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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 décembre 1837

(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837 et Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1837)

(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus procède à l’appel nominal à une heure.

M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Les sieurs Anoye frères, négociants en vins et boissons fortes à Iseghem, demandent qu’il soit introduit des modifications à la loi sur les distilleries. »

- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée d’en faire le rapport.


Le sénat, par divers messages, informe la chambre de l’adoption de divers projets de loi de séparation de communes.


M. Vanderbelen s’excuse de n’avoir pu, pour cause de santé, prendre part aux travaux de la chambre depuis la fin d’octobre, et annonce l’espoir de revenir partager ces travaux dans le courant du mois prochain.

Projet de loi accordant un crédit provisoire de trois millions de francs au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Desmaisières. - La section centrale du budget de la guerre, chargée comme commission spéciale de l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre de la guerre, contenant la demande d’un crédit provisoire de 3 millions de francs, a l’honneur de vous proposer son adoption.

Malgré la promptitude que l’on apporterait dans la discussion du budget de la guerre, il n’est guère probable que la loi de ce budget pourrait être adoptée par les deux chambres avant le 1er janvier prochain. Cependant, les dépenses du département de la guerre ne peuvent pas souffrir de retard. Et le ministre de ce département doit avoir, chaque jour, des fonds à sa disposition. Il y a donc nécessité d’accorder le crédit provisoire qui forme l’objet de la demande de M. le ministre, sauf à ce qu’il ne soit fait emploi de ces fonds que dans les limites des crédits tels qu’ils ont été provisoirement fixés par la section centrale dans son rapport du 15 novembre dernier.

Discussion générale

M. le président. - Désire-t-on s’occuper de suite de cette demande de crédits ? (Oui ! oui !)

Voici comment est conçu le projet du gouvernement :

« Il est ouvert au ministre de la guerre un crédit provisoire de trois millions de francs, pour faire face aux dépenses du mois de janvier 1838. »

La section centrale propose l’adoption de ce projet, mais en y ajoutant la restriction suivante :

« Sauf à ce qu’il ne soit fait emploi de ces fonds que dans les limites des crédits tels qu’ils ont été provisoirement fixés par la section centrale dans son rapport du 15 novembre dernier. »

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne crois pas pouvoir souscrire d’une manière absolue à cette réserve. La section centrale propose une réduction assez considérable sur la solde d’infanterie qui suppose une réduction de trois mille hommes pendant toute l’année ; cela pourrait influer sur la moyenne de la dépense pendant le mois de janvier. Au moment où je suis obligé de faire revenir les permissionnaires, je ne puis souscrire à une réduction quelconque sur l’infanterie. Le projet du gouvernement doit être voté sans restriction Il a été calculé sur les besoins réels du mois de janvier, d’après la situation actuelle, sauf la circonstance qui s’est présentée ; l’armée est sur le pied le plus faible possible. Les dépenses ont été calculées au plus bas ; le crédit doit être adopté tel qu’il a été présenté et sans la restriction proposée.

M. Pollénus. - Pour adopter la restriction que la section centrale propose d’apporter aux crédits provisoires demandés par M. le ministre de la guerre, il faudrait être d’accord, me semble-t-il, que les dépenses du département de la guerre se trouvent dans leur état normal. Je vois, dans l’exposé des motifs, que le crédit demandé par le ministre de la guerre est destiné à couvrir non seulement les dépenses ordinaires, mais encore les dépenses extraordinaires résultant de l’envoi d’un corps d’armée dans le Luxembourg. La proposition de la section centrale qui limite l’allocation aux prévisions ordinaires semble donc supposer que les circonstances qui ont donné lieu aux prévisions du département de la guerre n’existent plus.

Dans cet état de choses, il serait désirable que M. le ministre de guerre nous dît s’il a des communications à nous faire sur les faits qui ont motivé la communication du gouvernement faite à la séance du 11 de ce mois. Si les difficultés du Luxembourg subsistent et se prolongent, il y a nécessité de maintenir le corps d’armée qui est en marche ; les dépenses que nécessite cet état de choses ne sont pas comprise dans les prévisions de la section centrale, la restriction que propose la section centrale ne peut donc être adoptée que pour autant que les difficultés dont je viens de parler puissent être considérées comme terminées. Mon vote sur la restriction proposée dépendra de la réponse qui me sera donnée par M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Les organes du gouvernement ont énoncé l’opinion que la difficulté dont on vient de parler s’arrangerait par voie diplomatique. Dans l’état actuel des choses, nous avons encore lieu de penser que telle sera la conclusion de cette affaire. Mais il n’existe pas encore de faits assez positifs pour permettre de renoncer à la démonstration que le gouvernement a faite. Les choses doivent donc rester sur le pied où elles sont aujourd’hui.

M. Pollénus. - D’après la déclaration de M. le ministre de la guerre, je déclare de mon côté que je voterai contre la restriction proposée par la section centrale et pour la proposition du gouvernement.

M. Desmaisières. - Je viens de consulter mes honorables collègues de la section centrale sur l’objection présentée par M. le ministre de la guerre. Nous ne nous opposons pas, en raison des circonstances, à ce que le ministre de la guerre fasse usage du crédit pour l’effectif de l’armée, tel qu’il désire l’établir ; si nous apportons une restriction, si nous demandons qu’il se tienne dans les limites posées par la section centrale, ce n’est pas à l’égard de ce crédit, mais à l’égard des autres. Nous sommes donc d’accord avec M. le ministre de la guerre. Il n’y a donc aucune difficulté à voter la loi avec l’addition que nous avons proposée.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne vois pas de raison pour ne pas voter le projet du gouvernement purement et simplement. Il n’y a pas possibilité qu’il soit fait quelque chose de contraire aux désirs de la section centrale, pendant le mois de janvier.

M. de Jaegher. - Comme membre de la section centrale, je demande à expliquer les motifs de la restriction qu’elle a proposée. Il est constant que la section centrale n’a pas admis tout ce qui avait été demandé par M. le ministre de la guerre. Les crédits refusés pourraient être considérés comme admis par M. le ministre de la guerre, moyennant le tantième de 3 millions. La section centrale n’a pas voulu que M. le ministre pût mandater sur ces crédits. En posant une restriction, elle a voulu faire entendre que son intention n’était pas de lever les prescriptions posées dans son rapport.

M. le président. - Alors nous considérerons la restriction comme une explication de la section centrale, et je ne mettrai aux voix que le projet du gouvernement. (Oui ! oui !)

Discussion des articles et vote sur l'ensemble

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Il est ouvert au ministre de la guerre un crédit provisoire de trois millions de francs, pour faire face aux dépenses du mois de janvier 1838. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1838. »

- Adopté.


On procède à l’appe1 nominal sur l’ensemble de la loi.

Elle est adoptée à l’unanimité des 61 membres qui ont répondu à l’appel. En conséquence, elle sera transmise au sénat.

Les membres qui ont pris part au vote sont : MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Coppieters, Corneli, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, Dequesne, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Gendebien, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn Lardinois, Lecreps, Lejeune, Liedts. Manilius, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Seron, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Verdussen, Willmar, Zoude.

Projet de loi fixant les droits sur le sucre

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - A la séance d’hier, la chambre a décidé que le rendement serait augmenté. Voici les amendements qui se rapportent à cet objet.

Amendement de M. Lardinois :

« Par dérogation à la loi du 24 décembre 1829 (Journal officiel, n°76), et à partir du 1er mars 1837, la décharge de l’accise sur le sucre, en cas d’exportation, est fixée en principal à 40 fr. par cent kilogrammes de sucres candi ou de sucres en pains ou en morceaux. »

Maintenant la discussion est ouverte sur la question de savoir de combien le rendement sera augmenté.

Je viens de recevoir l’avis que M. le ministre des finances est retenu chez lui par une indisposition. M. le ministre de la justice doit venir dans quelques instants donner une explication.

Voici la nouvelle rédaction de l’amendement de M. Dubus (aîné) :

« J’ai l’honneur de proposer de fixer la décharge pour l’exportation des sucres, en principal, à 41 fr. les 100 kilog. de sucre raffiné, désigné dans la proposition de M. le ministre des finances sous la lettre A, et à 38 fr. les 100 kilog. de sucre raffiné dit lumps, désigné dans la même proposition sous la lettre B. »

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne vois aucun inconvénient à ce que la discussion continue. Je tiendrai note des observations qui seront faites. Je serai obligé d’aller au sénat ; mas M. le ministre de la justice sera ici avant que je quitte la séance. Je pourrai lui transmettre les notes que j’aurai tenues.

M. le président. - La parole est à M. Metz sur la question de la quotité du rendement.

M. Metz. - D’après la marche que la discussion a suivie jusqu’à ce jour et au point où elle est arrivée, nous n’avons, comme on vient de vous le dire, qu’à examiner le taux du rendement, puisqu’on a décidé qu’en principe il devait être majoré. Nous avons à voir jusqu’où il convient d’aller pour concilier les droits du trésor et toutes les industries que nous voulons protéger, quoiqu’on dise peut-être.

Pour cela et pour donner, je pense, une idée exacte du rendement, il convient de remonter à l’époque où le système des primes a été établi pour l’exportation du sucre, aussi loin que nos investigations ont pu nous l’apprendre, et de vous la montrer suivant une voie progressive avec les progrès que la raffinerie a pu faire elle-même. C’est donc à cette étude que je me suis livré d’abord. Voici quel en a été le résultat :

Avant 1789, les droits portés pour l’importation étaient en France restitués à la sortie en raison, pour cent livres de sucre raffiné, du montant des droits sur 225 livres de sucre brut. Cette restitution de droits avant 1789 a établi un rendement de 44 p. c.

Le 7 juin 1820 (car jusqu’à cette époque la législation n’a pour ainsi dire pas subi de changement) la restitution pour le sucre mélis fut fixée à 110 fr. et pour le sucre lumps (car il n’y avait eu jusque-là aucune différence entre les sucres mélis et lumps) elle fut fixée à 80 fr., de sorte que le rendement fut de 45 pour le sucre mélis et de 62 pour le sucre lumps.

C’est dans cet état de choses qu’est arrivée notre loi de 1822, qui chez nous (dans les Pays-Bas) établit un rendement qu’on voulait rendre à peu près égal à celui établi dans les pays voisins qui avaient été éclairés par l’expérience. On trouva alors qu’en France le droit était équivalent à un rendement de 45 pour le sucre mélis, et de 62 pour le sucre lumps ; on jeta un regard sur la législation anglaise ; et, comme l’a dit l’honorable M. Rogier, on trouva que le rendement était fixé à 59.

Il importe peut-être à ceux qui n’ont pas fait de cette matière une étude spéciale, d’apprendre qu’en Angleterre il y avait 2 systèmes pour les exportations. En Angleterre, tous les produits des colonies anglaises étaient exportés au taux du rendement de 59 ; et pour tous les produits des colonies étrangères à l’Angleterre, il y avait séquestration de tous les produits importés ; ils étaient disposés dans des bâtiments où ils étaient traités sous les yeux de l’administration en régie.

Tous ces produits devaient, dans un temps plus ou moins long, être sortis de 1’Angleterre ; de sorte que l’Angleterre ne recevait rien. Ce n’était donc que pour le sucre des colonies anglaises que le rendement était porté à 9 fr., et le rendement n’était porté à ce chiffre en Angleterre que parce que dans les colonies anglaises tout travail préparatoire sur le sucre brut est interdit pour charger davantage les navires, pour donner plus à la navigation.

En 1822, la législation des sucres s’établit dans notre pays de la manière suivante : au rendement de 55 on restitua ; mais quoi ? On devait, d’après la législation de 1822, restituer la haute décharge au sucre en pain, au sucre mélis, et la moindre décharge au sucre raffiné de toute autre espèce.

Dans la pensée de la loi de 1822, on avait entendu restituer la haute décharge au sucre entièrement raffine, au sucre mélis, et seulement la petite décharge aux autres sucres raffinés, aux sucres lumps. Mais par suite d’une interprétation, comme le commerce ne manque jamais d’en faire quand il y trouve son intérêt, la haute décharge fut attribuée à toute espèce le sucres ; et le vague de la loi fit admettre cette interprétation par les tribunaux.

Voici donc l’état de la législation en 1822.

En 1829, le droit a été majoré de 40 p. c.. parce qu’on a senti que la loi de 1822 n’avait pas produit tout l’impôt dont on avait voulu frapper les sucres, et pour le dire en passant, ce n’était pas dans l’intérêt de la navigation que cet impôt avait été établi, et qu’on avait frappé les sucres d’une majoration de droits de 40 p. c.

