(Moniteur belge n°57, du 26 février 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure.
M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. B. Dubus présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« La députation permanente du conseil provincial du Hainaut adresse de nouvelles observations à l’appui de la réclamation concernant l’encaisse de cette province ay 29 septembre 1830. »
« Le sieur Hubert Ackermans, adjudicataire de la barrière n°2, sur la route de première classe de Bruxelles à Liége, demande une indemnité du chef des pertes que l’établissement du chemin de fer lui a fait éprouver. »
« La dame veuve Van Einschodt, à Anvers, demande que la chambre adopte le projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre, tendant à liquider les créances arriérées de 1831 et années antérieures. »
- Sur la demande de M. Gendebien, la chambre ordonne l’impression au Moniteur des observations de la députation permanente du conseil provincial du Hainaut.
- Les autres pétitions sont renvoyées à la commission.
M. de Puydt. (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, dernièrement on a convoqué la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif au canal de Sammel ; elle n’a pu se réunir, d’abord parce que trois de ses membres ne font plus partie de la chambre, et ensuite parce que des quatre autres membres, la plupart étaient occupés dans d’autres commissions. Je demanderai donc que la commission dont il s’agit soit complétée par le bureau.
- Cette proposition est adoptée.
M. de Puydt. - Messieurs, la loi du jury devant être bientôt terminée, je demanderai que la loi sur l’école militaire soit mise à l’ordre du jour. Je dois déclarer que je suis autorisé par M. le ministre de la guerre à faire cette proposition ; il désire que la loi relative à l’école militaire soit achevée le plus tôt possible.
Je vous ferai remarquer, messieurs, que le sénat se réunit le 6 du mois prochain et qu’il importe que nous nous prononcions sur la loi dont il s’agit avant que cette assemblée s’ajourne de nouveau ; le crédit voté pour l’école militaire expirant à la fin de mars, il est nécessaire que la loi concernant cette institution soit terminée sans retard.
A cette occasion, je crois, messieurs, devoir vous entretenir d’un fait annoncé par les journaux : un journal des Flandres, je crois, a fait hier mention d’un bruit qui avait même circulé dans les sections quelques jours auparavant, c’est que dans l’espace d’un mois, il y aurait eu 13 duels à l’école militaire ; un tel bruit étant de nature à alarmer les personnes dont les enfants sont à l’école militaire, je me suis rendu à l’établissement pour prendre des informations ; le directeur, qui avait eu connaissance du bruit dont il s’agit avait ordonné une enquête, et il s’est convaincu que le fait est entièrement faux :il n’y a pas eu à l’école militaire un seul duel depuis que l’école existe. Je dirai cependant, messieurs, qu’un élève de l’école d’application a eu, il y a deux ans, un duel, dont il a été victime ; mais c’était avec un jeune homme étranger à l’école et pour une affaire étrangère à l’école, je crois que c’était une affaire de famille ; mais à l’école elle-même, je le répète, il n’y a pas eu un seul duel depuis qu’elle existe. J’ai cru, messieurs, devoir donner ici le démenti le plus former aux auteurs de cette nouvelle.
M. Dubus (aîné). - Je crois, messieurs, qu’il faudrait fixer d’une manière précise le jour de la discussion de la loi dont il s’agit ; ne pourrait-on pas la mettre à l’ordre du jour de jeudi, par exemple.
M. Maertens. - Il est un autre objet, messieurs, qu’il faudrait mettre à l’ordre du jour et qui n’est pas moins urgent que celui dont vient de parler l’honorable M. de Puydt, c’est le projet de loi sur les ventes à l’encan ; je demanderai la priorité pour ce projet qui n’entraînera pas une longue discussion. Il ne serait pas nécessaire de fixer précisément le jour de cette discussion ; on pourrait la mettre immédiatement après le vote de la loi sur le jury ; alors la loi sur le jury étant terminée, il n’y aurait plus d’inconvénient à fixer un jour pour la discussion du projet concernant l’école militaire.
M. Lebeau. - Quoi qu’en dise l’honorable préopinant, je ne crois pas, messieurs, que le projet de loi sur les ventes à l’encan soit tellement urgent, qu’il faille le mettre à l’ordre du jour avant la discussion du projet de loi concernant l’école militaire. Que la loi sur les ventes à l’encan soit discutée 15 jours plus tôt ou 15 jours plus tard, je ne vois pas quel mal il en résultera pour le pays ; mais il y un motif d’urgence tout spécial pour le projet concernant l’école militaire, c’est que le crédit provisoire voté pour cette institution expire à la fin du mois prochain, et qu’avant cette époque il faut que les deux chambres aient donné au gouvernement les moyens de faire face aux besoins de l’établissement.
Cependant je ne serais pas d’avis de mettre la loi sur l’école militaire à l’ordre du jour immédiatement après le vote de la loi du jury, parce que je crois qu’il est convenable que le jour de la discussion soit déterminé. Je proposerai donc à la chambre de mettre la discussion des amendements du sénat à l’ordre du jour de lundi, quel que soit le sort de la loi du jury.
Quelques membres.- On ne sera pas en nombre lundi.
M. Lebeau. - Qu’on remette l’objet à mercredi si l’on veut.
M. Dubus (aîné). - Je propose jeudi.
M. Lebeau. - Je me rallie à la proposition de M. Dubus .
M. A. Rodenbach. - Je crois, messieurs, qu’il faut donner la priorité au projet de loi sur les ventes à l’encan. L’honorable M. Lebeau a dit que cette loi n’est pas urgente ; elle est très urgente, messieurs, car c’est maintenant la saison où les commis voyageurs se mettent en route pour vendre leurs marchandises. Si vous retardez d’un mois ou six semaines la discussion de la loi sur les ventes à l’encan, vous ferez un tort considérable au commerce, car les détaillants n’oseront pas faire leurs provisions, lorsque d’un moment à l’autre on pourra venir s’établir devant leur porte pour vendre à l’encan les mêmes marchandises que celles qu’ils débitent, Je crois donc, messieurs qu’il faut discuter en premier iieu le projet de loi sur les ventes à l’encan, et ensuite le projet de loi concernant l’école militaire.
M. Gendebien. - Il me semble, messieurs qu’il serait excessivement fâcheux d’interrompre une discussion aussi importante que celle de la loi sur le jury : si vous suspendez cette discussion pour vous occuper, soit de la loi de l’école militaire, soit de la loi contre les ventes à l’encan, ce sera une discussion à recommencer, chacun se croira obligé de répéter ses arguments dans la crainte qu’on ne les ait oubliés. D’ailleurs, la chambre ne sera probablement plus composée comme elle l’a été jusqu’aujourd’hui ; des membres seront retournés chez eux, d’autres seront revenus ; il faut donc terminer d’abord la loi sur le jury ; celle qui concerne l’école militaire ainsi que la loi contre les ventes à l’encan, viendront ensuite. C’est le seul moyen de gagner du temps. Il est tout à fait indifférent pour ceux qui sont habituellement à leur poste que le jour de la discussion soit fixé on qu’il ne le soit pas, il convient que chacun soit à son poste. Le moyen de faciliter et de multiplier les trop nombreuses absences, c’est précisément de fixer jour pour telle ou telle discussion ; il en résulte que ceux qui veulent traiter la question mise à l’ordre du jour, ne viennent que le jour où elle doit être soumise à la chambre. Je crois donc, messieurs, que dans l’intérêt de la chose publique, dans l’intérêt de nos travaux et en raison de l’importance de la discussion actuelle, il ne faut pas scinder la discussion de la loi du jury.
M. Lebeau déclare retirer sa proposition.
M. le président. - Il reste à statuer sur la question de priorité.
- La chambre décide qu’après le vote de la loi sur le jury, elle s’occupera d’abord du projet de loi concernant l’école militaire et ensuite du projet de loi concernant les ventes à l’encan.
M. Demonceau dépose le rapport sur le projet de loi renouvelant la loi sur les étrangers.
La discussion de ce projet sera fixée après le vote de la loi sur les ventes à l’encan.
M. le président. - Avant de passer à l’ordre du jour, il serait peut-être utile de décider, maintenant que nous sommes encore en nombre, quel sera le jour de notre prochaine séance.
Des membres. - Jeudi.
D’autres membres. - Lundi.
M. Donny. - Messieurs, il faut être franc, il me paraît que tout le monde doit avoir la conviction que la chambre ne sera pas en nombre ni lundi, ni mardi. Dans cette position, il me semble qu’il est à désirer que la chambre déclare positivement, soit qu’il y aura séance, soit qu’il n’y en aura pas. Si la majorité décide qu’il y aura séance lundi, eh bien, l’on viendra ; si elle décide qu’il n’y aura pas de séance, chacun restera chez soi. L’on saura du moins à quoi s’en tenir.
Je propose de remettre la prochaine séance à jeudi.
M. F. de Mérode. - Messieurs, je ne conçois pas qu’on veuille remettre la séance à jeudi ; nous avons eu au nouvel an une vacance d’un mois, je ne sais pourquoi on prendrait une nouvelle vacance à l’occasion du carnaval qui n’a aucun rapport avec les travaux de la chambre.
M. Donny. - Messieurs, mon intention n’est pas d’éviter de venir en séance lundi prochain ; j’y viendrai si la majorité décide qu’il y aura séance, mais ce que je voudrais éviter, parce que je le trouve très désagréable, c’est de devoir venir deux ou trois jours de suite à la chambre sans que l’on soit en nombre. Voilà pourquoi je demande que la chambre prenne une décision, soit dans un sens, soit dans un autre.
M. Maertens. - Messieurs, de deux choses l’une : ou il faut qu’il y ait séance lundi, ou il faut que la séance soit remise à lundi en huit. Les députés des provinces ne peuvent pas pour trois jours retourner dans leurs foyers et ils ne peuvent pas non plus rester à Bruxelles sans rien faire pendant ces 3 jours. Je propose en conséquence qu’il y ait séance lundi.
- La chambre consultée décide qu’il n’y aura pas d’interruption dans ses travaux ; en conséquence, il y aura séance lundi.
La chambre passe à l’objet de l’ordre du jour.
M. le président. - La discussion continue sur l’article 13, proposé par M. le ministre de la justice.
« Art. 13. Dans les cas où le fait imputé est punissable de la réclusion, si, sur le rapport fait à la chambre du conseil, les juges sont unanimement d’avis qu’il y a lieu de commuer cette peine en celle de l’emprisonnement, par application de l’arrêté du 9 septembre 1814 (Bulletin officiel, n°34), ils pourront renvoyer le prévenu au tribunal de police correctionnelle en exprimant les circonstances atténuantes, ainsi que le préjudice causé.
« La chambre des mises en accusation pourra, à la simple majorité, exercer la même faculté.
« Le ministère public et la partie civile pourront former opposition à l’ordonnance de la chambre du conseil, conformément aux dispositions du code d’instruction criminelle. »
Cet article remplace les article 13 et 14 du projet de la section centrale, ainsi conçus :
« Art. 13. Lorsqu’il s’agira de crimes commis contre les propriétés, et que, sur le rapport du juge d’instruction, les juges seront unanimement d’avis qu il y a lieu de commuer la peine de la réclusion en celle de l’emprisonnement, par application de l’arrêté du 9 septembre 1814 (Bulletin officiel, n°34), ils pourront renvoyer le prévenu au tribunal de police correctionnelle, en exprimant les circonstances atténuantes, ainsi que le préjudice causé.
