(Moniteur belge n°5, du 5 janvier 1838)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi 1/2.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le conseil communal et les habitants de Werswampceh (Grand-Duché) demandent la construction de la route de Diekirch à Stavelot. »
- Renvoyé à la commission des pétitions.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai aux ministres qu’ils veuillent bien faite un prompt rapport sur les pétitions relatives aux houilles ; on a pétitionné sur cet objet de toutes les provinces...
M. le président. - Les ministres ont déposé, dans l’une des précédentes séances, un rapport sur les houilles ; la chambre en a ordonné l’impression.
M. A. Rodenbach. - Je l’ignorais, mais j’ai autre chose à demander. Vous savez qu’il y a aussi des pétitions sur les ventes à l’encan. Il faut une mesure prompte pour remédier à ce mal qui provoque des plaintes si générales et si légitimes ; et je désire que les ministres prennent cette question en sérieuse considération.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne pense pas que la chambre puisse s’occuper de cet objet avant ses vacances ; aussitôt après votre réunion nous pourrons vous présenter un rapport.
M. Milcamps. - Je ne crois pas qu’on puisse ajourner la discussion de cette question ; elle se rapporte au budget des voies et moyens ; je demande qu’on s’en occupe en même temps que de ce budget.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne crois pas que le budget des voies et moyens puisse faire obstacle à la loi sur les ventes ; au reste, il n’est pas possible de discuter incidemment la question des ventes à l’encan ; elle est grave et partage les opinions.
M. A. Rodenbach. - Je prie le ministre de nous présenter un projet de loi. Les ventes à l’encan étaient aussi l’objet d’un grief sous l’ancien gouvernement ; et on chercha à le redresser par un arrêté. La cour de cassation avait changé cet ordre de choses. Il faut donc une loi...
M. Duvivier. - L’ordre du jour !
La chambre consultée passe à l’ordre du jour.
M. le président. - Nous en sommes restés à l’article 3 : « Masse d’habillement et d’entretien. »
La section centrale accorde 3,750,000 fr.
- Ce chiffre mis aux voix est adopté.
« Art. 4. Masse d’entretien du harnachement, traitement et ferrure des chevaux.»
Le ministre demande 346,945 fr. 15 c.
La section centrale propose 278,574 fr. 85 c.
- Le chiffre du ministre est adopté.
« Art. 5. Masse de renouvellement, du harnachement et de la buffleterie. » 155,000 fr. sont demandés par le ministre et accordés.
« Art. 6. Masse de casernement des chevaux : fr. 109,780. »
- Adopté.
« Art. 7. Masse de casernement des hommes. » Le ministre demande 798,238 fr. ; la section centrale propose 735,000 fr.
- Le chiffre de la section centrale est adopté.
« Art. 8. Frais de route des officiers. » Le ministre demande 120,000 fr. ; la section centrale propose 111,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, je ne puis en aucune façon me rallier à la réduction proposée par la section centrale ; je n’ai besoin pour justifier mon opposition que de faire connaître à la chambre la situation actuelle de cet article du budget.
La section centrale s’est fondée sur ce qu’il lui paraissait que le budget de 1837 était bien loin d’être dépensé dans la proportion de la somme allouée, et sur ce que le crédit de 1836 n’était pas dépensé en entier, et qu’il laissait disponible une somme de 1,600 fr.
Messieurs, dans la crainte de dépenser au-delà d’un crédit, lorsque la fin de l’année arrive, il y a des choses utiles que l’on ne fait pas. Ainsi, vers la fin de l’année 1836 on m’avait proposé de faire faire, en France, un voyage dont l’utilité me paraissait incontestable, mais je n’ai pas voulu y consentir, et il n’a eu lieu qu’en 1837. Je ne voulais pas me hasarder à dépenser plus qu’il n’était accordé.
Dans le rapport de la section centrale on fixe un chiffre disponible au 1er octobre 1837 ; mais au 1er décembre, bien loin que pour les onze mois écoulés il y ait une somme disponible, il s’est trouvé 6,000 fr. de dépensés au-delà des onze douzièmes du chiffre total ; et très probablement il sera nécessaire de demander un transfert pour achever de solder les frais de route des officiers.
Il ne faut pas que la chambre croie que les augmentations de dépenses soient demandées au budget sans qu’on n’en ait bien senti la nécessité : une défaveur trop grande accueille ces augmentations pour qu’on les hasarde à la légère.
Les voyages des officiers sont, à mon avis, une chose très importante sous tous les rapports, quand ils sont faits avec discernement et avec assez de soin pour bien remplir leur objet. A l’intérieur, ces voyages sont occasionnés par les inspections ; et la chambre sait peut-être que, pénétrée des avantages qui pouvaient résulter de ces inspections, j’en ai établi qui n’avaient pas eu lieu jusqu’ici. Ainsi, le service des places n’avait jamais été soumis au contrôle du commandement supérieur ou des commandants de province. J’ai trouvé utile que ce contrôle fût exercé, et j’ai ordonné des inspections qui, naturellement, ont entraîné des dépenses qui n’avaient pas été faites les années précédentes.
Il y a d’autres objets pour lesquels on fait des voyages à l’étranger ; c’est afin de connaître tout ce qui a été fait dans l’organisation militaire chez nos voisins et qui pourrait nous être utile. Il faut que nous sachions quels perfectionnements ont été apportés aux diverses parties de l’art militaire, car on a beaucoup travaillé autour de nous.
Ainsi, au système de fortification, et aux applications de ce système, nous avions quelque chose à apprendre. Un voyage a été entrepris par le professeur de fortification à l’école militaire en 1837, et je me suis applaudi d’avoir autorisé ce voyage qui a eu lieu en France.
Pour l’artillerie nous avons des connaissances très utiles à puiser chez nos voisins ; et des voyages ont été faits par des officiers que l’on regardait comme les plus propres à remplir le but qu’on devait se proposer.
Il en a été de même pour l’instruction élémentaire qu’on désire tant de voir introduire dans les régiments. Dans les pays où il n’y a pas eu, pour ainsi dire, solution de continuité dans l’application de l’organisation militaire, tout a marché, tout a fait des progrès ; chez nous, au contraire, il y a eu nécessairement un temps d’arrêt, et sous beaucoup de rapports nous avons pu naturellement nous trouver en arrière ; il en a été ainsi de l’instruction élémentaire. On a donc encore fait faire des voyages pour voir ce que, sous ce rapport, on pourrait trouver d’utile dans les pays voisins. Le régime des chevaux est un objet qui a excité beaucoup de plaintes, plaintes que la section centrale a, en grande partie, mentionnées dans son rapport ; eh bien, messieurs, pour remédier aux maux que ces plaintes signalent, on a fait faire des inspections dans les établissements de cavalerie des nations voisines qui ont, en général, la réputation de mieux entendre le régime hygiénique des chevaux.
Je le répète donc, messieurs, outre la marche ordinaire du service, les voyages et les inspections des officiers ont eu partout pour objet de rechercher tous les progrès, toutes les améliorations qu’on pourrait importer chez nous ; si la chambre approuve ce système, que je regarde comme le véritable système, le progrès rationnel, alors elle ne doit pas refuser les moyens de le suivre, car si elle refusait ces moyens, il est évident que le système devra être abandonné, quelque bon qu’il soit. C’est, en définitive, là un déplacement de responsabilité, et rien d’autre ; quand un ministre est bien convaincu de la nécessité d’une chose, il la propose, et son devoir est par là rempli, sa responsabilité est à couvert ; si la chambre ne juge pas à propos d’accorder ce que le ministre demande, elle assume naturellement la responsabilité de ce qui ne se fait pas.
Parmi les objets véritablement utiles des voyages des officiers, qui donnent lieu à une dépense assez grande, je dois ajouter un objet extrêmement important, ce sont les inspections des armes de tous les corps faites par les officiers et les contrôleurs d’artillerie ; ce sont des voyages et des séjours extraordinaires qu’on fait faire à Liége, auprès de l’inspection des armes, par les officiers d’armement de tous les corps, et non seulement par les officiers titulaires, mais aussi par les officiers surnuméraires destinés à remplacer les autres quand une cause quelconque les empêche de faire leur service. Certes, cette dépense doit être appréciée, et il est impossible de prétendre que le ministre puisse y renoncer.
On s’est appuyé, pour combattre le chiffre que j’ai demandé, sur ce qu’au 30 septembre il restait disponible une somme assez considérable sur l’article des frais de route des officiers ; on dit que c’est sans doute les trois derniers mois de l’année qu’il se fait le moins de voyages, et que par conséquent on dépense le moins de ce chef ; que dès lors la somme disponible à la fin de l’année doit encore être proportionnellement plus grande. Je viens déjà le faire voir, messieurs, que cela est complétement inexact : ces prévisions ne sont pas conformes à ce qui se passe généralement. Les inspections, en général, ne se font que dans les derniers mois de l’année ; elles ne peuvent se faire qu’après la levée du camp et la rentrée de toutes les troupes dans leurs garnisons. C’est donc une grande erreur de croire que le chiffre jusqu’à concurrence duquel les mandats ont été délivrés et soldés au 1er octobre, soit celui de toutes les dépenses déjà faites pour les voyages des officiers ; au contraire, il est manifeste que les dépenses des trois derniers mois restent encore à solder. Les déclarations des officiers rentrent toujours tard ; c’est presque toujours dans le trimestre suivant qu’on solde les dépenses du trimestre écoulé ; c’est là ce qui explique comment, quoiqu’au 1er octobre une somme assez considérable semblait disponible, il s’est trouvé une différence en sens inverse au décembre. Les faits prouvent donc le contraire de l’argument qui a été mis en avant pour appuyer le rejet de l’augmentation que j’ai proposée. Je crois par conséquent devoir maintenir cette augmentation, et je répéterai que si la chambre approuve tous les objets de voyage que j’ai indiqués, il est absolument nécessaire qu’elle nous accorde les moyens d’y pourvoir.
M. de Puydt. - Messieurs, aux raisons concluantes que vient de donner M. le ministre de la guerre en faveur du maintien du crédit tel qu’il l’a demandé, j’ajouterai un fait de détail qui a pu lui échapper et qui prouve l’insuffisance du crédit accordé en 1837. Dans le corps du génie il y a, messieurs, un incomplet de personnel, et les cadres de ce corps ne pourront être complétés que d’ici à quelques années, lorsque l’école militaire aura fourni les sujets nécessaires. Il résulte de cette position que les officiers du génie qui ont un poste fixe, des attributions déterminées, sont très souvent envoyés en mission extraordinaire, et que par conséquent on se trouve dans la nécessité de leur payer des frais de route et de déplacement. Ainsi, dans le cours de 1837, des officiers du génie ont été obligés de visiter la frontière hollandaise dans les Flandres, pour rechercher les points sur lesquels il conviendrait d’établir les travaux dont on s’occupe en ce moment ; les états des frais de route de ces officiers ont été réglés il n’y a pas 15 jours, lorsque M. l’intendant leur a fait savoir que le crédit des frais de route étant épuisé, ils ne pourraient pas être remboursés sur le budget de 1837. Ces dépenses ont cependant été faites par les officiers et sont par conséquent restés provisoirement à leur charge, et ils ne pourront espérer d’être indemnisés des avances qu’ils ont faites que dans le cas où un crédit suffisant aura été voté pour 1838.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, la section centrale du budget de la guerre et la chambre se sont toujours montrées empressées d’accorder au gouvernement les crédits qu’il demandait, du moment que ces crédits étaient suffisamment justifiés. Mais, dans le cas actuel, de quoi s’agit-il ? Il s’agit, messieurs, d’un crédit tout à fait éventuel, et pour calculer quel doit en être le chiffre, il faut nécessairement se reporter en arrière, voir ce qui a été dépensé pendant les années antérieures.
Or, messieurs, jusqu’ici le gouvernement n’avait jamais demandé plus de 111,000 fr., somme qui a été votée l’année dernière, et, par conséquent, nous devons croire que ce chiffre a toujours été suffisant. Dans les développements du budget de cette année, M. le ministre a demandé une majoration de 9,000 fr., ce qui porte le chiffre à 120,000 fr., et pour toute justification on trouve dans les développements du budget les mots suivants : « Cette dépense étant éventuelle, nous avons demandé une augmentation de 9,000 fr., afin de ne pas nous trouver au dépourvu. » On ne signale aucun motif qui fasse croire qu’on puisse se trouver au dépourvu. Qu’a dû faire la section centrale dans cet état de choses ? Elle a demandé quels étaient les motifs pour lesquels on croyait pouvoir se trouver au dépourvu en 1838, si l’on ne demandait que le chiffre alloué l’année dernière, et elle a traduit cette demande en cette autre demande qu’elle a faite, de connaître l’emploi des crédits alloués en 1836 et en 1837.
Les renseignements qui nous ont été transmis par M. le ministre de la guerre, nous ont appris que le crédit voté en 1836 n’a pas été entièrement épuisé, et qu’au 1er décembre 1837 il restait disponible une somme plus forte que ce qui paraissait devoir être employé pendant la partie de l’année qui restait encore à écouler. En présence de ces données, la section centrale pouvait-elle, messieurs, pouvait-elle faire autrement que de proposer une réduction de 9,000 fr., comme elle l’a fait ? Maintenant, M. le ministre de la guerre vient de faire connaître de nouveaux chiffres qui démontrent qu’effectivement le crédit de 1837 sera insuffisant et que par conséquent il est nécessaire d’accorder pour 1838 le chiffre que demande M. le ministre. Mais ces nouveaux chiffres, la section centrale ne les connaissait pas et par conséquent ils n’ont pas pu influer sur sa décision. Aussi je ne puis pas au nom de la section centrale me rallier au crédit demandé par M. le ministre de la guerre, parce qu’elle n’a pas eu connaissance des faits que M. le ministre vient de nous faire connaître. Mais, quant à moi personnellement, je n’hésite pas à me rallier à la proposition ministérielle.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, j’ai donné à la section centrale tous les renseignements qu’elle m’a demandés ; si elle m’avait adressé une demande d’explications sur la demande d’augmentation de 9,000 fr., je lui aurais probablement donné celles que je viens de donner à la chambre elle-même.
- Le chiffre de 120,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 9. Transports généraux et autres : fr. 115,000. »
- Adopté.
« Art. 10. Primes d’engagement et de réengagement : fr. 24,000. »
La section centrale propose 12,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne me suis point rallié à cette proposition, parce que j’ai toujours l’espoir de voir s’augmenter d’année en année le nombre des enrôlements volontaires, que je regarde comme la véritable source où l’on peut puiser les sous-officiers. Je pense, en outre, que les primes dont il s’agit ne doivent pas s’appliquer seulement aux armes spéciales, mais encore aux troupes d’infanterie.
