(Moniteur belge n°133, du 12 mai 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le sieur J. Leautaud, négociant, domicilié à Gits, Flandre occidentale, né Français et habitant la Belgique depuis 1814, demande la naturalisation. »
« Le sieur E. Duval, né à Enghien en 1809 d’un père français, n’ayant pas fait la déclaration exigée par l’art. 9 du code civil, demande la naturalisation. »
« Des habitants des hameaux de Hanseweyck et Geerdegem (Malines) se plaignent que la chaussée qui communique de leurs hameaux avec Malines ait été interrompue par la direction des travaux pour le chemin de fer et demandent que le passage en soit rétabli. »
M. Mast de Vries. - Je demande que cette dernière pétition soit renvoyée à M. le ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.
M. Fallon. - Avant de demander des explications, la chambre devrait connaître la pétition plus en détail.
M. Mast de Vries. - Qu’il en soit donné lecture.
M. Fallon. - Se rattache-t-elle à quelques-uns des travaux dont la chambre est actuellement saisie ? Sinon, il n’est pas urgent d’en donner lecture.
M. le président. - M. Mast de Vries peut-il présenter un motif d’urgence ?
M. Mast de Vries. - Messieurs, ce n’est pas moi qui me suis chargé de déposer la pétition ; celui de mes collègues qui en fait le dépôt ne se trouve pas en ce moment ici.
Mais, en m’en rapportant à la pétition, il me semble qu’il y a urgence d’y donner suite, puisque les habitants des hameaux dont il s’agit sont privés de l’usage de la chaussée qui communique de leurs hameaux avec Malines ; l’administration du chemin de fera fait barricader cette chaussée.
- La chambre consultée ordonne la lecture de la pétition des habitants des hameaux de Hanseweyck et Geerdegem.
M. de Renesse procède à cette lecture.
M. le président. - Il reste maintenant à voter sur la partie de la proposition de M. Mast de Vries, ayant pour objet de renvoyer la pétition au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications.
M. Verdussen. - Je ne pense pas qu’il faille demander des explications : il faut simplement renvoyer la pétition au ministre de l’intérieur. Les pétitionnaires ne se plaignent pas d’un déni de justice. Je suis persuadé que le ministre de l’intérieur s’empressera de faire cesser le mal quand il sera connu.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas au renvoi ; au contraire, je l’appuie. Je m’engage à prendre immédiatement des renseignements, pour faire droit à la pétition, s’il y a lieu.
- La chambre décide que la pétition sera renvoyée purement et simplement au ministre de l’intérieur.
Les pétitions relatives aux naturalisations sont renvoyées au ministre de la justice.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) adresse à la chambre un exemplaire des discours qu’il a prononcés lors de la discussion du marché des lits militaires, et qu’il a livrés à l’impression.
M. Desmet, rapporteur de la commission chargée de l’examen de la législation sur les poids et mesures, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Vanderbelen, rapporteur de la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif au pensions à accorder à d’anciens professeurs universitaires, dépose son rapport sur le bureau.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. Gendebien. - Il me semble qu’il serait convenable de discuter le plus tôt possible le projet de loi dont M. Vanderbelen vient de déposer le rapport ; je dirai même qu’il y a urgence à cet égard ; il est de très honorables professeurs qui attendent le règlement de leur pension pour avoir du pain.
M. le président. - Lors de la distribution du rapport, les membres de la chambre feront telle proposition qu’ils jugeront convenable, pour la discussion du projet. (Adhésion.)
M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour divers projets de loi relatifs à des délimitations de communes et le règlement concernant les naturalisations. Auquel de des projets la chambre entend-elle accorder la priorité ?
M. Simons. - Si la chambre accorde la priorité aux projets de loi relatifs aux délimitations de communes, je demanderai qu’on discute d’abord celui qui concerne la séparation du village de Sevenum d’avec la commune de Horst.
Ce projet de loi est celui qui a été présenté le premier ; le rapport en a également été fait d’abord ; de plus, il n’y aura aucune contestation, de sorte que la discussion n’en durera que quelques instants.
M. Verdussen. - Je demanderai, de mon côté, la priorité pour le projet concernant la séparation de Celles d’avec Molembaix. Voici pourquoi : Le rapporteur du projet a proposé un amendement qui peut être admis par la chambre et qui, dans ce cas, pourrait être appliqué aux autres projets.
L’amendement consiste à tracer la délimitation dans le corps de la loi, et à ne pas se borner à renvoyer à la carte qui est jointe au projet.
Il paraît que ce système n’a pas été suivi par tous les rapporteurs.
Je désirerais en conséquence que la chambre se fixât d’abord sur l’utilité de cette mesure, et c’est en donnant la priorité au projet dont je parle, qu’on pourra connaître l’opinion de la chambre.
M. Gendebien. - Pour mettre fin à ce débat, qui va absorber une partie de la séance, je demande que l’on discute les projets par ordre alphabétique. (Adhésion.)
Je demande, en outre, qu’on procède d’abord à la discussion du règlement relatif aux naturalisations. (Nouvelle adhésion.)
M. Simons. - Je persiste à demander la priorité en faveur du projet de loi relatif à Horst et Sevenum.
Comme je l’ai déjà dit, le projet et le rapport ont été présentés en premier lieu.
Quant à l’observation faite par M. Verdussen, je conviens que si elle est applicable au projet dont je parle, la priorité devrait être accordée au projet relatif à Celles et Molembaix, Mais je ferai remarquer qu’ici il ne peut être soulevé aucune difficulté attendu que Horst et Sevenum ont toujours formé deux communes séparées, et que, par conséquent, les délimitations des deux localités existent.
M. Fallon. - J’appuie la proposition de M. Gendebien tendant à faire discuter d’abord le règlement concernant les naturalisations.
La raison en est bien simple, c’est que nous allons procéder aux organisations provinciale et communale.
Or, dans ces administrations se trouvent des fonctionnaires estimables qui ne sont pas Belges, et qui ne pourraient conserver leurs fonctions, si leur position n’était pas régularisée.
Il importe donc de se prononcer immédiatement sur le règlement des naturalisations.
- La chambre consultée décide qu’on s’occupera d’abord de la discussion du règlement des naturalisations.
M. le président donne lecture du rapport de la commission chargée de l’examen du règlement des naturalisations.
- Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, la chambre passe au vote des articles.
« Articles réglementaires pour l’exécution de la loi sur les naturalisations. »
« Art. 1er. La commission mentionnée à l’art. 7 de la loi du 27 septembre 1835 (Bulletin officiel, n° 647) est nommée par la chambre, à la majorité absolue des suffrages.
« La commission est composée de sept membres, Elle est renouvelée à chaque session. »
- Adopté.
« Art. 2. Cette commission nomme dans son sein un président et un secrétaire. Elle nomme un rapporteur pour une ou plusieurs demandes ou propositions. »
- Adopté.
« Art. 3. Après avoir entendu le rapport, la chambre fixe le jour auquel il sera procédé à la prise en considération.
« Il y aura au moins trois jours francs, entre le jour auquel le rapport aura été fait et celui auquel il sera procédé à la prise en considération.
« Dans l’intervalle, les pièces demeureront déposées au greffe, où chacun des membres de la chambre pourra en prendre inspection, sans déplacement. »
M. le président. - La commission propose de substituer au délai de trois jours, dans le deuxième paragraphe, celui de cinq jours.
- L’amendement de la commission est adopté.
L’article 3 est adopté avec cet amendement.
« Art. 4. Il sera procédé séparément à la prise en considération de chaque demande de naturalisation. »
- Adopté.
« Art. 5. Pour procéder au scrutin, un secrétaire fait l’appel nominal. Le membre appelé reçoit une boule blanche et une boule noire. Il dépose dans l’urne, placée sur la tribune, la boule qui exprime son voeu ; il met dans une autre urne, placée sur le bureau, la boule dont il n’a pas fait usage. La boule blanche exprime l’adoption, la boule noire la non-adoption.
« L’appel terminé, le réappel se fait de suite pour les membres qui n’ont pas encore voté.
« Le réappel fini, les secrétaires versent les boules dans une corbeille ; ils en font ostensiblement le compte, et séparent les boules blanches des noires.
« Le résultat de ce compte est arrêté par le bureau et proclamé par le président. »
- Adopté.
La chambre passe à l’appel nominal sur l’ensemble de ces dispositions réglementaires ; elles sont adoptées à l’unanimité des 64 membres présents.
M. Fallon (pour une motion d’ordre). - La chambre vient de reconnaître qu’il était urgent de procéder au vote du règlement relatif aux naturalisations. Pour être conséquents, maintenant que ce règlement est adopté, vous devez reconnaître qu’il est urgent de procéder à la nomination de la commission des naturalisations, sans laquelle ce règlement ne peut pas être exécuté. Je demande donc qu’il soit procédé à la formation de la commission.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Nous allons consacrer une séance peut-être entière à la nomination de cette commission. L’honorable préopinant ne s’opposera pas à ce que la commission soit nommée vendredi ou dans une séance du soir.
M. Legrelle. - Je viens appuyer la proposition de M. le ministre de la justice, d’autant plus que je pense que la plupart des membres, ne s’attendant pas à cette nomination, n’ont pas pu se préparer à faite un choix, Dès lors, il serait très difficile d’obtenir une majorité.
Je ne pense pas d’ailleurs que cet objet soit tellement urgent qu’il ne puisse être différé jusqu’à vendredi.
M. Gendebien. - Je ne conçois pas comment un honorable député d’Anvers s’oppose à ce qu’on mette en action la loi des naturalisations. Il doit savoir mieux que qui que ce soit que plusieurs capitaines de navire demandent la naturalisation qui leur est indispensable pour naviguer sous le pavillon belge dans les ports d’Angleterre. Ils éprouvent à ce titre, un préjudice notable. J’ai reçu plusieurs lettres à ce sujet.
J’ai répondu que l’on ne pouvait faire d’exception pour eux ; que plusieurs personnes qui avaient bien mérité du pays, se trouvaient dans la même position, et qu’il serait fait droit en même temps à ces différentes demandes. Ils ont apprécié ces raisons. Mais maintenant que nous sommes en mesure de faire droit à ces demandes, pourquoi tarder davantage ?