« Le ministère public et la partie civile pourront former opposition à l’ordonnance de renvoi, conformément aux dispositions du code d’instruction criminelle. »
« Art. 14. Dans le cas prévu par l’article précédent, l’exercice de la faculté aitribuée à la chambre du conseil appartiendra également à la chambre des mises en accusation, à la charge de motiver le renvoi à la police correctionnelle, comme il est prescrit par ledit article. »
M. Verhaegen a proposé la disposition additionnelle suivante :
« La cour d’assises pourra, dans tous les cas, mitiger la peine commuée par le code pénal. »
M. Verhaegen. - Messieurs, la proposition que j’ai eu l’honneur de formuler dans la séance d’hier, et qui fait en ce moment l’objet de nos délibérations, soulève deux questions.
A-t-elle un rapport avec le projet de loi ? Cela tient à l’opportunité.
Est-elle utile et mérite-t-elle votre approbation ? C’est ce qui constitue le fond de la question.
Occupons-nous d’abord de l’opportunité.
Le projet de loi, dit M. le ministre de la justice, ne concerne que l’organisation du jury, la proposition nouvelle touche directement au système pénal.
Je réponds à M. le ministre de la justice que les articles 13, 14 et 15 du projet amendé par la section centrale, touchent aussi au système pénal actuellement en vigueur, ils permettent aux chambres du conseil et de mise en accusation de statuer sur des questions relatives à la hauteur des peines, de correctionnaliser les affaires criminelles de leur nature.
De même que l’arrêté de 1815 statuant sur des peines supérieures était un corollaire de l’arrêté de 1814 qui ne statuait que sur la peine de la réclusion ; de même, ma proposition, si elle est adoptée, ne sera que le complément du projet de la section centrale. En étendant les dispositions de l’arrêté de 1814 vous ne pouvez vous dispenser d’étendre celles de l’arrêté de 1815 ; sans cela il y aurait incohérence, le système serait incomplet et même contradictoire, vous vous occuperiez d’objets d’importance secondaire pou négliger ce qui est urgent et indispensable, vous régleriez des accessoires et vous oublieriez le principal.
MM. les membres de la section centrale, dans l’exposé des motifs, ont envisagé comme nous la questions qui vous est soumise. « Les peines décernées par le code pénal, ont-ils dit, sont en général trop sévères en raison de la nature et de la gravité des délits, on a senti le besoin d’en tempérer la rigueur, etc. » C’est là justement l’objet de ma proposition, qui par conséquent a un rapport direct avec le projet de loi.
Ma proposition mérite-t-elle votre approbation ?
Tous les criminalistes sont d’accord que la justice pénale ne peut légalement s’exercer qu’autant qu’elle appuie les punitions qu’elle inflige sur cette double condition, l° que l’acte à punir soit immoral, ce qui constitue la justice intrinsèque de la punition ; 2° que la punition soit nécessaire à la conservation de l’ordre social. Telles sont les règles dont le développement forme la science du droit pénal.
Ces règles tutélaires, qui, en soumettant la distribution des peines à des principes invariables et fixes, peuvent seules protéger les peuples contre les caprices des gouvernements, ont été jusqu’à présent méconnues dans la plupart des législations.
Ce n’est pas que depuis un demi-siècle des peines inutiles n’aient été effacées, des peines atroces adoucies ; les pages puissantes de Becaria, qui proclamait il y a près de 90 ans que tout châtiment est inique quand il n’est pas nécessaire à la conservation de la liberté publique, ont été fécondes pour l’humanité. Devant elles ont disparu les tortures de l’instruction et cet appareil de cruautés, ce luxe de supplices dont la nature est révolue et qui prenaient leur source dans les inquiétudes d’un pouvoir ombrageux, et dans l’asservissement de l’intelligence humaine. L’effet irrésistible de la civilisation a été de diminuer le nombre des châtiments et de faire pénétrer l’humanité jusque dans les supplices. La raison publique, plus éclairée, se refusant à l’application de lois trop dures, a contraint le législateur, pour éviter l’impunité du crime, de recourir à la modération de la peine.
Mais il ne suffit pas que les peines soient abaissées et qu’elles soient avouées par l’humanité, il faut que la valeur de chaque délit soit justement appréciée et que le taux de la peine soit en proportion avec le mal causé. C’est là la tâche la plus difficile du législateur ; c’est la partie la plus négligée de la législation pénale. Le peu d’élévation de la peine n’empêche pas que son application ne soit une terrible injustice, si le fait auquel elle est appliquée n’est pas dans la catégorie de ceux que réprouve la conscience, ou si la répression n’est pas une nécessité sociale. Un système de justice pénale ne peut trouver de sanction dans la raison humaine qu’autant qu’il repose sur l’appréciation morale de chaque délit, et sur l’examen de l’importance relative et sur des exigences de l’ordre social.
Ce ne serait point une tâche vaine et sans fruits que de rechercher les principes qui ont guidé les législateurs dans les diverses lois pénales qu’ils ont écrites. On trouverait sans doute que les pouvoirs égoïstes qui se sont succédé invoquèrent également l’utilité sociale pour établir des peines, et n’avaient le plus souvent en vue que leur propre existence ; mais il faudrait aussi faire la part des préjugés du temps et de l’ignorance, qui contribuaient à égarer la loi loin du but qu’elle devait atteindre.
Les vices du système de l’ordonnance de 1670 et l’abus que le juge souverain, arbitre des peines, avait pu faire d’un pouvoir sans limites frappaient vivement les esprits au moment de la révolution française. La législation anglaise sur le jury, étudiée avec ardeur et objet d’un enthousiasme universel, avait appris à reconnaître le grand avantage que la justice éprouverait de la division des fonctions réunies jusque-là dans la personne du juge. C’est en Angleterre que nous avons puisé les principes du jury.
Mais en même temps que des réformes si vivement désirées étaient obtenues, le cercle restreint dans lequel l’assemblée constituante, trop occupée peut-être des vices de l’ancienne législation criminelle, crut devoir réformer le jury et le juge, retarda les fruits que ces grandes innovations auraient dû porter. Les législateurs de 1791 auront voulu, pour échapper à l’arbitraire de l’homme, que la loi, appréciant à l’avance tous les délits possibles, statuât sur chacun d’eux en particulier. C’était échanger la conscience éclairée du juge contre le despotisme aveugle d’une loi inflexible qui n’offrait que les divisions les plus apparentes des actions criminelles, mais qui n’avait pu en prévoir et en définir toutes les nuances. La loi institua pour chaque espèce de délit des peines invariables ; elle s’efforça de les classer dans un ordre méthodique, de les subdiviser, de les atteindre dans leurs différences les plus sensibles. La classification demeura néanmoins incomplète ; et comment aurait-elle pu prévoir cette foule de nuances insaisissables qui aggravent ou atténuent l’acte criminel que la peine doit atteindre, mais avec justice, avec discernement et proportionnellement aux circonstances du délit ?
Le besoin d’une nouvelle réforme de la législation se fit promptement sentir. Elle fut réalisée par la promulgation des codes de 1808 et 1810.
Nous n’hésitons point à le reconnaître, ces deux codes, quoiqu’ils soient l’œuvre d’un pouvoir qui avait surtout en vue de se conserver par le despotisme, et quoiqu’ils soient rédigés dans un esprit de méfiance contre les citoyens, renferment cependant les principales garanties que la France avait réclamées, les améliorations que le temps avait sanctionnées ; ainsi le droit d’arrestation est renfermé dans des limites qui, quoique trop étendues encore, séparent le droit de l’arbitraire ; l’instruction judiciaire est confiée à des magistrats dont la hauteur des fonctions et l’inamovibilité garantissent l’indépendance ; la publicité des débats et le droit de la défense sont consacrés ; l’institution du jury, un moment ébranlée, et que plusieurs criminalistes repoussaient à cette époque, est scellée dans la législation ; enfin le juge est libre, dans l’appréciation des faits et la dispensation de la peine, d’une partie des entraves qui avaient d’abord gêné son action.
Cependant, ces deux codes, le code pénal surtout, laissent trop à désirer aux esprits éclairés. La prodigieuse élévation des peines n’est pas en rapport avec la criminalité intrinsèque des délits ; si le législateur de 1810, évitant la plus grande faute de celui de 1791, attribue aux juges une certaine latitude dans la fixation de chaque peine qui lui permet de faire entrer dans sa détermination, la valeur morale des circonstances du délit, cette latitude est en général restreinte par un minimum trop élevé. Des peines barbares et inutiles s’y font encore remarquer, telles que la marque, la mutilation du poing, le mode d’exécution du condamné pour parricide, etc. Le système de la gradation des peines ou des circonstances aggravantes, est fondé dans la plupart des cas sur des accidents étrangers à la volonté du coupable, et qui n’aggravent aucunement sa criminalité. Qu’un vol soit commis une heure plus tôt ou plus tard ; que l’auteur, pour l’accomplir, ait brisé un carreau ou franchir un fossé ou une haie, le fait du vol doit-il puiser dans ces circonstances un degré plus haut de criminalité ? Mérite-t-il une aggravation de peine souvent immense ? Et le même reproche ne peut-il pas être adressé à ces dispositions qui font dépendre cette aggravation, non de l’intention plus ou moins criminelle de l’auteur du fait, mais des suites accidentelles de son action, comme en cas de coups et blessures et d’incendie.
La réforme de cette législation est devenue un besoin public. La marche progressive de l’esprit humain, l’adoucissement des mœurs, les discussions philosophiques, ont amené les esprits à réclamer avec énergie des améliorations dans le système pénal. Cette idée est descendue dans les mœurs : l’application journalière d’une fausse et dangereuse doctrine, celle de l’omnipotence en est l’expression. Le jury persuadé de l’exagération des peines, s’est approprié le droit de les adoucir et de les proportionner suivant ses vues, aux délits ; de là ces acquittements qu’on appelle scandaleux, ces déclarations négatives sur des circonstances aggravantes clairement établies. Le législateur ne peut méconnaître ce grave symptôme d’un besoin social. La législation doit s’appuyer sur les mœurs publiques : les peines doivent sans doute être proportionnées aux crimes, mais elles doivent l’être aussi aux mœurs et à la civilisation. Ainsi les crimes doivent être punis plus sévèrement chez les barbares que chez les peuples policés, parce que là il n’y a que la crainte pour frein, et qu’ici, les lumières, la religion et la morale sont d’utiles auxiliaires de la peine. En général, c’est par la législation criminelle d’un peuple qu’on peut juger du degré de civilisation auquel il est parvenu, et de la tendance morale de son gouvernement. La modération des peines et leur juste distribution est le signe d’une bonne organisation sociale : c’est la preuve la plus évidente de l’absence du pouvoir absolu, de la sagesse des institutions et de la douceur des mœurs. « Il serait aisé de prouver, à Montesquieu, que dans tous ou dans presque tous les Etats de l’Europe, les peines ont diminué ou augmenté à mesure qu’on s’est plus approché ou plus éloigné de la liberté. » Enfin, la civilisation progressive de la société, en adoucissant les mœurs, en amollissant les hommes les rend plus sensibles aux souffrances de la peine ! Les peines peuvent alors diminuer à mesure des progrès de l’intelligence et de l’industrie : la punition reste la même.
Le gouvernement français a si bien compris ces vérités qu’il a répondu au vœu général qui lui avait été exprimé depuis longtemps en présentant aux chambres une loi qui a été adoptée le 28 avril 1833. C’est la troisième révolution que la législation criminelle a vu s’accomplir en France depuis environ 50 ans. Nous ne comptons pas les modifications incomplètes que la loi du 25 juin 1833 avait essayées avec tant de timidité, et qui n’avaient pas satisfait aux besoins de la société.
La Belgique est restée sous l’empire du code pénal de 1810, car nous ne comptons pas non plus ni les dispositions de l’arrêté de 1814, qui autorisent de réduire la peine de la réclusion en celle d’un simple emprisonnement, ni les dispositions de l’arrêté de 1815 qui permettent de mitiger d’un degré la seule peine des travaux forcés à temps. Ces arrêtés sont loin de remplir le but qu’on s’était proposé, et nous devrions nous empresser de suivre aujourd’hui l’exemple de la France, toutefois avec des modifications que commandent les circonstances. C’est le but de la disposition que j’ai eu l’honneur de soumettre hier à vos méditations et contre laquelle M. le ministre de la justice n’a fait aucune objection sérieuse.
