité. J’ai dit que l’exception est absurde pour le poisson ; elle ne l’est pas moins pour le sel ; en effet, le prix du fret pour le transport du sel de Turquie en Belgique comparé à celui importé d’Angleterre ou de France, serait tellement élevé que l’importation en est encore impossible.
Je demande que la chambre ajourne la discussion de ce projet et que, conformément à la promesse qu’elle a faite au Roi dans deux adresses, elle soit conséquente avec elle-même et qu’elle examine sérieusement le traité conclu ave la Porte Ottomane. Nous ne pouvons nous occuper maintenant de ce traité qui a été présenté à la discussion par surprise.
Je ne suis pas contraire à un traité avec la Porte Ottomane. Un traité avec ce pays doit être d’autant plus avantageux qu’il n’a pas beaucoup de navigation lointaine et que par conséquent nous ferons le commerce dans ses ports. C’est par cette même raison que, pendant que nous étions sous le régime précédent, le gouvernement hollandais, qui connaît à fond les intérêts et les besoins du commerce maritime, n’avait traité qu’avec le Brésil. Ce pays ne possède pas de marine propre à la navigation lointaine. Tous les avantages étaient de notre côté. Lorsqu’il a craint que nous lui enlevassions le transit, le gouvernement des Pays-Bas est entré en négociation avec l’Angleterre et les Etats-Unis.
Je demande l’ajournement de la discussion à mardi prochain.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – S’il est quelque chose qui eût dû surpendre l’honorable préopinant, ce n’est pas que le projet fût à l’ordre du jour (projet qui a reçu la plus grande publicité, qui a été examiné par la presse, par les chambres de commerce, par une commission spéciale de la chambre) ; si quelque chose avait dû le surprendre, c’est que ce traité, signé depuis deux ans, ne fût pas encore sanctionné par la chambre.
Sans vouloir ici exercer une censure sur qui que ce soit, je dirai seulement qu’en continuant à procéder ainsi pour nos relations internationales, nous rendions extrêmement difficile la position des envoyés de la Belgique à l’étranger lorsqu’ils auraient à solliciter des stipulations commerciales. Voilà plus de deux ans que le traité est déposé sur le bureau ; non seulement il a été examiné, je le répète, par une commission spéciale et par la plupart des chambres de commerce, mais encore il a été examiné minutieusement par la presse ; grâce à la publicité qu’on lui a donné, il l’a pu l’être par tout le monde.
Assurément, je fais grand cas des chambres de commerce, je crois que dans beaucoup de circonstances on peut utilement les consulter ; mais faut-il considérer ce recours aux lumières des chambres de commerce comme une règle inflexible ? Ce serait peut-être faire bon marché à la dignité de la chambre, ce serait un acte d’humilité auquel, comme membre de la représentation nationale, je ne saurais souscrire. Tout en reconnaissant les bons effets qu’a souvent la consultation des chambres de commerce, je ne la regarde pas comme une règle dont on ne puisse en aucun cas s’affranchir.
La seule difficulté qui semble arrêter l’honorable préopinant (et cela à ma grande surprise, car j’avais compté sur son appui dans cette discussion), ce sont les termes de l’article 11 qui lui semblent présenter une question grave. L’article 11 ne présente pas, à mon avis, une telle question ; que dit-il ? La substance de cette disposition est que la Porte Ottomane est placée vis-à-vis de la Belgique dans la position des nations les plus favorisées. Je crois que l’honorable membre a pensé qu’il s’agissait ici d’assurer le traitement national à la Porte Ottomane. Ce n’est pas cela ; il s’agit seulement de lui assurer le traitement des nations les plus favorisées. Que résulte-t-il de là ? que si vous voulez favoriser une nation quelconque par l’abolition des droits différentiels, la Porte Ottomane aura droit à être traitée de la même manière ; mais si vous voulez ne favoriser aucune nation par l’abolition des droits différentiels de douanes et de navigation, la Porte Ottomane n’aura jamais le droit de réclamer cette abolition. Si je ne me trompe, quelque défiance que je doive avoir de moi-même en présence des lumières de l’honorable préopinant, voilà toute la substance de l’article 11. J’ai donc raison de dire que la question des droits différentiels qui éveille la susceptibilité de l’honorable préopinant, ne semble pas même effleurée dans cet article.
Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant sur l’espèce de ridicule qu’il y aurait à avoir fait du commerce du poisson et du transport du sel l’objet de deux exceptions dans un traité avec la Turquie, je crois qu’on a parfaitement fait en posant ces exceptions. Veuillez remarquer qu’il ne s’agissait pas seulement ici de ce qui se passe entre la Turquie et nous ; mais il s’agissait d’une disposition générale ; il s’agissait de rendre hommage à ce principe de notre droit douanier qui fait du commerce du poisson et du sel une sorte de monopole en faveur de la marine nationale. Voilà sous l’influence de quelle considération cette clause, que vous trouverez dans presque tous les traités signés entre la Belgique et les puissances étrangères, a été introduite dans le traité.
Ce qui est vrai pour le poisson et le sel est vrai pour tous les produits, car la marine turque ne quitte guère la Méditerranée, et ne se montre point dans nos ports.
Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant sur des droits différentiels de navigation, que nous aurions à payer à la Porte Ottomane, je crois pouvoir encore lui donner pleine satisfaction en lui disant que, d’après mes renseignements, la porte ne perçoit aucun droit de navigation soit de tonnage, de quai, de pilotage, etc. Il n’y a à payer que quelques droits de feu modérés, fixés de commun accord entre la Porte Ottomane et toutes les nations qui font le commerce avec les ports de la Turquie.
M. de Theux – Je pense, messieurs, qu’il est temps de discuter ce traité ; depuis deux ans la Belgique jouit de tous les avantages qui en résultent.
- L’ajournement est mis aux voix, il n’est pas adopté.
La discussion continue sur le fond.
M. de Theux – Messieurs, s’il est un pays avec lequel il fut nécessaire de conclure un traité de commerce et de navigation, c’est assurément la Porte Ottomane, par cette raison que les nations qui n’ont pas de traité avec cette puissance n’ont aucune garantie pour leurs nationaux, que leurs sujets sont exposés absolument au régime de l’arbitraire ; les sujets, au contraire, des Etats qui ont des traités de commerce sont placés sous la protection stipulée par ces traités ; ils obtiennent leurs juges naturels, c’est-à-dire leur propre consul.
D’ailleurs, messieurs, on sait que la Belgique a un commerce important avec l’empire ottoman, tandis que les sujets de cet empire ne font presque point de commerce chez nous ; il arrive très peu de navires turcs dans nos ports, comparativement aux navires belges qui se rendent dans les ports de la Turquie.
Vous voyez donc, messieurs, que tous les avantages sont en faveur de la Belgique. Aussi ne s’est-il élevé jusqu’ici aucune réclamation contre ce traité.
Malgré que les ratifications aient été échangées immédiatement, la chambre est toujours libre de rejeter le traité, sauf alors à rentrer dans le droit exceptionnel, à être privé de tous les avantages que le traité nous assure ; mais il y avait pour la Belgique une immense utilité à échanger de suite les ratifications ; de cette manière nous sommes entrés immédiatement dans la jouissance de tous les avantages dont jouissent les nations les plus favorisées ; nous avons assuré immédiatement à nos nationaux la protection stipulée par le traité.
Ainsi, messieurs, quoique parfaitement d’accord sur les principes avec l’honorable député de Thielt, je crois que la marche suivie en cette circonstance a été entièrement conforme à ce qu’exigeaient les intérêts du pays.
J’ai lu et relu attentivement l’article 11, dont l’honorable M. de Foere a fait la critique, et il m’a été impossible de découvrir dans cet article qu’il existe le moindre avantage en faveur de la Porte Ottomane dont la Belgique ne jouisse également, bien au contraire, deux exceptions à la réciprocité ont été stipulées en faveur de la Belgique. M. le ministre des affaires étrangères a déjà répondu à ce qui a été dit relativement à l’espèce de ridicule que l’on a voulu jeter sur ces exceptions, que c’est un principe que l’on a voulu consacrer dans le traité ; mais il y a plus, messieurs, c’est que cette disposition a un côté utile, car les navires turcs auraient pu, chemin faisant, charger du poisson et du sel pour les importer en Belgique.