Nous ne sommes pas, dit-on, préparés à nommer la commission. Mais ne sont-ce pas les meilleures élections vu que celles qui se font spontanément, et sans qu’on ait eu le temps de se concerter ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je n’ai pas assurément l’intention de retarder la mise à exécution de la loi des naturalisations ; je suis plus intéressé que personne à ce que ces questions soient enfin résolues : on m’adresse tous les jours des réclamations ; car la plupart des pétitionnaires s’imaginent que c’est de moi que dépend la décision de ces questions.
Mais je crois qu’il est préférable, si l’on veut arriver à une majorité, de fixer la nomination de la commission, soit à vendredi, soit à une séance du soir, aujourd’hui même. Assurément ceci n’est pas un retard. Si au contraire on veut procéder tout de suite à la nomination de la commission, on y consacrera toute la séance, et peut-être ne parviendra-t-on pas à la former.
M. Gendebien. - L’ordre du jour de la séance de vendredi est fixé : c’est le second vote de la loi des mines.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Eh bien, alors, une séance du soir.
M. Gendebien. - Il n’y aura personne.
M. Legrelle. - Je ne puis être accusé de vouloir retarder les effets de la loi des naturalisations, car il n’y a pas de député qui ait pressé plus que moi l’adoption de cette loi. Mais je ne crois pas qu’un retard de 24 heures fasse quelque chose à l’affaire.
Je pense avec M. le ministre de la justice qu’il est nécessaire que l’on ait quelque temps pour s’entendre. Mais si la chambre croit pouvoir former la commission à l’instant même, je ne m’y oppose pas.
M. Gendebien. - Vingt-quatre heures ne sont rien, selon l’honorable préopinant ; mais si nous voulons nous occuper des naturalisations dans cette session, nous n’avons pas de temps à perdre ; car il ne faut pas nous dissimuler que nous ne resterons pas longtemps réunis. Si on ne nomme pas la commission sans aucun retard, on ne donnera pas dans cette session les naturalisations, elles seront ajournées au mois de novembre ou décembre. Maintenant, si l’on veut attendre aussi longtemps je le veux bien. Mais je crois que les naturalisations sont chose urgente pour tout le monde et surtout pour les commettants des députés d’Anvers.
M. Dubus. - Je ne pense pas qu’on doive différer la nomination de la commission. Mais je ne crois pas que l’on puisse considérer comme un retard la proposition de nommer cette commission vendredi. On dit que l’ordre du jour de vendredi est fixé. Mais l’ordre du jour d’aujourd’hui est également fixé. Tout ce qu’il y a, c’est qu’en mettant cette opération à l’ordre du jour, l’ordre du jour aura été fixé d’avance. Il n’en sera pas de même si vous nommez la commission aujourd’hui même. Beaucoup de membres ne sont pas préparés à cette opération. Si on s’y était attendu, des membres qui sont absents seraient probablement venus.
Je crois que ce serait un précédent fâcheux que de mettre la nomination d’une commission à l’ordre du jour, dans la séance même où elle aurait lieu.
Je crois que l’où peut indiquer cet objet dans une séance prochaine et le porter à l’ordre du jour, afin que chacun soit prévenu que tel jour il y aura lieu à l’élection d’une commission.
M. Van Hoobrouck. - Je voulais m’opposer à ce que l’on nommât la commission dans une séance du soir. On ne sera pas plus certain d’avoir une majorité ce soir que maintenant. Après le premier tour de scrutin, chacun verra quels sont les membres qui ont réuni le plus grand nombre de suffrages.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai cherché à connaître les intentions de la chambre pour arriver le plus vite possible un résultat. Maintenant je puis préciser ma proposition, et je demande que la commission soit nommée vendredi à la séance ordinaire.
- La chambre décide que la commission pour les naturalisations sera nommée vendredi.
M. le président prévient l’assemblée que l’appel nominal aura lieu à midi et quart.
- La priorité demandée par l’honorable M. Simons, pour le projet relatif à la commune de Boischot et Heyst-op-den-Berg, n’est pas adoptée.
La chambre décide que le projet relatif à la commune de Celles-Molembaix sera discuté le premier.
M. le président. - Le projet de loi présenté par le gouvernement est ainsi conçu :
« Article unique, Les villages de Celles et de Molembaix, dont la réunion forme actuellement la commune de Celles-Molembaix, province du Hainaut, formeront deux communes séparées ; et les limites de leur territoire respectif seront fixées conformément au plan figuratif annexé à la présente loi. »
La commission propose la rédaction suivante :
« Art. 1er. Les villages de Celles et de Molembaix, dont la réunion forme actuellement la commune de Celles-Molembaix, province du Hainaut, formeront deux communes séparées. »
« Art. 2. Les limites de leurs territoires respectifs seront fixées de la manière suivante : à partir du territoire de la commune de Velaines, suivant les chemins dits de la Bacotterie et de l’Enclume, quittant ce dernier pour suivre le sentier qui conduit directement au chemin dit de la Vallée, et se dirigeant par le chemin de la Vallée jusqu’au territoire de la commune de Pottes ; le tout conformément au plan cadastral annexé à la présente loi. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois qu’il vaut mieux adopter un mode uniforme de séparation pour toutes les communes. Je vois que dans la plupart des rapports l’on a adopté la marche du gouvernement qui est d’annexer au projet de loi un plan figuratif. Il me semble qu’il ne faut pas pour quelques communes faire dans les lois une description de limites que l’on ne fait pas pour d’autres. C’est pourquoi je déclare ne pas me rallier au projet de la commission.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, je connais assez particulièrement les localités ; quand j’ai vu qu’il y avait une certaine opposition au fractionnement de la commune de Celles-Molembaix, j’ai pris les renseignements les plus minutieux, les plus consciencieux, et je puis vous assurer que si la séparation des 2 villages est vivement désirée par quelques personnes qui semblent y avoir un intérêt personnel, elle est aussi vivement repoussée par la majeure partie des habitants, surtout de la fraction de Molembaix, comme il conste par pétition distribuée il y a quelques jours aux membres de cette assemblée. Ils se plaignent de ce que cette séparation leur offrira tous les inconvénients qu’elle entraîne, sans leur en donner les avantages.
La commune de Celles compte à peu près 2.600 habitants. Elle possède une très belle église, ainsi que tout le matériel propre à une commune du premier ordre. Par suite de la séparation, elle n’aura plus que 1.200 habitants, c’est-à-dire que la fraction sera plus grande que le principal. Les bâtiments, que la commune de Celles possède, et qui, aujourd’hui, conviennent à une population de 2,600 âmes, seront hors de proportion avec sa population réduite, et deviendront une très grande charge pour la commune de Celles.
Dans son exposé des motifs M. le ministre dit :
« Le motif principal allégué à l’appui de cette demande est que le village de Molembaix ne peut être convenablement représenté dans le conseil communal, à cause de la supériorité de richesse et de population du village de Celles. Il en résulte que, sous le rapport administratif, les intérêts des habitants de Molembaix ont pu souffrir de cet état de choses, et que des dissensions nuisibles au bien-être de la commune actuelle ne cessent de surgir entre ces deux localités. »
Ces difficultés sont imaginaires. C’est une erreur de croire que la commune de Molembaix n’est pas représentée convenablement dans l’administration communale de Celles. Sur 9 conseillers 4 appartiennent à la fraction de Molembaix. Le conseiller chargé de la police et celui chargé de l’état-civil résident à Molembaix. Les habitants ont une école, un garde champêtre. Ils ont tous les avantages de la séparation sans en avoir les inconvénients.
M. le ministre ajoute :
« Molembaix possède une belle agglomération de maisons, un presbytère, une chapelle, une école, etc. »
C’est selon moi un motif pour s’opposer à la séparation, dont ils ont, je le répète, tous les avantages sans en avoir les inconvénients.
Molembaix possède une chapelle, c’est vrai mais cette chapelle ne peut contenir qu’un tiers de la population. Si Molembaix est érigée en commune, on demandera au gouvernement des fonds pour l’agrandir, et si ces fonds sont refusés, ils devront être fournis par les habitants de la commune en état de contribuer à la dépense. Cela a été tellement senti par les habitants de Molembaix, que tous les fermiers riches, tous les notables se sont prononcés contre la séparation.
Il y a une autre considération sur laquelle j’appelle toute votre attention, c’est le partage des biens communaux. Ce partage a presque toujours, vous le savez, donné lieu à des charges ruineuses pour la commune. J’en connais qui ont dépensé toutes leurs ressources pour soutenir des procès qu’il a élevés. A Molembaix, il y a une circonstance particulière qui rendra ce partage plus fâcheux encore.
Le nombre des pauvres est considérable dans ce hameau. Comme une partie des fondations particulières de Celles sont à la collation de personnes qui habitent cette commune, il est probable qu’elles réserveront pour les pauvres de Celles les bienfaits de ces institutions. De cette manière, l’entretien des pauvres de Molembaix retombera à la charge des habitants.
Cet objet mérite toute votre attention. Vous avez à considérer si vous devez favoriser quelques intérêts particuliers aux dépens de l’avantage du plus grand nombre.
M. Verdussen. - Les observations que vient de présenter l’honorable M. Van Hoobrouck ne sont pas neuves. Elles sont consignées dans un imprimé qui nous a été distribué. Mais ces documents contiennent également une réponse à chacun de ces griefs.
Je vous ferai remarquer que les habitants qui s’opposent le plus à la séparation des deux communes, s’en sont cependant rapportés aux membres désignés par les états députés pour prendre inspection des lieux.
Quoique l’avis de ce membre ait été tout à fait favorable à la séparation, ils viennent aujourd’hui faire une déclaration contraire à la première. Ils avaient, disaient-ils, toute confiance dans l’impartialité du membre de la députation chargé d’examiner les lieux, ils s’en rapportaient à son équité et lorsqu’ils ont eu connaissance pleine et entière des observations pour ou contre le projet, ils viennent encore élever de nouvelles prétentions.