Par la loi française, du 28 avril 1832, plusieurs incriminations importantes ont été rectifiées : celles de la tentative, de l’attentat et du complot, des coups et blessures, du faux témoignage, des incendies et les attentats à la pudeur ; dans ces dispositions la loi nouvelle contient d’heureuses innovations : trois peines barbares ont été supprimées, la mutilation du poing, la marque et le carcan. La surveillance de la haute police a été avantageusement remplacée par un droit de défense ; la mise à la disposition du gouvernement, peine administrative et non définie, a disparu du code. Enfin la non-révélation d’un complot a cessé de figurer dans le catalogue des délits.
Des pénalités établies ont été réduites notamment en matière de vol, de meurtre et d’incendie. La peine de mort a été abolie dans huit cas, savoir : 1° les complots non suivis d’attentats ; 2° la fabrication ou émission de fausse monnaie d’or ou d’argent ayant cours légal en France ; 3° la contrefaçon ou l’usage des sceaux de l’Etat, effets du trésor public ou billets de banque ; 4° plusieurs cas d’incendie ; 5° le meurtre joint à un délit quand la relation de cause à effet n’existe point entre ces deux faits ; 6° le vol avec les cinq circonstances aggravantes ; 7° le recèlement d’objets volés quand le vol est puni de mort ; 8° l’arrestation illégale avec un faux costume et menace de mort.
Mais toutes ces dispositions sont dominées par la disposition capitale de la loi, l’admission de circonstances atténuantes à constater par le jury.
Pour bien constater l’intention du législateur français et l’esprit de la loi sur le but qu’il se proposait, nous nous permettrons de vous rappeler les paroles des exposés des motifs, ces paroles font pour ainsi partie de la loi elle-même.
« Sans doute, a dit M. le garde-des-sceaux pour préparer et mettre à fin un si important travail le courage n’aurait point manque ni au gouvernement ni aux chambres ; néanmoins on ne saurait se dissimuler qu’en s’imposant la tâche de réviser les 484 articles du code pénal et des lois accessoires beaucoup plus nombreuses encore, on risquerait de retarder plus qu’on ne doit les améliorations dont la plupart présentent un caractère d’urgence incontestable. On a préféré pourvoir au plus pressé, c’est aux préparations de la science, aux méditations journalières du gouvernement et de la magistrature qu’il faut redemander une refonte générale de la législation, il est beaucoup de besoins auxquels on peut satisfaire dès aujourd’hui, et que le bon sens public a suffisamment mûris ; pour que l’humanité en tire profit immédiatement, nous ne nous sommes pas livrés, je le répète, à une révision générale de nos lois générales, mais nous avons reconnu qu’il était urgent d’effacer de nos codes des cruautés inutiles ; l’humanité les repoussait, et un besoin impérieux de protection pour les intérêts légitimes de la société ne les rendait pas indispensables. Toutefois l’expérience nous a fournis ses utiles enseignements pour nous défendre contre un entraînement dangereux, et nous avons procédé avec une prudence qui ne compromet pas le présent et qui nous permettra sur plusieurs points d’attendre les leçons de l’avenir. »
M. Dumon, rapporteur de la commission de la chambre des députés, a exprimé dans d’autres termes la même pensée : « Votre commission a jugé utile, a-t-il dit, de déterminer d’abord le véritable caractère de la révision qui vous est proposée, elle est et doit être incomplète. Ce sera notre réponse à ceux qui auront souhaité une refonte dans nos lois pénales ; ce travail ne serait pas seulement immense, il serait provisoire. Qu’importe que le législateur refasse avec plus ou moins d’art le système entier de l’incrimination quand la pénalité dont il dispose est vicieuse et appelle des changements prochains mais peu connus encore et peu éprouvés. Ce sera aussi notre réponse à ceux qui auront souhaité une réforme plus large et plus profonde. Donnons aux châtiments inférieurs plus d’efficacité et d’énergie, avant de renoncer aux peines supérieurs, élevons autour de l’ordre social un rempart nouveau et durable avant de renverser la vieille barrière qui l’a protégé si longtemps.
Le ministre de la justice de Belgique partageait l’opinion de ces orateurs français, lorsqu’il y a quelques jours, répondant à une objection de l’honorable M. Gendebien, il disait qu’une révision complète était impossible et qu’il fallait se borner à des améliorations d’une urgence incontestable.
D’après M. le ministre de la justice, le projet qui vous est soumis présente ce caractère d’urgence, et nous sommes de son avis ; non seulement il importe d’épurer immédiatement l’institution du jury et de faire droit à des réclamations fondées, mais le moment est venu, comme l’on dit MM. les membres de la section centrale, d’investir les magistrats d’un pouvoir discrétionnaire pour attribuer aux tribunaux correctionnels la connaissance de certains crimes punis par le code pénal de la réclusion, et étant par conséquent du ressort des cours d’assises (articles 13, 14 et 15 du projet.)
M. Pollénus a combattu ces articles du projet, parce que, d’après lui, il aurait fallu établir une échelle de proportion entre toutes les peines inférieures et les peines supérieures, et sous ce point de vue, il a raison. N’est-il pas extraordinaire de voir le législateur s’occuper de la peine de la réclusion parce que souvent elle est trop sévère, et négliger des peines bien plus graves, telles que la mort, les travaux forcés à perpétuité, devant lesquelles le jury le plus souvent recule, parce qu’elles sont hors de proportion avec le fait qu’il serait obligé de déclarer constant ; n’est-il pas naturel de faire l’inverse de ce qu’on propose, savoir de commencer par en haut et de descendre successivement jusqu’en bas.
Et puis, le système du projet abandonné à lui-même est incohérent : des accusés de vol domestique, d’un faux en écriture privée, punis de la réclusion, d’après le code pénal, pourront être renvoyés devant les tribunaux correctionnels, et un malheureux garde champêtre qui aurait accepté une petite récompense pour un acte de sa fonction, même juste, devra incessamment être renvoyé devant une cour d’assises et condamné au carcan, car il sera impossible de mitiger la peine, article 177, code pénal.
Avec ma disposition additionnelle, l’incohérence cesse, toutes les peines, à commencer par les plus élevées, peuvent être mitigées d’un degré par la cour d’assises ; la peine de mort pourra être réduite à celle des travaux forcés à perpétuité, cette dernière à la peine des travaux forcés à temps, celle-ci à la peine de la réclusion, et ainsi de suite. La peine du carcan pourra être réduite à la peine qui lui est immédiatement inférieure, l’emprisonnement.
Veuillez le remarquer, messieurs, d’après mon projet, il y a faculté et non obligation de réduire la peine, et c’est une erreur de prétendre comme l’a fait M. le ministre de la justice, que la peine de mort serait abolie. La cour d’assises suivant les circonstances pourra l’appliquer ou ne pas l’appliquer, c’est une chance de plus pour l’accusé, mais en même temps une garantie contre l’impunité, car le jury en se soustrayant à la responsabilité qui résulte pour lui de l’application de la loi pénale au fait qu’il déclare constant, prononcera sans crainte et avec le sang-froid si nécessaire à sa mission ; alors seulement on évitera ces acquittements que l’on appelle scandaleux. La crainte de M. le ministre serait d’ailleurs un manque de confiance dans les cours d’assises qui cependant, en certaines circonstances et dans l’état actuel de la législation, juges du fait, décident du sort des accusés.
Je n’ai pas parlé des circonstances atténuantes dont a parlé la loi française et qui sont laissées à l’arbitrage du jury, parce que ce système m’a semblé susceptible d’entraîner des conséquences funestes et de détruire le but que je m’étais proposé. Il a pour effet de jeter la perturbation dans les pouvoirs du jury, car il l’appelle à apprécier non seulement le fait, mais aussi le droit ; à juger la peine, à la proportionner, suivant ses idées et l’effet de la déclaration, au délit, à la commuer, s’il le juge à propos, à substituer enfin des peines perpétuelles à la peine de mort et des peines temporaires aux peines perpétuelles, il m’a paru que le législateur peut seul prendre la responsabilité des peines qu’il inflige, que seul il est assez haut placé pour en apprécier la convenance et la portée, en laissant toutefois une grande latitude aux magistrats chargés de l’appliquer, en leur donnant même la faculté de mitiger d’un degré les peines existantes, ce qui équivaut à un minimum moins restreint ou, si l’on veut, à l’établissement de deux peines différentes entre lesquelles les juges du droit auront le choix d’après les circonstances.
M. le ministre de la justice qui, dans son premier discours, avait admis la nécessité de réviser un jour notre système pénal et de mitiger dès à présent certaines peines qui sont trop sévères, a combattu ma proposition en disant que celui qui assassine pour voler, doit savoir que, si le fait est déclaré constant, il n’échappera pas à la peine capitale, sans cela il n’y a plus de sécurité possible. Il faut ôter, a-t-il ajouté, tout espoir à ces grands coupables pour lesquels il n’y a d’autre frein que la crainte de la mort.
Cette objection n’a aucun fondement ; sans entrer dans la question de savoir si la peine de mort est un mal ou un bien, question très controversée, je vous dirai : Si l’espoir que peut nourrir le malfaiteur vous effraie, commencez donc pas lui ôter l’espoir que lui offrirait la faiblesse et la pusillanimité du jury ; cet espoir s’affaiblira par la garantie de fermeté et de sang-froid que ma proposition est destinée à donner aux juges du fait qui n’auront plus à calculer les conséquences du droit.
Mais le droit de grâce dont le chef de l’Etat use avec tant de clémence et d’humanité, surtout lorsqu’il s’agit de condamnations capitales, offre un espoir bien plus grand que celui qui serait basé sur une latitude laissée à des magistrats chargés par leurs fonctions d’appliquer la loi. N’a-t-on pas vu naguère un parricide condamné au dernier supplice par la cour d’assises du Limbourg, obtenir une commutation de peine, et peut-on dire après cela avec M. le ministre de la justice, que celui qui assassine pour voler, doit savoir qu’il n’échappera pas à la peine capitale ?
Le pouvoir de pardonner, dira-t-on, est la plus noble prérogative de la couronne : d’accord sur ce point, et moi le premier, je soutiendrai en toutes circonstances les prérogatives royales, mais cette prérogative de faire grâce ne pèse-t-elle jamais dans les mains qui l’exercent, et ma proposition n’est-elle pas de nature à alléger ce fardeau ?
Si au lieu de procurer au prince un amour plus constant de la part des peuples, elle l’expose aux caprices des jugements, aux clameurs, aux libelles, s’il ne peut ni céder aux sollicitations sans être soupçonne de faiblesse, ni se montrer inexorable sans être accusé de dureté, où est donc la splendeur du droit de grâce ? Il me semble qu’un prince humain et juste regrettera souvent d’être exposé à ce combat entre les vertus publiques et privées, il le regrettera surtout quand il s’agit d’homicide.
Si les lois sont trop dures, dit Jérémie Bentham, le droit de faire grâce est un correctif nécessaire, mais ce correctif est encore un mal ; faites de bonnes lois, et ne créez pas une baguette magique qui ait la puissance de les annuler. Si la peine est nécessaire, on ne doit pas la remettre, si elle n’est pas nécessaire on ne doit pas la prononcer.
