(Moniteur belge n°14, du 14 janvier 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
« Le sieur F. Desauw, marchand de cendres d’Amsterdam, à Melle (Flandre orientale), demande que les cendres de mer, qui, d’après la loi, sont assimilées au fumier comme engrais, et comme tel exemptés du droit de barrières, y soient également assimilés par rapport au système des poids et mesures auquel le fumier n’est pas assujetti ou du moins, si cette demande n’est pas accueillie, d’être autorisé, en vertu de l’arrêté du 27 octobre 1827, à faire confectionner une cuvée d’une autre forme que le demi-hectolitre. »
« Le sieur Celliez-Blumenthal propose à la chambre d’adopter une machine de son invention, appelée récipient de sûreté et d’équité, lors de la discussion du projet modifiant la loi sur les distilleries. »
« Trois aspirants au notariat demandent que la loi relative au notariat prescrive l’âge de 21 ou de 23 ans, au lieu de celui de 25, pour être apte aux fonctions de notaire. »
« Le sieur Lelièvre-Duchâteau, fabricant de noir animal et gélatine, demande que les os soient prohibés à la sortie. »
« Plusieurs tanneurs de Liége demandent, pour faire revivre leur industrie, que la Belgique s’associe au système fédératif des douanes des Etats prussiens. »
« Les maréchaux et cloutiers du district de Grevenmacher demandent que les droits d’entrée sur les houilles venant de Prusse soient réduits au taux de celles qui viennent de France. »
« Plusieurs habitants d’Anvers, victimes du bombardement, demandent à être indemnisés de leurs pertes. »
« Un grand nombre de propriétaires de forêts des provinces de Liége, Namur et de Limbourg, demandent une loi protectrice qui, en élevant le droit d’entrée sur les bois venant de la Russie, de la Suède et de la Norwège, mette les propriétaires à même de soutenir la concurrence avec avantage et de supporter la contribution élevée qui frappe les propriétés boisées. »
« Le major de gendarmerie Bodart, mis à la retraite, renouvelle sa demande d’être remis en activité de service ou que la chambre se fasse donner communication des motifs de la mesure dont il est frappé. »
« Le sieur J.-J. Granez, marchand de bois à Sivry (Hainaut), demande la naturalisation. »
« Le sieur J. Junemans, étranger, renouvelle sa demande en naturalisation, afin d’être à même d’obtenir un emploi civil. »
« Le sieur F.-A. Lebon, né en France, résidant à Charleroy, demande la naturalisation. »
« Le sieur M. Hischter demande la naturalisation, afin de pouvoir accepter la place de garde-champêtre qui lui est offerte par l’administration communale de Pont-Pierre. »
« Un grand nombre de cultivateurs du polder inondé de Lillo, conjointement avec ceux des communes de Stabroek et Beerendrecht, demandent à être déchargés du paiement des frais d’entretien des digues, écluses, ponts etc., dudit polder. »
« Plusieurs boutiquiers de la commune de Hamme, district de Termonde, demandent que la chambre, tout en laissant substituer le système décimal des poids et mesures, adopte une loi qui permette aux commerçants en détail de se servir des anciens poids, tels qu’once, quarteron, etc. »
« Le sieur Eugène de Blaere, ancien géomètre de seconde classe, à Cartemarck, demande à être réintégré dans les fonctions de géomètre-conservateur du cadastre. »
« Plusieurs anciens comptables, veuves et héritiers de fonctionnaires, demandent le remboursement de cautionnement versés en numéraire, et demandent l’allocation au budget d’une somme à cet effet, avant la liquidation avec la Hollande. »
« Huit fabricants de poids et mesures de la ville de Lokeren s’adressent itérativement à la chambre, pour la prier de faire une nouvelle loi sur les poids et mesures. »
M. de Renesse. - Messieurs, par pétition datée de Liège, un grand nombre de propriétaires de forêts des provinces de Liége, de Namur et de Limbourg demandent une loi protectrice qui, élevant les droits d’entrée sur les bois venant de la Russie, de Suède et de la Norwège, mette les propriétaires à même de soutenir la concurrence avec avantage et de supporter la contribution élevée qui frappe les propriétés boisées.
Ces pétitionnaires réclament avec instance une mesure prompte ; ils osent appeler toute l’attention de la chambre sur l’une des branches les plus importantes de la richesse territoriale, en souffrance par suite des arrivages considérables de bois de toute espèce venant du Nord.
En effet, si l’on considère que ces bois étrangers paient à l’entrée seulement le droit minime de 25 cents par tonneau de 1,000 kilo. pesant, que nos propriétés boisées sont soumises à de fortes contributions non supportées par les bois étrangers, que le transport des bois du pays est très coûteux, tandis que ceux venant du Nord, amenés à peu de frais par cargaisons immenses dans l’Escaut, sont livrés des pris très modiques, il est hors de doute que nos bois ne peuvent concourir avec avantage.
J’ai, en conséquence, l’honneur de proposer à la chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec invitation de faire un rapport dans la huitaine ; et en outre je demande son insertion au Moniteur.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée ; en conséquence la pétition de plusieurs propriétaires de bois est renvoyée à la commission des pétitions qui est invitée à en faire rapport dans la huitaine ; elle sera en outre insérée au Moniteur.
M. de Behr. - Parmi les pétitions dont M. le secrétaire vient de faire connaître l’analyse, il en est une des tanneurs de Liège qui expose l’état de détresse de cette industrie et qui signale comme moyen de la relever et d’en assurer la prospérité, l’adhésion au système fédéral des douanes allemandes. Déjà les principaux habitants de Verviers ont adressé une pétition de cette nature ; et la chambre en a ordonné l’impression au Moniteur. Je demande qu’il en soit de même pour la pétition des tanneurs de Liège, et que ces deux pétitions soient réunies pour être de la part de la commission des pétitions l’objet d’un seul et même rapport.
- La proposition de M. de Behr est adoptée ; en conséquence la pétition des tanneurs de Liège sera imprimée au Moniteur ; la commission des pétitions est invitée à réunir cette pétition à celle de plusieurs habitants de Verviers pour en faire l’objet d’un seul rapport.
Les pétitions relatives à des demandes de naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice ; les autres pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
Par divers messages le sénat informe la chambre qu’il a adopté les projets de loi suivants :
- Le projet de loi relatif à la péréquation cadastrale ;
- Le projet de loi relatif à la sortie des os ;
- Le projet de loi concernant les voies et moyens ;
- Le projet de loi relatif aux los-renten ;
- Le projet de loi relatif à la taxe des lettres et aux postes rurales ;
- Le projet de loi relatif à l’entrée des bestiaux ;
- Le projet de loi relatif aux budgets provinciaux ;
- Le projet de loi relatif au contingent de l’armée pour l’exercice 1836 ;
- Le projet de loi portant exemption de timbre et d’enregistrement pour les pièces relatives aux caisses d’épargne ;
- Le projet de loi relatif à l’allocation d’un crédit provisoire au département de la guerre pour le mois de janvier de l’exercice 1836 ;
- Le projet de loi portant crédit supplémentaire au département de l’intérieur pour l’exercice des dépenses de 1835 et années antérieures. »
M. le président. - Le sénat a renvoyé à la chambre, avec un amendement qu’il a adopté, le projet de loi relatif aux concessions de péage. La chambre veut-elle renvoyer ce projet de loi aux sections ou à une commission ?
M. A. Rodenbach. - Je demande le renvoi aux sections.
M. Verdussen. - Je crois qu’il suffirait de renvoyer le projet amendé par le sénat à la commission qui s’est occupée du premier projet. Tous les membres de la chambre ont suivi les débats du sénat, et ont une idée parfaite de la question ; l’examen par les sections est donc inutile.
M. A. Rodenbach. - Je ne partage par l’opinion de l’honorable préopinant. Je ne considère pas l’amendement adopté par le sénat comme une légère modification, mais comme une disposition de la plus haute importance ; car il ne concerne pas un embranchement particulier de chemins de fer, mais le système tout entier des chemins de fer. Je pense qu’il doit être sérieusement examiné. Je demande donc qu’il soit mis à l’ordre du jour, et qu’il soit renvoyé aux sections pour être l’objet d’un prompt rapport. La chambre décidera ensuite ce qu’il y aura à faire.
M. Rogier. - Je crois que la chambre est pénétrée de la nécessité d’adopter promptement une loi quelconque. Cette urgence a été reconnue et par les partisans de l’amendement et par ceux qui ont cru devoir le combattre. Je pense donc qu’en renvoyant l’amendement adopté par le sénat à l’examen des sections, on ne remplirait pas le but que chacun de nous se propose.
Puisque l’on a confié le projet de loi entier à une commission, on peut accorder la même confiance à cette commission, pour un amendement ; car s’il y avait du danger à mettre à la discrétion d’une commission toutes les questions soulevées par le projet de loi entier, il y a assurément moins de danger à renvoyer à l’examen de cette commission une seule question sortie de cette loi.
Remarquez que le principe de la loi reste entier. Il ne s’agit que de savoir si pour un seul embranchement le gouvernement sera obligé de demander l’intervention de la législature.
M. Desmet. - Messieurs, je dois déclarer à la chambre que je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. Rogier, qui traite, il me semble, l’amendement que le sénat a fait sur le projet de loi concernant les concessions de projet, un peu à la légère. Il ne s’agit uniquement dans cet amendement de l’embranchement du chemin de fer qui doit passer par les Flandres. Mais il frappe sur une question de principe.
Nous devons voir si nous voulons, comme paraît le vouloir la majorité du sénat, que désormais tous les travaux de chemins de fer soient exécutés plutôt par l’Etat que par des sociétés particulières. Je pense donc, messieurs, qu’une question de si grande importance exige qu’on la délibère en sections et que toute la chambre y prenne part, et j’appuie de toutes mes forces la proposition de l’honorable M. Rodenbach de renvoyer l’amendement du sénat aux sections ; car on ne peut passer légèrement sur un objet qui nous ferait faire un pas rétrograde en fait d’exécution de travaux publics.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le renvoi à la commission et ensuite, s’il y a lieu, le renvoi aux sections.
M. Gendebien. - Nous ne sommes plus en nombre : nous ne sommes que 49 présents.
M. Desmanet de Biesme. - L’appel nominal.
- La séance est suspendue pendant quelques minutes. Plusieurs représentants rentrent dans la salle ; la chambre est en nombre.
Le renvoi du projet de loi à la commission qui a examiné le projet de loi primitif est mis aux voix et adopté.
M. Pollénus, ayant eu le malheur de perdre sa mère, demande un congé de 15 jours.
- Accordé.
M. de Terbecq, à l’occasion de la perte de sa mère, demande un congé jusqu’au 25 du mois courant.
- Accordé.
Mlle Emilie Legrelle annonce que son père, étant indisposé, se voit à son grand regret dans l’impossibilité d’assister en ce moment aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
M. Stas de Volder annonce qu’une indisposition assez grave dont Mme Stas de Volder se trouve atteinte, l’empêche de se rendre à Bruxelles avant la fin de la semaine.
- Pris pour notification.
M. Ch. Vilain XIIII annonce qu’ayant accepté le poste d’envoyé extraordinaire et de ministre plénipotentiaire de S. M. près le Saint-Siège, il n’est plus apte à siéger à la chambre.
- Il sera donné connaissance de cette lettre à M. le ministre de l'intérieur.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, la section centrale chargée de l’examen du budget des dépenses du département de la guerre pour l’année 1836, a eu toute raison d’annoncer, dans le rapport qu’elle vous a soumis dans la séance du 10 décembre dernier, que les allocations qui sont demandées pour la plupart des articles qui composent ce budget ne sont, dans la réalité, que des crédits éventuels dont le montant dans la réalité ne peut être fondé que sur des hypothèses, et que ces crédits peuvent être plus ou moins absorbés, d’après les événements politiques qui devront régler dans le courant de l’année 1836 l’effectif des troupes à tenir sous les armes.
Il en a été ainsi pour les budgets de 1832, 1833, 1834 et 1835, et il devra nécessairement en être encore de même, tant que notre situation politique ne nous permettra pas d’asseoir un budget normal des dépenses de l’armée sur le pied de paix.
Mais le gouvernement, en demandant les fonds qu’il juge nécessaires pour assurer le service éventuel de chaque exercice, a toujours cherché à en diminuer le montant, quand il a été possible de le faire, soit en réduisant l’effectif des troupes, soit en supprimant les dépenses qui résultent de leur entretien sur le pied de rassemblement.
C’est ainsi, messieurs, que sur le budget de 1832, réglé à la somme totale de 77,465,350 fr. 26 c., j’ai proposé une réduction de 5,603,737 fr. 47 c., et qu’indépendamment de cette réduction, il est resté encore, en fonds non employés, 26,313 fr. 44 c.
Total pour l’exercice 1836, 5,630,050 fr. 91 c.
Que sur le budget de 1833, réglé à la somme totale de 66,498,000 francs, j’ai proposé diverses réductions montant ensemble à la somme de 15,068,000 fr. Et qu’il est en outre resté, en fonds non employés 83,449 fr. 51 c.
Total pour l’exercice 1833, 15,151,449 fr. 51 c.
Que sur le budget de 1834, réglé à la somme totale de 45,120,000 francs, j’ai proposé une réduction de 2,140,000 fr. Et qu’il reste en fonds qui ne seront pas employés 226,506 fr. 96 c.
Total pour l’exercice 1334, 2,366,506 fr. 96 c.
Enfin, messieurs, sur le budget de 1835, fixé à la somme totale de 41,428,000 fr., j’espère, et j’en ai la presque certitude, qu’après le paiement de toutes les dépenses de cet exercice, il restera environ un million disponible et provenant de réductions qu’il m’a été possible d’apporter dans les dépenses de cet exercice.
Vous voyez donc, messieurs, que les réductions proposées et effectuées, ainsi que les fonds restant disponibles sur les budgets de ces quatre exercices se montent à la somme de 23,500,000 fr. qui n’ont pas été dépensés sur les crédits qui m’avaient été accordés.