Nous avons trouvé dans le rapport de M. le ministre que c’est du consentement des états provinciaux que la séparation vous est proposée.
On me dit que le membre, chargé de l’inspection des lieux, était contraire à la séparation. Comment se fait-il que ce membre ait pu se trouver en contradiction avec les membres qui ont dû se prononcer d’après son rapport ?
J’ai examiné les différentes pièces : après avoir vu que les opposants s’étaient référés au membre de la députation chargé de l’examen des lieux, et le ministre ayant déclaré que les états députés ont été d’avis que la séparation devait avoir lieu, je pense que les difficultés qu’on objecte sont plutôt imaginaires que réelles, et qu’il y a lieu d’adopter le projet dont il s’agit.
M. Jullien. - Je ne connais ni la commune de Celles ni le hameau de Molembaix, mais j’ai lu avec attention les différentes pétitions qui ont été présentées à la chambre par l’administration communale de Celles-Molembaix et par les habitants du hameau de Molembaix. Je vous avoue qu’il m’est impossible, après avoir vu les faits signalés par l’administration communale, de ne pas craindre que si vous adoptez le projet de séparation, vous ne commettiez une grande injustice et ne serviez l’intrigue et l’ambition de quelques individus au détriment de la commune de Celles et du hameau de Molembaix.
J’ai relevé les faits principaux de cette contestation, et en résumé voici ce qui m’est apparu. Je reviendrai tout à l’heure sur les détails.
Le hameau de Molembaix était un petit marquisat. Madame la marquise avait fait construire une petite église à son usage particulier.
Je vois qu’on fait des signes négatifs ; je cite les faits tels qu’ils sont exposés par l’administration communale.
Eh bien, messieurs, il est dans cette commune de Celles un vicaire qui a envie de devenir curé et ce vicaire, à l’aide de quelques individus qui voulaient prendre part à l’administration communale, a travaillé à la séparation. On a fait des pétitions, on s’est adressé à Mgr. l’évêque, on lui a demandé que dans l’ancienne chapelle de madame la marquise on pût exercer les fonctions curiales. Mgr. l’évêque a permis ce qu’on lui demandait.
Depuis qu’on a obtenu cette permission de monseigneur, on a pensé qu’il était convenable, puisqu’il y avait un curé à Molembaix, qu’il y eût une commune, une administration communale. Voilà ce qui me paraît résulter clairement des termes des pétitions de l’une et de l’autre partie.
Voyons maintenant les faits, de quelle manière ils sont exposés, et comment on les combat.
D’abord les habitants du hameau se sont adressés à la chambre ; leur pétition compte 82 signatures. Sur ces 82 signatures, il y en a 36 de femmes mariées, enfants habitant avec leurs patents, et mineurs ; le reste se compose probablement d’habitants du hameau.
On dit dans cette pétition du hameau de Molembaix. Que Celles et Molembaix ont toujours formé deux villages qui comptent chacun 1,500 âmes. L’administration communale répond que c’est là une erreur, sinon un mensonge. Le hameau de Molembaix, pour arriver à ce chiffre de 1,500 âmes, s’est adjugé quatre autres hameaux appartenant à la commune de Celles, et qui forment la plus grande partie de ce chiffre, puisque le petit marquisat ou hameau de Molembaix ne compte que 70 habitations, environ trois cents âmes, et moins de 30 bonniers de terre. Voilà ce qui est exposé par l’autorité communale ; c’est un document de l’administration.
C’est une erreur, dit-on, si non un mensonge, de prétendre que Molembaix est un village de 1,500 âmes comme la commune de Celles, puisque Molembaix n’est qu’un des huit hameaux composant la commune de Celles-Molembaix, qui n’a que 70 habitations, 300 habitants, et ne compte que 30 bonniers de terre.
Un membre. - 300 bonniers
M. Jullien. - J’ai lu 30 bonniers dans la pétition ; s’il y a une erreur, c’est la faute de l’imprimeur et non la mienne.
Un deuxième grief du hameau de Molembaix est que la maison commune est éloignée de sept quarts de lieue des habitations les plus éloignées du hameau.
La régence dit qu’il y a là au moins exagération, que le hameau de Molembaix est au plus à une lieue de la maison commune, et que plusieurs autres hameaux dont l’éloignement de la maison commune est plus considérable ne demandent pas à être séparées de la commune de Celles quoique le même inconvénient existe.
On fait en outre cette observation qui m’a paru très juste : Si la maison commune se trouvait à une extrémité de toute la commune, de manière que le hameau de Molembaix en fût trop éloigné, en plaçant, disent les magistrats municipaux, la maison commune dans un lieu moins excentrique, on aurait tous les avantages qu’on dit n’avoir pas. Mais ce n’est qu’un prétexte, parce que tous les hameaux sont dans le même cas.
On dit encore dans la pétition que la publication des lois et arrêtés et celle des mariages ne se font que dans la commune de Celles, et qu’elles sont ignorées des habitants de Molembaix, à qui on dit qu’ils peuvent aller à la messe à Celles comme précédemment, comme avant l’arrêté de monseigneur l’évêque, et qu’ils pourraient connaître les publications qui se font dans le siège de la paroisse.
Mais, répond encore l’administration communale, c’est encore un mensonge, parce que depuis qu’on dit la messe à la chapelle de madame la marquise, on fait les publications aussi bien à Molembaix qu’à Celles. Ainsi, voilà des faits qui, s’ils sont vrais, détruisent jusqu’au prétexte de la demande en séparation.
Les habitants de Molembaix disent qu’ils n’ont pas le secours de la police. La régence répond que la commune de Celles a deux gardes-champêtres, dont l’un pour la partie méridionale et l’autre pour la partie septentrionale de la commune. Or, Molembaix est la partie méridionale de la commune de Celles, par conséquent elle a son garde-champêtre. Ainsi le hameau de Molembaix jouit du secours de la police aussi bien que Celles.
Il est une autre observation qui a été faite, et qui a une espèce d’originalité. On dit qu’il y a nécessité de prononcer la séparation demandée, à cause de la différence de caractère, de mœurs et d’intérêts des habitants du hameau avec les habitants de Celles. Cette différence proviendrait, à ce qu’on prétend, de ce que dans la commune de Celles les habitants seraient des industriels, tandis que dans le hameau de Molembaix ce seraient des cultivateurs. Et ou trouve que la régence de Celles est composée de tous cultivateurs, à l’exception d’un seul qui est marchand. On prétend qu’ils sont tous industriels dans cette commune, tandis que c’est l’agriculture qui en fait toute la prospérité.
Enfin, on dit que l’arrêté de monseigneur l’évêque a reconnu lui-même la nécessité de cette décision. Voici en effet ce que je trouve dans les pièces qui nous ont été communiquées par les magistrats de la commune de Celles ; c’est le considérant de l’ordonnance de monseigneur l’évêque, qui est ainsi conçu :
« Considérant qu’il importe, et que le salut des âmes exige impérieusement, de faire cesser les troubles et les inimitiés qui se sont élevés entre Celles et Molembaix, etc. »
Voilà le motif allégué pour donner un curé à la chapelle de Molembaix.
Je conçois que les désordres, les inimitiés peuvent nuire au salut des âmes ; mais il faut examiner s’il y a réellement des inimitiés, des désordres entre Molembaix et Celles : c’est ce que nient les adversaires de la séparation, et ils mettent au défi ceux qui la demandent de citer une seule rixe entre les habitants de ces deux endroits depuis un siècle. Il y a plus : c’est que monseigneur l’évêque, qui peut-être n’a jamais visité cette commune, ne peut pas être aussi bien instruit sur le caractère, l’esprit et les moeurs de ses habitants, que celui qui a été pasteur de la commune pendant dix à douze ans.
Eh bien, les magistrats de la commune produisent un certificat du curé qui atteste le contraire de ce qui est inséré dans l’arrêté pris par monseigneur l’évêque. (Erratum au Moniteur belge n°134 et 135, des 13 et 14 mai 1836 :) Il est important que vous ayez connaissance de ce certificat, car toutes ces manœuvres pourraient bien n’avoir pour but que de créer, à la charge de l’Etat, autant de curés et de vicaires, qu’il y aura de hameaux qui vous demanderont leur séparation d’avec la commune.
Voici ce certificat :
« Considérant que quelques habitants du hameau de Molembaix, commune de Celles, appuient une demande tendant à obtenir la séparation civile de ce hameau d’avec Celles, sur la mésintelligence qui existerait entre les habitants du hameau de Molembaix et ceux de Celles ;
« Considérant aussi que cette séparation, si elle avait lieu serait certainement très onéreuse aux deux parties de la commune, tant parce que deux administrations nécessiteraient plus de dépenses qu’une seule, qu’à cause des procès longs et coûteux qui s’en suivraient inévitablement ;
« D’après la connaissance que j’ai de cette commune, l’ayant habitée pendant l’espace de 12 ans, à partir de 1815 jusqu’en 1823, et depuis 1830 jusqu’à ce jour, d’abord comme vicaire à Celles et puis à Molembaix, et enfin comme curé doyen : dans l’intérêt bien entendu de toute la commune, je crois devoir déclarer qu’il me semble que cette prétendue mésintelligence n’est tout au plus qu’imaginaire, et ne se trouve que dans la tête de quelques-uns.
« Quoi qu’en disent les partisans de la séparation, ils ne pourraient, je pense, prouver la réalité de leur motif, bien que, depuis qu’ils trament leur projet de séparation, ils aient déjà suscité, à cette occasion, des contestations, parfois même scandaleuses, entre eux et les autres habitants du même hameau qui sont opposés, avec raison, à ces prétentions ruineuses ; mais, jusqu’ici, rien de semblable n’a encore eu lieu entre eux et les habitants de Celles, malgré les tracasseries que les zélateurs de la séparation ne cessent de leur susciter depuis 3 ou 4 ans, qu’ils emploient toute sorte de moyens pour parvenir à leur but.