Ma disposition additionnelle, qui, de sa nature, n’est que provisoire jusqu’à la révision du code pénal, aura, je le répète, pour résultat, tout en maintenant la prérogative de la couronne, d’en alléger le fardeau, et de faire supporter une partie de cette charge par des magistrats habitués à appliquer les lois pénales. Cette disposition ne compromet en rien le présent, et nous pouvons dire avec le garde des sceaux de France qu’elle permettra d’attendre les leçons de l’avenir.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, ainsi que vous avez pu vous en apercevoir par les développements dans lesquels l’honorable préopinant vient d’entrer, la question qu’il a traitée est d’une portée immense, et il serait impossible de la décider par amendement à une loi à laquelle cette proposition est étrangère, je persiste à le dire, et j’essaierai de nouveau de le démontrer.
La question dont s’est occupée la section centrale, et qui se trouve posée dans l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, n’est pas une question de droit pénal : c’est une question d’instruction criminelle ; c’est une question qui a rapport au jury. Il s’agit de savoir si un plus ou moins grand nombre d’affaires sera soumis à la cour d’assises et au jury, oui ou non. Dans la proposition de la section centrale et dans celle qui vous a été soumise par le gouvernement, il ne s’agit pas d’introduire une diminution de peine, mais il s’agit de statuer quelle sera l’autorité qui pourra appliquer une diminution de peine qui est déjà autorisée par nos lois. En d’autres termes, les cours d’assises ont pu jusqu’à présent correctionnaliser certains crimes, en vertu de l’arrêté de septembre 1814, et dans les cas que cet arrêté détermine, les cours d’assises usent de ce droit journellement ; or, l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre a pour objet de permettre de renvoyer directives les affaires de cette nature aux tribunaux correctionnels, lorsqu’elles seront considérées comme correctionnelles, et de ne pas faire intervenir inutilement une juridiction supérieure qui n’est pas chargée des affaires correctionnelles.
Messieurs, la question qui a été posée par l’honorable préopinant est d’une tout autre portée. Il s’agit de savoir si toute l’économie de nos lois pénales pourra être renversée ; il s’agit de savoir si toutes les peines pourront être modifiées, et si elles pourront être modifiées par une décision de cour d’assises. Voilà une immense question de droit pénal sur laquelle sans doute aucun de nous ne voudrait se prononcer sans de longues réflexions.
L’honorable préopinant décide en un instant une des difficultés les plus graves qui s’agitent aujourd’hui entre les criminalistes.
Quoique l’honorable membre ait l’air de l’éluder, la grande question est de savoir si les corps judiciaires doivent être investis de l’examen des circonstances atténuantes, et si cet examen doit être confié aux magistrats chargés d’appliquer la loi, ou bien aux juges du fait ; en d’autres termes, si cet examen doit être laissé aux cours d’assises, ou bien doit être attribué au jury.
Il est certain que l’honorable préopinant suppose que les cours d’assises tiendront compte des circonstances atténuantes ; il ne l’a pas dit, mais tel est le fond de sa proposition. C’est donc encore cette question qu’il décide indirectement ; et, quoi qu’il ait dit, c’est la question de la peine de mort qu’il introduit dans la discussion du projet de loi qui vous occupe et qu’il veut voir se faire décider par amendement, d’une manière improvisée. Vous n’accepterez pas une pareille mission.
J’ai dit que, pour certains crimes, le coupable devait savoir que la peine de mort l’attend. Mais, me répond-on, la prérogative royale donne toujours ouverture au recours à la clémence du Roi. Mais cette prérogative ne s’exerce qu’à raison des circonstances particulières, et le coupable ne peut pas compter sur ce recours, à moins que systématiquement on use du droit de grâce. Ce n’est pas ainsi que je comprends cette haute prérogative. Il a été un temps où on disait dans les prisons : on ne guillotine plus. On en était effrayé !
La terreur était répandue dans les Flandres ; un grand nombre de crimes se succédaient. Quelques exemples donnés dans ces provinces, où la nécessité en avait été démontrée, n’ont pas empêché des crimes épouvantables qui ont troublé la sécurité de Bruxelles et de Louvain.
Eh quoi ! vous a dit l’honorable préopinant, récemment un parricide a vu sa peine commuée, et vous croyez qu’on ne puisse pas, quand il s’agit d’assassinat accompagné de vol, espérer que la peine de mort ne sera pas appliquée.
L’honorable membre me force de faire connaître les motifs qui ont donné lieu à cette commutation. Je le ferai volontiers. Même à l’égard de ce crime si épouvantable que les anciens le croyaient impossible, il peut exister des circonstances qui rendent le condamné digne de la clémence du Roi. Et ces circonstances existaient en faveur du condamné auquel on a fait allusion. C’est tellement vrai que la commutation de la peine de mort en celle des travaux forcés à perpétuité a été unanimement approuvée.
Les honorables députés du Limbourg peuvent dire si je me trompe. Deux circonstances importantes devaient être prises en considération : le condamné est un de ces hommes d’un esprit faible, d’une raison incomplète, qui sont incapables d’apprécier toute la gravité d’un acte ; d’un autre côté, il était douteux si la mort n’avait pas eu lieu à la suite d’une lutte entre le père et le fils, tels sont les motifs qui m’ont fait proposer au Roi de commuer la peine. Le droit de grâce ainsi entendu n’encouragera pas les crimes.
J’appelle, comme l’honorable préopinant, de tous mes vœux le moment où on s’occupera de la réforme du code pénal, où on supprimera la peine de mort dans les cas où elle ne doit pas subsister. Si l’honorable préopinant avait soumis à l’examen des sections une proposition ayant pour objet de réduire les peines dans des cas déterminés, certainement je me serais empressé à réunir mes efforts à ceux de l’assemblée pour faire jouir le pays d’une grande amélioration qui doit assurer plus d’efficacité à la répression.
D’après ces motifs, je crois que l’amendement de l’honorable préopinant ne peut pas être adopté.
M. Gendebien. - La question soulevée par mon honorable ami M. Verhaegen est tellement importante, elle peut avoir des conséquences si immenses, qu’il serait bon qu’on pût la méditer. Quant à moi, je déclare que j’en suis partisan. J’y vois de grands avantages ; je n’y vois pas d’inconvénients ; mais je crains qu’au premier abord la chambre ne puisse pas apprécier toute la portée, toute l’importance de la proposition de M. Verhaegen, et qu’elle s’en effraie. Je demande qu’elle soit renvoyée à la section centrale. Nous l’examinerons ultérieurement.
Je ne suis pas de l’avis du ministre de la justice qui voit une grande différence entre la proposition de M. Verhaegen et la sienne. M. le ministre se plaint qu’on improvise une proposition d’aussi immense importance ; mais lui aussi a jeté au milieu de l’assemblée et presque à la fin d’une discussion un amendement dont la portée est plus difficile à apercevoir au premier abord. Cependant, il insiste pour qu’on le discute et qu’on l’adopte immédiatement.
Je dis qu’il n’y a pas de différence entre les deux propositions ; s’il y en a une, elle est en faveur de la proposition de M. Verhaegen. En effet, d’un côté, je vois des juges qui renvoient à une autorité inférieure à celle de la cour d’assises, aux tribunaux correctionnels, des faits qualifiés crimes ; mais pour cela, il faut qu’ils décriminalisent ces faits, si je puis m’exprimer ainsi, qu’ils changent le crime en délit.
N’est-ce pas aller plus loin que M. Verhaegen, qui propose d’autoriser les cours d’assises à descendre d’un degré d’échelle des peines, alors que la cause a été soumise aux juges naturels, au jury ? La différence, comme vous le voyez, n’est pas si grande que le prétend M. le ministre de la justice, et il y a beaucoup plus d’inconvénients à adopter sa proposition, dans le sens des observations qu’il a faites lui-même, qu’il n’y en a à adopter celle de M. Verhaegen .
D’après la proposition de M. le ministre, trois juges réunis vont décriminaliser des faits, sans autre instruction que celle souvent très sommaire d’un seul homme, du juge d’instruction ; sans débats, sans contradicteurs, sans avoir pu apprécier la physionomie résultant des débats. Le ministre ne trouve pas d’inconvénient à permettre à trois hommes d’ôter à un fait son caractère de crime, et à saisir l’autorité inférieure, mais il en trouve d’immenses à autoriser la cour d’assises à descendre d’un degré l’échelle des peines. Il vous a dit pour unique réponse aux observations de M. Verhaegen, qu’il fallait que tels criminels fussent certains que la peine de mort les attend, si le fait est déclaré constant.
Eh bien, dans la proposition de M. Verhaegen, la peine de mort attend toujours ce même criminel. Seulement, au lieu que le Roi seul puisse, usant de son droit de grâce, éviter les effets de la condamnation à mort, la cour d’appel pourra en premier lieu faire cet office ; à moins qu’on ne vienne élever des prétentions ridicules sur une prétendue atteinte portée à la prérogative royale, il n’y a là aucun inconvénient ; et je ne vois pas de différence au fond, mais j’en vois une grande pour la sécurité publique ; car le ministre vous l’a dit, le droit de grâce s’exerce en raison de circonstances particulières. Eh bien, la cour pourra descendre d’un degré l’échelle des peines, non seulement par des circonstances particulières, mais avec pleine connaissance de cause ; car, ce sera après avoir entendu les témoins et les débats, après avoir apprécié les faits et la physionomie de l’affaire, chose qu’on ne peut faire aussi bien que quand on a suivi toute l’affaire et qu’on est appelé à prononcer sur le résultat des preuves matérielles et des effets moraux produits par les débats. Je vous demande s’il y a une autorité dans le monde qui soit plus en mesure d’apprécier s’il y a lieu de descendre d’un degré l’échelle des pénalités, que la cour d’assises qui a entendu tous les débats. Le chef de l’Etat peut avoir des connaissances immenses, supérieures à celles de tous autres ; mais encore n’a-t-il que des connaissances individuelles ; il est sujet à l’erreur comme toutes les individualités. Le ministre de la justice peut avoir aussi un mérite transcendant ; mais le Roi n’agit que d’après l’opinion du ministre, l’opinion du ministre ne se forme que sur un rapport qui lui est fait. Quand et par qui ? Longtemps après par des magistrats qui ne sont plus ceux qui ont entendu les débats. Les circonstances peuvent se dénaturer par le laps de temps qui s’est écoulé depuis le jugement et par l’interposition de personnes étrangères aux débats ; il peut, il doit donc arriver plus fréquemment des erreurs, par suite de l’application du droit de grâce, que par l’application du principe de la proposition de M. Verhaegen. Si la cour juge qu’il n’y a pas lieu d’appliquer ce principe, le pouvoir royal est encore là pour user de sa prérogative, après un plus ample informé, et faire ce que la cour n’a pas fait. Si, au contraire, la cour a jugé à propos de descendre l’échelle d’un degré, le pouvoir royal pourra encore user de sa prérogative en descendant d’un degré de plus.
Je vois dans la proposition de M. Verhaegen une garantie de plus du bon exercice de la prérogative royale. Je n’y vois aucun inconvénient et j’y vois d’immenses avantages. J’appuie donc cette proposition. Mais, je le répète, je considère la chose comme si importante, que je craindrais, si on la discutait aujourd’hui, qu’elle ne fût pas bien comprise et qu’on ne fut effrayé de sa portée, ne l’appréciant pas bien exactement. Je propose donc le renvoi à la section centrale pour nous faire un rapport. D’ici au moment où nous aurons ce rapport, on pourra méditer le discours de M. Verhaegen qui, sous tous les rapports, mérite l’attention toute particulière de la chambre.
M. Verhaegen. - Je ne suis pas éloigné de me ranger de l’avis de M. Gendebien . Je n’ai pas demandé à la chambre de prendre une décision sur une proposition qu’elle n’a pas pu mûrir et qui est très importante. Aussi j’ai eu l’honneur de dire hier à la fin de la séance que si la chambre désirait renvoyer ma proposition à la section centrale, je donnais d’avance mon adhésion à ce renvoi. Dans ce moment-ci encore, je ne vois aucun inconvénient.
