(Moniteur belge n°69 du 10 mars 1838 et Moniteur belge n°70 du 11 mars 1838)
(Moniteur belge n°69 du 10 mars 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure 1/2.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Des cultivateurs de garance demandent une augmentation sur les droits d’entrée de cette substance. »
« Des cultivateurs, marchands et fabricants de lin (arrondissement de Courtray), demandent des modifications à la loi des douanes, relativement à la sortie des lins. »
M. le ministre de la justice transmet à la chambre des demandes en naturalisation avec renseignements.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères envoie à la chambre un extrait des observations des députations provinciales qui ont précédé la rédaction définitive du projet de loi sur les chemins vicinaux.
Un scrutin est ouvert pour la prise en considération des demandes en naturalisation simple, faites par :
M. Hayman-Heye (Henri-Barchley), négociant, à Gand.
M. Neroud (Gabriel-Antoine), lieutenant du premier ban de la garde civique, à demi-solde, à Bruxelles.
M. Vayre (Charles-François), sous-lieutenant au 5ème régiment de ligne, à Bruges.
M. Bon, avocat, à Liége.
M. Chevalier, pharmacien, à Remich (Luxembourg).
M. Nix (Henri-Louis), capitaine au 11ème régiment.
M. Dufresni (Eugène-Jean-Baptiste-François), directeur du pensionnat de Sart-Moulin, à Sar-Moulin (Brabant).
M. Herwegh (François-Alexandre), avocat, à Liége.
M. Thompson (Georges-Alexandre), armateur-négociant, à Bruges. Michor, (Nicotls-François), ancien jurisconsulte, négociant, à Arlon.
M. Mallet (Ferdinand), fermier, à Rumes (Hainaut).
M. Corné (Jacques-Corneille), officier pensionné et ex-receveur des contributions, à Buvrinnes (Hainaut).
M. Fontenelle (Augustin), fabricant de bas, à Sivry (Hainaut).
M. Flailz (Sébastien), fabricant de poudre, à Ben-Alsin (Liége).
Le nombre des votants est de 59 ; majorité absolue 30.
Les suffrages sont ainsi répartis :
MM. Hayman-Heye, 55 ; Neroud, 41 ; Vayre, 43 ; Bon, 31 ; Chevalier, 37 ; Nix, 42 ; Dufresni, 43 ; Herwegh, 32 ; Thompson, 53 ; Michon, 42 ; Mallet, 37 Corné, 39 ; Fontenelle, 37 ; Flaitz, 41.
En conséquence, ces demandes sont prises en considération et seront renvoyées au sénat.
M. Demonceau. - Je demanderai que vendredi prochain la chambre s’occupe des demandes en grande naturalisation qui seront instruites.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Brouckere. - Depuis assez longtemps, messieurs, beaucoup de demandes en naturalisation ont été prises en considération par la chambre et ont déjà subi une épreuve au sénat ; je voudrais que ‘un ou l’autre de MM. les membres de la commission nous dise si nous serons bientôt saisis de projets de loi à cet égard : il importe de terminer ces objets.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je m’associe, messieurs, au vœu exprimé par l’honorable préopinant, de voir la commission nous présenter bientôt des projets de loi accordant la naturalisation aux personnes dont les demandes ont été prises en considération par les deux chambres, et je profiterai de cette occasion pour faire une observation à l’assemblée. Il me semble, messieurs, qu’il serait convenable de faire une loi spéciale pour chaque naturalisation. Que la chambre vote en masse sur un certain nombre de noms, je n’y vois pas de difficulté ; mais qu’ensuite on rédige une loi spéciale pour chaque personne dont la naturalisation aura été votée : il faut, messieurs, que le Roi conserve le droit de sanction dans son intégrité, et si vous l’obligiez d’adopter ou de rejeter un certain nombre de naturalisations, il ne pourrait pas exercer ce droit dans sa plénitude. Je pense, messieurs, qu’il aura suffi de vous faire cette observation pour que vous en sentiez la justesse et pour que vous y fassiez droit.
M. Desmanet de Biesme. - Il me semble, messieurs, que la chambre pourrait continuer à voter comme elle l’a fait jusqu’à présent, et que le gouvernement, lorsqu’il promulguera les lois, pourrait les séparer et faire une loi spéciale pour chaque naturalisation.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je me suis tout à fait exprimé dans le sens de l’honorable préopinant en ce qui concerne la manière de voter sur les demandes en naturalisation, mais le gouvernement ne peut pas prendre sur lui de séparer des lois que la chambre a faites. C’est pour cela que je demande que la chambre, tout en votant sur plusieurs noms à la fois, entende cependant qu’immédiatement après la commission rédigera un projet de loi spécial pour chaque personne dont la naturalisation aura été votée.
Personne ne demandant la parole sur l’ensemble du projet, on passe à la discussion des articles.
« Projet de la chambre des représentants.
« Art. 1er. Il est établi une école militaire dans une des places de guerre du royaume au choix du gouvernement.
« L’école militaire a pour objet de former des officiers pour les armes de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie et du génie, pour le corps d’état-major et pour la marine. »
« Projet du sénat.
« Art. 1er. Il est établi dans le royaume une école militaire destinée à former des officiers pour les armes de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie et du génie, pour le corps d’état-major et pour la marine. »
La commission propose le maintien de l’article voté par la chambre.
M. Heptia. - Messieurs, j’ai lu dans le rapport fait au nom de la commission nommée pour l’examen du projet qui vous est soumis, les phrases suivantes qui ne m’ont pas peu surpris : «Quant à la modification proposée à l’article 1er, elle aurait dû faire l’objet d’une discussion plus ou moins longue, puisqu’il s’agit d’une question vivement débattue à la chambre lors du premier examen de la loi ; mais c’est ce fait qui a rendu la discussion impossible… Les opinions et les votes étaient connus, les six membres qui composaient la commission ont déclaré y persister, tout débat devenait donc inutile. »
A prendre ces mots à la lettre, la chambre aurait de graves reproches à faire à la commission ; celle-ci aurait failli à son devoir, elle ne se serait pas acquittée de sa mission qui était d’examiner le projet amendé par le sénat, car ce n’était pas un second vote conforme au premier que la chambre demandait à la commission, mais un examen et un rapport sur les motifs qui avaient porté le sénat à apporter des modifications au premier projet voté par la chambre.
Ayant fait partie de cette commission, vous me permettrez de vous rendre compte de ce qui s’y est passé, d’autant plus que je n’ai eu connaissance du rapport qu’après son impression.
La commission s’est réunie deux fois pour examiner le projet dont il s’agit ; quatre membres furent présents à la première réunion, et au début l’un de ceux qui ont fait partie de la minorité dit qu’il était inutile de discuter, que les opinions de chacun étaient connues, que probablement personne n’en changerait ; on répliqua que cela pouvait ne pas être vrai si on venait donner aux membres de l’une ou de l’autre opinion de bonnes raisons d’en changer ; là-dessus on rappela assez longuement les arguments qui avaient été avancés tant au sénat qu’à la chambre pour et contre l’amendement à l’article premier de la loi ; on se sépara pour se rendre à la séance publique, une deuxième réunion de la commission fut fixée. Les quatre membres qui s’y étaient rendus la première fois y revinrent encore, ils examinèrent tous les amendements introduits par le sénat, autres que celui à l’article premier, pour l’examen duquel on désirait être plus nombreux ; la commission était sur le point de devoir se séparer encore pour se rendre à la séance publique, quand deux nouveaux membres se présentèrent ; on leur expliqua brièvement ce qui s’était passé, ils approuvèrent ce qui avait été résolu sur les amendements autres que celui relatif au siège de l’école ; mais lorsqu’on voulut rappeler ce qui avait été dit sur ce dernier point, un des nouveaux venus dit qu’il était inutile d’entreprendre une nouvelle discussion, qu’il avait lui son opinion faite, qu’il supposait qu’il en était de même pour chacun des membres de la commission ; alors on recueillit les opinions et vous savez comment la commission s’est partagée ; ainsi que le dit le rapport, chacun persista dans son opinion primitive.
Telle est, messieurs, la narration fidèle de ce qui s’est passé dans le sein de votre commission ; vous voudrez bien l’accepter comme complément du rapport qui vous a été présenté. Je n’aurais pas été dans le cas de devoir vous donner ici cette explication, si j’avais été mis à même de connaître la rédaction du rapport avant son impression ; mais il vous a été présenté, et l’impression en a été ordonnée à l’insu de plusieurs membres de la commission qui, cependant d’après ce qui avait été convenu, s’attendaient à en recevoir auparavant la communication.
Vous me pardonnerez, messieurs, d’être entré dans des détails un peu longs peut-être ; mais comme membre de la commission, j’ai cru de mon devoir de la justifier, de vous faire voir qu’elle s’était acquittée de la mission que vous lui aviez donnée.
Je repousse, pour ma part, l’idée que les membres de la majorité de cette commission aient passionnément et aveuglément persisté dans leur première opinion, sans avoir voulu accepter la discussion.
N’étant pas, moi, homme de parti, et n’ayant pas d’intérêts de localité en perspective, je ne chercher que l’intérêt de l’établissement qu’il s’agit de créer, et dans cette position il ne me paraissait pas difficile de se décider.
La chambre me permettra de lui soumettre ma manière d’envisager la question : je ne dirai rien de nouveau, cela est devenu impossible ; je tâcherai, en conséquence, d’être court.
La question à examiner se réduit actuellement à celle-ci : L’école militaire sera-t-elle placée à Bruxelles ? La question a déjà été ainsi posée dans une autre enceinte.
On a fait valoir pour et contre beaucoup d’arguments que je n’examinerai pas. Par exemple, on a parlé de la prérogative constitutionnelle du Roi, du danger de voir les professeurs de l’école donner des leçons dans d’autres établissements. Pour moi, ces arguments et tous leurs pareils sont sans aucun poids ; ils ne sont pas de nature à faire impression sur l’esprit de ceux qui ne veillent et ne voient que le bien de l’école, sans aucune préoccupation. Je vais vous exposer les motifs qui décideront mon vote, si M. le ministre de la guerre ne me démontre qu’ils ne sont pas aussi décisifs que je le crois.