Si l’on compare maintenant les dépenses réelles des 15 mois qui composent l’exercice 1830 et 1831 avec celles de ces quatre derniers exercices, vous remarquerez leur décroissance progressive, et de telle manière que le budget proposé pour 1836 est à peine la moitié des dépenses faites en 1831 ; en effet, les dépenses du quatrième trimestre de 1830 et de l’année 1831 se moment :
Pour le 4e trimestre 1830, à 9,248,226 fr. 44 c.
Pour l’année 1831, à 73,681,337 fr. 78 c.
Fonds supplémentaires accordés en 1833, 3,221,413 fr. 30 c.
Fonds supplémentaires accordés en 1834, 461,752 fr. 92 c.
Total, 86,612,730 fr. 44 c.
Celles de l’exercice 1832, à 71,835,299 fr. 35 c.
Celles de l’exercice 1833, à 51,296,550 fr. 49 c.
Celles de l’exercice 1834, à 42,291,740 fr. 12 c.
Celles de l’exercice 1835 ne dépasseront pas 40,428,000 fr.
Si nous comparons le montant des dépenses des trois exercices 1832, 1833 et 1834, qui est de 165.423,589 fr. 96 c. avec celui des dépenses faites en Hollande pendant ces trois mêmes exercices pour le département de la guerre, et sur lesquelles j’ai des renseignements certains puisés aux sources officielles, vous verrez, messieurs, que si la Hollande n’a porté au budget ordinaire des dépenses du département de la guerre que 12 millions de florins en 1832, 12 millions de florins en 1833 en 11,2 millions de florins en 1834, soit au total 35,2 millions de florins, le montant total des fonds accordés pour les dépenses extraordinaires du département de la guerre a été, pendant ces mêmes exercices, de la somme de 75,169,200 florins, ce qui porte la dépense totale à la somme de 110,369,200 florins, faisant 233,585,606 francs.
Ainsi les dépenses de la Hollande ont excédé celles de la Belgique de la somme de 68,162,016 fr. 4 c. pendant ces trois exercices.
N’ayant pas encore de renseignements précis sur les dépenses de la Hollande en 1835, je ne puis en comparer le montant avec celui de nos dépenses de cet exercice : mais je n’ai aucun doute qu’il n’existe aussi un excédant proportionnel à celui des exercices précédents.
Le montant demandé pour l’exercice de 1836 était réduit, au budget qui vous a été présenté, à 38,100,000 fr., non compris toutefois un article laissé pour mémoire, parce qu’il ne pouvait être réglé définitivement qu’à la fin de l’année et qu’il a été fixé à 384,300. Total, 38,484,300 fr.
La section centrale vous propose, messieurs, de réduire le montant des allocations à accorder à la somme de 38,150,000 fr. d’où il résulte un retranchement de 334,300 fr. Total égal, 38,484,300 fr.
Sur les 19 articles que la section centrale propose de réduire, quatre, montant ensemble à la somme totale de 428,220 fr, n’y figurent que pour ordre et comme transfert qu’elle propose de faire en augmentation de l’article 13 de la troisième section du deuxième chapitre ; et sur les 15 autres articles qui constituent réellement les réductions proposées, et qui se montent à la somme de 334,306 fr., je me rallie aux propositions faites par la section centrale, pour onze de ces articles dont le montant total est de 241,669 fr. 80 c.
Restent donc quatre articles de réductions, montant ensemble à 92,630 fr. 20 c., pour lesquels je persiste à demander l’allocation que j’ai proposée.
Il est donc très rationnel d’avancer qu’après cinq années d’investigations sur les budgets de la guerre, il n’est guère possible d’y trouver de grandes réductions à faire, puisque la différence entre mes demandes et les allocations proposées par la section centrale se réduit à la modique somme de 92,000 fr., sur un budget de 38,150,000 fr.
Je conviens, messieurs, avec la section centrale que les budgets précédents ont été votés de confiance et d’après les éventualités plus ou moins précises que permet d’asseoir à l’avance notre situation politique et militaire.
Il a été réellement impossible, comme il l’est encore, de préciser d’une manière absolue le nombre d’hommes à tenir sous les armes, car cette fixation a dû nécessairement varier d’une manière notable, d’après les événements survenus, non seulement d’un exercice sur l’autre, mais souvent pendant le même exercice.
Ce n’est que depuis la convention du 21 mai 1833 que nous avons pu réduire l’effectif de l’armée, et encore, depuis l’armistice qui en est résulté, sommes-nous obligés de tenir sous les armes un effectif au moins égal à celui qui n’a cessé que depuis un mois seulement d’exister tout entier dans le Brabant septentrional et dans la Flandre zélandaise.
Quoique, depuis 5 ans, nous renvoyions nos troupes en quartier d’hiver dans nos garnisons, l’armée hollandaise était restée constamment cantonnée sur nos frontières ce n’est que depuis le 1er décembre qu’elles fait repasser le Wahl à 2 régiments de cavalerie, 4 batteries d’artillerie et quelques bataillons d’infanterie.
Or, sur un budget de 38,150,000 francs, 32,725,000 se rapportent exclusivement à l’entretien des troupes et dépendent de leur effectif sous les armes ; 5,427,000 ont pour objet l’administration générale, les états-majors et officiers sans troupes, les services du matériel de l’artillerie et du génie, le service des hôpitaux, l’école militaire, les transports généraux et frais de route, les corps de garde, remontes et les traitements temporaires des officiers non employés.
C’est donc de l’effectif des troupes entretenu sous les armes que dépendent les 6/7 de toutes les dépenses du département de la guerre.
L’effectif moyen, que le gouvernement propose comme fixation des dépenses des soldes et des masses, est réduit au minimum et dans l’unique but de diminuer les dépenses, autant qu’il a été possible, et je déclare que vouloir le réduire encore, ce serait s’exposer à des chances dont je n’accepterais pas la responsabilité.
La section centrale regrette que les comptes rendus de l’emploi des fonds par les budgets précédents n’aient pas encore été produits, et elle fait observer avec raison qu’on y puiserait des renseignements utiles pour régler les nouveaux budgets présentés.
Je conviens que, dans un pays voisin, les ministres rendent un compte détaillé de l’emploi des fonds mis à leur disposition : mais, dans ce même pays, la cour des comptes ne contrôle les dépenses qu’après qu’elles ont été consommées, et le roi a d’ailleurs le pouvoir d’ordonner des transferts d’un article sur des crédits supplémentaires et extraordinaires aux articles du budget qui exigera un supplément de fonds, sauf à en rendre compte aux chambres.
La cour des comptes, en France, n’a donc à produire aux chambres que ses observations sur les comptes de chaque département ministériel, et ce qu’on fait à la clôture de chaque exercice, qui a lieu après la deuxième année révolue de son expiration.
Ici, messieurs, la cour des comptes doit contrôler, ou au moins viser, toutes les dépenses, avant qu’elles soient consommées ; elle empêche tout transfert d’un article sur l’autre sans qu’une loi expresse ne l’ait préalablement autorisé ; elle s’oppose à toute augmentation de dépenses, en sus de la fixation de chaque article, et elle doit, aux termes de ses attributions, présenter par exercice et pour tous les départements ministériels un compte général de l’emploi des fonds dépensés dans les limites des budgets réglés par la loi.
Cette cours a donc des attributions tout autres que la chambre des comptes en France ; elle est nantie de toutes les pièces comptables, bordereaux, revues, etc. ; elle peut établir ces comptes-rendus, comme elle y doit joindre aussi ses observations, et les présenter aux chambres législatives, chargées d’arrêter définitivement les comptes généraux de chaque exercice.
Cette marche est d’ailleurs tracée par notre constitution, ainsi que par la loi d’organisation ; et déjà la cour des comptes vous a présenté les comptes détaillés de l’exercice 1830 et 1831, et elles également présenté ceux de l’exercice 1832 qui vous ont été distribués le mois dernier.
Je sais que celui de 1833, clôturé depuis le mois de septembre dernier, ne peut tarder à être définitivement arrêté, réglé et présenté.
Je pense, donc, messieurs, qu’il est de l’essence de l’institution de la cour des comptes de dresser les comptes généraux des recettes et des dépenses de chaque département et de les présenter à la chambre avec ses observations.
C’est, à mon avis, le seul mode admissible de reddition de comptes, avec les attributions dévolues à la cour des comptes.
Cependant, j’avais déjà senti la nécessité de donner à l’appui du budget quelques comptes spéciaux pour en éclairer la discussion, et je n’attendais que l’apurement des revues du deuxième trimestre 1835, pour vous présenter, à la date du 1er juillet dernier, la situation des corps envers le trésor à ladite époque.
J’ai fait imprimer et distribuer ce compte-rendu qui embrasse également le compte sommaire des budgets de dépenses des cinq exercices précédents, avec l’indication des dépenses qui ont été faites sur chacun des articles de ces budgets.
Le compte détaillé de la masse d’habillement et d’entretien, depuis le 1er octobre 1830, jusqu’au 1er juillet 1835, avec les explications qui l’accompagnent, ne doivent plus laisser aucun doute que les corps de l’armée se sont bien et dûment acquittés d’une partie des avances qu’ils avaient reçues du trésor de l’Etat, et que le mode suivi pour effectuer ces acquittements est conforme aux règlements existants et avait d’ailleurs été tracé par suite des observations faites par la commission spéciale qui fut chargée de l’examen du budget de 1833.
Je me bornerai donc à dire maintenant, et comme se rapportant à la demande des comptes, faite par la section centrale chargée de l’examen du budget de la guerre, et comme se rapportant aussi à ce même budget, que l’acquittement des corps envers le trésor de l’Etat est constaté :
1° par les sommes qu’ils ont prises, en dessous de leurs allocations, en 1833, 1834 et 1835.
2° Par le retranchement des 6/10 et de la valeur des magasins, opéré sur le budget de 1833 et qui se monte à 2,400,000 fr.
3° Par le décompte et l’apurement des revues trimestrielles de tous les corps, opérés par l’intendance militaire et par la cour des comptes, et qui constatent à la fin de chaque trimestre la situation des corps envers l’Etat.
Mais, à partir du 1er janvier 1835, les corps versent directement au trésor le produit des retenues et des versements volontaires, et les sommes ainsi versées se sont élevées, pour le 1er semestre 1835, à la somme totale de 714,786 fr., à valoir sur celle de 1,300,000, portée au budget des recettes.
Les versements du troisième ont été de 265,114 fr. 90 c. Je ne connais pas encore le montant des versements qui ont dû être opérés pendant le quatrième trimestre de l’année 1835.
Les rapports de MM. les inspecteurs généraux d’armes sur l’administration et la comptabilité des corps, sont extrêmement satisfaisants pour l’ordre et la régularité établis dans l’administration. La presque totalité des revues trimestrielles, base essentielle de toute comptabilité militaire, est envoyée à la cour des comptes pour les deux premiers trimestres de l’exercice courant, et une partie est déjà rentrée définitivement apurée par cette cour.
Toutes les revues du troisième trimestre sont déjà dans les bureaux de la guerre, où l’on s’occupe de leur vérification, avant leur transmission à la cour des comptes.
C’est par les soins assidus et par le zèle des chefs de corps, des officiers comptables, et des membres de l’intendance militaire, que nous sommes parvenus à cet heureux résultat.
Je me réserve, messieurs, de faire valoir les motifs qui me font persister à réclamer les 92,000 fr. que la section centrale propose de retrancher sur quatre articles, lorsque la discussion de détails nous amènera à chacun de ces articles.
J’ai donné à la section centrale toutes les explications qu’elle m’avait demandées sur le marché que j’ai passé, le 16 juin dernier, pour la fourniture et l’entretien de 20,000 literies complètes avec couchettes en fer dans une partie de nos villes de garnison ; mais la section centrale ayant annoncé, dans le rapport qu’elle vous a soumis, que je devais donner directement ces explications à la chambre, je vais, messieurs, vous exposer, avec ma franchise accoutumée, d’abord les motifs qui m’ont porté à prendre cette mesure, que je regarde comme indispensable au bien-être de notre brave armée, et puis les faits qui se rattachent à la passation de ce marché.
Mais il me paraît nécessaire de vous faire connaître, au préalable et le plus succinctement possible, ce qui a eu lieu depuis la révolution, relativement au service des lits destinés au coucher des troupes.
Le mode qui se trouvait établi dans l’armée des Pays-Bas consistait en un simple hamac tendu sur tréteaux et garni d’une très mince paillasse : l’entretien de ces effets ainsi que la fourniture d’une paire de draps de toile écrue et d’une couverture de laine grise avait été mis à la charge des corps qui étaient obligés de traîner ces effets à leur suite lorsqu’ils changeaient de garnison. C’était le plus déplorable système que l’on pût adopter.
Il était alloué aux corps, pour l’entretien et le renouvellement de ces effets, le lavage des draps et des couvertures, ainsi que pour la fourniture de la paille, 1 cents 1/2, par homme et par jour, représentant 3,36 et faisant pour l’année une allocation totale de 12 fr. 26 c.
Si c’était l’économie qu’on avait recherchée dans ce système introduit depuis quatre ans, il faut avouer qu’elle était des plus mal entendues.
Le nombre de ces hamacs n’étant plus en suffisante quantité pour les troupes qui furent organisées en 1831, le gouvernement fit confectionner, dans quelques-unes des principales villes de garnison, des couchettes en bois, à une ou deux places, et acheta paillasses, draps et couvertures pour garnir ces couchettes.
D’un autre côté, quelques villes de garnison qui avaient eu, jusqu’en 1826, le service du coucher des troupes à leur compte, et à qui il restait des effets de cet ancien service, ou qui en firent l’acquisition, établirent, avec l’agrément du ministre de la guerre, un nouveau service pour le coucher des troupes, mais sans matelas, ni traversin, ni sommier, ni double couverture en hiver : il leur fut accordé, conformément aux anciens arrêtés, une allocation journalière de deux cents et 3/16 faisant 4,62/100, et, pour l’année, une somme de 16 fr. 86 c.
On parvint à avoir ainsi des effets de literie pour 40,000 hommes environ, au commencement de l’année 1832, tandis que 30, 40 et même 50,000 hommes restaient forcément en cantonnement, faute de moyens de coucher dans nos casernes qui peuvent contenir 70,000 hommes.