Cet état de choses a duré jusqu’aujourd’hui pour nous. Mais dans un pays où les progrès des raffineurs ont fait sentir qu’il y avait disproportion entre le droit d’entrée et le droit restitué, le chiffre a été changé. En 1833, fut portée en France cette loi qui avait été l’objet d’une si vive discussion, à laquelle j’ai fait allusion dans un discours que j’ai prononcé il y a quelques jours. Les rendements, par la loi de 1833, furent fixes à 70 pour les sucres raffinés et à 75 pour les sucres lumps. Eh bien, à cette époque, dans toute la chambre française, il ne s’éleva pas une voix pour dire que le rendement de 70 pour les sucres raffinés et de 75 pour les sucres lumps était exagéré, alors que le principe de la loi était si vivement discuté ; le rendement fut donc fixé à 70 et à 75. On sentit si tôt qu’on n’avait pas atteint par là le rendement probable effectif des sucres que le 8 juillet 1834, quelques mois après la mise à exécution de la loi de 1833, le chiffre du rendement fut fixé, par ordonnance royale, à 75 pour le sucre mélis et 78 pour le sucre lumps.

Cette ordonnance du 8 juillet 1834 devint loi en 1836, lorsqu’à la suite d’une discussion nouvelle, on reconnut à la chambre française que le rendement qui se rapprochait le plus possible de la vérité était de 75 pour le sucre mélis et de 78 pour le sucre lump.

C’est donc en cet état que nous arrive la législation de tous les pays sur les sucres.

A nous à voir maintenant si nous voulons profiter de l’expérience de nos voisins, si nous voulons reconnaître que pour les nations comme pour les individus, il y a des enseignements utiles ; à nous à voir s’il faut maintenir aujourd’hui l’abus qu’on s’est pressé de réprimer ailleurs, alors qu’on en a reconnu l’existence. Chez nous, que proposons-nous ? Nous ne proposons pas le rendement de 75 pour le mélis, et de 78 pour les lumps ; nous proposons un rendement de 65 pour les mélis, et de 70 pour les lumps. Et vous pouvez voir dans quelle proportion bien favorable nous plaçons l’industrie raffinière en Belgique en comparaison de ce que l’on a fait en France. Et pourquoi n’élèverons-nous pas le rendement à la hauteur où il est en France ? Oserions-nous faire l’humiliant aveu de notre infériorité vis-à-vis de l’industrie française ? Oserions-nous dire, comme on l’a fait entendre dans quelques mémoires, que notre industrie est restée stationnaire au milieu des progrès qu’elle a faits de toutes parts ? Oserions-nous dire que nous avons conservé tous les anciens appareils, presque improductifs, tandis qu’autour de nous on s’est empressé d’adopter des appareils qui procurent des rendements plus considérables ?

Nous proposons un chiffre bien inférieur au rendement français ; en comparaison des chiffres français, nous donnons 10 p. c. de bénéfice à nos raffineurs sur les sucres mélis, puisque nous demandons 65 au lieu de 75 ; et nous leur donnons 8 p. c. de bénéfice sur les sucres lumps, puisque nous demandons 70 au lieu de 78. Pourquoi ne portons-nous pas nos chiffres à la hauteur des chiffres français ? C’est parce que nous voulons ménager les raffineries de sucres exotiques ; c’est parce que nous n’entendons pas justifier les reproches qu’on prétend nous faire de vouloir frapper de mort une industrie importante. Nous voulons, lentement, si elle est restée en arrière, l’amener, par la nécessité qui est la mère de toute industrie, à produire autant que la raffinerie française. Et pourquoi ne produirait-elle pas autant ?

L’industrie française n’exporte que les sucres qui proviennent des colonies françaises, afin de favoriser ces colonies ; mais les sucres de ces provenances sont moins riches que les sucres des colonies où nous allons chercher les matières premières de nos raffineries.

Sans qu’il soit besoin d’analyser la discussion qui a eu lieu en France, discussion qui a été éclairée par de savants chimistes, on y a reconnu que les sucres bruts français produisaient 10 p. c. de moins que ceux de Cuba, de Porto-Ricco, de la Havane, où nous allons nous approvisionner ; on y a reconnu que dans les colonies françaises on avait adopté la même manière de travailler que dans les colonies anglaises, et qu’ainsi les sucres bruts étaient surchargés de matières étrangères à la matière saccharine.

Par cette seule observation vous voyez donc que le rendement que nous proposons, de 65 pour le mélis et de 70 pour les lumps, est plus loin encore d’atteindre le rendement auquel l’industrie peut parvenir.

Vous avez appris que la législation actuellement existante laissait un vide dans le trésor ; pourquoi en est-il ainsi ? cela vient de ce que le rendement y est fixé à 55 et demi, parce que ce rendement permettait d’importer 22 millions de kilog. de sucres bruts, et d’exporter 12 millions de kilog. de sucres raffinés. D’après le chiffre 55, il s’ensuit que 185 kilog. de sucres bruts doivent faire 100 kilog. de sucres raffinés : or, 185 kilog. de sucres bruts produisent à l’entrée 55 fr. 50, et tout ce que nous rendons de plus est au préjudice du trésor ; mais nous rendons 66 fr. 66 ; donc le trésor rend plus qu’il n’a reçu, et nous payons 13 fr. 16 pour faire exporter 100 kilog. de sucre raffiné. Puisqu’on peut en exporter 12 millions par an, vous voyez quel immense sacrifice le trésor fait pour l’industrie raffinière depuis quelques années !

On a dit que l’on ne voulait faire figurer les sucres au budget que pour la somme de 1,200 mille francs, ou 1,500 mille francs : ce n’est pas là ma manière de voir ; j’entends que l’on fasse produire aux sucres tout ce qu’ils doivent produire.

On vous a dit encore, et je ne sais si cette vérité a été bien saisie, que l’exportation était toujours limitée par la consommation. Je vais expliquer cela en peu de mots. Quand vous exportez, si l’exportation n’a pas absorbé tout le sucre brut pour lequel vous étiez en charge, il en reste dans la consommation une certaine partie dont vous devez vous défaire ; et du moment que le sucre brut que vous laissez dans la consommation, a atteint le chiffre qu’exige cette consommation, il faut exporter. C’est ainsi que 22 millions de sucres bruts au rendement de 55 permettent une exportation de 12 millions de kilog. de sucres raffinés.

Mais par les rendements de 65 et de 70 la position du trésor est bien différente. Au rendement de 70, en tenant compte du déchet de 5 p. c., il reste 25 kil. de matières sucrées, sous toutes les formes, ou que l’on peut réduire en candis, en sirops, etc. Or, en supposant que l’exportation soit toujours la même qu’en 1835, ou de 12 millions de kilog., on verra qu’au lieu de pouvoir importer 22 millions de kilog., afin d’exporter 12 millions de kilog, on ne pourra importer que 16 millions de sucre brut. Ainsi vous n’aurez que 4 millions sans droit, livrés à la consommation ; ajoutez à cela deux millions de sucre de betterave, et un million de sucre introduit en fraude, et vous aurez en tout 7 millions sans droits.

Mais ces 7 millions ne suffisent pas à toute la consommation intérieure ; il en faut au moins 12 millions de kilog. ; ainsi il faudra que la raffinerie importe encore 5 millions de kilog. au droit de 37 fr.

Or, le droit de 37 fr. sur les 5 millions que les raffineurs devront fournir à la consommation pour compléter le chiffre de 12 millions, produira au trésor 1,850,000 fr. Vous voyez donc, messieurs, l’énorme sacrifice que nous avons fait jusqu’ici à l’industrie raffinière ; vous voyez combien sont mal fondés les reproches que ses partisans font aux autres industries, lesquelles ne demandent que protection. Mais, messieurs, si nous avions dix industries comme cela en Belgique, nous serions bientôt conduits à notre ruine.

Le système que nous proposons, messieurs, laissera encore aux raffineurs un immense avantage, puisqu’ils pourront livrer à la consommation 4 millions de kilogrammes de sucre qui n’aura payé aucun droit, c’est-à-dire qu’ils profiteront 37 fr. pour cent kilogrammes sur 4 millions de kilogrammes, ou 1,480,000 francs, ce qui donnera à chacune des 85 raffineries qui se trouvent dans le pays, un boni de 17,000 fr.

Voyons, messieurs, ce qu’a produit en France une législation que nos raffineurs veulent nous faire envisager comme devant opérer leur ruine. En France où l’on raffine du sucre bien moins riche que celui qu’on emploie dans notre pays, le rendement est calculé à 75 et à 78 ; eh bien, messieurs, cette législation n’a pas arrêté l’exportation ; car, en 1835, la France a exporté 4 millions et quelques centaines de mille de sucre, et en 1836 elle en a exporté plus encore. Nous ne devons donc pas craindre, messieurs, d’adopter la proposition de l’honorable M. Dubus, qui mettra nos raffineurs dans une position beaucoup plus favorable que celle des raffineurs français.

Nos raffineries sont restées stationnaires, messieurs, lorsqu’elles avaient à soutenir la concurrence des raffineries françaises qui jouissaient d’abus encore plus scandaleux que ceux auxquels nous avons à remédier ; mais lorsqu’en France la loi a été ramenée à ce qu’elle devait être, alors, à l’aide des vices de notre législation, nos raffineurs ont eu un privilège sur les raffineurs français, et c’est depuis lorsque nos exportations ont augmenté. Avec la législation que nous voulons établir, nos raffineurs auront encore un immense avantage, comme nous vous l’avons suffisamment démontré. Il y aurait donc déraison complète à ne pas adopter nos propositions, que nous vous soumettons comme une espèce de transaction, qui permettra aux raffineurs de mettre leurs procédés d’accord avec les besoins de l’industrie. Lorsqu’ils en seront venus là, messieurs, n’en doutez pas, ce sera le moment de frapper les sucres de betterave, de porter le rendement des sucres exotiques au taux où il doit réellement être, et de concilier ainsi tous les intérêts.

(Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1837) M. Desmaisières. - Après ce qui s’est passé hier, ce n’est point sans éprouver quelque émotion, sans éprouver même un sentiment pénible, que je prends la parole aujourd’hui. Oui, messieurs, je dois le dire franchement et hautement, je croyais avoir mieux mérité qu’un refus, je croyais avoir mérité mieux que le refus que j’ai essuyé de votre part, lorsque j’ai demandé à pouvoir répondre à un discours qui avait duré deux heures, et dans lequel le travail de la commission avait été attaqué avec une certaine acrimonie, alors surtout que je promettais de ne point occuper votre attention pendant plus de deux minutes.

Il est vraiment plus que pénible, messieurs, lorsqu’on a consacré ses veilles, lorsqu’on a mis tout son temps, lorsqu’on a négligé et sacrifié même ses affaires particulières pour se livrer entièrement à un travail qui incombait plutôt au ministère qu’à une commission de la chambre ; il est vraiment plus que pénible de se voir d’abord, sans égard aucun pour les autres nombreux travaux dont on se trouve chargé de la part de la chambre, pressé, poursuivi, harcelé et persécuté par ses adversaires, au nombre desquels je suis fâché de devoir compter un ministre, et précisément celui dans les attributions duquel sans doute plus que dans les miennes tombait le travail difficile auquel j’ai dû me livrer pour arriver à la proposition d’un projet de loi et à éclairer la chambre sur une question que tout le monde reconnaît aujourd’hui se trouver au nombre des plus graves et des plus compliquées qui peuvent se présenter à la solution d’une législature ; il est vraiment plus que pénible alors, dis-je, d’obtenir pour toute récompense de ses veilles et de ses travaux, l’interdiction de la parole, l’interdiction de la défense contre les attaques dont le rapport, qui a été le résultat de ces veilles et de ces travaux, a été l’objet de la part d’un honorable ancien rapporteur du budget de l’intérieur de 1834, qui alors devint malade et qu’on ne vit plus depuis se charger d’aucun rapport important.

Je ne dis pas cela, messieurs. parce que mon intention serait d’imiter cet honorable membre auquel je fais allusion ; non : de quelques dégoûts que l’on puisse vouloir m’abreuver, la conscience de mon devoir sera toujours là pour me soutenir ; elle criera toujours plus haut que tous ces dégoûts, et toutes les fois que mes honorables collègues tiendront à ce que je me charge d’être leur rapporteur, j’aurai toujours le courage d’acquiescer à leurs vœux. Je passe à la discussion du fonds de la question.

Le sort en est donc jeté, le rendement sera augmenté, et à en juger par ce qui s’est passé d’inouï, je le répète, dans les fastes parlementaires, nous devons penser que c’est de beaucoup qu’on veut l’augmenter.