Le ministre de la justice me permettra de lui faire observer qu’à toutes les raisons que j’ai données à l’appui de ma proposition, il n’a rien répondu, sinon par la question d’inopportunité. Tous mes arguments sont restés entiers. Le ministre a tâché de démontrer que ma proposition n’a rien de commun avec le projet qui fait l’objet de nos délibérations, et je me permettrai à cet égard de dire quelques mots en réponse.
Lorsqu’à la séance d’hier, j’ai entendu la discussion, je n’avais encore aucune résolution sur l’objet dont s’agit. Je n’étais pas même venu à la chambre avec l’idée de faire une proposition ; cette idée m’est venue pendant la discussion ; c’est la proposition de la section centrale qui me l’a suggérée. Cette proposition m’a paru un pas vers l’amélioration désirée depuis longtemps. C’est en ce sens que je l’ai appuyée et que j’ai combattu l’opinion de l’honorable M. Pollénus . Mais en voyant les choses de près, en rapprochant cette opinion de la mienne, j’ai compris que dans tout cela il n’y avait qu’un ensemble.
Je crois la proposition de la section centrale et la mienne indivisibles, et je n’oserais voter en conscience pour la proposition de la section centrale si on ne s’occupait pas de ma proposition. De cette manière, je crois que l’honorable M. Pollénus se mettra de mon avis. Moi aussi, je pense qu’il serait dangereux et inopportun de voter un principe dont on ne subirait pas les conséquences et qui dérangerait toute l’économie de la loi. Nous avons l’arrêté de 1814, mais nous avons aussi l’arrêté de 1815. Puisque vous touchez à l’arrêté de 1814, touchez aussi à l’arrêté de 1815. La section centrale touche à l’arrêté de 1814, moi je touche à l’arrêté de 1815. Si vous voulez quelques changements, faites-les aussi complets que les circonstances le permettent. Il n’est pas possible de réviser le code pénal, il faudrait pour cela un temps infini, la chambre est trop accablée de besogne pour qu’elle puisse y songer de longtemps ; mais nous devons, quand l’occasion s’en présente, introduire dans la législation les améliorations les plus urgentes.
On vous propose de la part de la section centrale des améliorations ; je donne mon assentiment à ces améliorations ; mais pour qu’elles portent tous les fruits désirables, il faut en ajouter une autre, c’est celle qui fait l’objet de ma proposition. Je ne puis donc comprendre comment M. le ministre de la justice veut mettre ma proposition dans une catégorie différente de la sienne. Elles sont absolument dans la même catégorie.
Je ferai remarquer que ma proposition rentre dans l’esprit du rapport de la section centrale, où il est parlé de la trop grande sévérité du code pénal de 1810, et où est exprimé le désir que l’on pût donner aux tribunaux correctionnels la connaissance de certains crimes qui seraient réduits à de simples délits. Voilà le système qui vous est proposé ; vous ne pouvez admettre une telle proposition sans toucher à notre système de droit pénal. Pourquoi ne feriez-vous pas un pas de plus ? Si vous n’adoptez pas ma proposition, ce système est non seulement incomplet, mais même incohérent et contradictoire.
Que M. le ministre de la justice veuille bien donner une réponse à cet argument qui touche à la question d’opportunité. Vous voulez bien que la chambre du conseil et la chambre des mises en accusation correctionnalisent les crimes punissables de la réclusion, que ferez-vous à l’égard du garde champêtre qui encourt la peine du carcan s’il reçoit deux ou trois francs de personnes auxquelles il aura rendu service ? Remarquez bien qu’il ne s’agit pas là de concussion. Il suffit, aux termes de l’article 177 du code pénal, que ce garde champêtre ait « agréé des offres ou promesses ou reçu des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste mais non sujet à salaire. » Que ferez-vous de ce garde champêtre qui sera traduit devant la cour d’assises et condamné au carcan ? L’amélioration proposée ne peut l’atteindre ; c’est un changement qui ne signifie rien ; faisons donc quelque chose qui vaille ; posons un principe d’où puisse résulter un bien quelconque, n’adoptons pas un système qui n’aurait d’autre résultat que des contradictions.
En résumé, ma proposition peut, comme celle de la section centrale, faire l’objet de vos délibérations ; mais cette question est grave ; il peut importer à plusieurs membres de la mûrir ; je me rallie donc à la proposition de l’honorable M. Gendebien . Si la chambre pense que la section centrale peut, avant la fin de la discussion, procéder à l’examen de ma proposition, je ne m’oppose pas au renvoi proposé.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Par les raisons que j’ai données, vous vous attendez bien à ce que je m’oppose au renvoi à la section centrale.
L’honorable préopinant s’étonne de ce que je n’ai pas combattu sa proposition par des motifs tirés du fond de la matière, de ce je lui ai opposé des fins de non-recevoir. Si j’avais agi autrement, j’aurais été en contradiction avec moi-même. J’ai en l’honneur de dire que la question a une portée immense, qu’elle doit être approfondie, qu’elle demande un long examen de la part des jurisconsultes et l’examen préalable des sections. J’ai dit que si la chambre était saisie d’une proposition semblable, conformément à nos règlements, je serais disposé à coopérer de tous mes moyens à une réforme, même partielle, du code pénal. Mais je crois que la proposition est étrangère à la loi du jury. J’ai eu l’honneur de dire qu’elle est absolument différente de celle que nous discutons. Pour le prouver, je ne ferai que rapporter la raison principale que j’ai eu l’honneur de donner. La section centrale, dans l’amendement qui a pour objet de renvoyer certains crimes devant les tribunaux correctionnels, n’a pas correctionnalisé des crimes que la loi ne permet pas de correctionnaliser. L’arrêté de 1814 permet de correctionnaliser. La question est donc de savoir s’il convient de renvoyer à la cour d’assises pour correctionnaliser, lorsqu’il existe un autre moyen ; ce n’est pas une question de droit pénal. Au contraire, la proposition de M. Verhaegen tendrait à bouleverser tout notre système de droit pénal ; elle dérangerait toute l’économie de nos lois et soulèverait des questions très graves ; elle va même jusqu’à donner aux cours d’assises une espèce de droit de grâce, au préjudice de la prérogative royale.
A cette occasion, un honorable préopinant s’est trompé en disant que le gouvernement n’est pas éclairé par l’opinion des magistrats du ministère public qui ont assisté aux débats. L’opinion de ces magistrats est mise sous les yeux du ministre et sous les yeux du Roi, lorsqu’il s’agit de statuer sur une question de grâce.
Je m’oppose au renvoi à la section centrale. Elle devrait se livrer à un long examen ; c’est une matière neuve qu’elle aurait à traiter. Je doute qu’elle acceptât une pareille mission, avant que les sections aient été appelées à examiner cette proposition.
M. de Brouckere. - La question soulevée par l’honorable M. Verhaegen a véritablement une portée immense. L’honorable préopinant qui a parlé après lui a très senti qu’il était impossible que la chambre se prononçât sur cette proposition sans qu’elle eût subi l’examen préalable des sections ou d’une commission ; il en a donc demandé le renvoi à la section centrale. Si le ministre de la justice, qui trouve que l’amendement de M. Verhaegen ne se rattache en aucune manière à la loi dont nous nous occupons (je suis assez tenté de partager son avis), s’oppose à ce renvoi en s’appuyant sur l’inopportunité de la proposition de M. Verhaegen, s’il persiste dans son opposition, voici ce qui arrivera : on discutera longuement la question d’opportunité et la question du fond, car il est impossible de faire une distinction.
Quand on aura discuté pendant plusieurs séances on se demandera s’il faut ou non renvoyer à la section centrale. Il me semble donc que, pour gagner du temps et dans l’intérêt de la chambre, il vaudrait mieux qu’on ne s’opposât pas au renvoi à la section centrale. Mais il serait entendu que la section centrale aurait le droit d’examiner préalablement si la proposition n’est pas étrangère à la loi en discussion, et s’il ne convient pas d’en faire l’objet d’une loi spéciale. Dans le cas où la section centrale partagerait cet avis, elle pourrait, ainsi que cela est arrivé plusieurs fois, conclure à ce que l’amendement de M. Verhaegen fît l’objet d’une loi spéciale en la dispensant du préalable ordinaire : de la lecture et de la prise en considération. Je crois que, de cette manière, satisfaction serait donnée à tout le monde et qu’on gagnerait beaucoup de temps.
Je ne pense pas que l’honorable M. Verhaegen lui-même s’oppose à ma motion ; car si la volonté de la chambre est que l’amendement de M. Verhaegen fasse l’objet d’une loi spéciale, mieux vaut que cela soit décidé maintenant qu’après trois séances de discussions utiles.
Quant au fond de la proposition, je l’approuve pleinement, sauf à l’examiner à loisir. Il me semble au premier abord qu’elle mérite d’être adoptée, seulement je pense qu’elle ne doit pas être dispensée de l’examen préalable d’une commission. J’insiste donc pour le renvoi à la section centrale, demandant qu’il soit entendu que la section centrale examinera d’abord la question d’opportunité. Si M. le ministre de la justice veut se rallier à ma proposition, cela fera gagner, je crois, beaucoup de temps.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Cette proposition est évidemment insolite. L’honorable préopinant craint que nous ne perdions du temps ; mais il dépend de la chambre de n’en pas perdre. De deux choses l’une, ou la question qu’on soulève est identique à celle que nous traitons, ou elle en est étrangère ; mais l’honorable préopinant a pensé, comme moi, qu’elle ne devrait pas faire partie de la loi. Tous les jurisconsultes qui font partie de la chambre vous diront qu’une matière pareille doit être traitée spécialement, doit être l’objet d’un mûr examen. Il s’agit d’une matière d’une portée immense ; comment pourrait-on la soumettre à la section centrale pour savoir si la proposition doit être l’objet, oui ou non, d’une loi nouvelle, ou si elle doit faire partie de celle que nous discutons ? Nous n’avons pas coutume de procéder de cette manière. Qui empêche que l’honorable M. Verhagen ne transforme sa proposition en proposition de loi ; elle suivrait alors la filière ordinaire, et elle subirait un examen convenable.
On convient qu’il s’agit de la question la plus difficile et la plus importante du droit pénal ; c’est une raison pour ne pas éluder à son égard tous les examens préparatoires auxquels sont soumises les lois. Je crois donc qu’il ne faut pas renvoyer la proposition à la section centrale.
M. Pollénus. - Je partage l’opinion de ceux qui pensent que le renvoi à la section ne produira aucun effet : par ce renvoi ce serait charger la section centrale de l’examen d’une grande partie du code pénal. Un travail de cette importance mériterait un examen préliminaire de la part de la chambre entière, l’avis des corps judiciaires serait même nécessaire en pareil cas. Mais je ne suis pas de l’avis de ceux qui pensent qu’il faut séparer la proposition de M. Verhaegen de celle qui est faite par la section centrale et par le ministre : la disjoindre, c’est la repousser. L’honorable M. Verhaegen m’a interpellé pour savoir mon opinion sur sa proposition. Je dirai que les considérations que j’ai exposées relativement aux propositions du ministre de la justice et de la section centrale, s’appliquent à la sienne. Je regarde toutes ces propositions comme ne devant pas faire partie du projet actuel. Ces propositions se lient, l’une complète l’autre, ceux adoptant l’une devraient les adopter toutes ; quant à moi, je n’approuve ni l’une ni l’autre, puisque je ne veux pas d’un système de pénalités arbitraires.
La section centrale a ajouté des amendements qui frappent bien plus le code pénal que le code d’instruction criminelle ; ce qu’il y a à faire de plus rationnel c’est d’ajourner la proposition du ministre de la justice, celle de la section centrale et celle de M. Verhaegen, car elles font toutes trois partie d’un même ensemble. Lorsque la chambre a été saisie du projet primitif qui nous occupe, elle ne s’est pas attendue à voir y adjoindre des propositions qui changent l’économie de notre système criminel.