Toutefois, comme la dépense de 1837 ne semble pas devoir dépasser 6,000 fr., je présume qu’avec une allocation double je pourrai atteindre en 1838 le double but que je me propose. Pour ces motifs, je me rallie au chiffre de la section centrale.
- Le chiffre de 12,000 fr. est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Chauffage et éclairage des corps de garde : fr. 100,000. »
- Adopté.
« Art. 12. Frais de police : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 13. Cantonnements, logement et nourriture : fr. 1,789,913 65 c. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je suis obligé de proposer ici une augmentation, en ce qui concerne la brigade expéditionnaire du Luxembourg. Nous ne pouvons pas fixer le terme où cette occupation cessera. Je propose en conséquence d’accorder pour un terme de 40 jours l’allocation de 64 centimes par homme et par jour pour le corps de 3,000 hommes qui se trouve dans le Luxembourg. Il est évident que si les troupes sont retirées plus tôt, le crédit ne sera pas dépensé.
L’augmentation que je propose porterait le chiffre à 1,895,515 fr. 66 c.
M. Dumortier. - Je demanderai au ministre s’il ne lui serait pas possible de prélever sur le chiffre qu’il a primitivement proposé les fonds nécessaires pour la brigade expéditionnaire du Luxembourg ? Je reconnais toute l’utilité de ce dernier crédit ; je le voterai si M. le ministre pense qu’il ne peut être imputé sur le chiffre primitif.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Ce chiffre a une spécialité tellement nette, tellement déterminée, qu’il n’est pas possible de détourner de ce crédit la plus petite somme pour la brigade expéditionnaire du Luxembourg.
M. Dubus (aîné). - Il semble que d’après le rapport de la section centrale, l’augmentation du chiffre des cantonnements devait donner lieu à des réductions sur d’autres articles. Du moins, la section centrale fait remarquer qu’elle a vérifié que ces réductions ont été faites dans la proportion du chiffre que l’on pétitionne. Si donc ce chiffre est augmenté, il semble que la réduction doive augmenter aussi sur d’autres articles.
A la page 22 de son rapport, la section centrale dit : « Nous avons eu sous les yeux les calculs détaillés des dépenses à faire pour les camps et cantonnements, et nous nous sommes assurés que les diverses réductions à faire sur la solde et les masses de pain et le casernement ont eu lieu dans les développements du budget, aux divers articles du chapitre II.
« Ces réductions sont les suivantes, etc. »
J’ai conclu de là que si le chiffre des cantonnements était augmenté, les réductions dont il s’agit devaient être augmentées dans la même proportion.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - L’honorable M. Dubus voudrait que des déductions équivalentes pussent être effectuées sur les différents chapitres, à raison du crédit extraordinaire que je viens de proposer pour les 3.500 hommes du corps expéditionnaire du Luxembourg.
Eh bien, dans les divers amendements qui ont été déposés hier, on a entendu que ces déductions ne pouvaient être portées que pour mémoire ; par exemple, on ne peut pas maintenant déduire du budget la somme de 21 centimes par homme, lorsqu’on n’a pas la certitude que dans huit jours les troupes expéditionnaires du Luxembourg ne devront pas rentrer.
M. Verdussen. - Messieurs, il reste toujours vrai que si l’on votait l’augmentation qui vient d’être proposée par le ministre, il y aurait double emploi, et ce double emploi doit disparaître. Si d’un côté, vous augmentez les dépenses de cantonnements, logement et nourriture, il faut nécessairement réduire en proportion les masses de pain, de casernement, etc. M. le ministre dit qu’il est fort incertain qu’on fasse usage de ce crédit. Eh bien, c’est dans ce cas qu’il faut un transfert, et les transferts sont alors utiles.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Ce qu’il y a de plus simple à faire en cette circonstance, c’est d’attendre que les troupes expéditionnaires du Luxembourg soient rentrées ; alors nous annulerons la partie du crédit qui ne sera plus nécessaire, et nous aurons égard aux différentes déductions qu’il y aura à faire du chef du temps pendant lequel les troupes expéditionnaires auront eu les vivres de campagne.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, je crois que ce que nous avons de mieux à faire pour le moment, c’est d’adopter provisoirement l’amendement de M. le ministre de la guerre, puisque nous pourrons revenir sur cet amendement au second vote.
Cependant, je crois que le système présenté par l’honorable M. Verdussen pourrait recevoir son application ; car il est certain que le chiffre des cantonnements, logement et nourriture, ne sera pas dépensé avant que l’on sache qu’il n’est plus nécessaire maintenir dans le Luxembourg le nombre de troupes qui s’y trouvent maintenant et l’on trouvera toujours de quoi payer ces troupes dans le Luxembourg ; lorsque leur présence dans cette province ne sera plus nécessaire, le ministre connaîtra au juste la dépense qui aura été nécessaire de ce chef, et pourra venir alors demander à la législature un crédit supplémentaire, qui, je pense, ne sera refusé par personne d’entre nous.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je n’ai pas de motif pour m’opposer à la proposition de. M. Desmaisières ; seulement je voudrais qu’il la formulât de manière à l’insérer dans le libellé de l’article.
M. Desmaisières. - Je le ferai au second vote.
- Le chiffre proposé par le ministre est mis aux voix et adopté.
« Art. 14. Frais de découcher des gendarmes : fr. 70,000. »
Adopté.
« Art. 15. Remonte : fr. 825,450. »
La section centrale propose de réduire ce chiffre à 798,400 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - La réduction proposée par la section centrale a pour motif que les prix supposés des chevaux pour 1838 sont plus élevés que ceux qui sont portés au budget de 1837. Ce motif n’est pas fondé. Les prix du budget de 1837 ne sont pas les prix des adjudications. Il me semble que ces derniers prix doivent être la véritable base de ceux dont on croit avoir besoin pour 1838. Il a fallu pour toutes les espèces de chevaux accorder des prix plus élevés que ceux des prévisions du budget. On ne s’est décidé à accorder ces prix qu’après avoir fait infructueusement plusieurs adjudications et plusieurs tentatives auprès des adjudicataires, pour les engager à revenir au prix porté au budget. Si des explications m’avaient été demandées, j’en aurais donné, et les faits auraient pu être clairement établis.
La section centrale prend pour comparaison les prix usités en France. Il me semble que les personnes qui se connaissent en chevaux ne trouveront pas cette comparaison concluante ; car ce n’est pas par les chevaux que brillent l’artillerie et la cavalerie française ; si nous avons un point de comparaison à prendre, c’est dans les Etats du nord de l’Allemagne que nous devons le chercher. Si l’on veut tenir compte des dépenses auxquelles donne lieu le transport des chevaux étrangers en Belgique, on verra que les prix sont plus élevés dans ces pays que ceux que nous proposons.
D’ailleurs, les prix dépendent de la saison à laquelle on peut faire les achats de chevaux ; il est impossible de les fixer à l’avance d’une manière absolue. Si on laisse passer le moment des ventes aux foires de l’Allemagne, on a des chevaux moins bons qu’on paie plus cher ; les chevaux voyagent par la mauvaise saison, et il s’en perd en route. Les pertes doivent influer sur les prix de ceux qui restent. Par conséquent, maintenant que la discussion du budget est déjà retardée, que les adjudications ne pourront pas avoir lieu dès le commencement de l’année, nous avons plutôt à craindre une augmentation de prix qu’à espérer une diminution.
La section centrale fait observer qu’elle aurait pu opérer sur le chiffre des chevaux une réduction. Le premier motif qu’elle donne, c’est qu’en France le chiffre des pertes n’est que d’un huitième, tandis que chez nous on admet qu’il est d’un septième. Si cette perte d’un septième existe, ce n’est pas sur une comparaison de ce qui se passe ailleurs que nous pouvons baser nos remontes.
La section centrale dit que nous avons besoin de porter notre artillerie et notre cavalerie au grand complet. Ce n’est pas le moyen d’arriver à ce but que de dire qu’en France il ne faut remplacer qu’un huitième, que chez nous les perles sont d’un septième, et que cependant on n’accordera qu’un huitième.
Pour qu’une réduction par ce motif eût quelque chose de raisonnable, il faudrait qu’on eût accordé tous les ans ce huitième. Mais il n’y a rien de moins exact que cela ; excepté en 1832 et en 1837, où l’on a un peu dépassé le huitième, jamais on ne l’a atteint ; on est resté au-dessous d’une manière tellement grande qu’il y aurait lieu d’acheter plus de 1,500 chevaux au-delà du nombre demandé pour arriver à cette proportion d’un huitième. Par conséquent, je ne puis admettre aucune proposition de réduction, si nous voulons arriver, non en une fois, mais en deux ans, à compléter les chevaux de cavalerie et d’artillerie, comme le demande la section centrale. Il ne faut pas non plus forcer le ministre à acheter moins de chevaux, parce qu’on aura pris pour base un prix hypothétique qu’il ne pourra pas obtenir.
M. Desmet. - Je ne prends pas la parole pour parler sur le chiffre de l’article, mais pour présenter des observations sur la grande mortalité de nos chevaux. Je crois qu’une des causes principale de cette mortalité, c’est la mauvaise qualité des fourrages. Je dois dire que je m’étonne très fort que dans les localités où il y a de bons foins, on se serve de fourrages qu’on va chercher dans la Hollande, dans les polders. A Audenaerde, par exemple, où on trouve d’excellents foins, on apporte de ces fourrages provenant des polders. C’est une des causes principales de la morve qui règne dans les chevaux de l’armée. Une autre cause qui a fait propager cette maladie, c’est que beaucoup d’écuries sont infectées, c’est le peu de soin qu’on prend contre les épizooties ; ou ne s’occupe pas de faire abattre en temps les animaux infectés.
Je sais que les artistes vétérinaires prétendent que la morve n’est pas contagieuse. Je désire, dans l’intérêt de l’agriculture, comme dans celui de l’armée, que M. le ministre de l’intérieur tienne la main à l’exécution des règlements de police sur les épizooties. Quant à la section centrale du budget de l’intérieur, on a fait des observations sur l’épizootie qui frappait les bêtes à cornes, on a dit que cette maladie ne s’était manifestée que dans une seule province, la province de la Flandre orientale.
Dans le moment même cette maladie faisait de grands ravages aux portes de Bruxelles, à Schaerbeek. Ce fléau règne encore dans ce moment dans cette commune et environs plusieurs cultivateurs ont perdu toutes leurs bêtes. Et l’inconvénient qui en résulte est encore plus grand : comme on connaît les symptômes de la maladie, on voit quand les bêtes sont atteintes, on les tue et on en vend les viandes. Vous sentez, messieurs, que ce sont très souvent les troupes qui mangent cette viande, et sur ce point je ne puis assez attirer l’attention du ministre de la guerre ; et je me flatte qu’au département de l’intérieur on voudra une fois nous écouter et pour prendre des mesures contre une épizootie qui a déjà fait tant de ravages dans le pays, et qui en fait encore quotidiennement.
M. Desmanet de Biesme. - Je viens appuyer les observations de M. Desmet. La mortalité est fort grande dans les chevaux de notre armée. M. le ministre doit prescrire que dès qu’un cheval a quelque apparence de maladie, aussitôt on l’isole.
Près de chez moi il y a un fermier qui, ayant eu des chasseurs à cheval cantonnés chez lui, a perdu depuis lors 12 beaux chevaux de la morve. Il a assez de fortune pour supporter cette perte, mais elle n’en est pas moins énorme pour lui. J’ai réclamé auprès du ministre de l’intérieur pour lui faire obtenir une indemnité sur le fonds d’agriculture, on a refusé par la raison qu’on avait manqué à certaines formalités. Cela est vrai, mais la raison en est qu’il ne pouvait pas croire que ses chevaux fussent atteints de cette maladie. Il faut que M. le ministre prescrive que dès qu’un cheval présente la moindre apparence de maladie, tout de suite on le sépare des autres et on l’envoie à l’infirmerie du régiment.
Je voulais faire aussi une remarque pour les chevaux du train ; je ne ferai que l’indiquer, en priant M. le ministre de veiller à ce que les chevaux du train ne soient employés qu’aux usages spéciaux auxquels ils sont destinés. J’espère que je serai compris, je n’en dirai pas davantage.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je répondrai aux honorables préopinants, parce que la chambre pourrait croire qu’on ne prend pas de précautions suffisantes. L’ordre de séparer les chevaux dès qu’ils ont la plus légère atteinte de maladie supposée contagieuse, cet ordre existe de la manière la plus absolue. On ne sépare pas seulement les chevaux qui ont une apparence de morve ; dès qu’un cheval est malade, on le met à l’infirmerie, on le sépare des autres. On peut rendre la séparation plus complète, si la maladie est supposée contagieuse. Si la séparation n’est pas immédiate, cette contagion ne pourra s’exercer que sur les chevaux malades.
Les causes des deux maladies réputées contagieuses ne sont pas assez connues pour qu’on puisse prévoir le moment où la maladie se développe et pour que, dans le cas cité par l’honorable préopinant, il soit bien certain si ce sont les chevaux du fermier ou ceux de la troupe qui ont été les premiers atteints. Beaucoup de recherches ont déjà été faites pour connaître la cause de cette grande mortalité ; j’en ferai encore l’objet de l’attention la plus scrupuleuse, et à force de recherche sur les corps, les casernes et les villes où la mortalité a été plus grande, peut-être découvrira-t-on la véritable cause.
L’un des voyages entrepris à l’étranger a eu pour objet d’étudier le régime des chevaux. Il a eu lieu dans un pays où ce régime est cité comme un des plus parfaits de l’Europe. Nous avons pu reconnaître que là la mortalité était rare ; la morve et le farcin y sont plus rares que partout ailleurs ; mais à la moindre apparence de ces maladies, on abat l’animal qui est soupçonné en être atteint ; ce qui ne permet pas d’évaluer exactement le nombre de cas de ces maladies.
Dans ce pays on persiste dans le système que ces maladies sont contagieuses, on abat sur-le-champ le cheval qu’on croit en être atteint. Ce qui a frappé le plus dans et pays, c’est la beauté des écuries, le grand espace, l’air qu’ont les chevaux, le sol ferme et imperméable des écuries.
Et je pense que quelques expériences démontreront que c’est là en effet une des grandes causes du bon état des chevaux, et qu’il faudra bien introduire cette amélioration dans le pays. Pour cela il ne suffira pas de la bonne volonté du gouvernement ; ce sera surtout de la part des régences que les dépenses devront être effectuées.