Quoi qu’il en soit, je vais prouver qu’il aurait dû rester le même et que l’amendement, soit de l’honorable M. Liedts, soit de l’honorable M. Rogier, devrait prévaloir. Et qu’on ne vienne pas dire qu’en cherchant à le démontrer, je ne suis pas dans la question ; car de quoi s’agit-il maintenant ? Il s’agit de fixer la quotité dont le rendement sera augmenté. Or, si je prouve qu’il devrait rester le même, j’aurai prouvé a fortiori qu’il ne peut être augmenté que d’une fraction très minime.

M. le ministre des finances a commis, selon moi, une grave et lourde erreur lorsqu’il nous a dit, dans une précédente séance, que c’était à tort que nous prétendions que le législateur de 1822 n’avait pas entendu faire payer de droits aux cassonades et sirops. Nous n’avons point dit que ce législateur avait entendu rendre passibles du droit d’accise seulement et exclusivement les sucres raffinés consommés en Belgique ; nous avons dit et prouvé à l’évidence qu’il avait avant tout voulu pousser les raffineries à l’exportation en leur permettant de livrer à la consommation, francs de tous droits, les sucres communs provenant du raffinage de 100 kil. de sucre brut après exportation de 55 11/20 kil, de raffinés candis, pains et lumps provenant aussi de ces mêmes 100 kil. de sucre brut. Et s’il n’en était pas ainsi, si l’on n’avait attaché pour toute faveur à l’exportation de 55 kil. 11/20 que la livraison à la consommation du déchet de 5 p. c., il fait avouer, je le dis encore, qu’alors le législateur de 1822 eût été ridicule et absurde, s’il avait pu croire qu’il pouvait pousser à l’exportation en permettant aux raffineurs de livrer à la consommation, franc de droits, ce simple déchet qui n’est pas même du sucre. Mais non, messieurs, les termes et les chiffres posés dans la loi sont clairs et précis ; et tout homme qui comprend ces termes et ces chiffres, devra convenir que ce que nous soutenons à cet égard est tout à fait dans le vrai.

Nous avons dit aussi que si le principe réel de la loi de 1822 a été de pousser à l’exportation tant de nos sucres raffinés qu’au moyen de ces mêmes sucres des produits agricoles et manufacturés du pays, le droit d’accise, quoiqu’en apparence le but, n’a été que l’accident, que l’exception, que le droit même à l’aide duquel on avait cherché à obtenir du raffineur qu’il fasse tous ses efforts pour arriver au but réel de la loi, celui d’enlever au profil du pays, à des nations jalouses et puissantes, une grande partie de leurs déboursés industriels et agricoles.

Nous avons dit encore que dès lors l’auteur du système de 1822 avait dû le présenter sous un autre point de vue, sous le point de vue apparent de l’impôt, et ce afin de ne pas éveiller la susceptibilité de ces nations rivales ; que dès lors par conséquent aussi il n’était pas étonné que presque personne en Belgique n’avait d’abord compris ce système de législation ; et qu’enfin dès lors aussi il n’y avait pas à s’étonner qu’il avait fallu les explications verbales de M. Appelius lui-même pour le faire comprendre à plusieurs de nos raffineurs qui avaient été à La Haye élever des réclamations très fortes à ce sujet.

Ainsi, a-t-on dit, si la consommation intérieure pouvait ne se composer entièrement que de sucres communs, et si en outre elle pouvait être poussée, augmentée au-delà de toute espèce de limite, on pourrait, si la manière dont vous expliquez le système de la législation est vraie, arriver par les exportations, dans le cas où elles seraient de même illimitées, arriver à annuler entièrement le droit d’accise.

Oui, messieurs, on le pourrait, et c’est là ce que ni nous, ni les raffineurs n’ont jamais nié. Oui, si le but de la loi, c’est-à-dire la plus grande somme possible d’exportations, l’exportation illimitée pouvait être atteinte, l’exception, c’est-à-dire l’impôt, pourrait être légalement effacé.

Mais, encore une fois, pour cela il faudrait que la consommation intérieure ait lieu exclusivement en sucres communs, et que le chiffre de cette consommation pût s’élever, autant qu’on le voudrait, deux conditions tout à fait impossibles. C’est là même l’une des meilleures preuves de ce que la proposition du rendement n’est pas et ne peut pas être la cause de la diminution des recettes du trésor.

Ces principes posés, que nous reste-t-il à prouver ? Que le rendement de 55 11/20 en candis, pains et lumps fixé par la loi de 1822, avait été bien fixé. Eh bien, messieurs, ce sont les tableaux du ministère, et qu’à plusieurs reprises il a lui-même déclarés très rapprochés de l’exactitude, qui vous prouvent que ce rendement légal est juste. Il y a plus, je vous ai démontré par des calculs irréfutables qu’en ce moment même les raffineurs, qui certes auront toujours le bon esprit de travailler la matière première qui leur offre le plus d’avantages ; je vous ai démontré qu’en ce moment même nos raffineurs ont un avantage très grand, en raison des prix, à travailler des sucres à moindre rendement que celui de 55. Aussi a-t-on pu voir par les documents officiels qu’il est entré en Belgique peu de havane blanc, peu de sucre à rendement élevé, et qu’encore la plus grande partie a été réexportée dans l’état brut.

On a été dans cette discussion jusqu’à contester le système que la commission a cru devoir suivre pour calculer le rendement légal. On nous a dit : C’est très adroit ce que vous avez fait là. Au lieu de calculer sur des sucres à rendement riche, vous avez pris une moyenne entre tous les sucres renseignés aux tableaux fournis par le ministère. Et puis on est venu prendre de nouveau, en une espèce de flagrant aveu, quelques raffineurs pétitionnaires, qui auraient dit eux-mêmes, dans leur pétition, que le sucre le plus généralement employé était du havane blond. Mais, messieurs, quand bien même une industrie serait solidaire des allégations plus ou moins erronées que pourrait avoir émises tel ou tel industriel pratiquant cette industrie, eh bien encore alors nous pourrions ici très bien supporter tout le poids de cette solidarité ; il y a plus, c’est que ce que l’on a cru prouver contre nous prouve pour nous. Vous allez bien.

En effet, messieurs, dire que le havane blond était le plus généralement employé par les raffineurs de Gand à l’époque où ils ont émis cette assertion, n’est certainement pas dire qu’il est employé en terme moyen, mais seulement qu’on en emploie à Gand en plus grande quantité que d’autres sucres ; que par conséquent la moyenne des rendements des différents sucres travaillés à Gand doit se trouver plus rapprochée de celle de ce sucre à haut rendement que de celle des nombreux sucres inférieurs en rendement qui sont aussi employés, mais en moindre quantité. C’est donc dire que le chiffre de cette moyenne doit se trouver plus près de 65 (taux du rendement du havane blond) que du chiffre 25 (taux du rendement du sucre de Lima). Or, les renseignements du ministère établissent que le rendement moyen à Gand va à 58 58/100, et ce chiffre est précisément bien plus près de 65 que de 25. Ainsi de nouveau, loin de nous combattre avec cet argument, on a fait voir combien notre opinion était fondée.

Ce n’est pas toutefois que notre manière de calculer le rendement moyen en raison des tableaux C et D soit exempte de tous reproches ; il est un grave reproche que l’on pourrait nous faire ; mais comme celui-là on se gardera bien de le faire, je vais, moi, me le faire à moi-même.

C’est que, messieurs, (on a pu le voir par le tableau litt. A joint à mon rapport), qu’il y a à Gand seulement 21 raffineries et qu’à Anvers il y en a 47 ; j’aurais donc dû, pour établir la moyenne, faire entrer dans mes calculs proportionnels plus fortement le rendement moyen d’Anvers que celui de Gand, et alors je serais arrivé à une moyenne générale encore au-dessous de 55 41/100, puisque pour Gand elle est de 58 58/100 et que pour Anvers elle est de 52-25 seulement, et puisque je me suis borné à additionner ces deux moyennes et à prendre la moitié du total.

Mais, a dit l’honorable M. Dubus, la commission a établi un calcul faux ; ce n’est pas le rendement moyen qu’il fallait prendre, c’est un rendement possible ; il est possible aux raffineurs de travailler le havane blond, ce sucre donne un rendement de 65, et par conséquent ce doit être là le rendement légal.

Qu’aurait répondu cependant cet honorable membre à ses adversaires dans la discussion relative à la bonneterie, si ceux-ci lui avaient dit : « Pour certains bas de coton le droit au poids que vous proposez, montera à 40 p. c., et comme il vous est possible de faire des bas relativement auxquels l’application du droit proposé par vous va à 40 p. c., il vous est possible d’atteindre une protection de 40 p. c., au lieu de celle de 15 que nous voulons seulement vous accorder ? » Il aurait répondu avec sa logique accoutumée qui (il me permettra de le lui faire observer) paraît l’avoir abandonné en cette circonstance, que ce n’était pas sur le possible qu’il fallait calculer, mais bien au contraire sur ce qu’on était intéressé à faire en raison de la combinaison des prix coûtants et des prix de vente, sur ce qui se faisait en un mot, et par conséquent ne pas prendre une espèce de bonneterie isolément, mais établir une moyenne sur toutes les espèces. Eh bien, ce qu’il a fallu faire pour la bonneterie, je l’ai fait pour le sucre, et je crois qu’ici encore on ne peut m’accuser d’avoir changé de système par esprit de localité.

Mais est venue une autre objection que l’honorable orateur auquel je réponds en ce montent a cru être bien forte, puisqu’il vous l’a retournée dans tous les sens possibles, si ce n’est dans un seul, et vous allez voir pourquoi.

Il a fait un reproche à la commission d’avoir joint à son rapport le tableau litt. F, page 57, sans en avoir tiré parti pour ses conclusions. D’abord, est-ce bien à ceux qui ont tant pressé la présentation de mon rapport à me faire un pareil reproche ? Et ensuite si, comme on semble vouloir le donner à entendre ; c’est le motif qu’il y avait à en tirer des conclusions contraires à celles de la commission qui m’aurait guidé, j’aurais, dans ce cas, bien mieux rempli mon but en ne joignant pas ce tableau à mon rapport.

Voici, messieurs, le motif réel pour lequel je ne me suis point appuyé sur ce tableau ; c’est l’intitulé lui-même de ce tableau qui vous le dira.

Cet intitulé est ainsi conçu :

« Renseignements recueillis à Bruges. Terme moyen des prix des sucres bruts et raffinés de toutes qualités, importés, exportés et mises en consommation depuis le 1er janvier 1828 jusqu’au 31 juin 1836. »

J’avais par ma sixième demande, page 31 de mon rapport, demandé à M. le ministre des finances les prix courants moyens des sucres de 1825 à 1837.

M. le ministre a cru, et, je l’avoue, j’aurais peut-être dû m’expliquer plus clairement, M. le ministre a dit que je demandais purement et simplement le terme moyen de ces prix pendant toute la période de 1825 à 1837, et il ne m’a donné que ces termes moyens-là.

Maintenant M. Dubus a tiré argument des prix qui y sont signalés pour dire : Comment se fait-il que les sucres en poudre sont plus chers que les raffinés lumps dans certains cas ? Messieurs, à cela je pourrai répondre que ce sont là des anomalies commerciales que tous ceux qui ont fait le commerce savent apprécier. Il arrive souvent que les fabricants de coton, de toiles, de bonneterie, sont obligés de vendre leurs produits manufacturés à des prix moindres que ceux auxquels, dans le moment même, ils sont obligés d’acheter leur matière première, laquelle se trouvait beaucoup moins chère à l’époque à laquelle ils ont acheté celle qui est entrée dans leurs fabricats, et cela parce qu’alors il y avait abondance de matière première et qu’à l’époque de la vente obligée de leurs fabricats il y a rareté de matière première et abondance de fabricats. Mais je n’ai pas même besoin de me défendre de cette manière, car bien certainement les comparaisons faites par M. Dubus auront été démontrées pécher par leur base, dès que je lui aurai fait remarquer qu’il a comparé entre eux des chiffres qui ne le pouvaient pas être puisqu’ils sont les résultats moyens d’un grand nombre d’années. C’est même précisément là le motif pour lequel, tout en ayant la bonne foi de faire connaître à la chambre tous les documents que m’avait transmis le ministère, même ceux dont l’exactitude au reste ne m’était pas démontrée, je n’ai tiré aucune considération de ce tableau litt. F, parce que les éléments à l’aide desquels on était parvenu à ces chiffres moyens, ne m’étant pas connus, je ne pouvais asseoir aucune opinion sur leur valeur réelle et sur les conséquences à en tirer.

