(Moniteur belge n°130, du 9 mai 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse procède à l’appel nominal.
M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.
« Le major Tack demande que la chambre mette à l’ordre du jour le rapport sur sa pétition. »
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruxelles adresse des observations sur les modifications proposées au tarif des douanes. »
« Le sieur J. Alfred Braun, chimiste coloriste, né en France, domicilié en Belgique depuis 10 ans, demande la naturalisation. »
« Le capitaine d’état-major Leszezinsky, Polonais, au service de Belgique depuis 4 années, demande la naturalisation. »
« Des notables habitants de Molembaix réclament contre le projet de séparation de la commune de Celle-Molembaix. »
« Plusieurs habitants du village de Sougné, commune de Sprimont, réclament contre le projet de leur réunion à la commune d’Aywaille. »
- Les pétitions relatives aux naturalisations sont renvoyées au ministère de la justice ; celles qui concernent les délimitations de quelques communes, resteront déposées sur le bureau, en attendant la discussion des projets qui se rapportent à cet objet. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, chargée d’en faire le rapport.
M. Kervyn, retenu chez lui par une indisposition, demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
M. Raymaeckers, rapporteur d’une section centrale, donne lecture du rapport sur la proposition de M. Dumortier, relative aux crimes et délits commis par les militaires.
- Le rapport sera imprimé et distribué aux membres de la chambre.
M. le président. - A quel jour la chambre entend-elle fixer la discussion du rapport ?
Plusieurs membres. - On fixera le jour de cette discussion ultérieurement.
M. Gendebien. - Je demande que le projet soit discuté simultanément avec les autres lois militaires dont la discussion a déjà été fixée ; car en établissant les droits des militaires, il faut aussi établir les droits des citoyens.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demanderai que la chambre ne prenne aucune décision avant l’impression et la distribution du rapport ; alors nous connaîtrons les conclusions de la commission et nous pourrons prendre une résolution en connaissance de cause.
M. Gendebien. - Les scrupules que M. le ministre de la justice vient de manifester sont sans doute bien honorables ; mais il serait à désirer qu’il éprouvât toujours ces scrupules : je rappellerai que dans une des séances précédentes, il voulait nous forcer à voter une série de 9 ou 10 propositions, sans que nous eussions le texte sous les yeux.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, nous n’avons aucune connaissance des conclusions de la commission ; aussi il est tout simple que nous attendions ; il n’y a même pas, si je ne me trompe, de projet formulé.
Quant la proposition que j’ai faite dans une séance précédente, et à laquelle l’honorable préopinant a fait allusion, elle n’a aucune analogie avec celle qui nous occupe.
En effet, de quoi s’agissait-il alors ? La veille, des amendements avaient été proposés et renvoyés à une commission principalement dans le but de les rédiger dans un ordre convenable ; la chambre même, n’avait demandé qu’un rapport verbal pour ne pas interrompre la discussion ; et la commission, se conformant à cette proposition, n’est venue, en effet, nous faire qu’un rapport verbal.
Ensuite, qu’ai-je eu l’honneur de dire à la chambre ? J’ai dit que les amendements, quant au fond, avaient été pour ainsi dire adoptés la veille ; qu’il ne s’agissait en quelque sorte que de la forme, que le rapporteur de la commission proposait l’adoption des amendements à l’unanimité de ses membres ; que dès lors il était inutile de remettre la discussion au lendemain. La chambre se rappellera qu’effectivement l’adoption des amendements n’a pas soulevé de graves difficultés.
- La chambre décide que la discussion du rapport de la commission, relatif à la proposition de M. Dumortier, sera ultérieurement fixée.
M. Fallon. - Avant qu’on passe à l’ordre du jour, je ferai observer à la chambre que M. Bosquet, qui ne fait plus partie de la chambre, était membre de la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif aux compétences des justices de paix et des tribunaux de première instance ; il conviendrait de remplacer M. Bosquet. (L’ordre du jour ! l’ordre du jour !)
- Cet incident n’a pas de suite.
M. Raikem cède le fauteuil à M. Duvivier.
M. le président. - La chambre veut-elle revenir à l’art. 1er, la commission ayant proposé d’augmenter de deux suppléants le personnel du conseil des mines ?
M. Gendebien. - Ce n’est que lors du second vote qu’on pourra s’occuper de la proposition de la commission ; l’article premier est voté ; il n’est pas de règle qu’on vote deux fois. Le règlement est positif à cet égard.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ne vois pas d’inconvénient à ajourner au second vote cette proposition qui serait véritablement un amendement à l’article premier. J’y vois d’autant moins d’inconvénient, que le projet du gouvernement parle de conseillers honoraires, et, qu’ainsi cette partie du projet peut encore être mise aux voix.
- La chambre décide qu’on s’occupera de la proposition lors du second vote.
M. le président. - Maintenant, la chambre veut-elle discuter l’art. 4 ou l’art. 7 ?
M. Fallon, rapporteur. - La discussion a déjà été ouverte sur l’art. 7, on avait même demandé la clôture de la discussion de cet article ; mais la chambre a décidé que la discussion continuerait.
M. Raikem. - Effectivement la discussion a été ouverte sur l’art. 7 ; la clôture même a été demandée, mais elle n’a pas été prononcée ; je ferai observer en outre que la discussion avait également été ouverte sur l’art. 4, ce dernier article, ainsi que les amendements y relatifs, avait été renvoyé à la commission nommée par le bureau. On avait renvoyé en même temps à cette commission les amendements qui se rapportaient à l’article 2.
Dans la séance de lundi, on a commencé la discussion de l’art. 2, et l’on n’a pas continué à discuter l’art. 7, de manière qu’il est indifférent qu’on discute actuellement l’art. 4 ou l’article 7.
M. Duvivier, président. - S’il n’y a pas d’opposition, nous passerons à la discussion de l’art. 4.
M. Pollénus. - Avant que la chambre passe à la discussion de l’art. 4, je crois devoir présenter quelques observations, au sujet des attributions qui concernent l’art. 1er.
Vous vous rappellerez que, dans une des séances précédentes, tout le monde reconnaissait que le conseil des mines ne peut s’immiscer dans les connaissances des questions de propriété.
Plusieurs membres. - Les observations de M. Pollénus ne ses rapportent pas à l’objet actuellement en discussion.
M. Pollénus, reprenant. - Les observations que je suis dans l’intention de faire concernent, il est vrai, l’article 1er ; mais il ne s’agit pas d’un amendement, c’est une disposition additionnelle que je proposerai, si les explications que je vais demander ne sont pas satisfaisantes ; cette disposition devra précéder l’article 4.
Je disais donc qu’on était convenu dans une séance précédente que le conseil des mines ne peut dans aucun cas s’immiscer dans la connaissance des questions de propriété dont l’appréciation est déférée aux tribunaux par la constitution.
Tout le monde a été d’accord sur ce point ; cependant les explications qui ont été données par M. le ministre de la justice dans la séance du 26 avril me paraissent de nature à pouvoir soulever quelques difficultés, à l’occasion des délibérations du conseil des mines.
L’honorable M. Pirmez répondant, je pense, à l’honorable M. Gendebien, disait « qu’aussitôt qu’une question de propriété était objectée devant le conseil des mines, il ne restait au conseil que de s’abstenir immédiatement, et de renvoyer la contestation devant les tribunaux ordinaires qui devaient en connaître. »
M. le ministre de la justice a répondu : « Il ne suffit pas de prétexter un droit de propriété pour qu’il y ait réellement contestation sur la propriété ; il faut encore qu’il y ait une apparence de fondement dans cette prétention. »
Messieurs, je crois que si les paroles de M. le ministre de la justice pouvaient être considérées comme exprimant l’opinion de la chambre, c’est-à-dire si la chambre admettait que le conseil, lorsqu’une question de propriété est objectée par une des parties, pût juger l’apparence de fondement du droit, je crois alors que le conseil des mines jugerait véritablement le droit de propriété.
Je proposerais donc la disposition additionnelle que j’ai annoncée, s’il pouvait rester quelque doute sur la nécessité qu’il y a de la part du conseil des mines de ne pas s’immiscer dans la connaissance des questions de propriété, ou dans l’appréciation d’un droit civil qui est attribuée au seul pouvoir judiciaire, et qui ne peut appartenir à une autorité administrative, telle que le conseil des mines.
Je ne tiens à ma proposition qu’autant que M. le ministre de la justice ou les autres organes du gouvernement persistent à soutenir qu’il appartient au conseil des mines de juger l’apparence de fondement du droit.
Car je le répète, je ne conçois pas la possibilité de juger de l’apparence d’un droit sans juger du droit lui-même. Et à moins que M. le ministre de la justice ne dise que lorsqu’une question de propriété sera élevée, cette question sera renvoyée devant les tribunaux, que telle est sa pensée, je proposerai un amendement, d’après lequel il serait formellement déclaré dans la loi que les questions de propriété seront décidées par les tribunaux ordinaires, et que le conseil des mines suspendra son examen jusqu’à ce que les tribunaux aient prononcé.
M. Jullien. - D’après ce que vient de dire l’honorable préopinant, il semblerait qu’une simple explication du ministre de la justice le satisferait ; quant à moi, une explication semblable ne me satisferait pas sur un point de la loi, si je croyais que ce point peut avoir quelque portée dans la loi.
L’honorable M. Pollénus a fait une difficulté d’une chose qui a été longuement exposée dans les débats : tout le monde est convenu que le conseil des mines n’est pas compétent pour juger des questions de propriété.
Toutes les fois qu’il s’élèvera de semblables questions, si elles sont sérieuses, le conseil des mines sera dans la nécessité de les renvoyer devant les tribunaux ; mais, dit l’honorable M. Pollénus, comment voulez-vous qu’un conseil puisse juger de l’apparence d’un droit de propriété sans juger en quelque sorte du droit lui-même ? Et cette difficulté me paraît tellement grave qu’il demande au ministre de la justice de s’expliquer sur ce qu’il a entendu par ces mots : « Juger de l’apparence du droit de propriété. » Eh bien, il ne s’agit pas d’une difficulté semblable ; car le conseil des mines n’aura autre chose à faire qu’à examiner s’il y a lieu ou non à renvoyer devant les tribunaux. Ainsi, quand une partie viendra dire : Je suis propriétaire, il lui suffira de prouver par un titre, par la possession, par un moyen quelconque, que son assertion n’est pas sans fondement, pour que le conseil des mines suspende son examen.
Mais si l’on s’aperçoit qu’il ne s’agit que de chicanes, afin de dessaisir le conseil des mines et de prolonger l’affaire pendant trois ou quatre ans par des défauts, des oppositions, des incidents de toute nature, le conseil des mines doit passer outre ; car, avons-nous dit, attendu que l’on excipe du droit de propriété sans produire aucun titre, et que l’on ne fait qu’une exception dérisoire, il ne faut pas admettre de semblables demandes. Voilà quelle a été la pensée du ministre de la justice, et celle de la chambre, quand on a déclaré que le conseil des mines apprécierait les motifs que l’on donnerait pour le dessaisir de l’affaire.
J’ai dû rappeler ces explications qui ont été données, puisqu’on renouvelle les objections qui ont été faites.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Y a-t-il une proposition déposée sur le bureau ?
M. le président. - Voici l’amendement déposé par M. Pollénus :
« Lorsque les réclamations des parties ou de l’une d’elles seront fondées sur un droit de propriété ou sur tout autre droit civil, le conseil des mines suspendra ses délibérations et renverra la contestation aux tribunaux compétents.»