L’honorable M. Desmet a attribué aux fourrages une partie de la mortalité. Jusqu’à présent aucun fait assez positif n’a existé, qui permette de pouvoir en juger avec entière connaissance de cause. Les fournitures de fourrages sont adjugées. Les cahiers des charges sont constamment améliorés. On exige que les fourrages soient de la meilleure qualité de la contrée où les troupes se trouvent. Si on admet des fourrages au-dessous de cette qualité, le gouvernement n’en est pas responsable ; car ce n’est pas lui qui en juge en dernier ressort. Ce sont les experts nommés par les régences. S’ils se montrent trop complaisants, la responsabilité du gouvernement est ici hors de cause.
Mais lorsque les fourrages sont reconnus d’une qualité mauvaise, non seulement ils ne sont pas acceptés, mais encore on applique avec une grande rigueur les amendes au profit des pauvres indiquées dans les cahiers des charges. Il y a même confiscation des fourrages.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je ne sais où M. le ministre de la guerre a vu dans mon rapport que la section centrale y dirait que puisqu’en France on ne porte pas au budget pour la remonte générale que le huitième de l’effectif, il faut qu’en Belgique on ne porte que le huitième, quoiqu’il y ait besoin du septième ; ces derniers mots ne se trouve pas dans le rapport. J’ai au contraire fait entendre assez clairement que nous trouvions que puisqu’en France on n’avait besoin que d’un huitième, on devait aussi n’avoir besoin que d’un huitième en Belgique, et qu’on devait prendre des mesures pour que la mortalité qui se montre en Belgique beaucoup plus grande qu’en France soit réduite au même chiffre qu’en France.
M. le ministre de la guerre a donné à cet égard une explication qui n’en est pas une. Il vous a fait connaître qu’en France les chevaux étaient moins bons qu’en Belgique. Par conséquent il devrait y avoir une mortalité moins grande en Belgique. Pas du tout : la mortalité est plus forte en Belgique. Cela prouve alors que les remontes ne sont pas bien faites en Belgique, et qu’il faut prendre des mesures pour que les remontes soient mieux faites qu’elles ne l’ont été jusqu’ici.
Maintenant, quant à la réduction que nous proposons, elle ne porte pas sur le nombre, mais sur le prix des chevaux, parce que la section centrale a cru que les prix portés au budget l’an dernier avaient été suffisants. Elle avait d’autant plus dû le croire que d’après le tableau E, fourni par le ministre et joint au rapport, le nombre de chevaux que devaient recevoir les corps, a été dépassé, et que cependant il n’y a pas eu de crédit supplémentaire.
Maintenant M. le ministre de la guerre fait entendre que le prix a été plus élevé. Je ne sais pas alors comment on n’a pas dépassé le crédit accordé. Et si nous avons tenu à proposer cette réduction, c’est parce que (la chambre se le rappellera), j’avais moi-même proposé au budget de 1836 un amendement fondé aussi sur une réduction du prix des chevaux.
Le ministre de la guerre d’alors s’est opposé fortement à mon amendement, qi fut adopté malgré cette opposition. Il prétendait aussi que mon évaluation ne serait pas suffisante. Il argumentait des chiffres de l’année précédente. Eh bien, ce même ministre de la guerre me dit à moi, en particulier : « Vous avez bien fait de proposer votre amendement ; la chambre a bien fait de l’adopter ; car les prix d’adjudication n’ont pas dépassé vos chiffres, tandis que si on eût adopté les chiffres du gouvernement, peut-être les eût-on suivis. » Et cela se conçoit, parce que les entrepreneurs, avant de présenter leur soumission, consultent les développements du budget, et s’entendent entre eux pour arriver au chiffre de ces développements. Voilà pourquoi il est dangereux de porter des chiffres trop élevés dans le budget.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - L’honorable M. Desmaisières dit qu’il ne sait pas où j’ai trouvé dans son rapport l’observation que j’ai faite. Je lis cependant à la page 24 du rapport :
« Le huitième s’élèverait par arme, savoir : (…) Total, 1,432 fr.
« Nous serions donc autorisés à faire une forte réduction sur cet article, quant au nombre de chevaux. »
Il me semble que s’il y a une forme de raisonnement que l’on nomme syllogisme, elle se trouve là-dedans.
Je n’ai rien à répondre à son observation, sinon que je ne partage en aucune façon son opinion. Je ne crois pas que la coalition qu’il a citée existe, ni par conséquent qu’elle soit fondée sur les prévisions du budget.
Il y a assez de concurrence, Je puis dire que j’ai vu des fournisseurs qui agissaient très bien les uns contre les autres dans ces adjudications.
Les dépenses faites jusqu’ici ne sont pas arrivées à compléter le nombre de chevaux nécessaire pour l’artillerie et la cavalerie, ainsi que la section centrale le désire elle-même. Je ne voudrais pas qu’en fixant un prix trop faible, on obligeât à avoir un moins grand nombre de chevaux.
L’honorable rapporteur a fait observer que l’on a acheté par corps un plus grand nombre de chevaux que l’on n’avait avancé. Cela est résulté d’une compensation. Alors on a acheté moins de chevaux de trait, parce qu’on en trouve au besoin dans un pays autre que le nôtre et qu’on est sûr de ne pas en manquer, si on n’en veut pas un nombre trop grand.
M. Desmanet de Biesme. - L’honorable rapporteur de la section centrale s’étonne de ce que nous perdons le septième des chevaux de l’armée, tandis qu’on n’en perd en France que le huitième. Je m’explique cette différence de cette manière La France prend une partie de ses chevaux en France même. On sait que les chevaux d’Allemagne, que ce soit le changement d’eau ou le changement d’atmosphère, font tous une maladie quand ils arrivent dans ce pays. Comme nous prenons la presque totalité de nos remontes en pays étranger, nos pertes doivent être proportionnellement plus grandes, parce que les chevaux sont atteints de gourmes, qui, si elles ne sont pas soignées, peuvent dégénérer en morves.
Pour les chevaux du pays, le chiffre de 400,000 francs ne me paraît pas exagéré. Je crois même que c’est en raison de la quantité, qu’on a pu obtenir un chiffre si peu élevé. J’ai vu souvent des chevaux aux canons. Je crois que si un particulier devait en acheter un couple, il devrait les payer plus cher.
Pour les chevaux d’Allemagne je m’y connais moins ; mais le prix de 625 fr. pour les chevaux des cuirassiers me paraît un peu élevé.
Quant aux chevaux des lanciers et des chasseurs, il ne me semble pas que le prix en soit exagéré.
- L’article 15 « Remonte : fr. 825,450 » est mis aux voix et adopté.
« Art. 16. Frais de bureau et d’administration des corps : fr. 368,000. »
- Adopté.
« Art. 1er. Personnel de l’administration centrale : fr. 25,206. »
Ce chiffre est admis par la section centrale.
M. de Jaegher. - Messieurs, ce n’est pas sur le chiffre que je demande la parole ; mais, chargé par la section centrale de faire un rapport spécial sur le service de santé, je suis prêt à compléter mon travail, dans le cas où la chambre ne voudrait pas passer à un vote provisoire du chiffre. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - S’il doit y avoir discussion, je pense qu’elle doit avoir lieu immédiatement et avant le vote du chiffre.
M. de Jaegher. - La section centrale, déférant au vœu de la chambre exprimé par ses sections, s’est fait un devoir de se livrer à un examen spécial des griefs articulés d’ancienne date contre l’administration du service de santé de l’armée.
Ces griefs, au nombre de 20, ont été exposés dans son rapport, dans toute leur étendue, dans tous leurs détails.
Les démarches près de M. le ministre de la guerre ont tendu à la munir d’explications complètes, désireuse qu’elle était de pouvoir lever tout doute et vous présenter sur chacun d’eux des conclusions formelles favorables ou défavorables aux accusés.
Elle a eu à regretter de ne pouvoir atteindre entièrement ce but ; soit en effet que M. le ministre ait jugé ses explications antérieures connue suffisamment justificatives, soit qu’il n’ait pas apprécié toute l’étendue des doutes qu’il leur restait encore à faire disparaître, il ne lui a pas donné tous ses apaisements, et il en est résulté que si les renseignements opposés aux quinze premiers griefs dont traite son rapport lui ont paru ne pas exiger de plus amples développements, ceux relatifs aux cinq derniers sont à ses yeux restes assez incomplets pour autoriser l’expression de ses doutes.
En s’arrêtant à l’égard de ceux-ci dans la marche qu’elle s’était tracée pour les autres, elle n’a toutefois cédé qu’à une condition de temps ; la discussion du budget de la guerre venait d’être mise à l’ordre du jour, et elle ne voulait pas s’exposer à une nouvelle demande d’explications, à un retard dans la présentation de son travail qui eût pu trop considérablement restreindre le temps nécessaire à chacun de vous, pour en examiner et, au besoin, en vérifier les éléments. Toute préjudiciable qu’elle était aux accusés, en tant qu’elle laissait subsister des doutes au nombre desquels il pouvait s’en trouver de susceptibles d’être levés en leur faveur, cette détermination ne lui parut en réalité pas injuste à leur égard, puisqu’en tout cas elle leur laissait le temps de se pourvoir en réclamation, et de saisir ultérieurement la chambre, avant la discussion publique, de tels documents justificatifs qu’ils auraient jugé convenable de lui communiquer.
C’est ce qui a effectivement eu lieu.
Personnellement en cause, MM. Vleminckx et Tallois ont, chacun pour ce qui le concernait, cru devoir suppléer à l’insuffisance des explications données par M. le ministre, et m’ont adressé, comme rapporteur de la section centrale, des notes dont il est de mon devoir de rendre compte à la chambre.
L’une de ces notes, celle de M. Tallois, est imprimée et nous a été distribuée ; elle a rapport au vingtième fait, le seul qui le concerne spécialement.
L’autre, de M. Vleminckx, est manuscrite ; elle est accompagnée de plusieurs pièces officielles, les unes en original, les autres certifiées pour copie conforme. Je l’ai communiqué à mes collègues de la section centrale, et ils m’ont autorisé à vous en donner lecture en leur nom.
Messieurs, depuis la révolution, des plaintes, à charge de l’administration du service de santé, ont maintes fois dans cette chambre amené des discussions. Chaque attaque a nécessité une réponse ; on devrait donc en conclure qu’en compulsant le Moniteur, et en réunissant de part et d’autre les fragments épars de cette volumineuse polémique, on trouverait de quoi se former une opinion dans l’un ou l’autre sens ; rien n’est moins exact pourtant, car à des accusations diversement présentées, incohérentes, inarticulées, on ne trouve en général opposées que des explications incomplètes, incohérentes aussi, et des dénégations peu motivées à des allégations aussi peu motivées qu’elles d’abus scandaleux, de dilapidations criantes.
Dans cet état de choses, ceux qui ont précisé les faits et se sont posés les accusateurs de l’administration inculpée, ont, sans s’en douter peut-être, rendu un véritable service à la chambre, et la section centrale en a profité.
Les détails minutieux dans lesquels ils sont descendus sont un sûr garant que rien n’a été épargné par eux pour rendre l’accusation aussi complète que possible ; c’est cette accusation elle-même que la section centrale, a prise pour thème.
La chambre s’était opposée à ce qu’il fut procédé à une enquête législative ; la section centrale n’a donc dans son examen pas pu dépasser les limites de ses pouvoirs, mais aussi, en se saisissant de chaque fait nettement articulé, elle ne s’est pas arrêtée devant la question de savoir s’il n’était pas trop rigoureux d’imposer à l’accusé l’obligation d’établir qu’il n’était pas coupable.
Devant la publicité donnée à vos débats, une pareille manière de procéder est une garantie de la véracité des explications données, qui jusqu’à preuve contraire commandent confiance.
Soumises à votre appréciation, ces explications ont été résumées aussi succinctement que possible ; là où elles paraîtraient laisser désirer, je tâcherai, en acquit de mon mandat, de les compléter autant que pourront me le permettre les pièces qui m’ont été confiées.
Comme je présume que la chambre jugera convenable d’examiner chacun des faits isolément, pour ne pas ramener la confusion de nos anciens débats, je me bornerai à vous annoncer qu’arrivé aux cinq derniers faits, j’aurai à vous communiquer sur chacun des renseignements qui aideront à les faire convenablement apprécier.
Je crois toutefois utile d’établir dès maintenant un fait qui, sur des données inexactes, a été mal apprécié pat la section centrale, et qui détruit les conséquences qu’elle en a tirées dans les considérations générales de son rapport.
En recherchant l’origine des griefs portés spécialement à la charge de l’inspecteur-général du service de santé, elle a reproduit, page 3, les paroles suivantes, prononcées par M. le ministre de la guerre dans la séance du 27 mars dernier : « Il n’entre pas dans les fonctions de l’inspecteur-général du service de santé de se mêler des adjudications ; son service doit se borner à veiller à ce que la pharmacie centrale soit toujours approvisionnée ; il doit être à la disposition du ministre pour donner son avis sur toutes les questions qui intéressent la santé du soldat et autres points essentiels ; il doit être le véritable chef du personnel, c’est lui qui doit faire les propositions pour la répartition du service et l’avancement des médecins. »
Elle a ajouté :
Si M. Vleminckx avait gardé les limites que lui traçaient les anciens règlements, il se serait évité la plupart des difficultés auxquelles il s’est trouvé en butte ; mais « il a eu le tort réel, tort dont convient le ministre, » de s’ingérer dans les achats, dans les réceptions, dans les paiements de fournitures, et il s’est exposé aux accusations qui, à tort ou raison, planent encore sur sa tête. C’est sur ce point qu’il est une rectification à apporter.
L’origine des griefs est bien en effet cette dernière intervention ; mais si cette intervention, au lieu d’être le fait de la volonté de M. Vleminckx, n’est que la conséquence d’ordres formels de ses chefs, au lieu d’être répréhensible, comme l’assertion reproduite du ministre autorisait la section centrale à le dire, il est à plaindre. Or, les pièces officielles dont je vais vous donner lecture et que je déposerai sur le bureau pour votre inspection, prouvent que ces ordres ont été formellement donnés au conseil de santé dont il faisait partie, et qu’il n’a agi que d’après eux ; prouvent en outre que des propositions qu’avait faites ce conseil de mettre certaines séries de médicaments en adjudication, n’ont, par suite des circonstances du moment, pas pu être admises, et qu’il a été invité à se les procurer de la main à la main dans le commerce.
(M. le rapporteur lit ici 14 lettres qui établissent de la manière la plus positive que c’est en vertu des ordres des autorités supérieures de la guerre que tout a été fait. Voir ces lettres à la fin de la séance.) (Note du webmaster : Ces lettres ne sont pas reproduites dans la présente version numérisée.)