Si nous ne voulons pas perdre du temps, je crois que le mieux, c’est d’ajourner la discussion afin de permettre à la chambre et à l’opinion de mûrir les propositions et d’approfondir leur portée. Je félicite ceux qui maintenant sont rassurés sur les conséquences d’un changement qui autoriserait un tribunal de première instance de correctionnaliser des faits qui sont qualifiés crimes par les lois. Ce système est tellement exorbitant, que pour ma part, je ne puis en apprécier les résultats.
Les conséquences des propositions faites sont immenses, et ne sont pas connues. Je le répète, vous repoussez la proposition de M. Verhaegen, et vous permettez de correctionnaliser les crimes les plus révoltants ; quels sont donc les motifs invoqués par le ministre qui ne s’appliquent de même à la proposition de M. Verhaegen, qui ne fait que généraliser la proposition du ministre ? On a cité des cas qui échappent au système du ministre et notamment celui prévu par l’article 177 du code pénal, un garde champêtre qui aura accepté quelques centimes pour faits relatifs à ses fonctions, la peine du carcan l’attend, toute modération de peine est impossible d’après l’amendement du ministre ; répondez-moi donc, ce garde champêtre est-il plus coupable qu’un faussaire, que l’auteur d’un viol, d’un vol domestique, d’un faux témoignage, etc. ? Le système du ministre est donc incomplet, il présente des anomalies vraiment choquantes. Voulez -vous toucher au code pénal, il faut dès lors consentir à une réforme radicale. Ce n’est pas avec un bout de loi, comme on l’a dit que l’on doit toucher à l’ensemble des codes de notre législation.
M. Devaux. - Je voudrais ne pas prolonger la discussion de la loi sur le jury. Cependant ce n’est pas une raison bien forte que de dire qu’il faut ajourner l’examen d’une question parce qu’elle est grave ; je crois qu’il faut pouvoir examiner les questions quand elles sont présentées ; et le renvoi à la section centrale est de nature à résoudre les difficultés. Depuis que la Belgique existe, depuis sept ans, nous n’avons pas consacré beaucoup de temps aux lois pénales ; c’est la seconde fois que nous abordons ces matières.
Dans le projet de loi qui nous occupe, on s’est d’abord proposé d’améliorer la composition du jury. On s’est ensuite proposé d’améliorer notre système pénal ; tel est en particulier le but de l’amendement de M. Verhaegen. Mais cet amendement offre-t-il quelque chose d’absolument nouveau ? Non ; il est une modification de la loi française, et une modification qui n’est pas très heureuse. Lorsque la loi française a été discutée, il s’est manifesté deux opinions, et la proposition de M. Verhaegen est la traduction de l’opinion de la minorité de la chambre française. Ainsi ce que nous présente cet honorable membre n’est pas une matière bien neuve.
De plus, il existe un projet sur les modifications à apporter au code pénal. Ce projet a été renvoyé aux cours et tribunaux qui ont dû donner leur avis ; et les renseignements sont probablement entre les mains du ministre de la justice. Voilà donc des documents propres à éclairer la question. Et comme on n’a eu qu’à s’applaudir, en France des dispositions qui y ont été prises par la législature, on a encore l’expérience pour servir de guide. En consacrant une séance de plus à la loi sur le jury, il serait donc possible d’y introduire l’amélioration proposée par M. Verhaegen ou toute autre. Je crois qu’en procédant ainsi nous ferions quelque chose d’utile. Le renvoi à un projet nouveau ferait retarder indéfiniment, ou à trois, quatre ou cinq ans, de bonnes améliorations.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant vient de prêter une raison bien puissante à l’opinion que j’ai défendue ; la question grave des circonstances atténuantes est soulevée dans le projet de révision du code pénal. J’en conviens ; mais ce projet vous l’avez envoyé à l’avis de la magistrature du pays. La cour de cassation a consacré plusieurs séances à l’examen de cette question ; je pense qu’elle continue à s’en occuper. Eh ! vous renonceriez à profiter des lumières et de l’expérience des premiers magistrats du pays ! Vous trancheriez le point du droit pénal peut-être le plus difficile, avant d’avoir reçu le travail des magistrats que vous avez constitués ! Cette considération seule suffirait pour ne pas adopter le renvoi à la section centrale.
M. Pollénus. - Le ministre de la justice demande que l’on attende pour faire des améliorations à la loi criminelle : je ne demande pas autre chose. Les inconvénients auxquels on se proposait de remédier par la loi se rapportent à la composition du jury ; j’en appelle à la bonne foi de tous sur ce point.
La disposition que nous discutons ne se trouvait point dans le projet du gouvernement qui ne tendait qu’à introduire une épuration de personnel et à exclure du jury les personnes qui rempliraient des fonctions gratuites, disposition qui avait reçu une déplorable extension dans quelques provinces.
C’est à cela que se bornaient les besoins tels que les comprenait le gouvernement, mieux à même que nous, sans doute, d’examiner l’état d’organisation du jury.
La section centrale a dépassé les propositions du gouvernement, elle a improvisé un système nouveau, que n’ont pas examiné les sections, dont on n’a point médité la portée, qu’aucun besoin ne justifie, qui renverse le système de notre droit pénal et jette la confusion dans l’ordre des juridictions.
Ce qu’il y a de plus prudent, c’est d’ajourner cette partie du projet de la section centrale avec les amendements qui s’y rattachent.
On a introduit, messieurs, des améliorations notables dans l’institution du jury, j’en conviens ; j’ai appuyé de toutes mes forces ces améliorations ; mais je pense qu’il faut en attendre les effets, qu’il faut y avoir confiance et qu’il ne faut pas soustraire au jury amélioré les causes sur lesquelles le jury tel qu’il est composé maintenant a prononcé jusqu’ici.
Je crois, messieurs, qu’il ne serait pas rationnel, qu’il ne serait pas convenable de faire une distinction entre la proposition de la section centrale et l’amendement de M. Verhaegen : les deux dispositions ont une telle connexité, qu’il est impossible de les disjoindre. Je demande donc l’ajournement de la proposition de la section centrale amendée par le gouvernement et de l’amendement de M. Verhaegen .
M. de Behr, rapporteur. - Messieurs, l’arrêté-loi de 1814 existe, et en vertu de cet arrêté-loi, lorsque la chambre du conseil a constaté que le dommage n’excède pas 50 francs, et qu’il y a des circonstances atténuantes, le prévenu est renvoyé aux tribunaux correctionnels. c’est-à-dire qu’il est restitué à ses juges naturels, car il est évident que les tribunaux correctionnels sont institués pour connaître des délits, et qu’il serait tout à fait contraire au système du code pénal de faire juger par les cours d’assises des faits qui en définitive ne sont que des délits. Ainsi, messieurs, l’article 13 qui nous est soumis est tout à fait rationnel, et il ne fait en quelque sorte que régulariser l’application du principe consacré par l’arrêté-loi de 1814.
M. Demonceau. - M. le ministre de la justice en a appelé, messieurs, aux lumières de ceux qui ont l’habitude d’appliquer les lois pénales ; je crois que l’exercice des fonctions que j’occupe m’a mis à même de donner quelques éclaircissements. L’honorable préopinant vient de dire que lorsque les tribunaux appliquent l’arrêté-loi de 1814, les crimes deviennent délits ; je lui ferai observer que d’après les dispositions de cet arrêté-loi, les circonstances atténuantes qui peuvent changer un crime en simple délit doivent résulter des débats ; mais dans le système qui nous est soumis, on renvoie les accusés devant les tribunaux correctionnels quand les circonstances atténuantes ne résultent que de l’instruction écrite ; or il arrive fréquemment que lorsqu’une affaire est portée devant le tribunal, elle change complétement de face ; la déposition des témoins démontre souvent que les circonstances atténuantes résultant de l’instruction écrite n’existent réellement pas ; il y a donc une différence considérable entre le pouvoir que le projet donnerait à la chambre du conseil et le pouvoir que la cour d’assises exerce aujourd’hui.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°57, du 26 février 1838) Supposez, messieurs, qu’en vertu de la disposition qui nous est soumise, la chambre des mises en accusation conseil renvoie au tribunal correctionnel un prévenu en faveur duquel il existerait, d’après l’instruction écrite, des circonstances atténuantes, et que l’affaire étant portée devant ce tribunal, les témoins viennent déposer tout le contraire de ce que porte l’instruction écrite, et c’est ce qui arrive très souvent ; supposez que les débats démontrent à l’évidence qu’il n’y a pas de circonstances atténuantes, que le préjudice causé excède 50 fr., que fera le tribunal correctionnel ? Il ne pourra pas se déclarer incompétent, car l’article 15 de la section centrale le lui interdit ; il devra juger bon gré mal gré. La chambre des mises en accusation pourra donc obliger le tribunal correctionnel à reconnaître des circonstances atténuantes qui n’existent pas, à reconnaître que le préjudice n’excède pas 50 fr., lorsqu’il sera démontré à l’évidence qu’il excède cette somme. Voilà, messieurs, ce qui résulte des propositions qui nous sont soumises.
M. de Behr, rapporteur. - Il me semble, messieurs, que l’honorable préopinant a anticipé sur la discussion ; il a parlé de l’article 15 tandis qu’il ne s’agit que de l’article 13 ; je répondrai cependant quelques mots aux observations qu’il a fait valoir. L’honorable membre dit qu’il est extrêmement difficile de reconnaître, d’après l’instruction écrite, s’il y a des circonstances atténuantes, si le dommage n’excède pas 50 fr. ; messieurs, j’ai siégé pendant 15 ans dans une chambre de mise en accusation, et j’ai toujours vu que maintes et maintes instructions écrites démontrent à l’évidence l’existence des circonstances atténuantes nécessaires pour changer le crime en un simple délit. Ainsi dernièrement un domestique avait pris deux paires de bas ; il était dans la dernière misère et il avait pris ces bas parce que son maître avait retenu ses gages. N’est-il pas évident, messieurs, qu’il y a là des circonstances atténuantes, que le préjudice causé n’excède pas 50 fr. ? Eh bien, messieurs, des cas semblables se présentent très fréquemment, et je persiste à croire que renvoyer alors le prévenu devant les tribunaux de police correctionnelle, c’est le renvoyer à ses juges naturels, tandis qu’il y a une sorte de contradiction à vouloir faire prononcer les cours d’assises sur des délits qui n’entraînent que des peine de police.
M. Dubus (aîné). - Je ne puis, messieurs, qu’appuyer les observations de l’honorable préopinant. L’article 13, tel qu’il est présenté par la section centrale ou tel que M. le ministre l’a rédigé ne fait que modifier l’application du principe de l’arrêté-loi de 1814 ; or cet arrêté existe depuis 23 ans, et personne ne prétendra qu’il ait donné lieu au moindre abus ; il n’y a donc rien à craindre sous ce rapport, mais ce qu’on craint c’est le danger de permettre à la chambre du conseil de prononcer sur les circonstances atténuantes. Je prie les honorables membres qui ont fait cette objection de remarquer qu’il n’y a en cela rien de nouveau, que le droit qu’il s’agit d’attribuer à la chambre du conseil et à la chambre de mise en accusation est beaucoup moindre que celui qu’elles exercent actuellement ; aujourd’hui elles font bien plus que de déclarer qu’ il n’y a pas lieu de poursuivre criminellement, elles ont le droit de déclare qu’il n’y a pas lieu à poursuivre du tout. Or, si la chambre des mises en accusation peut convenablement décider qu’il n’y a pas lieu à suivre soit criminellement, soit correctionnellement, à plus forte raison peut-elle décider convenablement qu’il n’y a pas lieu à suivre criminellement, mais qu’il y a seulement lieu à suivre correctionnellement. Dans l’un ou l’autre cas, la décision est favorable au prévenu, et s’exécute dans l’intérêt du prévenu, de sorte que je ne vois réellement pas d’inconvénient dans l’article.