« J’estime donc qu’il n’y a pas de mésintelligence proprement dite entre Celles et Molembaix, dont les uns, mais bien entre les habitants du hameau de Molembaix, dans les uns, mais apparemment par des raisons qui leur sont personnelles, demandent d’être séparés civilement de Celles, et les autres, parmi lesquels on compte plusieurs fermiers des plus notables du hameau de Molembaix, ayant en vue l’intérêt général, s’opposent autant qu’il est en eux à ce que cette séparation ait lieu.
« Donné à Celles, le 4 décembre 1834.
« M. Joseph Dubois, curé de Celles et doyen du canton. »
Je vous demande messieurs, si après un déclaration faite par l’ancien pasteur de la commune, qui y a résidé 12 ans et qui y réside encore, vous pourrez croire aux prétendues mésintelligences qui ont motivé l’ordonnance de monseigneur l’évêque, et par laquelle un vicaire faisant les fonctions de curé a été placé à Molembaix.
La régence appelle l’attention du législateur sur des intérêts plus graves, sur les intérêts financiers de la commune. La dépense administrative et religieuse sera plus grande pour deux villages séparés que pour deux villages réunis ; et tout cela pèsera sur les habitants qui, dans l’état actuel, paient 9 centimes sur leurs contributions.
Ainsi, pour servir des intérêts privés, même pour servir des intérêts religieux, y a-t-il lieu à séparer deux communes qui depuis longtemps sont réunies ? Jusqu’à ce que l’on ait détruit les faits avancés par l’administration communale et qui me paraissent concluants, (Erratum au Moniteur belge n°134 et 135, des 13 et 14 mai 1836 :) je voterai contre la proposition du ministre de l’intérieur.
(Moniteur belge n°134 et 135, des 13 et 14 mai 1836) M. Doignon. - Messieurs, les observations que l’on vient de présenter ne sont pas nouvelles ; déjà elles ont été reproduites à satiété dans des mémoires que la commune de Celles à répandus, et elles ont été également rencontrées et réfutées dans l’instruction longue et approfondie qu’a reçue cette affaire. Les autorités ont examiné ces observations et les ont appréciées à leur juste valeur ; elles ont déjà été jugées par la députation des états, par le gouverneur, par le gouvernement et par votre commission qui tous se sont prononcés pour la séparation. Je suis persuadé que si l’honorable préopinant eût pris communication du dossier relatif à cette affaire, et qui est assez volumineux, il y aurait trouvé son apaisement. Il aurait vu que toutes les allégations de la régence de Celles sont très inexactes et qu’il y a vraiment lieu à la séparation.
Sans doute cette mesure devra froisser certains intérêts, elle a dû exciter les démarches de quelques habitants ; il n’y a pas de moyens que l’on ait employés pour égarer les esprits sur le véritable état des choses, il n’y a point d’arguments spéciaux. Il n’y a point d’insinuations qu’on ne se soit permises. On conçoit tout cela.
Le gouvernement est parti de ce principe que la séparation ne doit être accordée que dans des cas très rares, que lorsqu’il existe un concours de circonstances extraordinaires ; or, c’est ce qui existe dans l’espèce.
La séparation proposée entre Celles et Molembaix existe déjà de fait ; il ne s’agit que de la déclarer en droit, et cet exemple est unique dans tout le district de Tournay ; il y a véritablement, entre ces deux communautés d’habitants, opposition d’intérêt, de mœurs et de caractères ; ce sont deux familles distinctes et séparées. C’est donc dans l’intérêt des habitants, comme dans l’intérêt du service public, que la séparation est demandée.
La commune dont il s’agit faisant partie du district de Tournay, je me suis trouvé en position de juger du véritable état des choses entre Celles et Molembaix.
Si la chambre me le permet, je lui donnerai communication des renseignements et des faits qui sont à ma connaissance et qu’il était libre à chacun de nous de puiser même dans les pièces de l’instruction.
Premièrement il est constant que Molembaix ou plutôt toute la partie méridionale de Celles-Molembaix, telle qu’elle est tracée au plan et connue vulgairement sous le nom de Molembaix, présente une réunion de toutes les conditions et circonstances propres à constituer une commune distincte et séparée. Un étranger qui arrive dans cet endroit se croirait réellement dans une commune particulière et indépendante. Il ne pourrait se douter que cette communauté d’habitants dépend de l’administration de Celles située à une distance aussi considérable du clocher de Molembaix.
La place publique de Molembaix tenant au château du lieu est au moins aussi grande que la place de Celles. On s’y trouve au milieu d’une agglomération de 80 à 90 maisons ; on y voit des rues comme dans tous nos villages. Molembaix peut se suffire à lui-même ; les habitants, cultivateurs, fermiers et autres y rencontrent tout ce qu’il faut pour leur besoin ou leur utilité sans devoir recourir à Celles ou à une autre commune voisine.
Molembaix possède une population de 1,400 habitants environ. On y compte 20 fermiers, locataires ou propriétaires exploitant chacun 20 à 50 bonniers au moins, et 25 autres exploitant 5 à 15 bonniers. Le terroir de Molembaix se compose de plus de 1,000 bonniers. Le plus grand nombre des communes du district de Tournay est certainement loin d’offrir la même richesse et la même importance.
Molembaix a son officier de police et son garde champêtre particuliers.
Les actes de l’administration et du gouvernement se publient également à Molembaix à l’issue de l’office divin, comme il est d’usage de le faire dans les autres communes.
Molembaix a son église, son presbytère et son desservant. Cette église a été reconstruite à neuf en 1804, par les habitants de Molembaix, au moyen d’une collecte faire entre eux. Ils contribuent partiellement à toutes les dépenses du culte, et ils pourvoient de même à l’entretien de l’église, du presbytère et au paiement de leur desservant. Leur église est aussi spacieuse que celle de beaucoup d’autres communes qui ont a peu près la même population : elle est même aussi fréquentée par les habitants d’un hameau de la commune voisine, Mont-Saint-Aubert.
L’église de Molembaix a encore son cimetière particulier et indépendant de celui de Celles. Malgré la vive opposition de l’administration de Celles, M. le ministre de l'intérieur en a reconnu avec les états députés de la province l’utilité, la nécessité même, et il en a ordonné l’établissement. Le mur de clôture de ce cimetière a aussi été construit exclusivement aux frais de habitants de Molembaix.
Molembaix a aussi un membre du bureau de bienfaisance chargé séparément de la distribution des secours aux pauvres de l’endroit.
Molembaix a, comme les autres villages, sa clôture de retraite et sa fête annuelle.
Enfin, en égard à sa population, il y a à Molembaix beaucoup de fermiers fortunés, instruits, expérimentés, capables, propres à devenir de bons administrateurs et entièrement dévoués au nouvel ordre de choses.
La séparation que sollicitent aujourd’hui les habitants n’est pas une idée nouvelle. Depuis longues années, ce désir s’est manifesté chez eux. Il se voit d’une lettre de Mgr. l’évêque Hirn, défunt, en date du 7 décembre 1803, que déjà, à cette époque, ils demandaient instamment une paroisse distincte et séparée de Celles, et que ce prélat était fort disposé à leur faire cette concession. Ils alléguaient alors principalement les mêmes raisons qu’ils font encore valoir aujourd’hui pour obtenir la séparation civile, leur mésintelligence avec Celles et leur éloignement.
Lorsque la révolution éclata, il n’y eut qu’un cri chez eux pour réclamer l’indépendance de Molembaix, comme les Belges le faisaient à l’égard des Hollandais. On s’empressa d’y former une association dont le but était de réunir leurs efforts et leurs moyens pour obtenir une séparation. Elle était composée de plus de 50 notables ; elle avait son présidence et son secrétaire ; s’ils étaient éconduits aujourd’hui de leur demande, il est probable que cet échec ne les décourageaient point et qu’ils ne cesseraient de poursuivre avec constante l’objet de leurs vœux.
En 1832, l’administration de Celles ayant répandu le bruit que la demande en séparation n’était que l’œuvre de quelques individus, c’est alors que le vœu de toute la population de Molembaix s’est manifesté d’une manière éclatante. Tous les chefs de famille, à l’exception de quelques-uns, dont l’opposition s’explique facilement, se réunirent et comparurent spontanément devant le notaire Lescroart de Pottes, qui en a dressé acte, pour déclarer leurs sentiments et donner leur adhésion formelle à la séparation. Les actes de consentement ont été reçus par ce notaire, les 11 avril et 1er mai 1832, et ont été produits par les habitants. Il est donc authentiquement prouvé que toute la communauté de Molembaix veut la séparation. Sur 280 chefs de famille dont se compose toute la population de la partie méridionale connue sous le nom de Molembaix, 270 environ réclament cette mesure avec la plus vive instance. Ce fait résulte également de l’enquête tenue en 1834.
J’en ai moi-même conféré avec le notaire Lescroat, qui jouit dans tout le canton de la confiance et de l’estime générale. Il m’a certifié qu’aucune menace, ni promesse, ni aucun moyen de suggestion n’avait été employé ; que de toutes parts les habitants, fermiers, ménagers, marchands et artisans accouraient même de trois quarts ou d’une demi-lieue de loin pour comparaître devant lui ; qu’il faisait à chacun en particulier la question s’il voulait la séparation ou s’il ne préférait pas rester tels qu’ils sont ; que tous, en demandant formellement la séparation, se prononçaient hautement et avec chaleur contre Celles, et signaient avec enthousiasme. Ils savaient cependant qu’en signant ils s’exposaient à encourir la disgrâce et le ressentiment de l’administration de Celles. Connaissant la probité et la délicatesse de ce notaire, je ne puis douter de la véracité de ses assertions, qui s’accordent d’ailleurs avec les autres renseignements qui sont à ma connaissance.
Cette unanimité d’opinions et de sentiments exprimée avec tant de force et de franchise en dirait plus, elle seule, à mes yeux, que bien d’autres circonstances, pour prouver l’antipathie et la profonde aversion de Molembaix contre Celles, si déjà elles n’étaient connues depuis longtemps de tout le monde.
