(Moniteur belge n°352 du 18 décembre 1839)
(Présidence de M. Fallon)
M. Lejeune procède à l’appel nominal à 2 heures. La séance est ouverte.
M. Mast de Vries donne lecture du procès-verbal de la séance d’avant-hier, dont la rédaction est adoptée.
M. Lejeune fait connaître l’analyse des pétitions suivantes :
« La chambre de commerce de la ville d’Ypres adresse des observations contre la concession du canal de l’Espierre. »
« Même pétition du conseil communal de la ville d’Ypres. »
- Renvoi à la section centrale du budget des travaux publics.
« Les débitants en détail de boissons distillées de la ville de Lierre demandent l’abrogation de la loi du 18 mars 1838. »
Dépôt au bureau des renseignements.
« La régence et des habitants de Tronchiennes demandent le maintien de la section actuelle du chemin de fer entre Gand et Bruges. »
- Renvoi à M. le ministre des travaux publics.
« Le conseil communal de Stabroek, demande qu’il soit porté au budget de 1840 une somme destinée à acquitter les prestations militaires de cette commune à l’armée française en 1832. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« Les sieurs Roelant et Degraeve, à Gand, demandent qu’il soit pris des mesures pour leur assurer le paiement de la pension à laquelle ils ont droit comme membres de la légion d’honneur. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions – La chambre, dans une de ses précédentes séances, a demandé un prompt rapport sur la pétition de la ville de Saint-Hubert, et pour vous faire apprécier l’importance de la demande qui vous est faite, je vous prierai, messieurs, de me permettre de vous retracer la série des événements dont cette ville a été le jouet et dont elle est maintenant la victime.
La ville de Saint-Hubert, célèbre dans l’univers chrétien, remarquable par la beauté de son temps, l’un des plus magnifiques que la Belgique possède, cette ville vécut dans une certaine aisance aussi longtemps, qu’elle fut soutenue par son abbaye, l’une des plus riches du pays.
Lors de la conquête de la Belgique par la France, Saint-Hubert fut le chef-lieu provisoire de la province, et successivement celui d’un arrondissement administratif et judiciaire.
Cet état de choses subsista jusqu’au moment où le pays fut envahi par les armées alliées, et le Luxembourg passant sous la domination de la Prusse, le gouverneur général d’entre Meuse et Rhin supprima le district administratif de Saint-Hubert et décréta en même temps la suppression du tribunal de Neufchâteau pour l’incorporer dans celui de Saint-Hubert ; ce décret ne reçut pas son exécution quant au tribunal de Neufchâteau.
Mais le régime prussien n’ayant eu qu’une durée éphémère, la province passa sous le sceptre de Guillaume, et ce fut quelque temps après que les états provinciaux émirent spontanément le vœu que les trois tribunaux de la partie wallonne fussent fondus en un seul, dont le siège serait établi à Saint-Hubert ; mais diverses manœuvres firent avorter ce projet, et Saint-Hubert, qui avait été au moment d’occuper un des premiers rangs de la province, fut frappé d’anéantissement par la loi qui supprimait son tribunal ; mais alors le roi Guillaume engagea sa parole royale que le jour même où la loi recevrait son exécution, Saint-Hubert serait amplement indemnisé, et cette ville jouirait maintenant de cette indemnité si Guillaume était resté sur le trône de la Belgique ; et encore, s’il eût ratifié, en 1831, le traité de paix que, pour son malheur et le nôtre, il n’a ratifié qu’en 1839. Saint-Hubert aurait alors obtenu d’être le chef-lieu provincial, et le gouvernement ne désavouera pas ce que je dis avec assurance.
Mais, ô vicissitudes des choses humaines ! lorsque la chambre amendant le projet du gouvernement, vota seulement deux arrondissements judiciaires, Saint-Hubert obtenait infailliblement l’un d’eux ; mais le sénat et la chambre, par un deuxième vote, en décidèrent autrement, et Saint-Hubert tomba dans l’abîme de la suppression.
Cependant le gouvernement, solidaire des engagements de l’ancien chef de l’état, déclara, par l’organe d’un de ses membres, que le gouvernement indemniserait Saint-Hubert de la perte qu’il allait éprouver, et M. le ministre de l'ntérieur et des relations étrangères ajouta qu’il attendait la proposition du conseil provincial relative à cette indemnité, et un honorable membre de la chambre qui, bientôt fut appuyé par plusieurs de ses collègues, dit qu’il fallait que la régence de Saint-Hubert formulât elle-même sa proposition d’indemnisation.
Tout cela est fait, messieurs, le conseil provincial a voté à l’unanimité pour l’établissement à Saint-Hubert du pénitentiaire des jeunes délinquants, et la régence vient supplier la chambre de vouloir accueillir ce vœu.
Cet établissement, messieurs, que le ministre de la justice avait reconnu nécessaire dans l’intérêt de la morale et de la santé les jeunes délinquants, est formulé dans un projet de loi qui vous a été présenté le 16 janvier dernier, et depuis longtemps il est à l’ordre du jour dans les sections.
C’est ce projet dont Saint-Hubert demande la réalisation ; en le lui accordant, vous allégerez considérablement le chiffre proposé par le gouvernement, parce que la province concédera gratuitement les bâtiments de l’abbaye, et dès lors un crédit de 300 mille francs suffira probablement pour faire face à une dépense estimée partout ailleurs à 500 mille francs.
La régence propose d’y ajouter une école d’agriculture et offre, pour son application, la quantité de terre en friche qu’on jugera nécessaire ; et qu’on ne croie pas que ces terres soient condamnées à une stérilité perpétuelle ; plusieurs essais heureux attestent le contraire ; mais ces essais, couronnés de succès, ont été faits par des hommes qui ont été puiser des leçons dans les pays vraiment agricoles, dans les Flandres enfin.
Vous jugerez, messieurs, de l’importance d’une semblable école dans une province qui compte encore 150 mille hectares de terres en friche, ce qui équivaut, à plus de la moitié de chacune des provinces de Liège, Namur et Flandre orientale.
Votre commission, pénétrée de l’importance d’un semblable pénitentiaire dans un pays où les mœurs ont encore conservé beaucoup de leur pureté, croit que les jeunes délinquants en recevront l’influence la plus heureuse, et qu’une école comme celle que la régence propose, contribuera essentiellement à la prospérité d’une province qui, aidée de la main bienveillante du gouvernement, pourra, en peu d’années, être élevée au rang des provinces les plus populeuses et les plus aisées du royaume.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, elle demande en outre que le projet ministériel pour l’établissement de ce pénitentiaire soit soumis immédiatement à l’examen des sections.
Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) présente deux projets de loi : le premier tendant à introduire des modifications dans la loi sur la milice ; le second tendant à fixer le contingent de l’armée pour l’année 1840.
La chambre donne acte à M. le ministre de la guerre, de la présentation de ces deux projets de loi, en ordonne l’impression et la distribution et les renvoie à l’examen de la section centrale du budget de la guerre.
M. le président – M. le ministre des finances, dans une dernière séance, a demandé qu’il fût donné suite au projet de loi relatif à la veuve Mersch. Ce projet de loi avait été renvoyé à l’examen de la section centrale du budget de la dette publique et des dotations ; mais cette section avait fait son rapport, et elle ne s’est pas occupée de ce projet de loi. Je proposerai à la chambre de le renvoyer à l’examen de la section centrale du budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice 1840.
- Adopté.
M. le président – La chambre est arrivé à l’article 2. « Frais de représentation (pour mémoire) ». il n’y a pas de chiffre fixé.
La chambre passe à l’article 3
« Indemnité de logement pour le ministre et loyer pour les bureaux (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 12,000 ; (chiffre proposé par la section centrale) : fr. 6,000. »
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’ai dit à la section centrale qu’il était inconvenant que les employés du département des affaires étrangères restassent dans le même local où seraient les employés du ministère de l’intérieur et où logerait le ministre de l’intérieur lui-même.
Indépendamment de ces raisons de convenance, il en est plusieurs autres importantes. De la manière dont les employés sont maintenant placés, il en est qui sont très à l’étroit ; c’est ce dont on a pu s’assurer quand on a eu l’occasion de fréquenter les bureaux.
Un inconvénient plus grave, ce serait la perte de temps qui résulterait de cette mesure, tant pour le ministre que pour les employés qui ont à travailler avec lui. Ainsi, pour une chétive économie de 6,000 francs, on paralyserait la marche des affaires. Cela est facile à comprendre. Le secrétaire-général et les chefs de direction devant se déplacer et se rendre chez le ministre pour travailler avec lui, il y aurait là une perte de temps quotidienne. En suite il arrivera qu’en examinant un dossier qu’on lui aura apporté, le ministre reconnaîtra la nécessité de recourir à d’autres dossiers. Il y aura donc nécessité de retourner au bureau, et, par suite, nouvelle perte de temps continuelle et journalière, ce serait une entrave permanente à la marche du département.
Du reste, nous ne nous opposons nullement à la motion qui a été faite d’examiner si on pourra plus tard approprier une autre local ; si, par exemple, on pourra acquérir des bâtiments situés derrière le ministère des finances et les approprier de manière à ce que les employés de deux ministères puissent être placés et à ce que les deux hôtels de ce ministère, aujourd’hui réunis, puissent être divisés, mais pour cela il faut du temps, car il faut acheter et approprier des bâtiments.
On a aussi proposé de se servir de l’ancien local du ministère de l’intérieur, rue de la Montagne. Ce local est occupé par l’académie, le conseil des mines et l’administration des contributions. Il y a aussi des salles affectées au jury d’examen ; on ne peut donc pas disposer de ce bâtiment ; mais fût-il possible de le faire, il faudrait le rendre habitable pour le ministre. Dans l’état actuel, le gouvernement n’a aucun local à sa disposition, et il faudra attendre longtemps peut-être avant de pouvoir se procurer un local convenable. Vous ne voudrez pas, en attendant, et pour une prétendue économie de 6,000 francs, causer à l’état un préjudice qu’on ne peut évaluer, et cela par le ralentissement des affaires qui serait le résultat évident de la réduction proposée.