Voici du reste comment M. Dubus aurait dû raisonner s’il avait voulu arriver à quelque chose de fondé, s’il avait voulu examiner réellement si l’assertion émise par nous et qu’il a voulu combattre, était vraie. Cette assertion consistait à dire que la législation actuelle était favorable aux consommateurs les plus nombreux et les moins aisés qui consomment exclusivement les sucres communs.

Eh bien, de 1826 à 1828, les cassonades se sont vendues à la consommation de 24 à 29 fl. courants, et en 1837 seulement de 18 à 21 fl. Les sirops se sont vendus, de 1826 à 1828, 43 à 48 escalins, et en 1837 on les vend 22 à 25 escalins seulement. Et cependant, remarquez-le bien, messieurs, les sucres bruts sont aujourd’hui plus chers que de 1826 à 1828. N’est-ce pas là, je vous le demande, la preuve la plus évidente de la vérité de ce que nous avons dit à cet égard ?

L’honorable M. Metz qui vient de parler immédiatement avant moi, vous a présenté un long historique de ce qui s’est passé en Angleterre et en France, et il a prétendu que nous ne pouvions mieux faire que d’imiter les législatures de ces peuples. Messieurs, il aurait pu se dispenser de faire ce long historique s’il avait réfléchi à ce que c’est, précisément parce que le système colonial et commercial de ces peuples les obligeait à ne pas pouvoir faire comme nous, que nous avions pu réussir, à l’aide d’une législation différente sur le sucre, à leur enlever une grande partie de leurs débouchés extérieurs habituels, non seulement en sucres raffinés, mais en divers autres produits de notre pays.

En France, a-t-il dit, on a augmenté considérablement le rendement, et cependant les exportations ont successivement augmenté de 1 million ; elles sont arrivées à 5 millions. Si l’honorable membre avait lu un peu plus attentivement et entièrement les documents que je lui ai communiqués sur ce qui s’est passé en France, il n’aurait pas passé sous silence qu’immédiatement avant d’être réduites à un million, ces exportations avaient été de 19 millions, et que c’est précisément l’augmentation de la proportion du rendement qui en a réduit immédiatement aussi, et tout à coup, le chiffre à 1/19 de ce qu’il était auparavant. Depuis, les exportations françaises se sont quelque peu relevées, parce qu’apparemment la crise est souvent en pareille matière plus forte au commencement, et qu’on se sera efforcé de trouver quelques débouchés nouveaux ; mais tous les efforts que l’on a faits pendant plusieurs années, n’ont pu faire arriver encore qu’au quart de ce que ces exportations étaient avant l’augmentation du rendement. C’est donc là la meilleure preuve, peut-être, de ce que notre opinion est vraie, de ce que si nous avions le malheur d’augmenter le rendement d’une manière sensible, nous tuerions à l’instant même nos exportations de sucres raffinés et avec elles tout notre commerce maritime.

Cet honorable membre a été jusqu’à vouloir nous provoquer à imiter le gouvernement des Pays-Bas lui-même. Voyez, a-t-il dit, ce gouvernement n’a-t-il pas été tellement pénétré des bénéfices illicites que procurait à nos raffineurs le rendement trop peu élevé de la loi de 1822 ? N’a-t-il pas, en 1829, majoré le droit de 40 p. c. ?

Je regrette vivement, par deux motifs, que l’honorable ministre des finances ne soit pas présent à la séance ; d’abord, parce que je suis fâché d’apprendre qu’il est indisposé, et ensuite parce qu’il aurait sans doute répondu à l’instant même à l’honorable M. Metz comme il a répondu à la commission, lorsqu’elle lui a fait connaître qu’elle avait cru devoir majorer de 3 fr. seulement le chiffre du droit d’accise actuel qui est de 37 fr. 2 c., principal et additionnels compris. Il me suffira, du reste, quant à moi, de vous rappeler, messieurs, que ce ministre a déclaré s’opposer à cette majoration, parce que dès que le rendement n’était pas fortement majoré, il résulterait de cette majoration du droit encore plus d’avantages pour les raffineurs contre le trésor. Ainsi, vous le voyez, par la majoration de 40 p. c. de 1829, on a, selon M. le ministre des finances lui-même, augmenté encore la somme des avantages que les raffineurs retiraient du rendement, puisque même on a proposé en outre de diminuer encore le rendement jusqu’à 53.

M. Dubus a encore vu que le rendement légal actuel était trop élevé, dans les nombreuses transcriptions qui, d’après ce qu’il dit, se vendraient à la bourse jusqu’à 30 p. c. de prime. Je suis fâché de devoir le dire, il a encore fait ici une exception à sa logique accoutumée. Car si nos raffineurs peuvent vendre beaucoup de leurs dettes, si après raffinage et vente de leurs sucres pris en charge, ils doivent encore beaucoup au trésor, c’est qu’apparemment le rendement en candis, pains et lumps, à l’aide duquel ils peuvent se décharger de leurs dettes, n’est pas cependant aussi élevé que le prétendent nos adversaires.

Mais puisqu’absolument il faut répéter ce que l’on a déjà expliqué bien des fois, puisqu’on paraît ne point encore comprendre de quel effet sont les transcriptions non accompagnées de la marchandise, que la commission propose d’interdire en ajoutant en outre dans son projet de loi que celles seulement tolérées ne seront en outre permises qu’à la condition que la marchandise soit placée sous la clef de l’administration jusqu’à son exportation, je vais renouveler mes explications à cet égard.

Un négociant fraudeur va trouver en raffineur et lui achète le restant de sa dette envers le trésor, qui est par exemple de 100,000 francs. Pour obtenir cette dette il accorde une prime, dont peu importe son élévation pour les conséquences que nous avons à en tirer en faveur du projet de loi que nous avons soumis à la chambre. Supposons donc cette prime de 10 p. c., c’est 90,000 fr. que le raffineur doit payer au négociant. Car ici, c’est le vendeur qui paie. Moyennant ces 90 000 fr. qu’il reçoit, le négociant fait transcrire à son propre compte la dette totale de 100,000 fr. du raffineur envers le gouvernement. Après cela il se procure du sucre raffiné qu’il présente à l’exportation, et obtient une décharge proportionnelle à la quantité. Supposons-là de 10,000 fr. Il fait ensuite rentrer ce même sucre dans le pays en fraude, l’exporte de nouveau et obtient de nouveau aussi une décharge de 10,000 fr., et ainsi successivement jusqu’à ce qu’il ait entièrement apuré la dette de 100,000 fr. Voilà donc 100,000 fr. qu’il enlève au trésor sans autres frais que ceux de la prime qu’il paie et ce qu’il paie en outre pour fraude et transports.

Voilà, messieurs, un grand abus, un abus que nous regardons avec raison comme l’une des principales causes de la diminution des recettes du trésor, et qu’aussi nous vous proposons formellement de réformer, parce que contrairement à la majoration du rendement, qui d’après nous agirait en grande diminution, cette réforme doit sensiblement augmenter les recettes du trésor.

Il se passe ici réellement, messieurs, quelque chose d’étrange ; nous vous prouvons que le rendement n’est pas la cause de la diminution des recettes du trésor, nous le prouvons en démontrant que leurs propres intérêts obligent nos raffineurs à travailler des sucres à rendements inférieurs à celui de la loi ; nous le prouvons parce que, s’il en était ainsi, les recettes en 1831 n’auraient pas diminué de moitié, parce qu’il serait réellement étonnant qu’en 1836 et en 1837, alors que le sucre de betterave nous était apparu dès 1835, nos raffineurs auraient trouvé précisément à point nommé pour soutenir cette concurrence, et lorsque nos exportations venaient d’être amoindries, le secret d’obtenir un rendement plus fort en candis, pains et lumps exportables à haute décharge, une proportion de rendement telle que tous les droits dus par eux se trouvassent déchargés ; nous le prouvons, parce que nous indiquons pour causes de la diminution des recettes et que nous démontrons que ces causes sont réelles et fortes :

1° L’invasion du sucre de betterave ;

2° Les transcriptions non accompagnées de la marchandise ;

3° L’introduction frauduleuse toujours croissante des sucres raffinés étrangers ;

4° Quelques dispositions mal conçues dans la loi de 1822, en ce qui concerne la définition des qualités de sucre ayant droit à la décharge, etc.

Nous vous proposons de remédier aux trois dernières causes, et nous voulons bien laisser de côté encore l’invasion effrayante du sucre de betterave, quoique tout le monde reconnaisse cependant que cette cause est réelle. Nos honorables adversaires le reconnaissent eux-mêmes, et cependant c’est à toutes forces à l’aide d’un rendement légal fixé à un taux tel qu’il tuera le raffinage de ce sucre, que l’on veut qu’il soit suppléé au déficit des recettes du trésor.

Aussi nous le déclarons ici à l’avance, si contre notre attente il arrivait que la chambre augmentât trop fortement la proportion du rendement, nous serions obligés, malgré tout le désir que nous avons de ne pas arriver à cette extrémité, de proposer à l’instant même un amendement pour imposer le sucre de betterave. Et nous verrons alors si tous ceux qui aujourd’hui soutiennent que le sucre est éminemment imposable, si tous ceux qui prétendent ne voir ici, ne soutenir ici que le trésor, persisteront alors dans leur opinion.

Les raffineurs d’Anvers et de Gand sont unanimes pour vous demander l’abolition du droit d’accise, et vous prouvent par là que tout ce que l’on a dit sur les avantages qui résulteraient pour eux du rendement, est entièrement dénué de fondement. Eh bien, c’est égal ; on prétend encore que c’est le rendement qu’il faut élever pour suppléer aux recettes de trésor.

Plusieurs de mes honorables adversaires ont été jusqu’à me dire, en particulier il est vrai, que les raffineries de sucre jouissent d’une protection de 72 francs à l’entrée, et que par conséquent il faut bien qu’elles paient en retour au trésor des sommes plus fortes qu’elles ne paient.

Quoique nous vous ayons prouvé qu’elles paient par accise, soit au trésor, soit aux négociants fraudeurs, de très fortes sommes, et qu’elles paient au trésor encore plus indirectement que directement ; eh bien, soit, réduisez le droit de 72 fr. à 30, à 25 si vous le voulez ; ce ne seront pas les raffineurs de sucre exotique qui feront entendre les plus hauts cris contre une pareille mesure, je crois même qu’ils y accéderaient volontiers.

Mais non, messieurs, qu’on le dise franchement, c’est le sucre exotique que l’on veut à toutes forces expulser. Mais qu’on y prenne garde, ainsi que je l’ai déjà dit : car, expulsant ce sucre, que fera-t-on ? Les sucreries de betterave auront perdu leur principal appui, et vous aurez jeté dans les mains de la Hollande le restant, les débris de notre marine marchande, et une foule de débouchés extérieurs pour notre industrie générale. Quant à moi, je refuserai toujours mon vote à un pareil oubli des devoirs que nous avons à remplir ici envers la nation.

M. Dubus (aîné). - Messieurs l’honorable orateur que vous venez d’entendre, s’est plaint de ce que la chambre lui aurait refusé hier la parole. La chambre ayant jugé que la discussion avait jeté assez de lumières sur la question de savoir s’il y avait lieu d’augmenter le rendement, oui ou non, a voulu passer aux voix sur ce point. C’était à la vérité refuser la parole à l’honorable membre, mais c’était la refuser aussi à tous les autres membres qui auraient voulu continuer la discussion sur la question que l’on considérait comme suffisamment éclaircie. Je ne vois donc pas qu’à cet égard l’honorable préopinant ait à se plaindre.

A l’occasion de cette plainte, l’honorable membre a fait allusion au rapporteur du budget de l’intérieur pour 1833 ; ce rapporteur, c’est moi ; en conséquence, j’avais à prendre la parole pour un fait personnel.

L’honorable préopinant a donné à entendre que ce rapporteur avait été, dans la session de 1833, l’objet d’attaques assez vives, et il a attribué à ces attaques le fait que le même député aurait depuis lors décliné les fonctions de rapporteur du même budget. Je dois rappeler à l’honorable membre ainsi qu’à la chambre qu’il y a dans cette insinuation une erreur de fait, car le rapporteur du budget de l’intérieur pour 1833 a été rapporteur du même budget pour l’année suivante ; quelques-uns de vous se souviendront sans doute que, dans le cours même de la discussion, une indisposition assez grave l’a empêché de continuer l’exercice de ces fonctions.

M. Desmaisières. - Soit, je n’ai commis qu’une erreur de date.

M. Dubus (aîné). - Ce n’est donc pas à cause d’attaques dont le rapporteur aurait été l’objet qu’il a cessé de remplir ces fonctions, mais bien pour raison de santé ; et depuis lors sa santé n’a pas été telle qu’il ait pu et qu’il puisse travailler autant qu’il le voudrait. En cela surtout, il faut prendre le possible pour limite.