On voit par les pièces de l’instruction que l’administration de Celles a inutilement cherché à combattre ce vœu si fortement prononcé contre elle. Tous ses dires et ses protestations viennent se briser contre ces actes authentiques auxquels foi est due jusqu’à inscription de faux. Lorsqu’elle accuse, elle le fait d’une manière vague, sans rien préciser, sans indiquer les personnes et les circonstances.
Au total, les démarches et les efforts de l’administration de Celles n’ont abouti qu’à lui faire obtenir quelques opposants seulement et à rendre ainsi plus saillante et plus imposante la volonté ferme et unanime du peuple de Molembaix.
Chaque fois qu’il est question du nom de Molembaix, l’administration de Celles cherche inutilement à faire prendre le change à ceux qui ne connaissent pas les localités, en affectant de confondre cette partie de la commune avec l’ancien marquisat de ce nom qui ne forme qu’un hameau. La vérité est que toute la partie méridionale de la commune qui est indiquée au plan et séparée de l’autre par les chemins et sentiers qu’on y voit tracés vers le milieu, que toute cette partie, dis-je, composée de plusieurs sections qui ont chacune un nom particulier, y compris le hameau de Molembaix, porte elle-même le nom de Molembaix toutes les fois qu’il s’agit de désigner toutes les sections ou hameaux réunis. Il arrive ici ce qu’on voit dans une infinité de communes ; on donne vulgairement au tout le nom de la partie principale, et la partie principale est le hameau de Molembaix. Depuis l’enfant jusqu’au vieillard, tout le monde sait cela dans la commune et dans tout le canton.
Au reste, cette subtilité plus que singulière que l’administration reproduit à satiété dans ses mémoires est même tout à fait sans objet, puisqu’il résulte des actes authentiques d’adhésion que ce ne sont pas seulement les habitants de la section dite de Molembaix, mais bien de toutes les sections réunies formant la grande partie méridionale de la commune, qui demandent instamment la séparation. Or, toute cette partie étant exactement désignée dans le plan, peu importe même le nom dès qu’on ne peut se méprendre sur la chose.
L’opposition de quelques-uns s’explique ou par leur position ou par des considérations particulières. Il a été répondu à satiété aux arguments qu’ils présentent comme tout nouveaux dans la pétition qu’ils viennent de distribuer à tous les membres de la chambre. La veuve Dobiez et la veuve Deswattiers, signataires, ont leur fils dans l’administration de Celles ; le sieur Delehouzé, également signataire, en fait aussi partie. Ils craignent sans doute que la séparation ait pour effet de leur enlever l’espoir de ne plus siéger au conseil communal de Celles.
Ce qu’ils avancent relativement à la quantité de terre qu’ils exploitent sur le terroir de Molembaix n’est aucunement exact. Une partie notable de leur occupation est au contraire située sur Celles, Mourcourt et Mont-Saint-Aubert. Du reste, celui qui n’a que peu de bien a également le plus grand intérêt à être gouverné par des administrateurs dévoués à ses intérêts. Certains autres opposants sont ou des locataires d’habitants de Celles ou liés avec eux par la parenté.
Un autre fait des plus notoires a été pareillement dénié par l’administration de Celles et avec un ton d’assurance tel qu’il pourrait séduire ceux qui ne la connaissent point. C’est la désunion et l’animosité qui existent entre Molembaix et Celles.
Ce fait est d’abord constaté par Mgr l’évêque du diocèse dans son ordonnance du 28 avril 1831, qui prescrit d’exercer toutes les fonctions curiales à Molembaix. Ce prélat connaissant lui-même parfaitement l’animosité entre ces deux parties de la commune, et craignant les désordres qui pouvaient à chaque instant résulter de leur réunion dans la même église, résolut de les séparer et dispensa les habitants de Molembaix de se rendre à l’église de Celles, en faisant célébrer dans leur propre église tous les offices, ainsi qu’on le pratique dans les autres paroisses. L’administration ayant reconnu qu’elle avait été consultée par Mgr l’évêque sur cette disposition, celle-ci a donc été arrêtée par lui en pleine connaissance de cause.
Le considérant de cette ordonnance est ainsi conçu :
« Considérant qu’il importe et que le salut des âmes exige impérieusement de faire cesser les troubles et les inimitiés qui se sont élevés entre Celles et Molembaix, etc. »
Par une autre ordonnance du 16 août 1833, Mgr l’évêque érige Molembaix en succursale et paroisse séparée, se fondant toujours sur les mêmes faits et motifs qui justifient également la séparation civile. Cette ordonnance est ainsi conçue :
« Considérant que Mgr Hirn, notre prédécesseur, avait déjà préludé à la séparation dont s’agit après en avoir reconnu la nécessité ;
« Considérant en outre que l’état de choses actuel est extrêmement préjudiciable au bien de la religion, tant à cause de la mésintelligence qui règne depuis longtemps entre les habitants de Celles et de Molembaix qu’à cause de l’éloignement considérable qui sépare en partie ces deux endroits, attendu que bon nombre d’habitants de Molembaix sont éloignés de plus d’une lieue de l’église de Celles, ce qui doit être très onéreux surtout en hiver, lorsqu’il s’agit de la fréquentation des offices religieux, de l’administration des sacrements, des baptêmes, enterrements, etc. »
Les actes de l’autorité ecclésiastique ne lient certainement point ici le gouvernement. Mais nous les invoquons uniquement pour prouver le fait de l’aversion et de l’inimitié capitale qui existent entre les deux fractions de la commune, ainsi que tous les inconvénients de l’éloignement de Molembaix, inconvénients qui militent pour le civil comme pour le spirituel. Or, certes, le témoignage du chef diocésain en vaut bien un autre.
A la vue de ces pièces, on ne sait comment qualifier la déclaration du curé de Celles, qui a probablement été surprise à sa religion et où il allègue que cette prétendue mésintelligence n’est tout au plus qu’imaginaire. Il nous suffira de lui faire observer qu’il est en contradiction flagrante avec son évêque, et que malheureusement sa position est telle qu’on pourra croire qu’il plaide ici pour sa chapelle.
J’ai eu occasion de voir et d’entendre beaucoup de fonctionnaires et de notables de toutes les communes du canton ; tous m’ont témoigné de cette désunion entre Celles et Molembaix. Il est généralement connu que les habitants de l’une et de l’autre partie se traitaient réciproquement de Belges et de Hollandais ; qu’il n’y a point d’espoir de rapprochement entre eux, et que l’état actuel des choses fait craindre les collisions les plus fâcheuses. Les adversaires de la séparation sont assez puissants, et ont assez de crédit pour qu’ils aient pu recueillir quelques témoignages contraires dans le canton et au-dehors. La mesure de la séparation devant avoir pour effet de nuire à plusieurs intérêts, on conçoit facilement les efforts que l’on emploie pour empêcher son adoption.
(L’orateur énumère ici nombre de faits et circonstances graves rapportés dans l’instruction elle-même, tendant à démontrer qu’il existe depuis longtemps entre Celles et Molembaix la désunion la plus complète ; que les intérêts de Molembaix ont été souvent oubliés ou négligés par l’administration, sacrifiés même en plusieurs circonstances. Il passe en revue une série d’actes administratifs qui prouvent que décidément l’administration de Celles ne veut pas sincèrement le bien-être des habitants de Molembaix ; qu’elle s’est montrée constamment dominée par un esprit exclusif, pour ne pas dire hostile, aux intérêts de cette partie importante de la commune.)
A voir seulement le ton de mépris et les invectives qu’on rencontre dans les mémoires de l’administration de Celles à l’égard de Molembaix, on ne peut s’empêcher de reconnaître que Celles n’a et ne peut avoir que du mépris pour Molembaix ; son aversion semble si naturelle qu’on ne se donne même pas la peine de dissimuler, alors cependant qu’il est si évidemment de son intérêt de tenir un langage calme et modéré.
Je regrette vivement de devoir entrer dans ces détails ; mais les adversaires de la séparation, induits sans doute en erreur par quelques opposants, m’y ont entraîné malgré moi.
D’après l’ensemble de tant de faits et de circonstances, tous à la connaissance de l’autorité supérieure, celle-ci ne pouvait se dispenser de reconnaître la nécessité de la mesure de séparation tant dans l’intérêt du service public que dans celui des habitants, et, il faut en convenir, depuis longtemps Celles s’est d’elle-même séparée de Molembaix.
Mais ce qu’il importe essentiellement de remarquer, c’est qu’on ne peut douter que la communauté de Celles, ayant le plus grand nombre d’électeurs, aura toujours une grande majorité dans l’administration et le conseil communal, même en choisissant, comme elle l’a déjà fait, quelques habitants de Molembaix, et que, d’après ce, Molembaix n’a pas l’espoir d’avoir jamais de ce côté-là une administration dévouée à ses intérêts. Le peuple de Molembaix, en déplorant sincèrement sa situation et pour le présent et pour l’avenir, ne voit donc que dans la séparation un remède et une fin à cet état de choses.
Quels que puissent être même les actes et les mesures de l’administration de Celles à l’égard de Molembaix, il est à croire au surplus qu’ils seront toujours ou jugés avec prévention ou vus avec défiance. Déjà, en matière de taxe municipale, avec ou sans raison, les habitants de la partie méridionale se croiront souvent imposés avec partialité. L’on a déjà vu des plaintes semblables.
Les mêmes inconvénients se présentent en matière de milice, par rapport surtout aux exemptions.
Par suite de cette majorité, Molembaix se trouve également exposé à demeurer constamment exclu des administrations de bienfaisance.
Le peuple de Molembaix, ainsi prévenu contre Celles, prend d’ailleurs à tâche d’attaquer ses actes, ses budgets ; ce qui est également arrivé. Or, un peuple qui a seulement l’opinion qu’on l’administre mal ou qu’on ne peut l’administrer conformément à ses intérêts, est réellement malheureux.
Ce qui doit contribuer à rendre plus sensible encore la division entre ces deux grandes fractions de la commune, c’est qu’il y a à Celles 47 chefs de famille de la profession de marchands, rentiers ou fonctionnaires, tandis qu’il n’y en a que 12 de ces professions à Molembaix, et qu’ici toute la population se compose de cultivateurs. Or, cette circonstance doit naturellement produire entre elles une différence dans les mœurs, le caractère et les usages.