M. Raikem. - Messieurs, je ne puis admettre les principes émis par l’honorable préopinant ; car juger la question de savoir s’il s’agit de propriété, c’est juger la compétence des tribunaux. Ainsi ce serait le conseil des mines qui serait juge dans certains cas des questions de compétence, ce qui ne peut avoir lieu aux termes de la constitution.
J’ai fait observer dans les discussions précédentes que le conseil d’Etat ou que le gouvernement pouvait juger s’il s’agissait de questions de propriété et si, par suite, la décision appartenait à l’autorité judiciaire ou à l’autorité administrative ; parce qu’alors le gouvernement était juge des conflits et qu’il pouvait déclarer que l’administration resterait saisie.
Mais aujourd’hui il n’en est plus de même, car c’est la cour de cassation qui décide les conflits. Dès lors, quand une exception fondée sur un droit de propriété est présentée devant le conseil des mines, il doit nécessairement surseoir, et la proposition faite par l’honorable M. Pollénus n’est pas même nécessaire pour qu’il en soit ainsi. La constitution a prononcé sur ce point. Si le conseil des mines décidait qu’il n’y a pas de question de propriété, il déciderait par cela même une question de conflit ; or un pareil pouvoir, une pareille juridiction ne peut lui être confiée d’après le pacte fondamental.
Mais, dit-on, des chicaneurs pourront faire traîner l’affaire en prétextant des droits civils.
Remarquez, messieurs, que les tribunaux peuvent déclarer l’urgence, et que le conseil des mines peut continuer l’instruction de l’affaire jusqu’au point où il doit donner son avis. Remarquez encore que le plaideur qui soutient des droits mal fondés, s’expose à des frais considérables. Remarquez de plus que l’on peut intenter une action judiciaire avant que le conseil des mines soit saisi de la demande en concession et alors ce conseil doit nécessairement surseoir jusqu’à ce que les tribunaux aient décidé.
Je le répète, il y aurait inconstitutionnalité si le conseil des mines était établi juge du point de savoir s’il y a question de propriété, car il jugerait une question de compétence qui ne peut être décidée que par l’autorité judiciaire. Il résulte de tout ceci qu’en l’absence de l’amendement de M. Pollénus, il faudrait toujours, selon la constitution, que le conseil suspendît sa décision quand il y aurait réclamation d’un droit de propriété.
M. Pollénus. - Les observations présentées par l’honorable préopinant, ayant fait justice des moyens qu’a fait valoir M. Jullien, il me reste peu de chose à dire.
L’honorable préopinant pense que la proposition que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’assemblée est superflue, et que la constitution a prononcé sur ce point ; mais j’ai dit à la chambre à quelle occasion j’avais fait ma proposition ; et j’ai déclaré que si les explications données par les organes du gouvernement étaient satisfaisantes, je n’insisterai pas.
Je me contenterai, moi, de l’explication d’un ministre, lorsqu’elle détruit l’explication des faits antérieurs. Dans de tels cas, je crois que l’honorable M. Jullien lui-même s’est quelquefois contenté de semblables explications. C’est parce qu’on n’a pas donné les explications que j’avais demandées que j’ai fait ma proposition, et je ne la crois pas inutile.
Il n’est pas exact de dire, comme l’a avancé M. Jullien, que tout le monde est d’accord sur ce point, que le conseil des mines devra suspendre ses délibérations, dès qu’il s’agira d’une question de propriété. Car lorsque M. Pirmez, qui a pris une grande part à la discussion, a prétendu que quand il s’agissait de questions de propriété ou de droits civils, soulevées par l’une des parties, le conseil des mines devrait s’abstenir par cela seul.
M. le ministre de la justice qui a pris la parole après lui s’est exprimé ainsi (Je cite le compte-rendu du il.)
« Il ne suffit pas de se dire propriétaire pour qu’il y ait réellement contestation sur la propriété, il faut qu’il y ait au moins une apparence de fondement dans cette prétention. Or, il faut être jurisconsulte pour décider s’il y a une véritable question de propriété. D’ailleurs il est rationnel de composer le conseil des mines de jurisconsultes, pour que le choix tombe sur des personnes qui réunissent à la connaissance des lois, la pratique des affaires et des questions de mines. »
Il n’en est pas moins vrai que d’après M. le ministre de la justice, le conseil des mines aurait à juger s’il y a apparence de fondement dans les prétentions des parties au droit de propriété. Mais je dis qu’il est impossible de reconnaître au conseil la faculté de juger l’apparence du droit sans juger ce droit. Les observations de l’honorable M. Raikem ont donné un développement à cette pensée et ont, je crois, détruit ce qui avait été avancé par mon honorable contradicteur.
Je crois qu’en présence de la diversité des opinions qui se sont manifestées (car il n’a pas eu ainsi qu’on l’avait dit, unanimité ; il suffit pour s’en convaincre de recourir au compte-rendu de la séance du 26), il conviendrait, afin de lever toute espèce de doute, d’adopter la proposition que j’ai eu l’honneur de faire.
On pourra toujours, dit-on, saisir directement les tribunaux, D’autre part, on dit qu’on ne pourra saisir les tribunaux que quand il y aura apparence de fondement dans la prétention au droit de propriété. Mais quel est le but de ma proposition ? D’éviter les conflits. Je veux que quand il y aura question de propriété, le conseil s’abstienne. S’il ne s’abstient pas, d’une part vous aurez une décision du conseil des mines, de l’autre, une décision des tribunaux. Il y aura conflit d’autorités. Ma proposition tend à éviter ces conflits.
J’ai été amené à stipuler ces garanties, parce que, s’il faut en croire un grand nombre d’orateurs entendus, il faut considérer la création d’un conseil des mines comme un acheminement vers l’établissement d’un conseil d’Etat. Je crois que s’il y a lieu de s’attendre à l’établissement de cette autorité administrative contentieuse, il ne sera pas inutile de stipuler des garanties, de répéter même celles qui se trouvent dans la constitution, quelque formelles qu’elles soient, parce que généralement les jeunes pouvoirs cherchent à s’étendre au détriment de ceux véritablement reconnus par la constitution de l’Etat.
J’ai dit que j’avais fait en outre ma proposition à cause de la division des opinions et à cause des paroles prononcées par un des ministres. Ces paroles, on ne manquerait pas de les invoquer devant le conseil des mines ; et ce ne serait pas le moindre moyen que l’on emploierait pour exercer de l’influence sur ce conseil.
C’est dans ces prévisions que j’ai fait ma proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense, comme M. Jullien, qu’en admettant la proposition de M. Pollénus, on détruit par le fait même l’application de la loi. Car s’il suffit d’une simple allégation de droit de propriété devant le conseil des mines pour suspendre les décisions de l’administration, évidemment, dans une infinité de cas, il sera facile de trouver un homme complaisant qui, dans l’intérêt d’un tiers, déclarera qu’il existe un droit de propriété, qu’il réclame un droit de propriété. Si par cela seul le conseil doit suspendre ses délibérations, il n’y aura plus de solution possible à un grand nombre d’affaires.
Je crois qu’il serait difficile d’admettre un principe plus dangereux. Je ne pense pas que le préopinant insiste pour le faire prévaloir, car il aurait pour résultat d’arrêter la marche de l’administration.
Je dis, en second lieu, que je ne conçois pas même ce que l’on pourrait y gagner. Car la constitution ayant décidé que les questions de propriété sont du ressort des tribunaux, dès lors si, sur l’avis du conseil, le gouvernement accordait à un tiers une propriété appartenant à un autre, celui qui serait lésé se ferait maintenir en possession, ou revendiquerait la possession de la mine dont il aurait été spolié par la décision du gouvernement. Il est bien certain que la décision judiciaire relative à son droit de propriété devrait sortir son effet. Ainsi de toute manière, je ne vois pas d’atteinte possible au droit de propriété.
Au surplus, comment procèdent les tribunaux correctionnels, par exemple, en matière de délits forestiers ? Suffit-il pour arrêter les poursuites que le prévenu allègue un droit dé propriété ? Non ; il faut encore qu’il justifié d’une apparence de ce droit.
Je dis que si une disposition spéciale pouvait être utile (dans mon opinion elle n’est pas nécessaire), elle devrait trouver sa place dans la loi sur les conflits qui doit être faite aux termes de la constitution. Mais il me semble qu’il serait dangereux d’admettre ici un système spécial, d’autant plus que jamais le gouvernement ne portera atteinte au droit de propriété puisque les tribunaux seuls sont appelés à prononcer sur ces droits.
M. Jullien. - C’est ici une véritable dispute de mots. On dit : Le conseil ne peut juger sa compétence, ne peut juger des questions de propriété. Mais il ne s’agit ici de juger ni compétence ni question de propriété. Le conseil n’a rien à voir dans cela.
Il est institué pour donner son avis sur l’instruction de concessions de mines. La question est de savoir ce que doit faire le conseil, lorsqu’une partie vient dire : « Je suis propriétaire. » Faut-il que dès lors le conseil des mines se dessaisisse de l’affaire, qu’il suspende l’instruction pour laisser aux parties le temps de se porter devant les tribunaux. Moi je dis : non, parce qu’une simple allégation ne suffit pas. Il faut fournir des preuves, invoquer la possession, ou présenter des titres ; alors le conseil des mines doit de toute nécessité suspendre la marche de l’instruction.
Voilà la marche ordinaire des choses ; et, comme vous voyez, il n’y a ici qu’une véritable dispute de mots. C’est si vrai que l’honorable M. Raikem disait que l’amendement était inutile.
M. Pollénus s’est contenté des explications de M. Raikem qui annulent l’amendement.
Il n’y a pas lieu d’adopter cet amendement, vous a dit M. Raikem, cela va de droit. Qu’avons-nous besoin d’introduire dans la loi une disposition reconnue inutile. Je pense qu’il fait laisser le conseil dans le droit commun, il n’y a pas une seule autorité qui n’ait le droit d’apprécier le mérite d’une allégation faite devant elle.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger une discussion qui a déjà occupé la chambre pendant plusieurs séances et qui se renouvellera au second vote sur l’article premier. Je ferai seulement remarquer que ce qui se passe en ce moment, prouve qu’on finit par comprendre le point de la difficulté, puisqu’on y revient comme entraîné par la force des choses, et cette difficulté, je défie qu’on en sorte, quoi qu’on en dise. L’honorable M. Raikem a parfaitement raison. Ainsi que je l’avais établi à satiété précédemment et à plusieurs reprises, dans notre régime constitutionnel, il est impossible de saisir le conseil des mines de la connaissance de la réalité ou de l’apparence d’un droit de propriété ; car il est certain que si vous saisissez le conseil de la connaissance de la réalité ou de l’apparence d’un droit de propriété vous lui donnez le droit a priori de juger une question de propriété, vous le constituez juge de sa compétence et juge de la compétence du tribunal qu’il exclut de la connaissance de l’affaire.
Vous avez été forcés de reconnaître, comme conséquence nécessaire de votre système, que les parties pouvaient toujours soulever une question de propriété et s’adresser directement aux tribunaux pour faire décider si l’opposition est fondée sur un droit de propriété ou sur un droit civil quelconque. Vous avez reconnu qu’elles pouvaient s’adresser aux tribunaux, même après le décret de concession.
Que vous ai-je répondu ? C’est le point de la difficulté. Si vous reconnaissez que les parties intéressées peuvent saisir directement les tribunaux sans renvoi, sans dessaisissement de la part du conseil, il en résultera ceci. C’est que le conseil appréciant mal, se trompant sur l’apparence de la propriété, passe outre sur l’opposition et concède de la mine.