Par ces motifs et par les motifs de convenance que j’ai invoqués, je pense que vous n’hésiterez pas à allouer la somme demandée par le gouvernement. Une somme de 12,000 francs n’a rien d’exagéré, si vous considérez que le ministre des affaires étrangères a droit à habiter un hôtel meublé comme les autres ministres, et qu’il faut en outre que les employés soient près de lui. De ces deux chefs, une somme de 12,00 francs est plutôt faible qu’exagérée.
M. de Brouckere – M. le ministre des affaires étrangères qualifie de chétive, l’économie que propose la section centrale sur l’indemnité de logement pour les ministres et le loyer pour les bureaux : Je dois avouer qu’au premier abord on peut remarquer cette économie, comme ayant une apparence de mesquinerie. Je suis convaincu que l’honorable rapporteur de la section centrale, donnera d’excellentes raisons pour défendre la proposition de cette section, mais comme je suis du nombre de ceux qui ont composé la majorité, je désire motiver mon vote.
Il faut d’abord vous rappeler qu’en 1834, le gouvernement possédait un nombre d’hôtels et de locaux suffisant pour que le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur et le ministre des affaires étrangères fussent logés et eussent leurs bureaux dans le même local ; que le gouvernement possédait de plus un local suffisant pour les bureaux du ministère des finances. Restait le ministère de la guerre, et pour les bureaux de ce département on avait loué un hôtel dont le loyer coûtait 10,000 francs. On y avait, je crois, ajouté deux maisons, dont j’estimerai le loyer bien haut en l’évaluant à 6,000 francs, ensemble 16,000 francs. Ajoutez à cela 4,000 francs pour logement du ministre de la guerre et 4,000 francs pour logement du ministre des finances ; cela fait un total de 24,000 francs. Alors tous les ministres étaient logés, et leurs bureau étaient installés.
Depuis 1834, savez-vous quelles sommes ont été dépenses pour que les ministres fussent logés et pour que les employés fussent plus à l’aise ? Je vais vous le dire d’après les chiffres relevés à la cour des comptes.
On a dépensé pour installer le ministère des travaux publics dans l’ancien local des affaires étrangères 56,957 francs 9 centimes.
L’hôtel du ministre de l’intérieur (et remarquez bien s’il vous plaît, que quand on a demandé un crédit pour l’achat de l’hôtel Torrington, maintenant occupé par le ministère de l’intérieur, cet hôtel était destiné au ministère de la guerre ; mais comme c’est un bel hôtel, M. le ministre de l'ntérieur a jugé convenable de s’en emparer), cet hôtel a coûté la petite somme de 435,000 francs.
Le ministère des finances, qui avait en 1834 des locaux suffisants, a coûté depuis lors 294,994 francs 36 centimes.
Nous avons maintenant le ministère de la guerre. Je vous ai démontré que précédemment, moyennant 20,000 francs, le ministre était logé et les bureaux bien établis. Eh bien, on a dépensé pour le ministère de la guerre un somme de 606,721 francs 20 c. ; et une note de la cour des comptes dit que tout n’est pas payé.
Cela fait un total de 1,393,672 francs 65 centimes, qui ont été dépensés depuis 1834, alors qu’en 1834 les bâtiments paraissaient suffisants pour tous les ministères, sauf celui de la guerre.
Maintenant concevez-vous que la section centrale ait éprouvé quelques surprise en voyant qu’on propose une dépense aussi exorbitante ? Dans les nombreux hôtels du gouvernement on ne trouve ni de quoi loger le ministère des affaires étrangères, ni même de quoi établir ses bureaux.
La section centrale a trouvé les locaux suffisants, au moins pour organiser les bureaux ; elle désire que le gouvernement adopte une combinaison qui permette de donner un logement au ministre des affaires étrangères ; en attendant elle a loué 6,000 francs pour le logement de ce ministre. Est-ce trop peu ? mais jamais, depuis 1830 jusqu’en 1838, on n’a donné aux ministres plus de 4,000 francs pour indemnité de logement. Il ne faut pas se reporter bien loin. Le ministre de la guerre n’occupe son hôtel que depuis quelques mois ; jusque-là il n’avait que 4,000 francs d’indemnité de logement. Nous avons porté le chiffre de cette indemnité à 6,000 francs.
M. le ministre des affaires étrangères a voulu vous faire comprendre tous les inconvénients qu’il y a à ce qu’un ministre ne soit pas logé dans le local où sont ses bureaux. Mais cet état de choses a duré pendant un certain temps pour le ministre des finances et pour le ministre des travaux publics et pendant neuf ans pour le ministre de la guerre. Il faut bien que cela n’offre pas d’aussi grands inconvénients qu’on l’a prétendu.
Il est vrai que l’on vous a dit que chaque fois que l’on demandait une pièce, on devait aller de la demeure du ministre au local des bureaux : mais ordinairement le ministre va travailler où sont ses bureaux ; c’est ce qu’ont fait tous les ministres, ceux des finances, notamment. Quant à cette autre assertion, que les employés du ministère des affaires étrangères sont placés à l’étroit, il n’aura pas grand succès dans la chambre ; car avec une somme de 14,000 francs on a eu de quoi loger tous les ministères. Je vote pour le maintien de la proposition de la section centrale.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – On vous a dit que le ministre des affaires étrangères pourra venir travailler lui-même aux bureaux, ainsi que le faisaient les ministres de la guerre et des finances, quand ils n’étaient pas logés à leurs hôtels : mais la position était différente : il y avait des appartements destinés aux audiences des ministres ; or c’est parce qu’il est impossible de donner dans l’hôtel du ministère de l’intérieur au ministre des affaires étrangères. Il faut bien que le ministre, dans une semblable circonstance, fasse venir chez lui les employés, fasse apporter les dossiers ; et je vous déclare qu’il en coûtera un grand ralentissement dans l’expédition des affaires, et que le ministre sera moins à même de diriger convenablement les travaux.
(Erratum du Moniteur n°353 du 19 décembre 1839 :) On a dit qu’en 1836 le ministre de l’intérieur était logé près de ses bureaux : cela est vrai ; mais il était logé dans un cabinet qu’un simple député n’aurait pas voulu occuper : il fallait s’y loger par dévouement pour le travail.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – La pensée qui a dominé dans la section centrale était une pensée d’économie. Nous avons cru que la Belgique entrant dans une voie nouvelle, il fallait apporter la plus grande économie dans tous les services. Partant de ce principe, nous avons recherché s’il n’y avait pas moyen de loger le ministre dans un des hôtels que possèdent les divers ministères. Les bureaux sont déjà placés et si on n’eût pas créé une combinaison nouvelle pour la formation séparée du ministère des affaires étrangères, ils seraient restés longtemps où ils sont. Le ministre voit des inconvénients dans cet état de choses ; mais on doit ne rien changer jusqu’à ce qu’on puisse prendre une détermination définitive. Il n’y a d’inconvénient que relativement au logement du ministre ; eh bien, 6,000 francs nous paraissent suffisant ; jusqu’ici on n’avait accordé que 4,000 francs, MM. d’Huart, Duvivier n’ont obtenu que 4,000 francs.
Il est vrai que le ministre des affaires étrangères peut avoir à recevoir plus que les autres ministres, aussi avons-nous accordé 6,000 francs. Nous connaissons des personnes très haut placées dans la diplomatie qui reçoivent, par conséquent, et d’une manière très convenable, et qui, pour une somme inférieure à celle que nous proposons d’allouer sont fort bien logées.
N’y aurait-il pas quelque chose de singulier que d’accorder pour logement une somme égale à la moitié du traitement que reçoit le ministre ? Ne serait-ce pas là un moyen d’augmenter ce traitement ? Je suis d’avis que les ministres ne sont pas assez rétribués, mais il ne faut pas demander une augmentation d’une manière détournée.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je suis étonné qu’on trouve trop considérable le chiffre de 12,000 francs pour placer les bureaux du ministère et loger le ministre qui a le plus de réceptions à faire. Certes, il ne pourra faire d’économie sur cette somme. Que l’on ouvre un crédit de 12,000 francs ou 15,000 francs pour payer les dépenses qui seront constatées, je suis persuadé que le ministre sera content. On a parlé de la somme de 4,000 francs donnée en indemnité aux anciens ministres ; mais 4,000 francs n’ont jamais suffi pour avoir une maison meublée où l’on puisse recevoir. Il y avait alors dans le ministère des appartements pour pouvoir donner audience ; les ministres n’avaient qu’à pourvoir à leur logement personnel. Ainsi mes observations demeurent intacts.
Sous le prétexte d’économiser 6,000 francs, vous ferez perdre un temps considérable et précieux au ministre et aux employés, et de cette perte en résultera d’autres bien supérieures.
M. de Brouckere – Si nous votons aujourd’hui le chiffre de 12,000 francs, c’est une dépense qui se perpétuera d’année en année. Une fois les bureaux du ministère des affaires étrangères placés dans un autre local que celui où ils sont, on ne songera plus à les faire rentrer dans les locaux du gouvernement ; et l’année prochaine on demandera probablement une autorisation pour acheter un nouvel hôtel. Cet hôtel est déjà désigné. Vous savez ce que coûtent les hôtels ! Vous savez d’avance quels seront les résultats de votre vote !