Le précédent établi, on pourrait se demander pourquoi M. Vleminckx a-t-il laissé se prolonger jusqu’en 1831 cet état de choses, qui pouvait ne plus reposer à cette époque sur d’aussi bons motifs que dans les premiers temps de la révolution ; mais ici un second fait est à établir. Lorsque le conseil de santé fut dissous, et qu’ainsi les achats directs qui jusque-là avaient été faits par lui durent être faits par une autre autorité, cette autorité ne fut pas M. Vleminckx, mais bien le pharmacien en chef de l’armée, J. Vandencorput. Voici une lettre qui ne vous laissera aucun doute à cet égard, elle est de M. Vandencorput lui-même.
(M. le rapporteur donne lecture de cette lettre qui atteste les nombreuses difficultés qu’a surmontées l’administration pour subvenir aux besoins de l’armée en 1830 et 1831, et la moralité qui a présidé à toutes ses opérations. Voir cette lettre à la fin de la séance.) (Note du webmaster : cette lettre n’est pas reprise dans la présente version numérisée.)
Il me suffit, messieurs, de vous avoir donné préalablement connaissance de ces pièces ; lorsque la discussion s’engagera sur quelque point auquel elles sont applicables, je me bornerai à vous en rappeler le contenu.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai à l’honorable préopinant si c’est au nom de la section centrale qu’il parle ? Si ce n’est pas au nom de la section centrale, je demanderai aux divers membres qui la composent, s’ils ont leur apaisement sur toutes les pièces dont on nous a donné lecture. Je voudrais savoir si c’est leur avis que vient d’émettre l’honorable préopinant, et s’ils veulent passer l’éponge parlementaire sur la question du service de santé.
M. de Jaegher. - La section centrale, en me faisant l’honneur de me nommer son rapporteur, n’a pas différé d’opinion avec moi sur toutes les questions qui se sont agitées dans son sein, il y a toujours eu unanimité. Quant aux pièces dont je viens de donner lecture, je suis fort étonné que le préopinant m’ait prêté un avis : je n’ai pas donné mon avis, j’ai lu des pièces. La section central n’a pu se prononcer sur ces pièces ; elle avait épuisé son mandat, et elle m’a chargé seulement de les faire connaître à la chambre.
Je ne propose pas non plus de passer l’éponge sur le service de santé. Que l’on articule des faits, j’en donnerai l’explications ; et c’est lorsqu’on me trouvera hors d’état d’en donner l’explication qu’on sera en droit de me dire qu’il est nécessaire de passe l’éponge parlementaire ; mais jusque-là on n’a pas ce droit.
M. A. Rodenbach. - M. le rapporteur n’a pas pris de conclusions, mais je désirerais savoir si les membres de la section centrale ont eu leur apaisement, et je les invite à émettre leur opinion.
M. Lebeau. - Le rapport de la section centrale est là.
M. A. Rodenbach. - La section centrale n’a pas fait de rapport ; c’est un membre de la section centrale qui a émis son avis.
M. le président. - M. de Jaegher a été nommé rapporteur par la section centrale spécialement pour le service de santé ; il a déposé son rapport dans la séance du 11 décembre dernier, et son rapport est l’œuvre de la section centrale. L’impression en a été ordonnée par la chambre.
M. Brabant. - L’opinion de tons les membres de la section centrale se trouve consignée dans le rapport que M. de Jaegher a déposé sur le bureau de la chambre. Tous les membres de cette section ont été unanimes sur toutes les questions ; il est fort inutile que chacun d’eux vienne donner son opinion ; cette opinion, sur les 20 griefs articulés, est dans le rapport.
M. Dumortier. - Il est assez impossible d’examiner tous les griefs du service de santé. On doit s’en apercevoir, la chambre est réellement fatiguée, et c’est à peine si nous avons le temps d’examiner des pièces qui sont sous nos yeux ; nos discussions ne sont plus des discussions ; il y a apathie.
Je n’ai ni le temps ni la volonté d’entrer dans le détail des questions du service de santé ; mais je ne puis considérer le travail de la section centrale comme un travail complet, puisqu’il a été fait sans examen contradictoire.
Lorsque la chambre fut invitée à nommer une commission d’enquête, nous nous fondions sur le rapport fait par une commission de généraux, et dont on connaissait les conclusions.
La chambre ayant écarté la commission d’enquête, nous avions lieu d’espérer que la section centrale prendrait des informations pour et contre ; mais d’après le rapport présenté j’ai vu que la section centrale s’était bornée à recevoir des pièces du ministère de la guerre.
Cependant vous n’ignorez pas que l’honorable M. Feigneaux ayant demandé au ministre de la guerre de comparaître devant la section centrale, a été refusé, et a donné sa démission ; ainsi il n’a pas été entendu. Pour mon compte je regarde l’examen fait par la commission comme un examen insignifiant, puisque l’on n’a entendu qu’une partie sans entendre l’autre.
Au reste, les griefs à la charge du service de santé sont nombreux. Il y a des accusations de malversation dont la section centrale s’est occupée ; et il y a des accusations qui se rattachent à la manière tyrannique dont le service de santé est mené, et qui n’ont pas été l’objet des investigations de la section centrale. Tant que je verrai une espèce de tyranneau au petit pied…
M. le président. - L’expression n’est pas parlementaire.
M. Dumortier. - … Tenant les hommes dans sa dépendance en leur refusant les brevets auxquels ils ont droit aux termes de la constitution ; tant que je verrai que le service de santé est soumis aux lois sur la perte du grade, sans jouir des droits qui lui sont favorables, je le regarderai comme étant dans une situation fâcheuse pour le pays, et comme présentant de grands abus.
Une autre observation à faire contre le service de santé, c’est d’y voir beaucoup d’officiers de santé qui n’ont pas le diplôme nécessaire pour exercer l’art de guérir. Nous ne devrions pas souffrir que nos soldats fussent médicamentés par des hommes qui n’ont pas reçu leurs grades, qui n’ont pas été examinés par le grand jury, et dont la capacité n’est pas légalement constatée. La santé de nos soldats ne doit pas nous être moins chère que celle du dernier des citoyens que l’on ne peut médicamenter sans avoir fait preuve de connaissances suffisantes devant le jury.
Il est signalé beaucoup d’abus vis-à-vis le ministère de la guerre. Vous avez connaissance d’une brochure publiée et que j’ai lue. J’y ai trouvé des faits d’une très haute gravité, et qui, certes, auraient mérité un grand examen de la part de la législature. Je n’ai pas fait de proposition à cet égard, parce que, dans l’état de fatigue où est la chambre, il n’y a pas grande chance de succès. On me dira que les griefs viennent d’un journal dont les opinions sont connues ; je dirai que les opinions sont peu signifiantes dans l’espèce ; il n’y a qu’une chose à savoir, c’est si les faits sont exacts. Quand j’ai vu citer des dossiers et des pièces qui sont entre les mains de la cour des comptes, je me suis dit que les fais mériteraient l’honneur de l’examen.
On me dira que sur des faits signalés un procès vient d’être intenté au journal ; mais nous sommes accoutumés à voir intenter des procès de cette espèce à la veille de la discussion des budgets.
Mais quand même les faits ne seraient pas fondés, il en resterait une centaine d’autres qui mériteraient examen. Je ne fais pas de proposition, parce que je n’espère pas pouvoir la faire goûter. Quoi qu’il en soit, j’ai été frappé de certains faits...
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Ils sont tous déférés à la justice.
M. Dumortier. - Tant mieux, s’ils sont tous soumis à la justice.
Je dois dire qu’une partie des faits qui se trouvent dans ce libelle m’avaient été signalés par des soldats et des sous-officiers, que je n’avais pas voulu y croire et que j’ai été frappé de les voir ainsi reproduits. J’ai cru dès lors que tout cela méritait quelque examen.
Du reste, je le répète, je ne fais point de proposition à cet égard, parce qu’il n’y a pas de chance de la voir adopter. Mais, quant au service de santé, il est au moins fort à désirer que M. le ministre de la guerre fasse cesser l’espèce de despotisme qui existe dans cette administration. On parle d’augmenter le traitement des officiers de santé, d’améliorer leur position ; le meilleur moyen d’améliorer leur position, c’est d’assurer leur existence ; aussi longtemps qu’on ne leur donnera que de simples commissions, tout homme ayant des capacités pour exercer la médecine préférera se fixer dans l’une ou l’autre ville, et abandonnera le service militaire pour avoir une position à l’abri des vicissitudes de l’administration du service de santé. Il est constant que plusieurs notabilités médicales ont dû abandonner ce service par suite de petites mesures qui ont été employées contre eux. Tout cela est extrêmement fâcheux ; en fait de médecine, ce ne sont pas des hommes complaisants, mais des hommes savants qu’il faut, et les hommes savants ne sauront jamais se soumettre à toutes les exigences des chefs du service de santé. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Si la chambre était disposée à voter en connaissance de cause sur les différents chiffres du budget qui sont en discussion, et à adopter d’une manière définitive les crédits demandés pour le service de santé, je m’en rapporterais volontiers aux explications qui viennent d’être données par l’honorable rapporteur. Mais si la chambre ne se croyait pas assez éclairée, je pourrais lui donner toutes les explications nécessaires pour démontrer que toutes les accusations dirigées contre le service de santé sont dénuées du moindre fondement.
M. de Jaegher, rapporteur. - J’ai un mot à ajouter, messieurs ; parmi les pièces que j’avais annoncé m’avoir été remises, il se trouve deux lettres qui prouvent que le ministre de la guerre avait été informé préalablement à l’égard du mandat Soiron. Comme le rapport de la section centrale dit que ces pièces ne lui avaient pas été communiquées, et que cela a donné lieu à des doutes, j’ai fait cette déclaration, afin qu’elle soit consignée au Moniteur. Maintenant je renoncerai à entrer dans d’autres détails, si la chambre se croit suffisamment éclairée ; mais je déclare que les nouvelles explications qui m’ont été fournies, lèvent à mes yeux la plupart des doutes, si pas les doutes qui pouvaient encore exister quant aux cinq derniers faits reprochés au service de santé.
M. Gendebien. - Puisque tout te monde paraît d’accord pour adopter sans discussion les chiffres demandés pour le service de santé je veux bien y consentir ; mais je ne vois pas pourquoi M. de Jaegher aurait seul le droit de prolonger la discussion ; je l’invite à faire insérer au Moniteur ce qu’il se proposait encore de dire. Quant à moi, si l’on se contente de la position acquise dans la discussion du mois de mars dernier, je le veux bien ; mais les complications pourront venir plus tard.
M. de Brouckere. - Messieurs, je comptais aussi prendre la parole sur le service de santé, j’avais même préparé mon travail : mais je renonce volontiers à débiter ce que j’avais écrit à ce sujet, non pas que je pense qu’il faille, comme l’a dit un honorable membre, passer l’éponge parlementaire sur l’affaire dont il s’agit, mais parce que je pense que si l’on clôt la discussion, c’est que la majorité de la chambre a parfaitement ses apaisements sur toutes les accusations dont le service de santé a été l’objet. Je prie la chambre de ne pas perdre de vue que ce ne sont jamais ceux qui ont défendu le service de santé qui ont reculé devant la discussion ; à toutes les époques nous avons toujours déclaré (et M. le ministre de la guerre le premier) que nous étions prêts à répondre à tout ce qui serait allégué.
Quant à moi, je le déclare, si la discussion continue, j’irai plus loin qu’on n’a été jusqu’ici, je disculperai même le service de santé de ce qu’on a appelé ses « irrégularités. »
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je dois demander à l’honorable M. Gendebien ce qu’il entend par cette position du mois de mars dernier qu’il rappelle. A cette époque on a voté seulement un crédit provisoire afin de laisser la discussion ouverte sur les griefs reprochés au service de santé ; cette position-là ne peut pas se prolonger : il y a un rapport sur ces griefs, dans lequel le plus grand nombre en sont déclarés complétement nuls et où les autres sont indiqués comme laissant encore quelques doutes ; je suis en mesure de lever tous ces doutes et de réfuter toutes les accusations qui pourraient encore être articulées. Si quelqu’un veut maintenir qu’il existe des griefs, alors la discussion doit continuer et les accusations doivent être coulées ; nous ne pouvons plus rester dans une position provisoire.
M. Gendebien. - Je n’entends pas parler, messieurs, de rester dans une position provisoire ; sans doute il s’agit de voter des crédits définitifs. Quant à la position acquise au mois de mars dernier, c’est celle qui résulte de la discussion qui a eu lieu à cette époque ; chacun y prendra sa part comme il l’entendra ; chacun se croira satisfait ou non des explications qui ont été données ; chacun en jugera selon qu’il le trouvera convenable. Voilà ce que j’ai voulu dire. Rien n’est changé depuis, car une enquête seule pouvait changer les convictions.
M. Lebeau. - Messieurs, je ne désire pas prolonger la discussion, non plus que l’honorable M. de Brouckere, et si je n’en provoque pas la continuation, c’est absolument par les mêmes motifs que cet honorable membre.
J’ai défendu l’année dernière le service de santé ; je le défendrai encore aujourd’hui et avec bien plus de confiance encore en ma cause, après l’examen consciencieux et courageux que la question a subie. Je dis courageux, car vous connaissez tous, messieurs, les insinuations dont les honorables membres de la section centrale ont été l’objet. Je le déclare donc, je n’entends en aucune façon passer l’éponge parlementaire sur les faits reprochés au service de santé, car la chambre n’a pas le droit de passer l’éponge sur des abus qui lui paraîtraient réels ; mais, surtout, en présence du travail de la section centrale, j’ai la conviction que les accusations dont il s’agit n’ont pas le moindre fondement.
M. de Brouckere. - Il est incontestable, messieurs, que chacun pourra conserver sur le service de santé et sur le chef de ce service l’opinion qu’il jugera convenable, mais je dois répondre un mot à ce qu’on a dit de la position du mois de mars : la position n’est plus la même qu’à cette époque ; au mois de mars, il n’y avait point de la part de la section centrale ni de la part d’aucune commission, un travail complet sur les prétendus griefs du service de santé ; aujourd’hui il y a un rapport complet qui justifie le service de santé, et ce travail émane d’une section centrale qui s’est spécialement occupée de l’examen de tous les griefs qui ont été articulés. Voilà, messieurs, comment la position n’est plus la même.