Dans l’état actuel des choses, Celles jouit exclusivement de tous les avantages de la centralisation ; mais lorsqu’une partie considérable d’une commune est arrivée à un tel degré de prospérité et d’importance qu’elle peut se suffire à elle-même pour son administration et profiter de ces mêmes avantages par rapport à ce qui la concerne particulièrement, pourquoi les lui refuserait-on ? Cette faveur, dont Celles est exclusivement en possession au détriment de Molembaix, sera toujours pour ce dernier un sujet d’envie et de rivalité.
On ne peut se méprendre sur la distance dont les habitants de Molembaix font valoir les inconvénients. Il est facile de la vérifier sur le plan produit par le gouvernement.
Mais une autre observation des plus importantes, c’est qu’au cas de séparation, les frais d’administration seront à peu près les mêmes qu’aujourd’hui, pour l’une et l’autre des deux grandes divisions de la commune. Ses revenus ne consistent pour ainsi dire que dans une cotisation personnelle, qui s’est élevée annuellement jusqu’en 1833, à la somme de 990 florins, outre la taxe sur les chiens et les cents additionnels.
Comme il y a, de part et d’autre, en raison de la population, un bon nombre à peu près égal de fermiers et cultivateurs dans l’aisance et capables de contribuer, on peut admettre, sans trouver en résultat une différence notable, bien que Celles soit réputé plus riche, que le tout devrait être partagé et supporté environ par moitié entre la communauté de Celles et la communauté de Molembaix. Par conséquent, si le traitement du bourgmestre est jusqu’ici de cent florins, aujourd’hui on en créerait deux pour les deux administrations distinctes, chacun au traitement de 50 fl. environ, plus ou moins : il en serait de même des allocations pour le traitement des assesseurs, secrétaire, receveur, frais de bureau, etc.
La comparaison faite avec les budgets des communes voisines démontre que les choses peuvent se régler ainsi.
L’argument qu’une section de la commune est administrée avec moins de charges pour ses habitants lorsqu’elle est réunie à d’autres sections, frappe à faux dans l’espèce. Cela est vrai généralement lorsqu’ainsi que dans d’autres villages il y a si peu d’habitants aisés dans une section, qu’il leur serait impossible ou réellement plus difficile de faire face aux frais ordinaires de l’administration. La réunion, dans ce cas, est réellement plus profitable à cette section. Mais cet argument manque de justesse, lorsque la section ou quelques sections réunies offrent une communauté considérable qui renferme en elle tous les éléments propres à constituer une commune distincte et notamment une réunion d’habitants aisés et fortunés qui forment ensemble une masse vraiment indépendante par elle-même et par elle seule.
S’il est vrai, au surplus, qu’un surcroît de charges doit être pour Molembaix la conséquence de sa séparation, la communauté de ce lieu sait parfaitement qu’outre qu’elle est en état de le supporter, elle en sera dédommagée par l’avantage inappréciable d’être administrée par les siens et selon ses intérêts particuliers. Elle connaît les fruits de son indépendance sous tous les rapports.
On peut d’ailleurs compter sur le dévouement des notables de Molembaix à la chose publique et sur leur désintéressement ; ils en ont donné des preuves, comme ils le disent, lors des événements de la révolution. Je pense donc qu’on peut ajouter foi à leur assertion lorsqu’ils déclarent qu’on trouvera chez eux des administrateurs qui géreront gratuitement.
Quant aux pauvres, la nouvelle communauté aurait droit certainement à sa part dans les revenus actuels selon la proportion et d’après les bases prescrites en pareil cas, et elle se croira certainement mieux partagée que ne pourra le faire l’administration de Celles, qui toujours est par elle soupçonnée de partialité dans les distributions. Le nombre de pauvres qu’on attribue à cette partie de la commune est d’ailleurs exagéré.
D’après toutes ces considérations, je pense qu’il y a lieu d’adopter le projet de séparation présenté par le gouvernement. On ne peut espérer de réconcilier deux populations dont l’incompatibilité et l’antipathie ont leur source dans une opposition qui a pris des racines d’autant plus profondes, qu’elle est née, depuis longues années, de la différence de leurs intérêts moraux et matériels. Le temps ne peut rien changer à la nature des choses.
Si c’est, comme on n’en peut douter, pour le mieux être et la prospérité du peuple que les administrations sont instituées, j’ai la persuasion qu’une administration distincte et séparée remplira ce but à Molembaix. C’est, à notre avis, cette considération qui doit premièrement diriger ici la législature. Le peuple de Molembaix est bon, généreux, ami de l’ordre et de la paix, plein de patriotisme ; il est digne de la sollicitude du gouvernement et des représentants de la nation.
Je terminerai en faisant remarquer que la situation de Molembaix à l’égard de Celles, offre, sous tous les rapports, un exemple unique dans le district de Tournay.
(Moniteur belge n°133, du 12 mai 1836) M. de Jaegher. - Messieurs, si la question relative à la séparation des villages de Celles et de Molembaix était isolée, je n’y attacherais pas grande importance ; mais, malheureusement, elle est beaucoup plus générale qu’on ne le pense. Il n’est pas de hameau, quelque minime qu’il soit, qui ne renferme ses petites ambitions privées : un fermier voit en lui un homme capable de faire un bourgmestre, il voit dans son fils un secrétaire de commune, et dans son gendre un receveur ; c’est ainsi que des intérêts individuels poussent les populations à faire des demandes peu convenables à l’intérêt général. Dans le district d’Audenaerde, qui m’est connu, il y a quelques hameaux disposés à faire des demandes semblables à celle du hameau de Molembaix ; et même quelques hameaux se sont déjà adressés à l’autorité : heureusement que ces premières démarches n’ont pas eu de suite.
Mais si, comme à Celles, les passions avaient éprouvé des résistances, la bonne intelligence n’aurait pu se rétablir et eût été troublée à jamais. C’est un malheur pour la commune de Celles que les choses aient été poussées aussi loin et aient occasionné une irritation difficile à apaiser.
Toutefois, quand j’ai vu M. Doignon repousser les observations présentées par MM. Van Hoobrouck de Fiennes et Jullien, j’ai cru qu’il allait les réfuter et qu’elles n’étaient pas fondées ; mais il n’a rien fait de semblable, J’ai écouté avec attention l’immense plaidoyer lu par cet honorable membre, et quoiqu’il ait commencé par énoncer que les séparations devaient avoir lieu dans des cas très rares, très graves, je n’ai pas vu qu’il ait cité un fait ayant réellement quelque gravité ; les faits qu’il a cités sont tous contestés par les habitants de la commune de Celles et par l’administration même de cette commune.
Dans le projet du gouvernement, de même que dans le travail du rapporteur, je n’ai pas trouvé de motifs prédominants pour autoriser la séparation. Le ministre dit qu’il a acquis la conviction intime que la séparation est nécessaire ; mais je ne puis partager cette conviction sans motifs. Le rapporteur de la commission assure que la distance entre les deux villages et que la différence entre les intérêts sont les principales raisons qui militent en faveur de la séparation. Je m’étais attendu, après cela, à voir qu’il n’y avait pas de police à Molembaix ; mais on nous a dit tout le contraire ; car on nous a dit qu’un membre de l’administration communale était charge spécialement du hameau de Molembaix ; qu’un garde champêtre était attaché à Molembaix ; que les publications se font à Molembaix comme à Celles. D’après tout ce qui a été allégué, il y a plutôt lieu à conclure au rejet de la séparation qu’à l’admission du projet de loi.
Si l’on examine les inconvénients qui résultent de la distance, on verra bientôt qu’ils sont nuls ; on pourrait facilement citer des exemples de parties de communes plus éloignées les unes des autres que Celles et Molembaix.
L’honorable M. Jullien, qui a passé en revue les allégations sur lesquelles on se fonde pour obtenir une séparation, a remarqué, avec raison, un fait noté dans le travail du rapporteur. Le hameau de Molembaix, qui demande la séparation, n’est composé que de 80 ménages, Ce qui donne 400 habitants en comptant cinq têtes par foyer ; on se demande alors comment il sera possible que ce hameau fasse une commune de 1,413 âmes comme le dit M. le rapporteur.
L’augmentation de la dépense pour ériger une nouvelle commune sera insignifiante, dit encore M. le rapporteur ; cependant l’administration devra être doublée, et les frais seront doublés par conséquent ; cela est incontestable. Il est également incontestable que l’une des deux communes n’aura pas dans l’administration du bien des pauvres une part semblable à l’autre.
Je ne veux pas revenir sur toutes les objections qui ont été présentées par les orateurs précédents ; mais jusqu’à ce qu’on y ait répondu convenablement, je ne puis admettre la séparation.
Certainement nous ne pouvons pas désirer qu’une partie des pauvres soit dans une position plus malheureuse qu’une autre. Il serait donc pénible de voir l’une des deux parties des pauvres divisée de l’autre, si celle-ci présentait plus de ressources.
On a dit qu’il y avait unanimité pour la séparation. Cela n’est pas exact ; il y a simplement une majorité parmi la population. Cette majorité peut paraître imposante. Mais la minorité est composée de tous les plus gros contribuables. Cette minorité doit donc, ce me semble, être prise en considération aussi bien que la majorité numérique.
Un grand nombre de membres. - La clôture !
(Moniteur belge n°134 et 135, des 13 et 14 mai 1836) M. B. Dubus., rapporteur. - Messieurs, les observations qui nous ont été présentées par un honorable député de Tournay me laissent bien peu de chose à dire en réponse aux préopinants qui ont attaqué le projet de loi en discussion.
Je répondrai d’abord à ce que vient de vous dire M. de Jaegher. L’orateur a prétendu que, selon le rapport que j’ai eu l’honneur de présenter à la chambre, le hameau de Molembaix, qui demande la séparation, n’est composé que de 80 ménages ; après quoi il s’écrie : Comment sera-t-il possible que le hameau fasse une commune de 1,413 âmes, comme le dit M. le rapporteur, puisqu’en comptant, comme on le fait ordinairement cinq têtes par foyer, cela ne donne encore que 500 habitants ?