La dépense seule des cantonnements, proprement dite, qui excède de 35 centimes celle du soldat en garnison, forme une dépense annuelle de 127 fr. 75 par homme. Six mille hommes en cantonnement coûtaient donc plus que 40,000 hommes casernés, sous le rapport des dépenses du casernement.
Il était donc d’un grand intérêt d’établir convenablement le coucher des troupes dans les villes de garnison pour faire cesser, autant que possible, cet excédant de dépenses à la charge de l’Etat.
Mais ce qui ajoutait encore à cette nécessité et surtout à celle d’établir ce service d’une manière convenable, c’étaient les plaintes générales qui s’élevaient contre le mauvais coucher des soldats et auquel on attribuait une partie des maladies et principalement l’ophtalmie à laquelle ils étaient en proie.
Mon prédécesseur au ministère de la guerre fit rédiger un projet de traité pour mettre en entreprise, comme dans plusieurs autres Etats de l’Europe, la fourniture et l’entretien des effets nécessaires à un couchage complet, avec sommier piqué, matelas et traversin en crin et en laine, draps blancs, double couverture et couchette en fer pour un seul homme.
L’adjudication devait avoir lieu le 1er février 1832 ; mais l’incertitude des événements politiques, la réduction alors présumée de l’effectif de l’armée, par sa mise prochaine sur le pied de paix, firent bien malheureusement ajourner cette adjudication.
Cet état de choses se maintint ainsi, et par les mêmes motifs, en 1832 et 1833.
On payait aux régences des villes qui fournissaient le coucher à raison de 16 fr 86 c. par homme, et aux régiments qui fournissaient et entretenaient leurs effets de literie à raison de 12 fr. 26 c.
Les plaintes devinrent plus vives au commencement de 1834, outre les inconvénients qui en résultaient pour l’état sanitaire de l’armée ; ces plaintes portaient aussi sur le dégoût qu’éprouvaient les soldats de ce mauvais coucher, et des défections qu’il provoquait : elles me démontrèrent que cet état de choses n’était plus tolérable, qu’il fallait se décider, quelle que fût l’incertitude des événements politiques, à prendre enfin un parti : éclairé par le chef du service de santé qui attribuait une partie des maladies au mauvais coucher des soldats, et par le docteur Jungken sur les causes de l’ophtalmie qui désolait plus que jamais notre armée, et qu’il attribuait aussi, en partie, à ce mode vicieux de coucher nos soldats, je pris la ferme résolution d’obvier à de si funestes conséquences, et de ne plus reculer devant l’excédant de dépenses que pouvait occasionner un nouveau mode de coucher. Il n’est personne de vous, messieurs, quel qu’ait été le résultat de ma résolution, qui n’approuve le principe qui me faisait agir dans l’intérêt de la santé et du bien-être de nos soldats, si dignes de toute votre sollicitude.
Je me fixai d’abord à l’idée de faire établir ce nouveau service d’un coucher complet et convenable, par les régences des principales villes de garnison, et j’entamai, dès 1834, des négociations avec les régences qui n’avaient pas de literie, pour les engager à en faire la dépense, et avec celles qui s’étaient déjà chargées de ce service, pour les inviter à compléter leurs effets de literie en bons matelas, traversins et doubles couvertures en leur promettant de fixer l’indemnité journalière à 5 centimes, à dater du 1er janvier 1835, et en les prévenant que cette indemnité serait réduite à 2 c. 1/2, seulement pour les villes qui, malgré mes pressantes sollicitations, laisseraient les fournitures incomplètes.
Ce n’est pas sans grande persistance de ma part que je parvins à déterminer quelques régences à faire les dépenses nécessaires pour compléter leurs fournitures de literies mais je n’obtins malgré toutes mes instances qu’un coucher pour 17,000 hommes seulement, dans les villes de Gand, de Bruges, d’Audenaerde, d’Ypres, de Malines, de Louvain, de Namur et de Liége, mais encore avec des lits à deux places, et de ces trois dernières villes, qu’une partie seulement du nécessaire de leur garnison.
Les régences de Bruxelles, d’Anvers, de Tournay, de Mons, de Charleroy, etc., me déclarèrent qu’elles étaient dans l’impossibilité de faire les dépenses nécessaires à ce service.
Voulant néanmoins assurer un bon coucher à nos troupes et surtout seul à seul, dans des couchettes en fer, qui les débarrasseraient, en été, des insectes qui pullulent dans les lits en bois, et qui forcent la plupart des soldats à abandonner leur lit et à bivouaquer dans les corridors et les cours des casernes, j’eus recours à une combinaison qui pouvait me faire arriver à un résultat, malgré les difficultés qu’avaient opposées quelques régences : car mon intention était toujours de les déterminer à se charger de ce service, et de n’avoir recours à une entreprise qu’en cas de nouveaux refus de leur part, après les nouveaux avantages que j’allais leur offrir.
Il est bien facile, messieurs, de critiquer, d’attaquer une opération administrative : tout homme est apte à ce genre d’attaque, il ne faut pour cela ni combinaison raisonnée dans une suite d’opérations, ni cette prévision si nécessaire pour arriver à un bon résultat, ni l’expérience du passé, ni même la plus simple connaissance des choses qu’on prend à tâche de critiquer : mais ce n’est pas avec une pareille facilité qu’on peut assurer la marche d’une vaste administration ; peu de personnes se font une idée juste des peines, des embarras, des obstacles qu’il faut vaincre dans toutes les parties du service, obstacles qui se rencontrent et se renouvellent tous les jours et qu’il faut cependant savoir lever ou tourner, en y employant la prudence d’un sage administrateur, l’expérience acquise dans une longue carrière, les règles de la justice, et parfois, je le confesse, aussi quelque adresse.
Je me décidai donc à faire rédiger un cahier des charges renfermant les clauses et conditions du nouveau service du coucher des troupes, avec la clause formelle que ce nouveau service pourrait être adjugé séparément et pour chacune des villes de garnison dont la régence s’était refusée de le prendre à son compte.
J’envoyai ce cahier des charges à chacune de ces régences, en insistant de nouveau près d’elles pour qu’elles eussent à l’examiner avec grande attention et afin qu’elles pussent se convaincre que le mode de paiement les couvrirait des dépenses qu’elles auraient à faire, et leur fournirait de plus les moyens d’entretenir les bâtiments des casernes, dont la dépense est à leur charge.
J’espérais, en tentant ce dernier moyen, que les régences, voyant que je voulais décidément un mode de coucher plus convenable, et mieux éclairées sur leurs véritables intérêts, par la connaissance qu’elles allaient prendre du cahier des charges, se résoudraient à concourir à l’adjudication, ou que du moins elles préposeraient quelqu’un, en leur nom, chargé de faire une soumission spéciale pour le service qui, d’après les clauses du cahier des charges, pouvait être adjugé pour chacune d’elles.
Je fus fort étonné, je vous l’avoue, à cette première séance d’adjudication, de voir qu’aucune ville n’y avait pris part et que personne même ne se présentait pour entreprendre le service particulier de chacune de ces villes. Les soumissions déposées étaient toutes pour l’entreprise générale du service. C’était surtout dans l’intention d’engager les régences des villes à faire ce service pour leur compte, que j’avais inséré dans le cahier des charges l’alternative de la fourniture de la couchette en fer par le gouvernement, pour leur épargner ainsi le quart environ de la dépense à faire, et la rendre plus facile.
J’étais bien décidé à demander un fonds extraordinaire de 5 à 600,000 Fr. pour l’achat de ces couchettes en fer, dans le cas où les régences se seraient chargées de ce service ; je vous dirai mène à cet égard ma pensée tout entière : j’espérais qu’en étendant cette mesure aux villes qui étaient chargées du service du coucher des troupes, mais avec couchettes en bois à deux places, j’obtiendrais d’elles qu’elles convertiraient leurs fournitures à deux places en fournitures à une seule place, et que j’arriverais ainsi à un mode uniforme de ce service fourni par les régences des villes de garnison.
Mes espérances ainsi trompées, et voyant à regret qu’il fallait décidément y renoncer, il ne me restait plus qu’à recourir à la voie d’une entreprise générale, car il fallait nécessairement mettre un terme aux souffrances de nos soldats. Je fus alors dans l’obligation de faire des modifications au cahier des charges, que j’avais rédigé dans la prévision que les villes, ou des personnes commises par elles, prendraient part à l’adjudication, et je remis à quinzaine celle à faire pour une entreprise générale.
Je vous prie de remarquer, messieurs, qu’il n’a pas dépendu de moi, et ma volumineuse correspondance en fait foi, que les régences des villes ne se chargeassent de ce service, et que c’est par leurs refus réitérés que je fus forcé d’admettre le système d’entreprise.
Je sais, par longue et pénible expérience, ce que ce système entraîne pour l’honnête homme qui est obligé d’y recourir peines et embarras de tous genres, par suite de la rivalité des sociétés ; calomnies de la part de celles qui sont trompées dans leurs rêves de lucre et de bénéfices ; fausse interprétation des motifs de la conduite de l’administrateur quelque pure qu’elle puisse être ; attaques violentes de la part de ceux qui ne peuvent s’imaginer qu’on passe ainsi des marchés (il faut le dire, car pourquoi ne le dirais-je pas ?) sans pots de vin.
Personne, je le crois, dans une carrière administrative de vingt-cinq ans, n’a passé autant de marchés de toute espèce, et je ne dis pas, par adjudication, mais par simple marché à prix ferme, ou de la main à la main. Leur montant dépasse 250,000,000 ; je peux facilement en donner la preuve ; cependant, je suis encore, je le dis hautement, je suis encore à recevoir le premier pot de vin.
Je dois néanmoins convenir que malgré ma réputation d’intégrité bien établie dès le commencement de mon entrée au ministère en 1803, il m’a été offert des sommes assez considérables ; mais alors j’ai diminué d’autant, quand je l’ai pu, les prix de ceux qui m’avaient fait de pareilles offres, et j’ai fait surveiller avec plus d’attention l’exécution des clauses de leurs marchés.
Voilà, messieurs, la conduite que j’ai constamment tenue dans ma longue carrière administrative, et ce n’est pas lorsque la vieillesse et les infirmités qu’elle amène, me font vivement désirer de mettre un terme à mes travaux, pour jouir enfin, après 44 années de service effectif, du repos honorable acquis à l’honnête homme, que je dévierais des principes d’honneur et de probité qui ont guidé toutes mes actions.
Cette digression, soulevée par le mot odieux que je viens de prononcer, était nécessaire, messieurs, pour défier autant qu’il est en moi, l’homme qui a semé cette calomnie, d’administrer une preuve ou un indice quelconque de ce fait, que je repousse avec la plus vive indignation.
Je reviens maintenant à l’affaire qui doit nous occuper.
Quoique je fusse bien résolu à ne prendre la fourniture des couchettes en fer au compte du gouvernement, que dans le cas seulement où les villes se chargeraient de leur casernement, afin d’être en mesure, comme je l’ai dit, d’étendre cette fourniture aux autres villes, pour les obliger ainsi à convertir leurs fournitures de deux places en fournitures à une place, cependant je laissai subsister, dans le cahier des charges modifié, cette clause de l’alternative de la fourniture des couchettes, en me réservant la faculté, lors du prononcé de l’adjudication, de déclarer celle à laquelle je donnais la préférence.
Je voulais être éclairé sur l’augmentation de prix qui résulterait de la fourniture des couchettes en fer au compte de l’entrepreneur, bien persuadé que les intérêts privés calculeraient encore mieux que moi sur ce point.
Le 15 juin dernier, jour fixé pour l’ouverture des soumissions qui furent déposées sur le bureau, en présence de tous les concurrents, je fis procéder à l’ouverture des quatre qui furent présentées ; elles furent lues publiquement, et les prix demandés furent consignés au procès-verbal de la séance.
Trois de ces soumissions, celles de MM. Begasse, Félix Legrand, et Vanhœreke, ne présentaient, sur le montant total de l’entreprise, qu’une augmentation de 42,000 fr. pour la fourniture des couchettes en fer, tandis que la soumission de M. Destombes présentait une augmentation de 115,000 fr.
Je vous avoue, messieurs, que si je n’avais pas déjà eu mes idées à peu près arrêtées sur la base à adopter pour l’adjudication, cette prévision de M. Destombes, qui connaît le service des lits militaires, et qui savait mieux que ses concurrents quelle obligation il contractait en s’engageant à fournir les couchettes en fer ; cette prévision, dis-je, de la part d’un homme aussi entendu que lui en ces sortes d’affaires, m’aurait seule déterminé à adopter la première base d’adjudication, comme devant être plus avantageuse aux intérêts du gouvernement.
Par les motifs déduits au procès-verbal de la séance, et que j’ai remis à la section centrale, le prononcé du choix de l’une des deux bases, et conséquemment celui de l’adjudication, fut remis au lendemain 16 juin.
On a voulu jeter du blâme sur ce délai de 24 heures ; mais il a toujours lieu pour des adjudications dont les prix sont complexes, afin de pouvoir à tête reposée en établir les divers résultats, et en combiner les diverses chances, dans l’intérêt de l’Etat.
Ce n’était d’ailleurs qu’au moment même que j’avais vu surgir ces quatre compagnies rivales, et il fallait, conformément aux clauses stipulées à l’article 5 du cahier des charges, que je m’assurasse des moyens de solvabilité de chacun des soumissionnaires, et de leurs cautions, dont une partie m’était totalement inconnue, et j’ajouterai mène de la moralité de chacun d’eux ; car je tiens, je le confesse, à avoir pour entrepreneurs des hommes moraux et bien famés.
C’est après une conférence consciencieuse avec les chefs du ministère de la guerre que je décidai irrévocablement, dans la soirée du 15, que la première base de l’adjudication serait préférée, et que l’adjudication de l’entreprise serait donnée au sieur Félix Legrand, dont la soumission présentait les prix les plus bas.