Je l’ai déjà dit, je ne vois que l’intérêt de l’établissement et celui des élèves ; cet intérêt veut que l’école soit placée dans une place de guerre : je parle d’après des autorités qu’on ne peut récuser, et qui ont proclamé que c’était un avantage qui n’avait pas besoin être démontré... En effet, messieurs, chacun sent l’utilité pour l’élève d’avoir à tout moment sous les yeux l’application des principes théoriques qu’on lui enseigne ; chacun sent l’immense avantage de démontrer un principe abstrait par sa mise en pratique ; cette méthode parle à la fois aux sens et à l’intelligence des élèves ; les principes ainsi enseignées ne s’effacent jamais de la mémoire.
Cette considération me paraît toute puissante et me décide à elle seule ; mais on a tâché d’y répondre, en disant que les élèves pourraient facilement, au moyen des chemins de fer, se rendre de temps en temps dans des villes fortes, et par là recueillir les mêmes avantages qu’ils auraient si l’école était placée dans une de ces villes. Mais, en ce cas, on aurait, me semble-t-il, à tenir compte des distractions, des dépenses et du temps perdu pour les élèves qu’occasionnent de pareils voyages ; on ne les fera pas voyager sans ces inconvénients.
Les partisans de l’établissement de l’école à Bruxelles insistent encore sur ce que la déplacer c’est la tuer, et en outre occasionner des dépenses considérables à l’Etat ; ces arguments ne sont pas sérieux, on s’en convaincra facilement en réfléchissant à ce qui existe et à ce que nous voulons établir.
L’école n’a pas en ce moment de local approprié, elle n’a pas le mobilier, elle n’est que provisoirement organisée ; comment alors prétendre que lorsque la loi actuelle lui assure une organisation large et forte, qu’elle ne néglige rien pour y assurer un enseignement solide, ou veuille la détruire ?
Certes ce ne sera pas parce que l’école sera à Bruxelles, que l’enseignement sera meilleur que s’il était donné dans une autre ville, quand il le sera par les mêmes professeurs et sur les mêmes sciences.
Quant aux dépenses, messieurs, je l’ai déjà dit, le local actuel n’est pas convenable, il faudra en choisir un autre, ou approprier le local actuel si l’école reste à Bruxelles. Ainsi, sous ce rapport il ne peut y avoir aucune économie... Mais, je me trompe, il y aura économie si on la place dans une ville autre que Bruxelles, car alors cette ville fournira un local, comme le veut l’article 26 du projet, tandis que la ville de Bruxelles, obérée qu’elle est, ne peut pas en fournir. Déjà, messieurs, on vous a demandé au budget de cette année une somme pour loyer d’un local supplémentaire.
Les frais de déplacement, messieurs, seront presque nuls, puisque l’école actuelle ne possède pour ainsi dire ni mobilier, ni bibliothèque, ni collections scientifiques.
Vous voyez, messieurs, que les prétendus avantages matériels de la conservation de l’école à Bruxelles se réduisent à rien... L’avantage de la proximité du gouvernement, afin qu’il puisse exercer une surveillance plus active sur l’école, ne me touche pas davantage ; le gouvernement pourra également la surveiller, s’il la place à dix ou vingt lieues de la capitale. C’est le choix du chef, bien plus que la surveillance journalière du ministre, qui assurera la prospérité de l’établissement.
Dans tous les cas, l’avantage de la surveillance ministérielle serait-il compense par les inconvénients d’avoir les jeunes gens dans la capitale, où ils ne manquent pas de prendre goût aux habitudes du luxe, de la mollesse, des plaisirs et de la dépense ?
Je ne vous en répéterai pas davantage, parce que ces considérations peuvent suffire pour justifier mon vote, ainsi que le vote de tous ceux qui ne cherchent que le bien de l’école.... sans toutefois que j’entende jeter aucun blâme sur ceux qui ne partagent pas ma manière de voir. Je dois cependant ajouter un mot sur une considération qui avait d’abord fait quelque impression sur mon esprit : c’est que la chambre doit éviter autant que possible de se mettre en désaccord avec le sénat. Je l’avoue, personne ne désire plus que moi cette harmonie entre les deux grands corps de l’Etat. Personne plus que moi ne respecte la prérogative de l’autre chambre, et presque toujours j’ai applaudi à ses décisions quand elle amendé les projets votés dans cette enceinte, parce que ces décisions étaient motivées sur des raisons solides.
Mais dans le cas actuel, où aucun bon argument n’a été donné ni par les membres de la majorité du sénat, ni par M. le ministre de la guerre, je ne crois pas devoir pousser la déférence pour le sénat au point de changer mon vote sans changer de conviction.
S’il y avait eu une grande majorité dans le sénat pour amender le projet de cette chambre, je pourrais croire que j’ai mal apprécié l’état de la question ; mais j’ai pesé attentivement les raisons apportées pour et contre, et ma conviction a été de partager l’opinion de la minorité. Je me rangerai toujours à l’avis des majorités, cela doit être sous le système qui nous régit ; mais dans le cas actuel je ne vois pas cette majorité devant laquelle les convictions individuelles doivent céder.
M. de Terbecq. - Messieurs, lors de la discussion du projet de loi qui nous est revenu du sénat, j’ai voté l’établissement de l’école militaire dans une des places de guerre du royaume, au choix du gouvernement, et la chambre a adopté cette disposition.
Le sénat n’a pas confirmé le vote de la chambre ; il a adopté une disposition d’après laquelle l’école militaire sera établie dans le royaume, disposition qui laisse au pouvoir exécutif d’en déterminer le siège où il le trouvera convenable.
Voilà donc un conflit entre le sénat et la chambre des représentants ; si ces deux grands corps de l’Etat persistaient dans leur système, la conséquence en serait que le projet de loi en discussion se trouverait écarté, et que, par la nature des choses, on devrait maintenir l’école actuelle telle qu’elle se trouve organisée et en activité. Mais le projet de loi est destiné à améliorer cette belle institution, et s’il était adopté tel que le séant l’a modifié, manquerait-il son but ? En d’autres termes le succès de l’école militaire dépendra-t-il du lieu où elle aura son siège, soit dans une place de guerre, soit dans toute autre ville ? C’est, messieurs, ce que je ne puis penser. Dans mon opinion, le succès de l’école dépendra de son organisation, du choix des professeurs, de l’ordre et de la discipline qui seront introduits dans l’école. Quoi qu’il en soit, la position de la chambre n’est plus la même ; si elle persiste dans son premier vote, on peut présumer, prévoir du moins, que le sénat persistera également dans son vote, et si cette prévision se réalise, c’en est fait des améliorations que le projet de loi est destiné à introduire dans l’école militaire ; je l’avoue, messieurs, je ne suis pas sans crainte à cet égard, et cette crainte me portera à me rallier à la proposition du sénat.
M. de Puydt, rapporteur. - Messieurs, si l’honorable Heptia s’était borné, comme il l’avait annoncé, à donner des explications, comme complément du rapport de la commission, j’aurais accepté ces explications sans me croire obligé d’y répondre ; mais je considère ce prétendu complément comme un démenti formel de ce que j’ai avancé dans mon rapport ; je vais donc, à mon tour, faire le récit de ce qui s’est passé au sein de la commission.
La commission a tenu deux séances. Dans la première, nous étions quatre membres présents, et, de ces quatre membres, il n’y en avait qu’un seul qui appartînt à la minorité ; il n’y a pas eu de discussion ; en attendant que la commission se complétât, il s’est élevé une simple conversation sur l’amendement principal du sénat ; après que nous eûmes discouru pendant un quart d’heure ou à peu près, le membre de la minorité nous dit : Il est inutile de s’étendre plus au long sur ce point, car nous parlerons pendant huit jours, pendant un an, sans qu’aucun de nous change d’opinion. Là-dessus, les trois membres de la majorité se sont pris à rire, en disant : C’est vrai. Néanmoins, nous n’avons pas voulu prendre une décision dans la première séance, parce que nous espérions être plus nombreux à la seconde convocation, et il a été convenu alors que nous ajournerions toute décision au lendemain. Le lendemain, nous nous sommes trouvés six membres présents, et la minorité était renforcée d’un membre. Cette fois, il n’y a pas eu même de conversation sur le point principal, et de part et d’autre il a été convenu qu’il était inutile d’ouvrir une discussion. C’est là ce qui a motivé le paragraphe du rapport où j’ai fait mention de cette circonstance.
Messieurs, s’il s’était agi d’examiner un projet de loi a priori, certes, nous n’aurions pu agir de cette manière ; nous n’aurions pas ainsi présumé les opinions les uns des autres, nous n’aurions pas pu nous dispenser de délibérer. Mais comme il s’agissait ici d’une question qui avait été vivement discutée au sein de la chambre, nous pouvions, connaissant les votes qui avaient été émis sur une question qui renfermait l’autre ;nous pouvions, dis-je, déclarer qu’il n’y avait pas lieu à délibérer, et c’est ce que nous avons fait. Je ne pense pas que la commission ait manqué au mandat que la chambre lui avait confié.
L’honorable M. Heptia est entré dans quelques considérations pour motiver son opinion en faveur du maintien de la disposition de l’article premier, telle qu’elle a été votée par la chambre. « Je n’ai en vue, dit-il, que l’intérêt de l’école. »
L’intérêt de l’école, à mon avis, est précisément ce qu’on a eu le moins en vue pendant le cours de la première discussion du projet de loi. Si la majorité qui a voté l’article premier n’avait eu en vue que l’intérêt de l’école, elle se serait fait cette simple question : « L’école existe depuis quatre ans ; eh bien, depuis qu’elle existe, est-elle bonne ? Son organisation est-elle de nature à produire les résultats qu’on en attend ? » Or, comme tout le monde était d’accord pour répondre affirmativement à ces questions, on aurait dû voter immédiatement la loi, pour maintenir l’école à Bruxelles. Comme cela n’a pas eu lieu, je puis dire que les considérations d’après lesquelles on a cherché à mettre Bruxelles en quelque sorte hors la loi, sont des considérations tout à fait étrangères à l’intérêt de l’école.