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je crois que vous ne courez aucun risque de voir perpétuer la situation du ministre, parce que la somme de 12,0000 francs sera insuffisante ; mais quelque parti que prenne le gouvernement, il est impossible qu’avant deux ans, soit qu’on réalise le projet d’acheter derrière le ministère des finances des bâtiments, soit qu’on emploie l’hôtel de la rue de la Montagne, on puisse approprier un local définitif. Si l’on achetait un hôtel, ce serait une proposition à soumettre aux chambres, et vous seriez appelés à l’examiner. Dans tous les cas, il faudra un temps assez long pour loger convenablement le ministère des affaires étrangères ; c’est-à-dire, pour lui préparer définitivement un logement. Deux années ne seront pas de trop.
- Le chiffre de 12,000 francs, comme étant le plus élevé, est d’abord mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre de 6,000 francs est adopté.
« Art. 4. Traitement des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 54,000. »
La section centrale propose de n’allouer que 50,000 francs.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, le chiffre des traitements actuels est déjà de 51,650 francs ; ainsi le chiffre de la section centrale est insuffisant dans l’état des choses. Dans le courant de l’année il a fallu porter à 6,000 francs le traitement du directeur des affaires politiques et du directeur des consulats et des affaires commerciales, de sorte que le chiffre de 54,000 francs est indispensable. Le nombre des légations a été croissant, ainsi que le nombre des consulats. Il n’y a rien d’exagéré dans la demande du gouvernement. Remarquez que sur ce chiffre sont payés les trois courriers.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Le chiffre des affaires étrangères pouvait n’être pas suffisant l’année dernière ; et si, alors, on eût demandé une augmentation, je l’aurais facilement accordée. L’année dernière le travail état considérable ; il fallait des déplacements ; il fallait mettre nos envoyés à l’étranger au fait de toutes les phases des négociations ; il fallait, par des moyens détournés, arriver à la connaissance de particularités qui intéressaient la cause belge, qui pouvaient jeter du jour sur les négociations. Alors le travail était très considérable, et si alors le personnel a pu suffire, il doit nécessairement suffire encore aujourd’hui.
Malgré toutes les bonnes qualités que je reconnais à M. le ministre des affaires étrangères, je ne lui reconnais pas la faculté de se doubler ; il est impossible qu’un homme puisse occuper deux cabinets aussi importants que celui des affaires étrangères et celui de l’intérieur ; le ministre devait donc nécessairement abandonner aux employés en sous-ordre l’expédition d’une foule d’affaires ; il en résultait des tâtonnements, des hésitations ; tout cela augmentait le travail. Aujourd’hui vous allez voir à la tête du département un ministre nouveau, un homme qui y donnera une direction nouvelle, qui imprimera l’ordre partout ; le travail pourra donc être considérablement diminué.
D’ailleurs, messieurs, d’après les opinions qui ont été émises dans les précédentes séances, beaucoup de membres désirent que l’administration du commerce soit réunie au département des affaires étrangères ; eh bien, cette réunion nécessitera peut-être de nombreux remaniements ; attendez donc que le ministre soit nommé, laissez-le organiser son ministère comme il l’entend ; si alors le personnel est insuffisant, il viendra vous demander une majoration et nous serons prêts à la lui accorder.
M. le ministre dit qu’une somme de 51,000 francs a déjà été nécessaire, cette année, pour payer les dépenses prévues à l’article que nous discutons. Je pense, messieurs, que vous serez étonnés d’une pareille marche : l’année dernière vous n’avez alloué que 50,000 francs, si le ministère a dépassé ce crédit, sur quoi imputera-t-il l’excédant ? Il faudra nécessairement demander un crédit supplémentaire, tout autre moyen serait irrégulier.
En résumé, messieurs, je crois qu’en ce moment toute majoration serait prématurée. Attendons que le ministre soit nommé, alors il pourra juger lui-même si des majorations quelconques sont nécessaires, et, si’ en est ainsi, il sera le premier nous les proposer.
M. de Brouckere – Comme l’honorable préopinant auquel je succède, je reconnais à M. le ministre des affaires étrangères beaucoup de qualités ; mais il en est une qui lui manque au suprême degré, c’est l’économie, et je saurai le prouver à l’occasion des divers articles de son budget. Ici encore, bien qu’il ne s’agisse que d’une petite somme, voter les 4 mille francs demandés, serait une véritable prodigalité.
On prétend, messieurs, que les relations du ministre des affaires étrangères sont beaucoup augmentées depuis peu ; cela est possible, et si l’on estimait un ministère, comme l’a fait l’honorable M. de Theux, d’après le nombre de lettres qui entrent et qui sortent, à coup sûr, le personnel devrait être augmenté ; mais j’estime un ministère moi, non pas d’après le nombre de circulaires ou de lettres insignifiantes qui en émanent, mais d’après l’importance des affaires qui doivent s’y traiter ; or, jamais on n’a traité au ministère des relations extérieures des affaires aussi importantes lorsqu’il était en relations journalières, en relations continuelles avec la conférence de Londres. Eh bien, j’admets cependant que bien qu’il n’ait plus les mêmes relations avec la conférence de Londres, le ministère des affaires étrangères aura autant de besogne qu’autrefois ; mai de quel droit demande-t-on une augmentation de 4,000 francs ? Savez-vous, messieurs, quel argument on pourrait invoquer ? C’est que l’année dernière nous avons eu la faiblesse d’allouer une augmentation de 12,000 francs ; car prenez le budget de 1838, vous verrez qu’alors on n’avait alloué que 38,000 francs ; on est venu nous demander une augmentation de 12,000 francs, nous l’avons allouée sans difficulté, et nous trouvant si faciles, on nous demande encore 4,000 francs de plus ; on continuera ainsi d’année en année à nous demander des majorations successives ; je me trompe, on s’y prend plus adroitement, ce n’est pas d’année en année, c’est tous les 2 ans qu’on demande des majorations, car lorsque nous examinons les budgets en sections, nous avons l’habitude de regarder ce qui a été alloué l’année précédente, et d’ordinaire, lorsqu’il n’y a pas eu d’augmentation, nous adoptons assez facilement le chiffre demandé. Eh bien, messieurs, pour qu’en faisant cette comparaison, nous ne nous apercevions pas qu’on nous demande ainsi des augmentations successives, on laisse passer une année et l’on viens nous dire, comme dans le cas présent, par exemple : « Jusqu’ici vous avez accordé 50,000 francs, nous demandons 4,000 francs de plus, » tandis que si nous comparons la demande actuelle avec le crédit alloué, il y a deux ans, c’est réellement d’une augmentation de 16,000 francs qu’il s’agit.
D’après ces considérations, messieurs, je voterai contre la majoration demandée.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Les raisonnements qu’on vous présente, messieurs, ne sont que spéciaux ; ils ne sont nullement solides. On vous dit : « Lorsque vous étiez en négociations avec la conférence de Londres, vous aviez à traiter des affaires extrêmement épineuses ; or ce ne sont point les affaires courantes qui prennent le plus de temps, mais les affaires importantes. » cela peut être vrai pour le chef du département, mais cela n’est point exact pour les employés qui sont obligés de faire le travail, car chaque affaire doit être traitée, et il est évident que plus la correspondance augmenter, plus les légations sont nombreuses, pus il y a de consulats, plus il y a de travail.
Eh bien, messieurs, quant aux consulats, par exemple, il est prouvé que le nombre en est plus que doublé aujourd’hui et il augmentera encore considérablement dans le courant de l’année prochaine. On désire aussi et l’on s’attend à ce que depuis l’établissement de la paix, les relations commerciales prennent plus d’extension. Il faut donc nous mettre à même de faire face aux besoins qui naîtront de la situation nouvelle.
On a parlé d’augmentation qui ont été apportées précédemment au budget des affaires étrangères. Je dirai, messieurs, que les premières années ce ministère a été misérablement organisé, sous le rapport des traitements des employés : le directeur des affaires politiques n’avait que 4,000 francs ; c’est cependant le chef d’une branche importante de ce département ; le chef des consulats n’avait également que 4,000 francs, tandis que, dans d’autres pays, ces employés ont 15,000 francs. Après cela, messieurs, reste l’employé de la chancellerie, auquel on a conservé son ancien traitement ; il avait sous mon prédécesseur 5,000 francs, puis deux chefs de bureau à 2,500 francs, dont l’un est archiviste ; les autres employés ont 1,800 francs, 1,600 francs et jusqu’à 8 et 700 francs, et cela par suite des améliorations que j’ai obtenues en leur faveur.
Les employés du ministère des affaires étrangères ont été misérablement traités dans le principe ; aujourd’hui ils ne sont pas encore tous mis sur le même pied que ceux des autres ministères, et certainement la chambre ne sera pas généreuse à leur égard si elle accorde l’augmentation demandée.
J’ai dit que les traitements s’élèvent à 51,640 francs, tandis que le chiffre des budgets courants n’est que de 50,000 francs ; on demande comment je ferai pour les payer. Je répondrai que certaines augmentations ont été accordées il y a quelques mois seulement, de manière qu’avec les économies des premiers mois de l’année, on pourra payer les augmentations accordées plus tard.
M. F. de Mérode – Messieurs, l’honorable membre qui a parlé avant M. le ministre a dit que si l’on augmentait les frais de bureau du ministère des affaires étrangères de 4,000 francs, ce serait une prodigalité. Eh bien d’après les renseignements qu’il a donnés lui-même, il est évident qu’il n’y a en cela aucune prodigalité. Il a dit, à la vérité, que beaucoup d’affaires auxquelles le traité a donné lieu ne se présenteront plus à l’avenir, mais il a ajouté que probablement l’extension de nos relations occasionnera un surcroît de besogne qui compensera cette diminution, et qu’ainsi les choses se balanceront. Savez, vous, messieurs, comment les employés ont jusqu’ici rempli leurs obligations ? c’est en travaillant jusqu’à 11 heures du soir. S’ils n’avaient pas mis un zèle extraordinaire à s’acquitter de leur besogne, jamais il n’auraient pu suffire.