L’honorable député de Thielt craint que si le traité est sanctionné par la législature, la Belgique ne soit obligée à faire les mêmes stipulations avec toutes les puissances, sous peine de ne pas pouvoir traiter. Je ne crois pas qu’une conséquence aussi rigoureuse puisse être déduite de l’adoption du traité. En effet, messieurs, rien n’empêche de ne pas stipuler avec d’autres puissances, les mêmes conditions qui ont été stipulées avec la Porte Ottomane ; si vous stipulez avec d’autres puissances qu’elles jouiront des avantages stipulés dans le traité dont il s’agit en ce moment, évidemment ce sera moyennant des avantages réciproques en votre faveur. Dans tous les cas, jusqu’à présent aucun traité avec d’autres puissances n’est parfait, et pour les traités à sanctionner, la chambre pourra apporter dans la loi telle exception qu’elle jugera utile aux intérêts du pays ; la législature demeure entièrement libre à cet égard.
Depuis que le traité a été conclu avec la Porte Ottomane, aucune réclamation n’est parvenue au gouvernement de la part d’armateurs belges, ce qui est bien une preuve évidente que le traité reçoit une loyale exécution, et qui ne renferme aucune espèce d’avantage au profit de la Porte Ottomane qui ne soit stipulé également au profit de la Belgique. C’est là, en fait, la meilleure réponse que l’on puisse donner à ceux qui craindraient de voter le traité ; ni de la part de négociants établis dans le Levant, ni de la part de négociants établis en Belgique, il n’est parvenu au gouvernement aucune espèce de réclamation. Depuis deux ans, la Belgique jouit de tous les avantages qui ont été accordés aux nations les plus favorisées, telles que la Grande-Bretagne et la France.
Je pense donc que la chambre peut en toute sécurité adopter le projet de loi dont elle est saisie.
M. de Foere – Je ferai remarquer à la chambre qu’en proposant l’ajournement qui a été rejeté, je n’avais nullement en vue de reculer indéfiniment la discussion du traité. Souvent j’ai demandé moi-même que cette discussion eût lieu. J’ai désiré seulement que la chambre pût examiner ce traité, et le voter en connaissance de cause. Quelques-unes des dispositions du traité ont été éclaircies. M. le ministre de l’extérieur a déclaré que le traité ne préjuge rien sur la grave question des droits différentiels. C’était un des apaisements que je désirais obtenir.
L’honorable député de Hasselt se trompe s’il croit que l’exception du sel et du poisson nous sont exclusivement favorables. J’ai déjà démontré que ces probabilités sont absurdes, parce que l’importation de ces articles par navires turcs, est impossible. Ensuite l’honorable membre n’a pas remarqué que, par l’article 11 du traité, la Porte se réserve l’exportation et l’importation de certains articles, attendu qu’il y est dit : « Les navires belges pourront importer et exporter tous les produits et marchandises quelconques qui pourront être importés ou exportés, etc. » Il est donc des articles qui ne pourront pas l’être, et que la Porte frappe de prohibition à l’importation et à l’exportation.
L’honorable ministre des affaires étrangères se trompe, de son côté, en soutenant que l’exception du sel et du poisson devait être stipulée dans le traité, par la raison qu’elle est dans nos lois. Si elle est dans nos lois, il n’était pas nécessaire de la stipuler dans le traité, attendu qu’alors aussi elle affecte les autres nations et que, d’après le traité, nous n’admettons la Porte que sur le pied des nations les plus favorisées.
C’est pour rechercher les motifs qui ont fait insérer cette exception dans le traité, que j’aurais voulu que la chambre prît le temps d’approfondit les stipulations du traité.