J’ajouterai un mot : c’est qu’il m’est connu que cette amélioration est vivement désirée par les magistrats de l’ordre judiciaire. Je connais plusieurs juges qui le désirent avec ardeur, je dirai même que, quoique la législation actuelle n’y autorise pas, on se sent pour ainsi dire obligé de correctionnaliser dans certaines circonstances. (Aux voix !)
M. le président. - M. Pollénus a demandé l’ajournement de l’article 13 du projet de la section centrale, et des amendements qui s’y rapportent ; il s’agit de savoir si la proposition d’ajournement doit avoir la priorité sur la proposition du renvoi à la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - La demande d’ajournement est conditionnelle ; elle est subordonnée à la question de savoir si la chambre renverra ou ne renverra pas à la section centrale la proposition de l’honorable M. Verhaegen.
M. Pollénus. - Mon intention a été de proposer un ajournement pur et simple.
M. Gendebien. - Messieurs, j’avais proposé le renvoi à la section centrale de la proposition de l’honorable M. Verhaegen ; M. Pollénus a déclaré qu’il valait mieux, dans son opinion, ajourner toutes les propositions, parce qu’il y trouvait une connexité telle qu’on ne pouvait traiter une question sans l’autre. Si vous prononcez le renvoi à la section centrale, il sera décidé qu’on s’occupera simultanément de toutes les questions après le rapport de la section centrale ; si, au contraire, l’on déclare qu’il n’y a pas lieu de renvoyer à la section centrale, comme dans l’opinion de M. Pollénus et dans la mienne il y a connexité entre toutes les questions, on proposera alors ou la discussion immédiate, ou l’ajournement global de l’article 13 du projet de la section centrale, de l’amendement du ministre de la justice et de la proposition de M. Verhaegen . Ainsi, n’y a pas lieu de mettre l’ajournement aux voix de prime abord, il faut en premier lieu mettre aux voix le renvoi à la section centrale.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je ne m’oppose pas à ce qu’on mette d’abord aux voix la question du renvoi à la section centrale, mais je déclare que dans mon opinion il n’y a pas lieu de prononcer ce renvoi.
M. de Brouckere. - Messieurs, j’ai une simple observation à faire. L’ajournement de la proposition de M. Verhaegen serait véritablement une question préalable ; car un ajournement indéfini c’est la question préalable. J’ajouterai qu’à mes yeux l’amendement de l’honorable M. Verhaegen mérite mieux, et je pense qu’il serait préférable de renvoyer la proposition à la section centrale, sauf à celle-ci d’examiner la question d’opportunité.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, il arrive fréquemment que la chambre ajourne des amendements qui s’éloignent plus ou moins d’un projet de loi en discussion. Or, l’amendement de l’honorable M. Verhaegen ne se lie pas à la loi actuelle ; l’honorable membre ne peut nullement se trouver blessé de l’ajournement de sa proposition ; il lui reste le droit de faire de son amendement l’objet d’une proposition spéciale.
M. Pollénus. - Messieurs, je dois protester contre la supposition de M. de Brouckere. Je n’ai nullement eu l’intention d’écarter la proposition de M. Verhaegen en demandant l’ajournement de cette proposition, j’ai voulu rattacher cette question à la réforme du code pénal.
M. de Brouckere. - Mon observation ne s’adressait pas à M. Pollénus, je répondais à M. le ministre de la justice.
- La chambre consultée décide que la proposition de M. Verhaegen ne sera pas renvoyée aux sections.
M. le président. - Maintenant je vais mettre aux voix l’ajournement de l’article 13 proposé par M. Pollénus .
M. Pollénus. - Je retire ma proposition.
M. Gendebien. - Messieurs, avant qu’on mette aux voix l’amendement de M. le ministre de la justice, je demande à faire une observation.
Aux termes de l’article 13, la chambre du conseil peut correctionnaliser et saisir les tribunaux correctionnels d’un fait qui par sa nature est de la compétence du jury. On donne au ministère public et à la partie civile le droit de se pourvoir contre une semblable décision de la chambre du conseil ; mais je ne me rends pas compte des motifs pour lesquels on n’attribue pas la même faculté au prévenu. (Interruption.)
On me dit que c’est de droit ; j’en doute beaucoup puisqu’il s’agit ici d’une instruction spéciale. D’ailleurs le texte même de l’article 13 me donne l’assurance du contraire. Messieurs, il faut aussi s’occuper des prévenus. Il peut arriver des circonstances dans lesquelles un prévenu a plus de confiance dans un jury composé de ses pairs, que dans un tribunal correctionnel dont il peut craindre des prévenions. Je ne sais pas pourquoi l’on distrairait malgré lui de ses juges naturels, un prévenu qui, par la nature du fait pour lequel il est poursuivi, aurait le droit d’être traduit devant le jury ; je ne sais pas pourquoi l’on permettrait à trois juges d’ôter au prévenu le droit d’être jugé par ses concitoyens, lorsque la loi seul peut caractériser les crimes et régler les juridictions. Il faut donc aussi, messieurs, lui laisser le droit de s’opposer au renvoi devant le tribunal correctionnel.
M. de Behr, rapporteur. - Messieurs, c’est dans l’intérêt du prévenu qu’on l’envoie l’affaire devant le tribunal de police correctionnelle. Si un prévenu, par exemple, est accusé d’un vol de nuit, si, en écartant la circonstance de la nuit, la chambre du conseil renvoie le prévenu devant le tribunal correctionnel, c’est une faveur que l’on lui fait.
M. Gendebien. - S’il n’en veut pas.
M. de Behr, rapporteur. - Vous avez correctionnalisé certains délits, vous avez renvoyé à la police correctionnelle les vols de bois et les vols commis par des individus ayant moins de 16 ans. Fallait-il laisser la latitude au prévenu de se faire juger par la cour d’assises ? Dès que le fait imputé au prévenu perd son caractère de crime, il est considéré comme délit, il est renvoyé au tribunal de police correctionnelle qui est le juge naturel des délits. Cette mesure est favorable au prévenu ; je ne vois pas pourquoi on laisserait dans la circonstance dont nous nous occupons, non plus que dans celle-là, la latitude de se faire juger par la cour d’assises.
M. Dubus (aîné). - J’ai demandé la parole pour une explication qui paraîtra peut-être futile à beaucoup de personnes. Mais il m’a été exprimé un scrupule qui me paraît très respectable, je ferai un proposition pour le lever. Je demande qu’on ajoute un paragraphe ainsi conçu : « Les dispositions du présent article ne seront pas applicables aux crimes politiques et aux délits de presse. » (C’est de droit !) Sans doute, cela est de droit ; mais la généralité des termes est telle qu’on pourrait craindre qu’il en résultât une dérogation. Par l’addition que je propose les scrupules seront levés.
M. Gendebien. - M. le rapporteur a dit que ma proposition était étonnante, inconcevable ; je ne sais s’il y a quelque chose de bien insolite dans cette proposition ; mais la chose a paru si simple à notre honorable président qu’il a dit : C’est de droit.
M. le président. - Je me suis trompé.
M. Gendebien. - Si M. le président s’est trompé, M. le rapporteur peut s’être trompé aussi.
M. le président. - J’avais compris la phrase différemment.
M. Gendebien. - Nous avons un magistrat très élevé qui, quand j’ai énoncé ma proposition, a dit que c’était de droit.
D’un autre côté, nous avons un autre magistrat, aussi d’un ordre très élevé, qui trouve la chose insolite.
L’un déclare maintenant qu’il s’est trompé ; je ne vois pas, je le répète, pourquoi l’autre ne pourrait pas s’être trompé aussi. Voyons au surplus les excellentes raisons qu’on oppose à ma proposition insolite.
C’est, dit-on, une faveur faite au prévenu de le renvoyer devant le tribunal de police correctionnelle. Si c’est une faveur, pourquoi l’imposer despotiquement ? Mais depuis quand impose-t-on une faveur ? Il est de principe qu’on peut toujours renoncer à une faveur, qu’on ne peut pas forcer celui qui en est l’objet à l’accepter. Si le prévenu ne veut pas de votre faveur, s’il préfère ses juges naturels, les jurés, pourquoi les lui enlever ? Mais, dit-on, vous avez renvoyé devant le tribunal correctionnel des faits qui autrefois étaient du ressort de la cour d’assises, vous avez correctionnalisé ces faits. Oui, mais c’est législativement, c’est par une loi que vous avez changé cette attribution tandis qu’ici ce n’est pas par une loi que vous voulez renvoyer aux tribunaux correctionnels des faits qui sont de la compétence du jury, c’est par délégation ; c’est à trois hommes que vous conférez le pouvoir de criminaliser ou de correctionnaliser des faits, et vous leur permettrez en même temps de créer des juridictions, sans que le prévenu ait mot à dire ! Je demande si mon observation est aussi insolite qu’on a voulu le prétendre. Je persiste à croire que vous ne pouvez pas, pour un fait caractérise crime, qui, par sa nature, est de la compétence du jury, vous ne pouvez pas, parce qu’ils voient des circonstances atténuantes, permettre à trois juges de priver celui qui en est accusé, de la juridiction de ses pairs. Si vous disiez dans une loi que tel fait, quand il sera accompagné de circonstances atténuantes déterminées, sera de la compétence des tribunaux correctionnels, sans doute que dans ce cas personne n’aurait mot à dire, et vous pourriez contraindre le prévenu à se soumettre, parce qu’alors ce serait la loi qui établirait la juridiction. Mais ici ce n’est pas la loi, ce sont trois hommes qui le font ; et vous ne voulez pas permettre au prévenu de se plaindre du jugement de ces trois hommes, tandis que vous le permettez au ministère public et à la partie civile ; ainsi les trois juges sont infaillibles à l’égard du prévenu et on les reconnaît sujets à l’erreur en faveur des autres.
Je persiste dans ma proposition.
M. Duvivier remplace M. Raikem au fauteuil.
M. Raikem. - J’ai demandé la parole pour expliquer un mot que j’ai prononcé tout à l’heure pendant le discours de M. Gendebien et sur lequel cet honorable membre est revenu. J’avais mal compris sa phrase au premier moment, j’avais cru, par erreur, qu’il parlait du cas où le prévenu voudrait se pourvoir contre l’ordonnance de la chambre du conseil qui aurait déclaré qu’il y a lieu à une poursuite criminelle. Et il est de droit que cette ordonnance doit être soumise à la chambre des mises en accusation. Dès qu’il y a eu erreur de ma part sur le sens du discours de l’honorable préopinant, on ne peut pas dire qu’il y ait aucune espèce de contradiction entre le mot que j’ai prononcé et ce qui a été dit par l’honorable rapporteur de la section centrale.
Je dirai maintenant un mot sur le fond de la question. Je crois que dans le moment, cette question est prématurée. On vient de vous faire l’observation que dans les cas ordinaires, supposant qu’il n’y ait pas lieu de faire application de l’arrêté de 1814, si on écarte les circonstances aggravantes, et que le fait soit déclaré par la chambre du conseil n’être qu’un simple délit, de la compétence des tribunaux correctionnels, alors il n’y a pas lieu, de la part du prévenu à se pourvoir devant la chambre d’accusation ; mais le prévenu renvoyé devant le tribunal correctionnel pourrait-il soutenir que le fait qui lui est imputé constitue un crime de la compétence des cours d’assises, et que c’est devant celles-ci, et non devant le tribunal correctionnel, qu’il doit se défendre contre cette imputation ?