Voilà, messieurs, quelles ont été mes intentions, et les motifs de ma conduite ; je les expose à la publicité en toute assurance. Quant aux assertions produites par la presse, et qui pourront être renouvelées dans cette chambre,
- Sur ce que j’ai engagé l’Etat pour 20 ans, et que je n’en avais pas le droit ;
- Sur ce que j’ai fixé une quantité de lits à fournir, qui pourrait être supérieure à celle des soldats à conserver sur le pied de paix ;
- Sur ce que j’ai préféré la première base d’adjudication, et fait payer ainsi 50,000 fr. par an de plus que si j’avais dépensé de prime abord 600,000 fr. pour l’achat de couchettes, en courant cependant tous les risques et tous les embarras qui seraient résultés d’une telle détermination ;
- Enfin sur ce que le prix de l’adjudication que j’ai approuvée est supérieur à celui qui est payé en France,
j’attendrai que ces accusations soient nettement formulées pour y répondre, et j’espère prouver qu’aucune d’elles n’est fondée.
Ayant contribué plus que personne, par la position que j’occupais au département de la guerre, à l’adoption en France et du coucher individuel des soldats, et des couchettes en fer ; ayant fait la première adjudication du marché de 300,000 lits qui fut définitivement conclu au mois de janvier 1832, j’espérais, messieurs, doter aussi notre armée de cet immense bienfait, et lui donner même un couchage meilleur sous tous les rapports que celui de l’armée française ; j’espérais aussi joindre aux remerciements et à la reconnaissance de notre armée l’assentiment unanime de la chambre des représentants.
Mais, loin d’avoir acquis cette unanimité, je dois, m’a-t-on dit, m’attendre à de vives attaques de la part de quelques membres de la chambre.
Ces reproches, messieurs, confirmeront encore une fois cet axiome, qui, pour paraître paradoxal n’en est pas moins vrai :
« Que rien n’est plus difficile à faire que le bien, quelque peine que l’on se donne pour y parvenir. »
Ayant suffisamment justifié la nécessité de passer un marché, et toute la moralité apportée dans cette affaire, j’en justifierai aussi bien, je l’espère, toutes les dispositions, et je prouverai que les prix stipulés au marché sont moins onéreux à la Belgique que ne le sont les prix du marché français.
Je prouverai également que ces prix sont aussi beaucoup moins onéreux que ceux que nous payons aux régences pour chacun des lits qu’elles fournissent.
Je terminerai, messieurs, par une affaire à laquelle la presse périodique a donné un grand retentissement, et qui, considérée comme elle doit l’être, était loin de mériter l’éclat qu’elle a fait dans les journaux.
Il ne s’agit que d’une simple mesure d’administration militaire, aussi utile que peu dispendieuse, et que l’on a transformée en grande question d’Etat, en invoquant l’ordre légal, la constitutionnalité, et sur ces principes généraux qui ne s’appliquent aucunement au fait dont il s’agit : l’ordonnance du 9 octobre dernier, qui prescrivait l’ouverture de cours d’instruction dans un des hôpitaux du royaume.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). donne ici lecture d’un projet de loi relatif à la création d’une école de médecine militaire, précédé de l’exposé de ses motifs. Ces pièces paraîtront dans le Moniteur.
- Le projet est renvoyé dans les sections.
M. de Jaegher. - Rapporteur d’une section qui m’a chargé du soin de m’assurer, au sein de la section centrale, de la nécessité d’allouer les différents crédits demandés au chiffre porté au budget, je dois à mon devoir de déclarer avant tout à ceux de mes collègues qui m’ont confié cette tâche, que je n’ai trouvé que très incomplètement les moyens de m’en acquitter.
La section centrale n’a pourtant épargné ni peines ni démarches ; et s’il avait dépendu d’elle, le travail de son rapporteur répondrait mieux aux vœux les plus généralement exprimés ; mais les documents dont elle a pu se munir ont, dans leur insuffisance, restreint son investigation à la partie la moins importante de l’objet de son examen.
En effet, messieurs, si par des demandes de renseignements adressées au ministre, elle a pu suppléer parfois au manque de notes explicatives dont se plaignaient plusieurs sections ; si elle a pu vérifier l’exactitude des chiffres relatifs à la solde du personnel pour le nombre d’hommes jugé nécessaire, au loyer et à l’entretien des locaux, il n’en a pas été de même pour tout ce qui a rapport aux fournitures de toute espèce.
Longtemps elle s’est parfois arrêtée sur des articles minimes, et s’occuper des moindres économies praticables ne lui a pas paru au-dessous de son mandat ; mais, si j’en juge par moi-même, après avoir cherché à réduire de quelques milliers de francs des allocations dont le chiffre semblait permettre une réduction, elle a dû se sentir découragée devant la nécessité d’accorder, quelques instants après, un vote d’aveugle confiance pour des millions entiers.
Les masses de pain, fourrages, habillement, harnachement et casernement, absorbent à elles seules la somme énorme de 12,420,000 fr.
Les comptes des exercices antérieurs auraient seuls pu la guider dans l’appréciation de leurs chiffres respectifs ; ils lui auraient appris de combien les crédits avaient excédé les besoins ; dans la privation de tout document de cette espèce, elle est restée hors d’état de les apprécier.
Chaque année, messieurs, des observations plus ou moins graves ont été faites au ministre de la guerre sur la nécessité d’adopter dans cette partie de son administration une marche qui permît de rendre réel le contrôle de la législature ; ne doit-on pas s’étonner qu’il en ait si peu tenu compte ? Ne doit-on pas s’en étonner surtout quand de toutes parts sont partis des cris contre les abus qui se commettent ? Je suis loin de croire complaisamment qu’ils soient fondés, ces cris ; mais quand on vu les actions de certaines entreprises s’élever de 120 à 130 p. c., quand la presse a fait entendre les plus graves accusations de connivence entre certains agents et certains fournisseurs ; quand on a prétendu que dans la livraison des draps pour la troupe, des fourrages, etc., il y a eu abus et dilapidation ; que des chevaux ont été achetés avec des fonds alloués pour fourrages ; quand on connaît que certaines villes ne reçoivent que 2 ou 2 1/2 centimes par homme pour indemnité de casernement, tandis que le budget en demande 5 à l’Etat ; quand tous ces points n’ont été ni réfutés ni éclaircis, est-il bien prudent de venir nous demander un vote de confiance, et nous exposer au ridicule des observations que la nation doit faire quand elle nous voit consacrer des séances entières à l’introduction d’insignifiantes économies et livrer des trésors à la discrétion d’un chef de département.
Que le ministre regarde ces accusations comme de trop loin au-dessous de lui pour l’atteindre personnellement, soit ; mais, dans ce cas, il doit compte de sa surveillance envers ceux de ses agents sur lesquels elles retombent ; il ne suffit pas qu’il ait une conviction personnelle qu’elles sont fausses ou exagérées, il faut qu’il fasse partager cette conviction, et pour avoir droit à l’aveugle confiance qu’il réclame, il doit justifier de l’usage qu’il a fait de celle qui lui a été accordée.
Je sais que la réponse habituelle à de pareilles observations est que la chambre des comptes est là pour s’assurer si les pièces soumises à la liquidation sont en règle et en rapport avec les crédits ; que dès lors toutes les sommes qui n’ont pas été légalement employées ont dû nécessairement rester en caisse ; mais, messieurs, de quel poids peut être une pareille réponse quand on voit le réseau de l’intendance envelopper toute la comptabilité du département qui nous occupe, et faciliter les moyens de travestir les crédits de manière à rendre imperceptibles les transferts opérés d’office.
S’il n’en était pas ainsi, comment M. le ministre s’expliquerait-il par exemple, les subsides de 30, 40 et 50,000 francs accordés par lui à certaines villes pour les aider à construire des casernes ?
Aucune somme ne figurait pour cet objet aux budgets des années antérieures ; comment ces capitaux ont-ils pu néanmoins être détournés de cette mannousre des caisses de l’Etat pour un nombre indéterminé d’années si pas définitivement ?
Comment a-t-il pu trouver les moyens nécessaires pour payer la solde des domestiques d’officiers sans troupes, sous quel titre figure pour la première fois, au budget, une demande de crédit de 42.000 francs ?
Comment la liquidation en a-t-elle été jusqu’ici soumise à la chambre des comptes ? Voilà ce que M. le ministre nous dira, j’espère, et ce qui nous prouvera probablement qu’avec un budget aussi élastique que le sien, et les moyens qu’il emploie, notre contrôle est et restera une mystification, tant qu’on n’aura pas adopté pour règle fixe de présenter avec chaque budget le compte de l’exercice pénultième, et de s’en tenir rigoureusement aux crédits alloués.
On a, dans l’exposé des motifs, parlé d’économies de 3 millions, et on a fait sonner ce mot comme tous ceux dont on attend un effet magnifique ; vérification faire du budget, il n’y avait malheureusement qu’un petit article d’omis, celui des cantonnements, qui l’année dernière figurait pour 1,900,000 fr.
On a parlé aussi d’un projet d’occuper l’armée aux travaux publics ; comme bien d’autres, je me suis dans le temps laissé prendre à cette attrayante utopie ; mais aujourd’hui que j’ai entendu le ministre déclarer que les 26,000 hommes d’infanterie qu’il demande garder sous les drapeaux ne peuvent pas être réduits sans que le service ordinaire des places en souffre, et lui sont strictement nécessaires, je me demande combien il en faudrait sous les armes pour qu’une partie puisse en être employée à des travaux.
Si ces travaux sont une économie, Dieu nous préserve de la faire à pareil prix.
Que l’on continue donc à envoyer autant que possible nos soldats en congé dans leurs foyers, mais qu’on ne nous berce plus de beaux projets irréalisables.
Dans la discussion du budget des voies et moyens, nous avons entendu de très longs discours pour nous faire comprendre que nos dépenses, tout en ayant l’air de contrebalancer nos recettes, nous font annuellement faire un pas de plus dans la voie des déficits ; on ne veut pourtant pas de nouvel impôts c’est donc vers les économies que doivent se porter les idées ; le tout est d’en faire de bien entendues.
Le désir du gouvernement doit coïncider avec le nôtre à cet égard ; pour lui comme pour nous, le passé n’offre que cinq années de travail bien stériles sur ce rapport, pour ce qui concerne le département de la guerre ; j’ai cependant, pour ma part, besoin d’être détrompé pour rester convaincu que, sans restreindre ses moyens d’action, il n’aurait pas pu restreindre ses dépenses.
Je sens, messieurs, tout ce qu’il y a de hasardeux dans l’émission d’une opinion sur une matière à laquelle mes relations ne m’ont pas rendu familier ; mais pour céder à la crainte de me tromper, je devrais avoir moins de foi dans votire indulgence.
Les points les plus importants et contre lesquels s’élèvent le plus de griefs, sont ceux qui se rattachent aux adjudications de fournitures en tout genre.
Depuis la révolution, il ne s’est guère conclu de marché qui, soumis au contrôle de l’opinion publique, n’ait fait l’objet d’une censure amère.
Une fois on a accusé les soumissionnaires de s’être concertés, une autre, des agents du gouvernement d’avoir été de connivence avec eux, l’Etat en définitif a toujours été montré comme dupe.
Je n’entrerai ni dans les détails de citations, ni dans leur examen, mais je vous soumettrai comme réflexion, si, devant de pareilles accusations, le ministre n’aurait pas dû depuis longtemps, tant pour sa propre considération que pour celle de ceux de ses subordonnés qu’elles attaquèrent, aviser aux moyens de présenter plus de garanties pour la moralité de ces sortes d’actes ? Si ces accusations lui paraissaient dénuées de fondement, son désir devait être d’autant plus vif de ne pas y rester seul en butte ; si elles lui paraissaient fondées, son devoir était de faire combler une lacune. Cette lacune, messieurs, c’est, je crois, un conseil de révision des adjudications.
Composé d’officiers généraux et de membres de la cour des comptes, s’il est possible, un pareil conseil, entouré du respect, aurait imposé silence à la légèreté ou à la mauvaise foi ; approuvées par lui, les adjudications auraient porté le cachet d’une confiance méritée, et à coup sûr le trésor « n’y aurait rien perdu. » On aurait au moins su à qui s’en prendre, quand les fournitures n’auraient pas été conformes aux modèles, et l’autorité accusée d’être partie dans la cause n’en aurait pas, comme aujourd’hui, été juge, et juge sans contrôle.
Si ma première observation, faite dans un but d’économie indirecte, tend à combler une lacune, il n’en sera pas de même de la seconde.
L’organisation de notre armée présente, entre autres, deux corps spéciaux, l’artillerie et le génie ; les études préliminaires des officiers de l’un sont les mêmes que celles de l’autre, et les applications qu’ils en font se touchent sur bien des points. A côte de ces corps s’étend un troisième, celui de l’état-major qui doit en réunir les connaissances théoriques et pratiques ; la nécessité de la conservation de l’un, celui du génie, est-elle dès lors bien démontrée ? L’est-elle surtout lorsqu’en dehors de ces corps, s’élève un quatrième, celui des ponts et chaussées, auquel la direction matérielle des travaux pourrait être confiée ? Voilà une question que je me permets de soumettre.
En France elle a déjà fait l’objet d’un examen vers l’année 1801, et suivant toute apparence, l’amour-propre et l’intérêt personnel n’ont pas peu influencé sa solution momentanée.
Elle y paraît de nouveau à l’ordre du jour, à en croire certaines publications récentes ; elle y reparaît comme moyen de faire disparaître des duplications d’emploi et un accroissement d’états-majors. Dans la situation de notre pays, sous l’influence de son avenir politique, est-il dès lors bien conforme aux intérêts économiques de la nation de trancher cette question préalablement à tout nouvel examen, en donnant, comme le budget nous le fait pressentir, une nouvelle extension à celui de ces corps qui pourrait éventuellement paraître susceptible de suppression ?
En fondant le personnel actuel du génie dans l’état-major, l’artillerie et les ponts et chaussées, ne pourrait-on pas satisfaire aux mêmes besoins, et économiser une direction, un état-major du corps et tout le personnel qui forme aujourd’hui double et triple emploi ? Telles sont les réflexions que je livre, en toute humilité, je me hâte de le dire, à la sagesse du ministre.
L’armée, messieurs, absorbe 38 millions de revenus de l’Etat ; quelque énorme que soit cette somme, jamais pourtant la chambre n’a reculé devant de nouveaux sacrifices, lorsqu’ils ont été demandés dans un but d’amélioration organique.