Voilà un citoyen, pourvu d’un acte exécutoire au nom du Roi et en demandant l’exécution ; d’un autre côté les parties, comme vous leur en avez reconnu le droit, se sont adressées aux tribunaux et leur ont soumis la question de propriété ou de droits civils sur laquelle elles fondaient leur opposition. Les tribunaux, appréciant mieux la question, par suite d’une instruction mieux suivie et des garanties plus grandes qu’ils présentent, donnent gain de cause à la partie opposante et lui adjuge tout ou partie de la concession.
Cette partie arrivera, un arrêt passé en force jugée à la main et invoquera, au nom du Roi, la force publique pour en obtenir l’exécution. Voilà un conflit, une anomalie, un scandale ; car voila deux actes, l’un de l’autorité administrative, l’autre de l’autorité judiciaire, tous deux exécutoires au nom du Roi.
Comment ferez-vous ? Voilà une objection que j’ai répétée cent fois et qu’on n’a pas détruite.
L’amendement de l’honorable M. Pollénus n’aura pas l’avantage d’apporter remède à l’inconvénient que j’ai signalé, seulement il exprime nettement l’intention de la législature de déférer aux tribunaux toutes les questions de propriété. Mais je ferai observer qu’aucune loi ne peut être, sous ce rapport, plus péremptoire, plus catégorique que ne l’était la loi de 1810.
« Si l’opposition, dit l’article 28, est motivée sur la propriété de la mine acquise par concession ou autrement, les parties seront renvoyées devant les tribunaux et cours. »
Ce langage est bien nettement impératif, il est tout aussi explicite que l’amendement de M. Pollénus. On ne peut donc contester qu’il y avait obligation imposée au conseil d’Etat de renvoyer devant les cours et tribunaux toutes les questions de propriété.
Qu’est-il advenu ? C’est que malgré le texte explicite de l’article 28, le conseil d’Etat tant de France que du roi Guillaume, ont passé outre des oppositions fondées sur la propriété.
Je vous ai cité plusieurs exemples et entre autres du procès dans lequel j’ai plaidé ; on avait spolié un propriétaire de mines, toutes les autorités et le conseil d’Etat n’avaient pas aperçu ou n’avaient pas voulu apercevoir la question de propriété soulevée par les opposants. C’est aux malheurs de 1813 que le spolié doit rendre grâce de la justice qui lui a été rendue. Pendant la régence de Marie-Louise, le décret de concession a été annulé et on a renvoyé les parties devant les cours et tribunaux, et les tribunaux ont adjugé à la société spoliée précisément tout ce qui faisait l’objet de l’opposition,
Je pourrais citer d’autres exemples qui me sont en quelque sorte personnels, qui concernent ma famille. Des oppositions ont été repoussées par le conseil d’Etat de Guillaume ; on était, au moment de la révolution, en instance devant ce conseil d’Etat. Aujourd’hui cette instance n’existe plus. Sous l’empire et sous le roi Guillaume, il y avait recours devant le conseil d’Etat dans deux hypothèses : dans celle des pièces reconnues fausses et qui avaient motivé la décision ; le recours devant le conseil pouvait encore avoir lieu pour jugement porté sur pièces décisives retenues par le fait de la partie adverse.
Vous n’avez pas prévu cela dans votre nouvelle législation, de sorte qu’il ne peut y avoir de recours, pas même au conseil des mines contre les propres erreurs du conseil des mines.
Que concluais-je de là ? Qu’il fallait abandonner le malencontreux système d’un conseil spécial des mines, et renvoyer les concessions à l’avis des cours et tribunaux où on ne rencontrerait pas de conflit, pas la moindre difficulté, parce qu’ils sont appelés, par la constitution, à juger toutes les questions de compétence, toutes les questions de propriété et de droit civil.
Maintenant il arrivera bien plus d’occasions de conflit et d’erreurs, car sous l’empire de la loi de 1810 les questions de propriété seules faisaient la matière d’un renvoi devant les tribunaux. Aujourd’hui, aux termes de l’article 92 de notre constitution, toutes les questions de droits civils sont déférées aux tribunaux. Or, tous les droits acquis quelconques sont dans cette catégorie. Par exemple les questions d’indemnités à donner aux propriétaires de la surface sont bien des questions de droit civil. Vous voulez en donner l’appréciation au conseil des mines. Mais si les propriétaires se présentaient devant les tribunaux, l’article 92 de la constitution à la main, croyez-vous qu’ils n’accueilleraient pas leur requête ? Cet article est positif ; voici ce qu’il porte :
« Art. 92. Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux. »
Il n’y a pas moyen d’éluder les termes clairs et précis de cette disposition ; tous les droits civils, quelle que soit leur nature, sont exclusivement du ressort des cours et tribunaux.
L’article 93 établit une exception qui confirme la règle générale établie par l’article précédent. Voici en quels termes il est conçu :
« Les contestations qui ont pour objet des droits politiques, sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi. »
Ce n’est que pour la connaissance des droits politiques que la loi peut établir une exception ; mais pour les questions de droits civils, la règle est invariable. La chambre elle-même est impuissante pour y déroger.
Vous ne pouvez donc pas introduire dans votre loi une disposition quelconque qui autorise le conseil des mines à examiner des questions de droits civils. Les tribunaux d’ailleurs ne devraient pas respect à votre loi, parce qu’ils doivent avant tout respect à la constitution, attendu que la constitution est plus forte que toutes les lois, que tous les pouvoirs.
Mais, dit-on, le conseil des mines ne juge pas définitivement de la propriété. On a même été jusqu’à dire qu’un décret royal de concession, tout en écartant une opposition fondée sur la propriété, ne préjuge par la question de propriété, que le propriétaire qui se croit spolié pourra résister, pourra s’opposer à l’exécution de ce décret en s’adressant aux tribunaux. Mais cela est contraire à tous les principes de la loi de 1810, qui veut que tous les droits soient appréciés et jugés et même purgés, ce sont les expressions de la loi de 1810, par le décret de concession. Si vous voulez qu’on attache quelque prix à une concession, il faut que le décret de concession soit invulnérable, soit inattaquable.
Que deviendra dans la main d’un concessionnaire, un décret de concession, alors que pour en user il sera obligé de dépenser cinq ou six cent mille francs ; un million, deux millions, car on dépense aujourd’hui fort lestement des millions dans des exploitations de mines ; comment voulez-vous qu’il se décide à faire ces dépenses, s’il n’a pas la garantie que sa concession ne lui sera pas contestée ?
En vérité, le remède que vous proposez pour sauver votre système, est cent fois plus dangereux que la chose même. Il n’y aura plus de concession, car il faudrait être fou pour exposer ses capitaux dans l’exploitation d’une concession, sachant qu’on pourra venir en contester la propriété pendant tout le temps nécessaire pour la prescription qui peut aller jusqu’à 30 ans, car pour des droits civils, la prescription est de 10 ans.
Et cela, pourquoi ? parce que vous voulez avoir un conseil des mines composé de trois jurisconsultes, tandis que si on voulait recourir aux tribunaux qui sont aussi composés de jurisconsultes, toutes ces difficultés disparaîtraient.
Vous êtes obligés de condamner les concessions à la stérilité, à un non-sens pour maintenir votre principe de concéder, c’est-à-dire votre conseil de mines.
Lisez les articles 17 et 28 de la loi de 1810, le rapport de M. Renauld de Saint-Jean d’Angely an corps législatif, lisez le rapport de la commission de l’intérieur, lisez toutes les instructions données, vous verrez que le décret impérial purge tous les droits quelconques ; une fois le décret obtenu, toutes les prétentions disparaissent. J’en ai fait sentir la raison, c’est qu’il est impossible qu’on consacre ses capitaux, ses soins à l’exploitation d’une concession avec des chances de revendication.
Une concession ne peut avoir d’effet, que pour autant qu’elle est irrévocable ; il faut absolument qu’il y ait garantie d’irrévocabilité. Il n’y a pas d’autre moyen de la rendre utile pour le concessionnaire, et profitable pour la généralité. Et je prie la chambre de remarquer que les conséquences dans lesquelles le système de nos adversaires les entraîne, prouvent précisément la nécessité de déférer aux tribunaux toutes les questions de concession. Il ne faut aujourd’hui plus que jamais, par la raison que les tribunaux sont seuls juges de leur compétence, et qu’aucun pouvoir, en matière de compétence, n’est au-dessus du pouvoir judiciaire.
On objecte l’économie de temps ; je suis étonné qu’on soit encore revenu sur cette question. On aura beau parler d’économie de temps, mais vous n’empêcherez pas les parties de saisir les tribunaux, en soulevant des questions de propriété ou de droit civil.
Il en résultera que dans le doute et pour éviter des conflits, de nombreuses questions devront être distraites du conseil des mines pour être jugées par les tribunaux ordinaires et suivant les formes ordinaires et par conséquent lentes, tandis qu’elles ne le seraient pas si l’on admettait mon système. Vous voyez qu’il concilie tout. Les tribunaux examineraient les prétentions fondées sur la propriété aussi bien que celles fondées sur tout autre motif. Dans le système contraire, on aura beau faire, l’on n’échappera pas aux conséquences que j’ai indiquées. En définitive, le conseil pourra se tromper en fait. Il y aura toujours à craindre les erreurs involontaires et même les erreurs volontaires. Le conseil d’Etat de France et celui de Guillaume ont de bonne foi commis des erreurs. Le conseil des mines en commettra aussi. Quant aux menées de l’intrigue, elles seront plus à craindre qu’autrefois, parce que la valeur éventuelle des mines étant considérable, les intrigants se jetteront avec plus d’avidité sur cette source de fortune.
En un mot comme en dix, je pense qu’il y a lieu de revenir de votre premier vote. Déjà ceux qui ont voté dans le sens de ce vote reconnaissent la nécessité d’en revenir, et vous-mêmes vous l’avez reconnu, puisque vous proposez un amendement.
J’ai eu l’honneur de faire remarquer que la loi de 1810 était en rapport avec le conseil d’Etat qui était une juridiction administrative légalement contentieuse. Il était composé d’un nombre de membres qui allait jusqu’à 30 conseillers. Il ne pouvait juger que composé des deux tiers. Enfin il y avait tout un code de procédure ; et en un mot il présentait des garanties que votre conseil spécial ne donne sous aucun rapport.
Sous le conseil d’Etat, l’on pouvait revenir contre des erreurs. Il y avait ouverture contre les décisions du conseil. Aujourd’hui il n’y en a plus. Sous ce rapport je vous prie de remarquer ce qui a été dit dans une pétition signée par tous les membres du conseil charbonnier de Charleroy. Vous verrez qu’ils sont d’accord avec ce que j’ai l’honneur de dire.
M. Raikem. - J’ai à faire des observations sur ce qu’a dit l’honorable préopinant, lorsqu’il s’est demandé s’il suffirait de dire devant le conseil des mines : Je suis propriétaire, pour que le conseil fût obligé de saisir les tribunaux.
Déjà il a été démontré par M. Gendebien, le texte de la loi de 1810 à la main, que dès que l’opposition est motivée sur la propriété, il y a nécessairement lieu au renvoi devant les tribunaux, sans que le conseil des mines, qui remplacera le conseil d’Etat, puisse juger du fondement du droit que l’on réclame, examiner si ce droit est ou non apparent.
En supposant donc que l’amendement de l’honorable M. Pollénus ne fût pas adopté, et pour ma part je ne le trouve pas nécessaire, le conseil des mines ne pourrait se dispenser de suspendre l’examen de la demande en concession pour saisir l’autorité judiciaire des questions de propriété.
Si l’opposant, par exemple, se prétendait propriétaire de la mine elle-même, indépendamment du droit à la surface, en vertu d’anciens droits qui sont maintenus par des articles de la loi de 1810 dont nous ne proposons nullement l’abrogation, il n’y aurait pas lieu à concession. Dès qu’une pareille question est soulevée devant le conseil d’Etat, comme c’est une question préjudicielle, il y a lieu au renvoi devant les tribunaux sans que le conseil puisse juger si la question de propriété a plus ou moins d’apparence de fondement.