Maintenant, je répliquerai quelques mots aux réponses que l’honorable préopinant m’a faites ; je crois qu’il me sera facile de faire voir qu’il n’a nullement affaibli les inductions que j’ai tirées hier de différents faits.

Et d’abord, messieurs, quant à la question de rendement, j’ai combattu le système de la commission, consistant à prendre une moyenne entre les rendements de diverses qualités de sucres bruts, et prendre en outre une moyenne entre les résultats, très incertains d’ailleurs, du travail des raffineurs de Gand et de ceux d’Anvers : sur cela l’on soutient que la commission n’a pas été aussi loin qu’elle aurait dû aller, et que, puisqu’il y a 21 raffineurs seulement Gand et 47 à Anvers, on aurait dû faire entrer dans le calcul de la moyenne le résultat obtenu à Anvers pour une proportion double. Je dirai d’abord que je ne pense pas que les résultats donnés comme ceux du travail des raffineurs de Gand et de ceux d’Anvers soient exactes ; mais les supposât-on exacts, je maintiens qu’il fallait avoir égard au rendement le plus considérable. Vous allez en avoir la conviction.

Je suppose que dix raffineurs seulement travaillent pour l’exportation dans notre système de drawback, et que vingt travaillent pour la consommation intérieure. Les raffineurs qui travaillent pour l’exportation chercheront, non à obtenir le produit le plus considérable en diverses espèces de sucre qui peuvent alimenter avantageusement la consommation intérieure, y compris la cassonade ; mais à convertir, autant que possible, le tout en sucre raffiné. Or, ce sont précisément ceux-là qui reçoivent le drawback, et vous ne voulez pas que ce soit le travail de ces raffineurs que nous prenions en considération !

Il y a plus. Je suppose que sur 30 raffineurs qui travaillent pour l’exportation, dix obtiennent, par des procédés plus perfectionnés, un rendement beaucoup plus considérable que les vingt autres ; avec le temps ils absorberont toute l’exportation, puisque le drawback leur présente un avantage beaucoup plus grand qu’aux autres ; ce sont ceux qui ouvriront la porte à l’affaiblissement, il y a plus, à l’absorption totale du produit de l’impôt. Car n’y eût-il que le tiers des raffineurs qui en eût trouvé le moyen, le moyen, étant trouvé, sera employé jusqu’à épuisement de la caisse du trésor. Cela me paraît évident.

Ainsi, il est très vrai que lorsqu’il s’agit de calculer la restitution à faire pour l’exportation, l’on doit considérer ce qui est possible, et non pas prendre une moyenne entre le travail de celui qui emploie le meilleur procédé, et le travail de celui qui conserve le procédé le plus imparfait, le plus suranné. Je suis donc convaincu que dans l’état actuel il ne fallait pas prendre de moyenne, et qu’il fallait prendre en considération le chiffre du rendement le plus élevé.

Messieurs j’ai tiré des conséquences de la comparaison des prix des sucres bruts, des raffinés, soit en entrepôt, soit en consommation, et des sucres vergeois, le tout d’après les tableaux imprimés à la suite du rapport de la commission ; je ne les reproduirai pas, je crois qu’elles sont encore suffisamment présentes à vos esprits ; mais je rencontre à l’instant la réponse de l’honorable préopinant ; selon lui, les tableaux ne prouvent rien, parce que ce sont des moyennes prises sur huit à neuf années. Je viens de vérifier qu’en effet les prix sont indiqués comme étant ceux des années 1828 à 1836, mais je n’admets pas la conséquence qu’en tire l’honorable préopinant, savoir que ces prix ne signifient rien, parce que ce sont des moyennes ; je m’étonne que maintenant on ne veuille plus de moyennes.

Puisque de 1828 à 1836, l’impôt a été le même ; puisque le drawback pendant le même intervalle a été aussi le même ; puisqu’il y a un rapport, toujours le même, entre l’impôt qui a été pris en charge à l’importation et la somme restituée à l’exportation, puisque le rapport doit demeurer le même aussi entre le prix des sucres bruts importés et celui des différentes espèces de sucres obtenus par le raffinage ; et parmi ceux-ci entre le prix des sucres livrés à la consommation de l’intérieur et le prix des sucres vendus pour l’exportation, il me paraît que nous trouvons une base bien plus sûre de calcul dans une moyenne prise relativement à huit années que dans les chiffres présentés pour une seule année. Car le calcul fait sur la comparaison des chiffres d’une seule année pourrait partir d’une fausse base si comme cela peut arriver, quelque circonstance extraordinaire ou particulière avait influé sur l’un ou l’autre de ces chiffres ; et c’est précisément pour cela qu’on prend alors une moyenne sur plusieurs années, de sorte qu’il me semble que l’honorable préopinant devrait tenir pour contraire qu’un argument appuyé sur des chiffres qui sont une moyenne sur huit années, avait beaucoup plus de force que si nous n’avions pris pour base de notre argumentation que les chiffres d’une seule année, que le rapport d’une seule année entre le prix de la matière première et le prix auquel l’objet fabriqué est vendu, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ; or, c’est précisément du rapport de ces différents prix en moyenne pendant 8 à 9 années, sous l’empire de la loi actuelle, que j’ai tiré la conséquence évidente que le consommateur belge paie amplement l’impôt de consommation dont est frappé le sucre en Belgique, tandis que l’étranger ne paie guère que la matière première.

L’honorable préopinant a prétendu croire que j’avais tiré une très fausse conséquence de l’usage que l’on a fait de la faculté des transferts, des ventes à prime dont j’ai parlé, et qui se font à la bourse ; il a trouvé que j’aurais dû tirer de ce fait une conséquence tout opposée à celle que j’en avais déduite. Car, dit-il, si un raffineur trouve à vendre une faculté de transfert, c’est donc qu’il n’obtient pas de sa matière première un rendement suffisant pour absorber tout l’impôt pris en charge ; car sans cela il ne lui resterait rien à transférer.

Cela serait vrai, messieurs, si c’était le raffineur qui exporte, qui vendît ; mais tout le monde sait fort bien qu’il y a des raffineurs qui travaillent pour l’exportation et d’autres qui travaillent uniquement pour la consommation intérieure. Or, ce sont ceux-ci qui vendent leur droit d’exporter : pour qu’ils puissent vendre, ils doivent trouver des acheteurs ; or, ils ne peuvent trouver pour acheteur qu’un raffineur qui a déjà obtenu un rendement supérieur à 55 p. c.

Ainsi, vous le voyez, c’est l’honorable préopinant qui tire une fausse conséquence du fait qu’il vient de rappeler. Il est clair que, puisqu’il se trouve des raffineurs qui achètent ces facultés d’exporter, c’est qu’ils ont obtenu un rendement supérieur à 55 ; sans cela, ils n’auraient pas besoin d’acheter, puisqu’ils n’auraient point de sucre à exporter.

J’entends dire près de moi que ce sont des négociants qui achètent ; soit, mais ces négociants, s’ils ne raffinent pas, doivent avoir acheté à un raffineur, et la conséquence devient la même. D’ailleurs, tout le monde sait (et je pourrais citer des noms propres) qu’il y a des raffineurs qui ne travaillent que pour la consommation intérieure ; tout le monde sait aussi qu’il y a des raffineurs qui achètent des facultés d’exporter ; on sait encore qu’il y a des raffineurs qui obtiennent 86 p. c. en lumps ; je demande comment ceux-là pourraient exporter ces 86 p. c. sans acheter ?

L’honorable préopinant a signalé comme principale cause de la disparition des recettes l’invasion du sucre de betterave ; il prétend que dès l’année 1835 on fabriquait une quantité énorme sans doute de ce sucre. Mais, messieurs, il y a un chiffre qui répond victorieusement à ses assertions. Rappelez-vous, messieurs, que l’exportation avec prime ne peut avoir lieu qu’en proportion, non seulement de la consommation intérieure, mais de ce que les raffineurs de sucre exotique peuvent livrer à cette consommation ; puisque tout le monde convient que, sur 100 kilog. de sucre, on obtient 95 kilog. de sucre de diverses espèces, il est évident qu’on ne peut exporter 55 kilog. qu’en livrant 40 kilog. à la consommation intérieure. J’entends que l’on me conteste ce chiffre ; mais supposez, si vous voulez, que sur 100 kilog. d’importation de sucre brut soumis par lui au raffinage et après exportation de 55 kilog. de raffinés, il ne lui reste à livrer à la consommation intérieure que 30 ou même que 20 kilog., par exemple ; l’argument sera toujours le même, et il restera toujours évident que l’exportation avec prime ne peut avoir lieu qu’en proportion de la quantité livrée à la consommation intérieure par les raffineurs de sucre exotique.

Eh bien, messieurs, l’exportation avec prime a été plus forte en 1836 qu’en 1835, et par conséquent les raffineurs de sucre exotique ont livré une plus grande quantité de sucre à la consommation intérieure en 1836 qu’en 1835

Je le demande, messieurs, que signifie, après cela, cette prétendue invasion du sucre de betterave, qui aurait amené la disparition des recettes ? Du reste, messieurs, ce n’est qu’à la fin de 1836, comme je l’ai dit hier, que les fabriques de sucre de betterave ont commencé à travailler, et qu’elles ont produit du sucre brut qui n’a pu être livré au raffinage qu’en 1837. Il est donc évident, messieurs, qu’en 1836 le sucre de betterave n’est entré pour rien dans la consommation intérieure.

Je crois, messieurs, avoir répondu suffisamment à la réfutation de l’honorable préopinant. Il me reste quelque chose à dire sur les chiffres que j’ai proposés pour drawback.

Pour établir ces chiffres, je me suis basé tout à la fois et sur le calcul du rendement qui sert de règle à la restitution en France, et sur celui qui sert de règle à la restitution en Hollande. Je vous ai rappelé qu’en Hollande la restitution a lieu sur le calcul d’un rendement de 61 1/3 pour les sucres raffinés fins et 64 1/4 pour les sucres lumps.

J’entends dire que c’est une erreur. Mais j’ai puisé mes chiffres dans le rapport de la commission que personne n’a combattu sur ce point.

Je lis cela au bas de la page 14. En Hollande, le droit est de 13 fl. 50 et la restitution est de 22 florins pour les sucres fins et de 21 pour les lumps. M. le rapporteur a fait observer en note que la restitution de 22 florins (le droit étant de 13 fl. 50) était calculée sur un rendement de 61 26/100 et la restitution de 21 fl. sur un rendement de 64 28/100. J’ai vérifié les calculs et je les trouvés exacts.

Il m’a été démontré que ce chiffre était insuffisant par le rapport de la commission elle-même dont j’ai lu hier le passage à la chambre. Je puis aussi me prévaloir de l’opinion d’un honorable membre qui, je crois, connaît parfaitement la question, et qui est à même d’ailleurs de puiser ses renseignements à très bonne source. Voici comment cet honorable membre s’expliquait dans la séance du 19 décembre :

« En effet, si nous abaissons le drawback d’une manière sensible, nous livrons tous les marchés, où nous exportons aujourd’hui, aux Hollandais et aux Anglais, parce que nous mettons nos producteurs dans une position trop désavantageuse pour pouvoir concourir avec leurs rivaux. Mais si nous n’abaissons le drawback que faiblement, nous n’aurons rien fait non plus pour le trésor. La Hollande a aussi, dans des vues financières, apporté un jour des modifications au drawback des sucres ; mais l’activité des producteurs a bientôt augmenté à un point tel, qu’ils ont infailliblement absorbé toute la somme que le gouvernement croyait voir entrer dans ses caisses ; et voilà ce qui arriverait chez nous aussi si le gouvernement belge tombait dans la même erreur. »

Messieurs, j’ai mis à profit cet avertissement que vous a donné M. Hye-Hoys à la séance du 19 décembre.

Il a fait remarquer qu’en Hollande on a pris une mesure insuffisante, et que la même chose arriverait chez nous si nous prenions la même mesure que la Hollande. Cela a été un motif de plus pour moi de proposer un chiffre plus élevé que le chiffre hollandais.

J’ai pris en considération le chiffre français. On l’a présenté comme ayant porté dommage à l’industrie d’exportation ; on a dit que cela l’avait tuée. J’ai trouvé dans un rapport qui nous a été distribué par les soins de nos adversaires et qui a été fait en France en mai 1837, que, sous l’empire de cette nouvelle loi, on exporte encore, et qu’il y a eu même une augmentation notable de l’année 1835 à l’année 1836. Cependant ce chiffre n’est pas considérable pour la France, puisqu’il s’élève à six millions et demi de kilogrammes. Eh bien, j’ai proposé un chiffre intermédiaire entre le chiffre de la loi hollandaise et celui de la loi française, une mesure qui se rapproche plus du chiffre hollandais que du chiffre français.