Ces bonnes dispositions de la législature seront mises à une nouvelle épreuve, lors de l’allocation du crédit spécial pour le corps de l’artillerie ; hors d’état de contester les coûteuses améliorations qu’on nous promet dans l’organisation de cette arme, je me garderai bien d’y refuser mon assentiment ; mais toutes les armes me paraissent également dignes de la sollicitude de M. le ministre ; je choisirai cet à-propos pour hasarder quelques considérations sur celle de l’infanterie.
Nous avons, comme vous savez tous, messieurs, de bien beaux et bien nombreux régiments ; les officiers n’y manquent pas ; le Belge est naturellement brave, et peu de temps suffit pour faire d’une recrue un soldat ; mais dans les campagnes qui en fournissent la grande masse, l’instruction au-delà d’un certain degré élémentaire, est peu commune ; c’est pourtant parmi les soldats que doivent se choisir les sous-officiers ; de là une première difficulté d’en trouver en nombre suffisants qui aient les capacités nécessaires ; une fois gradué, plus de congé de semestre pour le milicien ; au contraire, supplément d’une ou deux années de service par engagement volontaire ; seconde difficulté pour trouver dans le nombre exceptionnel de soldats instruits, des sujets qui acceptent les galons à ces conditions onéreuses ; si bien qu’au moment où je vous parle tous les régiments se ressentent d’une pénurie à cet égard qui a été croissant d’année en année. A défaut de bons sous-officiers, on en prend qui ne conviennent guère, et encore ne trouve-t-on que difficilement à en compléter le nombre. C’est pourtant dans les cadres que réside la force des armées parce que pour bien marcher, les hommes n’ont besoin que d’être bien conduits.
Le vice que j’ai signalé dans l’effectif de l’armée active, doit à plus forte raison se faire sentir dans l’armée de réserve ; que le moment d’entrer en campagne arrive, nous aurons les masses, mais nous manquerons des éléments nécessaires pour les faire mouvoir.
Si à l’appui de ce que j’avance je puis citer ce qui s’est passé sous mes yeux, je dirai qu’aux Indes où l’armée néerlandaise a eu de longues années de guerre à soutenir, jusqu’en 1820, c’était frappés au cœur dans leurs cadres de sous-officiers que les bataillons s’anéantissaient avec l’effrayante rapidité qui n’a échappé à aucune attention.
Dans cet état de choses qui ne doit que trop pertinemment être connu du ministre, il a institué des écoles de bataillon et de régiment ; supposons un instant que ces écoles répondent au but de leur institution, que deviennent-elles, l’armée une fois en campagne ? Où trouver dès lors de quoi remplir les vides ? Mais ces écoles auxquelles sont consacrés 600 francs par régiment, ne marchent pas ; les progrès y sont nuls ; soutenir le contraire serait vouloir fermer les yeux à l’évidence ; elles ne marchent pas, parce qu’il n’est pas donné au premier venu de communiquer l’instruction qu’il possède ; qu’on n’improvise pas des instituteurs, et qu’il faut pour bien en remplir les fonctions une vocation sédentaire qui ne s’impose pas.
Ce n’est pas, messieurs, que je réclame une innovation ; j’ai cité plus haut la France, c’est encore chez elle que je chercherai les exemples à mon appui.
Dans ses années de guerre sous l’empire, a-t-elle, comme nous, fermé les yeux à ce véritable besoin ? La création des régiments de pupilles, l’école de Fontainebleau, l’admission des vélites dans la garde sont là qui me répondent.
Ou je me trompe donc singulièrement, ou il faudrait comme corollaire de nos institutions militaires une école centrale de sous-officiers, et en outre, s’il était possible, une école de pupilles où seraient admis par engagement volontaire, des jeunes gens qui y acquerraient l’instruction nécessaire, et formeraient une pépinière de sous-officiers, à répartir entre les régiments à mesure que les besoins s’en feraient sentir.
Notre état politique exige que nous nous tenions constamment prêts à pouvoir à tout événement opposer une force imposante aux attaques éventuelles ; notre état financier nous commande de la modération dans nos dépenses ; jusqu’ici c’est en diminuant l’effectif de nos troupes sous les armes qu’on a cherché à concilier ces deux exigences ; mais l’on n’a fait, selon moi, que sacrifier l’une à l’autre.
Que l’on s’assure des cadres, les hommes pour y en châsser ne nous manqueront jamais ; on pourra alors laisser en plus grand nombre ces derniers dans leurs foyers, et nos économies plus réelles, plus considérables, ne s’opéreront plus au préjudice de nos moyens de défense.
Puisque j’en suis au chapitre de l’infanterie, je prendrai la liberté de vous soumettre une autre observation.
Si je comprends bien notre époque, elle est trop grave, trop positive, pour admettre encore les décors théâtraux dans les armées, et ne pas repousser impitoyablement tout ce qui n’y est pas d’une utilité réelle.
Nos régiments d’infanterie comprennent un nombre déterminé de sapeurs dans leur organisation.
Si ces sapeurs étaient bien choisis et formés au service auquel ils sont destinés, je ne trouverais rien à y redire ; mais examinez leur personnel et recherchez-en la formation, vous trouverez que sa destination ne domine en rien les choix, et que le plus souvent les sujets qui figurent sous cet attirail d’artisan, n’ont en définitive (erratum inséré au Moniteur belge n°15, du 15 janvier 1836 :) de leur désignation que la barbe qu’ils portent. Plantons aux portes des officiers supérieurs, leur service se borne à celui de commissionnaires ; ce sont (des chefs de corps en conviennent eux-mêmes) 24 nullités dans le nombre desquels il ne manque pas d’ivrognes, par régiment de ligne, et 18 par régiment de chasseurs. Ils coûtent, pourtant, au nombre total de 342 où ils se trouvent portés, au-delà de 242,000 francs par an.
J’en ai le calcul devant moi :
Solde de 342 sapeurs à 58 centimes, 72,401 fr. 40 c.
Masse de pain à 13 c, 16,253 fr. 90 c.
Masse d’habillement à 18 c. 22,505 fr. 40 c.
Masse de buffleteries à 1 fr., 125,030 fr.
Masse de casernement à 5 c., 6,251 fr. 50 c.
Total, 242,442 fr. 20 c.
C’est cher pour être inutiles en temps de paix, et pour ne pas convenir à leur service en temps de guerre. j’en proposerais donc la suppression, si je n’entrevoyais la possibilité de mettre leur service mieux en rapport avec leur institution. Dans l’armée figure un bataillon de sapeurs-mineurs ; ce bataillon, d’après le budget, a un cadre de 38 officiers et une force de 1,064 hommes ; les officiers sont donc assez nombreux pour que le nombre d’hommes sous leurs ordres puisse en être augmenté. Si l’on y détachait tous les sapeurs des régiments d’infanterie pour y rester en subsistance tant que l’armée n’est pas appelée à se mettre en campagne, ils y apprendraient leur métier, de manière à pouvoir devenir réellement utile en cas de besoin ; ils y feraient au moins quelque service et pourraient être envoyés en congé comme les hommes appartenant à ce corps, ce qui n’a pour ainsi dire jamais lieu maintenant, que l’intérêt des chefs en a fait de véritables domestiques. L’armée y gagnerait et le trésor aussi.
Messieurs, le rapport de la section centrale nous démontre que la question d’opportunité de la conservation des officiers étrangers dans notre armée y a été agitée ; j’imiterai sa prudente réserve en m’abstenant de me prononcer sur elle.
L’abnégation de tout amour-propre national en cette question, trouverait au besoin, sa justification dans la nécessité impérieuse des circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouvés ; mais si nous avons pu sans honte avouer le passé, il n’en serait pas de même de l’avenir. La partialité et la tendance hollandaise ont pu expliquer aux yeux de l’Europe notre manque momentané de spécialité en certaines branches, mais nous serions inexcusables si au bout d’un temps donné nos besoins étaient restés les mêmes, alors qu’il ne dépendait que de nous d’utiliser nos éléments pour nous élever à leur hauteur.
Quel pas avons-nous fait néanmoins depuis nos cinq années d’affranchissement, dans la voie pour y parvenir ?
Déjà riche de généraux et de spécialités dans toutes les armes, la France comprend l’utilité de développer le génie de son personnel militaire et de son nombreux état-major en l’appelant à la rédaction de mémoires sur les moyens d’attaques et de défense, que présentent tant le pays même que ceux avoisinants, sur les guerres antérieures, etc. ; à Vienne, à Stockholm, à Berlin, des académies répandent l’instruction supérieure parmi les officiers de tous les grades et de toutes les armes ; véritables écoles de généraux, elles y apprennent aux gouvernements à discerner les sujets qui ont de l’avenir, comme ceux auxquels pourra un jour être confié le sort de la patrie ; en Belgique, où chaque plaine pour ainsi dire rappelle un fait d’armes, ces exemples restent stériles, et dans le plus jeune état-major de l’Europe, l’instruction s’arrête aux grades subalternes ; c’est comme si l’un voulait nous condamner à une curatelle permanente.
Sans confondre, messieurs, les officiers étrangers, qui ont été prêtés à notre armée, avec ceux qui y ont successivement été admis, j’ai, au sein de la section centrale, interpellé M. le ministre au nom de ma section, sur la disparition d’un comptable étranger.
Un quartier-maître étranger dont le nom vous est connu, est, comme vous le savez, disparu subitement en laissant un déficit d’au-delà de 60,000 fr, dans sa caisse. D’après les renseignements donnés par M. le ministre, le colonel du régiment aurait été condamné à payer les 5/6 de cette somme, et le conseil d’administration, le reste ; les intérêts de l’Etat ont donc été mis à couvert, mais des officiers indigènes sont en définitif devenus les victimes de la mauvaise foi d’un étranger.
Je n’examinerai pas s’ils n’ont à attribuer ce malheur qu’à leur confiante négligence, mais je le déplorerai comme le fruit de l’imprévoyance qui a livré une administration financière aux mains d’un homme qui ne présentait aucune garantie personnelle. Que des capacités étrangères soient employées de manière à utiliser pour le pays leurs connaissances spéciales, je ne trouve rien à y objecter ; mais que les sujets manquent dans notre armée jusqu’à nécessiter l’emploi d’étrangers comme simples comptables, voilà ce que pour son honneur je ne puis admettre.
Je fais cette observation parce j’ai des motifs fondés de croire que cette leçon n’a pas profité au ministre. Dans plusieurs de nos régiments ont été envoyés et maintenus, en dépit des vœux de leurs commandants, des quartiers-maîtres et des officiers-payeurs étrangers ; on en a commissionné même de nouveaux.
Il n’y a que quelques mois, un étranger fut envoyé dans un de nos corps d’infanterie en qualité d’officier payeur ; préoccupé de l’événement récent que je viens de vous rappeler, et d’ailleurs informé que cet officier sortait d’un régiment belge où il avait laisse un déficit de 670 francs dans sa comptabilité comme officier d’habillement, le commandant du régiment fit des démarches pour ne pas devoir l’admettre en sa nouvelle qualité, en motivant ses instances sur un manque de confiance assez légitimé par cet antécédent. Qu’a fait le ministre ? Il s’est retranché derrière les prérogatives royales et l’a forcé à le recevoir. Voilà donc un officier commandant condamné à une défiance soutenue, ou exposé au même désastre que son collègue ! Je ne ferai pas d’autres réflexions sur cet acte ; que le ministre ne conteste pas le fait, car le hasard a voulu que dans un bureau d’état-major sa correspondance à ce sujet me tombât sous les yeux, et je pourrais au besoin lui citer les noms et les dates comme je viens de lui citer les faits.
La crainte de vous fatiguer me fait borner ici, messieurs, ces observations générales déjà trop étendues, quoique j’ai évité de rencontrer les considérations qui ont pris place dans le travail du rapporteur de la section centrale ; j’aurai à vous en soumettre de spéciales lors de la discussion des articles.
J’ai exprimé ma pensée avec franchise, et si je n’ai pas tenu compte des documents qui nous ont été remis hier de la part de M. le ministre à l’appui de son budget, c’est qu’une poignée de chiffres jetée à la tête un instant avant d’entrer en discussion, ne suffit pas pour éclairer spontanément une comptabilité compliquée. Que personne ne se méprenne toutefois sur l’empreinte de mes paroles, l’esprit d’opposition n’y est pour rien, l’intérêt de mon pays et celui de l’armée les ont seul dictées.
M. Jadot. - L’ordre et l’économie sont pour les Etats, comme pour les particuliers, des gages de prospérité.
Mandataires de la nation, nous sommes particulièrement appelés à veiller pour elle à ce que les ministres, dépositaires de la fortune publique, ne s’écartent pas des voies d’une sage administration ; et si la constitution a prescrit la discussion annuelle des budgets, c’est pour nous mettre à même de prouver au pays que nous comprenons notre mandat.
Placés entre des ministres qui demandent des sacrifices au pays et la nation qui veut bien en faire, mais qui nous a chargés d’en déterminer le montant, la sévérité de notre examen doit répondre à l’importance de notre mission.
C’est dans cet esprit d’ordre et d’économie, et animé du désir de protéger les intérêts du pays contre les abus qui les compromettent, que j’ai rédigé les observations que je vais avoir l’honneur de vous soumettre.
On ne peut pas se dissimuler qu’en remplissant ainsi son mandat, il est difficile d’échapper à l’imputation de vouloir le renversement du ministère ; mais ce serait à tort qu’on me prêterait cette intention : l’expérience ne m’a-t-elle pas appris qu’il n’y a rien à gagner pour la nation dans de pareils changements ? Quant à moi, je le déclare, je tiens à conserver les ministres actuels ; mais les bons comptes font les bons amis, et c’est pour rester amis que je veux compter avec eux.
Ce que je fais pour le budget de la guerre, je le ferai pour tous les autres budgets et toujours, aussi longtemps que j’aurai l’honneur de siéger dans cette assemblée, parce qu’il sera toujours de mon devoir de le faire ; paix aux personnes, mais guerre aux abus et je la ferai, bonne, et longue probablement ; car, dans ce siècle où tout progresse, les abus ne voudront certainement pas rester stationnaires.