Je le répète, messieurs, si je ne discute pas la question, c’est qu’à mes yeux la majorité de la chambre a acquis la conviction que les griefs qui ont été articulés n’ont pas le moindre fondement. S’il y a des griefs sur lesquels la chambre n’ait pas tous ses apaisements, qu’on les articule de nouveau, nous sommes prêts à répondre.
M. Dumortier. - L’honorable membre trouve que le rapport de la section centrale est complet parce que ce rapport débarrasse le service de santé des charges qui s’élèvent contre lui ; c’est là une singulière manière d’argumenter, et je désire que l’honorable membre n’en fasse pas usage dans ses jugements. Je ferai remarquer que le travail de la section centrale n’est pas complet, puisqu’on n’a entendu qu’une des parties ; pour qu’une instruction soit complète, il faut nécessairement avoir entendu le pour et le contre, et ici l’on n’a entendu que le pour. Le seul moyen d’entendre le pour et le contre, de faire un travail complet, c’était une enquête ; mais ce moyen on n’en a pas voulu.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai une observation très simple à faire à l’honorable M. Dumortier : il prétend que la chambre n’a pas de rapport complet. Si la chambre vote les crédits demandés pour le service de santé, il y aura une décision, et cette décision n’aura été prise que parce que la chambre aura trouvé dans le rapport dont il s’agit tous ses apaisements sur ce qu’on appelle les griefs du service de santé. Voilà, messieurs, la véritable position de la question ; si l’on vote dans ce sens, je n’ai plus rien à dire. Si la discussion doit rester ouverte, alors j’invite l’honorable membre à reproduire les griefs qu’il prétendrait n’être pas suffisamment détruits par le rapport.
L’honorable membre dit qu’on n’a point entendu le pour et le contre ; mais le contre a été produit de toutes les manières, et avec la liberté la plus illimitée, pendant deux ans ; c’est le pour qui n’avait pas encore pu se faire jour ; le pour a enfin trouvé un organe dans la section centrale ; le pour a fini par être entendu, et certes la chambre avait entendu le contre à satiété. Elle peut donc décider en pleine connaissance de cause ; mais, je le répète, la question doit être vidée, et c’est seulement dans ce sens que je consens à ce que la chambre émette actuellement un vote, sans autre discussion.
- La discussion est close.
Les trois articles ci-après sont successivement mis aux voix et adoptés.
« Art. 1er. Personnel de l’administration centrale : fr. 25,506 40. »
« Art. 2. Pharmacie centrale : fr. 93,800. »
« Art. 3. Hôpitaux militaires (personbel) : fr. 241,168 25 c. »
La chambre passe à l’article 4.
« Hôpitaux militaires (matériel) : fr. 100,000. »
La section centrale propose 90,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne regarde pas comme absolument impossible de souscrire à la réduction proposée par la section centrale ; mais je verrais cette réduction avec regret. Je me suis engagé, pour ce qui tient au matériel des hôpitaux, dans une voie d’améliorations progressives, dans laquelle je serai arrêté si le chiffre que j’ai proposé n’était pas adopté. Je prierai en conséquent la chambre de vouloir bien le maintenir.
M. Desmaisières, rapporteur. - On peut voir à la page 26 de mon rapport le motif par lequel la section centrale a proposé cette réduction. Toutefois, en parlant en mon nom personnel, je déclare que je voterai volontiers pour l’intégralité du crédit, eu égard aux motifs que M. le ministre vient de faire valoir ; il nous dit qu’il est disposé à apporter de grandes améliorations dans le service du matériel des hôpitaux, et nous nous devons désirer que ce service s’améliore le plus tôt possible dans l’intérêt de la santé des soldats.
- Le chiffre de 100,000 fr. demandé par le gouvernement est mis aux voix et adopté.
« Art. 5 (nouveau), proposé par M. le ministre de la guerre. Elèves de l’école vétérinaire : fr. 3,000. »
- Adopté.
« Art. unique. Ecole militaire : fr. 160,000. »
M. Brabant. - Messieurs, la chambre a voté le projet de loi d’organisation de l’école militaire ; ce projet est maintenant soumis à l’autre chambre. D’après les dispositions pécuniaires que nous avons admises dans ce projet de loi, et que je présume devoir être admises par le sénat, il y aurait lieu, lors de la promulgation de la loi, de changer tout à fait le budget de l’école militaire. C’est pourquoi je proposerai de n’allouer qu’un crédit provisoire de 40.000 fr. pour le service du premier trimestre ; ce temps me paraît assez long pour que la loi reçoive l’assentiment des deux chambres et la sanction royale.
- L’amendement de M. Brabant est appuyé.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je pense que l’intention de M. Brabant est parfaitement inutile. C’est le gouvernement qui a montré le plus grand empressement à faire discuter la loi sur l’école militaire ; il n’apportera certainement pas d’entraves à ce que la discussion de la loi soit entièrement épuisée, mais il ne peut pas non plus répondre des circonstances qui peuvent retarder la décision définitive. En conséquence, il est inutile de limiter le temps endéans lequel cette décision devra être prise. Quand la loi sera portée, un budget en harmonie avec cette loi devra nécessairement être présenté.
M. Dumortier. - Je suis étonné que M. le ministre ait oublié les paroles qu’il a prononcées lorsque, dans le principe, il a réclamé la discussion immédiate du budget de la guerre ; sur l’observation qu’on lui a faite que l’adoption de la loi sur l’école militaire devait précéder celle du budget, le ministre s’est levé pour dire que l’on pourrait, en attendant, voter un crédit provisoire pour l’école militaire. Or, c’est simplement là ce que propose l’honorable M. Brabant.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne suis nullement en contradiction avec moi-même ; la chambre le comprendra aisément. Si j’ai parlé d’un crédit provisoire à l’époque que vient de rappeler l’honorable M. Dumortier, c’était pour lever la difficulté qu’on signalait alors ; c’était pour obtenir une solution ; mais aujourd’hui ce crédit provisoire est parfaitement superflu.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Brabant.
- Une double épreuve est nécessaire.
On procède à l’appel nominal, dont voici le résultat.
69 membres prennent part au vote.
1 membre s’abstient.
36 répondent oui.
En conséquence l’amendement est adopté.
M. de Florisone s’est abstenu parce qu’il n’était pas présent à la discussion.
Ont répondu oui : MM. Andries, Bekaert, Brabant, Dechamps, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Mast de Vries, Morel-Danheel, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Simons, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Wallaert et Raikem.
Ont répondu non : MM. Berger, Corneli, de Brouckere, de Jaegher, F. de Mérode, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Theux, d’Huart, Duvivier, Ernst, Gendebien, Jadot, Lardinois, Lebeau, Liedts, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Peeters, Pirmez, Raymaeckers, Rogier, Troye, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude.
« Art. 1er de l’artillerie : fr. 1,174,100. »
La section centrale propose de réduire cet article à 1,000,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - La section centrale a proposé sur le chapitre du matériel de l’artillerie et du génie une réduction générale assez forte sans donner aucun motif, sans désigner les objets sur lesquels elle demandait que cette réduction portât. Je ne sais pas si elle a l’intention de donner des explications ; si elle en a à présenter, je désirerais qu’elle les produisît pour y répondre ; sinon, je défendrai le chiffre primitif du gouvernement.
M. Brabant. - Je vais entrer dans des détails pour justifier la réduction que propose la section centrale.
Messieurs, votre matériel s’accroît considérablement tous les ans, et dans une année où le budget avait reçu une assez forte augmentation, dans une année où le gouvernement est obligé de demander des impositions extraordinaires, nous avons cru que le gouvernement trouverait facilement moyen de différer quelques-unes des dépenses portées aux développements du budget, pages 220, 221 et 222. Je prierai ensuite M. le ministre de la guerre de veiller à ce qu’il soit fait un emploi un peu plus sage des fonds que cela ne serait quelquefois dans cette partie du service.
Si ma mémoire est fidèle, nous avions l’année dernière une pièce de canon seule de son calibre déjà approvisionnée de 36,000 boulets ; il se trouve que cette année l’approvisionnement de cette pièce a été renforcée de 8,000 boulets ; de sorte que cette seule pièce a aujourd’hui, chiffre exact, de 44,481 boulets. Cela résulte de l’inventaire qui nous a été communiqué ; il n’y a qu’une seule pièce de trois, et le nombre de boulets que je viens d’indiquer est aussi de trois. Je ne pense pas que des boulets de trois puissent servir à des pièces autres que des pièces de trois ; je n’ai jamais vu qu’on employât cette espèce de boulets comme mitraille. Je regarde comme jeté de l’argent employé d’une manière semblable.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne puis, malgré l’observation critique qui vient d’être faite, consentir à laisser réduire le chiffre du matériel de l’artillerie. Ce matériel raisonnablement entendu, tel qu’il a été déterminé, n’a pas atteint ce qu’il doit être ; loin d’avoir un approvisionnement convenable, nous devrons encore consacré quelques années à le compléter. La section centrale a rappelé que les dépenses effectuées depuis 1830 s’élevaient au chiffre très élevé de 15 millions.
Ce chiffre est parfaitement exact ; mais je demanderai la permission de placer à côté celui du matériel que nous possédons et qui forme une véritable richesse pour le pays.
Ce chiffre est de 14,247,820 fr.
Voici ce que le pays possède en matériel.
Vous avez voté pour cet objet 15,022,833 fr. Il en résulte que 775,013 fr. ont été dépensés en entretien et consommés. Je ne crois pas que ces dépenses puissent être regardées comme ayant été faites avec si peu de discernement qu’on le prétend, et il est utile de les continuer afin que le pays ne soit pas pris au dépourvu sur un objet aussi important.
Si la section centrale m’avait demandé les pièces que je lui ai soumises l’année dernière, elle aurait pu se convaincre que notre matériel est une véritable richesse. Ces pièces, j’ai dû les redemander parce qu’elles ne font pas partie des archives de la chambre et qu’elles ne sont à leur place qu’aux archives du ministère.
Rien n’était plus simple que de les fournir de nouveau, si on les eût demandées.
D’ailleurs, ce n’est pas sans un examen approfondi que la somme portée au budget a été demandée. Le budget rédigé par l’inspecteur du corps de l’artillerie s’élevait à 1,521,250 fr. Ainsi, le ministre a déjà apporté sur les demandes faites par les chefs de service, une réduction de 347,150 fr. Il ne peut pas consentir à les réduire davantage.
Cependant, il y a deux réductions qu’il regarde comme possible, c’est d’abord de la somme de 60,000 fr. demandée pour la continuation de la fabrication de projectiles, non pas qu’on doive cesser d’en fabriquer, mais parce que les fournisseurs sont en retard de remplir leurs marches. Les marchés de 1836 ne sont pas encore complétés, et ceux de 1837 le sont encore moins. L’année 1838 verra seulement remplir ces marchés ; par conséquent, il n’y aura pas lieu de dépenser la somme de 60,000 fr. pour l’objet dont il s’agit. La seconde réduction que je propose à cet article ne sera qu’un transfert : je propose de réduire l’allocation pour fabrication et entretien des armes, de 22,000 fr., qui devront être reportés au matériel du génie, pour location de bâtiments. Ces deux réductions réunies s’élèvent à 82,000 fr. Le chiffre de l’article se trouverait réduit à 1,002,100 fr.
M. Desmaisières, rapporteur. - L’honorable ministre de la guerre a semblé encore, à l’égard de cet article, se plaindre du silence qu’a gardé la section centrale sur les motifs de la réduction qu’elle propose. Mais c’est pour satisfaire au désir même exprimé par M. le ministre de la guerre que la section centrale a cru devoir garder cette sage réserve, car M. le ministre de la guerre doit se rappeler que quand il a envoyé à la section centrale l’état du matériel de l’artillerie, il a eu soin de prévenir que cette pièce n’était pas destinée à être publiée, et que quelques jours après il a redemandé l’état.
Maintenant, voici ce que sait la section centrale. (Je n’entrerai pas plus dans les détails que je ne l’ai fait dans le rapport. Je me contenterai de parler des chiffres en masse.) La section centrale a examiné les chiffres votés annuellement pour le matériel de l’artillerie. Elle a cru que ces chiffres devaient diminuer sensiblement d’année en année, et plus fortement à mesure que nous avançons. Au lieu de cela il se trouve au contraire que les chiffres ont été en augmentant, car au budget de 1833 on n’avait porté qu’un million. Au budget de l’an dernier on a porté 1,209,000 fr., et cette année on demande 1,174,000 fr. ; relativement à l’année dernière, il y a eu une légère diminution, mais relativement à 1833, année plus reculée, il y a une forte augmentation.
Maintenant, le chiffre total dépensé pour le matériel de l’artillerie s’élève à 15 millions. Tout le monde sait qu’il nous est resté de l’ancien gouvernement un matériel considérable, parce que la plupart des places fortes venaient d’être armées lorsque la révolution a eu lieu. Dès lors nous avons pensé que, eu égard aux circonstances actuelles qui nous obligent à imposer dans le budget des voies et moyens de nouvelles charges au peuple, nous devons opérer toutes les réductions qui ont été jugées pouvoir être faites sans danger aucun pour la défense du pays. Celle proposée pour le matériel de l’artillerie est de ce nombre.
Il est vrai que nous n’avons pas demandé à M. le ministre de la guerre s’il a rempli le vœu que j’ai exprimé l’an dernier, et qui tendait à ce qu’un état général du matériel de l’artillerie fût une bonne fois arrêté par cette commission. Nous n’avons pas demandé l’état arrêté par cette commission, parce que nous ignorions que ce vœu avait été rempli. Nous avons exprimé tant de vœux qui n’ont pas été remplis que nous pouvions croire que celui-ci était dans le même cas.
Maintenant je crois que ce qu’a dit M. le ministre de la guerre, relativement à cet état du matériel nécessaire, arrêté par une commission d’officiers aptes à juger des besoins sous ce rapport, doit nécessairement influer beaucoup sur le vote que nous avons à émettre. Quant à moi personnellement (car encore une fois, je ne puis parler au nom de la section centrale qui n’a pas été consultée), je me rallier à l’article proposé par M. le ministre de la guerre, parce que je ne voudrais pas exposer le pays à ne pas avoir, en temps utile, le matériel jugé nécessaire par une commission composée d’officiers aptes à en juger.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je désire ajouter quelques observations pour que la chambre soit persuadée que ce chapitre a été traité avec un véritable esprit d’économie. La réduction de 300 et quelques mille francs que j’ai opérée a pour objet le matériel de siège qui n’est pas d’une utilité immédiate ; tout ce que j’ai conservé est relatif à l’attirail de guerre proprement dit, c’est pour cela que je ne puis admettre une réduction plus grande.