Des autorités irrécusables, dit M. Heptia, veulent qu’une école militaire soit placée dans une place de guerre. Je rappellerai à cette occasion que dans la première discussion on a singulièrement insisté sur ce qu’on considère comme un argument, sur la proposition qui a été faite par M. le ministre de la guerre d’alors, d’établir l’école dans une place de guerre, et l’on a constamment dit à la chambre que ce qu’on voulait par l’amendement de M. Dumortier n’était que le projet primitif du gouvernement. Mais on a perdu de vue ce qui s’est passé depuis quatre ans. Il y a quatre ans, lorsque le gouvernement a proposé le premier projet de loi relatif à l’école militaire et dont l’article premier déterminait l’emplacement de l’école dans une place de guerre, il n’existait pas d’école militaire. Alors le ministre était libre de l’établir où il voulait ; il avait déjà fait choix d’une ville, il était déjà allé visiter des locaux dans cette ville ; je n’ai pas besoin de dire ici par quelles considérations particulières on avait fait ce choix, beaucoup de membres de cette chambre les connaissent. Mais il est de fait que ce choix était fait alors, et que l’école n’existant pas, il ne pouvait y avoir des inconvénients de déplacement. Depuis lors, qu’a fait la chambre ? Au lieu de discuter et de voter le projet de loi, pour mettre le gouvernement a même d’établir l’école militaire dans ces conditions qu’elle a envisagées actuellement comme les meilleures, la chambre a mis le projet de loi dans ses cartons où il est resté pendant quatre ans ou à peu près. Mais comme il n’était pas possible de se passer d’école militaire, le gouvernement s’est trouvé en demeure de constituer l’école avec les éléments qu’il avait sous la main ; il l’a établie à Bruxelles, parce qu’il y avait eu antérieurement à Bruxelles une école d’aspirants ; il l’a organisée telle qu’elle est aujourd’hui. La première année, il a formé la première division ; la seconde année, il a établi la deuxième division, et il est arrivé ainsi jusqu’à la quatrième division. L’organisation de l’école est aujourd’hui complète, et aucune voix ne s’est élevée contre cette organisation. Tous ceux qui ont pris connaissance de la situation de l’école, se sont trouvés d’accord pour la considérer comme admirablement organisée, et c’est cependant cette école si admirablement organisée qu’on veut démolir aujourd’hui pour la transporter ailleurs. On veut exclure Bruxelles, comme si l’on voulait punir Bruxelles d’avoir donné naissance à un établissement que tout le monde considère comme étant parfaitement organisé.
Maintenant, je dirai un mot relativement aux avantages qui doivent résulter de l’établissement de l’école militaire dans une place de guerre. Ces avantages existent, mais ils sont si peu de chose au prix des inconvénients que doit entraîner le déplacement de l’école, que ces considérations ne valent pas la peine d’être invoquées.
Quelle est la branche d’enseignement qui peut être favorisée par l’établissement de l’école militaire dans une place de guerre ? Ceux qui connaissent la destination de cette école savent qu’il n’y a absolument que le cours d’application pour (erratum inséré au Moniteur belge n°70, du 11 mars 1838 :) le génie militaire qui puisse retirer un avantage quelconque de l’étude des fortifications dans une place de guerre ; c’est la seule et unique branche d’enseignement qui ait besoin d’une localité où se trouve une fortification quelconque, et c’est dans la quatrième année de l’enseignement que cette nécessité se fait sentir. Mais, messieurs, il a été dit dans cette chambre, par M. le ministre de la guerre et par moi, que, si l’on pouvait trouver une place qui résumât tous les systèmes de fortifications possibles avec les différents sites sur lesquels on peut les asseoir, il y aurait certainement un grand avantage à ce que l’école fût établie dans cette place ; mais il n’y a pas de place semblable en Belgique ; et quand on aurait fait le levé d’une portion quelconque dans la ville où l’école serait établie, on ne serait pas dispensé de faire les levés d’autres places : les déplacements seraient donc encore nécessaires quand même l’école serait établie dans une ville de guerre quelconque. Or, du moment que les déplacements, quelle que soit la situation dans laquelle on mette l’école, ne peuvent pas être évités, je ne vois pas d’avantage à placer l’institution dans une ville de guerre. Nos adversaires s’appuient à cet égard sur des autorités irrécusables. Il me semble que l’opinion de M. le ministre de la guerre peut aussi dans cette circonstance être considérée comme une autorité ; il me semble que M. le ministre de la guerre a un intérêt suffisamment direct à ce que tous les moyens d’instruction soient réunis dans la localité où l’école sera établie, pour qu’il ne soit pas frappé de l’utilité de mettre l’institution dans une ville de guerre, si cette utilité existait réellement.
Je bornerai là pour le moment mes observations.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, lors de la première discussion du projet de loi sur l’école militaire, j’ai voté avec la majorité. Quoique j’aie voté avec la majorité, si l’on peut me prouver par de bonnes raisons que l’école sera meilleure à Bruxelles qu’ailleurs, je ne me croirai pas enchaîné par mon premier vote. Mon opinion n’est pas définitivement arrêtée ; je désire avoir une explication. Ce n’est pas que, imitant un honorable préopinant, je craigne qu’il n’y ait un conflit entre les deux chambres parce que notre opinion se trouverait en opposition avec celle du sénat ; c’est sur la question d’argent que je désire avoir mes apaisements.
Nous avons voté dernièrement deux millions pour la construction d’un palais de justice ; je crains que si nous décidons aujourd’hui que l’école sera établie à Bruxelles (car, franchement, c’est ce que nous déciderons en adoptant l’amendement du sénat) ; je crains, dis-je, qu’on ne vienne nous faire plus tard une nouvelle demande d’argent : je demanderai donc à M. le ministre de la guerre si la ville de Bruxelles est dans le cas de faire des sacrifices, comme Gand, Liége, Namur et les autres localités où l’école militaire peut être placée. Ce n’est ici qu’une question d’argent ; nous ne voulons comme le pense un honorable préopinant, mettre la ville de Bruxelles au ban de la nation ; je désire tout autant que l’école soit placée à Bruxelles que partout ailleurs ; mais avant d’émettre un vote en faveur de Bruxelles, je désire savoir positivement si l’on ne viendra pas plus tard nous demander un million ou un demi-million pour l’établissement des locaux de l’école militaire.
M. Heptia. - Vous voyez, messieurs, par ce que vient de dire l’honorable M. de Puydt, que sur le fond des choses il est parfaitement d’accord avec moi sur ce qui s’est passé dans le sein de la commission : j’ai qualifié de discussion ce que l’honorable membre a cru devoir qualifier de conversation ; or, je demanderai à toute personne qui veut bien examiner les choses et ne pas s’en tenir aux mots, si une conversation dans laquelle on rappelle les principaux arguments pour et contre la proposition dont on s’occupe, si une pareille conversation n’est pas une véritable discussion ; tous ceux qui ont l’habitude de se rendre dans le sein des commissions savent bien qu’on n’y procède jamais de la même manière qu’en séance publique, et que la discussion s’y ressent toujours plus ou moins de la conversation ou plutôt que les discussions, dans ces sortes de réunions, sont toujours de véritables conversations.
Maintenant, messieurs, il n’entre pas dans mon intention de donner de nouvelles explications, ou de répondre aux explications qui ont été données par l’honorable M. de Puydt ; il me suffit d’avoir établi un fait que personne n’a contesté, c’est que je n’ai pas été à même de connaître avant l’impression du rapport ce que le rapport contenait, et je crois que plusieurs de mes honorables collègues ont été dans le même cas que moi ; ce n’est pas que je veuille élever des plaintes à cet égard ; je veux bien accepter la chose telle qu’elle est.
Je ne rentrerai pas dans la discussion ; je me bornerai à répondre un mot à l’honorable M. Rodenbach qui a adressé tout à l’heure une interpellation à M. le ministre de la guerre ; je pense, messieurs, que le ministre ne peut pas répondre à cette interpellation. Mais chacun de nous sait à quoi s’en tenir à cet égard : nous savons tous quelle est la position de la ville de Bruxelles, nous savons tous qu’elle ne peut pas faire grand-chose ; je ne lui en fais pas de reproche, mais je fais ressortir cette circonstance pour qu’on sache que la ville de Bruxelles n’est pas à même de faire des sacrifices pour l’école militaire. La régence de Bruxelles n’a pas seulement mis à la disposition de M. le ministre de la guerre un local suffisant pour l’école, et il a été obligé de venir nous demander pour 1838 un crédit pour faire face au loyer d’un local supplémentaire : il me semble, messieurs, que si la ville de Bruxelles n’a pas fourni en 1838 un local pour l’école militaire, elle fera encore bien moins plus tard. Je crois donc que sous ce rapport nous n’avons rien à attendre de la ville de Bruxelles.
M. de Brouckere. - Messieurs, la persistance que met l’honorable préopinant à se plaindre du rapport qui a été fait sur le projet de loi relatif à l’école militaire me force de revenir sur ce qui s’est passé dans la commission. Je me serais abstenu si l’honorable M. Heptia avait gardé le silence après la réponse qui lui a été faite par M. le rapporteur ; mais puisqu’il trouve encore que les choses ne se sont pas passées comme elles devaient se passer, je vais, moi, rectifier ce qu’il y a d’inexact dans le rapport qu’a fait l’honorable M. Heptia : lors de la première convocation, je me suis rendu à la commission à l’heure fixée, mais il est arrivé, comme il arrive souvent, que personne n’y était, pas même l’honorable M. Heptia ; après avoir attendu pendant quelque temps, un membre est arrivé ; je lui a dit que n’ayant pas le temps d’attendre davantage, je me retirais et je me suis retiré ; après cela, comme on l’a dit, quatre membres sont venus, ont discuté et se sont séparés sans rien décider. J’ai reçu une seconde convocation et je me suis rendu au sein de la commission ; cette fois, j’ai fait comme font ordinairement mes collègues, je suis venu un peu tard ; on discutait déjà au moment où je suis entré, et l’un des cinq membres qui étaient présents m’a dit : Nous venons d’adopter quelques dispositions peu importantes. Il me les a indiquées et j’ai dit que je n’avais aucune objection à faire ; que, selon moi, il n’y avait qu’une seule question importante à décider, celle de l’article premier ; il m’a dit qu’il était de mon avis. J’ai fait observer alors à mes collègues que M. de Puydt et moi nous étions dans une position assez défavorable, que chacun avait exprimé son opinion en séance publique et que nous nous trouvions deux contre quatre ; j’ai demandé, moi, aux quatre membres qui composaient la majorité : « Croyez-vous qu’une discussion soit utile ; y a-t-il un de vous qui soit disposé à changer d’opinion ? »
J’ai ajouté : Quant à moi, je vous déclare que je n’en changerai pas. Ces messieurs m’ont répondu qu’ils n’étaient pas non plus disposés à en changer. Je leur ai adressé plusieurs questions particulières ; je leur ai demandé : Est-ce que l’opinion de l’un de vous dépendrait de l’adoption ou du rejet de l’article qui interdit aux professeurs de donner des leçons en dehors de l’école ? Si cela est, je passerai facilement condamnation sur cet article. Ces messieurs ont dit que non, que l’adoption ou le rejet de cet article ne ferait rien sur leur conviction ; qu’ils étaient décidés à voter la seconde fois comme la première. J’ai dit alors que toute discussion devenait inutile, mais j’ai demandé que le rapport fît mention de ce qui venait de se passer, expliquât pourquoi il n’y avait pas eu de discussion, et mentionnât que la commission se trouvait composée de cinq membres de la majorité et deux de la minorité.