Je serai obligé de revenir sur des objets qui ont déjà été traités dans cette enceinte, cela est inévitable, parce que les questions auxquelles ces objets ont donné lieu ne peuvent être tranchées que par la loi des comptes. En attendant cette loi, il ne convient pas que la chambre soit censée avoir considéré comme vrais les résultats futurs de ces comptes, quelque grande que soit la confiance due à ceux qui les ont annoncés.
Je m’occuperai d’abord des deux objets auxquels se rapportent les observations communiquées à la chambre par M. le ministre de la guerre lors de la discussion des voies et moyens.
Ventes d’objets mobiliers mis hors de service.
Les objets mobiliers d’un département ministériel quelconque et de tout établissement meublé aux frais de l’Etat, quelle que soit leur destination, ne cessent jamais de faire partie des propriétés de l’Etat.
Dès qu’ils sont mis hors de service ils rentrent nécessairement sous l’administration des domaines qui seule a qualité pour les vendre et en recevoir le prix.
Telle est la marche tracée par les lois françaises, qui ont longtemps été les nôtres, auxquelles il faut que l’on revienne parce qu’elles offrent des garanties que ne donnent les règlements que le gouvernement hollandais leur a substitués.
Il me suffira de vous citer le texte d’une ordonnance rendue sur cette matière pour vous faire voir ce que l’on a voulu prévenir par cette disposition.
« Les ministres ne pourront accroître par aucune recette particulière le montant des crédits affectés aux dépenses de leur service. »
« Lorsque quelques-uns des objets mobiliers ou immobiliers mis à leur disposition seront susceptibles d’être vendus, la vente ne pourra en être faite qu’avec le concours de la régie de l’enregistrement et dans les formes prescrites.
« Le produit de ces ventes comme aussi la restitution des sommes qui auront été payées indûment ou par erreur, sur leurs crédits, et que les parties prenantes n’auraient restituées qu’après la clôture du compte d’exercice, et généralement tous autres fonds qui proviendraient d’une source étrangère aux crédits législatifs, seront versés à notre trésor royal et portés en recette au chapitre des produits divers de l’exercice courant. »
Il est donc reconnu en France qu’aucune vente d’objets appartenant à l’Etat ne peut avoir lieu qu’avec le concours des préposés des domaines et que le prix doit toujours être recouvré par eux et versé au trésor royal.
Bien que cette ordonnance soit postérieure à 1813, elle ne fait que corroborer les dispositions des lois rendues pendant que la Belgique était réunie à la France.
Je vous prierai de remarquer, en passant, messieurs, que c’est d’après les principes consacrés par cette ordonnance, principes absolument conformes à ceux que la chambre professe, que doit être décidée la question relative aux recettes que le ministre de la guerre a faites sur l’avance qu’il a reçue du trésor pour l’habillement de l’armée, lors de la formation.
Je remercie le gouvernement de l’engagement qu’il a pris de suivre à l’avenir la marche que je viens d’indiquer ; elle profitera au pays, mais il reste toujours à statuer sur ce qui a eu lieu jusqu’à ce jour.
D’après des renseignements que j’ai recueillis, les ventes dont le produit n’est pas versé au trésor public et qui conséquemment est resté à la disposition de M. le ministre de la guerre, s’élèveraient à des sommes d’une assez grande importance.
Je ne demande pas que M. le ministre nous dise l’emploi qu’il en a fait, il en aura fait bon usage, j’en suis certain ; mais ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question. Il ne pourrait d’ailleurs que nous répéter les explications qu’il nous a données : je veux seulement faire observer à M. le ministre que ces explications ne peuvent valoir comme justification, alors même qu’elles n’auraient pas rencontré de contradicteur dans cette enceinte, et qu’il faudra que le prix de ces ventes soit renseigné dans un compte d’exercice ou dans un compte spécial.
J’en viens à l’avance faite par le trésor.
Les questions que cette avance a soulevées sont loin d’être éclaircies ; messieurs, elles le sont moins encore aujourd’hui qu’avant la production du compte tout spécial qui nous avait été promis par le ministre et qu’il nous a remis hier. Etrange spécialité vraiment ! c’est comme si M. le ministre nous avait promis d’éclaircir un point de droit et qu’il nous apportât les pandectes et le code civil. Ce compte n’ajoute rien à ce que nous avait appris le rapport du 11 décembre 1834. Je m’y attendais.
Ces questions ont acquis une certaine importance à mes yeux depuis l’examen tout particulier que j’ai fait, ainsi que je l’avais promis, de ce que M. le ministre de la guerre nous a dit sur cette matière ; ce qu’elles offrent de plus intéressant n’est jamais entré dans les discussions quelles ont provoquées jusqu’à ce jour.
Si une solution a paru présenter quelques difficultés, c’est uniquement parce que les faits n’ont jamais été bien établis. Je me suis donc appliqué à vous en présenter un exposé simple et vrai, dégagé d’explications qui peuvent être fort intéressantes d’ailleurs, mais qui sont tout au moins inutiles lorsqu’elles ne peuvent servir à nous éclairer.
J’aime à croire que vous reconnaîtrez, après l’avoir entendu, qu’il ne faut pas être initié dans les secrets d’une comptabilité quelconque pour savoir à quoi s’en tenir sur cette avance.
Pour pouvoir discuter avec fruit, il faut être d’accord sur la vraie signification du mot qui désigne l’objet en discussion.
Il s’agit ici d’une somme qui a été avancée par le trésor et qui devra lui être remboursée. C’est M. le ministre de la guerre qui est venu nous le dire, et je l’admets.
Il importe maintenant de savoir à qui le trésor a prêté cette somme ; est-ce au ministre, est-ce aux administrations de ce corps ? Ce sera ce que vous voudrez, mais ce ne sera certainement pas aux soldats, quoi qu’on en dise.
Que l’argent prêté ait été employé à établir une friperie ou une cantine, cela ne regarde pas ceux qui s’y pourvoient des objets qu’on y vend. Chacun d’eux n’est responsable que de ce qu’il y achète et ne doit rien à celui qui a prêté les fonds avec lesquels on a formé ces établissements. Cela posé, je dis :
En 1830 et 1831, lors de la formation de notre armée, le gouvernement a mis à la disposition du ministre de la guerre, l’administrateur en chef de cette armée, pour qu’il fût à même de l’habiller, une somme que M. le ministre évalue à 13,054,000 fr., ce qui devra être vérifié.
Il ne faut pas confondre cette avance, dont le trésor doit être remboursé, avec le crédit alloué au budget pour le même objet, mais qui, au lieu de devoir être remboursé, doit au contraire servir au remboursement.
Ces 13 millions que constitue l’avance sont représentés ou doivent l’être par des effets en magasin dont M. le ministre dispose par lui-même ou par les administrations des corps comme bon lui semble, mais à charge d’en compter.
Il ne suffira donc pas, comme on semble le croire, d’avoir fait sur les soldats, n’importe à quel titre, des recouvrements égaux à cette avance de 13 millions, et de les avoir versés au trésor ou dépensés pour son compte ; il faudra encore que l’on justifie que les 13 millions ont été employés à acheter des effets et qu’on a employé suivant leur destination les 12 ou 15 autres millions reçus au moyen des crédits alloués au budget pour la masse d’habillement. Je ne dirai pas que j’en doute, mais je sais fort bien qu’on peut habiller une forte belle armée avec 25 millions et que nos soldats n’ont pas tout reçu l’habillement complet. Mais je ne veux pas mêler les objets achetés au moyen du prêt à rembourser avec ceux achetés avec la solde des soldats, ainsi que M. le ministre vient de le faire ; c’est le moyen de ne pas en sortir, et telle n’est pas mon intention à moi.
Les effets achetés avec les 13 millions ont été distribués aux magasins des corps qui les ont vendus aux soldats. Voyons maintenant comment ceux-ci ont dû les payer.
Les soldats reçoivent de l’Etat une solde journalière et invariable, qui leur est payée tonu les cinq jours moins la portion réservée pour payer leurs effets, laquelle portion est versée dans une caisse d’épargne dont M. le ministre ou l’administration des corps est le caissier.
Elle est allouée séparément au budget sous le titre masse d’habillement et d’entretien : après l’avoir encaissée, M. le ministre s’en charge en recette pour en compter au trésor, et il porte en dépense sur les livrets des soldats.
Elle est tellement la propriété du soldat, que lorsqu’il ne doit rien à sa masse, on la lui restitue à la fin de l’année au moyen d’un décompte ; mais aussi, lorsque ce qu’il redoit excède la valeur de l’habillement, alors on l’oblige à verser une plus forte retenue à la caisse d’épargne, c’est-à-dire qu’on la verse pour lui.
Ainsi ne perdons pas de vue :
1° Que c’est le ministre qui devra compte à l’Etat de l’avance de 13 millions ;
2° Que le crédit ouvert au budget pour la masse d’habillement est l’épargne du soldat, qu’il fait partie de sa solde, qu’on ne peut le supprimer ni le diminuer, et qu’il serait absurde de le considérer comme une dette que les soldats doivent rembourser.
C’est cependant dans ce sens que parle souvent M. le ministre ; relisez ses observations, voyez ses calculs, et vous pourrez remarquer qu’il confond tellement ces deux objets, qu’il impute ce qu’il doit aux soldats sur ce qu’il doit au trésor, de telle sorte que les 13 millions sembleraient avoir été remis en numéraire aux soldats et non à lui.
En supposant que M. le ministre de la guerre ait reçu des soldats six millions pour être employés en extinction de la dette qu’ils ont contractée envers lui en achetant des effets à son magasin, voici comment cette somme a dû être reçue :
1° Du trésor, au moyen du crédit alloué au budget pour la masse d’habillement ;
2° Des soldats, par supplément de retenue, en vertu de l’article 63 du règlement ;
3° Des mêmes, par des versements volontaires faits par eux ou par leurs parents.
Il n’y a pas d’autre moyen de libération possible.
Voyons maintenant ce que c’est que la masse d’habillement au budget. Chaque année M. le ministre de la guerre établit le budget des dépenses et demande les sommes nécessaires pour les acquitter, c’est-à-dire pour payer les dettes de l’Etat envers l’armée.
La portion de solde réservée pour payer à la décharge des soldats ce qu’ils redoivent sur leurs effets, ou qui doit être restituée à la fin de l’année, est allouée au budget sous le titre masse d’habillement ; elle y figure intégralement, et M. le ministre les touche aussi intégralement. Et vous comprendrez facilement, messieurs, que cela doit être ainsi, précisément parce qu’elle est une portion de la solde, et que personne ne peut ni la détourner de sa destination ni dépouiller ceux qui auraient droit d’en demander la restitution.
M. le ministre reçoit donc ces sommes intégralement, et lorsque ses prévisions ont été au-dessus de ses besoins et qu’il vient vous demander de transférer les excédants de crédit d’un budget ou d’un article à un autre, jamais la masse d’habillement ne contribue à ces restitutions, sauf pour la quotité relative aux hommes manquants, parce que, comme je vous l’ai déjà dit, cette masse est une créance des soldats sur l’Etat qui ne peut se dispenser de l’acquitter.
Quant aux diminutions que peuvent subir les autres articles de ce budget, qu’elles proviennent, ou de ce que les prévisions du ministre ont été exagérées ou de ce que l’effectif des hommes a été réduit, ou enfin de la bonne administration du ministre, elles doivent rester ou rentrer au trésor sans compensation ; car le ministre ne pourrait sans crime garder l’excédant de ses crédits, ni le dépenser inutilement sans être accusé de prodigalité, et en faisant des économies il ne fait que son devoir.
Je ne conçois réellement pas comment le ministre peut se faire un mérite de ces diminutions.
Je vais maintenant essayer d’adapter à l’avance rétablie sur sa véritable base les calculs par lesquels M. le ministre a opéré les réductions qu’il annonce dans son rapport.
1° On a déduit du crédit alloué aux soldats pour masse d’habillement au budget de 1833 6/10 de la valeur des effets en magasin.
Mais par cette opération vous leur faites payer des effets qu’ils ne reçoivent pas et les mettez dans l’impossibilité de payer ceux qu’ils ont reçus ; d’où résulte pour eux la nécessité de recourir à leurs ressources particulières ou à celles de leurs parents, pour solder les dettes dont leurs livrets sont surchargés ; et c’est à cette condition que vous leur accordez des permissions.
Vous dépouillez d’ailleurs ceux qui ont soldé leurs masses de ce qui devrait leur revenir à la fin de l’année par suite du décompte auquel ils ont droit.
2° On a pris en moins dans les allocations portées au budget pour masse d’habillement.
Mais ces allocations ont une destination dont on ne peut les détourner ; les sommes qui en font l’objet sont censées remises par les soldats au ministre en déduction des effets qu’ils en ont reçus ; ne pas les encaisser c’est les en dépouiller, c’est payer la dette du magasin avec ce qui leur appartient sans que cela diminue en rien la dette constatée par leurs livrets.
Quand, de cette manière, et au moyen des versements plutôt forcés que volontaires que l’on obtient des soldats, le trésor aura été remboursé de l’avance faite aux corps, à qui appartiendront les effets qui resteront en magasin ? et qui en touchera le prix ? Vous ne pouvez donc les faire payer d’avance sans vous placer dans la nécessité de les faire payer deux fois ; et à qui cela profite-t-il ? Ce n’est ni au trésor ni aux soldats.
On a reçu, tant au moyen des suppléments de retenues que des versements volontaires, 2,845,253 fr. 33 c.