L’honorable préopinant fait observer qu’en 1833 le chiffre était moins élevé. C’est qu’on avait poussé plus loin l’esprit d’économie en ce qui concerne cet article, précisément parce que le budget était plus élevé. En pareil cas, c’est presque toujours sur le matériel du génie et de l’artillerie, qui ne paraît pas d’une utilité aussi journalière et aussi immédiate, que portent les réductions. Il résulte de là une conséquence très fâcheuse, c’est que plus les réductions ont été fortes, plus les pertes suivent une proportion croissante. Je le répète, c’est dans des vues d’économie qu’il faut conserver et améliorer successivement le matériel, et qu’il faut par conséquent adopter la somme proposée.
Quant à la réserve que l’honorable M. Desmaisières a observée à ma demande, il était juste, ce me semble, que je fisse exception ; il devait, ce me semble, m’exposer ses objections pour que je puisse les combattre.
- L’article premier est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 1,092,100 fr. proposé par le gouvernement.
« Art. 2. Matériel du génie (chiffre proposé par le gouvernement) : fr. 3,413,530 fr. »
Le chiffre proposé par la section centrale est de 3,403,530 fr.
M. Peeters. - Le gouvernement venant de s’approprier les bruyères où se trouve le camp de Beverloo, et ce camp étant destiné à être occupé encore longtemps par nos troupes, je viens engager M. le ministre de la guerre à y faire faire à l’avenir des constructions plus solides.
Au lieu de ces mauvaises constructions d’une demi-brique entre une charpente en bois, que les chevaux peuvent enfoncer d’un coup de pied, l’on devrait construire des murs d’une brique d’épaisseur avec de bons fondements, surtout pour les écuries.
Je pense même que si l’année passée l’on avait donné toute la publicité désirable et du temps pour l’exécution des travaux, l’on aurait pu faire de bonnes constructions et des murs d’une brique d’épaisseur, avec les sommes qu’on a dépensées pour les mauvaises constructions que je viens de signaler.
Si je suis bien informé, l’on a fait au camp de Beverloo quelques marchés d’urgence à des prix très élevés, et ce qui est véritablement étonnant les affiches pour les adjudications publiques ne sont colportées dans les environs du camp que quelques jours seulement avant celui fixé par l’adjudication publique, et très souvent les matériaux mis en adjudication doivent être livrés peu de temps après l’adjudication.
De manière que l’entrepreneur qui n’a pas été informé officiellement de ce qu’on a l’intention de faire au camp, ne peut pas concourir parce qu’il n’a pu se procurer à temps les renseignements nécessaires sur la quantité de matériaux que l’on trouve sur le lieu, sur leur prix et les moyens de transport.
L’on se plaint également de ce que les matériaux fournis pour le camp ne sont pas payés régulièrement ; l’entrepreneur, après que les pièces ont été trouvées en règle, doit encore attendre plusieurs mois avant d’obtenir son mandat, ce qui exclut de la concurrence celui qui n’a pas assez de fonds à sa disposition pour attendre ce paiement.
Voilà, d’après les renseignements recueillis sur le lieu, les motifs pour lesquels l’on a dû payer l’année passée le bois, la paille et surtout les briques, à des prix très élevés, dans un pays où ces mêmes matériaux se vendent ordinairement à très bon marché.
Les briques, si je ne me trompe, ont été payées au camp de 20 à 30 fr. le mille, ce qui fait le double du prix ordinaire des briques dans ce pays, auquel on aurait pu les avoir si l’on avait donné du temps pour les fournitures et une publicité convenable pour les adjudications.
D’après mon opinion, en plaçant quelques poutres dans les écuries (ce qui donnerait beaucoup de solidité aux bâtiments), l’on trouverait moyen d’y fixer un plancher, ce qui formerait en quelque sorte un étage, où l’on pourrait loger convenablement les cavaliers, et de cette manière l’on économiserait une toiture.
Les bâtiments construits de la manière que je viens d’indiquer, pourraient être appropriés plus tard (lorsqu’on n’en aura plus besoin pour le camp), soit à une colonie, soit à tout autre emplacement de ce genre, ou bien pourraient être vendus très favorablement avec le terrain pour des fermes ou autres exploitations rurales.
De cette manière les sommes que le gouvernement aurait dépensées pour le camp se retrouveraient plus tard, tandis que les bâtiments que l’on construit actuellement ne peuvent servir à rien.
Voilà quelques observations sur lesquelles j’appelle toute l’attention de M. le ministre de la guerre, et je suis persuadé qu’il suffira d’avoir signalé quelques faits pour qu’ils ne se renouvellent plus à l’avenir
M. Mast de Vries. - L’observation que j’ai à faire est relative à la somme allouée pour les fortifications de Diest. Ce crédit est de 1,600,000 fr. ; aujourd’hui on demande un nouveau crédit de pareille somme ; je ne discuterai pas le chiffre ; mais voici mon observation. Le crédit voté l’an dernier n’a pas été employé, car il y a eu une adjudication de 13 ou 14 millions de briques qui doivent être livrées en mai prochain. D’après le rapport de la section centrale on a mis en adjudication les travaux de terrassements ; de manière qu’il serait possible que le nouveau crédit puisse être ajourné à l’an prochain. Je crois que si le ministre pouvait se résoudre à ne pétitionner des fonds que pour la partie les travaux qui sera exécutée en 1838, nous pourrions ne pas avoir à supporter une nouvelle imposition.
M. Desmet. - J’appuie l’observation de l’honorable M. Peeters. Réellement nous avons été fort heureux que le jour où l’ouragan a renversé toutes les cabanes maçonnées se soit trouvé un jour de solde ; sans cela, au lieu de quelques cadavres de chevaux, c’eût été des cadavres d’hommes qu’on eût trouvé sous les décombres. Il n’est pas douteux que ce soit par défaut de construction que ces cabanes se sont écroulées ; en effet, toutes les cabanes en bois sont restées debout et les cabanes maçonnées sont tombées en ruines ; c’est que, comme l’a dit l’honorable M. Peeters, elles ont été bâties sans fondations ; elles avaient une demi-brique d’épaisseur et de grandes toitures, il était impossible qu’elles tinssent contre le moindre ouragan.
Je demande que l’on perfectionne la construction de ces cabanes, car une autre fois ce ne seraient plus des accidents, ce seraient probablement des malheurs que l’on aurait à déplorer. Il me semble aussi qu’il faut employer la voie ordinaire de l’exécution des ouvrages à charge de l’Etat, et non pas dévier de cette règle de rigueur qui a un excellent but d’avoir les travaux bien exécutés et au plus bas prix. Je n’en dirai pas plus, j’ai confiance que le ministre aura égard à mes observations.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Les dégâts qui ont eu lieu au camp de Beverloo par suite de l’ouragan sont très déplorables, mais ils n’ont pas produit les effets désastreux dont a parlé l’honorable préopinant ; s’il y a eu des cadavres, ce n’a été qu’un ou deux cadavres de chevaux.
It n’est pas exact d’attribuer ces dégâts uniquement à ce que les constructions n’auraient pas été faites avec une solidité suffisante.
Le 29 novembre, l’ouragan s’est fait sentir partout avec une grande violence, mais particulièrement dans les bruyères de Beverloo et dans une ligne déterminée. Les cabanes qui ont été renversées par l’ouragan ne sont pas celles qui, construites les premières, l’avaient été avec une solidité moindre.
Il y a eu des baraques, les plus solidement faites, qui ont été en partie renversées ; et à côté d’elles des baraques peu solides, qui ne tenaient pas ensemble, sont restées debout. Il y a un fait particulier, qui s’est vérifié par une des baraques les mieux construites, qui a été renversée : c’est que ses portes se sont trouvées ouvertes ; le vent s’est engouffré de cette manière dans les baraques et les a renversées.
Les constructions du camp de Beverloo ne peuvent pas avoir la solidité de maisons qui doivent durer toujours ; quoique le camp de Beverloo devienne en quelque sorte permanent, il ne peut être occupé que trois mois de l’année.
Si on voulait éviter l’emploi du bois et donner aux murs la solidité nécessaire, il faudrait doubler la dépense ; or, cette raison d’économie fait qu’on ne cherche à donner aux choses que le degré de solidité indispensable.
J’ai souvent entendu porter des plaintes sur ce que l’on ne procédait pas régulièrement ou par adjudication dans ces travaux. J’ai cherché dès l’année dernière à imprimer à ces travaux la marche que l’on suit ordinairement ; mais jusqu’à présent cela n’a pas été possible. Le camp de Beverloo participe toujours de la nature des ouvrages de campagne ; il faut que ce camp soit occupé à un moment donné ; il faut par conséquent que le travail soit fait précipitamment ; et on ne peut faire de marché convenable pour arriver au but désirable.
Cette année les pluies prolongées du printemps ont empêché de commencer les travaux assez tôt. Il y a eu aussi des adjudications annoncées d’une manière tardive. Ce retard est provenu de la régularité qu’on a voulu apporter à ces adjudications. Les devis avaient été dressés par des officiers qui n’avaient pas l’habitude des officiers du génie pour ce travail ; et on a été obligé de les recommencer. Il y a eu du temps perdu, et les fournitures ont été mises trop tard en adjudication.
Lorsque l’on aura plus de temps devant soi, toutes les adjudications se feront dans les formes en usage dans le corps du génie ; on arrivera à une marche uniforme qui nous mettra à l’abri de toute observation. J’ai déjà dit que si l’on voulait faire de véritables maisons au lieu de baraques, il faudrait une dépense double de celle qui a été faite.
M. Mast de Vries demande si l’on pourrait ajourner les travaux de fortifications de Diest : messieurs, il est de la plus grande importance que ces travaux soient poussés avec la plus grande activité. Ce qui s’est passé en 1837 ne peut rien faire préjuger pour 1838. En 1837, la conception des fortifications, les projets de ces fortifications existaient ; mais tous les travaux de détail nécessaires pour mettre les constructions en adjudication n’étaient pas prêts.
En second lieu nous n’étions pas propriétaires des terrains ; et vous concevez que les expropriations de terrains très divisés sont très longues. Maintenant, toutes ces opérations préparatoires étant terminées, nous en sommes aux terrassements, et les fournitures de briques sont en adjudication.
Les constructions en maçonnerie, les travaux hydrauliques coûtent assez cher, mais n’exigent pas un très grand nombre d’ouvriers. Je crois que les sommes demandées en 1838 seront dépensées dans le courant de l’année.
Puisque j’ai la parole, je vais dire pourquoi je ne me rallie pas au chiffre de la section centrale ; et même je vais demander une augmentation pour le matériel du génie.
La section centrale a proposé de diminuer de 10,000 fr. les dépenses du camp ; et elle s’est fondée sur ce qu’en France il n’était porté pour l’entretien des constructions du camp d’instruction que 50,000 fr.
Mais il y a une différence immense entre le système du camp de Beverloo et le système du camp français. Dans le camp français il n’existe presque pas de baraques ; toutes les troupes à pied, les officiers-généraux compris, sont logés sous des tentes ; la cavalerie et l’artillerie sont cantonnées dans les environs, ainsi que la chose avait lieu pour nous il y a deux ans. Il n’y a de baraques que pour les cuisines, les magasins et la bibliothèque. Ainsi cette somme de 50,000 fr., demandée pour cet objet, est très minime ; tandis que chez nous, nous demandons 60,000 fr. pour des baraques dans lesquelles sont logés les 15,000 hommes d’infanterie et les quatre régiments de cavalerie. Il n’y a donc pas de comparaison d’un camp à l’autre.
Mais la somme de 50,000 fr. est loin d’être celle qu’absorbe le camp français. Les tentes qu’on y emploie sont dans des magasins, et une somme de 75,000 fr. est portée à l’un des chapitres du budget de la guerre pour réparations et remplacements d’effets de campement. Voilà déjà deux sommes qui font 125,000 fr. Au même chapitre on trouve encore une somme de 50,000 fr. pour frais de manutention et campement ; ainsi on peut trouver que le camp français figure au budget pour une somme totale de 175,000 fr.
Je puis donc soutenir que la somme de 60,00 fr. portée à notre budget de 1838 n’est pas trop forte et qu’elle doit être maintenue. Non seulement je dois demander son maintien, mais je dois demander une augmentation pour le matériel du génie.
L’école militaire est établie à Bruxelles ; et pendant le cours de l’année 1837 il n’y avait pas même d’apparence qu’elle pût en être éloignée. Depuis longtemps on remarquait qu’il y avait de l’inconvénient à laisser les élèves qui se destinent aux armes spéciales, aller demeurer en ville et n’avoir pas de logement fixe, au lieu de les tenir sous les yeux des chefs. Ayant adressé à la régence de Bruxelles une demande afin d’obtenir un local convenable, et n’ayant pu l’obtenir, je me suis vu forcé, pour ne pas faire perdre à ces jeunes gens les connaissances qu’ils avaient déjà acquises, de louer un bâtiment rue Ruiysbroeck ; ce bâtiment coûte 4,500 fr. de loyer, et par suite d’autres dépenses il revient à 5,400 fr. par an.
La section centrale s’est plainte l’année dernière de la vraisemblance qu’il y avait qu’on ne pourrait remplir les cadres des officiers de l’infanterie, qu’on ne trouverait pas des sous-officiers en assez grand nombre, capables d’être nommés officiers : moi-même j’ai dit que les éléments manquaient pour qu’on pût compléter les cadres.
Pour en finir avec cet incomplet, et pour procurer aux sous-officiers un grand avantage, je me suis occupé de la formation d’une école transitoire pour les sous-officiers. Cette école sera une annexe de l’école militaire ; les cours y seront faits par les mêmes professeurs ; et en une ou deux années les sous-officiers pourront avoir reçu une instruction suffisante. Les officiers formés de cette manière seront un terme moyen entre ceux qui sont instruits de tous les détails du service militaire par l’expérience, et ceux qui reçoivent une haute instruction à l’école militaire. Ceci est un véritable bien pour l’armée, et est une mesure très propre à encourager le service militaire. Elle jettera dans nos cadres une masse de bons officiers présentant toute l’instruction nécessaire.
L’honorable ministre des finances a cru devoir mettre à ma disposition un bâtiment de l’administration du séquestre, mais à la condition d’un loyer de 2,000 fr. Les dépenses pour l’appropriation de ce bâtiment sont faites, et l’école est prête à y être installée. Je suis forcé de demander ces 2,000 fr. pour 1838.
La chambre a voté une somme assez forte pour les magasins d’habillements et d’équipements des permissionnaires : on avait fait observer que la position des dépôts rendrait leur marche très lente, et pourrait être très préjudiciable à la force des divers corps qu’on devrait réunir promptement.