Un autre cas peut se présenter devant le conseil des mines, celui où le demandeur en concurrence prétend avoir un droit de préférence en qualité de propriétaire de la surface ; si ce droit qu’il réclame est constaté par le demandeur en concession, certainement le conseil des mines ne peut juger de l’apparence du droit ainsi réclamé. Il y a encore lieu au renvoi devant les tribunaux, parce que c’est encore là une question préjudicielle que l’administration est incompétente pour décider. Je ne sais comment dans les cas que je viens de citer l’on pourrait prétendre qu’il ne peut y avoir lieu à renvoyer l’affaire devant les tribunaux et comment le conseil des mines pourrait examiner si l’opposition est fondée réellement sur une question de propriété. Dès que la propriété est formellement réclamée, il y a question de propriété.
Je répondrai à un exemple cité par M. le ministre de l’intérieur. Dans un délit forestier, si celui qui est poursuivi vient réclamer un droit de propriété devant le tribunal correctionnel, le tribunal pourra juger, dit M. le ministre, que ce droit n’a aucune espèce de fondement. Je ne pense pas que dès qu’un droit de propriété serait soulevé à l’occasion d’un délit forestier, le tribunal correctionnel pourrait passer outre et juger le délit, parce que l’opposant pourrait toujours dire : feci sed jure feci. Il y a lieu dans ce cas au renvoi devant les tribunaux civils. Ainsi, pour que l’on ne soulève pas imprudemment des questions de propriété, le tribunal correctionnel fixe toujours un délai dans lequel l’affaire est portée devant les tribunaux civils.
Je persiste dans l’opinion que j’ai, qu’en supposant même l’amendement de M. Pollénus rejeté, les questions de propriété devant le conseil d’Etat doivent être renvoyées devant les tribunaux.
(Moniteur belge n°131, du 10 mai 1836) M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, je suis plus convaincu que jamais que je ne me suis pas trompé dans l’opinion que j’ai émise dans une précédente séance : rien ne me paraît plus simple, plus clair que la question que nous discutons. Si l’opposition est réellement fondée sur la propriété, s’il y a véritablement doute sur le point de savoir qui est propriétaire, les parties doivent être renvoyées devant les tribunaux. En effet, les tribunaux sont seuls compétents pour juger les litiges sur la propriété, sur les droits civils en général. Nous sommes tous d’accord à cet égard.
D’un autre côté, le conseil des mines a des attributions administratives déterminées par la loi, et il ne doit pas souffrir que sous de vains prétextes, par de pures chicanes, on paralyse l’exercice de ses fonctions. Si donc quelqu’un se dit propriétaire sans qu’il y ait la moindre apparence de fondement dans sa prétention, s’il n’a jamais eu la possession ou la puissance de la chose, ni lui, ni ses auteurs ; s’il n’a jamais disposé de la mine, s’il ne l’a jamais exploitée, s’il n’y a jamais rien eu de commun entre ce prétendu propriétaire et la chose qu’il revendique, le conseil ne verra dans cette allégation qu’un moyen injuste d’empêcher une concession, et il ne s’y arrêtera aucunement.
On objecte que le conseil des mines peut se tromper, croire que l’opposition n’est pas fondée, tandis que l’opposant est réellement propriétaire, et accorder une concession à celui qui ne devait pas l’obtenir. Soit ; l’opposant sera-t-il privé de sa propriété ? Evidemment non ; il pourra faire valoir ses droits devant les tribunaux qui sont seuls compétents, comme je l’ai déjà dit, pour décider sur les questions de propriété ; et s’il est reconnu que l’opposition avait un juste fondement dans la propriété, la concession donnée au préjudice d’un propriétaire s’écroulera par sa base. Et en cela il n’y a rien de contradictoire, l’autorité administrative et l’autorité judiciaire ont chacune des attributions indépendantes dans les limites tracées par la constitution et par la loi.
L’honorable préopinant m’oppose l’article 28 de la loi du 21 avril 1810, d’après lequel les parties doivent être renvoyées devant les tribunaux dés que l’opposition est motivée sur la propriété ; cela est vrai, si l’opposition est sérieuse, s’il y a réellement des motifs de croire que l’opposant est propriétaire ; mais si dans l’esprit du conseil il n’y a pas de doute que l’opposition est sans fondement, pourquoi suspendrait-il son examen ?
L’une des parties, dit l’honorable préopinant, fonde peut-être son droit sur un de ces anciens usages qui existaient dans nos provinces. Si le conseil peut passer outre, il s’expose à commettre des erreurs. Eh ! messieurs, dans le doute le conseil s’abstiendra. Il faut avoir confiance dans ses lumières, dans sa prudence. Quel intérêt peut-il avoir à porter atteinte au droit de propriété ? Aucun. Ce serait en vain qu’il aurait la prétention d’usurper sur les attributions des tribunaux ; car ceux-ci pourront, dans tous les cas, rendre justice au propriétaire dont les droits ont été méconnus Ainsi, dans l’intérêt de leur propre honneur, les conseillers des mines s’abstiendront dès qu’il y aura quelque doute sur la propriété, dans la crainte de voir la concession annulée.
Dans d’autres questions analogues, on suit les mêmes principes que nous invoquons ici. Un voleur est surpris en flagrant délit, dérobant un mouchoir de la poche de son voisin ; poursuivi en justice, il se dit propriétaire de l’objet enlevé : pensez-vous que le tribunal fera la moindre attention à cette allégation ? Il condamnera le voleur ; cependant les juges correctionnels doivent également renvoyer devant la juridiction civile quand il y a une question préjudicielle de propriété.
Pour qu’il y ait lieu à compensation, il faut deux dettes liquides et non litigieuses de part et d’autre ; pour empêcher la compensation, suffit-il qu’un des créanciers conteste l’existence de la dette qu’on lui oppose ? Evidemment non, sinon on pourrait toujours empêcher la compensation ; le juge examinera si la dette est susceptible d’une contestation sérieuse.
De même le conseil des mines appréciera s’il y a véritablement contestation sur la propriété, sinon il dépendrait dans tous les cas d’une des parties de nuire à l’autre en se disant propriétaire.
(Moniteur belge n°130, du 9 mai 1836) M. Milcamps. - D’après les observations présentées par M. le ministre de la justice, je pourrais en quelque sorte renoncer à la parole, cependant j’émettrai mon opinion.
Suivant l’amendement de M. Pollénus, lorsqu’il s’élève des réclamations motivées sur un droit de propriété ou sur un droit civil, le conseil doit suspendre son examen et sa décision et renvoyer les parties devant les tribunaux. Ainsi, dans le sens de cet amendement, il suffirait d’élever une question préjudicielle de propriété pour arrêter les délibérations du conseil des mines. Mais, puisqu’aux terme de la constitution et aux termes même du droit commun, toutes les questions de propriété et de droit civil sont du ressort des tribunaux, devient-il nécessaire de reproduire ce principe dans la forme que le présente l’honorable M. Pollénus ?
M. le ministre de l’intérieur a adopté la négative, et je partage aussi cette opinion. S’il s’agissait d’introduire une garantie dans la loi, elle devrait être conçue en ce sens : que le conseil des mines peut apprécier la question de propriété ; mais que si la concession était accordée malgré une exception fondée de propriété, elle ne serait accordée dans ce cas que periculo petentis, c’est-à-dire, qu’il serait loisible à l’opposant de faire valoir ses droits en justice contre le concessionnaire.
D’après la loi de 1810, lorsque le gouvernement concédait une mine, il concédait la propriété incommutable de cette mine ; mais en peut-il être de même sous l’empire de notre constitution ? Plusieurs orateurs n’admettent pas cette doctrine, ils pensent, et je partage cette opinion, que s’il arrivait qu’une mine fût concédée malgré une opposition fondée sur un droit de propriété, que la concession n’empêcherait pas l’opposant de porter son action devant les tribunaux. S’il en est ainsi, et c’est la question qui doit fixer l’attention de la chambre, l’amendement de M. Pollénus est inutile et sans objet.
M. Fallon, rapporteur. - Dans l’état actuel de nos institutions aucun acte de l’administration ne peut lier les tribunaux dans les questions de propriété, et je ne sais pourquoi on élève tant de difficultés sur l’amendement de M. Pollénus.
Toute opposition fondée sur une question de propriété doit être renvoyée devant les tribunaux ; mais à qui appartient-il de savoir s’il s’agit réellement d’une question de propriété ? C’est au conseil des mines, au conseil auquel on l’adresse. L’honorable M. Raikem nous a cité des exceptions ; mais dans les cas qu’il a cités, l’exception était qualifiée : on disait, par exemple, je suis propriétaire en vertu de tel droit… Je le répète, c’est au conseil des mines à juger si effectivement l’exception soulève une question de propriété, si l’exception, enfin, est qualifiée.
C’est ainsi que les choses se passent devant les tribunaux correctionnels. Il ne suffit pas à un voleur, au moment des débats, de dire : Je suis propriétaire de la chose qu’on m’accuse d’avoir dérobée ; les tribunaux n’admettraient pas cette allégation ; ils demanderaient sur quoi l’allégation est fondée. C’est de cette manière que l’on procédera devant le conseil des mines.
Du reste, je ne vois pas trop ce que l’on craint en donnant au conseil des mines la faculté d’apprécier les obligations des parties : il ne peut y avoir de préjudice à lui donner cette faculté, car les tribunaux pourront toujours être saisis de la question de propriété après l’acte de concession ; il ne pourrait y avoir de préjudice que pour le concessionnaire, dans certains cas.
M. Gendebien revenant toujours à son système, prétend que l’inconvénient signalé n’aurait pas lieu si les tribunaux étaient appelés à donner leur avis sur les questions de concession : mais je ne vois pas que la difficulté soit moins grande devant les tribunaux que devant le conseil des mines ; car ces tribunaux pourraient de même rejeter les demandes motivées sur des allégations de propriété ; et néanmoins un tiers pourrait toujours aller devant les tribunaux si sa demande était rejetée.
M. Gendebien. - Je ne prolongerai pas la discussion déjà trop longue peut-être. Je serai aussi bref que possible. On ne veut pas aborder la difficulté ; on cherche tous les moyens de la tourner ; c’est pour cette raison que la discussion est interminable. Un honorable préopinant, M. Milcamps, a dit tout à l’heure que le décret de concession ne préjuge aucune question de propriété parce que le concessionnaire est envoyé en possession de la mine periculo petentis. Je demanderai à quoi répond ce brocard de droit ? détruit-il les conflits des dispositions contradictoires que j’ai signalées ? Au surplus si l’honorable membre consultait le recueil des arrêts de la cour de Bruxelles, il verrait que dans un procès soutenu par la société de La Hestre contre plusieurs autres sociétés, précisément dans une discussion du genre de celle que je signale, la cour a rejeté l’application du principe invoqué par M. Milcamps.
La société de la Hestre demandait des dommages et intérêts pour la spoliation injuste de sa propriété, par un décret de concession. Eh bien, on répondait : Nous ne pouvons être tenus à des dommages que pour nos forêts ; nous vous en devons pour les charbons que nous avons extraits et pour avoir usé de vos outils et ustensiles ; mais pour le reste nous ne devons rien ; car nous avons obtenu la concession de la munificence impériale c’est par un acte de haute administration et d’intérêt général que nous avons été envoyés en possession et nous ne pouvons en subir les conséquences ; car ce n’est pas periculo petensis que les concessions s’accordent. La cour de Bruxelles a admis ce système qui est diamétralement contraire à ce que vous a dit M. Milcamps ; admettez le contraire, et vous ne résolvez pas la difficulté, car vous avisez toujours aux conséquences que j’ai signalées, et ce sont ces conséquences qu’il faudrait détruire.