La question s’est présentée, mais il n’y avait pas lieu, pour cela, de la part du prévenu, à un pourvoi devant la chambre des mises en accusation, contre une ordonnance qui n’est pas attributive, mais seulement indicative, de juridiction, c’était devant le tribunal correctionnel auquel l’affaire était renvoyée, qu’il y avait lieu de constater sur la compétence comme sur le fond. Or, la question de savoir si la décision sera attributive ou de la compétence, se présentera à l’article 15.
M. de Brouckere. - Voilà la question telle que la soulève M. Gendebien . Par l’article en discussion on veut attribuer aux juges, soit de la chambre du conseil, soit de la chambre des mises en accusation, le droit de renvoyer devant un tribunal correctionnel, l’individu qui serait prévenu d’un fait qui, d’après nos lois, est qualifié crime, quand il se présente accompagné de certaines circonstances atténuantes.
S’il y a décision de la chambre du conseil, la loi dit : la partie civile et le ministère public pourront former opposition. M. Gendebien demande s’il faut donner le même droit au prévenu. Je pense que non.
Il y a quelque chose de révoltant à l’idée de donner à un individu le droit de se plaindre d’une chose qui lui est avantageuse. Or, il est certain qu’on regarde comme un fait avantageux pour le prévenu de correctionnaliser le crime dont il est prévenu. Pouvez-vous lui donner le droit de se plaindre qu’on ait dépouillé le fait des circonstances aggravantes dont il était accompagné ? Je vais prouver que cela n’est pas possible. Supposez un individu poursuivi pour vol domestique ; l’affaire est portée devant la chambre du conseil. Elle déclare que le fait de domesticité n’est pas établi. Elle raisonne en présence des lois qui nous régissent, abstraction faite de la proposition qui nous est faite, et renvoie le prévenu devant le tribunal correctionnel ; pensez-vous qu’il pourrait se plaindre ?
Encore un exemple. Un homme est poursuivi pour vol avec effraction. La chambre du conseil décide qu’il n’y a pas d’effraction ; pensez-vous qu’on puisse donner au prévenu le droit que j’appellerai absurde de se plaindre de ce qu’un tribunal, un corps judiciaire, a déclaré qu’il n’y a pas effraction, que le vol est simple ? Dans ce cas le résultat de la décision du magistrat est le renvoi devant le tribunal correctionnel.
On ne peut pas dans ce cas donner au prévenu le droit de se pourvoir.
M. Gendebien. - On se place à côté de la question pour se faire une thèse facile. Sans contredit, si un prévenu reconnaissait le fait principal dont il est accusé, ce serait une chose extravagante, absurde qu’il vînt soutenir qu’il n’y a pas de circonstances atténuantes. Mais ce n’est pas là la question. Il dit : Je n’ai pas commis le fait qu’on m’impute, je ne suis pas coupable d’une vol domestique avec ou sans circonstances aggravantes ou atténuantes. Je veux que le fait du vol, avec ou sans les circonstances aggravantes ou atténuantes, soit soumis au jury. Pourquoi voulez-vous lui ôter le droit d’établir devant le jury que le fait dont on l’accuse avec ou sans circonstances aggravantes, ne peut pas lui être attribué, pourquoi voulez-vous le priver du droit qu’il a de se justifier devant le jury ?
Il saura pas exemple que tel tribunal a des préventions, à une jurisprudence arrêtée, une opinion fixe, il est certain qu’il sera condamné. Dans le fait, quand trois juges ont déclaré le fait constant, tout en établissant que les circonstances sont en faveur du prévenu, il est à peu près certain qu’il sera condamné correctionnellement ; tandis que devant des hommes connaissant mieux la nature du fait qu’on lui impute, l’appréciant mieux que le tribunal, il est acquitté. Par exemple, s’il s’agit d’un délit commis à la campagne, et que le prévenu doive être jugé par trois citadins qui n’ont jamais habité la campagne et ne connaîtront rien au fait qu’on lui impute, pourquoi voulez-vous ôter à ce campagnard les garanties qu’il trouvera ou qu’il croira trouver dans des hommes habitant la campagne et plus à portée de bien apprécier le fait et ses circonstances atténuantes ou aggravantes. Vous voyez que vous dissimulez une partie de la question pour la résoudre. Pour que les objections soient justes, il faudrait que le prévenu reconnût le fait dont on l’accuse, et qu’il contestât les circonstances atténuantes ; mais je suppose qu’il conteste le fait et les circonstances, soit atténuantes, soit aggravantes.
Maintenant, si vous faites une comparaison entre le tribunal où l’on peut être condamné par une voix, par deux voix contre une, et le jury où il y a encore une chance d’acquittement, alors qu’il y a sept voix pour la condamnation et cinq seulement pour l’acquittement, vous voyez que vous êtes loin de faire une faveur au prévenu parce que vous déclarez des circonstances atténuantes. C’est une faveur que vous faites à l’accusé, dites-vous ; mais c’est là qu’est l’absurde. En effet la cour d’assises n’est-elle pas là pour apprécier les circonstances atténuantes et pour appliquer les conséquences de ces circonstances ? C’est n’est donc pas une faveur que vous faites au prévenu ; car d’un côté comme de l’autre on apprécie les circonstances atténuantes. Mais, il y a cette différence immense c’est, qu’en cour d’assises, on n’apprécie les circonstances atténuantes que lorsque le fait est reconnu constant après débats ; tandis qu’en chambre du conseil, le prévenu, en acceptant les circonstances atténuantes comme une faveur, se reconnaît implicitement coupable du fait principal que le tribunal a d’ailleurs préjugé.
Il est évident que ce n’est pas une faveur que vous faites au prévenu, car il a plus de chances devant la cour d’assises que devant le tribunal correctionnel, puisqu’il faut huit jurés contre quatre, les 2/3 des voix, sur la déclaration du fait, pour la condamnation, et que quand il y a pour la condamnation sept voix contre cinq, c’est la cour qui décide, tandis que le tribunal correctionnel condamne par deux voix contre une, après avoir préjugé le fait principal. Vous voyez donc que c’est une illusion que de prétendre que vous faites une faveur au prévenu ; vous ne lui en faites aucune. Vous le mettez tout au moins dans une fausse position. Vous lui enlevez arbitrairement et malgré lui la juridiction ordinaire pour le placer dans une juridiction exceptionnelle. Je propose donc formellement un amendement consistant à dire au commencement du dernier paragraphe de l’article 13 : « Le ministère public, la partie civile et le prévenu pourront, etc. » au lieu de « Le ministère public et la partie civile pourront etc. »
M. de Behr, rapporteur. - Dans le système de l’honorable préopinant, il faudrait laisser à tout individu prévenu d’un délit le droit d’être jugé par le jury. Il arrive tous les jours qu’un fait qualifié de crime en raison des circonstances aggravantes devient un simple délit, parce que ces circonstances sont écartées. Ainsi, il s’agit d’un vol commis la nuit, on écarte la circonstance de la nuit, et le prévenu est renvoyé devant le tribunal correctionnel. Le prévenu sera-t-il admis à prouver que ce n’est pas un délit, mais un crime qu’il a commis ? Ce serait absurde. Je ne comprends pas qu’on puisse soutenir cette opinion. Quand j’ai dit que le renvoi devant le tribunal correctionnel est une faveur pour le prévenu, c’est en ce sens qu’un fait qualifié de crime n’est plus considéré que comme un simple délit ; mais il n’est pas libre au prévenu de prétendre qu’il a commis un crime et non pas un délit.
M. Gendebien. - Si le prévenu prétendait qu’il a commis un crime au lieu d’un délit, ce serait sans doute extravagant, absurde ; mais il ne s’agit pas de cela ; le prévenu nie le fait et toutes ses circonstances ; il faut donc commencer par établir le fait, et, s’il est de nature criminelle, c’est devant le jury qu’il doit l’être.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il n’en est pas moins vrai, que dans le système de l’honorable préopinant, le prévenu soutiendrait que le fait qui lui est imputé n’est pas un délit, mais un crime. Or cela est contraire aux règles du droit et aux principes de morale. Supposons que quelqu’un soit accusé d’avoir fait des blessures qui auraient entraîné une incapacité de travail de plus de 20 jours, et que la chambre des mises en accusation ait décide que l’incapacité de travail a été de moins de 20 jours, et renvoyé le prévenu devant le tribunal correctionnel, le prévenu pourrait-il faire opposition à cette décision, soutenir l’existence de la circonstance aggravante, qui a été écartée, et demander son renvoi devant la cour d’assises ? Cela ne se peut pas. Propager de telles idées, ce serait faire le procès à notre législation, ce serait supposer que pour les plus grands crimes, il y a plus de chances d’acquittement que pour de simples délits.
M. Gendebien. - On dénature jusqu’à mes paroles, on prétend que j’attaque l’institution du jury. J’ai cité un cas qui se présentera très souvent : un fait commis à la campagne, qui ne peut être apprécié que par des campagnards et qui sera mal jugé par des citadins. Je vous demande si celui qui est accusé d’avoir commis ce fait n’a pas intérêt à être jugé par ses pairs plutôt que par trois citadins. Loin que c’était là accuser l’institution du jury, c’est au contraire lui rendre un éclatant hommage.
On dit que si mon amendement est admis, tous ceux qui sont accusés pourront faire opposition au jugement de la chambre du conseil, qui les renvoie devant le tribunal correctionnel. Non, les règles générales auxquelles il n’est pas dérogé subsisteront et continueront à être appliquées comme elles l’ont toujours été. Non, si le fait qui leur est imputé n’est par lui-même qu’un simple délit ; mais si le fait est par lui-même criminel, s’il n’est correctionnalisé par les trois juges qu’en raison des circonstances atténuantes, alors comme il s’agit de l’application d’une règle spéciale, d’un jugement, le prévenu ne pourra se pourvoir contre le jugement que dans le cercle de la règle spéciale. Il a un intérêt incontestable à se pourvoir ; car, encore une fois, c’est toujours le fait principal qui doit être discuté et jugé d’abord. Si pour l’appréciation du fait qui par sa nature est de la compétence du jury, le prévenu croit trouver de meilleurs juges dans le jury que dans le tribunal, pourquoi lui refuser arbitrairement le droit de comparaître devant le jury.
- L’amendement de M. Gendebien, consistant à dire au commencement du dernier paragraphe de l’article 13 « le ministère public, la partie civile et le prévenu pourront, etc. » au lieu de « le ministère public et la partie civile pourront, etc. » est mis aux voix par appel nominal. Voici le résultat du vote :
60, nombre des votants.
17 membres votent pour l’adoption.
43 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM. Corneli, Dechamps, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dumortier, Gendebien, Jadot, Lecreps, Pollénus, Seron, Van Volxem, Verhaegen.
Ont voté contre : MM. Beerenbroeck, Coppieters, de Behr, de Brouckere, de Langhe, de Longrée, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Lebeau, Maertens, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Vandenbossche, Willmar, Zoude.
L’article 13 est mis aux voix et adopte ; il est ainsi conçu :
« Art. 13. Dans le cas où te fait imputé est punissable de la réclusion, si, sur le rapport fait à la chambre du conseil, les juges sont unanimement d’avis qu’il y a lieu de commuer cette peine en celle de l’emprisonnement, par application de l’arrêté du 9 septembre 1814 (Journal officiel, n°34), ils pourront renvoyer le prévenu au tribunal de police correctionnelle en exprimant les circonstances atténuantes, ainsi que le préjudice causé.
« La chambre des mises en accusation pourra, à la simple majorité, exercer la même faculté.
« Le ministère public et la partie civile pourront former opposition à l’ordonnance de la chambre du conseil, conformément aux dispositions du code d’instruction criminelle. »
- La séance est levée à 5 heures.