Messieurs, si l’honorable député d’Audenaerde a lu le rapport avec quelque attention, il a dû y voir tout autre chose que ce qu’il vient de vous dire.
Il est dit dans ce rapport que le hameau de Molembaix présente une agglomération de quatre-vingts maisons environ ; mais outre cette agglomération il y a encore un grand nombre d’autres habitations disséminées dans les campagnes.
Il est à remarquer, messieurs, que la plupart des attaques du préopinant, aussi bien que celles de MM. Van Hoobrouck et Jullien, contre le projet de séparation, sont basées sur cette circonstance qu’il n’y aurait que les seuls habitants du hameau de Molembaix qui auraient demandé la séparation. Mais, messieurs, c’est là une erreur matérielle, une erreur capitale qu’il importe de détruire. Ce sont les habitants des quatre hameaux formant la partie méridionale du village de Celles-Molembaix qui ont demandé la séparation ; mais ils l’ont demandée sous le nom de Molembaix parce que le hameau occupe une position centrale dans la commune à ériger, parce qu’il est beaucoup plus considérable que les hameaux circonvoisins, parce qu’il possède église, presbytère, cimetière, etc., parce qu’il présente une agglomération de maisons très propre à devenir le siège d’une administration communale, parce qu’enfin la nouvelle commune devra porter le nom de Molembaix.
On a dit aussi que la séparation n’était demandée que par quelques personnes. Messieurs, il existe dans la partie méridionale de Celles-Molembaix, dans les quatre hameaux qui demandent la séparation, 249 chefs de famille ; eh bien de ce nombre il y en a 230 qui ont déclaré adhérer à la demande en séparation, et cela par acte authentique devant notaire. Vous le voyez, messieurs, ce sont sur des erreurs aussi palpables que quelques préopinants ont motivé leur opinion contraire à la séparation.
Il est encore une autre objection qui a été faite par l’honorable M. Jullien et que je ne puis laisser sans réponse. L’orateur vous a dit que la séparation entraînerait pour les deux nouvelles communes un grand surcroît de dépenses, et il a motivé cette opinion sur les données fournies par l’administration du village de Celles.
Messieurs, la commission a compris toute l’importance de cette objection. Elle a examiné un à un tous les articles du budget de Celles-Molembaix, de même que ceux des projets de budgets dressés par l’administration de Celles pour les deux communes séparées, et elle a souvent reconnu dans ceux-ci de fortes augmentations de dépenses qui n’étaient nullement justifiées. En voici des exemples : l’article 3 du budget porte : « Traitement du secrétaire, 423 francs ; » le même article au projet pour Celles séparé porte 300 francs, et celui pour Molembaix 250 francs. Il serait cependant juste de réduire ce traitement de moitié puisque la population sera réduite dans la même proportion.
L’art. 12 du budget de Celles-Molembaix porte : « Traitement des gardes champêtres (il y en a deux), 317 fr. 46 centimes. », le même article aux projets pour les communes séparées porte 250 fr. pour chacune d’elles, et il n’y a qu’un garde à payer. L’article 28 du budget : « Secours au bureau de bienfaisance, porte pour les deux communes réunies 105 fr. 82 centimes, » et le même article au projet pour Celles seulement porte 100 fr., et au projet pour Molembaix 200 fr., ce qui fait 300 fr. au lieu de 105 fr. 82 centimes.
La commission, messieurs, ne s’est pas contentée de cela, et elle s’est fait représenter les budgets de quelques communes voisines de Celles-Molembaix ; elle les a comparés avec les projets dressés par l’administration de Celles, et elle est demeurée convaincue que les dépenses avaient été souvent enflées par celle-ci sans motifs, et que si ces dépenses, après la séparation prononcée, étaient réparties avec discernement, elles n’excéderaient pas ou n’excéderaient que de bien peu de chose, pour les deux communes séparées, le montant actuel des dépenses pour les deux communes réunies. Je bornerai là mes observations, sauf à y revenir plus tard si cela devient nécessaire.
(Moniteur belge n°133, du 12 mai 1836) Plusieurs membres. - La clôture !
M. Fallon. - Je demanderai s’il a été fait une enquête de commodo et de incommodo. Car, sans cette enquête, il ne peut pas y avoir de séparation,
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’enquête a eu lieu. Je pense que l’honorable rapporteur pourrait en donner connaissance. Le dossier est très volumineux. L’instruction a commencé en 1832 ; elle a duré pendant plusieurs années et a été soumise itérativement à la députation des états. C’est d’après cette instruction que nous avons cru devoir présentée un projet de loi. Je pense qu’il y a des motifs suffisants pour proposer la séparation.
M. Jullien. - Il s’agit, messieurs, de vérifier un fait. On ne peut clore la discussion, lorsqu’on demande la vérification d’un fait qui doit donner aux membres de la chambre, qui doivent juger, la conviction s’il y lieu ou s’il n’y a pas lieu à la séparation. Il s’agit de faits allégués par une administration communale ; et vous ne devez pas la mépriser au point de croire qu’elle ne débite que des mensonges. Il est probable qu’elle n’allègue que des faits dont elle peut faire la preuve.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il y a eu une enquête tenue par un membre de la députation des états. J’ai entre les mains le procès-verbal de l’enquête ainsi que le rapport de M. le gouverneur de la province. Si la chambre ne se croit pas assez éclairée, je lui donnerai lecture du rapport. Il pourra en résulter, à l’évidence, qu’il y a lieu d’admettre la séparation.
(M. le ministre donne lecture du rapport du gouverneur de la province du Hainaut.)
Je ne ferai qu’une seule observation, c’est que si la chambre voulait entrer dans l’examen des pièces de ce volumineux dossier, elle pourrait consacrer à cet examen autant de séances que peut prendre le projet le plus important. Procéder ainsi serait rendre la séparation des communes impossible. Ce sont là des questions de fait qu’une étude administrative seule et non une discussion parlementaire permet d’apprécier. C’est pour ces motifs que nous n’avons pas cru devoir faire imprimer ces documents dont MM. les membres de la commission ont pu prendre connaissance.
M. le président. - La parole est à M. de Jaegher sur la clôture.
M. de Jaegher. - J’ai demandé la parole pour insister sur la nécessité de continuer la discussion, maintenant que des renseignements qui n’étaient pas connus de l’assemblée viennent de lui être communiqués. J’insiste de nouveau pour que l’on examine de plus près les motifs pour et contre, qui ont été donnés sur cette affaire. Il ne vous sera pas échappé que les 4/13 seulement de la population ont demandé la séparation des deux villages. M. le gouverneur a surtout en vue d’éviter la désunion des habitants. Mais c’est précisément le résultat que l’on va obtenir si l’on se rend aux voeux des 4/13 de la population. Les 4/13 se considéreront à juste titre comme lésés.
Plusieurs membres. - Ce n’est pas la clôture.
M. de Jaegher. - Je ferai observer d’ailleurs que l’art. 5 de la loi communale prévoit le cas où un morcellement électoral pourra avoir lieu. Ainsi serait levée l’objection pour la nomination des conseillers municipaux. Demandez à M. le ministre lui-même si l’art. 5 n’est pas applicable au cas actuel. Il vous le dira lui-même.
M. Dubus. - Il dira le contraire.
M. de Jaegher. - Il le dira ; je connais la loi aussi bien que vous.
Plusieurs membres. - Parlez sur la clôture.
M. le président. - Je prie M. de Jaegher de se renfermer dans la question de clôture.
M. de Jaegher. - C’est sur la clôture que je parle ; je vous montre la nécessité de ne pas clore la discussion en présence des faits nouveaux qui viennent de nous être révélés. Le membre de la députation chargé de l’enquête est opposé à la séparation ; le commissaire de district actuel l’est également. M. le gouverneur n’a parlé que de généralités pour démontrer la convenance de séparer les communes, tandis que le commissaire de district a opposé des faits spéciaux. La seule circonstance que les 4/13 seulement de la population demandent la séparation, suffit, selon moi, pour détruire tous les arguments tendant à la faire adopter. Je n’en dirai pas davantage pour m’opposer à la clôture.
M. Trentesaux. - Je demande la parole contre la clôture, parce que je suis convaincu que la chambre n’est pas suffisamment éclairée. D’après l’avis dont M. le ministre de l’intérieur vous a donné lecture, vous voyez que le membre chargé de l’enquête de commode et de incommodo a voté dans la députation contre la séparation. M. le commissaire de district actuel y est opposé. M. le curé y est également opposé.
Il y a un point que l’on n’a pas examiné suffisamment ; c’est le point politique. Du moment que vous aurez accordé une séparation de communes, vous serez assaillis par une foule de demandes de la même nature.
Je sais bien que le gouvernement ne vous a proposé la loi que parce qu’il a cru suffisant les motifs allégués pour la séparation. Mais moi qui connais les localités, je vous dirai qu’après avoir examiné pièce par pièce le volumineux dossier de cette affaire, je suis demeuré convaincu que la séparation du village de Celles du hameau de Molembaix serait désavantageuse aux administrés.
J’insiste surtout sur l’examen du point politique. Une pareille loi aura des conséquences que nous ne prévoyons pas. Il y a dans l’arrondissement de Tournay un canton composé de quatre communes seulement. Il est à craindre que des prétentions de séparation ne soient encouragées par un précédent fâcheux.
Cette affaire mérite toutes vos méditations, et j’engage surtout le gouvernement à y apporter sa plus sérieuse attention.
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article unique du projet du gouvernement.
M. Trentesaux. - Je demande la parole sur cet article.
Plusieurs membres. - Il y clôture !
M. Jullien. - Sur l’ensemble, mais non pas sur l’article.
M. Dubus. - Alors ce serait comme s’il n’y avait pas de clôture. M. le ministre ne s’étant pas rallié au projet de la commission, la discussion a roulé sur son projet qui est composé d’un article unique.
La discussion s’est établie sur cet article, et la clôture, prononcée sur la discussion générale, l’a été en même temps sur l’article unique. Toute la différence qu’il y a entre les deux projets, c’est que la commission a consacré un second article pour définir les limites des deux communes, tandis que M. le ministre s’en réfère au plan annexé à la loi qu’il croit plus exact.