On nous dit : le décret royal de concession ne touchera en rien aux droits de propriété ni aux droits civils. Les intéressés pourront toujours faire valoir leurs droits devant les tribunaux, même après le droit de concession ; mais tout en reconnaissant les prémisses on ne veut pas admettre les conséquences. Du moment que vous êtes forcé à reconnaître, pour soutenir votre système, que les parties peuvent aller devant les tribunaux avant, et même après le décret de concession, vous arrivez nécessairement aux conséquences que j’ai signalées, au lieu de les détruire.
Pourquoi établir la confusion des pouvoirs, pourquoi soulever des conflits, provoquer des contradictions, de scandaleuses anomalies administratives et judiciaires, alors que toutes les lois d’attributions et de compétence ont été soigneusement faites pour éviter toute espèce de conflits.
Or, comme d’après la constitution les tribunaux seuls sont compétents pour prononcer sur leur compétence, pourquoi saisir en première ligne l’autorité administrative ? Pourquoi, lorsqu’on peut l’éviter, s’exposer volontairement à des conflits, à des décisions contraires émanant de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire ? Car vous avez beau dire dès que le conseil verra que l’opposition est plus ou moins fondée, il renverra l’affaire devant les tribunaux. Mais il pourra se tromper et ne pas renvoyer l’affaire. Cela est arrivé plus d’une fois. J’en ai cité plus d’un exemple ; pourquoi ce qui est arrivé n’arriverait-il plus ?
Veuillez-y faire attention, sous l’empire de notre constitution, ce n’est pas seulement des droits fondés sur la propriété, mais de tous les droits civils quelconques que les tribunaux seuls sont appelés à connaître. Il y aura donc bien plus de chances de conflits et de perturbations qu’autrefois.
Lorsqu’il s agira, par exemple, de l’indemnité à laquelle a droit l’inventeur (c’est là un droit civil), sera-ce le conseil qui prononcera ? Oui, d’après votre système. Mais si l’inventeur saisit le tribunal de cette question, ne pourra-t-il pas obtenir de lui une décision différente de celle du conseil des mines.
Si l’indemnité est liquidée par le conseil des mines à 5,000 fr et par le tribunal à 15,000 fr. que ferez-vous alors ?
En matière de préférence, la même difficulté peut se présenter, car il y a aussi des droits acquis, et par conséquent des droits civils qui peuvent être méconnus par le conseil et consacrés par les tribunaux.
Mais, vous dit-on, l’inconvénient que vous signalez, peut se présenter devant les tribunaux ! Non, attendu que les tribunaux sont constitués seuls compétents par la constitution.
Je voudrais bien savoir qui aura à se plaindre d’être jugé par ses juges naturels ? Jamais il n’y a de plaintes possibles en matière de compétence et de juridiction, que parce qu’on n’est pas jugé par ses juges naturels, Dans un autre sens, la plainte n’est pas possible. D’ailleurs s’il était vrai que les mêmes inconvénients pussent se produire devant les tribunaux, les cours d’appel y obvieraient et la cour de cassation ramèneraient toujours à l’uniformité ; tandis que dans votre système vous n’offrez ni juridiction supérieure au conseil spécial des mines, ni recours en cassation pour violation des règles de la compétence ou pour violation de toute autre loi.
On est revenu encore à vous dire : Quel préjudice voulez-vous que l’opposant évincé puisse éprouver, puisque les tribunaux sont toujours là pour juger toutes les questions de propriété ou de droits reconnus.
J’admets que d’après notre constitution, il ne peut en résulter en définitive aucun préjudice pour les citoyens. Mais je vous demanderai alors pourquoi vous voulez donner sciemment le scandale d’un acte de pouvoir exécutif qui ne serait pas respecté par les tribunaux ; pourquoi vous exposeriez volontairement le pouvoir exécutif à recevoir un affront du pouvoir judiciaire.
Pourquoi exposer le chef de l’Etat à un affront, et, le gouvernement à l’embarras de ne savoir ce qu’il devra faire, à l’impuissance de réparer le mal et le scandale, lorsqu’un citoyen réclamera l’exécution d’une concession, qui lui aura été accordée, qu’il la réclamera au nom du Roi, et qu’un autre citoyen, en vertu d’un jugement de tribunal rendu également au nom du Roi, viendra réclamer cette même concession ou une partie de cette concession toujours au nom du Roi ! Pourquoi cet embarras, cet affront, cette confusion uniquement parce qu’on veut un conseil spécial des mines ; parce que tout en reconnaissant les nécessités de la constitution, on ne veut pas adopter le seul moyen d’y satisfaire ; on veut tourner la constitution, ne pouvant s’en affranchir autrement.
Enfin, en un mot comme en cent on cherche toujours à dissimuler, à éluder les difficultés ; on n’aborde pas la question, parce qu’il serait impossible de la résoudre. Car je vous le demande, qu’adviendra-t-il de décisions contraires du conseil des mines et des tribunaux ? Quel cas pourra-t-on faire d’ailleurs de la concession accordée par le gouvernement si elle peut toujours être mise en question par devant les tribunaux ? Le concessionnaire pourra-t-il se livrer avec sécurité à ses spéculations, exposer sa fortune, lorsqu’il aura toujours à craindre l’éviction ? C’est cependant ce qui arriverait dans votre système, à moins qu’on ne fasse aux tribunaux l’affront de ne pas exécuter les jugements qu’ils auront prononcés et dont ils auront ordonné l’exequatur au nom du Roi.
Je sais qu’en matière politique, pareille chose n’embarrasserait pas. Nous avons vu tel officier du ministère public montrer peu de respect, et même du mépris pour des décisions judiciaires qui devaient s’exécuter au nom du Roi. Mais, en matière civile, il ne pourra en être ainsi. La partie lésée ne souffrira pas une telle anomalie, un tel mépris des décisions de l’autorité judiciaire. Il y aura nécessité de s’y conformer.
Qui me dira ce que l’on fera dans ce cas ?
M. Raikem. - Je ferai une observation en réponse à ce qui a été dit contre le système que j’ai avancé que, quand des questions de propriété seraient soulevées dans le conseil des mines, le conseil devrait suspendre ses délibérations jusqu’à ce que la décision des tribunaux fût intervenue. Je persiste dans cette opinion. Si je présente encore quelques observations, c’est qu’elle est plus grave qu’on ne semble, au premier abord, le supposer.
Je crois qu’un conseil des mines bien composé (comme je suis persuadé que le sera le conseil des mines) suspendra ses délibérations dès qu’une question de propriété sera véritablement soulevée devant lui.
Mais nous ne faisons pas une loi pour un certain terme ; et par la suite il pourrait arriver qu’on abusât des principes émis dans cette enceinte, si ces principes n’avaient pas été contestés comme ils l’ont été avec raison.
Déjà on a dit, vous devez vous le rappeler, que deux cours étaient divisées sur la question de savoir si les demandes en concession se trouvant en concurrence ou en cas d’opposition à une concession, les questions de propriété ne pouvaient pas de plano être portées devant les tribunaux, sans attendre le renvoi du conseil des mines. L’honorable M. Fallon a cité un arrêt de la cour de Liége qui admet sans difficulté que ces questions peuvent être portées devant les tribunaux, sans renvoi du conseil d’Etat ou du conseil de mines. Cependant l’honorable M. Gendebien vous a cité un arrêt en sens contraire de la cour de Bruxelles. L’opinion de la cour de Liége ne présente pas, selon moi, la moindre difficulté, surtout depuis la promulgation de la constitution. Mais je demande si, dès qu’une question de propriété sera portée devant un tribunal, le conseil des mines ne sera pas obligé de surseoir ? Jusqu’ici cela n’a pas été contesté. Si, dans ce cas, le conseil des mines est obligé de surseoir jusqu’à décision du tribunal, il doit, par une conséquence du même principe, renvoyer devant le tribunal lorsqu’il y a réclamation d’un droit de propriété ou de tout autre droit civil.
Il peut, dit-on, s’élever des questions où le droit de propriété ne soit pas bien déterminé. Mais si les parties sont en différend, si l’une prétend qu’il y a question de propriété, que l’autre le conteste. Je ne crois pas que le conseil doive décider ; car ce serait un conflit d’attributions.
Il faut observer qu’on ne peut pas toujours porter de plano les contestations devant les tribunaux. Car si je fonde mon opposition sur un droit dérivant de la propriété, il faut qu’on s’explique sur le droit que je prétends exister. Si mon adversaire reconnaît mon droit, je n’ai plus rien à porter devant les tribunaux. Mais la question doit être portée devant les tribunaux si mon droit est contesté. Dans ce cas je pense qu’il est évident (quand même la proposition de l’honorable M. Pollénus ne serait pas adoptée) que la question doit être portée devant les tribunaux, et que le conseil des mines ne doit pas juger si c’est une question administrative.
Messieurs, le principe me semble tellement clair que je ne puis concevoir comment l’on a pu avancer que le conseil des mines pourrait décider si c’est une question administrative ou une question de propriété, comment l’on peut soutenir que le conseil aurait le droit de juger le plus ou moins d’apparence du droit de propriété invoqué par l’opposant.
Un voleur, a dit M. le ministre de la justice, pourra-t-il venir soutenir qu’il est propriétaire du mouchoir qu’il a dérobé et demander le renvoi de l’affaire devant les tribunaux civils. L’on a toujours distingué la propriété des meubles de celle des immeubles, du moins quant au délit et au vol. Les mines sont des immeubles. Un mouchoir de poche est un meuble. M. le ministre voudra bien en convenir, et dans ce cas la possession vaut titre. Dés qu’il s’agit d’un meuble on ne peut invoquer la propriété pour dessaisir le tribunal correctionnel. Mais s’il s’agit d’un délit commis sur un immeuble, comme dans le cas cité par M. le ministre de l'intérieur, la personne poursuivie de ce chef excipe de son droit de propriété ; alors il est nécessaire que le tribunal correctionnel renvoie cette question de propriété devant les tribunaux civils. L’exemple que l’on a cité ne peut avoir d’influence sur la question. Le principe ne subsiste pas moins dans toute sa force. On le discuterait longtemps dans cette assemblée, qu’on ne pourrait le changer, parce qu’il est écrit dans la constitution. (Aux voix.)
M. Milcamps. - Si j’avais dit que sous l’empire de la loi de 1810, et avant notre constitution, la concession d’une mine était accordée periculo petensis, j’aurais professé une grande hérésie, puisque la concession d’une mine alors donnait la propriété irrévocable de la mine, et les arrêts que l’honorable M. Gendebien oppose ont été rendus sous l’empire de cette loi. Mais j’ai demandé si, d’après notre constitution, en cas d’opposition, la concession d’une mine ne serait accordée que periculo petensis, c’est-à-dire si celui qui s’en prétendrait propriétaire ne pourrait faire valoir ses droits en justice ; que c’était là la question. MM. Jullien, Fallon et les deux ministres qui ont parlé ont dit que l’action en justice, dans ce cas, lui serait ouverte, et cette opinion paraît devoir être admise.
M. Gendebien. - En supposant que l’opinion de M. Milcamps vienne à prévaloir, vous ménagez donc un affront à l’autorité administrative, au Roi, puisque vous reconnaissez que le décret de concession pourra être reconnu par les cours et tribunaux et que ceux-ci pourront prononcer dans un sens opposé. D’une part vous aurez un acte du pouvoir judiciaire, exécutoire au nom du Roi, de l’autre un acte du pouvoir administratif, exécutoire au nom du Roi et dans un sens différent. Telle est l’anomalie que vous allez consacrer, si vous confirmez votre premier vote. Dans mon système cette anomalie ne pourrait se présenter.