Je l’ai déjà dit, et je suis à cet égard parfaitement d’accord avec l’honorable député de Hasselt, je ne suis pas contraire à un traité à conclure avec la Porte Ottomane ; il est toujours avantageux de traiter avec des pays lointains qui n’ont pas de navigation, mais vous arriveriez à un résultat contraire, si vous traitiez sur le même pied avec des nations maritimes, qui absorberaient tout notre commerce maritime.
Ainsi, messieurs, s’il est vrai, comme l’a assuré M. le ministre des affaires étrangères, que la Porte Ottomane, ne perçoit pas de droits de tonnage et de pilotage ; s’il est vrai, d’un autre côté, que le gouvernement ne tirera aucune espèce d’avantage des principes posés dans les dispositions du traité, pour préjuger la grave question des droits protecteurs à accorder à la navigation nationale, s’il est vrai que le traité ne doit pas servir d’antécédents et que tous les principes restent saufs, alors je ne m’opposerai pas à son adoption.
- Un grand nombre de membres demandent la clôture.
La clôture est mise aux voix et adoptée.
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’article unique du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 61 membres présents.
Ce sont MM. Brabant, Buzen, Cogels, Cools, Coppieters, de Behr, de Brouckere, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Nef, de Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Lange, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Wallaert, Zoude et Fallon.
M. le président – Le bureau a nommé la commission chargée de l’examen du projet de loi sur l’augmentation du personnel de la haute cour militaire. La commission se compose de MM. Raikem, de Puydt, Fleussu, Scheyven et de Villegas.
Le bureau a également nommé la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les ventes à l’encan ; elle se compose de MM. Delehaye, Van Volxem, Lys et Cogels.
- La chambre décide qu’elle se réunira demain en séance publique à 3 heures, pour s’occuper de prises en considération de demandes en grande naturalisation.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) donne lecture d’un projet de loi relatif au traité de commerce conclu entre la Belgique et les Etats-Unis, le 29 mars 1840.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.
M. Delehaye – Ce traité de commerce est bien autrement important que celui que nous venons de voter ; je demande qu’il soit renvoyé à l’avis des chambres de commerce. D’ailleurs nous avons du temps devant nous ; les chambres de commerce pourront faire parvenir promptement leurs avis, et nous serons dès lors à même de prendre une décision en parfaite connaissance de cause.
M. Mast de Vries – Voici ce qui s’est passé lorsqu’il s’est agi des traités de commerce avec la Porte Ottomane et la France. On a nommé une commission qui ne devait présenter son rapport qu’après un temps donné, les chambres de commerce ont été averties qu’elles pourraient envoyer leurs renseignements et leur avis, soit au gouvernement, soit à la commission. C’est ainsi que les avis de ces corps nous sont parvenus pour les deux traités dont il s’agit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, je ne m’oppose nullement à ce qu’on suive encore cette marche, mais il me semble qu’il est assez peu conforme à la dignité de la chambre de subordonner son opinion à des avis des chambres de commerce. Que ces corps émettent leur opinion, maintenant qu’ils seront avertis par le Moniteur et les autres journaux, rien de plus naturel : mais, je le répète, il serait peu convenable de la part d’une chambre représentative de consulter, comme chambre, des chambres de commerce locales.
M. Smits – Messieurs, d’après la constitution, le Roi a le droit de faire des traités et de déclarer la guerre. Si donc la chambre soumettait aux chambres de commerce un acte émanant directement du pouvoir souverain, ce serait déroger aux prérogatives de ce pouvoir ; et la chambre l’a bien senti lorsqu’elle a refusé d’accueillir une pétition de la chambre de commerce de Bruges qui demandait que les traités de commerce avec la France et la Porte Ottomane fussent renvoyés à son avis.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, je voudrais pouvoir trouver un terme de conciliation entre l’opinion de l’honorable M. Smits et celle de l’honorable M. Delehaye. Je reconnais qu’il peut y avoir beaucoup de bon dans la motion de l’honorable M. Delehaye, mais je crois que, sous le point de vue pratique, il devrait trouver une satisfaction complète dans la déclaration faite, je pourrais dire, au nom de la chambre entière, et qu’on peut convertir en résolution, que la commission ou la section centrale, si elle juge qu’elle ait besoin des avis des chambres de commerce, ne manquera pas de consulter ces corps.