Voulez-vous exiger que les employés continuent ainsi à travailler jusqu’à 11 heures du soir ? Cela se fait dans un moment de crise, dans un moment difficile, où le zèle est stimulé par les circonstances, mais cela ne peut pas continuer ; il faut bien en revenir à l’état normal.
Ainsi, messieurs, d’après les observations mêmes de l’honorable M. de Brouckere, je crois que la chambre ne verra plus de prodigalité à accorder l’augmentation de 4,000 francs ; quant à moi, qui ne suis pas prodigue certainement, je m’empresse de les voter, car je suis persuadé que ce sera de l’argent bien employé.
M. de Brouckere – Je ne me suis nullement plaint, messieurs, que les employés du ministère des affaires étrangères fussent trop payés ; je n’ai pas dit un mot dont on puisse tirer cette conclusion ; mais je crois que l’on cherche trop à en augmenter le nombre, et c’est dan ce sens que j’ai combattu la demande d’augmentation.
Je dois dire, messieurs, que l’honorable M. de Theux a commis une erreur quand il a dit qu’il n’y avait au ministère des affaires étrangères qu’un employé à 5,000 francs, le fait est qu’il y avait trois employés à 5,000 francs.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Quand j’ai repris le ministère, il n’y avait qu’un seul employé à 5,000 francs. C’est celui qui est chargé de la comptabilité et des passeports ; l’employé chargé des affaires politiques et celui du consulat avaient chacun 4,000 francs, j’ai pensé, messieurs, que pour proportionner les traitements au travail, il fallait, surtout à cause de l’importance que les affaires ont prise, porter ces deux derniers traitements à 6,000 francs.
M. de Brouckere – Il est toujours vrai qu’à l’entrée de M. de Theux au ministère des affaires étrangères, le budget était fait de telle manière qu’on y portait le traitement des trois employés à 5,000 francs.
Maintenant l’honorable M. de Mérode dit que, pendant un certain temps les employés ont dû travailler plus que leur devoir ne l’exigeait ; c’est précisément pour cela qu’on a alloué, l’année dernière une augmentation de 12,000 francs, on a donc pu augmenter les appointements des meilleurs employés et en prendre de nouveaux jusqu’à concurrence de cette somme. N’est-ce donc pas assez ? Fallait-il, cette année, un nouvelle majoration, laquelle, comme on le fait déjà entendre, sera suivie l’année prochaine d’une troisième demande d’augmentation ? De cette sorte nous finirons par élever le chiffre des employés du département des affaires étrangères tellement haut qu’ils seront hors de toute proportion. Je crois, messieurs, que dès à présent, ce chiffre se trouve établi dans des proportions telles que nous ferons bien de l’y maintenir.
M. F. de Mérode – L’honorable préopinant n’a pas répondu à l’observation que j’ai faite, que puisque, d’après l’aveu de M. de Brouckere lui-même, désormais les employés auront autant d’occupation qu’ils en ont eu pendant la crise qui a précédé l’acceptation du traité, et que, pendant cette crise, ils ont dû travailler jusqu’à onze heures du soir, ils devront continuer à travailler, je ne veux pas dire jusqu’à onze heures, je ne veux rien exagérée, mais, au moins, beaucoup plus qu’ils ne le devraient réellement.
En moyennant l’augmentation qui est demandée, leur travail pourrait n’avoir qu’une mesure raisonnable, telle qu’on peut l’exiger d’employés laborieux.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, tout majoration dans les circonstances actuelles serait prématurée. Laissons au ministre auquel doit échoir le portefeuille des affaires étrangères, laissons-lui le soin d’organiser le travail de ses bureaux et si une majoration est nécessaire, il viendra la solliciter, et nous examinerons alors s’il y a lieu de l’accorder. Peut-être ce nouveau ministre pourra-t-il trouver le moyen d’opérer lui-même des économies. Soyons prudents, messieurs, quand il s’agit de majoration ; il est très facile de majorer, mais notre position financière est telle que nous devons n’accorder de majorations qu’avec une extrême réserve.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je persiste à dire que la somme que j’ai demandée n’a rien d’exagéré, et je la considère comme devait être très utilement employée, et que toute réduction ne peut que nuire au service. Je suis ici dans une position tout à fait favorable pour défendre les intérêts des employés du département des affaires étrangères, parce que j’ai proposé moi-même la création d’un sixième ministère ; mais en faisant cette proposition, j’ai dû avoir en vue de laisser à mon successeur toute latitude pour accomplir convenablement sa mission. Or, je dis que non seulement toute réduction est impossible, mais qu’il y a encore un employé de plus à nommer, qui doit appartenir à la direction du commerce. Ainsi que je l’ai dit, les traitements sont réellement faibles, puisque les deux employés principaux ont seuls 6,000 francs, le secrétaire de la chancellerie à 5,000 francs, et enfin deux chefs de bureau ont 2,500 francs, dont l’un d’eux est archiviste et sur lui repose une grande responsabilité ; les autres employés n’ont que des traitements beaucoup inférieurs.
Il est donc impossible de considérer les traitements des employés des affaires étrangères comme ayant été fixés largement.
M. Pirson – M. le ministre vient de dire un mot qui semble rallier quelques opinions, parce que beaucoup de membres, dans la discussion d’avant-hier, ont pensé que les affaires commerciales devaient faire partie du ministère des affaires étrangères. Mais nous ne savons pas encore de quelle manière les attributions seront données à ce ministère ; nous ne pouvons pas le deviner, et vous devez croire d’autant moins que cette réunion d’attribution existera que le ministre lui-même, dans une séance précédente, a soutenu une opinion contraire à celle dont je viens de parler. Mais le ministre vient d’entendre dire derrière lui, et moi j’entends dire derrière moi : « Le ministère des affaires étrangères aura aussi des attributions commerciales, et il faut dès lois lui constituer le personnel suffisant pour traiter ces affaires. » Mais, messieurs, nous ne savons pas encore quelles seront les attributions du ministère des affaires étrangères, attendons que ce ministère soit organisé. D’ailleurs les affaires de commerce ont toujours été traitées par des employés du département de l’intérieur, ces employés passeront nécessairement au ministère des affaires étrangères, s’il vient à être chargé des attributions commerciales.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, c’est dans son état d’organisation actuelle que j’estime que le département des affaires étrangères a besoin de 54,000 francs, puisque déjà il y a 51,640 francs qui sont affectés à titre de traitement, et qu’une augmentation de travail résulte de l’augmentation des consulats, ce qui suffit pour rendre la majoration nécessaire.
Messieurs, on a parlé des travaux de la négociation ; certainement le département des affaires étrangères en a eu beaucoup, mais, comme je l’ai dit, le travail a aussi beaucoup augmenté d’autre part depuis la conclusion du traité de paix. Il est à remarquer d’ailleurs que, pendant la négociation, il y a beaucoup de documents qui ont été préparés et expédiés au ministère des fiances.
M. Delehaye – Messieurs, si le ministre avait dit que dans les attributions du ministère des relations extérieures entreraient également les relations commerciales et industrielles, je pense qu’alors le chiffre ne serait pas trop élevé. Quant à l’observation que vient de faire l’honorable M. Pirson, il est à remarquer que si les affaires commerciales entraient plus tard dans les attributions du ministère des affaires étrangères, il y aurait lieu de faire un transfert de crédit du budget de l’intérieur à celui des affaires étrangères. Il me semble qu’en attendant nous pouvons nous borner à voter le chiffre proposé par la section centrale.
- Le chiffre du gouvernement qui est de 54,000 francs, est mis aux voix ; une double épreuve est douteuse ; on procède à l’appel nominal. En voici le résultat.
81 membres prennent part au vote.
43 répondent oui.
38 répondent non.
En conséquence, le chiffre de 54,000 francs est adopté.
Ont répondu oui : MM. Berger, Brabant, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Behr, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Perceval, de Potter, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Fallon, Kervyn, Lebeau, Lejeune, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Raikem, Scheyven, Smits, Ullens, Vilain XIIII, Willmar, Zoude.
Ont répondu non : MM. de Brouckere, de Florisone, de Foere, de Garcia, de Langhe, Delehaye, Demonceau, de Renesse, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Jadot, Lange, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Pirmez, Pirson, Puissant, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen, Van Hoobrouck.
« Art. 5. Pensions à accorder à des fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 2,000. »
- Adopté.
« Art. 6. Matériel : fr. 32,000 francs. »
M. Van Hoobrouck – Messieurs, malgré l’insuccès de nos observations, j’ai cependant l’honneur de proposer une diminution de deux mille francs sur cet article, car je pense que c’est par distraction que le ministre a portée cette année une augmentation à cet article de son budget. Vous vous rappellerez que, l’année dernière, le gouvernement avait porté une somme de 17 mille francs pour faire face aux besoins de ce service. C’est alors la section centrale elle-même qui a pris l’initiative d’une augmentation de 15 mille francs que le gouvernement a acceptée, mais qu’il n’a pas provoquée.
Cette augmentation était justifiée par les circonstances extraordinaires et exceptionnelles où nous nous trouvions à cette époque. La conférence de Londres allait reprendre ses travaux, la question belge était à l’ordre du jour. Partout on s’occupait de nos affaires, et malheureusement, on nous présentait sous un jour très défavorable pour notre cause. La section centrale a cru qu’il fallait contre le mal par les mêmes armes, qu’il fallait mettre le gouvernement à même d’envoyer des journaux belges à l’étranger et de recourir à la presse étrangère pour rectifier les faits présentés de manière à exciter des préventions contre nous. Ce système a été admis par la chambre.