(Moniteur belge n°131, du 10 mai 1836) M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il n’y aura pas contradiction dans les deux décisions, comme le prétend l’honorable préopinant. Il n’y aura pas d’affront pour le ministre qui aura contresigné l’arrêté. Le conseil des mines juge la question de concession, mais laisse intacte la question de propriété, puisqu’elle n’est pas de sa compétence. Si l’opposition avait un fondement légitime, la propriété reste sous la sauvegarde des tribunaux ; il est fait justice à chacun suivant son droit, par chaque autorité dans les limites de sa juridiction. Le ministre qui contresigne l’arrêté de concession, ne le fait que sous cette condition : sauf le droit des tiers. (La clôture !)
- La clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.
L’amendement de M. Pollénus est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
(Moniteur belge n°130, du 9 mai 1836) M. le président. - La discussion est ouverte sur l’art. 4 et les propositions de la commission.
« Art 4. L’indemnité réservée aux propriétaires de la surface par les article 6 et 42 de la loi du 21 avril 1810, sera déterminée au moyen d’une redevance fixe, et d’une redevance proportionnelle au produit de la mine.
« La redevance fixe sera déterminée par l’acte de concession. Elle ne sera pas moindre de 25 centimes et n’excédera pas un franc par hectare de superficie.
« La redevance proportionnelle est fixée à un pour cent du produit net de la mine, tel que ce produit est arbitré annuellement par le comité d’évaluation, soit sur les renseignements qui sont fournis par les exploitants et les ingénieurs de mines, soit par forme d’imposition ou d’abonnement. Cette indemnité est également répartie entre les propriétaires de la surface, en raison de la contenance et superficie des terrains appartenant à chacun d’eux, telle que cette contenance est indiquée dans le plan de concession.
« Aucun recours n’est admis contre l’évaluation du produit net, telle qu’elle a été déterminée par le comité d’évaluation, »
Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Dubus qui tend à supprimer ces mots : « n’excédera pas un franc par hectare de superficie. »
M. Jullien. - Cet amendement a été rejeté par la commission. Je ne sais si quelque membre l’a repris et l’a fait sien.
- L’amendement de M. Dubus est mis aux voix.
M. le président le proclame adopté. (Réclamations.)
M. Raikem. - Le bureau a décidé, on pourra y revenir si l’on veut au deuxième vote.
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement de la commission qui fixe à 5 p. c. du produit net la redevance due au propriétaire de la surface par les concessionnaires.
M. Raikem. - Je demanderai à faire une observation sur ce qu’a avancé M. le ministre de l'intérieur dans une précédente séance, où il a avancé que le propriétaire de la surface ne serait pas le propriétaire de la mine. Cette observation se rattache à l’article qui se trouve en ce moment en discussion. Car on se demandera toujours pourquoi, si le propriétaire de la surface n’est pas en même temps propriétaire de la mine, lorsqu’elle n’en a pas été distraite ; pourquoi, dis-je, la loi lui accorde une redevance soit fixe soit partielle.
Certainement, en ce cas, il n’y aurait aucune espèce de motif pour lui reconnaître un tel droit, parce qu’en général, si on accorde une indemnité à une personne, c’est qu’elle avait des droits préexistants qui donnent lieu à cette indemnité. Je crois avoir établi dans les discussions précédentes que le propriétaire de la surface était en même temps propriétaire de la mine, sauf les lieux où il y aurait une législation différente. D’ailleurs cette législation dérivant d’un droit féodal, serait tombée avec les droits féodaux, ou aurait été supprimé par l’article 552 du code civil, qui est précis sur ce point, et suivant lequel la propriété du dessus emporte la propriété du dessous.
Messieurs les ministres de l’intérieur et de la justice ont dit que le législateur de 1810 connaissait cette disposition et qu’il aurait été dérogé au code civil par la loi de 1810. Mais cette loi de 1810 elle-même reconnaît l’indemnité qui doit être accordée au propriété de la surface. Elle a donc reconnu que le propriétaire de la surface était aussi propriétaire de la mine. C’est ce qui a constamment été reconnu dans la discussion de la loi de 1810. J’en citerai quelques passages.
Voilà ce que disait le chef du gouvernement :
« Personne, sans doute, ne soutiendra que le propriétaire de la superficie ne soit aussi propriétaire du fonds. »
Ce principe, l’empereur l’a répété pour ainsi dire dans chaque séance du conseil d’Etat ; il a constamment appelé sur ce point l’attention des conseillers d’Etat et toujours il a réfuté que ceux qui voulaient faire de la mine une espèce de droit régalien. L’opinion contraire a été repoussée dans le conseil d’Etat, et il en est résulté que la loi de 1810 a reconnu le droit du propriétaire de la surface sur la propriété de la mine.
On a ensuite réglé une indemnité. Car cette indemnité que nous sommes appelés à régler en ce moment. Déjà il a été statué sur l’indemnité fixe. Il s’agit ici de l’indemnité proportionnelle qu’on propose de fixer à un p. c. du produit net. La commission a proposé de la porter à 3 p. c. Mais j’ai consulté le décret du 6 mai 1811 sur le mode d’évaluer l’indemnité proportionnelle à accorder. D’après ce décret, l’indemnité doit être établie par un comité d’évaluation. Le projet actuel se rapporte au même mode. Pour établir le produit net, cependant il peut se présenter divers doutes.
Je ferai d’abord observer qu’avant d’en venir à l’exploitation d’une mine, il faut faire des travaux préparatoires ; il y a de grandes dépenses à faire avant de parvenir à extraire avec fruit les produits de la mine. Quand il s’agira de régler l’indemnité proportionnelle d’après le produit net, prendra-t-on ces dépenses en considération, ou bien déduira-t-on les dépenses journalières de l’exploitation de la mine, pour établir le produit net ? Il serait nécessaire d’avoir des éclaircissements sur ce point. Je prierai messieurs les ministres de nous les donner, la chose me paraît assez importante.
D’un autre côté, je trouve dans l’article une espèce de société qu’on établit entre ces divers propriétaires de la surface. Après avoir décidé que la redevance sera de un p.c., il est dit : « Cette indemnité est légalement répartie entre les propriétaires de la surface, en raison de la contenance et superficie des terrains appartenant à chacun d’eux, telle que cette contenance est indiquée dans le plan de concession. »
On conviendra que cette disposition ne paraît pas très juste, car il peut arriver qu’on ait exploité une mine très abondante sous telle propriété et très minime ou nulle sous telle autre. Cependant, ces divers propriétaires seront mis sur la même ligne, tandis que, d’après les principes de la loi de 1810, le propriétaire de la surface, étant considéré comme propriétaire de la mine, doit avoir une indemnité proportionnée à la richesse de la mine trouvée dans sa propriété.
On conçoit bien que le propriétaire de la surface peut encore éprouver d’autres préjudices, car les exploitations peuvent par la suite occasionner des dommages à des bâtiments, si on exploite sous des propriétés bâties ; ensuite les exploitations tarissant les eaux peuvent nuire à la fertilité de la terre.
On voit donc qu’indépendamment de la propriété de la mine, il y a diverses raisons pour indemniser le propriétaire du terrain concédé. Toutes ces raisons militent en faveur du propriétaire sous le fonds duquel on exploite la veine en faveur de celui sous le fonds duquel on n’exploite pas.
Je ferai une dernière observation, en attendant les éclaircissements que j’ai demandés.
Dans certaines localités du pays de Liége, le propriétaire de la surface, quand il la louait, se réservait souvent la mine. Il faudrait donc insérer dans la loi une disposition qui stipule que ce sera le propriétaire de la mine qui aura droit à la redevance, quand la mine sera détachée de la propriété de la surface.
Je prierai M. le ministre de me donner les éclaircissements que j’ai demandés.
M. Fallon, rapporteur. - On revient sans cesse sur une question sur laquelle il faut prononcer une bonne fois. L’honorable M. Raikem persiste à considérer le propriétaire de la surface comme étant le propriétaire de la mine. Ce système est contraire à ce que dit la loi de 1810. Je présenterai quelques considérations qui détermineront la chambre à repousser une bonne fois ce système.
Pour ce qui concerne la redevance fixe et proportionnelle je donnerai quelques explications qui, j’espère, satisferont l’honorable membre qui les a demandées.
Si nous voulons sortir des difficultés qui se renouvellent à chaque pas que nous faisons dans la discussion, restons une bonne fois sur le terrain que cette loi a aplani, et ne rétrogradons pas.
S’il s’agissait de remettre en question la difficulté vaincue, je concevrais l’opportunité de rentrer dans la controverse inextricable que cette loi a fait cesser ; mais ce n’est pas là ce que la chambre avait demande dans les discussions qui ont eu lieu en 1831 et en 1832.
Ce n’est pas la révision du système de la loi que l’on a réclamée, mais seulement quelques améliorations dans son exécution.
Conformons-nous donc au nouveau droit civil tel que cette loi l’a décrété. Considérons la propriété de la mine non pas telle que la définissent des doctrines qui se contredisent, mais considérons-la dans les effets que cette loi lui attribue, et n’exagérons pas les droits du propriétaire de la surface.
Ce n’est pas l’acte de concession qui exproprie le propriétaire du sol, c’est la loi elle-même.
Il importe peu à la question de savoir :
Si, dans l’origine du droit romain, la mine appartenait au propriétaire du sol et si, plus tard, sous les empereurs, ce principe fut modifié ;
Si, dans la province de Liége et dans d’autres localités, on observait le droit romain primitif, tandis qu’ailleurs on suivait d’autres règles ;
Si ce n’était que de droit naturel et non de droit positif que la mine accédait au sol ; si, par conséquent, le droit public pouvait la détacher du sol et en disposer autrement.
Tout cela, ce n’est plus que de l’histoire.
Il n’est cependant pas inutile de connaître l’histoire de la mine et je ne regrette pas, quant à moi, tout ce qu’on nous en a rapporté, parce qu’il est un fait qu’il était important de constater pour la défense de la loi de 1810.
C’est que la législation sur les mines variait suivant les localités, qu’il n’existait aucune uniformité de principe et qu’il résultait de cet état de choses qu’il y avait absence de moyens légaux d’assurer l’exploitation régulière et profitable et d’empêcher que l’avenir ne fût compromis par des travaux qui eussent pu rendre impossible à la suite l’exploitation de ces richesses si éminemment indispensables à l’industrie et aux besoins les plus usuels de la société.
L’intérêt public réclamait l’uniformité de législation sur une matière d’un aussi haut intérêt.
Les législateurs français ont cherché à faire cesser les difficultés insurmontables que l’on rencontrait dans l’application du principe de l’accession de la mine à la propriété du sol.
Le droit positif, le code civil, leur avait ouvert la voie ; ils en ont profité.
L’art. 552 n’avait pas adopté le principe du droit romain dans la généralité ; cet article n’avait pas dit, d’une manière absolue, que la propriété du sol emportait la propriété du dessus et du dessous, il avait pris soin d’ajouter cette réserve remarquable, que c’était sans préjudice aux lois et règlements sur les mines.
De manière que, quant à la mine, le droit positif réservait à la loi d’établir une exception à ce droit d’accession, et réservait ainsi l’action du droit public sur la mine.
Cette exception a été formulée par la loi de 1810 ; la distinction entre la propriété du sol et la propriété de la mine a été établie, la mine est passée dans le droit public et s’est ainsi fixée dans les mains de l’Etat.