Voilà comment les choses se sont passées.
L’honorable M. Heptia se plaint de ce qu’on ne lui a pas communiqué le rapport. Je ferai observer qu’il avait été convenu qu’on ne se réunirait plus, que le rapporteur ferait le rapport comme il le jugerait convenable, et le montrerait au président ; ce qu’il fit, car le président, qui était M. Desmaisières, y a fait plusieurs changements.
Le rapporteur a également montré son rapport aux autres membres qu’il a rencontrés. Si M. Heptia n’a pas vu le rapport, c’est qu’il n’est pas venu à la séance qui a suivi celle où nous avons discuté.
Je crois avoir fait justice des plaintes de M. Heptia qui ne sont pas fondées.
Maintenant j’aborde le fond de la question. Un honorable préopinant vient de donner un exemple que plusieurs d’entre nous suivront sans doute. Il a déclaré que d’après la décision de la majorité du sénat sur une question qu’il regarde comme assez peu importante, il reviendra sur l’opinion qu’il a émise au premier vote, par la raison que si chacun persiste dans son opinion, il en résultera une division entre les deux chambres.
Un autre orateur a dit qu’il était prêt à suivre son exemple, mais pourvu qu’il eût ses apaisements sur deux questions. La première est qu’on lui prouve que l’école militaire sera mieux placée à Bruxelles que dans une autre ville ; la seconde est qu’on lui donne la certitude que la ville de Bruxelles fera les dépenses nécessaires pour approprier un bâtiment destiné à recevoir l’école militaire.
D’abord nous n’avons pas à prouver que l’école sera mieux placée à Bruxelles que dans d’autres villes. Il suffirait d’établir qu’elle y sera aussi bien, pour qu’en bonne justice on dût l’y laisser. Elle a été organisée à Bruxelles, elle y existe depuis quatre ans, elle marche bien ; c’est ce dont tout le monde convient. Y a-t-il quelque raison d’établir l’école ailleurs, quand il est reconnu qu’elle est aussi bien dans la capitale que dans une autre ville ? Tous les ajustements possibles sur ce point ont été donnés lors de la première discussion ; on a été plus loin, on a dit que Bruxelles présentait des avantages qu’on ne trouvait dans aucune autre localité.
On a répété que le précédent ministre de la guerre avait été d’avis qu’il valait mieux placer l’école militaire dans une place de guerre. Il est vrai que le ministre qui a présenté le projet, il y a quatre ans, avait proposé de mettre l’école militaire dans une place de guerre ; mais quatre ans d’expérience et de réflexion ont prouvé qu’il avait eu tort de faire cette proposition. Il s’est empressé d’en revenir et d’expliquer les motifs de ce changement. C’est une raison de plus pour avoir confiance dans ce que dit le gouvernement, alors qu’il n’a aucun intérêt, que le ministre actuel n’a aucun intérêt personnel dans ce changement d’opinion. Une seule considération l’a amené : c’est que le gouvernement est convaincu que l’école est mieux placée à Bruxelles que dans une autre ville.
Je passe à la question d’argent. M. A. Rodenbach votera avec la minorité s’il peut être certain que la nation n’aura aucune dépense à supporter pour l’appropriation d’un local convenable. Je lirai l’article 26 du projet de loi sur lequel personne n’a l’intention de revenir.
« La ville dans laquelle sera fixé le siège de l’école militaire mettra à la disposition du gouvernement un bâtiment convenable pour l’établissement de l’école ; elle sera chargée des frais d’agrandissement, d’amélioration et d’entretien de ce bâtiment.
« En cas de contestation sur la nécessité ou l’utilité de ces dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf recours au Roi. »
Eh bien, d’après cet article, quand la ville de Bruxelles montrerait de la mauvaise volonté, prétexterait de son impossibilité de satisfaire au prescrit de l’article 26, le gouvernement placerait alors l’école dans une autre ville, car personne ne demande qu’on lui impose l’obligation de placer l’école militaire à Bruxelles, mais que la latitude lui soit laissée de placer l’école dans la ville qu’il jugera la plus convenable. Bruxelles ne sera plus la ville la plus convenable, s’il faut que la nation supporte les frais d’établissement. Ce sera à la condition expresse que la ville paie les frais dont il est parlé à l’article 26, que l’école pourra y être établie.
Mais, dit M. Heptia, il me suffit que la ville n’ait pas voulu donner un local en 1837, pour que je sois convaincu qu’elle ne le fera pas plus tard. La ville de Bruxelles n’aurait-elle pas agi avec la plus grande imprudence, si elle avait fait des dépenses d’appropriation, alors qu’elle n’était pas certaine de conserver l’école militaire et qu’un vote de la chambre pouvait rendre inutiles les dépenses qu’elle aurait faites ? Elle n’a pas pu s’aventurer ainsi. Elle a bien fait de ne pas faire des dépenses qui n’étaient pas indispensables. Mais si la ville de Bruxelles est sûre de conserver l’école militaire, j’ai la conviction qu’elle fera tout ce qu’elle doit faire pour satisfaire à cette obligation.
Dois-je répondre à cette objection que parce que le sénat a jugé autrement que nous, ce n’est pas une raison pour revenir de notre opinion ? Je conviens que s’il s’agissait d’une question de principes d’où peut dépendre seulement aux yeux de quelques-uns la bonne ou mauvaise organisation de l’école, je concevrais que chacun persistât dans son opinion, et dît : Le sénat a pu prendre une décision, mais ce n’est pas une raison pour que nous changions d’opinion.
Mais ici, de quoi s’agit-il ? De savoir si l’école sera établie à Bruxelles ou dans une autre localité ; et pour une question qui intéresse si peu la nation, vous voulez vous exposer à une scission entre le sénat et nous ? Car s’il n’y a pas de raison pour que nous cédions, comme le sénat s’est prononcé après vous, si vous persistez dans votre première décision, je demanderai pourquoi le sénat montrerait plus de condescendance. Eh bien, que le sénat persiste aussi dans sa résolution, il arrivera que la nation sera privée d’une bonne école militaire, d’une institution indispensable, parce que quelques personnes n’auront pas voulu que l’école fût s Bruxelles. Je ne pense pas que nous arrivions à un pareil résultat, j’ai trop de confiance dans la haute sagesse de la chambre pour croire qu’elle persiste dans son premier vote, car si elle y persistait, nous arriverions à des résultats que nous déplorerions tous.
M. Desmaisières. - J’avais l’honneur de présider la commission à laquelle vous avez renvoyé le projet de loi relatif à l’école militaire. Je crois de mon devoir de m’expliquer sur l’incident qui s’est élevé.
Plusieurs membres. - C’est inutile ! c’est inutile !
M. Desmaisières. - Je dois cependant dire qu’il avait été convenu, et probablement l’honorable préopinant a mal compris les conventions arrêtées, qu’il avait été convenu que le rapporteur communiquerait le rapport à tous les membres de la commission. C’est ce qui paraît ne pas avoir eu lieu ; non pas parce que le rapporteur aurait voulu manquer à son devoir, mais parce qu’il a compris ce qui avait été convenu dans le sens expliqué par l’honorable M. de Brouckere.
Maintenant, je passe au fond de la discussion. Je ne vois dans la question qui nous occupe et je n’ai jamais vu d’intérêt de localité, ni pour Anvers, ni pour Bruxelles, ni pour Gand, Liége ou toute autre ville. Si j’ai voté la première fois pour l’amendement de l’honorable M. Devaux, c’est parce que, il faut le dire, les arguments qu’il avait présentés en faveur de son amendement, loin d’avoir été réfutés, n’ont pas même été combattus le moins du monde. Dès lors, voudrait-on qu’un député, parce qu’il appartient à une localité que favorise un amendement proposé, votât contre sa conviction parce qu’il appartient à cette localité ? Je ne crois pas que ce soit là ce qu’on veuille. Je le dis et je le répète, je ne vois ici qu’une question de principe. Pour prouver que l’opinion qui a prévalu dans l’esprit de la chambre, au premier vote, se trouve fondée sur les véritables principes qui doivent régir la question, je n’ai qu’à vous citer un peu plus amplement qu’on ne l’a fait jusqu’ici l’exposé des motifs du projet de loi.
Voici ce que disait l’exposé des motifs qui accompagnait le projet de loi relatif à l’établissement d’une école militaire qui nous a été présenté le 18 janvier 1834 :
« Ce projet n’est pas étendu, il ne comprend que sept articles, et j’espère qu’il vous sera possible, malgré vos nombreux travaux de le discuter dans votre session actuelle.
« Cependant, messieurs, tout ce qui est du domaine de la loi est entré dans le projet qui vous est soumis.
« Les autres dispositions, variables de leur nature, seront réglées par des arrêtés qui seront publiés au Bulletin officiel.
« Ce projet de loi ne renferme donc que les principes qui doivent servir de base à l’institution dont il s’agit ; ils décident de l’emplacement de l’école, du but de l’instruction qu’on y recevra, du mode d’admission et du mode de sortie. Ces principes ne peuvent, je pense, donner lieu à une longue discussion. Je crois devoir cependant en exposer successivement les divers motifs. »
Ainsi vous le voyez, on disait dans l’exposé des motifs que le projet réglait tout ce qui était du domaine de la loi, et dans ce projet on vous proposait d’établir l’école dans une place de guerre. Donc il était dans le domaine de la loi de décider que l’école serait établie dans une place de guerre. On disait en outre que « ce projet de loi ne renfermait que les principes qui doivent servir de base à l’institution dont il s’agissait. » Et parmi ces principes, on citait en première ligne l’emplacement de l’école.