Certains honorables membres croient que ce chiffre sera insuffisant. J’avoue que je conserve des doutes à cet égard ; mais j’ai été retenu par la crainte de dépasser le but en voulant l’approcher de trop près. Il me semble qu’à tout prendre, il vaut mieux la mesure modérée que je propose, parce que si elle nous laisse trop loin du but que nous nous proposons, nous pourrons y arriver après une nouvelle expérience d’une année ; c’est pour cela que j’ai proposé une mesure modérée, car, messieurs, en âme et conscience, je la trouve modérée, et je suis convaincu d’une chose, c’est qu’elle ne pourra pas faire de mal.

M. F. de Mérode. - Elle ne produira rien.

M. Dubus (aîné). - Je répète que je doute si le trésor recevra grand-chose, même avec ce chiffre. Mais je veux avant tout être certain de ne pas dépasser le but. Je viens de dire que cette mesure ne peut pas faire de mal. En effet, ou bien de cette mesure jointe aux autres modifications proposées, sans lesquelles elle serait illusoire, notamment la définition des lumps proposée par le ministre des finances, il résultera que les exportations se restreindront, et dans ce cas le trésor recevra quelque chose. Et si elle amène le résultat que craignait M. Hye-Hoys, si l’activité des raffineurs de sucre exotique augmente à tel point et que leurs exportations prennent un tel accroissement que le trésor n’en tire rien, alors cet accroissement même d’activité et d’exportations serait un bien qui devrait faire adopter cette proposition par nos adversaires, puisqu’elle serait dans leur sens. Et véritablement on ne pourra arriver à absorber encore tout le produit de l’impôt qu’en exportant et en important beaucoup plus, puisque sur 100 kilog. de sucres bruts pris en charge, il faudra en exporter 60 et 70 au lieu de 55 seulement. Ce n’est donc que par des exportations et des importations plus fortes, qu’on sera arrivé au point de mettre le trésor dans la même situation. Les honorables membres qui ont à cœur de favoriser l’importation et l’exportation des sucres exotiques rempliront leur but en prenant cette mesure.

Après ces observations et celles que j’ai présentées hier, je crois avoir suffisamment justifié mon amendement.

(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837) M. le président. - Voici la nouvelle rédaction de l’amendement de M. Dumortier :

« J’ai l’honneur de proposer de fixer le rendement comme suit :

« 1° Sur les sucres raffinés désignés au litt. A par le ministre des finances, 75 p. c. ;

« 2° Sur les sucres désignés au litt. B par le ministre des finances, 78 p. c. ;

« 3° Sur les sucres désignés au litt. D par le ministre des finances, 90 p. c. »

M. Dumortier. - Les chiffres que j’ai présentés sont ceux de la loi française.

Le chiffre que je propose pour les sucres mélis est le même que j’ai proposé l’an dernier. J’ai réduit à 78 le rendement des lumps. J’ai ajouté une catégorie à 90 ; c’est la catégorie D indiquée par M. le ministre des finances.

M. Rogier. - Si vous adoptez la législation française, vous imposez donc la betterave.

M. Dumortier. - Il ne s’agit pas maintenant de cela. Je m’en tiens à l’objet de la loi qui est un impôt sur les sucres.

Le motif pour lequel je persiste dans mon amendement et pour lequel je ne puis me rallier à celui de mon honorable ami, c’est que je ne vois pas qu’avec cet amendement le trésor soit assuré de recevoir l’impôt dont on a voulu frapper les sucres, impôt qui a été établi pour fournir des fonds au trésor public et non pour favoriser l’étranger ou des industries particulières. Mon honorable ami en doute lui-même : ce qui me fait penser qu’avec cet amendement l’impôt ne rapportera rien au trésor, c’est que, en Hollande où le taux du rendement est plus élevé que celui que présente mon honorable ami, les droits ne rapportent presque rien au trésor.

Vous avez vu dans la discussion aux états-généraux que plusieurs membres se sont plaints de ce que l’impôt sur les sucres ne rapporte rien au trésor ; le ministre des finances a répondu que cela était vrai, mais qu’on ne pouvait modifier cette législation aussi longtemps que la Belgique conserverait sa législation sur les sucres.

Il résulte de là cette vérité que le rendement existant en Hollande, et qui est plus élevé que celui que propose mon honorable ami, ne rapporte presque rien ; d’où l’on doit conclure que toute chose étant égale, il en sera de même en Belgique, et par conséquent que le trésor ne recevrait presque rien. Si vous adoptiez l’amendement de mon honorable ami, je demanderai que l’on y ajoutât l’amendement de l’honorable M. Liedts pour assurer 10 p. c. au trésor, sans cela le trésor ne recevrait rien.

J’arrive maintenant à ma proposition.

Il est une vérité démontrée quoiqu’on ait voulu longtemps la dissimuler, c’est que le sucre étranger arrivant dans nos ports donne un produit de 95 p. c. de matières sucrées ; ces matières sucrées étant clarifiées, du sucre mélis, du sucre candi, du sucre lumps, de la cassonade ou du sirop. Il me paraît que dès l’instant que le taux du rendement s’élève à 95 pour cent, nous ne pouvons être taxés d’injustice, car l’on ne doit donner de restitution à l’exportation que pour une somme équivalente à ce qui est exporté. J’admets sur ce rendement de 95 une réduction de 20 p. c. pour le sucre métis et une réduction de 18 p. c. pour le sucre lumps ; je ne crois donc pas qu’on puisse se refuser à admettre mon amendement, si l’on veut que le trésor reçoive quelque chose.

Un honorable préopinant a dit qu’il ne disconvenait pas que dans le sucre des colonies il y avait un rendement de 95 p. c. ; mais comment concilier cette assertion de ce préopinant avec la demande qu’il fait de la décharge des droits pour une exportation de 55 p. c. en sucre mélis ? Il vous restera ainsi 40 p. c. en cassonade, sucre candi, sucre lumps ou autres marchandises qui doivent nécessairement le droit ; car le droit doit être payé sur les quantités du même sucre consommées dans le pays sous quelque forme que ce soit. Il doit en être ainsi puisque les raffineurs font payer au consommateur le prix de la cassonade, plus le montant de l’impôt. Vous devez donc admettre mon amendement ; j’ai la confiance qu’il aura l’assentiment de l’assemblée ; je crois en avoir dit assez pour le justifier.

M. Verdussen. - Lorsque j’ai vu le vote d’hier, je me suis prédit ce qui arrive, à savoir qu’on aurait fait une discussion générale sur le rendement ; car si aujourd’hui on m’appelait à m’expliquer sur un rendement quelconque, je ne saurais rien vous répondre, parce qu’il est impossible de se faire une idée du rendement sans connaître le système que l’on veut adopter.

Je voulais faire une interpellation à M. le ministre des finances ; j’ai appris avec regret qu’il est retenu chez lui par une indisposition. M. le président, en nous faisant connaître cette fâcheuse nouvelle, nous a dit que M. le ministre de la justice viendrait à la chambre pour donner les explications qui seraient réclamées. Je demanderai donc si le ministre compte maintenir son système d’après lequel il ne serait apporté aucun changement au rendement actuel.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, M. le ministre des finances m’a prié de déclarer à la chambre qu’il considère toujours le système qu’il a présenté comme le meilleur, et qu’il pense que la simple augmentation du rendement que la chambre a adoptée ne produira pas pour le trésor public l’effet qu’on en attend.

M. Verdussen. - D’après la déclaration de M. le ministre je dois demander que la chambre vote sur le système, car dans l’incertitude de savoir s’il faut une augmentation de 2, de 4, de 6 ou de 20 p. c. il faut connaître à quoi cette augmentation de rendement sera appliquée.

Il est possible même qu’il ne soit plus question de rendement aujourd’hui, car je ne pense pas qu’il soit entré dans la pensée de la chambre, en votant sur un article qu’elle n’a pas discuté, de rayer tout le système de l’honorable M. Rogier sous-amendé par l’honorable M. Dubus aîné. Là il n’est plus question de rendement ; donc toute la discussion d’aujourd’hui qui a duré plus de 2 heures sera inutile si ce système doit prévaloir ; donc il est nécessaire, pour ne pas perdre de temps, de savoir quel système sera adopté. Si ce doit être le système qui consiste à frapper le sucre brut d’un droit plus élevé qui assure au trésor une somme donnée non restituable, alors il n’y aura plus de rendement et toute la législation actuelle sur les sucres sera anéantie. Si au contraire nous admettons le maintien du rendement avec le système du ministre des finances, la discussion sur l’augmentation du rendement sera inutile ; car on ne peut séparer l’opinion du ministre, quant au maintien du rendement, de son opinion quant à une certaine somme de la prise en charge par le trésor en acquit du rendement, car je ne parle pas de cette faible augmentation de rendement que propose le ministre.

Je demande donc que la chambre se prononce sur le système qu’elle entend adopter avant que je m’explique sur le rendement proprement dit.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demande que la chambre n’émette pas aujourd’hui un vote sur l’un ou l’autre système, mais que la discussion continue. M. le ministre des finances pourra assister à la première séance ; il aura là le compte-rendu de la discussion dans le Moniteur, peut-être émettra-t-il une opinion différente de celle que va soutenir l’honorable M. Verdussen, en examinant l’un ou l’autre système.

M. Verdussen. - Je commencerai par supposer qu’on adoptera un système auquel s’applique le rendement.

On a beaucoup parle de rendement ; je doute qu’on sache ce que c’est. (Rires dans une partie de l’assemblée.)

Le rendement, c’est ce que peut rendre le sucre brut. Si on veut savoir ce que peut rendre un quintal de sucre brut, il faut s’entendre sur la signification de ce mot.

Je vous déclare que les orateurs que vous venez d’entendre, MM. Metz et Dubus aîné, m’ont prouvé qu’ils sont dans l’ignorance la plus complète de ce que c’est que le rendement.

Voici comment l’honorable M. Metz a justifié l’augmentation de rendement proposée par l’honorable M. Dubus aine. Il vous dit : « Nos adversaires avouent qu’après avoir exporté 55 kilogr. de sucre raffiné, il reste 40 kilogr., puisqu’il y a (ajoute-t-il très judicieusement) 5 p. c. de déchet sur un quintal de sucre brut après la clarification. » Comme il l’a dit dans un de ses premiers discours, « 100 kilogr. ne donnent que 95 kilogr. de matières sucrées. 55 kilogr. sont exportés, donc 40 kilogr. restent pour la consommation du pays ; ainsi (dit l’honorable membre), voilà 40 kilogr. de matières sucrées dont vous ferez du sucre candi, du sucre mélis, du sucre lumps, de la cassonade, comme il vous conviendra. Comment, messieurs, comme il nous conviendra ! Alors rien n’est plus simple que de tirer d’un quintal de sucre brut 95 kilogr. de sucre candi. Si nous obtenions de tels produits, nous serions bientôt riches, il ne faudrait pas nous mêler d’autre chose ; mais malheureusement c’est qu’il n’est pas possible de tirer ce qu’on veut des 40 kilogr. de matières sucrées restants. Comme, après qu’on a extrait de la farine toute la fleur de farine, il ne reste que du son, ainsi il arrive qu’après avoir retiré de 100 kilogr. de sucre brut 55 kilogr. de sucre exporté à haute décharge, il ne reste que 40 kilogr. de matières communes de cassonade et de sirop. La nature a tracé la limite au-delà de laquelle il n’est pas possible d’aller ; ainsi dans ces matières sucrées il y a la mélasse, cette partie du sucre qu’on ne peut amener à l’état de cristallisation quels que soient les moyens qu’on emploie.

Je pense pouvoir faire à cet égard tant soit peu le magister, car dans ma première jeunesse j’ai été à la tête d’une raffinerie de sucre pendant plus de 10 ans ; j’ai vu et travaillé toute espèce de sucres ; il y a 30 ans de cela. Vous ne me croirez peut-être pas, messieurs, je vous le déclare cependant sur l’honneur ; parmi les millions de kilog. de sucre brut sur lesquels j’ai travaillé, je n’ai jamais eu un rendement de sucre fin excédant 55. On nous dit que depuis lors il y a des procédés tels qu’on peut obtenir beaucoup plus qu’on n’obtenait alors.

je crois que jusqu’à un certain point cela peut être vrai, et surtout par rapport à la couleur ; mais la couleur n’ajoute rien au poids. On a remplacé le terrage par un autre procédé qui donne des pains plus blancs, sans donner davantage de sucre fin. Je n’étais donc pas si ridicule, tout à l’heure, quand je disais qu’on ne comprenait pas le mot rendement ; en effet, j’ai entendu prétendre qu’on pouvait faire, des 40 kilogr. qui restent, tout ce qu’on voulait.