C’est ainsi que, sauf les droits précédemment acquis autrement que par le droit d’accession, résultant du sol, l’Etat en est devenu propriétaire dans la véritable acception du mot.
Pour se convaincre de cette vérité, il suffit d’écarter les subtilités dont on enveloppe la question et tenir aux plus simples notions de la science sur le droit de propriété.
Pour apprécier un droit à sa juste valeur, c’est dans ses effets qu’il faut le considérer ; un droit qui ne produit pas d’effet n’est qu’un être purement idéal.
Laissons donc là les subtilités et les fictions, voyons la chose telle qu’elle est réellement, et tout doute doit disparaître.
Le droit de propriété n’existe que là où nous trouvons en même temps le droit de jouir et de disposer de la manière la plus absolue.
C’est bien là la définition légale du droit de propriété. C’est la définition de l’art. 544 du code civil.
Aidé de cette définition, voyons où, dans la réalité, la loi de 1810 a placé la propriété de la mine.
Aux termes de cette loi, le propriétaire du sol n’a, en cette qualité, ni le droit d’user, ni le droit de disposer de la mine.
Il n’a pas le droit d’en user, cela lui est formellement interdit ; il n’avait pas même la faveur éventuelle que nous lui avons accordée, celle d’obtenir la préférence à cette jouissance.
Il n’est donc pas propriétaire, ou il n’est propriétaire que de nom, que par fiction, et la fiction disparaît en présence de la réalité.
Mais si la propriété de la mine n’est pas dans les mains du propriétaire du sol, si celui-ci n’en est plus qu’une espèce de dépositaire, où est-elle donc, car elle ne peut rester flottante ?
La loi de 1810 nous le dit d’une manière qui me paraît très claire.
L’article premier dit que la mine ne peut être exploitée qu’en vertu d’un acte de concession. Ainsi, dès le début de la loi, interdiction au propriétaire du sol comme à tout autre d’exploiter la mine ; et, remarquons bien, que ce n’est pas au moyen d’une permission d’exploiter que cette interdiction peut être levée, mais par un acte de concession seulement, par un acte par lequel le gouvernement dispose de la mine et la transfère.
Si la loi s’était bornée à dire que la mine ne pourrait s’exploiter sans permission, on pourrait conclure que la loi a voulu seulement en restreindre l’usage dans les mains du propriétaire du sol, mais ce n’est pas là ce que dit la loi ; il faut pour pouvoir l’exploiter, que la mine elle-même soit concédée ; or, lorsque le gouvernement la concède au propriétaire du sol par préférence à tout autre, il ne fait pas là acte de reconnaissance de la propriété du sol sur la mine, car on ne concède à personne sa propre chose, cela serait une absurdité.
Aussi l’art. 7 dit que cet acte donne la propriété à celui à qui elle est concédée. Pour pouvoir donner, il faut avoir la chose dans sa puissance, d’où la conséquence de l’article 28 qui attribue ce droit de donner au chef de l’Etat, à l’une des branches du pouvoir législatif, au pouvoir exécutif.
Que l’on rassemble maintenant les éléments de solution que renferment ces dispositions capitales de la loi, on y trouvera tout ce qui constitue le droit de propriété, tous ses attributs, et on reconnaîtra forcément que, depuis la loi de 1810, c’est à l’Etat et non au propriétaire du sol que la mine appartient dans la réalité.
On aura beau recourir à des subtilités, argumenter des principes qui régissaient anciennement cette matière dans certaines localités, ou trouvera toujours au bout de tout cela cette vérité qui frappe la raison et brise tous les arguments, c’est que, depuis la loi de 1810, la propriété de la mine dans les mains du propriétaire du sol n’est plus qu’un vain mot, n’est qu’une fiction, et que cette propriété n’est une réalité que dans les mains de l’Etat.
Qu’on ne pense pas qu’aucune surprise ait été exercée sur ce point lors de la discussion de cette loi ; nous avons la preuve que c’était bien dans ce sens que le gouvernement la présentait à la législature, et que c’était bien ainsi qu’il fallait la comprendre.
Cette preuve est dans les paroles claires et très significatives du rapporteur de la commission nommée dans le sein du corps législatif pour l’examen de cette loi.
Voici comment il s’exprimait, après avoir rapporté tous les moyens de la controverse :
« De ce qui vient d’être établi, il résulte que les mines étant la propriété de tous, ne sont réellement celle de personne et doivent conséquemment entrer dans le domaine de l’Etat. »
Exposant ensuite les diverses considérations propres à démontrer qu’il est nécessaire qu’elles fassent partie du domaine de l’Etat, pour être exploitées utilement, le même orateur pose cette question :
« Mais, enfin, à qui la propriété de la mine doit-elle appartenir ? »
Voici comment il y répond en peu de mots :
« L’opinion de votre commission, messieurs, est qu’elle doit être à l’Etat. »
Telle fut la solution d’un point important de législation mûrement médité dans une discussion commencée au conseil d’Etat en 1806, reprise en avril 1809 et continuée jusqu’en février 1810, et qui ne fut terminée qu’en avril suivant, après 14 rédactions successives.
J’ai déjà dit qu’en vertu de la réserve faite à l’article 552 du code civil, la législature avait eu le droit de faire cesser toute controverse sur la propriété de la mine et de l’attribuer à l’Etat.
Le législateur français a- t-il bien fait d’user de ce droit ?
Quant à moi je n’hésite pas à dire que oui.
L’intérêt de l’industrie et des consommateurs, l’urgente nécessité de rechercher ces richesses enfouies, et d’obtenir qu’elles fussent exploitées régulièrement et avec économie, réclamaient hautement cette déclaration de principe.
On ne pouvait laisser plus longtemps à la négligence ou à la mauvaise volonté du propriétaire du sol un objet d’intérêt public aussi élevé.
Mais si telle a été la portée de cette loi, pourquoi réservait-on une indemnité au propriétaire du sol ?
Si la loi reconnaissait qu’il n’était pas propriétaire de la mine, aucune indemnité ne lui était due.
A la rigueur, dans le strict droit, la conséquence est exacte.
On aurait pu faire à l’égard de la mine ce que l’on avait fait à l’égard des fidéicommis ; assimiler le propriétaire du sol qui n’avait pas encore atteint la mine au substitué qui n’avait pas encore atteint l’objet du fidéicommis, et ne pas accorder d’indemnité plutôt dans un cas que dans l’autre.
Mais avant la déclaration de principe faite par la loi de 1810 le propriétaire du sol n’avait pu acquérir le sol que dans la bonne foi qu’il pourrait disposer des mines qui s’y trouveraient enfouies. Par conséquent, des considérations d’équité demandaient que l’on vînt à son secours.
C’est ce qui fit la loi, elle lui « réserva » (ce sont ses termes), elle lui réserva une indemnité, par motifs d’équité, mais non à titre de droit.
Au surplus, je vois dans cette loi une œuvre mûrement élaborée, après de longues et savantes discussions, par les plus grands hommes d’Etat qui ont illustré la France, et je me soumets volontiers à une décision aussi solennelle convaincu que je suis qu’on ne pourrait toucher à sa base sans remettre tout en question, et sans apporter une confusion préjudiciable dans cette partie importante de la législation.
Je vais maintenant donner quelques explications relativement à l’indemnité fixe et à l’indemnité proportionnelle à accorder aux propriétaires de la surface.
L’indemnité fixe doit être accordée à cause de la servitude dont la propriété comprise dans le périmètre se trouve frappée, en attendant qu’elle puisse prendre part au produit, et en considération de la diminution de valeur qui peut résulter de ce que la mine en est maintenant séparée à toujours.
Cette indemnité a aussi pour objet d’engager le concessionnaire à ne comprendre dans les limites de sa demande que les terrains strictement nécessaires à une bonne exploitation.
Indemnité proportionnelle. Elle est commandée par la loi, article 6 et 42.
Pourquoi tous les propriétaires du sol sont-ils appelés au partage de l’indemnité proportionnelle, même ceux sous les terrains desquels on n’exploite pas ?
Il y a plusieurs raisons :
1° Les frais qui se font pour mettre l’exploitation en état, ont pour objet toute la mine qui se trouve dans le périmètre de la concession, et ces travaux affectent par suite toutes les parties de la mine qui devient un but indivisible.
2° Telle partie de mine placée sous telle parcelle, n’eût pu être atteinte qu’en y arrivant par la parcelle voisine ; le propriétaire de cette parcelle devait donc avoir autant de droit à son produit que son voisin qui, par lui-même, n’aurait pu en profiter.
3° Il serait d’ailleurs impossible de déterminer lorsque la mine est extraite, quelle est réellement la portion qui appartient plutôt à l’un qu’à l’autre.
La mine ne correspond pas à la superficie, elle s’étend, s’élargit ou se resserre, se dresse ou s’incline, coupe le plus souvent diagonalement la limite de la parcelle de superficie sous laquelle elle se trouve. La partager de manière à ce que chaque parcelle eût précisément sa part, c’était s’exposer à des difficultés sans nombre et souvent impossibles à résoudre.
Il a donc fallu considérer les propriétaires renfermés dans le périmètre comme se trouvant dans une espèce d’association sur un objet indivisible de sa nature.
Ne pouvant assigner à chacun d’eux un droit certain sur chaque portion de la mine extraite, il a bien fallu prendre pour base du partage du produit l’étendue de la superficie de chaque parcelle.
M. Gendebien. - Messieurs, je vous conjure de ne pas continuer la grave discussion qui vient d’être soulevée, vous ne la termineriez pas dans quinze jours.
L’honorable préopinant vient de nous lire un discours savamment écrit sans doute, mais qui sans être d’aucune utilité dans la discussion actuelle, peut prolonger indéfiniment une discussion peut-être trop longue déjà.
On a discuté à l’assemblée constituante, pendant je ne sais combien de temps la question de savoir si la mine appartenait au propriétaire de la surface, ou si elle faisait partie du domaine public. L’assemblée constituante n’a pas osé résoudre la question, et elle a reconnu qu’il était inutile de la résoudre. Elle s’est bornée à dire, très prudemment à l’article premier :
« Les mines et minières tant métalliques que non métalliques, ainsi que les bitumes, charbon de terre, ou de pierre et pyrites, sont à la disposition de la nation, en ce sens seulement que ces substances ne pourront être exploitées que de son consentement et sous sa surveillance. »
Ainsi donc l’assemblée constituante, qui était composée des hommes d’élite de toute la France, n’a pas osé résoudre la question.
La législation de 1810 et le conseil d’Etat de l’empire ont aussi reculé devant la difficulté.
Voyez aux articles 1 et 5 ; on s’est borné à dire que les mines ne pourraient être exploitées qu’en vertu d’un acte de concession délibéré en conseil d’Etat.
On a cité le rapport fait au corps législatif au nom de la commission de l’intérieur. Veuillez lire quelques lignes plus bas que le passage cité par l’honorable M. Fallon, vous verrez que la commission de l’intérieur au corps législatif, n’a pas non plus osé résoudre la question. Il en est de même du discours, assez remarquable de Renaud St-Jean d’Angely, rapporteur du conseil d’Etat.
Il atteste que le conseil d’Etat a considéré comme très difficile, et d’ailleurs comme inutile de résoudre cette grave question.
Le discours de l’honorable préopinant est une analyse de ce qui a été dit dans ces discussions, mais cette analyse n’est pas complète, car elle ne présente qu’une seule opinion. Il a d’ailleurs le tort de vouloir résoudre par la loi de 1810 ce que les auteurs de cette loi n’ont pas résolu.