Plus loin on ajoutait :
« Cette école devra se trouver dans l’une de nos places de guerre ; il n’est pas besoin de développer la convenance d’une semblable disposition, personne n’en contestera les avantages.
« Quant à la détermination de la place à choisir, la loi ne fixe rien à cet égard ; d’une part, parce que le temps peut amener des causes qui engageraient à changer l’école ; d’autre part, parce que le gouvernement n’a pas encore arrêté définitivement son choix sur la place qui obtiendra la préférence.
« Il est nécessaire de tenir compte à la fois de ce qui convient aux facilités à donner à l’instruction, et aussi de ce qui peut diminuer les dépenses nécessaires pour les frais de premier établissement.
« Toutefois, il y a lieu d’espérer que nous trouverons une localité où cette double condition sera convenablement remplie. »
Enfin, vers la fin de l’exposé des motifs, M. le ministre de la guerre disait :
« Un général dont la Belgique a vivement ressenti la perte et qui avait dirigé longtemps en France une école d’application des plus importantes, s’était beaucoup occupé de la création d’une école militaire en Belgique.
« J’ai pu profiter de ses travaux ; car, bien avant le coup qui nous l’a enlevé, il avait discuté avec moi les principaux points de la question, et nous avons arrêté de concert les principes et les détails de la nouvelle institution. »
Ainsi vous le voyez, messieurs, l’illustre général Desprez, que la Belgique regrettera toujours, qui a rendu de si éminents services à notre pays, cet homme si éminemment capable, après avoir longuement discuté le projet d’institution d’une école militaire avec le ministre de la guerre d’alors, avait décidé avec lui qu’il y avait convenance et grand avantage à établir une école militaire dans une place de guerre ; que c’était là un principe duquel on ne pouvait se départir, du moment que l’école devait comprendre toutes les branches de l’enseignement militaire tant théorique que pratique. Ces deux généraux ont cru la justesse de ce principe tellement évidente qu’ils se sont bornés à en énoncer la convenance et l’avantage sans entrer dans d’autres détails.
L’honorable ministre de la guerre est convenu aussi à plusieurs reprises, et en dernier lieu au sénat, que l’établissement de l’école dans une place de guerre présentait de grands avantages, qu’il y aurait convenance à le préférer. Mais ensuite il a dit que de la convenance à la nécessité, il y a une très grande distance. Je crois au contraire que lorsqu’il y a convenance et avantage à faire quelque chose, il y a nécessité de la faire. Il a aussi argumenté au sénat des brillants éloges, des éloges très mérités donnés à l’école militaire, telle qu’elle existe actuellement à Bruxelles, par des savants et des généraux étrangers qui l’ont visitée. Mais ces éloges ont-ils été donnés à l’emplacement de l’école ? Non. C’est à l’organisation intérieure de l’école, qui pourra (tout le monde est de cet avis) être meilleure encore dans une autre ville que la capitale et surtout dans une place de guerre.
Ce n’est sans doute pas en faveur de la translation matérielle de l’école que le ministre soutient le maintien de l’école militaire à Bruxelles ; car les plaintes, les difficultés, les obstacles matériels que l’honorable colonel qui dirige l’école, et qui à ce titre mérite (je le dis hautement et sincèrement) la reconnaissance de la nation ; les obstacles sans nombre qu’il a su surmonter, les justes plaintes qu’il a élevées constamment sur le défaut de matériel et de bâtiments que la ville de Bruxelles ne voulait pas lui donner, ces plaintes sont là pour prouver qu’on ne gagnera rien, sous ce rapport, à laisser l’école militaire à Bruxelles ; et quant à la translation intellectuelle, si je puis m’exprimer ainsi, il a été prouvé à satiété, dans la précédente discussion, qu’elle se ferait avec avantage dans d’autres villes du royaume, en même temps places de guerre.
Quant à la question de prérogative, je ne crois pas qu’on insistera beaucoup sur cette question après le débat qui a eu lieu et ici et au sénat. Mais je crois pouvoir prouver (le projet, présenté en 1834, à la main) qu’il n’est pas ici le moins du monde question de porter atteinte à la prérogative royale. Voici comment s’exprimait le préambule de ce projet de loi tel qu’il a été présenté :
« Vu les articles 66, 118 et 139 de la constitution ; sur la proposition du ministre-directeur de la guerre, et de l’avis du conseil des ministres. »
J’insiste sur ces derniers mots ; car jusqu’ici on a toujours dit que c’était simplement l’opinion du ministre de la guerre qui a présenté le projet. Mais, vous le voyez, ce n’est pas seulement l’opinion du ministre de la guerre, c’est l’opinion du conseil des ministres.
Je continue ma citation :
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre-directeur de la guerre est chargé de présenter, en notre nom, aux chambres, le projet de loi suivant :
« Art. 1er. Une école militaire, destinée à former des officiers pour les armes de l’infanterie, de la cavalerie, de l’artillerie et du génie, et pour le corps de l’état-major, sera établie, dans le courant de l’année 1834, dans une des places de guerre du royaume. »
Et ce projet se trouve revêtu de la signature royale.
Je crois que cela suffit pour prouver à l’évidence qu’il ne peut être question de porter atteinte à la prérogative royale, parce que nous dirions dans la loi que l’école serait établie dans une place de guerre.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai demandé la parole que pour répondre quelques mots à l’honorable député de Bruxelles. Je n’ignorais pas que l’article 26 porte dans son deuxième paragraphe que « la ville dans laquelle sera fixé le siège de l’école militaire mettra à la disposition du gouvernement un bâtiment convenable pour l’établissement de l’école ; elle sera chargée des frais d’agrandissement, d’amélioration et d’entretien de ce bâtiment. » Mais il s’en faut bien que cette disposition me donne tous mes apaisements. Voici pourquoi : D’après ce que j’ai entendu dire dans cette enceinte, même à d’honorables députés de Bruxelles, on ne peut attendre aucun sacrifice de la ville de Bruxelles. On a dit que cette ville est tellement accablée de dettes qu’elle sera peut-être forcée de déposer son bilan. Voilà ce que j’ai entendu dire dans cette enceinte.
D’un autre côté, on dit que la ville de Bruxelles donnera les fonds qu’elle doit donner aux termes de l’article 26 ; que s’il faut un million, deux millions, elle les donnera. Mais si on vient nous demander indirectement des fonds pour l’établissement de l’école militaire et que ces fonds soient accordés, en définitive ce sera l’Etat qui paiera et non pas la ville de Bruxelles.
Je n’ai donc pas mes apaisements. Il me faut de meilleures raisons que celles qui ont été données. Sans cela, je ne voterai pas l’amendement du sénat. J’attendrai la réponse de M. le ministre de la guerre. Si elle n’est pas plus satisfaisante que les observations de l’honorable député de Bruxelles, je voterai pour le maintien de la disposition déjà adoptée par cette chambre.
(Moniteur belge n°70, du 11 mars 1838) M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Si je n’ai pas répondu sur-le-champ à la première interpellation de M. A. Rodenbach, c’est que j’ai pensé qu’il convenait mieux de laisser aller la discussion afin de pouvoir rencontrer à la fois toutes les objections présentées. Comme cet honorable membre attache un si grand intérêt à avoir une réponse, et que cette réponse peut avoir, je pense, une influence réelle sur le succès de l’amendement de du sénat, je m’empresse de la lui donner.
Il est évident d’abord que l’article 26 est positivement applicable à la ville de Bruxelles aussi bien qu’à toute autre ville quelconque où il serait question d’établir l’école militaire. En second lieu, je suis convaincu que l’école militaire peut être établie à Bruxelles sans dépenses considérables. L’école, en ce moment, n’est pas très bien à Bruxelles, parce qu’elle n’occupe qu’une partie du local très convenable qui devrait lui être abandonné exclusivement pour satisfaire à tous ses besoins ; mais je suis persuadé que, le cas échéant, la partie de ce même local qui ne sert pas maintenant à l’école militaire lui serait cédée par l’administration communale.
Il résulte donc de là que, sans faire de très grands frais, la ville de Bruxelles pourra, si la chose doit avoir lieu, prendre les mesures nécessaires pour que, matériellement, l’école militaire soit parfaitement bien établie dans son enceinte.
Si la ville de Bruxelles ne remplissait pas les conditions stipulées dans l’article 26, qui lui sont applicables comme à toute autre ville, alors l’école militaire ne pourrait pas rester dans cette cité ; Bruxelles n’est pas excepté des dispositions de l’article 26, et cette ville est tenue à des sacrifices comme toutes les autres ; mais ceux qu’elle aura à faire ne seront pas considérables.
On fait l’objection que l’année dernière la ville de Bruxelles s’est refuse à faire des dépenses utiles à l’école, et M. Desmaisières a rappelé les plaintes que le directeur a eu l’occasion de faire entendre contre de pareils refus ; mais lorsque ces plaintes ont été reconnues fondées, on y a fait droit.
Il est tout naturel que la ville de Bruxelles ait montré de la réserve dans les dépenses qu’on lui demandait, puisqu’elle n’était pas assurée de conserver l’école ; mais quand elle aura cette certitude, elle sera dans une autre position et n’hésitera plus. Il ne serait pas d’une bonne logique de dire que la ville de Bruxelles ne fera pas de dépenses quand elle sera sûre de garder l’école, parce qu’elle a craint d’en faire en pure perte quand elle n’avait pas cette certitude.
L’honorable M. Desmaisières a annoncé vouloir traiter la question de principes ; j’avoue que, d’après cette déclaration, j’avais cru qu’il entrerait dans l’examen du rapport qui pourrait exister entre le siège d’une école militaire et son véritable objet, qu’il démontrerait à la chambre que si le siège de l’école militaire n’était pas établi par elle dans une ville de guerre, la législature n’aurait pas eu une part suffisante à cette institution. Mais je n’ai rien trouvé de semblable dans son discours. La loi, a dit l’honorable orateur, est une loi de principes ; c’est ainsi qu’elle a été qualifiée par ses orateurs ; or, elle contient une disposition relative à son emplacement, donc cet emplacement est une question de principes. Mais il est clair qu’une loi peut contenir beaucoup de principes, et quelques dispositions réglementaires ; et si ces dispositions sont en petit nombre, elles n’empêcheront pas de considérer la loi comme une loi de principes. La question de l’emplacement de l’école est évidemment réglementaire.