Messieurs, lorsqu’un gouvernement étranger est intéressé dans de pareilles questions, je ne sais s’il est sage de consulter ainsi officiellement des autorités secondaires, s’il est bien convenable de subordonner l’appréciation d’un traité à l’opinion de corps consultatifs dont toutefois je ne méconnais ni le patriotisme, ni les lumières. Je ferai remarquer en outre que le traité dont il s’agit est déjà assez ancien et que l’époque où son exécution doit commencer expire au mois de mars prochain. Il y a d’autant plus de raison d’agir ici avec assez de célérité, que nous n’avons pas été très heureux dans nos premières relations avec les Etats-Unis d’Amérique, parce que notre premier traité avec l’Union n’a pu être ratifié ; de sorte qu’il y a ici une circonstance qui doit nous rendre beaucoup plus attentifs à ne pas blesser les susceptibilités d’un gouvernement qui, malgré un précédent fâcheux pour lui, a bien voulu se prêter à négocier un nouveau traité de commerce avec la Belgique.
M. Delehaye – L’honorable M. Smits n’a pas fait attention qu’il faisait le procès à la constitution. La constitution permet au Roi de faire des traités de commerce, mais elle donne aussi à la chambre le droit de les examiner et de les sanctionner.
Le traité dont il s’agit concerne spécialement les chambres de commerce. Il y a peu de membres de cette assemblée qui possèdent des notions précises sur ces questions ; nous ne pouvons donc nous entourer de trop de lumières. Je persiste en conséquence dans ma proposition.
M. Mast de Vries – Je demande qu’une commission soit nommée pour examiner le traité. Il serait entendu qu’elle ne ferait son rapport qu’après les vacances du nouvel an. Dans l’intervalle, les chambres de commerce pourraient envoyer leurs avis.
M. de Foere – La chambre ne déroge pas à sa dignité, en consultant les chambres de commerce. Je le concevrais, si la décision appartenait aux chambres de commerce ; mais il s’agit simplement de demander leur avis. D’ailleurs, comme on l’a fait observer, ce sont des questions sur lesquelles la plupart des membres de la chambre n’ont que des notions vagues. Il sera donc utile et même nécessaire de consulter les chambres de commerce. On pourrait, au besoin, les inviter à donner leurs avis dans un délai de trois semaines. Si vous laissez les chambres de commerce libres de répondre ou de ne pas répondre, vous verrez se reproduire ce qui est arrivé, par rapport aux traités avec la France et la Porte Ottomane, c’est-à-dire que quatre ou cinq chambres seulement donneront leur avis.
M. de Theux – Il est évident pour tout le monde que les chambres de commerce vont être suffisamment prévenues, et qu’elles s’empresseront d’examiner le traité. Il est entendu que d’ici à un mois elles auront à envoyer à la chambre ou à la commission toutes les observations qu’elles auront à présenter.
M. Delehaye – C’est précisément après la discussion qui vient d’avoir lieu que les chambres de commerce croiront que vous n’avez pas de confiance en elles. (Non ! non !) L’honorable M. de Theux dit qu’elles sont prévenues qu’elles doivent envoyer leurs avis, mais elles sont prévenues aussi que vous n’avez pas voulu adopter ma proposition.
M. Mast de Vries – Il y a un précédent, celui des traités conclus avec la France et la Porte Ottomane : les chambres de commerce ont senti qu’il était de leur intérêt aussi que vous n’avez pas voulu adopter ma proposition.
- Personne ne demandant plus la parole, M. le président met aux voix la proposition de M. Mast de Vries, tendant à ce qu’une commission soit nommée, à l’effet d’examiner le projet de traité avec les Etats-Unis.
Cette proposition est adoptée.
La chambre décide ensuite que la commission sera nommée par le bureau.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) dépose ensuite un projet de loi tendant à opérer un transfert du budget de 1839 à 1840.
- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet, qui sera imprimé et distribué.
La chambre en ordonne le renvoi à la section centrale chargée de l’examen du budget des affaires étrangères.
- La séance est levée à 4 heures et demie.