Aujourd’hui que nous ne sommes plus dans la même position, que les circonstances extraordinaires ont cessé, il paraîtrait naturel que le gouvernement proposât une diminution proportionnée au changement survenu dans notre situation. Le mal qu’on avait eu pour but de combattre n’existe plus ou ne plus avoir les mêmes conséquences. Cependant le ministre vient encore nous demander une augmentation de 2,000 francs, dont je ne puis en aucune manière me rendre compte. En allouant le chiffre accordé l’année dernière, le ministre peut pourvoir aux frais résultants de la plus grande étendue de nos relations, et continuer à envoyer des journaux belges à l’étranger, et à faire insérer des articles dans les journaux étrangers.
Je pense que vous admettrez la diminution que je propose. Je ne crois pas qu’il soit possible de proposer une réduction plus justifiée que celle-ci.
Je propose de réduire à 30 mille francs le chiffre de l’article 6 comme l’année dernière.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si c’est sur les frais de publication à l’étranger que tombe la réduction de 2 mille francs, proposée par l’honorable préopinant, on ne dépassera pas le crédit de 11 mille francs qui restera affecté à ce service. J’ai établi que les 2 mille francs que j’ai demandés en plus ne sont pas destinés à payer des publications, mais à rétribuer une augmentation matérielle de travail. Cette augmentation est pleinement justifiée. Si on veut réduire le crédit voté l’année dernière pour publications, il y en aura moins.
M. Van Hoobrouck de Fiennes – La réduction porte sur l’article entier. Je propose de fixer le chiffre de l’article à 30,000 francs ; si M. le ministre repousse mon amendement, je m’appuierai, pour le justifier, sur le rapport de l’année dernière, qui contient une partie des considérations que je viens de faire valoir.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – J’ai dit que les frais de correspondance augmentaient beaucoup par la création de nouveaux consulats. Quant au crédit alloué pour les publications à l’étranger, je laisse à la chambre à juger s’il convient de le réduire. L’augmentation de deux mille francs, je le répète, est justifiée par les frais de correspondance.
- Le chiffre de 32,000 francs, proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Achat de décoration de l’ordre de Léopold : fr. 10,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Autriche : fr. 40,000. »
M. Fleussu – D’après les observations que j’ai présentées dans le discours que j’ai prononcé lors de la discussion générale, je crois devoir vous proposer un amendement à cet article et d’en réduire le chiffre à 25 mille francs. Quant au libellé, je ne propose pas de le changer, parce que c’est au gouvernement qu’il appartient de déterminer la qualité de nos agents à l’extérieur. Je ne propose de modifications qu’au chiffre. Quant aux développements de mon amendement, je m’en rapporte à ce que j’ai dit dans la discussion générale.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Le moment n’est pas venu de remplacer, par un chargé d’affaires, notre ministre plénipotentiaire à Vienne, ce qui est le but de la proposition de l’honorable préopinant. Chacun connaît l’importance pour la Belgique d’être représentée par un ministre plénipotentiaire à Vienne, où doivent se traiter des questions de la plus haute importance.
M. Fleussu – Je comprends très bien l’importance qu’il y a pour la Belgique a être représentée à Vienne ; quant au titre à donner à notre représentant, cela regarde le gouvernement. Mais c’est le même homme qui, à Vienne, a été chargé de nous représenter comme chargé d’affaires, et qui, ajoute-t-on, est revenu ministre plénipotentiaire. Parce qu’il change de titre est-il plus en état de rendre des services au pays ? Il me paraît assez singulier qu’alors que nous donnons un traitement fort restreint à nos ministres à l’intérieur, nous en donnions d’aussi élevés à nos ministres à l’extérieur. Cependant nos ministres à l’intérieur ont aussi une position élevée et sont obligés de tenir un rang convenable. En donnant à nos ministres à l’extérieur 5,000 francs de plus qu’à nos ministres à l’intérieur, je fais leur position aussi belle. Je voterai pour ce chiffre.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il et vrai, comme dit l’honorable préopinant, que le gouvernement peut toujours donner le titre qu’il veut à ses agents ; mais il est vrai aussi, qu’en pratique personne n’acceptera un titre qui oblige à faire de grandes dépenses, avec un traitement de 25,000 francs. Voilà qui est incontestable, personne n’acceptera ce rang. On dit que c’est le même homme qui de chargé d’affaire devient ministre plénipotentiaire. Il n’y a rien d’extraordinaire. Les chargés d’affaires deviennent ministres résidents et ministres plénipotentiaires, dans tous les pays du monde.
Ce n’est pas dans le moment, messieurs, où la Belgique veut prendre une meilleure position politique qu’il faut chercher à ravaler ses agents diplomatiques.
M. de Foere – Déjà j’ai réclamé, dans une séance précédente, contre le luxe diplomatique déployé par la Belgique. J’ai dit que je considérais ce luxe dispendieux comme inutile et comme n’étant pas en rapport avec un état de troisième ordre dans lequel il faut ranger la Belgique.
Il n’est pas nécessaire, messieurs, de vous prouver que notre diplomatie se trouve dans la plus complète dépendance des principales puissances, et qu’elle ne peut exercer aucune influence sur la politique générale de l’Europe. Les attributions réelles de nos représentants à l’étranger sont donc entièrement réduites aux affaires directes du pays qui se traitent entre la Belgique et chaque cour étrangère en particulier. Or, dans cet état de choses, je soutiens qu’il n’est pas nécessaire que le pays soit représenté par des ministres plénipotentiaires et que de simples chargés d’affaires suffisent pour obtenir ce seul but que le pays puisse atteindre.
J’ajouterai que ces énormes dépenses ne sont, en aucune manière, proportionnées à la déplorable situation dan laquelle se trouve le trésor du pays qui exige constamment la levée d’emprunts pour équilibrer les recettes avec les dépenses. Eu égard aux dépenses que nous faisons et qui nous seront encore proposées, ce système d’emprunts est loin d’être épuisés.
Pendant notre réunion à la Hollande, les députés non seulement des provinces méridionales, mais ceux aussi qui appartenaient aux provinces septentrionales, ont constamment réclamé contre ce luxe dispendieux que les Pays-Bas développaient en relations extérieures. La Hollande était un vieil état dans lequel les abus étaient longuement enracinés. Il était difficile de déraciner ces abus. Maintenant, messieurs, jeune nation que nous sommes, nous commençons par implanter dans le pays les abus des états vieillis. Il résulte d’une semblable manière d’administrer le pays, que nous conservons, sous ce rapport comme sous bien d’autres, les abus qui existaient pendant notre réunion à la Hollande, sans conserver aucun des avantages de cette réunion.
- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. Confédération germanique : fr. 50,000. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre à 40,000 francs.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne puis accéder à la réduction proposée par la section centrale. Il est évident que cette réduction et la suivante auraient pour effet de limiter d’une manière exorbitante le choix du gouvernement. En effet, pour que le gouvernement pût nommer aux postes diplomatiques avec les chiffres proposés par la section centrale, il faudrait supposer qu’il trouvera toujours des hommes politiques d’une grande valeur, ayant une grande fortune, et de plus la jouissance actuelle de cette fortune. Or, voilà trois conditions qu’il est très difficile de trouver réunies. Admettre les réductions proposées, ce serait absolument paralyser le choix du gouvernement.
En établissant une mission à Francfort, le gouvernement n’a fait que déférer au vœu exprimé dans la chambre, lors de la discussion du crédit de 300,000 francs, relatif à l’exécution du traité de paix. La chambre comprendra que cette mission doit être sur un pied convenable ; or, on sait que la vie est très chère à Francfort, qui est une grande ville et une ville de luxe. En outre, il faut que le ministre plénipotentiaire à Francfort soit dans le cas de voir ses collègues du corps diplomatique et les hommes politiques les plus influents qui passent souvent à Francfort t y restent momentanément. C’est de cette manière que la Belgique sera mieux appréciée qu’elle ne l’a été jusqu’ici en Allemagne. Réduire le traitement de ce ministre plénipotentiaire, ce serait le mettre dans une position telle qu’il ne pourrait occuper son rang.
D’après ces considérations, je maintiens le chiffre proposé par le gouvernement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Je regarde la mission de Francfort comme très importante. Dans les circonstances actuelles, c’est peut-être la plus importante. Il ne faut pas se le dissimuler, la Belgique, sous le rapport commercial, est dans une position transitoire : son commerce, son industrie éprouve impérieusement le besoin d’alliances nouvelles.
Longtemps, pour ma part, j’ai espérer qu’une confédération des peuples du midi contrebalancerait les effets d’une autre confédération qui prend tous les jours un grand développement. Malheureusement je vois les tentatives se diriger sur un autre point. Notre position actuelle n’est pas mauvaise ; mais vous voyez la Hollande faire tous ses efforts pour nous ôter les avantages que nous donnent nos relations avec deux grandes puissances. Prenons garde de nous trouver isolés dans le grand mouvement qui se prépare. Je crois que le commerce et l’industrie de la Belgique ne peuvent prospérer si nous n’avons pas de nouvelles alliances. Pour ma part, mes sympathies me portent vers la France, mais je crains que nous ayons peu de chances de ce côté, et je crois que ce sera pour nous une nécessité de chercher des relations en Allemagne. Peut-être serait-ce bien de préparer les esprits par l’envoi d’un ministre plénipotentiaire. Francfort est un centre qui, comme siège de la diète germanique, réunit les hommes d’état de toutes les parties de l’Allemagne. Ces hommes d’état deviennent presque toujours plus tard les ministres dirigeants de leurs souverains respectifs. Vous concevrez facilement combien une mission à Francfort pourrait être utile, combien un homme zélé et capable pourrait rendre dans ce poste des services à son pays.
Votre section centrale n’a pas hésité un instant à allouer la somme nécessaire pour que cette mission fût occupée par un agent de premier ordre ; mais elle a cru que 40,000 francs devaient suffire pour cet objet.