L’honorable orateur a cité un général auquel je me plairai toujours à payer un juste tribut d’admiration ; il croit que ce général était persuadé que l’école ne serait bien placée que dans une ville de guerre ; mais il n’est pas certain que le général Desprez se soit concerté sur ce point avec le général Evain ; et cela est d’autant moins probable que le général Desprez a dirigé en France une école militaire qui n’était pas dans une ville de guerre.
Les succès d’une école militaire, comme on vous l’a très bien dit, ne dépendent pas de son emplacement ; l’emplacement n’est pas l’organisation. L’emplacement est une question assez peu importante en elle-même, et c’est une des grandes raisons sur lesquelles je m’appuie pour soutenir qu’il n’existe pas de motifs pour que la législature intervienne dans la solution de cette question.
L’honorable membre est revenu sur la question de prérogative, et il a dit qu’elle devait être complétement écartée, parce que le projet du gouvernement avait consacré le principe, en faisant de l’emplacement l’objet d’une disposition. Il me semble que le gouvernement ne peut se lier à quatre ans de distance ; qu’un changement de ministres peut amener un changement d’opinion, et qu’ainsi l’opinion des anciens ministres ne saurait être opposée aux ministres actuels.
C’est l’honorable M. Heptia qui, le premier, a mis véritablement la question sur son terrain en déclarant qu’il ne voulait traiter que des questions concernant l’intérêt de l’école. Par une déplorable fatalité, dans les discussions qui ont eu lieu précédemment dans cette enceinte, on a toujours envisagé les choses sous un point de vue étranger à cet intérêt. Quoique M. Devaux ait été cité comme exemple par M. Desmaisières, je dois dire que c’est M. Devaux qui a le plus déplacé la question, car il a voulu l’adjonction complète de l’école militaire à l’université, et il a voulu rendre ces deux établissements solidaires l’un de l’autre. J’ai combattu cette solidarité ; cependant on n’a pas manqué de dire que les arguments en sa faveur étaient demeurés sans réponse.
Acceptant la discussion sur l’emplacement, relativement à l’intérêt de l’école, je dirai que sur ce point-là, si quelqu’un doit être cru sur parole, c’est le ministre ; car il est responsable des succès de l’école, et il n’a, à coup sûr, aucun intérêt contraire à cette institution.
L’argument de M. Heptia est que l’école militaire doit être dans une ville où les élèves aient sous les yeux l’application des principes qu’on leur enseigne, où ils puissent voir en réalité les choses après qu’on les leur avait exposées en théorie ; à cela, l’honorable M. de Puydt a déjà répondu que cet argument ne s’appliquant qu’aux fortifications, objet secondaire relativement à la totalité de l’enseignement, n’avait pas la force qu’on lui supposait.
Au reste, pour bien comprendre quelle peut être l’influence de l’emplacement quant aux fortifications, il est bon de bien faire comprendre à la chambre comment cet enseignement de l’art des fortifications a lieu.
Elle trouvera d’abord qu’il est peu vraisemblable que des jeunes gens dont on exige tous les jours dix heures de travail, aillent, dans leurs moments de loisir, se promener sur des remparts pour étudier des fortifications ; quand on a travaillé dix heures, on prend des distractions dans les moments de loisir et on ne les consacre pas à de nouvelles études. On n’a jamais vu qu’il en fût autrement.
Voici maintenant comment se fait l’enseignement des fortifications. Les élèves doivent apprendre avant toutes choses à lever des plans de fortifications, puisqu’on leur fait lever le plan de la ville dans laquelle ils sont, ou dans laquelle on les envoie. On les associé deux à deux, et ils concourent au levé de deux parties différentes de fortifications, comprenant un nombre de fronts plus ou moins considérable, de manière que chaque élève soit tour à tour aide de l’autre. C’est par ces levés de plans qu’ils apprennent ce que c’est que les pièces de fortification ; c’est en les rapportant ensuite qu’ils s’en rendent compte ; c’est enfin en rédigeant des mémoires à l’appui de ses levées qu’ils montrent qu’ils ont compris.
Ces travaux terminés, vient le cours de fortification qui est une étude de cabinet que l’on peut faire à cent lieues des places fortes sans qu’il soit moins profitable, surtout après que les levés de terrain ont mis dans la tête des élèves la connaissance des pièces de fortification.
Ensuite on leur fait faire des simulacres d’attaque et de défense d’une place. Cette partie de leurs études exige qu’ils soient près d’une place ; mais elle ne peut durer que quinze jours. Ainsi, sur quatre années d’études, il faut consacrer un mois, cinq semaines, à mettre sous les yeux des élèves les pièces de fortification.
Mais suffit-il de les envoyer dans une seule ville ? Pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que les fortifications de cette ville leur donnassent des exemples de tous les systèmes. La ville de Metz pourrait remplir ce but ; mais rien de semblable n’existe dans nos places de guerre. Nos villes fortes, celles surtout que l’on a désignées, n’ont pas des enceintes complètes de fortification ; elles ont des forts, des citadelles, d’après certains systèmes qui n’en présentent pas, par conséquent, tous les exemples de l’art de fortifier. Loin qu’il fût bon que les élèves eussent constamment sous les yeux ces systèmes particuliers, je dis qu’il y aurait danger, et qu’il ne fait pas qu’ils aient un type unique dans la tête, parce qu’ils pourraient l’appliquer à des localités auxquelles il ne conviendrait pas.
Il vaut mieux leur montrer successivement divers systèmes et leur montrer comment varient les applications selon les circonstances et selon les localités.
Eh bien, pour faire un véritable cours de fortification pratique, tel qu’on l’entend, il faudrait encore, quoique l’école militaire fût placée dans une ville de guerre, faire voyager les élèves dans d’autres places, car ce ne serait ni Tournay, ni Gand, ni Liége, qui pourrait fournir matière à des applications complètes ; il faudrait donc encore faire voyager les élèves pour leur faire connaître tous les systèmes de fortifications et pour les mettre à l’abri du danger de n’en connaître qu’un seul. La nécessité des déplacements n’existerait pas par cela seul ; elle existerait encore par un autre motif, le besoin de faire faire des levés de terrain ; telle ville, Gand par exemple, ne présente pas d’accidents de terrain ; d’autres, comme Liége, en présentent trop et ne conviennent pas encore, parce que ce n’est pas en heurtant un trop grand nombre de difficultés qu’il faut faire des études. En un mot, messieurs, aucune de nos places de guerre ne présente les conditions nécessaires pour rendre complétement efficace l’enseignement pratique ; l’avantage que l’on prétend devoir résulter, sous ce rapport, de l’établissement de l’école militaire dans une ville de guerre, est donc très peu considérable.
On a dit, messieurs, que les frais de déplacement nécessaires pour transporter l’école militaire dans une autre ville ne seraient pas grands, et l’on a ajouté que l’école manquait complétement de matériel ; que par conséquent le transport pourrait s’effectuer sans de fortes dépenses. C’est là un des arguments qui tombent d’eux-mêmes, car personne ne pourra comprendre qu’une école qui existe depuis quatre ans, qui s’est augmentée chaque année, qui renferme plus de 100 élèves, puisse être dépourvue de matériel ; il est certain qu’il y a un matériel considérable, qui devrait être vendu avec une perte immense ou transporté à grands frais.
On a contesté les avantages de l’existence de l’école dans la résidence même du gouvernement ; quant à moi, je regarde ces avantages comme très considérables ; dans l’école militaire, telle qu’elle existe maintenant chez nous et telle qu’elle doit exister, on maintient les élèves dans un état de véritable extension de travail, on exige d’eux une très grande application ; il est nécessaire que l’action continuelle qui doit être exercée sur eux ne soit pas réduite à celle d’une seule personne ; or, dans toute autre ville que la capitale, le commandant de l’école militaire sera la seule autorité qui veillera sur l’établissement, il n’aura en quelque sorte aucun recours auprès de l’autorité supérieure, si un événement quelconque rendait l’intervention de celle-ci nécessaire. Je ne parle pas seulement ici d’après ma conviction, formée d’après les faits dont j’ai été témoin, mais encore d’après l’opinion du directeur de l’école lui-même. Certainement, s’il est un homme qui possède toutes les qualités nécessaires pour remplir parfaitement les fonctions qui lui sont confiées, c’est bien le directeur actuel de l’école ; eh bien, messieurs, cet officier supérieur soutient qu’il a besoin d’avoir continuellement auprès de lui l’action du ministre de la guerre, pour pouvoir maintenir son autorité telle qu’elle doit exister, afin que l’école marche et que rien ne puisse arrêter ses succès.
Je crois, messieurs, qu’il n’y a plus guère qu’une seule objection à laquelle je n’aie pas répondu, c’est que la chambre ne doit pas, en quelque sorte, céder à la volonté du sénat en adoptant l’amendement qu’il a introduit dans le projet ; je vous avoue que cet argument-là n’a, selon moi, aucune espèce de fondement ; le sénat a usé de son droit en modifiant le projet, et la chambre userait du sien si elle maintenant son premier vote ; mais je pense que dans cette circonstance le sénat a agi avec beaucoup de prudence et de sagesse, qu’il a cherché à faire une véritable œuvre de conciliation en cherchant, d’un côté, à ne pas laisser subsister ce qu’il regardait comme pouvant en quelque sorte être contraire à une haute convenance, la contrainte imposée au gouvernement sur un point qui n’avait pas d’importance réelle, contrainte qui ne serait vraiment pas justiciable ; et en cherchant, d’un autre côté, à satisfaire peut-être quelques scrupules ou quelques inquiétudes.
C’est en envisageant les choses sous ce point de vue qu’après avoir combattu plusieurs des amendements que le sénat a introduits dans la loi, je suis d’avis qu’il n’y a rien de mieux à faire que de nous associer aux vues conciliatrices de l’autre chambre, et d’adopter le projet tel qu’elle nous l’a renvoyé.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
- La clôture est prononcée.
M. le président. - L’amendement proposé par la commission porte que l’école militaire sera établie dans « une des places de guerre » du royaume au choix du gouvernement, tandis que le projet du sénat porte simplement : « Il est établi dans le royaume une école militaire, etc. » Je vais mettre aux voix l’amendement proposé par la commission ; en d’autres termes, je vais consulter la chambre sur la question de savoir si l’école militaire devra être établie dans une place de guerre.
Plusieurs membres. - L’appel nominal !
- On procède à l’appel nominal ; en voici le résultat :
77 membres prennent part au vote.
36 adoptent l’amendement de la commission.
41 le rejettent.