Qu’y a-t-il à faire envers les propriétaires des mines ? Leur donner plutôt une redevance recognitive de leur droit non défini, qu’une indemnité proprement due pour une propriété ; c’est ainsi qu’on a agi en 1810, parce qu’on n’a pas osé déclarer les mines domaniales depuis 1791. On n’a pas non plus reconnu la propriété dans le chef des propriétaires de la surface ; c’est pour résoudre ce doute par une espèce de transaction que les articles 6 et 42 ont été adoptés.
En réalité, l’indemnité est une chose impossible à donner dans la véritable acception du mot ; je défie d’établir des règles d’indemnité complètement satisfaisantes ; en effet, dans telle concession, par exemple, composée de 500 hectares, il y aura 50 hectares qui renfermeront une mine riche et abondante ; mais personne ne peut déterminer où elle se trouve ni jusqu’où elle se prolonge ; il en est de même des parties de la concession qui ont une valeur moindre, et de celles qui n’en ont pas du tout.
Messieurs, on paraît décidé à accorder l’indemnité ; quant à moi, je le déclare franchement, je n’en aperçois ni la nécessité, ni même la justice, car indemnité suppose perte ou privation. Or, le propriétaire ne perd rien, puisque, par lui-même, il ne pourrait tirer aucun avantage de la mine, je parle de la mine de houille. Au contraire je considère comme une bonne fortune pour le propriétaire toutes les fois qu’il s’établit une concession sur ses propriétés ou dans son voisinage, attendu que les terres en acquièrent une valeur plus considérable sous tous les rapports.
Les propriétaires ont négligé le plus souvent jusqu’ici de toucher l’indemnité qui leur était allouée par la loi, et on dit que c’est à cause de l’exiguïté de cette indemnité. Non, messieurs, ce n’est pas là le motif, car, quelque exigu que soit l’indemnité, si les propriétaires ne retiraient pas d’autres avantages, ils ne manqueraient pas de la demander, et il faut bien le dire, messieurs, les propriétaires sont, par rapport à l’indemnité, plus modérés que le législateur lui-même. Ils sont assez justes pour reconnaître la nécessité d’encourager plutôt que de chagriner les grandes exploitations.
Je veux dire maintenant quelques mots relativement à la répartition de l’indemnité. Vous allez appeler au partage indistinctement tous les propriétaires, sans qu’il vous soit possible d’établir les éléments d’une répartition équitable, dans l’ordre de vos idées sur la nature de l’indemnité, vous accorderez trop à l’un et pas assez à d’autres. Je crois, messieurs que, sous ce rapport, nous devons nous en tenir aux conditions de la loi de 1810, et laisser les choses comme elles étaient.
Personne ne s’est plaint jusqu’à présent, du moins je ne me rappelle pas avoir entendu des plaintes. Si des pétitions sont arrivées à ce sujet, je désire qu’elles soient déposées sur le bureau, afin que nous puissions les examiner.
M. Fallon, rapporteur. - Messieurs, un honorable préopinant a fait observer que l’article 4 laisse quelque chose à désirer, et il a demandé une explication à cet égard.
Il paraît que dans la province de Liége, ou du moins dans ma province, plusieurs propriétaires du sol avaient vendu leurs fonds avant la loi de 1810, de manière qu’au moment où cette loi a été promulguée, ce n’était plus le propriétaire qui était exproprié du sol, c’était celui qui avait fait l’acquisition du fonds.
Ce n’est donc pas le propriétaire du sol qui doit recueillir indemnité stipulée dans la loi ; il faut que cette indemnité soit accordée à celui qui été substitué aux droits du propriétaire, quant à la mine.
Déjà cette considération avait attire l’attention de la première commission puisqu’il est dit dans l’article 6 du projet :
« Celui qui se trouve substitué aux droits du propriétaire de la surface, quant à la mine, jouira de la préférence accordée à celui-ci par le présent article. »
Il me semble que l’on peut également, dans l’article 4, réserver l’indemnité, quant à la mine, au propriétaire ou à son ayant droit et dire : L’indemnité profitera à celui qui se trouve aux droits du propriétaire ou à ses ayant cause, quant à la mine.
L’honorable M. Gendebien a dit : Pourquoi déroger à la loi de 1810 et ne pas se borner à l’indemnité qu’elle a réglée ? Je répondrai que des difficultés ont été élevées relativement à l’indemnité fixée par cette loi ; on a dit que l’indemnité de quelques centimes par hectare, qu’elle accordait, était illusoire ; mais on a mal interprété le sens et l’esprit de cette loi, et c’est ce que l’on voit clairement en combinant les art. 6 et 42 relatifs à la redevance. Le premier de ces articles parle d’une indemnité à raison de la mine concédée ; le second dit que cette indemnité sera déterminée par une disposition de l’acte de concession. De ce que ce dernier article stipulait que la somme devait être déterminée … on a prétendu que l’indemnité était fixe, et non en raison de la surface et du produit de la mine. Voilà sur quoi on a élevé des difficultés en 1830 et 1831.
Quant à la répartition de l’indemnité on a été obligé de considérer tous les propriétaires de la surface comme formant une association relativement à la mine, et de déclarer qu’ils partageraient entre eux en raison de la partie de la surface qu’ils possédaient. Ceci n’est pas injuste. Tel propriétaire qui a la mine sous sa superficie n’aurait pas pu exploiter sans aller sous la superficie de son voisin : il fallait bien les mettre en communauté.
Cependant si l’on propose un autre moyen et qu’il soit meilleur, nous l’examinerons.
M. Raikem. - On a demandé si le propriétaire de la surface était propriétaire de la mine ; je crois devoir dire quelques mots à ce qui a été avancé à cet égard.
On a dit, messieurs, qu’il importait peu de savoir ce qui avait lieu dans le pays de Liège avant la loi de 91 et celle de 1810 ; mais remarquez ce qu’a avancé un honorable orateur, que la question de propriété des mines n’a été résolue ni par la loi de 91, ni par celle de 1810 ; eh bien, si elle n’a été décidée par aucune de ces deux lois, elle doit être décidée par d’autres dispositions législatives, et les principes que j’ai avancés subsistent dans toute leur force.
Si la loi avait déclaré les mines propriétés de l’Etat elle aurait enlevé le droit de propriété, et, en ce cas, elle aurait dû l’exprimer en termes exprès.
Mais la question de propriété des mines est tellement claire qu’on l’a invoquée quand il s’est agi des mines de fer ; en faveur de qui réclamait-on pour les mines de fer ? en faveur des propriétaires ; on soutenait que le propriétaire de la surface avait le droit de l’exploiter.
Je conçois que quant au droit d’exploiter, il doit y avoir de la différence entre les mines de charbon et les mines de fer ; mais je soutiens qu’à l’égard du principe on ne peut mettre de différence quant aux droits de propriété.
On a prétendu que l’art. 552 du code civil établissait une exception au droit commun relativement aux mines ; j’ai déjà fait observer que cette exception ne se rapportait pas au droit de propriété en lui-même, mais au droit d’user de sa propriété.
On a dit encore que le droit de propriété étant celui de jouir de l’objet possédé de la manière la plus absolue, il ne s’appliquait pas aux mines puisqu’on ne pourrait en jouit que sous certaines conditions ; mais on a pris ici la limite apportée au droit d’exploitation pour une limite apportée au droit de propriété, et de cette confusion on a tiré de fausses conséquences. Dans un intérêt de police, dans l’intérêt général il est de certaines propriétés dont on ne peut jouir à sa volonté, et c’est ce qui a lieu à l’égard des mines.
Mais on vous a dit : Puisque le gouvernement donne les concessions, il faut donc qu’il soit propriétaire des mines. Je crois avoir répondu à cela en disant qu’en ce cas le gouvernement, pour favoriser l’industrie et dans l’intérêt public, opérait une véritable expropriation.
On a cité l’opinion du rapporteur du corps législatif. Mais si l’on poursuit la lecture de ce rapport, on y trouve des principes contraires à ceux auxquels s’est arrêté l’honorable préopinant.
Permettez-moi de lire les phrases qui suivent celle à laquelle on s’est arrêté.
Le rapporteur continue :
« Elle présume que le projet l’eût dit nettement s’il eût précédé le code civil.
« Le déclarer positivement eût été blesser une de ses dispositions fondamentales.
« Attaquer la loi civile est toujours une chose fâcheuse. C’est ce qu’on a voulu éviter, et l’on a bien fait.
« La propriété du sol (aux termes de l’art. 552 du code civil) emporte la propriété du dessous.
« Le propriétaire peut faire au-dessous toutes les constructions et fouilles qu’il jugera à propos, et tirer de ces fouilles tous les produits qu’elles peuvent fournir, sauf les modifications résultant des lois et règlements relatifs aux mines.
« Prononcer que les mines sont des propriétés domaniales, c’eût été annuler l’article 552, et non le modifier. »
Voici ce qui a été reconnu, lors de la discussion de la loi de 1810.
« Cette modification offrait un problème difficile à résoudre ; il a été résolu de la manière la plus satisfaisante, puisqu’elle est la plus utile à l’intérêt de la société ; il l’a été en déclarant que les mines ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’un acte de concession délibéré en conseil d’Etat, mais cet acte réglera les droits des propriétaires de la surface sur le produit des mines concédées. »
En définitive, je crois qu’on ne peut nier les droits du propriétaire de la surface, puisqu’ils sont reconnus par la loi de 1810, et que le droit d’accorder des concessions ne peut pas être considéré comme l’exercice d’un droit de propriété de la part du gouvernement.
Je dirai maintenant quelques mots en réponse à ce qui a été dit, relativement à la redevance proportionnelle allouée aux propriétaires des mines.
La commission a proposé 3 p. c. du produit. J’ai fait observer que l’on ne pouvait répartir l’indemnité proportionnelle entre tous les propriétaires de la surface dans le périmètre de la concession. J’ai demandé de ce chef la division dé l’article 4 et que l’on mît aux voix ces mots : « Cette indemnité est également répartie, etc. » Il ne serait pas juste que celui sous le terrain duquel on n’exploite pas, eût la même redevance que celui sous le terrain duquel on exploite. L’on a dit que l’exploitation d’une mine se fait successivement, qu’ainsi l’on peut exploiter sous une parcelle sans exploiter sous la parcelle voisine. Dans ce cas, l’on paiera toujours la redevance au propriétaire sous le terrain duquel on exploite.
Mais on a cru qu’il serait difficile de déterminer sous quel terrain l’exploitation a lieu, et pour parer à cet inconvénient, l’on a imagine de faire une espèce de société entre tous les propriétaires de la surface.
Je ferai remarquer que d’après les informations que j’ai prises, bien qu’il puisse se présenter des difficultés, elles sont cependant loin d’être insurmontables.
Quant à la question de savoir sous quel terrain l’exploitation a lieu, je rappellerai que l’article 51 de la loi du 21 avril 1810 maintient pour les anciennes concessions les redevances payées par elles.
Or d’après les renseignements qui ont été fournis, il existe dans l’ancien pays de Liége des exploitations qui payent encore aujourd’hui, comme dans le principe, une redevance au propriétaire du terrain sous lequel elles ont lieu. Puisque l’on peut constater à l’égard de ces concessions, sous quel terrain l’exploitation a lieu, je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même à l’égard de toutes les concessions.
Il me semble qu’il suffit qu’il soit possible de constater ce fait pour que l’on s’empresse d’adopter ce mode qui détruit la disposition dans le paiement d’une redevance commune à tous les propriétaires de la surface.
Je conçois bien qu’on laisserait cela au comité d’évaluation. Cependant il peut se présenter telle exploitation où le tantième de la redevance soit trop fort ou trop faible. Je crois donc qu’il serait nécessaire de fixer un minimum.
Je bornerai là mes observations.
- La séance est levée à cinq heures.