Il faut, dit-on, tenir compte de ce que la vie est chère à francfort ; mais il en est de même dans toutes les villes de l’Europe. Si jamais vous entrez dans des considérations de cette nature, il n’y a pas un seul agent qui, son livre à la main, ne vous prouve qu’il ne peut vivre avec son traitement. Si vous portez à 50,000 francs le traitement de l’envoyé près de la confédération germanique, vous devez porter au même chiffre le traitement de nos envoyés à Vienne et à Rome. A quel titre en effet pourriez-vous vous y refuser ? la vie est aussi chère dans ces villes qu’à Francfort, et l’envoyé à Vienne est assujetti à une dépense considérable par suite du séjour continuel de la cour impériale en cette ville.
Pour ma part, je ne me refuserai jamais à allouer à nos agents diplomatiques un traitement suffisant pour qu’ils tiennent un rang convenable et qu’ils soient entourés de la considération qui, d’après nos conventions sociales, en est la conséquence ; mais je crois qu’un traitement de 40,000 francs remplit cet objet. Les dépenses qui excèdent ce chiffre tiennent à des considérations particulières ou à des goûts privés ; alors elles ne concernent plus l’homme d’état, elles concernent l’individu.
D’ailleurs, je ne saurais admettre que la considération soit basée sur la quotité du traitement, qu’il y ait une considération à 40,000 francs, une considération à 50,000 francs. Ce n’est pas chez un peuple aussi sérieux, aussi positif que les Allemands, que l’estime et le prestige dont un homme d’état sera environné dépendra de son traitement. J’espère qu’on n’interprétera pas mal mes paroles. Je n’entends faire ici aucune application, car, j’en suis convaincu, l’homme d’état distingué qui a représenté provisoirement la Belgique près de la confédération germanique, et qui bientôt, sans doute, l’y représentera définitivement, jouira à Francfort de la considération et de l’estime dont il a toujours joui à Bruxelles, quel que soit d’ailleurs le rang qu’il y ait occupé.
Il est temps que nous prenions le rang que la nature des choses nous assigne ; il est temps que nous mettions nos dépenses au niveau de nos recettes. La Belgique, permettez-moi cette comparaison, peut être assimilée à ces grandes maisons de commerce qui, après avoir été entraînées dans le tourbillon des affaires, éprouvent le besoin de se reconnaître et de compter avec elles-mêmes. Jetez un coup d’œil sur notre position financière, et vous reconnaîtrez que, si vous ne bornez pas vos dépenses, vous vous préparez à de grands embarras. Déjà la discussion qui a précédé le vote du budget des voies et moyens vous a prouvé que vous êtes en présence d’un déficit de plus de 10 millions. Le rapport sur le budget des travaux publics, qui a été déposé dans l’une des dernières séances, vous fera connaître que, pour achever seulement les lignes du chemin de fer décrétées, il vous faudra un emprunt de plus de 60 millions de francs dont la moitié devra être réalisée dans le courant de l’année prochaine. Ces 30 millions à raison de l’incertitude des esprits, devront peut-être être empruntés à des conditions onéreuses.
Dans une telle situation vous devez restreindre toutes vos dépenses et avant tout les dépenses qui ne sont pas rigoureusement nécessaires.
Si vous voulez concilier l’économie avec les exigences de la position des agents diplomatiques, donnez-leur des frais de premier établissement. On concevra facilement que tous les ménages ne sont pas organisés de manière à répondre à ces exigences. Les dépenses nécessaires pour se mettre au niveau de la position absorbent quelquefois une grande partie du traitement. Des frais de premier établissement y pourvoiraient, et comme ils ne se renouvelleraient pas annuellement, la dépense ne serait pas considérable pour le trésor. Je ne demande pas mieux que de voter une allocation à ce titre, si le gouvernement la propose.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Si les économies qu’on vous propose sur les missions de Francfort, de la Haye et de Berlin, sont très peu importantes pour le pays quant à la somme, elles sont très importantes quant à leur résultat, c’est-à-dire, quant au choix des hommes.
On a comparé la mission de Francfort à celle de Vienne. Il est évident que le chiffre de la légation de Vienne a été fixé bien en dessous des nécessités de la position ; mais ce qui a sans doute déterminé la chambre dans la fixation de ce chiffre, ç’a été la position financière personnelle du chef de cette mission et sa promotion récente. On ne peut donc argumenter de là pour réduire dans la même proportion les autres chiffres.
On a dit que la Belgique doit comparer sa situation à celle des autres états, et régler sa dépense en conséquence. Si on adoptait cette comparaison, nous devrions proposer des augmentations sur presque tous les traitements ; car je me suis fait représenter le tableau des traitements affectés aux différents agents diplomatiques, même de ceux qui représentent des états d’un ordre moins important que la Belgique, et je puis assurer que ces traitements sont supérieurs à ceux des agents diplomatiques de la Belgique. Remarquez en outre que les autres états (c’est un usage général) allouent à leurs agents des frais de premier établissement très considérables. Dès lors on ne peut trouver rien d’exagéré dans les chiffres que nous avons proposés.
Il faut tenir compte des nécessités de la situation des agents diplomatiques, lesquelles sont très grandes, nous pouvons le dire, d’après nos rapports, non seulement avec les agents de la Belgique, mais encore avec les agents des autres pays.
Nous avons pu, par là, apprécier combien les dépenses d’un ministre plénipotentiaire sont considérables. On sait que, quand on vit à l’étranger on paie bien plus cher, et qu’il est des nécessités de position qu’il est impossible de décliner, quoi que l’on fasse.
Il est encore une considération à faire valoir ; c’est que, s’il sort de la Belgique des sommes pour les traitements de nos agents diplomatiques, il y rentre des sommes équivalentes par les dépenses que font chez nous les agents diplomatiques étrangers. Cette considération ne suffirait pas, par elle-même, parce qu’on ne peut puiser dans le trésor, sous le prétexte que les sommes ne sortent pas du pays. Quoi qu’il en soit, c’est une considération générale qui doit arrêter les amateurs d’économies.
M. de Langhe – Dans une séance précédente on a comparé le budget du royaume des Pays-Bas au nôtre ; cette comparaison selon moi, ne pourrait se faire avec exactitude parce qu’on ne compare pas bien des choses composées d’éléments différents, mais ce que ne peut avoir lieu pour l’ensemble peut se faire dans les détails. Or, je trouve que la légation à la diète germanique, résidant à Francfort, est portée dans le budget des Pays-Bas au chiffre de 20,500 florins, équivalant à 43,386 francs ; cependant le roi des Pays-Bas était membre de la confédération germanique, il lui fallait un ambassadeur à la diète. Cet ambassadeur était en même temps envoyé et chargé des relations entre le royaume des Pays-Bas et les petits états de l’Allemagne. Probablement que notre envoyé à Francfort sera la même chose ; mais il ne siégera pas à la diète, ainsi il aura moins de représentation à faire.
La proposition du gouvernement excède de 6,600 francs le chiffre alloué par le gouvernement des Pays-Bas ; cette allocation était pour dix ans ; elle n’était que passagère. La réduction proposée est donc convenable.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je ne puis rien dire relativement au renseignement donné par la préopinant ; cependant je ne le crois pas exact ; car indépendamment du budget décennal, il y a dans les Pays-Bas le budget annal, où des sommes pour les employés sont aussi allouées. Dans tous les cas, il n’y aurait de différence que 1,500 francs annuellement. En outre, dans le royaume des Pays-Bas on a toujours accordé des frais de première installation, ce qui est un avantage considérable. Ces frais de premier établissement, répartis sur plusieurs années, dépassent la légère différence indiquée par le préopinant.
M. de Langhe – Messieurs, j’ai copié sur l’état imprimé et remis à tous les membres des états-généraux : le chiffre que j’ai indiqué y est porté en totalité, et il est dit en outre : Porté sept huitième au budget décennal, un huitième au budget annal. La somme que j’ai signalée est donc la somme intégrale pour les ministres et pour les secrétaires ; car il est dit : Envoyé et secrétaire.
Je sais que la somme pétitionnée n’est pas beaucoup plus considérable que celle des Pays-Bas ; mais je dis qu’il doit y avoir une grande différence, parce que l’envoyé des Pays-Bas, siégeant à la diète, doit être plus rétribué que le nôtre qui résidera simplement à francfort.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il est très possible qu’il y eût pour le résident des Pays-Bas à Francfort la même considération personnelle qui a déterminé les chambres lorsqu’on a fixé le chiffre de la légation de Vienne. Je crois que mes souvenirs ne me trompent pas quant à la personne. Cependant on ne propose pas de réduire le chiffre du gouvernement au même taux, on propose un chiffre inférieur. Je crois que la somme que nous demandons n’est pas trop forte, surtout quand il n’y a pas de frais d’établissement. Ces frais de premier établissement étaient de 15,000 francs.
- Le chiffre du gouvernement, 50,000 francs, est mis aux voix et rejeté.
Le chiffre de 40,000 francs est adopté.
A l’article de l’envoyé de France, il est porté 60,000 francs. Ce chiffre est adopté.
A l’article Grande-Bretagne, il est porté 80,000 francs. Ce chiffre est adopté.
A l’article Pays-Bas, il est porté 60,000 francs. La section centrale propose 50,000 francs.
M. A. Rodenbach – En ma qualité de membre de la section centrale, j’appuierai le chiffre de 50,000 francs. Le ministre demande 60,000 francs ; cette somme me paraît trop forte. Le ministre hollandais n’a que 15,000 florins ; si nous accordons 50,000 francs, c’est encore 15,000 francs de plus que ce qu’on donne au représentant des Pays-Bas. C’est assez donner ; pourquoi accorder des sommes exagérées ?