En conséquence, l’amendement de la commission n’est pas adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Andries, Bekaert, Coppieters, Dechamps, de Florisone, de Langhe, Demonceau, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, Devaux, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Maertens, Mast de Vries, Morel-Danheel, Polfvliet, A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Stas de Volder, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Wallaert, Raikem.
On voté le rejet : MM. Beerenbroeck, Berger, Coghen, Corneli, de Behr, de Jaegher, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez, Donny, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Jadot, Lecreps, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rogier, Seron, Smits, Troye, Vandenhove, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude.
L’article premier, tel qu’il a été amendé par le sénat, est adopté.
- La chambre adopte ensuite successivement et sans discussion les articles suivants :
« Art. 2. En entrant dans la seconde année d’études, les élèves contractent l’engagement de servir pendant 6 ans.
« S’ils appartiennent à la milice, ils entrent en déduction du contingent de leur commune, pour la classe dont ils font partie. »
« Art. 3. Dans le cas où l’école militaire serait établie dans une ville qui est le siège d'une université de l'Etat, les cours communs à cette école et à l'université pourront être donnés simultanément par les mêmes professeurs aux élèves des deux établissements. »
« Art. 4. L'enseignement donné à l'école comprendra :
« Les mathématiques (complément des mathématiques élémentaires, haute algèbre ; analyse appliquée à la géométrie ; calcul différentiel et intégral ; calcul des probabilités).
« La mécanique analytique (statique, dynamique, hydrostatique, hydrodynamique).
« La géométrie descriptive et ses applications.
« La physique.
« La chimie et les manipulations.
« L'astronomie, la géodésie et la topographie.
« L'architecture.
« Les belles-lettres (composition française).
« Les éléments de la langue flamande.
« La mécanique appliquée.
« La chimie et la physique appliquées aux arts militaires.
« Les constructions militaires (poussée des terres, poussée des voûtes, résistance des matériaux, tracés de route, convenances des bâtiments militaires).
« La fortification passagère.
« La fortification permanente.
« L'art et l'histoire militaire.
« L'administration militaire.
« La balistique.
« La nomenclature raisonnée du matériel de l'artillerie.
« Le tracé raisonné des bouches à feu et des voitures.
« Les différentes parties du service de l'artillerie.
« Les travaux d'application (levées, projets, devis, mémoires).
« Le dessin.
« Les exercices et manœuvres d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, ainsi que les travaux pratiques de l'artillerie et du génie.
« Les exercices gymnastiques (équitation, escrime, natation).
« La navigation (pour la section des aspirants de marine).
« Les applications du service de la marine (pour la section des aspirants de marine).
« Il peut être donné en outre des cours sur :
« La minéralogie et la géologie ;
« L'histoire, la géographie et la statistique ;
« La législation militaire ;
« L'hygiène ;
« L'hippiatrique ;
« Les langues étrangères.»
« Art. 5. L'enseignement se divise en deux parties :
« Dans la première, qui dure deux ans, les élèves destinés aux armes spéciales reçoivent l'instruction préparatoire nécessaire pour suivre les cours d'application de la seconde partie ; et les élèves destinés aux armes de l'infanterie et de la cavalerie ou de la marine, réunis en sections distinctes , reçoivent, en outre de la partie de cette instruction préparatoire qui leur est applicable, l'instruction particulière appropriée à leur destination. »
« Art. 6. Dans la seconde partie, qui dure également deux ans, on enseigne les applications et les développements dans les matières des cours de la première, qui sont nécessaires pour les services des armes spéciales. »
« Art. 7. Le personnel attaché à l'école militaire se compose de la manière indiquée ci-après :
« Etat-major.
« Un commandant ; Un directeur des études. (Ces fonctions peuvent être réunies).
« Un commandant en second, officier supérieur chargé, sous le commandant de l'école, de l'administration ;
« Deux examinateurs permanents ;
« Un inspecteur et deux adjoints ;
« Quatre instructeurs des études ;
« Un secrétaire ;
« Deux dessinateurs ;
« Un aumônier ;
« Un médecin ;
« Les employés nécessaires pour le service intérieur.
« Enseignement ;
« L'enseignement est confié à des professeurs et à des répétiteurs, militaires ou civils, et à des maîtres.
« Le nombre des professeurs est de dix-huit au plus. Les professeurs civils sont divisés en deux classes.
« Le nombre des répétiteurs est de quatorze au plus.
« Le nombre des maîtres est de six au plus. »
« Art. 8. Les officiers de l'armée, et, dans le cas où l'école serait établie à Gand ou à Liége, les professeurs et autres fonctionnaires de l'université , employés à l'école militaire, reçoivent, outre le traitement attaché à leur position, une indemnité qui pourra être égale au tiers de ce traitement, sans pouvoir toutefois s'élever à plus de 2,500 fr.
« Les inspecteurs des études reçoivent une indemnité qui ne peut pas être moindre que de 1,500 fr., ni excéder 2,500 fr.
« Les indemnités du commandant de l'école et du directeur des études (si celui-ci est militaire) seront réglées par des arrêtés spéciaux. Cette indemnité ne pourra excéder 4,000 fr. »
« Art. 9. Le maximum du traitement du directeur des études, s'il n'est pas militaire, est fixé à 8,000 fr.
« Celui des examinateurs permanents au maximum à 6,000
« Celui des professeurs civils de 1ère classe au maximum à 6,000
« Celui des professeurs civils de 2ème classe au maximum à 4,000
« Celui des répétiteurs civils au maximum à 2,400
« Celui des maîtres au maximum 4,000
« Celui de l'aumônier, id. 2,000
« Celui du secrétaire, id. 2,000
« Celui du dessinateur civil, id. 3,000
« Des arrêtés spéciaux détermineront le nombre et les traitements des employés pour le service de l'intérieur. »
« Art. 10. Les officiers attachés à l'école militaire y sont placés par arrêté du Roi.
« Le directeur des études, les examinateurs permanents, les professeurs et les répétiteurs civils sont nommés et révoqués par le Roi.
« Toutefois, les répétiteurs civils pourront être provisoirement institués par le ministre de la guerre.
« Le gouvernement peut appeler au professorat des étrangers, lorsque l'intérêt de l'instruction le réclame.
« Les professeurs ne peuvent donner ni leçons ni répétitions, dans d'autres institutions que dans celles de l'Etat. Ils ne peuvent exercer une autre profession qu'avec l'autorisation du gouvernement. Cette autorisation est révocable. »
M. de Langhe. - Lors de la première discussion de cet article mon avis a été et il est encore que les professeurs doivent être admis, avec l’autorisation du ministre de la guerre, à donner des leçons dans des établissements autres que ceux de l’Etat.
Je demanderai si je puis présenter un amendement dans ce sens.
Plusieurs voix. - Oui, sans doute.
M. de Langhe. - Alors, je vais le déposer.
M. de Brouckere. - Je ne m’oppose pas à ce que M. de Langhe présente son amendement, mais je pense qu’il n’a aucune chance de succès. Car moi, qui partage son opinion, je voterai contre son amendement, la bonne foi m’en fait un devoir, et je pense que beaucoup d’honorables membres qui partagent l’opinion de M. de Langhe suivront mon exemple.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je me rallie à l’opinion de M. de Brouckere. Je suis au fond de l’avis que les professeurs de l’école militaire devraient pouvoir donner des leçons dans des établissements autres que ceux de l’Etat ; mais il s’agit ici d’une transaction, et je regarde comme un devoir de conscience de voter dans ce sens.
- L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Nul ne peut être professeur civil s'il n'a le grade de docteur dans la branche de l'instruction supérieure, qu'il est appelé à enseigner : néanmoins, des dispenses peuvent être accordées par le gouvernement aux hommes qui auront fait preuve d'un mérite supérieur, soit dans leurs écrits, soit dans l'enseignement ou la pratique de la science qu'ils sont chargés d'enseigner. »
- Adopté.
« Art. 12. L'admission des élèves sera prononcée par le ministre de la guerre, et par le ministre des travaux publics, pour les aspirants de marine, d'après les résultats d'un concours public dont le programme sera publié à l'avance.
« Le programme fera connaître, chaque année, le nombre des élèves à admettre. Ce nombre sera réglé d'après le taux des besoins probables des différentes armes.
« Ne pourront se présenter à l'examen que les Belges, âgés de 16 à 20 ans, qui se sont fait inscrire en déposant toutes les pièces exigées par le programme.
« Par exception, les militaires de l'armée active pourront être admis jusqu'à l'âge de 25 ans.
« Les examens d'admission sont faits, sous la présidence du directeur des études de l'école, par un jury composé de trois membres, nommés annuellement par le Roi.
Les examens ont lieu par écrit et oralement. »
- Adopté.
« Art. 13. L'examen écrit se fera par section de vingt élèves environ : il sera le même pour tous les élèves d'une même section. A chaque séance d'examen, les questions seront tirées au sort et dictées de suite aux récipiendaires.
« Il y aura autant d'urnes différentes que de matières sur lesquelles l'examen se fait. Chacune de ces urnes contient un nombre de questions triple de celui que doit amener le sort. Les questions doivent être arrêtées immédiatement avant l'examen. Le résultat de l'examen par écrit comptera au moins pour moitié dans le résultat du concours.
« Tout examen oral sera publié. »
M. Dumortier. - Il est évident que nous ne pouvons pas adopter l’amendement portant que l’examen écrit se fera par section de 20 élèves environ. Si vous n’avez pas un seul examen écrit pour tous les candidats qui se présentent, autant vaut avoir un examen séparé pour chacun d’eux. Il vaut mieux en revenir à la disposition de la chambre. Ce ne sera pas le seul amendement, car il y en a un proposé par la commission sur l’article relatif à la solde que nous ne pourrons pas nous dispenser d’adopter.
On a objecté qu’on manquerait de locaux ; je ne le conçois pas, car on aura des locaux où on réunira 120 élèves pour la leçon ; ces locaux seront suffisants pour 120 concurrents.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Puisqu’on a parlé de l’amendement proposé à l’article 18, je dirai dès à présent que mon intention est de le combattre. Quant à l’article dont il s’agit, je ferai observer qu’une école de 120 élèves qui comprend quatre divisions, n’a pas besoin d’un local où on puisse réunir les 120 élèves. Il y a toute apparence que les locaux ne seront pas aussi vastes que cela. Je l’avais déjà soutenu au premier vote, et le sénat a trouvé que j’avais raison.