J’avais prévu cette objection. J’ai demandé une somme pour préparer des magasins aux brigades d’avant-garde ; mais n’ayant pas trouvé des locaux appartenant au gouvernement pour mettre ces magasins, j’ai dû, dans deux places, louer des bâtiments à cet effet. J’aurai encore besoin de ce chef d’une somme de 1,600 fr.
Nous avons un camp particulier pour l’artillerie, qui est à Braesschaet et où tous les ans une grande partie des canonniers sont exercés au tir. Jusqu’en 1835 ce camp était formé de tentes ; alors on pouvait y envoyer deux batteries à la fois, qui faisaient l’exercice ensemble ; de cette manière toutes les batteries pouvaient passer au camp un temps convenable pendant la durée de la bonne saison. Ces tentes sont consommées ; on a négligé de porter au budget de 1837 la somme nécessaire pour construire des baraques à la place des tentes, on n’y a porté que le crédit nécessaire pour faire une caserne pour les officiers ; cette caserne est construite, mais on a dû loger les hommes dans les écuries, ce qui a été cause qu’on n’a pu envoyer que la moitié des hommes au camp d’instruction ; c’est là une chose vraiment préjudiciable. La somme nécessaire pour reconstruire ce camp est de 40,000 fr.
J’ai parlé de la location d’un bâtiment pour le matériel de l’artillerie ; ce bâtiment est une véritable manufacture d’armes. Je me suis trouvé en 1837 dans l’impossibilité de faire effectuer aucune réparation d’arme par les adjudicataires d’armes neuves ; ils se sont rendus adjudicataires pour les réparations dans le but d’écarter les concurrents, afin d’empêcher le renchérissement des journées, et ensuite ils ont élevé des objections à perte de vue sur l’impossibilité de faire fabriquer ; afin de ne pas occasionner un trop grand retard dans la fabrication des armes neuves, il a fallu cesser les réparations. C’est là un très grand mal, car nous avons un nombre considérable d’armes à réparer, et j’appelle sur ce point toute l’attention de la chambre. Il a donc été nécessaire que le gouvernement se chargeât lui-même des réparations et qu’il y employât les armuriers qui se trouvent dans l’armée ; ces hommes sont réunis en compagnies d’ouvriers à Liège, où nous avons ainsi une véritable manufacture d’armes, pourvue de tout ce qui est nécessaire pour toute espèce de réparations.
Nous avons loué à cet effet un bâtiment au prix de 22,000 fr. ; mais comme ce loyer est extrêmement cher pour les seules réparations qui sont évaluées en tout à une somme de 60,000 fr., je regarde comme une chose extrêmement utile de faire dans cette manufacture un essai de fabrication d’armes neuves. Si cet essai répond au but qu’on se propose, alors à l’expiration du bail nous demanderons à la chambre un crédit pour établir une véritable manufacture d’armes au compte du gouvernement, et je suis certain qu’il résultera de ce système une économie de 8 à 10 p. c. Toujours faut-il qu’en attendant, ce loyer de 22,000 fr. puisse être payé.
Enfin, messieurs, la jurisprudence de la cour des comptes ne permet pas de dépenser dans une année suivante les fonds de l’exercice antérieur qui ne sont point engagés par des marchés ; au camp de Beverloo, il n’existe de marchés que pour les fournitures, toute la main-d’œuvre se fait par les ouvriers militaires, ce qui produit le double avantage de procurer des économies et de former de bons ouvriers militaires : il y aura donc une somme assez considérable à employer en 1838 pour la main-d’œuvre, tant de la construction des baraques, qui font l’objet du vote de la chambre dans le budget de 1837, que pour la réparation des dégâts dont j’ai parlé tout à l’heure et pour laquelle il reste également une somme disponible au budget de 1837. Il faudra de ces deux chefs 33,000 fr.
Enfin, parmi les objets qui ont éprouvé des dégâts se trouve la chapelle du camp ; mais depuis longtemps elle était l’objet de réclamations nombreuses, parce qu’elle était trop petite et qu’il y avait d’ailleurs des motifs graves pour la changer de place. J’ai pensé que si le camp dure encore quelques années, il se formera là une agglomération de maisons plus ou moins considérable, et que, par conséquent, ce n’est plus une simple chapelle qu’il conviendra d’y construire, mais une véritable église. J’ai proposé au ministre de l’intérieur de se charger de cette construction, en lui offrant d’y contribuer, sur le budget de la guerre, pour la somme que j’aurais dû dépenser pour avoir une chapelle d’une dimension convenable ; cette somme est évaluée à 13,000 fr.
Ainsi, messieurs, toutes les augmentations nécessaires s’élèvent à un total de 117,000 fr.
M. le président. - M. le ministre de la guerre demande les augmentations suivantes sur l’article qui est en discussion :
1° Pour frais de location de locaux servant d’annexes à l’école militaire : Bâtiment rue de Ruysbroek, en vertu du bail passé le 2 août 1837, 4,500 fr. ; contributions, 500 fr. ; entretien et réparations, 400 fr. Total : 5,400 fr. Ecuries du palais du prince d’Orange, location pendant 1838 en vertu du procès-verbal de remise des bâtiments, du 14 juillet 1837, 2,000 fr.
2° Du loyer de locaux pour l’établissement des magasins des effets des permissionnaires, dans les places où il n’existe pas de bâtiments de l’Etat dont on puisse disposer : à Malines, 1,200 fr. ; à Termonde, 400 fr.
3° Pour la construction de baraques de soldats au camp d’artillerie de Braesschaet : 40,000 fr.
4° Pour frais de main-d’œuvre pour employer les matériaux, achetés en 1837, pour les constructions au camp de Beverloo, 28,000 fr. ; idem pour main-d’œuvre des réparations des dégâts occasionnés par l’ouragan, 5,000 fr. ; pour construction d’une chapelle, 13,000 fr.
5° Un transfert pour loyer des locaux servant à la manufacture d’armes à Liége : 22,000 fr.
Total de l’augmentation demandée, 117,000 fr.
M. Mast de Vries. - Messieurs, lorsque j’ai parlé tantôt des fortifications de Diest, c’est parce que je croyais que les fonds votés l’année dernière ne seront employés que cette année. J’ai demandé s’il ne serait pas possible de faire là-dessus des économies et d’exécuter les travaux dont j’ai parlé, sans demander de nouvelles majorations. Maintenant on fait une nouvelle demande de 117,000 fr. ; ce n’est pas du tout cela que j’ai voulu provoquer. Les chiffres s’élèvent tellement que je ne sais pas où nous allons.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne puis que répéter ce que j’ai dit tout à l’heure des travaux de Diest, c’est que les sommes votées pour 1837 sont tout entières engagées pour 1838.
M. Mast de Vries. - Ces sommes sont engagées pour 1838 ; eh bien, les sommes votées pour 1838 ne seront engagées que pour 1839.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Les projets pour l’emploi des fonds qui seront votés pour 1838, ces projets sont déjà faits maintenant ; par conséquent, on pourra en commencer l’exécution dès le printemps prochain, et en même temps on commencera les travaux qui devaient être faits avec les fonds de 1837.
J’ai dit à la chambre que ce qui avait empêché de travailler cette année, c’étaient les retards que la confection des projets de détail, et surtout les mesures d’expropriation, avaient éprouvés. Maintenant que les expropriations sont terminées et que toutes les adjudications ont également eu lieu, il n’y aura qu’à mettre la main à l’œuvre aussitôt que la session le permettra.
M. Peeters. - Messieurs, je suis charmé d’avoir appris que M. le ministre fera à l’avenir procéder aux adjudications publiques du camp de la même manière que pour les autres constructions du génie.
Mais je persiste à croire qui si l’on s’y était bien pris l’année dernière, l’on aurait pu faire de bons murs d’une brique d’épaisseur avec ce qu’on a dépensé actuellement pour de mauvaises constructions.
L’on est venu chercher les briques à six lieues du camp par des chemins presque impraticables, car vous savez tous, messieurs, que dans la Campine il n’y a malheureusement pas de routes.
On a payé de 19 à 20 fr. pour le transport des briques par mille, ce qui est plus que la valeur réelle de la brique, que l’on aurait pu faire faire sur le lieu, ce qui aurait diminué les dépenses de la moitié.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, l’observation de M. Peeters ne peut être juste que pour une petite quantité de briques, parce que le plus grand nombre de briques ont été fabriquées dans les bruyères du camp. Ainsi que je l’ai déjà dit, les tentes étaient en grande partie consommées. Il fallait faire des baraques pour l’établissement de quatre bataillons au moins, et ces baraques ont dû être achevées le plus tôt possible. On est alors allé chercher des briques là où l’on a pu en trouver ; c’était un cas de force majeure.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, je ne me lève pas pour parler sur la nouvelle majoration que vient de proposer M. le ministre, et qui se monte à 117,000 fr., car véritablement je ne suis pas en état de m’expliquer sur cette augmentation. Elle se compose de crédits nombreux tout à fait nouveaux et qui sont présentés au dernier moment.
Je viens donc seulement soutenir la minime réduction que nous avons proposée sur l’article primitif du matériel du génie ; cet article s’élève à 3,413,539 fr., et nous avons proposé une simple réduction de 10,000 fr. qui nous est encore contestée.
Messieurs, j’ai dit dans mon rapport qu’en France on ne portait au budget, depuis plusieurs années, qu’une somme de 50,000 fr. pour tous les camps. Et ici pour un camp tout neuf, qui même n’est pas encore entièrement achevé, on demande 60,000 fr. M. le ministre a dit qu’il y avait une grande différence entre l’établissement des camps français et notre camp ; qu’il n’y avait en France que peu ou point de baraques. Voici comment cet article est libellé dans le budget français que j’ai sous les yeux :
« Loyer de terrains (remarquez que nous n’avons pas de loyer de terrains à payer), entretien des baraquements et dépenses diverses pour les camps d’instruction : fr. 50,000. »
Je crois donc que c’est faire une proposition très raisonnable, que de proposer la même somme pour un seul camp tout neuf, alors surtout que les 550 mille francs qu’on a accordés l’année dernière pour le même objet ne sont pas encore entièrement dépensés.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Il n’y a aucune comparaison à établir entre les dépenses de notre camp et celles du camp de Compiègne, le seul qui existe actuellement en France ; j’ai déjà dit que le baraquement du camp français consistait uniquement dans les baraques pour les cuisines, les magasins et la bibliothèque, tandis que chez nous, nous avons tout au grand complet, c’est-à-dire, que nous avons des baraques pour les 15,000 soldats qui se trouvent au camp.
M. Desmanet de Biesme. - Je demande que l’on vote actuellement sur le chiffre primitif du ministre, sauf à revenir, lors du second vote, sur l’augmentation proposée dont l’examen sera renvoyé, en attendant, à la section centrale.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je n’ai aucun motif de m’opposer à cette proposition ; seulement je regrette de voir retarder par là le vote du budget. Je me bornerai à faire une réserve, quant à la somme de 22,000 fr., qui ne forme qu’un transfert de l’article 4 à l’article 5 ; en ce cas, le montant réel de mon amendement se réduirait à 95,000 fr.
M. Mast de Vries. - Je demande que tout le chapitre relatif au matériel du génie soit ajourné au second vote.
M. le président. - La proposition de M. Mast de Vries étant une proposition d’ajournement a la priorité ; je vais la mettre aux voix.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne vois pas pourquoi tout l’article devrait être renvoyé à la section centrale qui a déjà fait son rapport ; il n’y a véritablement lieu de soumettre à son examen que l’amendement nouveau que j’ai présenté.
M. Lejeune. - On ne peut pas nier qu’il n’y ait connexité entre l’article en discussion et le nouvel amendement que M. le ministre a proposé. Puisque cet amendement doit faire l’objet d’un examen, je crois qu’il est fort inutile de voter maintenant une partie de l’article ; nous pourrons le voter en entier, lorsque la section centrale aura fait son rapport ; j’appuie donc la proposition de M. Mast de Vries .
- Cette proposition est mise aux voix et n’est pas adoptée.
La chambre ordonne ensuite le renvoi à la section centrale des nouvelles propositions de M. le ministre, sauf en ce qui concerne la somme transférée de 22,000 fr. qui est adoptée, avec l’article primitif du matériel du génie, ce qui porte cet article à 3,413,530 fr.
M. le président. - Les autres amendements à cet article sont renvoyés au second vote.
Art. 1er. Traitements temporaires de non-activité et de réforme : fr. 240,209 85 c. »
La section centrale propose le chiffre de 40,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je désirerais que les membres qui s’opposent à la proposition du gouvernement voulussent s’expliquer, je leur répondrais.
Personne ne prenant la parole, je vais défendre le chiffre proposé.
Je ne rentrerai pas dans une discussion de détail sur le nombre d’officiers en non-activité de chaque catégorie. En général les officiers en non-activité pour raison de santé ont été rendus à l’activité du moment que leur santé l’a permis. Un très petit nombre d’officiers qui se trouvaient en non-activité pour d’autres causes ont été rappelés à l’activité ; mais réciproquement quelques officiers pour raison de santé, et un très petit nombre pour d’autres causes, ont été mis en non-activité en 1837. Cette position est désormais une position régulière, qui est l’objet d’une des lois que la chambre a votées. C’est celle où l’on évitera le plus possible de mettre des officiers ; mais renoncer à cette position légale que le gouvernement a le droit de donner, cela n’est pas possible. Un grand nombre d’officiers sont dans les diverses catégories de la non-activité. La proposition de la section centrale a pour but de contraindre le gouvernement à les rappeler à l’activité. Les considérations qui s’opposent à une pareille mesure ne peuvent pas être développées ici. Je ne renouvelle pas l’observation que j’ai déjà eu occasion de faire à propos de plusieurs réductions que la section centrale a proposées sans aucun concert avec moi ; l’objet dont il s’agit a été débattu dans la section centrale ; j’ai exposé sur les diverses catégories de non-activité les motifs très graves, à mon avis, qui devaient empêcher de forcer la main au gouvernement en ce qui concerne les changements de position des officiers de cette catégorie. Je ne crois pas me tromper en disant que mes motifs ont été goûtés, que la section centrale a trouvé qu’ils étaient fondés et que toute latitude devait être laissée au gouvernement. J’avoue que c’est avec surprise que j’ai vu cette proposition de réduction. Je ne regarde pas comme possible de m’y rallier jamais. Le gouvernement est intéressé à diminuer le nombre des officiers dans la position de non-activité.