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – C’est à tort que l’on dit que la légation des Pays-Bas à Bruxelles n’aurait que 50,000 francs ; cette légation a 60,000 francs ; je puis l’affirmer de la manière la plus positive. J’ai pris des renseignements à cet égard. Nous demandons le même chiffre ; cependant personne ne pourra contester l’énorme différence qu’il y a entre la résidence de Bruxelles et celle de la Haye ; chacun sait que la résidence de La Haye est excessivement dispendieuse et qu’il est de toute impossibilité qu’un ministre plénipotentiaire puisse y tenir convenablement son rang avec 50,000 francs lorsqu’il doit, en outre, payer son secrétaire. Il vaudrait mieux supprimer le ministre plénipotentiaire que de le mettre dans l’impossibilité de tenir son rang. Il semble qu’il faudrait que chaque homme employé dans les légations eût une grande fortune, afin de se dispenser de lui donner des traitements convenables ; mais il est très rare de trouver des hommes ayant de grandes fortunes non seulement en expectative, mais en jouissant actuellement, qui aient en outre des dispositions et du goût pour la carrière diplomatique. C’est cependant ce qu’il faudrait trouver par suite des votes de la chambre.
M. de Brouckere – Je partage l’opinion de la majorité de la section centrale et je trouve que le chiffre de 60,000 francs est exorbitant. On vient d’avancer avec la plus grande assurance que la légation hollandaise à Bruxelles était de 60,000 francs ; mais le budget hollandais, où j’ai été puiser, ne porter que 25,000 florins.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Il porte 28,000 florins.
M. de Brouckere - J’ai vu 25,000 florins. Quoi qu’il en soit, si l’on voulait établir des comparaisons entre la légation hollandaise et la nôtre, je ne sais de quel côté pencherait la balance. L’envoyé des Pays-Bas à Bruxelles est un homme supérieur ; c’est une personne qui domine et par son rang, et par ses qualités personnelles ; il a été ambassadeur avec 80,000 francs ; je ne connais pas l’envoyé à La Haye ; mais je doute qu’il ait les mêmes titres et les mêmes antécédents. On parle de prendre des hommes de grande fortune ; je pense qu’on aurait tort d’en agir ainsi.
Mais dans les circonstances actuelles et relativement aux légations dont il s’agit, je pense que ce qu’a dit M. le ministre n’est, en grande partie, pas applicable ici.
Je ne sais, messieurs, s’il faut répondre à cet argument qu’à fait valoir M. le ministre de l'ntérieur, qu’il ne faut pas y regarder de si près, puisque, si nous donnons de forts traitements à notre diplomatie, la diplomatie étrangère en reçoit d’équivalents et les dépenses dans le pays. Cet argument ne serait juste que si les diplomates étrangers versaient dans les coffres de l’état une somme équivalente à celle que nous dépensons pour nos envoyés.
En résumé, messieurs, il faut donner à nos diplomates des traitements suffisants pour qu’ils puissent vivre d’une manière convenable, et je crois que nous aurons été très larges en allouant pour la mission de La Haye, une somme de 50,000 francs. Remarquez, messieurs, que des sections avaient proposé de n’allouer que 40,000 francs, en mettant la légation de la Haye au même rang que celle de Francfort, de Rome et de Vienne ; il fait plus cher vivre à La Haye, cela est vrai, et je pense que la chambre peut allouer 50,000 francs, mais pas au-delà.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne suis pas en droit, messieurs, d’entrer dans l’examen de la position des personnes dont se compose notre diplomatie mais je pense pouvoir dire que, quelle que soit l’expectative que peuvent avoir certaines d’entre elles, il ne faut avoir égard qu’à la jouissance actuelle ; or, celui qui est enfant de famille ne jouit point de la fortune.
Après cela, messieurs, je maintiens comme exact parce que je le tiens d’une personne qui est incapable de me tromper, que la dépense de la mission de La Haye à Bruxelles s’élève à 60,000 francs, et je dis que, quels que puissent être les précédents du ministre de La Haye à Bruxelles, il faut que la légation de Belgique à La Haye soit dans une position convenable, et elle ne peut être dans une position convenable avec une somme moindre que 60,000 francs. Chacun sait que la vie est très chère à la Haye, les loyers, toutes les dépenses quotidiennes sont énormes, et le chiffre de 60,000 francs est un minimum au-dessous duquel il est impossible de descendre.
Je dois encore le répéter, s’il existe ici des préjugés défavorables aux traitements du corps diplomatiques, c’est à cause de l’ignorance (Erratum du Moniteur n°353 du 19 décembre 1839 :) où sont la plupart des membres de ce qu’exige la position des diplomates.
- Le chiffre de 60,000 francs est mis aux voix, il n’est pas adopté.
Le chiffre de 50,000 francs est ensuite mis aux voix et adopté.
« Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
M. Dumortier – Messieurs, j’ai toujours pensé qu’en matière de relations diplomatiques, il n’est nécessaire d’avoir des agents d’un haut rang que dans les pays avec lesquels nous avons des rapports importants : ainsi Paris, Londres, La Haye, Vienne et d’autres villes importantes me paraissent exiger la présence d’un ministre plénipotentiaire ; là nous avons des intérêts à défendre, là nous avons peut-être des relations commerciales à établir ; évidemment il est nécessaire que la Belgique y soit convenablement et dignement représentée. Je ne proposerai donc pas de réduction sur le chiffre de ces légations, je pense même comme M. le ministre des affaires étrangères, qu’eu égard à la position du pays, il n’est pas aussi élevé qu’en d’autres pays qui égalent la Belgique. Mais il est des missions qui me paraissent susceptibles d’être simplifiées ; je demanderai, par exemple, quel besoin nous avons d’un ministre plénipotentiaire à la cour de Rome ? La constitution a séparé le pouvoir civil du pouvoir spirituel ; le gouvernement ne peut intervenir en rien dans la nomination des évêques. Je pense donc qu’il y aurait des économies à faire sur cette légation, économies dont le produit pourrait être reporté sur d’autres articles du budget.
Il y a d’autres missions encore sur lesquelles on pourrait économiser. A quoi sert, par exemple, d’avoir un chargé d’affaires à Hambourg ? Hambourg est une ville libre, son port est libre, son commerce est libre, il n’y a donc aucun traité à faire avec elle ; elle n’a aucun rôle politique à jouer. Nous n’avons donc aucun besoin d’y envoyer un chargé d’affaires. Ce sont là de véritables superfluités, et il me semble que, sous ce rapport, il y aurait des modifications importantes à introduire. Je ne eux pas, messieurs, faire ici une motion de rappel, mais je crois qu’un ministre plénipotentiaire à Rome est tout à fait inutile, et que, pour l’avenir, le gouvernement fera bien de se borner à y envoyer un simple chargé d’affaires.
- Le chiffre est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Prusse : fr. 54 ,500. »
La section centrale propose de réduire le chiffre à 50,000 francs
M. David – Je me proposais de dire quelques mots touchant cette ambassade. L’honorable M. Fleussu dans la discussion générale, a déjà présenté quelques observations dans le sens de celles que je voulais vous soumettre. Parmi les puissances pour lesquelles le gouvernement nomme des envoyés extraordinaires et ministres plénipotentiaires, se place tout naturellement la Prusse, et je conçois que cette nation doit figurer au premier rang. Mais, messieurs, l’honorable M. Fleussu vous l’a également dit, la Prusse est un pays extrêmement positif, qui nous connaît, qui nous apprécie fort bien qui, je le crois, applaudirait à nos économies. Le cabinet prussien connaît apprécie aussi notre chargé d’affaires actuel dont les services sont incontestables. Nous lui devons déjà plusieurs traités, je pense : nommément celui de la convention d’extradition des malfaiteurs ; donc je conclus de là que notre chargé d’affaires a été admis à traiter, à négocier directement avec le cabinet prussien, de plus, qu’il a déjà eu le bonheur de réussir. Que trouverons-nous de mieux, messieurs, dans un grand nom aristocratique ou une sommité financière ? Rien ; nous aurons triplé, quadruplé les frais de représentation. On nous donnera, au moins on doit le craindre, un homme inférieur sous le rapport des capacités au titulaire actuel ; et Dieu sait encore si la Prusse applaudira à cette prodigalité de notre part.
Messieurs, s’il était question de nommer d’emblée le ministre belge et son secrétaire à Berlin, j’accorderais volontiers l’allocation de 54,500 francs demandée au budget ; mais ici, représentés comme nous le sommes, je ne vois sérieusement pas la nécessité de changer, de faire en quelque sorte une injustice vis-à-vis d’un homme qui déjà a beaucoup fait, beaucoup préparé et peut rendre d’éminents services à son pays, si, comme je me plais à le croire, en présence des besoins du commerce et de l’industrie, le gouvernement se décide enfin à négocier chaleureusement notre agrégation aux douanes allemandes. Il est à ma connaissance que notre chargé d’affaires s’est constamment occupé de cette importante question, et qu’il la connaît sous toutes ses faces ; il faudrait à tout autre, sans doute, un long noviciat avant d’en être à son point.
Je demande donc que l’on poursuive les errements précédents. Seulement, je ferai la proposition de porter le traitement du chargé d’affaires, à qui vous donnerez ensuite le titre que vous jugerez convenable, à une somme de 20 mille francs, pour que, dans une ville où la vie et les hôtels sont aussi chers qu’à Berlin, notre représentant ne doive pas tout à fait s’effacer vis-à-vis de ceux des puissances du même ordre que le nôtre.
- L’amendement de M. David est appuyé.