La disposition du sénat doit donc être maintenue. Je persiste à croire que le nombre des candidats qui peut être supérieur à 120 ne peut pas être réuni dans un même local pour l’examen écrit.
Il y aurait d’ailleurs de grands inconvénients à forcer les élèves à rester à Bruxelles, pendant tout le temps des examens. On leur proposera des questions approximativement aussi égales que possibles, et l’examen sera fait avec toute équité. Enfin, dans l’intérêt du succès de la loi qui, en définitive, doit être votée, l’amendement du sénat doit être adopté.
- L’article est mis aux voix et adopté.
« Art. 14. Un premier classement des élèves admis à l'école sera fait à la fin du premier semestre des études, et, selon les résultats, les élèves continueront les études ordinaires de la première année, ou passeront à la section d'infanterie.
« Chaque année, après la clôture des cours, les élèves subiront des examens généraux.
« Les examens de la première année des cours auront pour objet de faire connaître si les élèves peuvent élre admis aux cours de la deuxième année.
« Les examens de la deuxième année feront connaître les élèves admissibles, soit aux cours d'application pour les armes spéciales, soit dans les cadres de l'infanterie ou de la cavalerie.
« Les uns et les autres recevront le grade de sous-lieutenant, jusqu'à concurrence de la part revenant aux élèves dans les emplois vacants dans l'armée.
« Il sera compté, à titre d'études préliminaires, aux élèves nommés sous-lieutenants, quatre années de service effectif d'officier, qui toutefois ne compteront que pour la retraite, et non pour le classement dans les corps et pour l'avancement. »
- Adopté.
« Art. 15. Sauf le cas d'interruption longue dans leurs études, par suite de maladie grave, les élèves ne pourront suivre pendant plus de trois années, les cours de la première partie de l'enseignement, et pendant plus de deux années, ceux de la deuxième partie. »
- Adopté.
« Art. 16. Les élèves sous-lieutenants qui ne satisferaient pas aux examens de la troisième année ou à ceux de la quatrième année d'études, seront placés dans l'infanterie ou dans la cavalerie.
« Les examens de la quatrième année détermineront le classement définitif des élèves sous-lieutenants, dans l'arme pour laquelle ils seront désignés. »
- Adopté.
« Art. 17. Les examens des première et deuxième années, pour le passage d'une division à une autre, seront faits par les examinateurs permanents, auxquels, au besoin, un examinateur temporaire pourra être adjoint.
« Les examens définitifs de sortie sont faits :
« 1° Pour les élèves de la section d'infanterie, par un jury composé de :
« 1 officier général ou supérieur président,
« 1 officier d'infanterie,
« 1 officier de cavalerie,
« 1 officier d'une des armes spéciales,
« (désignés annuellement par le Roi).
« 2° Pour les élèves de l'école d'application, par un jury composé de :
« L'inspecteur général des fortifications et du corps du génie, ou un officier désigné pour le remplacer,
« L'inspecteur général de l'artillerie, ou un officier désigné pour le remplacer,
« 1 officier d'artillerie,
« 1 officier du génie,
« 1 officier d'état-major,
« 2 professeurs universitaires de la faculté des sciences,
« 2 examinateurs permanents,
« (désignés annuellement par le Roi).
« 3° Pour les élèves d'état-major, les deux inspecteurs généraux des armes spéciales, désignés au numéro précédent, seront remplacés par un officier général.
« 4° Pour les aspirants de marine, par un jury composé de :
« 1 capitaine ou capitaine-lieutenant de vaisseau,
« 2 lieutenants ou enseignes de vaisseau,
« 2 professeurs universitaires de la faculté des sciences,
« (désignés annuellement par le Roi). »
- Adopté.
« Art. 18. Les élèves fourniront en entrant un trousseau, et payeront, pendant qu'ils suivront les cours de la première partie, une pension annuelle de 800 fr. Ils seront logés, nourris et entretenus dans l'établissement.
« Les élèves sous-lieutenants cesseront de payer la pension : ils continueront à être logés aux frais de l'État.
« Les élèves sortant de l'armée active seront considérés comme détachés à l'école militaire et continueront à recevoir la solde et les diverses masses de leur grade. Ils sont dispensés de fournir le trousseau, lorsque leurs parents sont hors d'état de le payer ».
M. le président. - La commission propose un amendement consistant à rédiger le dernier paragraphe de cet article ainsi qu’il suit :
« Les élèves sortant de l'armée active seront considérés comme détachés à l'école militaire. Ils y seront entretenus aux frais de l’Etat et toucheront moitié de leur solde ; cette prestation ne pourra être inférieure à fr. 0-50 par jour. Ils sont dispensés de fournir le trousseau. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - L’amendement de la commission a eu pour objet d’augmenter encore les avantages accordés, par la première rédaction de la loi, aux hommes sortant de l’armée. Je pense que ces avantages sont inutiles, que les sous-officiers et soldats des armes de l’infanterie et de la cavalerie, assez habiles pour se présenter aux examens de l’école militaire, auront la chance d’être nommés directement sous-lieutenants en vertu de leur part à l’avancement qui peut être de la moitié des grades vacants. Certainement l’instruction ne sera pas tellement commune dans l’infanterie et dans la cavalerie que les hommes capables de subir les examens de l’école militaire ne puissent pas obtenir directement l’épaulette, ce qu’ils préféreront assurément.
Restent les armes savantes dans lesquelles, les jeunes gens ne doivent être déterminés à entrer que par une aptitude spéciale. Des hommes ordinaires, on en aura assez sans la disposition proposée. Les jeunes gens de ces armes capables de passer avec succès les examens de l’école, auront droit aux bourses, dont il est question à l’article suivant, qui doivent être accordées aux jeunes gens distingués par leur instruction.
Je dis donc que l’amendement de la commission est inutile en ce qu’il indique, pour les sous-officiers et soldats, des avantages dont ils ne profiteraient pas.
- L’amendement proposé par la commission est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article 18 est mis aux voix et adopté.
Les autres articles du projet sont successivement adoptés sans discussion ; ils sont ainsi conçus :
« Art. 19. Il y aura douze bourses gratuites, divisibles en demi-bourses, et dont la collation appartiendra au Roi ; elles pourront être accordées :
« 1° Aux militaires qui, après deux ans de service au moins, auront subi les examens d'admission ;
« 2° Aux fils de fonctionnaires et d'employés militaires, ainsi que d'autres personnes qui ont rendu des services à l'Etat ;
« 3° Aux jeunes gens ayant subi leurs examens d'une manière très-distinguée.
« Pour les uns et les autres, il devra être constaté que les parents sont hors d'état de payer la pension. »
« Art. 20. L'organisation intérieure de l'école qui comprendra l'établissement d'un conseil de perfectionnement et d'instruction,les programmes d'admission, les programmes des cours, les examens et le classement des élèves, le mode de leur entretien, seront réglés par des arrêtés royaux qui seront insérés au Bulletin officiel. »
« Art. 21. Les punitions qui pourront être infligées, sont :
« La consigne,
« Les arrêts simples ou forcés pour les élèves sous-lieutenants,
« La censure particulière,
« La censure publique,
« La prison intérieure,
« La mise à l'ordre de l'école,
« La prison militaire,
« Le renvoi de l'école. »
« Art. 22. Le renvoi pour les élèves sous-lieutenants entraînera la perte du grade.
« Il aura lieu à leur égard dans les cas prévus par l'art. 7 de la loi du 16 juin 1836, n°312, et par l'art. 1er de la loi de même date, n°313.
« Il pourra avoir lieu en outre à l'égard des élèves de la première partie des cours, pour incapacité constatée et pour infraction grave aux règlements dans les cas prévus comme emportant cette peine. »
« Art. 23. Le renvoi de l'école sera prononcé par arrêté royal pour les élèves sous-lieutenants, et par décision ministérielle pour les élèves des deux premières années d'études, d'après l'avis conforme d'un conseil d'enquête.
« Ce conseil sera composé :
« 1° Pour les élèves de la première partie des cours, du commandant de l'école, du commandant en second, du directeur des études, de trois professeurs et d'un inspecteur des études : ceux-ci sont désignés à cet effet par le ministre de la guerre.
« Dans le cas où les fonctions de commandant de l'école et de directeur des études seraient réunies, le nombre des professeurs sera de quatre.
« L'inspecteur des études remplira les fonctions de secrétaire.
« 2° Pour les élèves de l'école d'application, du commandant de l'école, président, et de six officiers désignés par la voie du sort, entre ceux attachés à l'école. »
« Art. 24. Un règlement déterminera pour le surplus ce qui est relatif aux autres punitions énumérées dans l'art. 21. »
« Art. 25. Les aspirants de 2ème classe de la marine, admis à l'école conformément à l'art. 12, payeront la pension fixée à l'art. 18, laquelle sera prélevée sur leur traitement. »
« Art. 26. La disposition de l'article premier qui concerne le siège de l'école militaire est soumise à la condition suivante :
« La ville dans laquelle sera fixé le siège de l'école militaire, mettra à la disposition du gouvernement un bâtiment convenable pour l'établissement de l'école ; elle sera chargée des frais d'agrandissement, d'amélioration, et d'entretien de ce bâtiment.
« En cas de contestation sur la nécessité ou l'utilité de ces dépenses, la députation du conseil provincial décide, sauf recours au Roi. »
« Disposition transitoire.
« Art. 27. La disposition de l'art. 2 qui oblige les élèves de l'école militaire à prendre l'engagement de servir pendant six ans, n'est point applicable à ceux qui sont entrés à l'école avant le 1er décembre 1837. »
Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi ; en voici le résultat :
69 membres prennent part au vote.
40 votent pour l’adoption.
29 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Beerenbroeck, Berger, Coghen, Corneli, de Brouckere, de Jaegher, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W de Mérode, de Puydt, de Renesse, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Dolez, Donny, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Jadot, Lecreps, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, Rogier, Smits, Troye, Vandenhove, Verdussen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude et Peeters.
Ont voté contre : MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Coppieters, de Florisone, de Langhe, Demonceau, de Roo, Desmaisières, Desmet, Devaux, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Maertens, Mast de Vries, Morel-Danheel, Polfvliet, Raikem ; A. Rodenbach, Scheyven, Simons, Stas de Volder, Trentesaux, Vanderbelen, Vergauwen, Wallaert.
La séance est levée à 5 heures.