Les militaires qui ont ainsi soldé ce qu’ils devaient à leur masse vont sans doute jouir des avantages du décompte annuel, conformément à ce que nous a dit M. le ministre de la guerre, page 8 de son rapport du 11 décembre 1834, où l’on trouve ce qui suit : « Quand il est parvenu (le soldat), soit par ses retenues successives, soit par des versements volontaires, à s’acquitter de tout ce qu’il redevait à son corps pour les fournitures qu’il en a reçues en effets d’habillement et petit équipement, il a droit au décompte annuel de sa masse, et c’est alors qu’il touche au 10 novembre de chaque année le 4/5 du boni résultant de son compte ouvert sur les allocations de sa masse d’entretien et d’habillement, et le 1/5 restant, s’il n’excède pas 6 francs, est reporté au compte nouveau. Ainsi le veut l’article 71 du règlement. »
Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent ; car jusqu’à ce jour il n’y a pas encore eu de décompte à faire, et c’est M. le ministre qui nous l’apprend, page 9 de ce même rapport où il dit : « N’ayant pas encore de décomptes à faire aux hommes sur cette masse, ils n’ont pas été dans l’obligation (les corps) de demander des fonds pour payer les décomptes auxquels il n’était encore ouvert aucun droit. »
Ces décomptes ne seront donc payés que lorsque l’avance aura été entièrement remboursée. Il serait possible toutefois que cette phrase que j’ai citée, du rapport de M. le ministre de la guerre du 11 décembre 1834 : « N’ayant pas encore de décomptes à faire aux hommes de cette masse, » fût la conséquence du pied de guerre que l’on maintient avec tant de sollicitude.
L’article 71 du règlement, qui assure le décompte annuel au soldat qui doit moins que la valeur de ses effets, porte : « Ce décompte n’aura pas lieu pour les troupes en campagne, et le paiement de l’excédant ne se fera, de la manière prescrite, qu’après la campagne terminée. »
Or, notre armée étant sur le pied de guerre et aussi en campagne, c’est tout ce qu’il faut pour soutenir et garder ce qu’on doit aux soldats.
J’ai voté contre la loi du contingent sur le pied de guerre ; je voulais le contingent et ne voulais pas le pied de guerre.
Nous sommes dupes des mots, messieurs ; car en dernière analyse qu’est-ce, que c’est que le pied de guerre ? C’est pour les états-majors et certains officiers, des frais et des indemnités pour des campagnes de la façon de celles dont parle Béranger,
« Où près du feu l’un l’autre se bravant
« On trinque assis derrière un paravent. »
Pour les soldats, la non-jouissance d’une portion de solde qu’on ne peut leur refuser sans une grave injustice.
La manœuvre est habile, il faut en convenir ; mais la chambre doit-elle en souffrir ? D’après la marche adoptée pour le remboursement de l’avance, les dettes personnelles à chaque soldat n’en forment plus qu’une seule à payer solidairement par tous, et au remboursement de laquelle contribueront ceux mêmes qui ne doivent rien à leur masse, puisqu’ils ne recevront leur décompte que lorsque tout sera payé.
Ainsi, tous les comptables grands et petits, qui ont pris part au maniement des 13 millions avancés, n’ont plus rien à démêler avec le trésor ; c’est aux soldats à en répondre.
C’est une injustice d’autant plus grande que les soldats n’ont aucun moyen de s’y soustraire.
Je ne veux pas rechercher les motifs sur lesquels on s’est fondé pour en agir ainsi. Mais je vous déclare, messieurs, qu’un grand nombre de soldats se sont plaints à moi de ce qu’on a surchargé leurs livrets d’effets qu’ils prétendent n’avoir pas reçu.
Quoi qu’il en soit, l’avance, je le répète, a été faite au ministre et non aux soldats ; c’est le ministre seul qui devra en rendre compte, en justifiant des achats qu’il aura faits, des effets confectionnés, du prix qu’on a retiré de ceux vendus, et de la valeur de ceux qui restent en magasin.
Les soldats n’interviendront pas plus dans cette liquidation que la société générale dans celle d’Utrecht, si elle a lieu.
Nous verrons alors s’il y a bénéfice ou perte pour le gouvernement à vendre des habits aux soldats, en les leur faisant payer au moyen d’une retenue sur leur solde, ou s’il ne vaudrait pas mieux diminuer leur solde et leur donner des habits gratis comme cela se pratique ailleurs. Quant à moi je suis persuadé que le mode suivi aujourd’hui prête à des maniements et remaniements de fonds et de matière qui ne tournent ni au bénéfice des soldats ni à celui du trésor. Tout cela pouvait être fort bon lorsque le fils du roi Guillaume était ministre de la guerre et sous un gouvernement qui s’ingéniait à trouver à placer partout des dispositions propres à exercer l’esprit éminemment spéculateur des Hollandais ; mais cela ne convient ni à nos mœurs ni à notre régime constitutionnel.
Je reproduirai ici l’exemple que nous a donné M. le ministre de la guerre dans ses dernières observations pour nous faire goûter son système.
Je suppose, dit-il, que le trésor était en avance pour un corps de l’armée, à l’époque du 1er janvier 1833, de la somme de 100,000 fr.
Le total des allocations de ce corps a été réglé, par les revues trimestrielles de l’exercice 1833 à 720,000 fr.
Remarquez, messieurs, que c’est par les feuilles de revue que ces allocations ont été réglées et non par le budget.
Mais il n’a touché au trésor que 680,000 fr.
Il a donc touché en moins 40,000 fr. qui viennent en déduction de sa dette.
C’est ainsi, ajoute le ministre, que les corps touchant des sommes inférieures à celles qui leur sont acquises en allocations (M. le ministre oublie d’ajouter par les feuilles de revue) se sont successivement acquittés.
N’en croyez rien, messieurs. Ces 40,000 fr., au lieu d’être payés en moins par le trésor, l’ont été en plus et par le trésor, quoi qu’en dise M. le ministre des affaires étrangères ; et cette comptabilité n’est pas du tout régulière, quoi qu’en dise M. le ministre des finances.
J’emprunterai cet exemple à M. le ministre de la guerre pour lui répondre, et je dis : Le total des allocations de ce corps, telles qu’elles ont été réglées pour le budget, est de 680,000 fr.
Les dépenses du corps, telles qu’elles sont arrêtées par les feuilles de revue, sont de 720,000 fr.
Il manque pour solder les dépenses 40,000 fr., que le corps prendra dans la caisse du magasin du ministre, qui par ce moyen sera dispensé de les verser au trésor.
C’est ainsi qu’en réglant les dépenses sur les feuilles de revue au lieu de les restreindre dans les limites du budget, on arrive à avoir besoin d’une caisse particulière pour dissimuler le montant réel de ces dépenses, car il est incontestable que ces 40 mille francs qui ont été dépensés, au lieu d’être versés au trésor, forment un accroissement au budget, soldé par une recette qui n’appartient pas plus au département de la guerre que celle faite par les comptables ordinaires et l’Etat, pas plus que le produit des ventes faites par le ministre de la guerre dans les arsenaux et forteresses des chevaux de réforme, etc., car l’accroissement dont il s’agit ici est précisément celui qui est interdit par l’ordonnance française que j’ai déjà citée, et a eu lieu par le moyen qu’elle interdit.
M. le ministre de la guerre a saisi avec empressement ce qu’a dit l’honorable M. Dubus dans la séance du 22 décembre : que les besoins du service de la guerre pouvaient avoir été calculés dans la prévision de recouvrements à faire et destinés à compléter les sommes nécessaires pour y faire face ; mais je doute, d’après les explications que je viens de donner à la chambre, qu’il soit nécessaire de dire qu’il n’en est rien. D’ailleurs les tableaux joints au budget sont là pour prouver que toutes les dépenses y ont été calculées intégralement sans diminution aucune.
M. le ministre de la guerre nous a encore dit : « Vouloir faire verser au trésor le montant de ces retenues pour que le trésor les reverse ensuite à la caisse des corps, me semble une complication bien inutile dans les écritures et constituerait une dépense, pour recette à la banque, que l’on peut épargner. »
Au premier abord on serait tenté d’applaudir à cet esprit d’économie ; mais lorsqu’après avoir tout examiné, tout pesé, on reconnaît que le résultat de cette économie est de permettre au ministre de disposer de plus d’argent que ne lui en accorde le budget, je ne dis pas ce que l’on fait alors, mais très certainement on n’applaudit pas.
M. le ministre de la guerre a trouvé qu’il n’était pas convenable de poser comme un fait qu’il avait épuisé les fonds de tous les budgets, et d’en faire le fondement d’une grave accusation ; et il en a fait un grief à l’honorable représentant de la deuxième section qui avait osé parler de la sorte.
Je dirai moi, que je doute qu’il convienne dans l’intérêt de M. le ministre, de provoquer de nouvelles observations sur cet objet.
Recettes et dépenses extraordinaires et imprévues.
Suivant l’article 156 du règlement du premier février 1819, la caisse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues doit rendre un compte annuel au ministre.
Que ce règlement continue, en attendant qu’il soit remplacé, à recevoir son exécution quant à la tenue des écritures, je le veux bien ; mais je soutiens qu’il est abrogé quant aux dispositions qui tendent à soustraire des caisses alimentées par les fonds du trésor aux investigations de la cour des comptes : cela est incompatible avec le gouvernement constitutionnel représentatif que nous nous sommes donné.
Mais l’excédant de ce compte, lorsqu’il est présenté, le ministre n’en dispose que d’après les intentions du Roi.
Je n’entends pas ici discuter ou contester les prérogatives royales ; je voudrais plutôt les étendre que les restreindre ; mais la chambre a droit d’exiger que ce compte lui soit communiqué ; elle le doit même pour s’éclairer sur le taux réel de certaines dépenses dont le superflu se verse dans cette caisse ; elle y verrait que des crédits y sont entrés presqu’en totalité.
Boni des hôpitaux.
Le boni des hôpitaux forme aussi une caisse de cette nature.
On y verse la portion de la solde des sous-officiers et soldats qui excède ce qu’on leur réserve pour menues dépenses, fixées pour les sous-officiers à dix centimes et pour les soldats à cinq centimes.
Il paraît qu’elle fait partie de celle des régiments.
Il est nécessaire que la chambre sache à quoi s’en tenir sur l’importance des sommes qui sont aussi versées dans les caisses de l’administration des corps et l’usage que l’on en fait ; ce sera peut-être un moyen de connaître quel rôle le vol de caisse dont le public s’est entretenu, joue dans la comptabilité de l’administration des corps : M. le ministre aurait bien dû nous en dire un mot ; comment un major de garde civique, condamné par la cour militaire à restituer 18 ou 20,000 fr., s’est trouvé libéré sans avoir déboursé un liard, et d’autres comment encore.
Quoi qu’il en soit, il est absurde de porter 100,000 francs au budget pour supplément de solde des militaires traités dans les hôpitaux civils, tandis que ce qui reste de la solde des soldats traités dans les hôpitaux militaires, après déduction des menues dépenses, est versé à la caisse particulière des régiments. N’est-il pas naturel au contraire que l’Etat reçoive ce restant pour s’indemniser des sommes énormes qu’il dépense en médicaments, drogues, emplâtres et sangsues de toute espèce ?
Les ambulances et les hôpitaux coûtent 800,000 fr. à l’Etat.
La chambre ne peut pas rester indifférente, sur un objet qui intéresse le trésor à ce point, surtout lorsqu’elle a le moyen de diminuer considérablement cette dépense, car le boni des hôpitaux a une grande importance.
J’aurai vu avec une vive reconnaissance que M. le ministre de la guerre qui nous a si généreusement remis 23 millions sur les économies qu’il a faites en 1832, 1833 et 1834, eût appliqué sa générosité au boni des hôpitaux dont lui seul dispose ; il y aurait eu beaucoup de mérite de sa part à en agir ainsi.
Fourrages.
On se plaint souvent dans cette enceinte de ce que le trésor paie des rations de fourrages pour des chevaux qui n’existent pas ; cet abus existe toujours.
Pour y remédier, M. le ministre de la guerre a imaginé d’exiger des officiers leur parole d’honneur qu’ils ont les chevaux voulus par l’ordonnance.
Je crois à l’efficacité de cette mesure ; mais avant d’y recourir, il fallait que celle prescrite par le règlement fût reconnue inefficace. Or, comment le savoir ? on ne l’exécute pas, La voici ; elle fait l’objet de l’article 351 du règlement du 1er février 1819, ainsi conçu :
« Tous les militaires sans distinction de rang, ayant droit à l’indemnité de fourrages, représenteront leurs chevaux ou les feront représenter par un officier au commandant de place, le premier jour de chaque trimestre, en remettant en même temps une feuille de signalement des chevaux, lesquelles feuilles seront envoyées par ledit commandant à l’agent du département de la guerre du commandement général chargé de tenir le contrôle prescrit par l’article 317. »
C’est à la cour des comptes que je me suis assuré que cet article ne reçoit pas son exécution, et un de mes amis m’a certifié qu’il était arrivé malheur à un militaire de sa connaissance pour avoir voulu qu’un cheval qui était au vert pendant l’hiver lui fût représenté. Quoique propre à servir longtemps encore, et très capable, on l’a mis à la retraite.
Quoi qu’il en soit, la parole d’honneur ne valant rien comme pièce de comptabilité, il faut en revenir aux feuilles prescrites par l’article 351 du règlement.
Comptabilité générale.
Loi des comptes.
Je ne terminerai pas mes observations générales sur le budget de la guerre sans parler de la comptabilité générale et de la loi des comptes.
Je ne cesserai de le dire à la chambre, il faut vouloir ce qu’ont voulu la constitution et la loi du 30 décembre 1830 qui crée une cour des comptes. Il faut des lois organiques, des principes et des règlements d’administration qui en soient la conséquence.
Les règlements que l’on invoque chaque jour ici sont incompatibles avec notre loi fondamentale ; la cour des comptes n’a pas manqué une seule occasion de vous le dire, les maintenir c’est manquer à nos engagements.
En quoi consiste pour le ministre de la guerre le visa préalable qui, dans l’intention du congrès qui l’a prescrit, devait mettre le trésor de l’Etat à l’abri de toute dépense non suffisamment justifiée ou non allouée au budget ? Il est sans objet pour les 5/6 des dépenses de la guerre, c’est-à-dire pour plus de 33 millions.
Le ministre reçoit cette somme sur ses simples ordonnances, sauf régularisation ; mais la dépense payée, il devient beaucoup plus difficile de vérifier les pièces produites pour régulariser les dépenses qu’il ne l’eût été de faire remplir préalablement les conditions d’admission que l’intérêt du trésor aurait pu prescrire : d’ailleurs, en supposant que la régularisation ne fût pas satisfaisante et qu’il y eût lieu à exiger la restitution de ce qui aurait été payé, cela ne présenterait-il pas dans bien des cas des difficultés insurmontables ?