M. Delehaye – Loin de moi, messieurs, l’idée de vouloir majorer les chiffres du budget, mais il me semble que si la chambre adoptait la proposition de M. David, il y aurait quelque chose de si ridicule dans ce que nous venons de faire, qu’il est impossible que la chambre prenne ce parti. En effet, messieurs, il est reconnu qu’aujourd’hui la Prusse exerce la plus haute influence sur la diète germanique, il est reconnu, d’un autre côté, que l’intérêt de la Belgique réclame impérieusement son adjonction aux douanes allemandes (Réclamations). Je dis, messieurs, que lorsque le moment en sera venu, il nous sera facile de prouver que cela est indispensable. Or, vous venez d’accorder 40,000 francs pour l’envoyé de Rome, où il n’y a exactement rien à faire, où il n’y a pas la moindre relation commerciale, pas le moindre rapport politique à établir, et vous n’accorderiez que 20 mille francs pour la mission de Berlin ?
En vérité, messieurs, cela n’est pas possible ; si vous voulez n’avoir qu’un chargé d’affaires à Berlin, j’y consens volontiers, mais alors vous devez revenir sur le vote de 40,000 pour la légation de Rome.
M. le ministre des affaires étrangères et de l'ntérieur (M. de Theux) – Je dois vous faire remarquer, messieurs, que l’honorable M. David est dans l’erreur lorsqu’il considère le chiffre demandé comme un chiffre nouveau. Ce chiffre a déjà été voté par la législature ; tout que nous demandons, c’est le maintien du chiffre de l’année dernière. Je dirai en outre que l’honorable M. David a véritablement fait de l’administration en proposant son amendement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – L’honorable préopinant a fait ressortir avec raison l’importance de la mission de Berlin. De grandes questions, messieurs, restent pendantes, des questions d’existence pour notre commerce et notre industrie, et c’est en ce moment-là qu’on irait effacer du budget le chiffre qui a été alloué pour la mission de Berlin ! Je pense, messieurs, que l’honorable M. David, n’a pas réfléchi aux conséquences funestes que sa proposition pourrait entraîner.
J’ajourerai quelques mots pour justifier la proposition de la section centrale ; la section centrale a cru qu’en réduisant le chiffre de la Hollande à 50,000 francs, il fallait nécessairement en faire autant pour la légation de Berlin, puisque tous les motifs qu’on peut alléguer pour Berlin s’appliquent également à La Haye. La section centrale a cru qu’il ne fallait faire aucune distinction entre les deux missions.
M. David – Je ne suis pas d’avis, messieurs, que ce sont les plus hauts traitements qui amènent les meilleurs résultats. Dans tous les cas, eu égard aux chiffres qui ont été votés pour les autres missions, je retire mon amendement.
- Le chiffre de 54,500 francs, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Le chiffre de 50,000 francs est adopté.
« Art. 8. Turquie : fr. 40,000. »
- Adopté
« Art. 9. Bavière : fr. 15,000. »
- Adopté
« Art. 10. Brésil : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 11. Danemark : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Etats-Unis : fr. 25,500. »
La section centrale propose 21,000 francs.
M. de Langhe – Dans ce traitement est compris celui du secrétaire du chargé d’affaires des Etats-Unis. Est-ce que la section centrale est d’avis de retrancher ce secrétaire ?
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – La section centrale n’avait pas se prononcer sur cette question, et elle n’aurait pu se prononcer sans faire de l’administration ; elle a voulu mettre ce chiffre en rapport avec celui de la légation du Brésil. Je vous dirai cependant, messieurs, qu’il est entré dans la pensée de la section centrale, qu’un secrétaire était complètement inutile avec l’union américaine ; nos relations avec ce pays ne sont pas très fréquentes, et il a paru impossible qu’elles deviennent plus actives. Un secrétaire a donc paru être à votre section centrale une véritable superfétation aux Etats-Unis.
M. Smits – Messieurs, il n’y a aucune comparaison à faire entre la légation du Brésil et celle des Etats-Unis. Nous avons nos relations établies avec le Brésil, et sous ce rapport, nous sommes à l’abri de toute éventualité puisqu’il existe un traité de commerce avec ce pays. Le Brésil est certainement un pays important, où nos relations peuvent prendre encore du développement ; mais son influence politique est restreinte ; ses ports, ses ressources et ses besoins nous sont parfaitement connus tandis que l’Amérique du Nord s’offre à nous comme (quelques mots manquent) relations n’y sont pas établies ; nous n’avons point de traité de commerce avec lui ; et cependant l’influence politique qu’il exerce est très grande. L’Amérique du nord domine en quelque sorte le nouvel hémisphère ; son influence s’étend au nord comme au sud. Nous avons donc un intérêt à connaître tout ce qui se passe dans cette contrée et ce qui pourrait être utile à nos relations. Or, pour cela, il faut à Washington un agent distingué et capable.
Par ces considérations, il me paraît qu’il y a lieu, sinon d’élever, du moins de maintenir le chiffre proposé par le gouvernement.
M. de Brouckere – Messieurs, la chambre comprendra qu’en fixant les traitements des agents diplomatiques, elle ne peut pas examiner si tel agent aura un peu plus ou un peu moins à faire que tel autre. On a jugé qu’il fallait un chargé d’affaires du Brésil, et un agent du même rang aux Etats-Unis ; Il est dès lors tout naturel qu’on donne le même traitement à l’un et à l’autre, car je crois que la vie est aussi chère au moins au Brésil qu’aux Etats-Unis.
M. le rapporteur vous a fait connaître les pensées de la section centrale. Si maintenant la chambre désirait connaître les motifs qui ont dicté le vote des membres de la section centrale, je dirai que, pour moi, j’ai cru qu’il était inutile d’adjoindre un secrétaire à la légation des Etats-Unis, alors qu’aucun chargé d’affaires n’a de secrétaire ? Faut-il établir une exception en faveur de celui des Etats-Unis ? Je ne vois pour cela aucun motif exclusivement applicable à notre chargé d’affaires dans ce pays. Dans ma pensée, la légation des Etats-Unis ne doit pas coûter plus que celle du Brésil. Le gouvernement pourra, s’il le juge convenable, adjoindre à cette légation des attachés qui ne reçoivent pas de traitement.
M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, l’honorable M. Smits vous a dit qu’il importait d’avoir, auprès de l’Union américaine un agent capable. Je ne pense pas qu’il ait voulu faire allusion à d’autres agents. Il nous importe d’avoir partout des agents capables. Je ne vois pas pourquoi l’on voudrait faire des distinctions.
M. de Foere – Messieurs, l’honorable député d’Anvers a fait valoir une opinion qui ne doit, en aucune manière, influencer vos votes. Il a dit que nous n’avons pas de traité de commerce et de navigation avec les Etats-Unis et que ce traité reste à négocier. Il n’en est pas dans ce pays et dans d’autres comme en Belgique : ici le ministère négocie ces traités sur des principes qui n’ont point été discutés et votés par les chambres ; aux Etats-Unis et ailleurs le gouvernement négocie des traités sur des bases qui ont été fixées d’avance par la législature. La négociation d’un traité de commerce et de navigation avec les Etats-Unis ne présente donc aucune difficulté.
Cette puissance n’a que deux systèmes établis par le congrès américain. L’un est celui de la réciprocité la plus complète ; l’autre, celui qui admet les états étrangers sur le pied des nations les plus favorisées. La Belgique peut opter entre l’un et l’autre système. Le président des Etats-Unis lui-même ne peut sortir de ces deux alternatives. Il n’y a donc pas de négociation possible, pas même sur les formalités ; elles sont faites d’avance. Si donc vous n’avez pas d’autres raisons pour adopter le chiffre proposé par le gouvernement, la considération présentée par M. Smits ne doit pas vous arrêter.
M. Smits – Je répondrai à l’honorable rapporteur que je n’ai voulu faire aucune allusion personnelle. Je reconnais de la capacité à l’agent du gouvernement à Washington. Mais j’ai voulu dire que cet agent, ayant plus de besogne, et devant supporter plus de dépenses, méritait d’être plus rétribué. Voilà à quoi se réduit mon opinion.
M. de Brouckere – Je veux aussi que, sous le rapport du traitement, le chargé d’affaires aux Etats-Unis soit au moins de niveau avec celui du Brésil ; mais, dans ma pensée, il n’est pas plus nécessaire d’adjoindre un secrétaire à l’envoyé des Etats-Unis qu’à celui du Brésil.
Il est à remarquer que nous sommes venus à ce chiffre de 25,000 francs, parce que le gouvernement avait jugé à propos d’envoyer dans le principe un ministre résidant aux Etats-Unis. Aujourd’hui notre agent aux Etats-Unis n’a plus ce titre : il est simplement chargé d’affaires. Il faut donc le mettre sur le même rang que celui du Brésil, sous peine de commettre une injustice envers ce dernier.
M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, il n’y a aucune inégalité injuste entre le traité du chargé d’affaires d’Amérique et celui du chargé d’affaires au Brésil, il y a un traitement de plus, celui de secrétaire. On dit qu’un secrétaire est inutile, je ne partage pas cette opinion. Il y a d’abord plus d’affaires aux Etats-Unis qu’au Brésil. En second lieu, il importe encore au succès de la mission, sous le rapport des renseignements commerciaux, que de temps à autre le chargé d’affaires puisse faire une excursion dans l’intérieur du pays, et pendant ces absences, le secrétaire le remplace. Je dis donc que l’allocation est entièrement utile.
Je ferai en outre observer qu’on tue véritablement la carrière diplomatique par ce système d’économie. L’on veut que des jeunes gens aillent passer à l’étranger peut-être un grand nombre d’années, avec la qualité de simple attaché sans traitement. Et quel sera leur sort ? de devoir revenir chez eux sans la moindre expectative de traitement. Convient-il donc de supprimer des places de secrétaire ; alors que nous n’avons que quatre ou cinq emplois de ce genre à conférer ? Ce serait, je le répète, tuer entièrement la carrière de la diplomatie, et, à cet égard, je proteste de nouveau contre toutes les réductions qui ont été votées, parce que je les considère comme fatales au service.
- Le chiffre de 25,500 francs, proposé par le gouvernement, est mis aux voix et adopté.