Ainsi, on ne peut plus, me paraît-il, ouvrir la discussion puisqu’elle est close. Seulement il y aura à mettre aux voix l’amendement de la commission. Si l’amendement est écarté, on mettra aux voix l’article du gouvernement,
J’entends M. le rapporteur qui dit que la commission renonce à son amendement ; la question est encore plus simple.
M. Gendebien. - Lisez les art, 40 et 41 du règlement, et vous verrez que vous ne pouvez pas étrangler la discussion comme vous voulez le faire.
L’art. 40 dit qu’une discussion générale s’ouvre sur le principe, sur l’ensemble de la loi, et l’art. 41, qu’une discussion s’ouvre ensuite sur chacun des articles.
Vous ne pouvez pas mettre l’article aux voix avant de l’avoir discuté. Il n’y a pas eu de discussion.
M. le président. - Je vais mettre la question aux voix.
M. Gendebien. - Vous mettez le règlement en question.
M. Dubus. - Ce n’est pas nous qui mettons le règlement en question, mais c’est l’honorable membre qui en fait une fausse application. Il raisonne comme s’il s’agissait d’une loi en plusieurs articles. D’après le règlement, il n’y a lieu à ouvrir une discussion article par article que quand la loi se compose de plusieurs articles. Mais d’après les précédents de la chambre, quand une loi se compose d’un seul article, lorsque la discussion est close, elle est close sur toute la loi.
M. Trentesaux. - Il y a deux choses dans la loi ; il y a le principe de la séparation et l’application, c’est-à-dire la délimitation. C’est sur la première partie que je veux parler. Je n’ai qu’une simple observation à faire sur la rédaction, mais elle ferait voir que celui qui a rédigé le projet ne connaissait pas bien les choses.
Je vois dans le projet : Les villages de Celles et de Molembaix, etc.
Allez demander dans le pays ce que c’est que le village de Molembaix, on vous répondra qu’on n’en sait rien. On ne connaît que le village de Celles qu’on appelle quelquefois Celles-Molembaix. Mais Celles comprend la totalité.
Mais vous en faites deux villages, Celles et Molembaix. Cela n’a jamais été. Il est clair qu’on n’était pas bien informé.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Les observations de l’honorable préopinant tombent devant le plan qui est annexé à la loi. Avec ce plan il ne peut plus y avoir de doute. (Aux voix ! aux voix !)
M. B. Dubus., rapporteur. - Messieurs, j’ai été autorisé par la majorité de la commission à renoncer à l’amendement qu’elle avait eu l’honneur de vous proposer.
Il n’y a donc plus que l’article proposé par le ministre.
M. Gendebien. - Je reprends l’amendement.
Je ne comprends pas comment on peut équivoquer sur les termes des articles 40 et 41 du règlement.
L’article 40 dit qu’une discussion doit s’ouvrir sur le principe, sur la généralité de ce qui peut se rattacher à la loi, et l’article 41, qu’une discussion s’ouvre ensuite sur les détails. Le règlement ne fait pas de distinction entre les lois en un ou plusieurs articles.
Il y a plus, c’est qu’on peut ouvrir une discussion générale sur chaque proposition et une seconde discussion sur chaque point d’une proposition. Je ne conçois pas cette presse qui va jusqu’à violer le règlement.
L’honorable M. Dubus n’a pas pensé qu’on pourrait lui objecter un jour les paroles qu’il vient de prononcer pour empêcher une discussion.
M. Dubus. - Ce sont les précédents de la chambre.
M. Gendebien. - Jamais on n’a procédé ainsi.
M. Pirmez. - Je pense que le règlement doit être entendu comme vient de l’interpréter M. Gendebien ; car, dans la discussion générale, on aurait pu ne parler que sur les séparations en général et ne rien dire sur la séparation de Celles et Molembaix. Après la discussion générale, il est nécessaire qu’une discussion s’ouvre sur la spécialité.
M. Gendebien. - Voyez combien est fausse la théorie qu’on met en avant. Je suppose qu’un membre veuille proposer un amendement après la discussion générale d’une loi en un seul article ; il ne pourrait pas le faire s’il ne devait pas y avoir de discussion sur l’article, parce qu’une fois la clôture prononcée, on ne peut plus proposer d’amendement.
M. Verdussen. - Il est évident que l’article unique est complexe ; il renferme deus points : le premier consiste à dire que Molembaix et Celles sont séparées, et le second, de quoi se composeront les deux communes.
Il faut clore la discussion générale en admettant le premier paragraphe, et venir au deuxième. Quelle sera la délimitation des deux communes par hameaux et par foyers ?
M. de Jaegher. - La proposition de l’honorable préopinant ne peut pas être admise. Il ne s’agit pas seulement de la séparation de Molembaix, car Molembaix ne pourrait pas former une commune. Il faut décider que tels et tels hameaux formeront la commune de Molembaix ; la première question posée ne signifierait rien.
M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Verdussen.
M. Gendebien. - Je demande qu’on mette aux voix si on votera l’art. 1er sans discussion. Je formule au reste une proposition que je vais faire passer au bureau.
M. Verdussen. - Si Molembaix se trouvait présenter un si petit nombre d’habitants qu’il ne pût plus porter le nom de commune, ceux qui auraient défendu la séparation pourraient dans ce cas se réunir à ceux qui l’avaient combattue pour voter contre l’ensemble de la loi.
La chambre peut donc être appelée à voter sur ma proposition dans laquelle je persiste.
M. le président. - Voici une proposition faite par M. Gendebien :
« Je demande formellement qu’en exécution des articles 40 et 41 du règlement, on ouvre d’abord la discussion sur l’article premier. »
- Cette proposition mise aux voix est rejetée après trois épreuves par assis et levé.
M. Gendebien. - Je demande que ma proposition soit insérée au procès-verbal.
M. le président. - Voici la première partie de l’article :
« Les villages de Celles et Molembaix dont la réunion forme actuellement la commune de Celles-Molembaix (commune du Hainaut), formeront désormais deux communes séparées. »
- Cet article mis aux voix est adopté.
M. Gendebien. - Je demande que l’on mette au procès-verbal que je me suis abstenu de voter.
M. le président. - La commission a proposé de déclarer dans la loi quelles seraient les limites des communes, mais elle a retiré cet amendement.
M. Gendebien. - Je fais mien l’amendement de la commission.
Il me semble qu’il est impossible de ne pas mettre dans la loi la délimitation des communes de Celles et Molembaix. Il faut avoir très peu de connaissance des affaires pour ne pas savoir à quels dangers on s’expose en s’en rapportant à un plan qui peut disparaître, qu’on peut supprimer ; on doit d’autant plus craindre les difficultés qui naîtraient entre les communes par suite de la disparition du plan, qu’il y a plus de mécontents. Il n’y a en effet que le tiers des habitants de Molembaix qui demandent la séparation ; les deux autres tiers n’en veulent pas.
Ce que je vous dis sur la suppression des plans n’est pas sans exemple. On a demandé cent millions pour l’achèvement des monuments de la capitale en France ; on a voulu avoir communication des plans avant de rien accorder, et les plans ont été déposés sur le bureau de la chambre des députés.
Puis tout à coup ces mêmes plans ont disparu, ce qui fait l’objet d’un grief très grave contre le ministère de France. Pourquoi ne ferait-on pas disparaître les plans dans les bureaux de nos ministres, comme on les fait disparaître dans les bureaux des administrations françaises ? et pourquoi ne prendrait-on pas contre un tel mal la précaution la plus simple, celle d’insérer cinq à six lignes dans la loi.
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et rejeté.
M. le président. - Voici le second paragraphe de l’article :
« Les limites respective des communes seront fixées conformément au plan annexé à la présente loi. »
- Ce paragraphe est adopté.
L’ensemble de la loi est soumis à l’appel nominal.
54 membres sont présents.
37 votent l’adoption.
12 votent le rejet.
5 s’abstiennent de prendre part à la délibération.
Le projet de lui est adopté et sera transmis au sénat.
Ont voté pour : MM. Andries, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières. Desmanet de Biesme, Desmet de Terbecq, de Theux, Doignon, Dubus aîné, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Keppenne, Legrelle, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Raikem, A. Rodenbach, Schaetzen, Scheyven, Simons, Ullens, Verdussen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Dams, de Saegher, Jullien, Liedts, Pirmez, Raymaeckers, Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, van Hoobrouck de Fiennes.
Se sont abstenus : MM. Fallon, Gendebien, Quirini, Smits, Trentesaux.
M. Fallon. - Messieurs, cette circonstance que les autorités locales et les états provinciaux ne sont pas d’accord sur l’utilité de la séparation, jointe à l’insuffisance des documents présentés à la chambre, ne m’a pas permis d’établir ma conviction, et voilà pourquoi je me suis abstenu de voter.
M. Gendebien. - Je me suis abstenu de prendre part à la délibération par les motifs que vient d’exposer l’honorable M. Fallon, et encore pour avoir occasion de protester hautement contre la violation du règlement.
M. Quirini. - Je me suis abstenu par les motifs exposés par M. Fallon.
M. Smits. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Trentesaux. - Je me suis abstenu parce qu’on n’a pas discuté la question politique.... (Des membres quittent leurs places, et le bruit occasionné par ce mouvement interrompt un moment l’honorable membre. Il reprend ainsi :)
Je me suis abstenu parce que je ne suis pas convaincu de l’utilité de la séparation de Celles d’avec Molembaix. Dans le doute, il faut s’abstenir, dit le sage ; je n’ai donc pu voter.
En outre, je n’ai pas eu tous mes apaisements relativement à la question politique que le projet soulève ; j’ai dit et je le répète, la question politique est de la plus haute importance, et mériterait d’être examinée sérieusement par le gouvernement.
C’est le premier pas que nous faisons dans la carrière des séparations de communes. Il était, en conséquence, nécessaire que nous procédassions avec circonspection et que nous ne votassions qu’après le plus mûr examen.
- La séance est levée à cinq heures.