J’en viens à l’explication du mot lumps. Selon M. Dubus, ce mot lumps serait magique, et il a dit qu’on pouvait tirer 86 en lumps de 100 kil. de sucre brut. Le mot lumps s’applique à la forme du pain ; tout pain qui dépasse 12 livres anciennes devient lumps. On fait des lumps qui ont jusqu’à deux pieds de haut. On en fait de toutes les dimension. C’était le sucre en forme de lumps qui pouvait entrer en Prusse ; alors les raffineurs, au lieu de travailler en pains de quatre à cinq livres, ont travaillé en grands pains, ou en lumps, mais avec du sucre aussi fin que celui des petits pains.

En Prusse on se trompait quand on croyait que le lumps qu’on lui envoyait était d’un sucre inférieur au sucre des petits pains.

Alors, comment se fait-il que la France et que la Hollande fassent de la différence entre le lumps, le sucre candi et le sucre en forme de petit pain ? C’est parce que, s’il est possible de faire de petits pains avec du sucre fin, on ne peut pas en faire avec du sucre qui ne serait pas très fin.

Le sucre étant évaporé ou bouilli, est jeté dans de petites formes ; il y cristallise ; ce premier produit est ce qu’il y a de plus fin. Le sucre le plus fin cristallise le mieux. Il reste dans les formes à peu près le tiers de ce qu’on y jette.

Les deux tiers qui s’écoutent sont de nouveau mis sur le feu ou évaporés, parce qu’ils contiennent trop d’eau ; on jette ce sucre dans de grandes formes ; il ne cristalliserait pas dans de petites. Moins le sucre est fin et plus il faut le réunir en grandes masses pour qu’il puisse cristalliser. Si, en premier lieu, on n’a pas employé de sucre brut d’une belle qualité, la cristallisation dans les secondes formes est le lumps, parce que ce sont de très grandes formes.

Les lumps ne sont donc pas d’un demi-raffinage ; c’est un sucre qui cristallise, mais qui ne peut cristalliser qu’en certaines masses.

Ce lumps jette aussi un sirop avec lequel on fait, en l’évaporant, des bâtardes, ou des pains de 150 livres. Moins le sucre est fin, et plus la masse doit être considérable pour qu’il prenne la forme cristalline. De ces énormes pains il en découle la mélasse qui n’est plus cristallisable. Ces détails vous prouvent que plusieurs de nos collègues, qui ont parlé avec tant d’assurance, et j’ajouterai, avec tant de talent, étaient cependant loin de la vérité quand ils disaient que les 40 p. c. qui restaient pouvaient faire toutes sortes de sucres.

Aujourd’hui l’honorable M. Dubus nous a parlé des transcriptions ou des transferts, dans lesquels nous trouvons que gît tout le mal pour le trésor ; mais j’ai vu avec regret que l’on ait mis en doute les observations de la commission à cet égard.

Ces transferts consistent en ceci : un raffineur a été pris en charge pour 10,000 fr., il n’a pu exporter que pour 2,000 fr. ; il reste 8,000 dus à l’Etat. Le terme de six mois est près d’expirer, et il faut payer le lendemain. Il trouve un homme qui consent à prendre la dette pour lui, et qui, au lieu de payer 8,000 fr. dit : Je ne paierai que 7,800 fr. ; et il y a transfert. Cet acquéreur de la dette obtient un nouveau crédit de 6 mois, et il fait bénéfice. Il bénéficie non pas pour exporter le sucre qu’il prend chez un raffineur, mais pour exporter le sucre qu’il prend à l’étranger ; et c’est ainsi que par ces transferts le trésor fait d’énormes pertes.

Il va sans dire que le raffineur qui n’a pu acquitter que 2,000 fr., a jeté dans la consommation tout ce qu’il faut de sucre pour qu’à l’entrée ce droit soit de 8,000 fr.

Mais il y a des raffineurs qui prennent pour leur compte ces transferts, et qui par conséquent, après avoir exporté 55, ont encore du sucre exportable. Toutefois, j’ai toujours pensé que les neuf dixièmes des transferts se font par des négociants qui fraudent ou éludent la loi.

Celui qui achète le sucre brut à très bas prix ne peut tirer 55, cela est évident ; il n’en tirera que 40 p. c. Mais vu la modicité du prix qu’il a mis dans l’achat de la matière première, et vu la mélasse qu’il peut avoir en plus grande quantité, et qui n’est pas atteinte par l’accise, il peut se tirer d’affaire.

Remarquez que la mélasse seule ne donnerait pas de bénéfice. Elle se vend 36 fr. les 100 kilog. ; et comme le droit est de 37, le marchand y mettrait du sien en n’opérant que sur cette matière. Vous avez entendu ce que l’on a dit à cet égard : voilà les absurdités dans lesquelles on tombe quand on ne connaît pas le sujet que l’on traite.

Si un raffineur achète du sucre très beau, il en obtient 60, 65 ; et il peut se rattraper sur le haut prix qu’il a mis à son achat.

Si le raffineur fait un mélange de beau sucre brut avec du sucre brut de qualité inférieure, il retire à peu près 55 et pas au-delà.

L’honorable M. Metz en parlant des législations des peuples qui nous environnent, est tombé dans l’erreur. Il a dit qu’au fur et mesure que le talent du raffineur avait grandi, on avait changé la législation ; et il en a tiré la preuve de la comparaison de la législation de 1822 à celle de 1829.

Messieurs, il y a une chose fort étrange : c’est qu’un homme versé dans la jurisprudence, habitué à lire les lois et à les méditer, tombe dans une pareille erreur : s’il avait bien lu la loi de 1822, il aurait vu qu’elle fixait le rendement à 60 p. c. pour les sucres exportables, il aurait vu aussi qu’en 1829 on a réduit le rendement à 55 1/2, et que le gouvernement avait proposé de le fixer à 53, comme l’honorable M. Smits l’a dit dans le premier discours qu’il a prononcé dans cette discussion. M. Metz a cru, lui, trouver le fin mot de l’affaire ; il a dit qu’en 1829 on a augmenté le rendement parce qu’on s’était convaincu que les raffineurs obtenaient beaucoup plus que par les procédés employés en 1822 ; il a dit que par ce motif on avait augmenté le droit de 40 p. c. Il est très vrai, messieurs, que le droit a été augmenté de 40 p. c., mais la restitution a été augmentée dans la même proportion, et par conséquent les choses restaient absolument les mêmes ; ou plutôt le rendement a été diminué puisqu’il a été abaissé de 60 à 55 1/2.

L’honorable M. Dumortier est tombé dans des erreurs graves. Je ne pourrais pas le suivre mot à mot, car il est impossible prendre des notes aussi volumineuses ; je citerai seulement une de ses méprises. Il a dit que le système hollandais élève le rendement plus haut que ne propose de l’élever son honorable ami M. Dubus. Vous n’avez, messieurs, qu’à lire ce qui se trouve dans le rapport de l’honorable M. Desmaisières, d’où il résulte que le rendement est en Hollande de 61 pour le sucre en pain, et de 64 pour les lumps, tandis que l’honorable M. Dubus propose de le porte pour 65 pour les sucres fins en pains et candis, et à 70 pour les lumps.

L’honorable M. Dubus a commis aussi une légère erreur dans les calculs qu’il a établis sur le système français, le chiffre de 63 kilogrammes qu’il a posé ; il aurait dû l’augmenter de 15 centièmes, et au chiffre de 70 kilog. qu’il a établi pour les lumps, il aurait dû ajouter un tiers de kilog. ; les chiffres exacts sont en effet 63 kilog. 15 centièmes et 70 1/3 kilog. Cette erreur est, du reste, assez peu importante.

En résumé, messieurs, il me serait impossible de voter en ce moment sur le rendement, ne sachant pas si le système de M. le ministre des finances sera adopté.

M. Dubus (aîné). L’honorable député d’Anvers vient, messieurs, de signaler une erreur que j’ai commise en présentant le chiffre de la restitution qui existe en France, mis en regard du chiffre du rendement par kil. ; j’ai eu effet négligé une légère fraction, parce que j’ai cru qu’elle était sans importance, car je pense que la chambre n’ira pas fixer la restitution à 38 fr. et 10 ou 15 centimes, à 14 fr. et 7 ou 8 centimes, mais qu’elle négligera les centimes et prendra une somme ronde.

M. Mast de Vries. - Plus nous avançons, messieurs, dans la discussion, plus le but qu’on se propose devient palpable. L’honorable M. Dumortier est venu maintenant proposer le système français ; or, messieurs, à l’aide de ce système, la France n’exporte plus que 4 millions à 4 millions et demi de sucre raffiné, sur une importation de 100 millions de sucre brut ; je demande, messieurs, si ce n’est pas vouloir tuer notre exportation que de proposer un système semblable.

L’honorable M. Dumortier dit qu’en Hollande on n’attend pour modifier la législation sur les sucres que l’introduction de modifications dans la législation belge ; si l’honorable M. Dumortier avait la moindre idée du commerce du sucre exotique, il se serait au moins borné à proposer le système hollandais, qui augmenterait déjà notamment le chiffre du rendement ; dans le cas où nous aurions admis le système hollandais, le ministère de Hollande pourrait alors partir de ce point pour demander aussi une augmentation du rendement ; mais ce ne sont pas des modifications sages que l’on veut : ce qu’on veut à toute force, c’est de détruire les raffineries de sucre exotique. (Réclamations.)

Lorsque l’honorable M. Rogier vous a dit que vous ne proposiez point la loi française en ce qui concerne les betteraves, vous répondez que lorsque l’on proposera des impositions sur cet article, vous verrez ce que vous aurez à faire. Je dis donc avec raison que votre seul but est de détruire les raffineries de sucre exotique.

M. Dumortier. - L’honorable préopinant m’accuse, messieurs, de vouloir détruire les raffineries de sucre exotique, alors que par l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous proposer, elles auront encore une marge de 15 ou 20 p. c. de bénéfice, comme je l’ai démontré.

Il est évident qu’on tire du sucre brut 95 p. c. de matière sucrée, et que toute cette matière doit payer le droit ; mais c’est là un argument que nos adversaires n’ont pas rencontré et qu’ils ne rencontreront jamais, car c’est là qu’est toute la question. Aujourd’hui on fait payer le droit aux consommateurs ; mais ce droit, au lieu de profiter au trésor public, ne profite qu’aux raffineurs.

De deux choses l’une, messieurs, ou bien le système que je propose ne sera pas nuisible aux raffineries de sucre exotique, ou bien le système de l’honorable M. Rogier leur sera cent fois plus fatal ; si cette industrie peut exister avec un droit d’entrée de 4 fr. et sans prime d’exportation, il est absurde de dire que celui qui propose de lui laisser un avantage de 20 p. c. veut la ruiner. Je renvoie à l’honorable préopinant de pareilles accusations.

M. Metz. - Je me garderai bien, messieurs, de prendre pour un fait personnel le reproche d’ignorance de l’honorable M. Verdussen, je regarde cela comme un mouvement de mauvaise humeur.

Vous avez entendu, messieurs, que l’honorable membre vous a dit avoir étudié et pratiqué la matière il y a 30 ans, qu’il était un peu magister dans cette question ; je ferai remarquer à l’honorable M. Verdussen que ce n’est pas le cas de venir dire magister dixit, car il est facile de lui prouver qu’il s’est trompé : il est vrai, messieurs, que passé 30 ans, lorsque l’honorable M. Verdussen exploitait les sucres, le rendement n’était pas plus considérable que 55 p. c. ; il l’était même moins : en 1789, époque, à peu près, dont l’honorable membre veut parler, le rendement n’était évalué qu’à 44 p. c. ; mais par suite du progrès des sciences et du perfectionnement des procédés, il s’est successivement élevé. Si M. Verdussen a quitté la partie depuis 30 ans, il n’a pu être témoin de ces perfectionnements ; mais ce n’est pas une raison pour que les choses n’aient pas changé.

Voici, messieurs, ce que disait un ministre français, qui avait aussi, comme M. Verdussen, fabriqué le sucre, qui avait aussi fait le commerce des sucres :

« Grace aux progrès de la science et aux perfectionnements de l’industrie, nous en sommes arrivés aujourd’hui à pouvoir tirer du quintal jusqu’à 70 kilog. de petits pains ; après cela il reste encore dans le résidu une assez grande quantité de sucre fin, etc. »

Il résulte, messieurs, de tout ce qui a été dit en France par les hommes distingués qui ont illustré la discussion des sucres, que, des sucres Porto-Ricco, Havane, des Indes, qu’on raffine dans ce pays, on peut tirer jusqu’à 80 p. c. de sucre cristallisé.