Il faut qu’un règlement prescrive toutes les formalités qu’une dépense doit subir, et les pièces dont elle doit être accompagnée avant qu’elle puisse être payée, sauf à établir quelques exceptions en faveur de celle dont le paiement ne peut être différé sans danger, ou sans de grands inconvénients.
Au lieu du visa préalable voici ce qui se passe :
Les 33 millions dont je viens de parler sont mis par le ministre à la disposition des intendants qui les distribuent aux différents corps d’après leurs demandes.
Pour justifier l’emploi de ces fonds les corps rédigent des feuilles de revue, les intendants les vérifient dans leurs bureaux, on en fait autant au ministère, autant à la cour des comptes, c’est-à-dire qu’on y vérifie les additions, car quelle autre vérification peut-on y faire ?
Là elles sont visées et définitivement apurées, c’est du moins ainsi que l’entend M. le ministre de la guerre, de sorte que selon le ministre nous n’aurons plus rien à faire quand la loi des comptes nous sera présentée, attendu que, suivant les propres expressions du ministre, les feuilles de revue sont la base et le résultat de toute comptabilité, ou si vous le voulez, le principe et la fin.
Cela étant, je suis fort en peine de m’expliquer comment se réalisera ce que nous dit M. le rapporteur de la section centrale à propos des crédits qui jusqu’à ce jour n’ont été fondés que sur des hypothèses ; voici ses paroles :
« Il résulte de là que les comptes des exercices précédents sont aujourd’hui les meilleurs moyens de contrôle. Ils serviront plus tard de règle pour l’établissement des budgets futurs. »
Je vous le demande, messieurs, quelle lumière voulez-vous que nous tirions des comptes rendus d’après des règlements qui seraient parfaits s’ils avaient été destinés à nous empêcher de remplir notre mandat ?
Quelle confiance pouvons-nous avoir dans les dépenses qui figureront dans les comptes des exercices antérieurs à 1835, du département de la guerre, lorsque les 5/6 des crédits alloués au ministre ne forment qu’une masse dont il a pu disposer comme il l’a voulu ; et il ne s’en est pas caché, car il vous a dit le 20 décembre 1833, lorsqu’il demandait que le traitement du pharmacien en chef fût porté à 3,300 francs : « Si la commission persiste dans son chiffre, je tâcherai de compléter les honoraires du pharmacien de première classe par le moyen des congés qui seront accordés en grand nombre ; » et le 21, à propos des frais de table des généraux, qui avaient été rejetés : « Les congés qui auront lieu me permettront, je pense, de faire face à cette dépense. »
Enfin, il vous a dit dans son rapport du 11 mars 1835 : « Il n’y a point eu de fonds spécial pour les remontes de la cavalerie et de l’artillerie porté au budget de 1833 et 1834, attendu que les budgets accordaient l’allocation de la masse des fourrages au compte de l’organisation des troupes de cavalerie et d’artillerie, et non sur l’effectif des chevaux au 1er janvier, et que j’avais déclaré aux commissions des budgets pour ces deux exercices que je prélèverais sur les fonds disponibles des fourrages ceux qui seraient nécessaires à l’achat des chevaux de remonte, sans avoir conséquemment besoin de faire un fonds spécial pour cet article. »
Il résulterait de ces aveux de M. le ministre de la guerre qu’il dépend de lui de distribuer ou de garder, au lieu d’en faire profiter le trésor, les économies que l’on peut obtenir en délivrant des congés temporaires, et que s’il a pu acheter des chevaux pour lesquels aucun crédit n’était ouvert au budget avec ce qui avait été alloué pour les fourrages, vous avez perdu votre temps à discuter tous les budgets.
Quant à moi, la seule conséquence que je veuille en tirer, c’est que nonobstant l’opinion de l’honorable M. de Puydt il serait dangereux de prendre les budgets passés pour régler les budgets à venir.
Je me réserve de faire d’autres observations lors de la discussion des articles.
M. A. Rodenbach. - Avant de prendre la parole, je demanderai si personne ne se propose de parler en faveur du budget. Je vais parler contre le budget ; si un orateur voulait défendre le budget, je lui céderais mon tour de parole.
M. Brabant. - Je parlerai en faveur du budget, mais je ne juge pas à propos de le faire maintenant.
M. A. Rodenbach. - Je prends la parole, messieurs, quoique ce ne soit pas chose fort aisée de répondre à un discours hérissé de chiffres, aussi long que celui que vient de prononcer M. le ministre de la guerre ; je tâcherai cependant de répondre à quelques paragraphes de ce discours.
M. le ministre de la guerre, avant d’avoir été attaqué, a commencé par faire son éloge. Je ne nie pas qu’il y ait du vrai dans ses assertions, mais aussi je pense qu’il n’a pas toujours eu raison dans ce qu’il a avancé. Je vais tâcher de le suivre dans les chiffres qu’il a posés de nos dépenses depuis cinq ans pour le département de la guerre.
Si j’ai bien entendu, il a dit qu’en 1831 l’administration de la guerre avait coûté 77 millions ; en 1832, 72 millions ; en 1833, 51 millions ; en 1834, 42 millions, et en 1835 40, ce qui fait pour les cinq années une somme de 282 millions, et si nous ajoutons le budget qu’on nous demande pour 1836, la dépense pour les six années s’élèverait à 320 millions. Le ministre comparant ensuite les dépenses des années 1832, 33 et 34 avec les dépenses de la Hollande pendant les mêmes exercices, fait remarquer que dans ce pays on avait dépensé 60 millions de plus qu’en Belgique. A cela, je répondrai que de tout temps le système militaire de la Hollande a été considéré comme coûtant très cher et qu’il en est encore ainsi aujourd’hui.
Je demanderai ensuite à M. le ministre de la guerre si une armée de la force de la nôtre coûterait en Prusse 320 millions ? Non certainement ; c’est qu’en Prusse on sait compter. Je suis persuadé qu’en Prusse, pour organiser une armée comme la nôtre, on eût dépensé 25 à 30 p. c. de moins. En France aussi, on eût dépensé beaucoup moins qu’en Belgique.
Si vous voulez établir une comparaison pour prouver que le système d’organisation de notre armée n’est pas trop onéreux, vous ne devez pas prendre pour point de comparaison le pays qui passe pour avoir une organisation militaire très dispendieuse, vous auriez pu prendre aussi bien l’organisation militaire de l’Angleterre qui est plus chère encore que celle de la Hollande, et conclure que la nôtre était très économique.
Mais c’est la France et la Prusse qu’on aurait dû prendre pour point de comparaison, nous aurions vu alors si réellement notre armée était organisée avec économie.
Le budget de la guerre a subi dans cette chambre cinq investigations ; chaque fois il a été examiné par des sections centrales et deux fois par des commissions spéciales. Toutes ces investigations n’ont servi qu’à peu de choses. Nous ne sommes guères plus éclairés aujourd’hui, car nous sommes encore réduits à voter un budget de confiance. Des notes sur une feuille de dépenses ont manqué à la section centrale, les explications qui lui ont été données n’ont pas été satisfaisantes.
Le ministre a fait l’éloge du rapport de la section centrale ; il ne trouve pas les réductions proposées trop fortes ; mais nous, nous trouvons exorbitante la dépense de 320 millions pour l’organisation de notre armée,
Ensuite on a signalé des abus dans la manière dont ces dépenses ont été faites.
Le ministre a dit qu’on l’avait accusé d’avoir reçu des pots de vin ; pour moi, je ne le crois pas, d’ailleurs, la Belgique n’est pas un pays au vin, ce seraient tout au plus des pots de bière ; mais, je le répète, je ne le crois pas.
- Plusieurs membres. - Oh ! oh !
M. A. Rodenbach. - Messieurs, l’expression pots de bière n’est pas plus triviale que celle de pots de vin. Je m’étonne des réclamations que j’entends. J’avais dit d’ailleurs que je n’ajouterais aucune foi à cette accusation et je dirai de plus que je ne crois pas que la presse se soit permis de la porter contre M. le ministre.
M. le ministre nous a dit que des tentatives de corruption avaient été faites auprès de lui et qu’il les avait repoussées. Il me semble qu’il n’a pas en cela rempli tout son devoir, il aurait dû signaler les fripons à la justice et les faire poursuivre.
- Plusieurs membres. - C’est en France que cela s’est passé.
M. A. Rodenbach. - Il me semble qu’il y a une justice en France comme en Belgique, et M. le ministre a manqué à son devoir en ne livrant pas à la justice les individus qui ont tenté de le corrompre en France.
L’honorable député d’Audenaerde vous a parlé d’un officier qui, après avoir malversé dans un corps, fut placé comme comptable dans un autre corps par le ministre, malgré les réclamations du chef de ce corps. Je pense que rien ne peut justifier une protection accordée à un homme de cette espèce.
On vous a entretenus des lits en fer adoptés pour l’armée. J’approuve le ministre de s’être occupé d’améliorer le couchage de nos soldats.
Nous l’aiderons toutes les fois qu’il voudra introduire des améliorations, nous lui saurons gré de tout ce qu’il fera dans l’intérêt de la santé de notre armée. Mille soldats sont rentrés dans leurs foyers pour ophtalmie. Cette maladie existe encore, on dit qu’elle est beaucoup, diminuée. Je crains que cette diminution du mal ne soit qu’apparente ; si on compte moins d’ophtalmistes dans l’armée, peut-être est-ce parce qu’on les renvoie chez eux ? Dans une statistique qu’on nous a fait connaître, nous voyons que sur 4,000 ophthalmistes qu’il y a en Belgique 1,000 sortent de l’armée.
J’ai déjà dit que j’approuvais l’intention du ministre d’améliorer le couchage des soldats ; mais je doute que les calculs qu’il a faits sur les offres de la compagnie Legrand et de Destombes. calculs que je n’ai pas pu bien suivre, je doute,dis-je, que ces calculs soient exacts.
Destombes a offert de fournir le couchage de 20,700 hommes, pendant 20 ans, non compris les lits en fer pour 375 mille francs par an. La compagnie Legrand a offert de fournir le couchage de ces 20.700 hommes, y compris les lits en fer, moyennant 452 mille francs. Différence de 57 mille fr. en plus par an pour le loyer des lits en fer. Je demanderai si cette rente de 57 mille fr. par an n’est pas plus onéreuse que la dépense de 500 mille fr. qu’on aurait dû faire pour acquérir les 20,700 couchettes en fer, prix auquel les a portées M. le ministre dans des explications qu’il a fait insérer dans le Moniteur.
Je demande s’il n’y aurait pas plus d’économie à faire cette acquisition, d’autant plus qu’au bout des 20 ans il eût encore les couchettes ; à la vérité, elles n’eussent plus eu que la moitié ou le tiers de leur valeur primitive, mais encore c’eût été une somme de 180 à 200 mille francs qui serait restée.
Je n’accuse pas le ministre de compérage, mais je pense qu’il s’est trompé. Je ne crois pas qu’on puisse établir qu’il n’est pas plus avantageux d’acheter des couchettes à raison de 27 francs, que de les louer à raison de 2,75 par an.
J’attendrai là-dessus les explications de M. le ministre.
J’ai quelques mots à dire encore sur le service de santé. Je sais qu’un projet spécial est présenté pour régler ce service ; mais en attendant qu’il soit mis en discussion, je crois devoir faire quelques observations. On a dit, pour presser l’organisation de ce service, qu’il y avait 60 ou 80 chirurgiens non commissionnés ; je ferai observer qu’il y a une foule de chirurgiens qui ont obtenu des diplômes dans nos universités et qu’on pourrait employer.
Nous avons quatre universités et six écoles secondaires de médecine, c’est plus qu’il n’en faut pour fournir aux besoins du service. On a parlé de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne ; mais ces pays qui sont plus grands que la Belgique, ne possèdent pas comme nous quatre universités et six écoles secondaires de médecine. En France, il n’y a que trois facultés, Montpellier, Strasbourg et Paris. Il n’y a donc pas autant de facilité qu’en Belgique.
D’ailleurs, j’ai entendu, dire par des personnes d’un mérite transcendant que, pour le service de santé, il suffisait d’avoir bien fait ses études et fréquenté pendant quelque temps les hôpitaux. Les militaires ne sont pas autrement constitués que les autres. Les officiers de santé militaires peuvent avoir de plus à panser quelques plaies de duel, et voilà tout, car nous n’avons pas la guerre.
Quant aux chirurgiens non commissionnés, dont on a parlé, qu’on leur fasse subir des examens, et s’ils n’ont pas la capacité nécessaire, qu’on les renvoie. Dans les administrations, on élimine les incapables ; qu’on en fasse autant pour le service de santé de notre armée.
Je suis persuadé qu’on trouverait au besoin cent chirurgiens gradués de nos universités, ayant toutes les connaissances nécessaires, qui seraient flattés de recevoir une commission d’aide-major ou de sous-aide. Quand nous examinerons le projet de loi présenté, nous discuterons cette question.
Je pense que M. le ministre renonce provisoirement, jusqu’à ce que cette loi soit votée, au crédit de 18 mille francs qu’il avait demandé pour ce service.
M. le ministre répondra sans doute à ce qu’a dit M. Jadot concernant les ventes d’effets militaires.
On a encore signalé des abus relativement à ce que l’en appelle la masse du soldat ; je crois que le ministre répondra et nous fera connaître la valeur de toutes ces assertions. Depuis cinq années son département coûte à la Belgique 320 millions ; tons les autres ministères ensemble ne coûtent pas davantage ; les abus qui s’introduisent dans ce département peuvent donc avoir les plus funestes effets pour le trésor.
M. le président. - La parole est à M. Doignon.
M. Doignon. - Les discours que l’on vient d’entendre abrégent ma tâche, et il ne me reste plus que quelques observations à présenter sur divers abus ; mais je peux placer ces observations dans la discussion des articles. (A demain ! à demain !)
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, j’ai pris note des observations faites par les divers orateurs ; je me propose d’y répondre, mais je demanderai à n’être entendu que demain ; j’ai besoin de prendre des renseignements, afin de rendre mes réponses pertinentes. (A demain ! à demain !)
M. le président. - La réunion aura lieu demain à midi ; on fera l’appel nominal avant midi et demi.
- La séance est levée à 4 heures et demie.