Mon attention est particulièrement portée sur cet objet ; quand je puis rappeler un officier à l’activité, je le fais ; mais je ne puis pas me soumettre à la contrainte qu’on veut m’imposer. Je ne vois d’autre résultat à l’adoption de la proposition que la réduction de la solde des officiers qui sont en non-activité. L’action de la chambre ne peut pas forcer le gouvernement à rappeler d’une position légale des officiers qu’il a des raisons de laisser, du moins pour le moment, dans cette position. Je le répète, la réduction ne pourra pas avoir d’autre conséquence que de faire payer les officiers dans cette position au prorata de la somme disponible. J’ai donné à la section centrale toutes les explications désirables ; je la prie de se les rappeler et de renoncer à la proposition qu’elle a faite.
M. Desmaisières, rapporteur. - J’éprouve le regret de devoir dire que je ne me souviens pas des explications détaillées qu’aurait données M. le ministre de la guerre à la section centrale, sur chacune des catégories d’officiers mentionnées dans l’état qu’il a fourni. J’ai interrogé un membre de la section centrale qui siège assez près de moi, il ne s’en souvient pas non plus.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - C’est fâcheux, mais c’est la vérité.
M. Desmaisières, rapporteur. - Maintenant je dirai que nous ne pouvons admettre que des officiers une fois en non-activité par les différents motifs qui ont été signalés par le ministre de la guerre, nous ne pouvons pas admettre, dis-je, que ces officiers doivent rester éternellement dans cette position.
D’abord, la première catégorie se compose d’officiers inaptes au service pour cause de maladie, sans avoir des droits acquis à la pension de retraite.
M. le ministre vient de faire connaître qu’ils ont été rappelés à l’activité.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Ceux dont la santé s’est rétablie.
M. Desmaisières, rapporteur. - La deuxième catégorie comprend les officiers inaptes à remplir les fonctions du grade dont ils sont revêtus, par défaut de connaissances militaires et négligence à s’instruire.
L’année dernière, nous avons exprimé l’opinion qu’il fallait les mettre en demeure de s’instruire, et que, s’ils ne s’instruisaient pas, il y avait un moyen d’action tout trouvé dans la loi sur les officiers ; car l’article 7, n°3, de la loi que vous avez votée, porte qu’un officier être mis au traitement de réforme pour négligence grave dans l’accomplissement des devoirs qui lui sont imposés. Or, le premier des devoirs d’un officier c’est de s’instruire quand il manque de l’instruction nécessaire pour remplir les fonctions dévolues au grade qu’il occupe. Par conséquent, il me paraît qu’ici le ministre a tout moyen d’action sur les officiers de cette catégorie.
Maintenant je passe à la troisième catégorie. Elle comprend les officiers punis pour fautes graves ou pour mauvaise conduite habituelle, lorsque les fautes reprochées à l’officier ne rentrent pas dans la classe de celles prévues par les lois sur la réforme et la perte les grades, ou qu’elles ont été commises avant la promulgation de ces lois.
Si ces fautes graves ne rentrent pas dans les cas prévus par les lois sur la réforme et la perte des grades, c’est qu’elles sont moins graves ; dès lors pourquoi faudrait-il fermer la porte au repentir, pourquoi faudrait-il empêcher ces officiers de se corriger, en les laissant constamment en non-activité ? Quand ils prouvent qu’ils sont devenus aptes à rentrer au service, pourquoi ne pas les y admettre ? Pourquoi quand un officier a commis une faute plus ou moins grave, mais pas assez pour appliquer la loi sur la réforme et la perte des grades, faut-il qu’il soit condamné à perpétuité à la non-activité ? Je ne le crois pas, car ce serait commettre vis-à-vis d’eux un déni de justice.
J’arrive à la quatrième catégorie, elle comprend les officiers mis en non-activité par convenance de service ou suppression d’emploi. Dans cette dernière catégorie se trouvent compris également les officiers en disponibilité auxquels la loi assure cette position.
Nous voyons que tous les cadres sont incomplets ; comment peut-il se trouver des officiers en non-activité par suppression d’emploi ? Je ne le conçois pas, du moins pour les armes où il existe un incomplet excessivement grand. Nous avons donc eu raison lorsque nous avons proposé une réduction. Jusqu’ici nous ne l’avons pas fait ; vous voyez que parce qu’on n’a pas fait de réduction, on a toujours tenu en non-activité les officiers une fois qu’ils y étaient mis.
On ne fait pas assez attention que cette mise en non-activité a lieu sans jugement, qu’elle peut être l’effet d’un caprice, et il faudrait que la peine infligée arbitrairement, et quelquefois sans raison, fût perpétuelle. Quant à moi, je ne puis souscrire à un pareil moyen d’action vis-à-vis des officiers de l’armée.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je prie la chambre de remarquer qu’une réduction de 29 mille fr. a été proposée par le gouvernement sur cet article. C’est assez significatif ; cela prouve que le gouvernement n’a pas l’intention d’immobiliser à tout jamais les positions dont il est question.
Il y a dans la catégorie des officiers en non-activité des hommes qui par beaucoup de raisons ne pourraient rendre des services convenables, et ce n’est point du tout par inhumanité qu’on se refuse à les appeler à l’activité.
Je suis obligé de donner quelques explications pour répondre à l’honorable M. Desmaisières. Je suis forcé malgré moi d’entrer dans quelques détails.
M. Desmaisières dit qu’il faut mettre les officiers, en non-activité pour défaut d’instruction, en position et en demeure de s’instruite ; il ajoute que l’honneur militaire doit les y avoir portés. Je ferai remarquer que cette observation dernière est hypothétique et que par conséquent il n’y a aucune conclusion de fait à en tirer. Quant à la pensée de mettre les officiers en position d’acquérir de l’instruction, je ne saurais quel moyen employer. Faut-il faire une école où s’instruiraient les officiers en non-activité ? Y a-t-il dans le code militaire un article qui permette au ministre de consacrer une partie du traitement de ces officiers à payer des maîtres pour eux ? Si cette faculté n’existe pas, quel moyen a le gouvernement de mettre ces officiers en position et en demeure de s’instruire ? L’honorable préopinant pense qu’on peut leur appliquer la loi de la réforme pour cause de négligence d’un devoir. Je ne pense pas que ce soit de cette manière que doive être entendu l’article 7 de la loi de la réforme relatif à l’inexécution des devoirs ; je ne pense pas qu’il soit entré dans la pensée de personne de considérer comme inexécution d’un devoir et comme un cas de réforme le défaut d’instruction, alors que quelquefois on n’est pas apte à acquérir cette instruction.
Quant aux officiers mis en non-activité pour raison de santé, j’ai déjà dit que dès que leur santé leur a permis de reprendre du service, ils ont été rappelés à l’activité.
Les officiers mis en non-activité pour fautes graves ou pour mauvaise conduite habituelle sont en infiniment petit nombre.
Quant à ceux mis en non-activité pour des fautes légères, dès qu’on a reconnu que ces fautes n’étaient plus possibles, on les a rappelés à l’activité.
Mais peut-on rechercher les faits pour lesquels les officiers ont été mis en non-activité, et, s’ils constituent aujourd’hui un cas de réforme, mettre ces officiers à la réforme ? Je ne pense pas que ce soit possible, je crois que ce serait là de la rétroactivité, de l’inhumanité.
Quant à ceux qui, étant dans la position de non-activité, continuent de se mal conduire, la loi de la réforme leur est appliquée. Ces officiers sont soumis à la surveillance régulière des commandants de place et des commandants de province, qui sont chargés de faire des rapports sur leur conduite et de proposer leur mise en activité ou à la réforme, selon que leur conduite permet ou exige l’un et l’autre, Par conséquent toutes les mesures pour diminuer le chiffre ont été prises. Reste la catégorie des officiers mis en non-activité par convenance de service ou suppression d’emploi. Il n’y a pas un seul officier en non-activité pour suppression d’emploi, mais il y en a plusieurs pour manque de convenance quant au service et quant aux personnes. C’est là un sujet qui n’est pas de nature à être traité ici.
Le gouvernement a le désir le plus grand d’utiliser les officiers en non-activité, mais il est de son devoir de ne pas employer des officiers qui réellement ne seraient pas à leur place dans la position d’activité. Il ne peut se laisser imposer une obligation contraire à son devoir.
M. Dumortier. - Il me semble qu’on peut adopter le chiffre de la section centrale et que le gouvernement trouvera aisément le moyen de faire face avec ce chiffre à tous les besoins. En effet, beaucoup d’officiers en non-activité peuvent être rappelés à l’activité. On a demandé que le nombre des généraux en activité de service fût augmenté ; j’espère qu’on rappellera les généraux qui ont combattu pour la cause de la révolution, car il est cruel pour les patriotes de voir tous ces généraux en inactivité ; il semble qu’on les repousse parce qu’ils ont fait la Belgique ce qu’elle est. Je sais que ce n’est pas là ce que pense M. le ministre de la guerre, mais cela semble ainsi aux yeux du public, et c’est vraiment déplorable. C’est ainsi que nous voyons en non-activité le général Mélinet, qui s’est battu en septembre à Bruxelles, les généraux Niellon, Daine, Vandermerre et tant d’autres qui ont arboré dans le pays le drapeau tricolore ! J’espère que ces généraux, qui méritent si bien d’être rappelés à l’activité, le seront en effet.
Je ferai remarquer également qu’il y a d’anciens officiers qui ont servi au moment de la révolution dans la garde civique mobilisée, et qui ont été replacés dans la position qu’ils avaient avant la révolution sans qu’on leur ait tenu compte des services qu’ils ont rendus au pays à la révolution.
Je sais que M. le ministre de la guerre voit cet état de choses avec regret ; j’ai vu une lettre de lui qui le prouve ; elle était adressée à un major du premier ban, qui s’est bien conduit dans les affaires de Flandres, et elle était vraiment pleine de bienveillance ; mais toute la bienveillance que vous voudrez, sans argent, c’est fort triste. (On rit.)
Je pense que M. le ministre de la guerre doit prendre la position de ces officiers en considération ; plus il en rappellera à l’activité, plus il aura de fonds disponibles à l’article en discussion ; je pense que par ces motifs l’article de la section centrale peut étre adopté.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne partage pas l’opinion de l’honorable préopinant qui désigne les officiers à rappeler à l’activité ; je pense que le gouvernement a toute latitude sur ce point, je ne prétends nullement la lui contester.
Je veux seulement faire remarquer que l’article du budget qui nous occupe, fournit quelquefois le moyen de créer sans utilités des positions onéreuses au pays. Je ne veux citer qu’un fait sans citer personne, quoique cela n’ait rien de désagréable pour l’officier dont il s’agit. A la révolution un colonel de cavalerie, le plus distingué de l’armée hollandaise, c’est une chose reconnue, se trouvait dans la position de retraite où il avait été mis étant dans la disgrâce du gouvernement hollandais. Le gouvernement d’alors, celui du régent, je pense, le nomma général en non-activité, Je ne pense pas que jamais dans aucun autre pays on ait eu la singulière idée de nommer un colonel général en non-activité ; car en principe, quand on donne de l’avancement à un officier, c’est pour tirer un meilleur parti de ses connaissances et de sa capacité.
L’officier dont je veux parler, qui est dans la force de l’âge, et qui est très capable de commander, se trouve général en non-activité, et nous devons, depuis que cette mesure a été prise, lui payer annuellement 5,200 francs. J’avoue que je ne comprends rien à une pareille mesure ; car, ou cet officier est capable, et il faut le mettre en état de rendre service ou il ne l’est pas, et alors il ne fallait rien changer à sa position.
Je ne veux pas entrer dans des détails, mais si on vous lisait la liste des personnes qui jouissent de la position de non-activité, vous reconnaîtriez qu’il n’y a rien de plus comique. Il y en a qui ne peuvent pas, qui n’ont jamais pu rendre aucun service : qu’on les incite donc à la réforme.
Cet article est un de ceux sur lesquels nous pouvons parler avec le plus de liberté. On ne dira pas que nous voulons désorganiser l’armée. Nous voulons qu’on donne aux officiers, dont il s’agit ici, une position certaine au lieu d’une position comme il n’en existe dans aucun autre pays, position onéreuse pour la nation qui a déjà un poids très lourd à supporter.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne ferai qu’une observation. Je crois qu’une telle position existe dans tous les pays où il y a eu de grandes commotions politiques, où les hommes ont rendu des services dans une position contraire à leurs antécédents, et où le moyen de payer ces services d’une manière régulière n’existe pas. De là résulte une position irrégulière qu’il est difficile de changer ; il y a là des raisons de convenance qu’il me semble impossible d’énoncer ici ; ce sont ces raisons de convenance qui doivent rendre circonspect à traiter ces matières, et qui doivent rendre difficiles les mesures que le gouvernement pourrait prendre pour régulariser une mesure irrégulière par sa nature et par son origine.
- L’article premier est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 240,200 fr. 85 c. proposé par le gouvernement.
« Art. 2. Traitements des aumôniers : fr. 21,200. »
- Adopté.
« Art. 3. Traitements d’employés temporaires et solde de domestiques : fr. 51,125 fr. 50 c. »
- Adopté.
« Art. 4. Pensions de militaires décorés sous l’ancien gouvernement et secours sur le fonds dit de Waterloo : fr. 32,755 10 c. »
Adopté.
Le ministre demande 131,125 fr. 36 c. ; la section centrale propose 50,000 fr.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je serai court autant qu’il sera en mon pouvoir, mais je ne puis consentir à la réduction proposée. Toutefois, je ne demanderai que 100,000 fr.
Ce chapitre peut être la source de grandes améliorations dans le service. Il y a maintenant beaucoup de dépenses, autrefois imprévues, qui maintenant sont classées parmi les dépenses régulières ; mais il s’en trouve toujours qu’on ne saurait prévoir. Par exemple, j’aurais dû renoncer à faire l’école des sous-officiers si je n’avais pu en faire les dépenses sur le chapitre en discussion. Il existe beaucoup de cas semblables que je ne puis énumérer, puisqu’ils ne peuvent être prévus d’avance ; le temps seul les met au jour.
Il peut par exemple, se présenter des réfugiés politiques inspirant le plus grand intérêt et auxquels on voudrait accorder des secours ; on ne pourra leur être utile si le chiffre des dépenses imprévues était trop diminué.
Je bornerai là mes observations.
M. le président. - M. Desmaisières s’est rallié au chiffre du ministre, comme député.
- Le chiffre de 100,000 fr. mis aux voix est adopté.
M. le président. - Le budget de la guerre est terminé ; mais comme il a été amendé, le second vote ne peut avoir lieu qu’après-demain (vendredi 5 janvier).
- La séance est levée à 5 heures.