L’honorable M. Verdussen vient de m’opposer, messieurs, que j’ai dit que lorsqu’on a exporté 55 p. c. et subi un déchet de 5. p. c., il reste encore 40 p. c. dont on peut faire du sucre candi, des lumps, des mélis, tout ce qu’on veut, et il conclut de là que j’ai prétendu que ces 40 p. c. se composaient encore entièrement de sucre cristallisé. J’ai dit qu’on pouvait convertir ces 40 p. c. dans toutes les formes, parce qu’il renferme encore du vergeois, de la cassonade et en définitive du sirop. Voilà, messieurs, comment je me suis expliqué ; M. Verdussen a jugé à propos d’interpréter mes paroles d’une autre manière, afin de donner une certaine couleur à son opinion. Que l’honorable membre consulte les livres qui constatent les progrès des sciences, et il verra que mes observations sont parfaitement exactes.

(Moniteur belge n°359, du 25 décembre 1837) M. Mercier. - Messieurs, je persiste à croire que le système présenté par le gouvernement, abstraction faite de tout chiffre de quotité, est préférable à celui qui est basé sur une augmentation de rendement parce qu’il nous fait arriver à des résultats plus certains, aussi bien sous le rapport du produit nécessaire au trésor public que relativement à son influence sur le commerce du sucre exotique.

Quoi qu’il en soit, puisqu’il s’agit maintenant du rendement, je vais examiner cette question

Dans la deuxième partie du premier discours que j’ai prononcé dans cette enceinte sur la question des sucres, je me suis attaché à démontrer par des faits, par la consommation même du pays, que le rendement moyen des sucres bruts raffinés en Belgique était nécessairement supérieur à celui de 55 1/2 kil. ; j’ai établi en même temps qu’il est impossible de déterminer ce rendement d’une manière précise à cause des différentes circonstances auxquelles il est subordonné, mais que pour obtenir des proportions tant soit peu rationnelles, il fallait adopter des chiffres qui s’éloignassent peu de ceux qui ont été admis dans la législation française.

Voyons quelles seraient les conséquences probables de l’amendement de l’honorable M. Dubus qui fixe à 65 et 70 le rendement légat du sucre raffiné.

Je vais établir mon raisonnement dans deux hypothèses, en supposant d’abord que nos importations resteront aussi considérables que précédemment, et en admettant ensuite qu’elles subiront une diminution.

Le terme moyen des importations de sucre en Belgique ou plutôt des prises en charge aux comptes des négociants ou raffineurs a été de 21,690,500 kil.

Celui de nos exportations de sucre raffiné, de 10,487,800 kil., ce qui en calculant par moitié au taux de 65 et de 70, selon l’amendement de l’honorable M. Dubus, absorberait une prise en charge de 15,469,500 kil.

Il ne resterait donc, sur le terme moyen des prises en charge d’après la moyenne des exercices antérieurs, qu’une quantité de 6,221,000 kil.

Or, en admettant que sur 12 millions de kilog. de sucre qui forme la consommation de la Belgique, le sucre de betterave doit entrer pour la moitié, les six millions de kilog. de sucre indigène remplaceront précisément ce restant de prise en charge provenant d’une moyenne d’années pendant lesquelles on ne faisait presqu’aucun usage de sucre de betterave.

Ainsi dans cette hypothèse le trésor public ne recevrait rien ou n’obtiendrait qu’une ressource insignifiante : alors même qu’on prétendrait qu’il y a exagération dans le chiffre que j’attribue à la production future de sucre indigène et qu’on voulut le réduire à 5,000,000, il ne serait encore perçu qu’environ 300,000 fr. de droits en principal.

En suivant l’hypothèse que nos exportations en sucre raffiné seront diminuées, par exemple, de 2,487,800 kil., il résulte des calculs auxquels je me suis livré que le produit que nous obtiendrions ne s’élèverait encore qu’à une somme d’environ 550,000 fr. en principal, insuffisante pour les besoins du trésor.

J’insiste donc de nouveau pour que la chambre se détermine à donner la préférence au système qui réserve à l’impôt une quotité déterminée de la prise en charge des sucres bruts,

(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1837) M. F. de Mérode. - Messieurs, il me semble qu’il serait difficile d’aller maintenant aux voix, après ce qu’a dit M. le ministre de la justice, au nom de M. le ministre des finances. M. le ministre des finances déclare qu’avec le rendement l’on n’obtiendra rien. Si c’est pour ne rien obtenir, il me paraît assez inutile de voter : je pense donc qu’un vote ne peut être émis en ce moment ; nous devons nécessairement attendre sa présence.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, l’heure de la séance est déjà assez avancée ; un grand nombre d’amendements sont proposés, il est difficile dès lors que toutes les parties de la question soient votées aujourd’hui. D’un autre côté, il serait très avantageux, en ce qui concerne les nouveaux amendements et notamment celui de M. Dumortier, que M. le ministre des finances pût encore prendre une résolution ultérieure sur le système d’augmentation du rendement, système qu’il n’a pas proposé et qu’il serait possible de concilier, sous certains rapports, avec le système que le gouvernement vous avait présenté. Pour ces motifs, je crois, messieurs, qu’il serait convenable de remettre la discussion à la prochaine séance.

M. Gendebien. - Je ne vois pas de motif pour qu’on vote aujourd’hui. Mais je demanderai si le ministre a bien ses apaisements sur la question de savoir si nous serons en nombre mardi pour voter. Je ne pense pas que nous soyons en nombre. Il résultera de cet ajournement que nous n’aurons rien fait, et que le résultat d’une très longue discussion serait réduit à zéro.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, ii n’est pas question de proposer un ajournement ; mais comme j’ai eu l’honneur de le dire tout à l’heure, il ne paraît guère possible de terminer la question aujourd’hui. La remise à une autre séance est le résultat de la nécessité. J’ai lieu de croire que si l’on remettait la séance à mercredi, la chambre serait en nombre. Je fais la proposition que l’assemblée fixe sa prochaine séance à mercredi.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense aussi qu’il est indispensable que la chambre ne suspende pas ses séances au-delà de mercredi. Il est urgent que la loi en discussion soit votée, ainsi que le budget de la guerre, et celui des voies et moyens. Il faut que le sénat soit saisi à temps de ces diverses lois, pour pouvoir les voter avant le 1er février. J’engage donc instamment la chambre à fixer sa prochaine séance à mercredi.

M. Seron. - Messieurs, je demande la parole pour faite observes que nous ne serons pas en nombre mercredi. Il est à remarquer que le député qui a proposé que la chambre ne prît pas de vacances, est M. Henri de Brouckere ; or, M. Henri de Brouckere n’est pas venu à la séance d’aujourd’hui comme il n’est pas venu à celle d’hier. Il en sera de même de beaucoup d’autres, et il n’y aura pas de majorité. Décidez-vous donc à prendre un congé, c’est bien plus simple. Pour ma part, je propose que la chambre s’ajourne jusqu’au 9 janvier. (Appuyé.)

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Si la chambre s’ajourne au 9 janvier, il sera impossible de voter les différentes lois indispensables qui restent à discuter, assez à temps pour que le sénat puisse les avoir votées à son tour avant le 1er février. Je persiste donc à demander que la chambre fixe sa prochaine séance.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne pense pas qu’on doive considérer les membres de la représentation nationale comme des ouvriers se livrant à un travail sans relâche, comme des esclaves attachés à la tribune pendant une grande partie de l’année.

Voilà trois mois que nous siégeons et que nous n’avons revu nos familles. Pour mon compte, je déclare que je suis rendu de fatigue, beaucoup de mes collègues sont dans le même cas. J’entends un membre qui dit ah ! ah ! Je conçois que pour lui qui n’est arrivé ici que depuis 15 jours ou trois semaines, ce soit chose commode de rester à Bruxelles ; mais pour nous, qui avons abandonné nos foyers depuis trois mois, qui n’avons pas eu un moment de relâche depuis lors, il serait absurde que nous ne prissions pas la vacance ordinaire de Noël. En Angleterre où l’on a certes l’expérience du gouvernement représentatif, le parlement siège toujours pendant six semaines, et il prend ensuite six semaines de congé.

Je ferai remarquer au reste que dans les 10 jours qui vont s’écouler, nous n’avons forcément pas de séance pendant 6 jours. Rien ne s’oppose donc à ce que nous prenions un congé.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il nous serait certes aussi agréable qu’a l’honorable préopinant d’avoir une interruption dans les séances de la chambre, puisqu’indépendamment des travaux législatifs nous avons encore à suivre des travaux administratifs. Cependant je déclare que dans l’intérêt général il est indispensable que nous nous réunissions au plus tard mercredi prochain.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la fixation de la prochaine séance à mercredi.

M. Dubus (aîné). - Pourquoi ne procède-t-on pas suivant les précédents de la chambre, en mettant d’abord aux voix l’ajournement le plus éloigné ?

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Fixer la séance à mercredi n’est pas un ajournement, car demain et après-demain il n’y aura pas de séance. Différer d’un jour n’a jamais été considéré comme un ajournement ; une assemblée ne doit pas nécessairement siéger tous les jours.

M. Gendebien. - Il faut décider qu’on prendra une vacance, je crois la chose nécessaire ; je ne demande qu’une chose, c’est qu’on prenne l’engagement formel d’être ici le 9 janvier à une heure. Toute autre décision sera nulle dans ses résultats.

M. F. de Mérode. - La chambre a décidé qu’il n’y aurait pas de vacance avant d’avoir voté les choses indispensables. J’admire le patriotisme de ces honorables membres qui nous disent : il y nécessité que je sois chez moi 15 jours. Cette nécessité d’une vacance est une invention qui n’est pas dans la nature de la constitution. Il n’y en a pas en France ; en Angleterre on siège la nuit ; on n’a pas de petites séances qui commencent à une heure et finissent à quatre ; si M. Dumortier est fatigué, nous savons tous pourquoi. Les autres membres heureusement ne partagent pas cette immense fatigue que se donne M. Dumortier. (La clôture ! la clôture !)

M. Dolez. - Je demande la parole contre la clôture, parce que j’ai une proposition à faire sur le vote que vous avez à émettre et sur la forme. Je crois qu’il serait utile de m’entendre. Je suis prêt à consentir à ce qu’on mette aux voix l’ajournement à mercredi, pourvu que ce soit par appel nominal, et que chaque membre qui répondra oui, prenne l’engagement d’être ici mercredi ; sans cela, vous verrez que nous ne serons pas en nombre ; déjà plusieurs de nos collègues sont partis aujourd’hui, plusieurs de nos bancs sont dégarnis, et il arrivera que ceux qui voteront contre l’ajournement seront les premiers à s’absenter, comme cela est déjà arrivé.

M. Dumortier. - L’honorable M. Dolez propose l’appel nominal pour constater combien de personnes répondront oui. Quand nous aurons voté à 56 ou 57 et que 28 auront dit non et 29 oui, avec les 29 qui auront dit oui, ferez-vous une séance ? Il est évident que ce vote ne peut avoir aucun résultat.

M. le président. met aux voix la question de priorité.

La chambre décide qu’on votera d’abord sur la proposition de fixer la prochaine séance à mercredi.

Cette proposition est ensuite mise aux voix par appel nominal.

En voici le résultat :

67 membres sont présents.

65 prennent part au vote.

2 s’abstiennent.

47 répondent oui.

18 répondent non.

En conséquence, la prochaine séance est fixée à mercredi.

Ont répondu oui : MM. Bekaert-Baeckelandt, Berger, Coghen, Corneli, de Florisone, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, B. Dubus, Ernst, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lardinois, Lejeune, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Thienpont, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Volxem, Willmar, Zoude.

Ont répondu non : MM. Coppieters, de Meer de Moorsel, Desmet, Doignon, Dolez, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Gendebien, Lecreps, Meeus, Metz, Morel-Danheel, Pirson, Pollénus, Seron, Stas de Volder, Trentesaux.

M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par la crainte qu’une question aussi grave ne fût pas décidée par une fraction de la représentation nationale ; je n’ai pas voulu voter pour le congé parce que je sens la nécessité d’avancer nos travaux.

M. Verdussen. - Je me suis abstenu parce qu’on a attaché au vote à émettre l’obligation de venir ou de ne pas venir. Je n’ai pas voulu voter pour l’un ni pour l’autre.

- La séance est levée à 5 heures.